NATIONS UNIES

CERD

Convention internationale

sur l’élimination

de toutes les formes de discrimination raciale

Distr.GENERAL

CERD/C/UKR/CO/18

25 octobre 2006

FRANÇAIS

Original: ENGLISH

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATIONDE LA DISCRIMINATION RACIALESoixante-neuvième session31 juillet ‑18 aout 2006

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

UKRAINE

Le Comité a examiné les dix ‑septième et dix ‑huitième rapports périodiques de l’Ukraine (CERD/C/UKR/18) à ses 1776 e et 1777 e séances (CERD/C/SR.1776 et 1777), tenues les 11 et 14 août 2006. À sa 1785 e séance (CERD/C/SR.1785), tenue le 17 août 2006, il a adopté les observations finales suivantes.

A. Introduction

Le Comité se félicite du rapport très complet qui lui a été soumis par l’Ukraine, même s’il n’est pas entièrement conforme à ses directives concernant la présentation des rapports. Il se félicite également de la régularité avec laquelle l’État partie lui soumet ses rapports et de la franchise des réponses données par la délégation aux questions du Comité ainsi que de la possibilité ainsi offerte d’engager un dialogue constructif.

B. Aspects positifs

Le Comité prend note avec satisfaction des efforts législatifs que fait actuellement l’État partie et de ses programmes et arrangements institutionnels visant à assurer l’intégration des minorités ethniques notamment:

a) Le projet de loi modifiant la loi sur les minorités nationales dont le Parlement est actuellement saisi, qui reconnaît le droit des membres des minorités nationales d’utiliser leurs noms traditionnels et leur langue maternelle;

b) Le programme d’intégration des personnes anciennement déportées, en particulier les Tatars de Crimée, dont un nombre important sont retournées en Crimée depuis 1990, adopté en mai 2006;

GE.06-44782 c) La création en 2006 du Conseil des politiques de l’État pour la promotion des droits et libertés de toutes les personnes, y compris celles qui appartiennent aux minorités nationales, qui compte parmi ses membres le Président du Congrès national rom.

Le Comité note avec satisfaction que l’ État partie a retiré les dates limites fixées pour le dépôt des demandes d’asile en vertu de la loi sur les réfugiés.

Le Comité accueille avec satisfaction l’information fournie par l’ État partie selon laquelle un nombre considérable d’enfants appartenant aux minorités reçoivent un enseignement dans ou sur leur langue et leur culture, notamment quelque 5 000 enfants roms des Transcarpathes et quelque 3 500 enfants tatars de Crimée vivant dans la République autonome de Crimée.

C. Sujet de préoccupation et recommandations

Le Comité est préoccupé de ce que le Commissariat parlementaire de l’Ukraine pour les droits de l’homme soit apparemment relativement peu connu et dépourvu de fonds, manque de compétences dans certains domaines, et de ce que 0,5 % des plaintes qu’il reçoit concernent des violations présumées des droits des minorités.

Le Comité recommande à l’ État partie de veiller à ce que le Commissaire parlementaire pour les droits de l’homme reçoive des fonds suffisants pour le mettre en mesure de fonctionner de façon efficace et indépendante, en vue de renforcer ses compétences dans tous les domaines des droits de l’homme, ainsi que sa capacité de traiter les plaintes. Il devrait en outre élargir l’accès du public au Commissariat, y compris les groupes minoritaires, au niveau des régions, des districts et des municipalités.

Le Comité note avec préoccupation que le projet de loi contre la discrimination vise la discrimination directe mais pas la discrimination indirecte. Il rappelle que la définition de la discrimination raciale énoncée à l’article premier de la Convention vise toute distinction injustifiée qui a pour but ou pour effet de compromettre la jouissance de certains droits et libertés (art. 1 er , par. 1) .

Le Comité recommande à l’État partie de procéder à l’adoption d’une loi exhaustive contre la discrimination qui vise également à discrimination indirecte, conformément à l’article premier de la Convention.

Même s’il ne s’agit pas d’un phénomène répandu, le Comité est néanmoins préoccupé par des informations selon lesquelles des actes de vandalisme seraient commis à l’encontre des sites religieux de minorités, tels que la profanation de synagogues dans différentes régions de l’Ukraine ainsi que des propos antimusulmans et anti ‑Tatars tenus par des prêtres orthodoxes de Crimée (art. 4 a) et 5 d) vii)).

Le Comité recommande à l’ État partie de prendre des mesures préventives contre les actes dirigés contre des personnes ou des sites religieux appartenant à des minorités, d’enquêter sur ces actes et d’en traduire les auteurs devant la justice.

Tout en notant que l’incitation à la discrimination raciale est punissable en vertu des articles 66, 67 et 161 du Code pénal, ainsi que des articles 46 et 47 de la loi sur l’information et de l’article 3 de la loi sur les médias écrits (Presse), le Comité est préoccupé par l’absence de toutes poursuites au titre de l’article 161 du Code pénal, lequel ne vise que les seuls cas où l’intention peut être prouvée, à condition que la victime soit un citoyen ukrainien (art. 4 a) et 6).

