Nations Unies

CAT/C/MNE/CO/3

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

2 juin 2022

Français

Original : anglais

Comité contre la torture

Observations finales concernant le troisième rapport périodique du Monténégro *

1.Le Comité contre la torture a examiné le troisième rapport périodique du Monténégro à ses 1889e et 1892e séances, les 27 et 28 avril 2022, et a adopté les présentes observations finales à sa 1905e séance, le 10 mai 2022.

A.Introduction

2.Le Comité sait gré à l’État partie de lui avoir soumis son rapport périodique conformément à la procédure simplifiée d’établissement des rapports, qui permet d’améliorer la coopération entre l’État partie et le Comité et d’orienter l’examen du rapport ainsi que le dialogue avec la délégation.

3.Le Comité se félicite du dialogue qu’il a eu avec la délégation de l’État partie et accueille avec intérêt les informations complémentaires et les explications apportées en réponse aux préoccupations qu’il avait exprimées.

B.Aspects positifs

4.Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption par l’État partie des mesures législatives, administratives et institutionnelles ci-après dans des domaines intéressant la Convention :

a)La modification du Code pénal visant à prescrire des peines plus sévères pour les infractions de violence conjugale ou de violence familiale, adoptée en décembre 2021 ;

b)Les modifications du Code pénal prévoyant des peines plus sévères en cas de mise en danger de la sécurité des journalistes, adoptées en décembre 2021 ;

c)La modification du Code pénal, adoptée en 2017, qui vise à ériger en infraction certains types de violence à l’égard des femmes (harcèlement, mutilation génitale féminine et stérilisation forcée), comme l’exige la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (la Convention d’Istanbul) ;

d)La modification en 2016 de la loi sur la famille, consacrant l’interdiction de toutes les formes de violence à l’égard des enfants, y compris les châtiments corporels dans tous les contextes, comme le recommande le Comité ;

e)L’adoption de la stratégie de prévention et de protection des enfants contre la violence pour la période 2017-2021 ;

f)L’adoption d’une nouvelle stratégie quinquennale pour l’inclusion sociale des Roms et des Égyptiens au Monténégro pour la période 2021-2025 ;

g)L’adoption de la stratégie visant à améliorer la qualité de vie des personnes LGBTI au Monténégro pour la période 2019-2023.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Questions en suspens issues du cycle précédent

5.Dans ses précédentes observations finales, le Comité a demandé à l’État partie de lui faire parvenir des renseignements sur la suite donnée à ses recommandations tendant à assurer ou à renforcer les garanties juridiques pour les personnes détenues, à mener rapidement des enquêtes impartiales et efficaces et à poursuivre les suspects et sanctionner les auteurs d’actes de torture ou de mauvais traitements. Le Comité prend note avec intérêt des réponses envoyées par l’État partie le 15 juillet 2015 dans le cadre de la procédure de suivi et de celles figurant dans son troisième rapport périodique mais, compte tenu de la lettre que son rapporteur chargé du suivi des observations finales a adressée au Représentant permanent de la République du Monténégro auprès de l’Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève le 29 août 2016, il estime que les recommandations susmentionnées n’ont été appliquées que partiellement (voir plus bas, par. 8, 18 et 22).

Définition de la torture

6.Le Comité prend note de la déclaration de l’État partie selon laquelle les modifications qui vont être apportées au Code pénal seront conformes aux précédentes recommandations du Comité puisqu’elles reprendront intégralement les éléments figurant à l’article premier de la Convention et supprimeront le délai de prescription pour les actes de torture, mais constate avec préoccupation qu’à l’heure actuelle, la définition de la torture dans le Code pénal n’est toujours pas alignée sur l’article premier de la Convention, que les actes de torture ou les mauvais traitements ne sont pas encore sanctionnés par des peines proportionnées à leur gravité et que le délai de prescription pour le crime de torture est toujours en vigueur (art. 1er et 4).

7. Le Comité rappelle ses précédentes observations finales et demande instamment à l’État partie d’accélérer l’adoption des modifications de l’article 167 (par .  2, lu conjointement avec le paragraphe 1) du Code pénal afin d’incorporer dans la définition juridique de la torture tous les éléments figurant à l’article premier de la Convention, et de faire en sorte que les peines pour torture soient proportionnées à la gravité de l’infraction, comme le prévoit l’article 4 (par .  2) de la Convention . L’État partie devrait aussi rendre l’infraction de torture imprescriptible afin d’écarter tout risque d’impunité et de garantir que les actes de torture font l’objet d’une enquête et que leurs auteurs sont poursuivis et punis .

