Nations Unies

CCPR/C/98/D/1246/2004

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. restreinte*

21 mai 2010

Français

Original: anglais

C omité des droits de l’homme

Quatre-vingt-dix-huitième session

8-26 mars 2010

Constatations

Communication no 1246/2004

Présentée par:

Patricia Ángela González (non représentée par un conseil)

Au nom de:

L’auteur et son époux, Lázaro Osmin González Muñoz

État partie:

République du Guyana

Date de la communication:

14 décembre 2003 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 18 février 2004 (non publiée sous forme de document)

Date de l’adoption des constatations:

25 mars 2010

Objet:

Refus d’accorder la nationalité à un médecin cubain marié à une ressortissante guyanienne

Questions de procédure:

Justification par l’auteur de ses griefs; épuisement des recours internes

Questions de fond:

Droit à une procédure équitable; droit de ne pas être l’objet d’immixtions arbitraires dans sa vie de famille

Article s du Pacte:

14 (par. 1) et 17 (par. 1)

Articles du Protocole facultatif :

2 et 5 (par. 2 b))

Le 25 mars 2010, le Comité des droits de l’homme a adopté le texte ci-après en tant que constatations concernant la communication no 1246/2004 au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif.

[Annexe]

Annexe

Constatations du Comité des droits de l’homme au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (quatre-vingt-dix-huitième session)

concernant la

Communication no 1246/2004 **

Présentée par:

Patricia Ángela González (non représentée par un conseil)

Au nom de:

L’auteur et son époux, Lázaro Osmin González Muñoz

État partie:

République du Guyana

Date de la communication:

14 décembre 2003 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 25 mars 2010,

Ayant achevé l’examen de la communication no 1246/2004 présentée par Mme Patricia Ángela González en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif

1.1L’auteur de la communication est Mme Patricia Ángela González (Sherett de son nom de jeune fille), de nationalité guyanienne, née en 1953. Bien qu’elle n’invoque pas de dispositions spécifiques du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, sa communication semble soulever des questions au titre de l’article 7, du paragraphe 1 de l’article 14 et de l’article 17 du Pacte. Elle n’est pas représentée par un conseil.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1Le 18 mai 2000, M. Lázaro Osmin González Muñoz, médecin de nationalité cubaine, est entré au Guyana dans le cadre d’un accord de coopération entre ce pays et Cuba afin d’y exercer la médecine pendant une période de deux ans. Son contrat avec l’Unité centrale cubaine de coopération médicale (UCCM) en date du 15 mai 2000 stipulait entre autres clauses qu’il devait se conformer aux dispositions légales applicables aux citoyens cubains s’il décidait de se marier pendant la durée de son contrat. Il ne serait pas pour autant exempté de ses obligations contractuelles avec l’UCCM. Il était également tenu d’obtenir l’autorisation préalable de l’UCCM avant de conclure des contrats avec des tiers. S’agissant de son état civil, le contrat indiquait que M. González était marié.

2.2De mai 2000 à juillet 2001, M. González a travaillé dans un hôpital régional, puis il est reparti à Cuba pour un mois de vacances. À son retour au Guyana, il a été affecté à un autre hôpital. Le 6 novembre 2001, il a subi une opération de l’appendicite. Dans l’intervalle, l’ambassade de Cuba a appris qu’il était fiancé à Mlle Sherrett. Lorsque M. González a été déclaré apte à reprendre le travail, l’ambassade de Cuba l’a informé qu’il devait retourner à Cuba pour achever sa convalescence. Il a décidé de ne pas retourner à Cuba de peur de ne pas être autorisé à revenir au Guyana.

2.3Le 13 décembre 2001, l’auteur et M. González se sont mariés à Georgetown et, le 20 décembre 2001, M. González a présenté une demande d’acquisition de la nationalité guyanienne auprès du Département de l’immigration du Ministère de l’intérieur, en vertu de l’article 45 de la Constitution du Guyana (1980).