Le Comité demande instamment à l’ État partie d’envisager de rendre moins stricte la disposition énoncée à l’article 161 du Code pénal exigeant que la violation ait été intentionnelle, afin de faciliter l’aboutissement des poursuites engagées en vertu de cet article. Le Comité demande en outre à l’État partie d’envisager d’étendre le champ d’application de l’article 161 du Code pénal aux cas dans lesquels la victime d’un acte de discrimination n’est pas un citoyen ukrainien. Il engage l’État partie à assurer la mise en œuvre effective de toutes les dispositions légales visant à éliminer la discrimination raciale et à faire figurer dans son prochain rapport des informations à jour concernant l’application par les tribunaux ukrainiens des dispositions pénales punissant les actes de discrimination raciale, en particulier les articles 66 et 161 du Code pénal. Parmi ces informations devraient figurer le nombre et la nature des affaires jugées, les condamnations prononcées, les peines imposées et toute indemnisation ou autre réparation accordées aux victimes.

Le Comité note avec préoccupation que l’article 4 de la loi sur les associations ne prévoit pas explicitement que les associations qui incitent à la discrimination raciale ne peuvent être enregistrées légalement (art. 4 b)).

Le Comité recommande à l’ État partie d’envisager d’inclure explicitement les organisations qui prônent et encouragent la discrimination raciale dans la liste des associations interdites qui ne peuvent être enregistrées légalement en application de l’article 4 de la loi sur les associations.

Le Comité est préoccupé par des informations selon lesquelles l’absence de documents personnels et d’autres documents d’identité prive de nombreux Roms de leur droit d’avoir accès dans des conditions d’égalité aux tribunaux, à l’aide juridique, à l’emploi, au logement, aux soins de santé, à la sécurité sociale et à l’éducation (art. 5 a) et e)).

Le Comité demande instamment à l’ État partie de prendre sans attendre des mesures, par exemple en éliminant les obstacles administratifs, en vue de délivrer à tous les Roms des documents personnels et d’autres documents pertinents d’identité en vue d’améliorer leur accès aux tribunaux, à l’emploi, au logement, aux soins de santé, à la sécurité sociale et à l’éducation.-----

Le Comité est préoccupé par les allégations selon lesquelles des abus seraient commis par la police à l’encontre des Roms, notamment des arrestations et perquisitions arbitraires et des irrégularités, avant les procès, fondées sur des présomptions de culpabilité motivées par l’appartenance raciale, et à l’encontre de personnes appartenant à d’autres minorités, de demandeurs d’asile et de non ‑ressortissants d’origines ethniques différentes (art. 5 b), 6 et 7).

Le Comité demande instamment à l’ État partie d’intensifier encore l’activité de formation portant sur les droits de l’homme organisée pour la police et de faciliter le signalement des abus commis par la police contre des Roms et d’autres personnes d’origine ethnique différente, de mener des enquêtes sérieuses lorsqu’elle reçoit des plaintes et de traduire devant la justice les personnes reconnues coupables de tels actes, d’accorder une protection et des indemnités adéquates aux victimes et de faire figurer dans son prochain rapport des informations détaillées sur le nombre et la nature des cas qui ont été jugés, des condamnations qui ont été prononcées et des peines qui ont été imposées, et sur la protection et les réparations qui ont été accordées aux victimes. À cet égard, le Comité rappelle à l’État partie les paragraphes 12 à 14 de sa recommandation générale XXVII (2000), concernant la discrimination à l’égard des Roms, et 18 à 24 de sa recommandation générale XXX (2004) concernant la discrimination contre les non ‑ressortissants.

Le Comité note avec préoccupation que la loi sur les réfugiés ne contient pas de critères normalisés pour la détermination du statut de réfugié, de définition de la protection humanitaire temporaire ou de garanties concernant le refus de communiquer des données personnelles aux autorités du pays d’origine vers lequel un demandeur d’asile pourrait être expulsé (art. 5 b)).

Le Comité recommande à l’ État partie d’envisager d’amender la loi sur les réfugiés afin de définir clairement des critères normalisés de détermination du statut de réfugié et d’y inclure le concept de protection temporaire à titre humanitaire ainsi que des garanties relatives à la non ‑communication de données personnelles aux autorités des pays d’origine.

Le Comité note que les Tatars de Crimée restent apparemment sous ‑représentés dans l’administration publique de la République autonome de Crimée (art. 5 c), et 2, par. 2).

Le Comité recommande à l’ État partie d’adopter des mesures, y compris des mesures spéciales, en vue d’assurer la représentation adéquate des Tatars de Crimée dans l’administration publique de la République autonome de Crimée, notamment aux niveaux supérieurs.

Tout en notant qu’un nombre important de personnes anciennement déportées ont été rapatriées en Crimée depuis 1990, le Comité est préoccupé par des informations selon lesquelles 20 % seulement des Tatars de Crimée ont obtenu des parcelles de terres, généralement dans des zones qu’ils considèrent comme inappropriés. Il note avec préoccupation que la plupart des Tatars de Crimée ont été exclus du processus de privatisation agraire et que le Code foncier de l’Ukraine stipule que les candidats à l’obtention de parcelles agraires soient d’anciens travailleurs de fermes collectives soviétiques et que de nombreux Tatars de Crimée vivent dans des établissements dépourvus d’infrastructure de base (art. 5 d), v) et e) iii)).