Garanties juridiques fondamentales

8.Le Comité prend note avec satisfaction des mesures que l’État partie a prises en 2015 pour modifier l’article 268 du Code de procédure pénale comme suite à sa précédente recommandation tendant à ce que l’accès des personnes détenues à un examen médical ne soit plus subordonné à une demande du ministère public, mais il est préoccupé par les informations indiquant que, dans la pratique, les détenus ne bénéficient pas effectivement des principales garanties juridiques dès le début de la privation de liberté. Le Code pénal autorise la police à détenir les suspects pour une durée pouvant aller jusqu’à vingt-quatre heures avant de les déférer devant le parquet, et c’est pendant cette période initiale que la majorité des violations présumées se produisent. Cela suscite des préoccupations quant à la possibilité effective pour les détenus d’avoir accès à un avocat et à un médecin et de prévenir un parent ou une autre personne de leur choix. Le manque de rigueur dans la tenue des registres de garde à vue et des dossiers individuels des détenus est une autre source de préoccupation (art. 2).

9. Rappelant ses précédentes recommandations , le Comité demande instamment à l’État partie de veiller à ce que toutes les personnes arrêtées ou détenues bénéficient dans la pratique, et pas seulement en droit, dès le début de leur privation de liberté, de toutes les garanties juridiques fondamentales contre la torture, notamment des droits suivants :

a) Être informées sans délai, dans une langue qu’elles comprennent, des charges retenues contre elles et signer un document confirmant qu’elles ont compris les informations qui leur ont été communiquées ;

b) Prévenir un membre de leur famille, ou toute autre personne de leur choix, qu’elles ont été placées en détention ;

c) A voir immédiatement accès à un avocat indépendant ;

d) D emander et obtenir d’être examinées par un médecin indépendant dès le début de leur privation de liberté, en ayant la garantie que : les examens médicaux sont effectués hors de portée de voix et hors de la vue des policiers et du personnel pénitentiaire, à moins que le médecin concerné ne demande expressément qu’il en soit autrement ; le dossier médical est immédiatement porté à l’attention d’un procureur chaque fois que les conclusions ou des allégations donnent à penser que des actes de torture ont pu être commis ou des mauvais traitements infligés ; les professionnels de la santé ne sont exposés à aucune forme de pression indue ou de représailles lorsqu’ils s’acquittent de leur tâche ;

e) Voir leur détention systématiquement consignée dans un registre sur le lieu de détention et dans un registre central des personnes privées de liberté auxquels leur avocat ou les membres de leur famille peuvent avoir accès, conformément à l’Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement .

Aide juridique

10.Le Comité prend acte des efforts faits par l’État partie pour élargir l’accès à l’aide juridique, notamment en ce qui concerne les procédures administratives (par exemple, les demandes d’asile ou la détermination du statut d’apatride), mais reste préoccupé par l’application de la loi de 2011 sur l’aide juridique, qui semble être peu connue des bénéficiaires potentiels, à en juger par le faible niveau des dépenses annuelles déclarées par l’État partie à ce titre. Le Comité est également préoccupé par l’imprécision des dispositions de la loi sur la protection internationale et temporaire des étrangers concernant l’accès à l’aide juridique, qui prévoient que les étrangers peuvent en bénéficier à condition qu’ils n’aient « ni argent ni biens de grande valeur et que leur demande ne soit pas manifestement infondée » (art. 3, 11 et 16).

11. Rappelant ses précédentes recommandations , le Comité prie instamment l’État partie :

a) De redoubler d ’ efforts pour mettre en place un système efficace d ’ aide juridi que gratuite et pour garantir aux personnes et groupes vulnérables une protection et un accès appropriés au système judiciaire, notamment en allouant des ressources suffisantes à l ’ application effective de la loi sur l ’ aide juridi que  ;

b) De prendre les mesures voulues pour que les critères déterminant l’accès à l’aide juridique soient définis clairement et objectivement et ne soient pas sujets à interprétation ;

c) De modifier la loi sur l’aide juridique afin d’inclure les victimes d’actes de torture et de mauvais traitements présumés commis par des agents de l’État parmi les bénéficiaires privilégiés du droit à l’aide juridique ;

d) D’autoriser les organisations non gouvernementales et autres entités compétentes à fournir une aide juridique gratuite financée par l’État .