2.4Le 19 mars 2002, un fonctionnaire du Ministère de l’intérieur a informé l’auteur et son époux que l’ambassade de Cuba avait averti les autorités guyaniennes des conséquences que pourraient avoir l’octroi de la nationalité ou la délivrance d’un permis de travail à M. González. Créer un tel précédent risquait de compromettre la coopération médicale entre les deux pays, qu’il s’agisse par exemple du maintien du déploiement de la Brigade médicale cubaine au Guyana ou de l’octroi de bourses à des étudiants guyaniens. Le couple a également été informé que les tribunaux guyaniens n’étaient pas compétents pour se prononcer sur les décisions du Département de l’immigration.

2.5Par une lettre datée du 27 mars 2002, le Ministère de l’intérieur a fait savoir à M. González que «le moment n’[était] pas opportun pour examiner une demande de permis de travail hors du secteur public guyanien» et que sa demande visant à obtenir un titre de séjour permanent et à acquérir la nationalité «ne [pouvait] être traitée à ce stade».

2.6Le 23 avril 2002, M. González a déposé devant la High Court une requête en certiorari, contestant le refus du Ministre de l’intérieur de l’enregistrer comme citoyen guyanien. Dans un échange de déclarations écrites sous la foi du serment adressées au tribunal, M. González a soutenu ce qui suit − et qui a été démenti par l’État partie: a) qu’il n’avait pas manqué à ses obligations contractuelles envers l’UCCM en cherchant un emploi dans un hôpital privé; b) que son mariage actuel ne le plaçait pas en situation de bigamie puisque son premier mariage avec une Cubaine avait été dissous par la décision du 29 janvier 2001 du tribunal de La Lisa (Cuba); c) qu’en vertu de l’article 45 de la Constitution il avait le droit d’être enregistré comme citoyen du Guyana; d) que l’article 7 de la loi sur la nationalité guyanienne, sur lequel était fondé le refus du Ministre de l’enregistrer comme citoyen, était contraire à la Constitution; e) que la décision du Ministre violait les principes élémentaires de justice; et f) que cette décision était susceptible d’appel devant les tribunaux.

2.7Dans sa réponse, le Procureur général (Attorney général) a indiqué que, selon les autorités cubaines, l’acte de divorce de M. González ne figurait pas dans les registres du tribunal de La Lisa, qu’il ne portait pas de numéro de page et qu’il n’avait aucune validité juridique hors de Cuba étant donné qu’il n’avait pas été authentifié par le Ministère cubain des affaires étrangères. Même si M. González était légalement marié à une Guyanienne, il ne jouissait pas d’un droit absolu à être enregistré comme citoyen du Guyana au titre de l’article 45 de la Constitution. Le Ministre avait à bon droit usé du pouvoir discrétionnaire que lui confère l’article 7 de la loi sur la nationalité eu égard aux articles 42 1) et 45 de la Constitution pour refuser de naturaliser M. González pour des raisons tenant à la sécurité nationale et à l’ordre public, en déclarant que les relations entre le Guyana et Cuba seraient affectées si l’intéressé manquait à son obligation de retourner à Cuba à la fin de son contrat, que lui accorder la nationalité reviendrait à «ouvrir les vannes» pour d’autres médecins cubains travaillant au Guyana avec un contrat de l’État, et que d’autres accords de coopération et éléments de politique étrangère se trouveraient aussi menacés. Les questions touchant à l’ordre public étaient du ressort de l’organe exécutif et non de l’organe judiciaire.

2.8Invoquant un précédent judiciaire, M. González a répondu que le Ministre de l’intérieur était tenu d’exercer raisonnablement son pouvoir discrétionnaire et d’indiquer les motifs du refus opposé à une demande de nationalité de sorte que le requérant puisse les réfuter ou contester la justification du refus devant les tribunaux. Dans l’affaire Attorney General v. Ryan, le Conseil privé avait déclaré nul et inconstitutionnel l’article 7 de la loi sur la nationalité bahamienne (1973), analogue à l’article 7 de la loi sur la nationalité guyanienne, au motif que cet article laissait à la seule appréciation de l’organe exécutif le droit d’être enregistré comme citoyen des Bahamas.