Le Comité demande instamment à l’ État partie de prendre des mesures efficaces pour permettre aux personnes anciennement déportées, en particulier les Tatars de Crimée, de demander la restitution de leurs biens précédemment confisqués ou une indemnité adéquate et de veiller à ce que les personnes anciennement déportées puissent obtenir des parcelles de terres convenables, situées autant que possible dans les zones qu’ils habitaient traditionnellement. L’État partie devrait veiller à ce que toutes les personnes anciennement déportées aient accès à un logement adéquat et à ce que celles qui vivent dans des établissements jouissent d’un régime d’occupation légal et de l’accès à des équipements d’infrastructure adéquate, notamment à l’eau saine, à des systèmes d’évacuation des eaux usées, à l’électricité, au gaz, au chauffage, aux routes et aux transports.

Le Comité est préoccupé par la pénurie de publications, en particulier de manuels scolaires destinés aux enfants dans les langues minoritaires autres que le russe, et par des informations selon lesquelles les manuels scolaires contiendraient des informations historiques inexactes sur les minorités (art. 5 d) viii) et e) v)).

Le Comité encourage l’État partie à continuer de promouvoir la publication de manuels scolaires dans les langues des minorités, notamment dans la langue des Roms et des Tatars de Crimée, et de veiller à ce que tout contenu ethniquement discriminatoire soit retiré des manuels scolaires existants.

Tout en prenant note des mesures récentes qui ont été prises par l’État partie en vue d’améliorer la situation des réfugiés et des demandeurs d’asile, le Comité est préoccupé par leur accès limité à l’emploi et au logement ainsi que par les mauvaises conditions de détention qui existeraient dans les centres de détention (art. 5 e) i) et e) iii)).

Le Comité recommande à l’État partie de soutenir les centres sociaux aidant les réfugiés et demandeurs d’asile à trouver un emploi et un logement et d’accroître leur nombre, et de veiller à ce que les centres accueillant des réfugiés et des personnes détenues en vertu de la législation relative aux étrangers offrent les équipements nécessaires, conformément aux normes fixées dans la recommandation générale XXX (2004) du Comité concernant la discrimination contre les non ‑ressortissants.

Le Comité note avec préoccupation que les sites culturels et religieux, y compris les cimetières,, de minorités telles que les Tatars de Crimée, les Karaïtes et les Roms, seraient rarement enregistrés ou protégés et que l’État partie n’alloue que des fonds d’un montant très limité à la préservation du patrimoine culturel des minorités (art. 5 e) vi)).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures spéciales pour assurer la protection et la préservation du patrimoine culturel de minorités telles que les Tatars de Crimée, les Karaïtes et les Roms.

Le Comité est préoccupé par la persistance d’attitudes sociétales et de stéréotypes négatifs à l’égard des Roms, comme en témoigne l’emploi de termes péjoratifs, en particulier au paragraphe 87 du rapport de l’État partie (art. 7).

Le Comité recommande à l’État partie de faire davantage d’efforts dans les domaines de l’enseignement, de l’éducation, de la culture et de l’information en vue de lutter contre les préjugés, notamment chez les fonctionnaires publics, à l’égard des minorités telles que les Roms, de promouvoir la tolérance et le respect de leur culture et de leur histoire et d’encourager le dialogue interculturel entre les différentes ethnies de l’Ukraine.

Le Comité est préoccupé par la non ‑reconnaissance officielle de la minorité ruthène en dépit de ses caractéristiques ethniques distinctes.

Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de reconnaître les Ruthènes comme une minorité nationale.

Le Comité recommande à l’État partie, lorsqu’il applique dans son droit interne les dispositions de la Convention, en particulier celles des articles 2 à 7, de tenir compte des passages pertinents de la Déclaration et du Programme d’action de Durban. En outre, le Comité engage instamment l’État partie à inclure dans son prochain rapport périodique des renseignements sur les plans d’action ou autres mesures adoptés pour appliquer cette déclaration et ce programme d’action au niveau national.

Le Comité recommande que les rapports de l’État partie soient rendus aisément disponibles au public dès qu’ils sont soumis et que les observations du Comité concernant ces rapports soient publiés de la même manière et/ou traduits en ukrainien, en russe et, dans la mesure du possible, dans les langues des minorités nationales de l’Ukraine.

L’État partie devrait, dans un délai d’un an, fournir des informations sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations que le Comité a formulées aux paragraphes 11, 12 et 15 ci ‑dessus, en application du paragraphe 1 de l’article 65 de son Règlement intérieur.

Le Comité recommande à l’État partie de lui soumettre ses dix ‑neuvième, vingtième et vingt et unième rapports périodiques en un seul document, attendu le 6 avril 2010, et d’y traiter tous les points soulevés dans les présentes observations finales.