Institution nationale des droits de l’homme

12.Le Comité est préoccupé par les incidences négatives que la loi de 2018 portant modification de la loi sur le Protecteur des droits de l’homme et des libertés du Monténégro a pu avoir sur l’indépendance, l’autonomie et l’efficacité du bureau du Protecteur. Il note en outre avec préoccupation que la confidentialité et l’indépendance des visites effectuées par le mécanisme national de prévention − qui relève du bureau du Protecteur − sont compromises par l’obligation de faire signer les rapports de visite par un représentant de l’institution visitée, énoncée dans la loi de 2018. Il accueille avec satisfaction les informations selon lesquelles le niveau d’accès du mécanisme national de prévention aux prisons et aux lieux de détention est satisfaisant, mais s’inquiète de ce que l’application par les autorités des recommandations (ou « avis ») du Protecteur laisse à désirer (art. 2 et 11).

13. L’État partie devrait :

a) Renforcer les capacités du Protecteur des droits de l ’ homme et des libertés du Monténégro , et en particulier du mécanisme national de prévention, en garantissant l’impartialité et l’indépendance de ses membres, en le dotant de ressources suffisantes pour lui permettre de fonctionner efficacement, en veillant à ce qu’il jouisse d’une totale autonomie financière et opérationnelle dans l’exercice de ses fonctions, en renforçant le suivi de l’application de ses recommandations, et en faisant en sorte que les recommandations du mécanisme national de prévention soient appliquées efficacement ;

b) Garantir la participation régulière des représentants des organisations de la société civile aux visites du mécanisme national de prévention dans les lieux de détention ;

c) Modifier le paragraphe 1 de l’article 43a de la loi de 2018 portant modification de la loi sur le Protecteur des droits de l’homme et des libertés du Monténégro, afin de supprimer l’obligation de faire signer les rapports de visite du mécanisme national de prévention par le responsable de l’institution visitée, comme cela est actuellement exigé .

Conditions de détention

14.Le Comité prend note avec satisfaction du recours par l’État partie à des mesures de substitution à la détention, de l’ouverture d’un département spécialisé pour les mineurs et des améliorations apportées à certains lieux de détention, comme le poste de police de Podgorica. Toutefois, il regrette l’absence de progrès en général depuis ses précédentes recommandations à ce sujet, notamment en ce qui concerne la surpopulation carcérale. Il demeure préoccupé par le surpeuplement et le niveau des effectifs dans les établissements pénitentiaires, problèmes qui sont liés à celui de la violence entre détenus. L’accès aux soins de santé (y compris aux soins de santé mentale) et aux activités hors cellule est également un sujet de préoccupation dans certains établissements. Le Comité prend note de la déclaration de l’État partie selon laquelle la construction de nouveaux centres de détention prévue dans la Stratégie pour l’exécution des sanctions pénales (2017-2021) et son Plan d’action devrait commencer en décembre 2022 (et s’achever fin 2024), mais s’inquiète de la persistance de conditions insatisfaisantes pendant la période intermédiaire.

15. L’État partie devrait :

a) Redoubler d’efforts pour remédier au surpeuplement dans les établissements pénitentiaires et autres lieux de détention, notamment en appliquant des mesures non privatives de liberté . À cet égard, le Comité appelle l’attention de l’État partie sur les Règles minima des Nations Unies pour l’élaboration de mesures non privatives de liberté (Règles de Tokyo) ;

b) Continuer de rénover tous les lieux de détention qui en ont besoin afin d’améliorer les infrastructures carcérales et les conditions matérielles de détention, et de mettre les conditions de détention en conformité avec l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela) et les Règles pénitentiaires européennes adoptées par le Conseil de l’Europe ;

c) Recruter et former du personnel pénitentiaire en nombre suffisant pour faire en sorte que les détenus soient traités convenablement et renforcer la prévention, le suivi et la gestion de la violence entre détenus, ainsi que la protection des détenus vulnérables et des autres détenus à risque, conformément aux Règles Nelson Mandela et aux Règles pénitentiaires européennes adoptées par le Conseil de l’Europe ;

d) Veiller à l’allocation des ressources humaines et matérielles nécessaires à une bonne prise en charge médicale et sanitaire des détenus ;

e) Mettre fin à la pratique consistant à placer dans des établissements pénitentiaires les mineurs visés par des mesures de détention, et planifier la construction d’un établissement spécialisé à cet effet ;