2.9Le 9 mai 2002, la High Court (Cour suprême) a rendu une ordonnance de certiorari. Le 12 novembre 2003, elle a infirmé la décision par laquelle le Ministre de l’intérieur avait refusé que M. González soit enregistré comme citoyen, estimant que cette décision était abusive, arbitraire, contraire aux principes élémentaires de justice et fondée sur des considérations dénuées de pertinence. La High Court enjoignait le Ministre de réexaminer la demande d’acquisition de la nationalité de M. González et de donner à celui-ci la possibilité de défendre sa cause, ainsi que de réfuter tous les éléments à la base du refus de sa demande, dans un délai d’un mois à compter de la date de la décision de la Cour.

2.10Le 28 novembre 2003, le Ministre de l’intérieur s’est entretenu avec l’auteur, son époux et leur avocat afin de réexaminer la demande d’acquisition de la nationalité de M. González. Aucune décision issue du réexamen n’avait été prise à l’expiration du délai fixé par la Cour (12 décembre 2003).

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme que le refus du Ministre d’enregistrer M. González comme citoyen du Guyana ainsi que le fait qu’il ne se soit pas conformé à l’ordonnance de la Cour lui enjoignant de réexaminer l’affaire dans un délai d’un mois porte atteinte aux droits que la Constitution garantit à M. González en tant que conjoint d’une personne de nationalité guyanienne et constitue un «déni de justice». Elle affirme en outre que son époux, en tant que dissident, serait incarcéré pendant de longues années ou serait exécuté s’il retournait à Cuba. Le fait d’avoir contesté non seulement la décision du Ministre de l’intérieur du Guyana mais aussi, indirectement, la demande de l’ambassade de Cuba visant à ce que la nationalité guyanienne lui soit refusée serait considéré comme un «acte contre-révolutionnaire» par les autorités cubaines.

3.2D’après l’auteur, le fait que le Ministre n’ait pas donné effet à l’ordre de la High Court est un signe clair que la nationalité sera refusée à M. González. Lors d’une conférence de presse, le Ministre avait annoncé publiquement que l’auteur et son époux seraient renvoyés à Cuba quand la procédure judiciaire serait achevée. Il y avait de bonnes raisons de croire que la décision concernant M. González avait déjà été prise au niveau politique pendant la visite d’une délégation diplomatique de haut rang.

3.3Bien que l’auteur n’invoque pas de dispositions spécifiques du Pacte, sa communication semble soulever des questions au titre de l’article 7, du paragraphe 1 de l’article 14 et du paragraphe 1 de l’article 17.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Dans une note du 26 avril 2004, l’État partie a contesté la recevabilité des allégations de l’auteur, objectant que celle-ci n’avait pas suffisamment démontré en quoi le non-enregistrement de son époux comme citoyen guyanien portait atteinte aux droits consacrés par le Pacte. L’État partie considère que la plainte est donc irrecevable ratione materiae et qu’elle constitue également un abus du droit de présenter des communications.

4.2L’État partie réaffirme que le droit des conjoints de citoyens guyaniens d’acquérir la nationalité du Guyana peut être soumis aux exceptions et restrictions prescrites dans l’intérêt de la sécurité nationale ou de l’ordre public (art. 45 de la Constitution et art. 7 de la loi sur la nationalité guyanienne). Le Ministre n’était pas tenu de justifier sa décision, et celle-ci n’était pas susceptible d’appel ou de révision devant un tribunal. La jurisprudence confirme qu’il n’existe pas de droit absolu à être enregistré comme citoyen.

4.3L’État partie relève que, conformément à l’ordonnance de la High Court en date du 12 novembre 2003, le Ministre de l’intérieur s’est prononcé le 14 avril 2004 sur le réexamen de la demande de nationalité présentée par M. González. Le Ministre a estimé que M. González avait manqué à ses obligations contractuelles envers l’UCCM en quittant le Guyana pour une destination inconnue entre le 1er et le 31 juillet 2001 et en cessant ensuite de travailler pour le Gouvernement guyanien pour chercher un emploi dans un hôpital privé. Sans se prononcer sur la validité du mariage contracté par l’intéressé à Cuba, le Ministre a refusé d’enregistrer M. González comme citoyen guyanien ou de lui délivrer un permis de travail car il ne voulait pas cautionner la violation de ses obligations contractuelles à l’égard de l’UCCM, ce qui aurait pu nuire aux bonnes relations entre les Gouvernements guyanien et cubain et «provoquer la cessation de l’aide apportée au Guyana, notamment pour la prestation de soins médicaux aux Guyaniens».