Établissements psychiatriques

16.Le Comité note avec préoccupation que les conditions dans les établissements destinés à accueillir les personnes ayant un handicap psychosocial ou intellectuel restent insatisfaisantes. Si la construction de « l’hôpital spécialisé » doit permettre à moyen terme de désengorger l’établissement psychiatrique spécial de Dobrota à Kotor et d’améliorer les conditions matérielles, la situation actuelle est telle qu’il faut agir sans délai (art. 2, 11 et 16).

17. L ’ État partie devrait donner la priorité aux efforts visant à améliorer la situation des personnes handicapées dans les établissements psychiatriques, en particulier dans l ’ hôpital psychiatrique de Kotor . Il devrait renforcer l ’ action menée en vue d ’ accélérer la désinstitutionalisation des personnes présentant un handicap psychosocial ou intellectuel et accroître les investissements dans les services de proximité, en collaboration avec les partenaires concernés .

Enquêtes sur lesallégations de torture et de mauvais traitements

18.Rappelant ses précédentes recommandations, le Comité demeure préoccupé face à la persistance des informations indiquant que les personnes détenues par la police sont soumises à des mauvais traitements physiques et psychologiques ou à des actes de torture visant à leur extorquer des aveux ou à obtenir des informations pendant les interrogatoires. Il demeure également préoccupé par l’inefficacité des enquêtes (notamment pour ce qui est d’identifier les auteurs présumés), par le caractère toujours aussi clément des peines infligées aux agents de l’État reconnus coupables d’infractions d’une telle gravité, notamment par le recours à des peines avec sursis, et par le fait que les agents de l’État faisant l’objet d’une enquête pour ce type d’infraction ne sont toujours pas suspendus. Il est préoccupé par les informations selon lesquelles les enquêtes sur les allégations d’actes de torture ou de mauvais traitements peuvent être menées par le procureur qui est chargé de la procédure visant le détenu à l’origine de ces allégations. En outre, il prend note avec regret de la pratique qui consisterait à transférer la responsabilité de l’enquête à la police dans les cas d’allégations de torture ou de mauvais traitements en garde à vue (art. 12 et 13).

19. L’État partie devrait :

a) Veiller à ce que toute plainte pour acte de torture ou mauvais traitements donne lieu sans délai à une enquête impartiale conduite par un organe indépendant, et à ce qu’il n’y ait aucun lien institutionnel entre les enquêteurs de cet organe et les suspects visés par l’enquête ;

b) Veiller, en cas d’allégation de torture ou de mauvais traitements, à ce que les suspects soient immédiatement suspendus de leurs fonctions officielles pour toute la durée de l’enquête, en particulier s’il existe un risque qu’ils soient en mesure de commettre de nouveau l’acte qui leur est reproché, d’exercer des représailles contre la victime présumée ou de faire obstruction à l’enquête ;

c) Faire en sorte que les auteurs présumés soient dûment poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, condamnés à une peine proportionnée à la gravité de leurs actes ;

d) Veiller à ce qu’un examen médical approfondi soit réalisé lors de l’admission en prison (en particulier à la maison d’arrêt) hors de la présence de policiers ou de fonctionnaires de l ’ administration pénitentiaire, conformément au Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul), et à ce que le personnel médical chargé de l’examen adresse immédiatement un signalement au bureau du procureur s’il a des raisons de croire qu’une personne a été maltraitée ;

e) Élaborer à l’intention des policiers et des autres membres des forces de l’ordre des modules de formation sur les techniques non coercitives d’interrogatoire et d’enquête ;

f) Veiller à l’application effective du règlement de 2013 sur les uniformes, les insignes, les titres et les armes de la police, qui prévoit que tous les policiers en uniforme (y compris les membres des forces d’intervention spéciales) doivent porter des badges à leur nom ou des numéros d’identification sur leur uniforme dans l’exercice de leurs fonctions ;

g) Assurer l ’ enregistrement vidéo systématique des interrogatoires des suspects en garde à vue, et émettre des directives contraignantes concernant la conservation des enregistrements, notamment la durée minimale à respecter .