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1Dans une lettre du 23 juin 2004, l’auteur a présenté des commentaires au sujet de la décision rendue le 14 avril 2004 à l’issue du réexamen par le Ministre et fait valoir: a) qu’en juillet 2001, son époux était en congé dans son pays; b) que loin d’avoir cessé de travailler pour le Gouvernement guyanien à son retour au Guyana, il avait été affecté par le Ministre de la santé à un autre hôpital en tant que médecin résident; et c) qu’il n’avait jamais rompu son contrat avec l’UCCM, mais avait été invité par l’ambassade de Cuba à retourner à Cuba pour «achever sa convalescence».

5.2L’auteur ajoute que, le 31 mai 2004, elle a fait appel de la décision du Ministre du 14 avril 2004 devant la High Court (Cour suprême) et a sollicité une déclaration visant à établir: a) que le refus d’accorder la nationalité guyanienne à son époux constituait une forme de torture ou un traitement inhumain ou dégradant et violait son droit constitutionnel à la liberté de circulation vu que cette décision la contraindrait à résider hors du Guyana pour maintenir le lien conjugal; b) que le Ministre de l’intérieur «est une instance chargée de se prononcer sur les droits et obligations de caractère civil mais il ne satisfait pas aux prescriptions du paragraphe 8 de l’article 144 de la Constitution de la République du Guyana»; et c) que l’exercice par le Ministre du pouvoir discrétionnaire que lui confère l’article 7 de la loi sur la nationalité guyanienne «est inconstitutionnel, abusif, ultra vires et nul et non avenu» car les exceptions nécessaires dans l’intérêt de la sécurité nationale et de l’ordre public ne sont pas définies de manière suffisamment précise dans une loi ou un règlement. Invoquant l’article 17 du Pacte, l’auteur a demandé l’application de mesures conservatoires imposant au Ministre d’accorder à son époux un permis de séjour et de travail.

5.3Dans sa réponse, le Ministre a indiqué: a) que M. González avait rompu son contrat avec l’UCCM en recherchant un emploi dans le secteur privé avant l’expiration dudit contrat; b) qu’il n’avait pas apporté la preuve qu’il était divorcé de son premier mariage; c) que le droit d’un individu qui épouse une personne de nationalité guyanienne à demander la nationalité en vertu de l’article 45 de la Constitution est un droit limité et n’implique pas automatiquement le droit de résider dans le pays; d) que la décision de refuser d’enregistrer M. González comme citoyen du Guyana était conforme aux principes élémentaires de justice et n’était pas susceptible d’appel ou de révision devant un tribunal; et e) que la décision prise ne portait pas atteinte au droit constitutionnel à la liberté de circulation de l’auteur.

5.4Enfin, l’auteur informe le Comité que son époux a temporairement quitté le Guyana pour préserver sa sécurité et chercher du travail à l’étranger.

Observations complémentaires de l’État partie sur la recevabilité et nouveaux commentaires de l’auteur

6.Dans une note du 30 novembre 2004, l’État partie a indiqué que l’auteur n’avait pas épuisé tous les recours internes disponibles vu que la phase orale concernant la requête qu’elle avait introduite devant la High Court en mai 2004 n’avait été ouverte que le 28 octobre 2004.

7.1Dans une réponse du 9 février 2005, l’auteur a exprimé des critiques sur l’observation complémentaire de l’État partie concernant la recevabilité, qu’elle considère comme «une manœuvre et une excuse de plus pour éluder sa responsabilité». Elle fait valoir que la communication a été enregistrée par le Comité étant entendu que tous les recours internes disponibles avaient été épuisés.

7.2L’’auteur affirme qu’au lieu de réexaminer la demande d’acquisition de la nationalité de son époux, le Ministre a fondé sa décision du 14 avril 2004 sur les mêmes motifs que ceux qu’il avait déjà retenus dans sa première décision pour refuser d’accorder la nationalité à M. González, décision qui avait été considérée par la High Court comme abusive, arbitraire, contraire aux principes élémentaires de justice et fondée sur des considérations dénuées de pertinence. Le Ministre a rendu cette décision quatre mois après l’expiration du délai fixé par la Cour (12 décembre 2003). C’est pour dénoncer le déni de justice du Ministre que l’auteur a déposé devant la High Court une nouvelle requête visant à faire valoir ses droits constitutionnels.

7.3L’auteur note que, quinze mois après le jugement rendu par la High Court, l’État partie continuait de s’abriter derrière une procédure judiciaire abusivement longue, pendant que son époux et elle‑même étaient obligés de vivre dans des pays différents pour assurer leur sécurité et leur subsistance.

8.Dans une note du 9 juin 2005, l’État partie a une nouvelle fois contesté la recevabilité de la communication pour non-épuisement des recours internes disponibles, au motif que l’affaire relative à la demande d’acquisition de la nationalité de M. González était toujours pendante devant la High Court. L’audience concernant la requête présentée par l’auteur devant la High Court avait été fixée au 10 juin 2005, et toute décision de cette juridictionpouvait faire l’objet d’un recours devant la Cour d’appel du Guyana puis, ultérieurement, devant la Cour d’appel des Caraïbes orientales.

9.Dans une réponse en date du 3 août 2005, l’auteur a informé le Comité qu’elle‑même et ses avocats attendaient de savoir si le juge P. [sic] continuerait de présider l’examen de l’affaire devant la High Court après sa réaffectation à d’autres juridictions. Elle ne savait pas, et ses avocats non plus, à quelle date l’examen de l’affaire serait repris devant la High Court.

10.1Le 3 octobre 2005, l’auteur a fait savoir qu’elle n’avait toujours pas été informée de la date à laquelle la High Court reprendrait l’examen de l’affaire. Au stade le plus important de la procédure, au moment où les parties allaient respectivement soumettre leurs conclusions à l’examen et à la décision du tribunal, le juge président avait été muté des juridictions du comté de Demerara à celles du comté de Berbice. C’était encore une manœuvre de l’État partie pour faire obstacle au bon déroulement de la justice. Retarder le cours de la justice constitue selon l’auteur un déni de justice.

10.2L’auteur réitère que tous les recours internes avaient été épuisés lorsque la communication a été enregistrée, que le Ministre de l’intérieur ne s’était pas conformé à l’ordonnance de la High Court dans le délai prescrit, et qu’on ne pouvait pas parler de réexamen puisque la décision rendue à l’issue du réexamen, en date du 14 avril 2004, reposait sur les mêmes motifs que la première décision qui refusait l’enregistrement de M. González comme citoyen du Guyana. Rien ne permettait de penser que l’État partie respecterait le droit dans la deuxième procédure, après avoir fait si peu de cas de la décision de la High Court dans la première.

10.3L’auteur fait valoir que l’État partie la prive de l’exercice du droit fondamental à vivre et travailler paisiblement avec son époux au Guyana alors même qu’elle est citoyenne guyanienne et qu’elle s’est mariée conformément aux lois de l’État partie. Il est évident que l’intention de l’État partie est de la contraindre à s’exiler si elle veut préserver son mariage et sa famille. Cela constitue une violation des droits qu’elle tient du Pacte.

Renseignements complémentaires de l’auteur

11.1Le 12 mai 2006, l’auteur a informé le Comité que l’examen de l’affaire avait repris le 2 décembre 2005 et s’était terminé le 27 janvier 2006. Toutefois, aucun jugement n’avait encore été rendu. Elle avait remis à la High Court plusieurs mémoires à l’appui de sa requête constitutionnelle:

a)Dans les conclusions écrites déposées au nom de la plaignante, l’avocat de l’auteur invitait la Cour à déclarer que la décision du Ministre de l’intérieur portait atteinte au droit constitutionnel de sa cliente à se déplacer librement et à résider dans l’État partie vu qu’elle serait contrainte de résider hors du Guyana pour préserver les liens conjugaux; que son époux était légalement autorisé à entrer au Guyana, à y revenir et à en partir; et que l’exercice par le Ministre de son pouvoir discrétionnaire était inconstitutionnel étant donné qu’aucun élément constituant des considérations de sécurité nationale et d’ordre public n’était spécifié dans aucune loi ou règlement. En outre, le Ministre n’avait pas cité de texte émanant de l’exécutif ou de texte déposé devant l’Assemblée nationale prévoyant un régime particulier, en matière d’acquisition de la nationalité, pour les médecins cubains mariés à une Guyanienne. Il n’existait pas d’éléments de preuve attestant que M. González eût rompu son contrat, qui était un contrat privé et qui ne pouvait dans ces circonstances être invoqué à l’appui de considérations d’ordre public. L’avocat demandait également à la Cour d’obliger le Ministre à accorder à M. González les autorisations nécessaires pour qu’il puisse rester et travailler légalement au Guyana et de décider de mesures conservatoires visant à protéger ses droits en attendant que la requête fasse l’objet d’une décision définitive. Invoquant l’article 17 du Pacte et une décision de jurisprudence, l’avocat a également fait valoir le droit de l’auteur et de son époux à une vie de famille;

b)Dans ses conclusions au nom des défendeurs, le Procureur général (Attorney général) a réaffirmé que M. González «ne joui[ssai]t pas d’un droit absolu de résider au Guyana du fait de son prétendu mariage à une citoyenne guyanienne». Au contraire, le droit de l’individu qui épouse une personne de nationalité guyanienne de demander à être enregistré comme citoyen au titre de l’article 45 de la Constitution de 1890 était un droit limité et n’impliquait nullement le droit de résider dans le pays. La décision de refus de la nationalité prise par le Ministre était valide puisque celui-ci était investi d’un pouvoir discrétionnaire en vertu de l’article 7 de la loi sur la nationalité guyanienne (chap. 14:01) et de l’article 45 de la Constitution, et qu’il s’agissait d’une question touchant à l’ordre public. L’auteur ne pouvait fonder sa requête sur l’article 17 du Pacte car le droit de ne pas être l’objet d’immixtions dans la vie privée et dans la famille n’était pas un droit fondamental garanti par la Constitution (par. 2 a) de l’article 154 de la Constitution). En outre, elle ne pouvait pas légitimement compter que son mariage avec un médecin cubain vaudrait à ce dernier de rester au Guyana. C’est à bon droit que le Ministre avait refusé de naturaliser M. González, lequel avait été entendu et informé des motifs du refus opposé à sa demande d’acquisition de la nationalité;

c)Dans ses conclusions en réponse, l’avocat de l’auteur a réaffirmé que le «prétendu» pouvoir discrétionnaire du Ministre de l’intérieur était vicié car rien dans la législation ne définissait clairement ce en quoi consiste l’ordre public. Le Ministre n’avait pas apporté la preuve qu’il existait des motifs tenant à l’ordre public et il n’avait pas pris en compte les droits de l’auteur garantis par la Constitution. Bien que les garanties de l’article 17 du Pacte ne fussent pas un droit fondamental au regard de la Constitution, le Pacte avait néanmoins un caractère contraignant à l’égard du pouvoir exécutif, et la Cour était tenue d’interpréter les dispositions relatives aux droits fondamentaux contenues dans la Constitution à la lumière du «droit international et des conventions, pactes et chartes internationaux portant sur les droits de l’homme» (art. 39 2) de la Constitution).

11.2Le 5 janvier 2008, l’auteur a informé le Comité que le juge P. qui présidait par intérim la High Court avait rejeté son recours en inconstitutionnalité le 1er octobre 2006 et l’avait condamnée à verser la somme de 25 000 dollars guyanais au titre des frais de justice. À l’audience, il avait indiqué qu’elle pouvait porter l’affaire devant la Cour d’appel. Son avocat avait saisi la Cour d’appel, mais l’affaire n’avait pas pu être inscrite au rôle car le jugement de la High Court n’avait pas encore été rendu par écrit bien que l’avocat eût consulté à diverses reprises le Président de la High Court sur la question du retard injustifié mis par le juge P. à présenter sa décision par écrit.

11.3Le 15 septembre 2008, l’auteur a fait savoir que le juge P. n’avait toujours pas présenté sa décision du 1er octobre 2006 par écrit, ce qui empêchait de fait la Cour d’appel d’examiner son recours. Elle a fait valoir qu’un délai non justifié de deux ans pour rendre un jugement écrit constituait un déni de justice.