Régime de l’asile et non-refoulement

20.Le Comité prend note de l’adoption de la loi sur la protection internationale et temporaire des étrangers, qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2018, mais il est préoccupé par le fait que, dans la pratique, les demandeurs d’asile n’ont pas toujours un accès effectif à la procédure d’asile, faute de garanties procédurales suffisantes. La question du refoulement en chaîne est particulièrement préoccupante (art. 2, 3 et 16).

21. L’État partie devrait :

a) Veiller à ce que, dans la pratique, aucune personne ne puisse être expulsée, refoulée ou extradée vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle courrait personnellement un risque prévisible d’être soumise à la torture ou à des mauvais traitements ;

b) Veiller à ce que des garanties procédurales contre le refoulement soient en place et à ce que des recours utiles soient disponibles dans le cadre des procédures de renvoi . Les décisions de renvoi devraient faire l’objet d’un contrôle juridictionnel, au cas par cas, et être assorties d’un droit d’appel avec effet suspensif ;

c) Garantir l’accès au territoire et une protection suffisante et efficace contre le refoulement aux frontières en veillant à ce que les personnes demandant l’asile à la frontière reçoivent immédiatement et dans une langue qu’elles comprennent des informations appropriées sur leurs droits, notamment sur les procédures, les mécanismes de recours et l ’ a ide juridique ;

d) Dispenser aux fonctionnaires de l’immigration une formation sur le droit international des réfugiés et le droit international des droits de l’homme, en particulier sur le principe de non-refoulement et le risque de refoulement en chaîne, et veiller à ce que toutes les procédures normalisées comportent des garanties suffisantes contre le refoulement ;

e) Mettre en place des mécanismes d’orientation et de plainte efficaces et pleinement accessibles dès l’expression de l’intention de demander l’asile ;

f) Redoubler d’efforts pour amener les auteurs d’actes qui mettent en danger la vie et la sécurité des migrants et des demandeurs d’asile à rendre des comptes pénalement, et veiller à ce que les victimes, les témoins et les plaignants soient protégés contre tout mauvais traitement ou acte d’intimidation qui pourrait découler de leurs plaintes .

Impunité des crimes de guerre et recours pour les victimes

22.Rappelant ses précédentes recommandations, le Comité se félicite des efforts récents pour lutter contre l’impunité des crimes de guerre, notamment des actes de torture et des mauvais traitements, mais note avec préoccupation que l’État partie n’a pas progressé pour ce qui est de poursuivre les personnes relevant de sa juridiction accusées d’avoir commis des crimes de guerre pendant les conflits dans les Balkans occidentaux dans les années 1990, en particulier qu’aucune déclaration de culpabilité n’a été prononcée sur le fondement du principe de la responsabilité du commandement ou du supérieur hiérarchique. Depuis 2015, seule une personne a été reconnue coupable de crimes de guerre par une décision de justice définitive rendue dans l’État partie. Selon les informations reçues du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux à la fin de 2020, plusieurs nouvelles affaires sont soumises à l’examen de l’État partie. Le Comité demeure préoccupé par le fait que la majorité des victimes de violations constitutives de crimes de guerre au Monténégro ne se sont pas encorevu reconnaître le droit à réparation (art. 12 à 14).

23. L’État partie devrait redoubler d’efforts pour lutter contre l’impunité des crimes de guerre :

a) En enquêtant activement sur toutes les allégations et en examinant soigneusement tous les éléments de preuve relatifs aux accusations portées contre ses citoyens ou d’autres personnes relevant de sa juridiction, y compris, mais pas seulement, les éléments de preuve à charge contre des auteurs potentiels, obtenus auprès des juridictions voisines, d’autres juridictions étrangères et du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux , notamment les éléments démontrant que la responsabilité pénale de ces personnes est engagée sur le fondement du principe de la responsabilité du commandement ou d u supérieur hiérarchique  ;

b) En menant à leur terme les enquêtes sur toutes les allégations de crimes de guerre, en poursuivant les auteurs de ces crimes et en leur infligeant des peines appropriées, à la mesure de la gravité des actes commis  ;

c) En veillant à ce que toutes les victimes, ainsi que les membres de leur famille, obtiennent réparation et une indemnisation par voie judiciaire ou administrative pour les souffrances endurées, conformément à l’article 14 de la Convention ;

d) En informant régulièrement et activement le public des affaires de crimes de guerre, en tant que questions d ’ importance et d ’ intérêt publics ;