Absence de réponse de l’État sur le fond

12.1Dans une note du 26 avril 2004, l’État partie a prié le Comité, en vertu du paragraphe 3 de l’article 97 de son règlement intérieur, de déclarer la communication irrecevable. Le 13 mai 2004, par l’intermédiaire du Rapporteur spécial pour les nouvelles communications, le Comité a informé l’État partie de sa décision de ne pas séparer l’examen de la recevabilité de la communication de l’examen au fond et a rappelé à l’État partie qu’il devait lui faire tenir ses observations sur le fond avant le 18 août 2004. À la demande de l’État partie, ce délai a été prolongé jusqu’au 4 octobre 2004. Le 30 novembre 2004, l’État partie a de nouveau contesté la recevabilité de la communication. Suite à des rappels en date du 10 novembre et du 10 décembre 2004 et du 8 mars et du 6 avril 2005, l’État partie a fait savoir au Comité, le 9 juin 2005, que ses observations sur la recevabilité et sur le fond de la communication étaient en préparation. Le 15 juin 2005, l’État partie a été prié de tenir le Comité informé de l’état des procédures devant la High Court et la Cour d’appel du Guyana. Le 24 décembre 2007 et le 24 janvier 2008, le Comité a rappelé à l’État partie qu’il devait fournir des informations à jour sur la procédure judiciaire relative à la demande de nationalité de M. González. Un dernier rappel a été envoyé le 26 février 2008, accompagné d’un dernier appel invitant l’État partie à présenter ses observations sur le fond de la communication. Le 8 juillet 2008, l’État partie, sans présenter de commentaires sur le fond, a indiqué que la déclaration d’appel de l’auteur était toujours pendante devant la Cour d’appel.

12.2Le Comité rappelle que l’État partie est tenu de lui apporter sa coopération, en vertu du paragraphe 2 de l’article 4 du Protocole facultatif, et de lui soumettre par écrit, dans un délai de six mois, des explications ou déclarations éclaircissant la question et indiquant, le cas échéant, les mesures qu’il pourrait avoir prises pour remédier à la situation. Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas présenté d’observations sur le fond des allégations de l’auteur. En l’absence de telles informations, il y a lieu d’accorder le crédit voulu aux griefs formulés par l’auteur, pour autant que ceux‑ci soient suffisamment étayés.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

13.1Avant d’examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si cette communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

13.2Le Comité s’est assuré que la communication n’était pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

13.3En ce qui concerne l’allégation de l’auteur qui affirme que M. González risque d’être incarcéré ou même exécuté s’il est renvoyé à Cuba, ce qui soulève des questions au regard de l’article 7 du Pacte, le Comité estime que la question est sans objet puisque M. González ne se trouve pas, physiquement, dans la juridiction de l’État partie et que l’auteur n’a donc pas suffisamment étayé ce grief aux fins de la recevabilité. Par conséquent, cette partie de la communication est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

13.4En ce qui concerne la durée de la procédure devant la High Court, qui aurait été excessive, et le temps mis par le juge de cette juridiction pour rendre son jugement par écrit, qui serait injustifié, le Comité note que ces griefs portent sur la procédure judiciaire par laquelle l’auteur conteste le refus opposé à la demande d’acquisition de la nationalité de M. González. Il rappelle que la notion de «contestations sur [les] droits et obligations de caractère civil» («suit at law») au sens du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte est fondamentalement liée à la nature du droit en question et non au statut de l’une des parties, non plus qu’à l’organisme devant lequel les différents systèmes juridiques ont prévu qu’il sera statué sur les droits en question. L’article 45 de la Constitution du Guyana dispose que tout individu qui épouse une personne de nationalité guyanienne a le droit d’être enregistré comme citoyen guyanien, même si ce droit peut être limité par les exceptions ou restrictions qui pourraient être prescrites dans l’intérêt de la sécurité nationale ou de l’ordre public. Bien que le paragraphe 2 de l’article 7 de la loi sur la nationalité guyanienne prévoie que la décision du Ministre de refuser, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, l’enregistrement comme citoyen guyanien de toute personne à laquelle s’appliquent les exceptions ou restrictions prévues à l’article 45 de la Constitution, n’est pas susceptible d’appel ou de révision judiciaire, le Comité note que cela n’a pas empêché la High Court de réexaminer les décisions rendues par le Ministre le 27 mars 2002 et le 14 avril 2004 au sujet de la demande de nationalité de M. González et d’infirmer la première, par laquelle l’enregistrement de l’intéressé comme citoyen était refusé. Si les décisions concernant les demandes d’acquisition de la nationalité ne doivent pas nécessairement être rendues par un tribunal, en revanche le Comité considère que dès lors que, comme dans la présente affaire, un organe judiciaire est chargé de se prononcer sur une décision administrative relative à une telle demande, il doit respecter les garanties d’un procès équitable consacrées au paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte. En conséquence, le Comité conclut qu’en l’espèce le paragraphe 1 de l’article 14 (deuxième phrase) s’applique à la procédure relative à la demande de nationalité de M. González.