Formation

24.Le Comité prend acte des efforts déployés par l’État partie pour mettre sur pied et dispenser une formation aux droits de l’homme à l’intention des agents de la force publique et des autres acteurs concernés, mais regrette l’absence de suivi et d’évaluation de l’efficacité des programmes de formation pour ce qui est de réduire le nombre de cas de torture et de mauvais traitements (art. 10).

25. L’État partie devrait :

a) Consolider les programmes de formation initiale et de formation continue obligatoires afin que tous les responsables de l’application des lois et les autres acteurs concernés travaillant dans les lieux de privation de liberté connaissent bien les dispositions de la Convention, en particulier en ce qui concerne l’interdiction absolue de la torture, et qu’ils sachent qu’aucun manquement ne sera toléré, que toute violation donnera lieu à une enquête et que les auteurs de violations seront poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, dûment sanctionnés ;

b) Veiller à ce que tous les membres des forces de l’ordre, les juges et les procureurs suivent une formation obligatoire mettant l’accent sur le lien entre les techniques d’interrogatoire non coercitives, l’interdiction de la torture et des mauvais traitements et l’obligation pour les organes judiciaires de déclarer irrecevables les aveux obtenus par la torture ;

c) Dispenser au personnel médical de tous les lieux de détention une formation approfondie concernant le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d ’ Istanbul) ;

d) Concevoir une méthode permettant d’évaluer l’efficacité des programmes de formation pour ce qui est de prévenir la torture et les mauvais traitements et de faire en sorte que ces actes soient repérés et consignés, qu’ils donnent lieu à des enquêtes et que leurs auteurs soient poursuivis .

Attaques visant des journalistes

26.Le Comité est vivement préoccupé par les informations persistantes selon lesquelles les journalistes seraient victimes d’actes d’intimidation et d’agressions physiques. S’il salue les mesures que l’État partie a prises pour s’attaquer à ce problème, notamment l’adoption récente de modifications du Code pénal renforçant la protection des journalistes, il n’en demeure pas moins préoccupé. En outre, il regrette que les responsables du meurtre du journaliste Duško Jovanović en 2004 n’aient toujours pas été traduits en justice, et que l’enquête sur la violente agression perpétrée contre la journaliste d’investigation Olivera Lakić en mai 2018 n’ait pas été menée à son terme. Il est également préoccupé par les informations selon lesquelles des membres de la Commission d’enquête sur les attaques visant des journalistes ne disposent pas des autorisations nécessaires pour accéder aux informations classifiées, ce qui entrave le travail de cet organe (art. 2, 12, 13 et 16).

27. Le Comité demande à l’État partie :

a) De veiller à ce que les journalistes soient protégés contre les menaces et les intimidations et de prendre les mesures nécessaires pour prévenir de tels actes à l’avenir, notamment en mettant en place, en coordination avec la Commission d ’ enquête sur les attaques visant des journalistes , un mécanisme national chargé d’assurer la sécurité des journalistes ;

b) D’accélérer les enquêtes sur les cas actuels et anciens d’attaques visant des journalistes, en veillant à ce que les auteurs soient traduits en justice ;

c) De permettre à tous les membres de la Commission d ’ enquête sur les attaques visant des journalistes d ’ avoir accès sans délai aux informations classifiées ;

d) D ’évaluer l’efficacité de sa stratégie pour ce qui est d’améliorer la sécurité des journalistes .

Violence fondée sur le genre, y compris la violence familiale

28.Le Comité est préoccupé par les informations concernant le nombre élevé de cas de violence familiale au Monténégro, ainsi que par le faible taux de poursuite et la clémence des peines prononcées contre les auteurs de tels actes et d’autres formes de violence fondée sur le genre. Il prend note des efforts déployés par l’État partie pour ériger la violence fondée sur le genre en infraction dans son Code pénal et accueille avec satisfaction différentes initiatives récentes ou prévues, parmi lesquelles des programmes visant à réduire la récidive et à protéger les familles en travaillant avec les auteurs de violence familiale, et un projet d’établissement spécial pour les victimes (art. 2, 12, 14 et 16).

29. L’État partie devrait :

a) Faire en sorte que tous les cas de violence fondée sur le genre, et en particulier ceux impliquant des actes ou des omissions de la part des autorités de l’État ou d’autres entités qui engagent la responsabilité internationale de l’État partie au regard la Convention, fassent rapidement l’objet d’enquêtes approfondies, que les auteurs présumés des faits soient poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, dûment sanctionnés, et que les victimes ou leur famille obtiennent réparation, notamment sous la forme d’une indemnisation adéquate et de moyens de réadaptation, et aient accès à une assistance judiciaire, à des lieux d’accueil sûrs et aux soins médicaux et au soutien psychologique dont elles ont besoin ;

b) Dispenser une formation obligatoire sur la répression de la violence fondée sur le genre à tous les membres de l’appareil judiciaire et des forces de l’ordre, et continuer de mener des campagnes de sensibilisation sur toutes les formes de violence à l’égard des femmes .

Collecte des données

30.Le Comité regrette de ne pas avoir reçu des données entièrement ventilées dans la plupart des cas, notamment en ce qui concerne le genre. Il est préoccupé par le fait que, dans certains domaines, les seules données précises dont il dispose concernent le nombre d’affaires instruites et non le nombre de plaintes reçues, ce qui peut conduire à sous-estimer le nombre de cas. Il est aussi préoccupé par le fait que les données pertinentes pour le suivi de l’application de la Convention ne semblent pas être collectées et stockées de manière systématique.

31. L’État partie devrait veiller à recueillir des données statistiques entièrement ventilées et pertinentes pour le suivi de l’application de la Convention au niveau national, notamment sur le nombre de plaintes reçues et les mesures de réparation accordées aux victimes . Il devrait également envisager de créer un registre centralisé des victimes d’actes de torture ou de mauvais traitements dans tous les lieux de détention .

Réparation et réadaptation

32.Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie concernant les mesures de réparation et les moyens de réadaptation, mais constate avec préoccupation que, dans ce domaine, les victimes d’actes de torture et de mauvais traitements disposent de voies de recours limitées et regrette l’absence de données sur les indemnités accordées auxdites victimes.

33. Rappelant son observation générale n o  3 (2012) sur l’application de l’article 14, le Comité demande instamment à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour permettre aux victimes d’actes de torture et de mauvais traitements infligés dans l’État partie ou à l’étranger d’obtenir une réparation complète et effective, y compris des moyens de réadaptation et des soins spécialement adaptés à leurs besoins . L’État partie devrait réunir et faire parvenir au Comité des informations sur les mesures de réparation et d’indemnisation, y compris les moyens de réadaptation, qui ont été ordonnées par les tribunaux ou d’autres organes de l’État et dont les victimes d’actes de torture ou de mauvais traitements ont effectivement bénéficié .

Procédure de suivi

34.Le Comité prie l’État partie de lui faire parvenir le 13 mai 2023 au plus tard des renseignements sur la suite qu’il aura donnée à ses recommandations concernant les conditions de détention, les enquêtes sur les allégations de torture et de mauvais traitements, et l’impunité des crimes de guerre et les recours pour les victimes (voir plus haut, par .  15, 1 9 et 2 3 ) . L ’ État partie est aussi invité à informer le Comité des mesures qu’il prévoit de prendre pour appliquer, d’ici la soumission de son prochain rapport, tout ou partie des autres recommandations formulées dans les présentes observations finales .

Autres questions

35. L’État partie est invité à diffuser largement le rapport soumis au Comité ainsi que les présentes observations finales, au moyen des sites Web officiels et par l’intermédiaire des médias et des organisations non gouvernementales, et à informer le Comité des activités de diffusion menées .

36. Le Comité prie l’État partie de soumettre son prochain rapport périodique, qui sera le quatrième, d’ici au 13 mai 2026 . À cette fin, et compte tenu du fait qu’il a accepté d’établir son rapport selon la procédure simplifiée, le Comité lui fera parvenir en temps utile une liste préalable de points à traiter . Les réponses de l’État partie à cette liste constitueront le quatrième rapport périodique qu’il soumettra en application de l’article 19 de la Convention .