13.5Le Comité note que l’auteur a maintes fois attiré l’attention des instances judiciaires compétentes sur les retards dans la procédure. À ce sujet, il rappelle la déclaration, non contestée, de l’auteur qui a indiqué qu’elle-même et ses avocats avaient tenté de savoir à quelle date l’affaire serait de nouveau examinée et si le juge P. continuerait d’en présider l’examen devant la High Court après sa réaffectation à une autre juridiction, et que ses avocats avaient également abordé la question du retard du juge P. à rendre sa décision par écrit lors de consultations avec le Président de la High Court. Le Comité note aussi que le retard mis par le juge de la High Court à rendre sa décision par écrit n’a pas été expliqué. Il renvoie à sa jurisprudence et réaffirme que, aux fins du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif, les recours internes doivent être à la fois utiles et disponibles et ne doivent pas être d’une durée excessive. Le Comité considère que, dans la présente affaire, l’application des recours internes a été retardée de façon déraisonnable, et qu’il n’est donc pas empêché par les dispositions du paragraphe 2 b) de l’article 5 d’examiner la communication.

13.6En ce qui concerne les griefs de l’auteur qui soulèvent des questions au regard du paragraphe 1 de l’article 17 du Pacte, le Comité considère que l’auteur les a suffisamment étayés aux fins de la recevabilité. En l’absence d’autres obstacles à la recevabilité, il conclut que cette partie de la communication est recevable.

Examen au fond

14.1Le Comité doit déterminer si la durée de la procédure judiciaire devant la High Court de la Cour suprême et le temps mis par le Président de la High Court pour rendre sa décision écrite ont constitué une violation des droits de l’auteur et de son époux au regard du Pacte.

14.2Le Comité rappelle que la notion de procès équitable au sens du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte implique nécessairement que la justice soit rendue sans retard excessif. Il relève que l’appel formé par l’auteur devant la High Court contre la décision du Ministre en date du 14 avril 2004 remonte au 31 mai 2004 et que le juge qui présidait la Cour ne s’est prononcé sur sa requête que le 1er octobre 2006 bien que l’examen de l’affaire ait été achevé le 27 janvier 2006. Le Comité considère que l’État partie n’a pas expliqué pourquoi l’examen par la Cour de la constitutionnalité de la décision ministérielle en question avait pris vingt-huit mois. Même si le fait que le juge qui présidait la High Court ait été temporairement affecté à d’autres juridictions peut dans une certaine mesure expliquer le report, en 2005, de l’audience dans l’affaire, il ne peut justifier le délai de plus de huit mois qui s’est écoulé entre la clôture de l’affaire (27 janvier 2006) et la décision définitive (1er octobre 2006), délai pendant lequel aucun jugement écrit n’a été rédigé. De surcroît, le temps mis par le juge de la High Court à rendre publique sa décision écrite a encore retardé la procédure de plus de deux ans, puisque le recours formé par l’auteur devant la Cour d’appel ne pouvait pas être inscrit au rôle. Le Comité observe que l’effet combiné des retards intervenus dans la procédure judiciaire, après que le Ministre eut omis de réexaminer la demande de nationalité de l’époux de l’auteur dans un délai d’un mois comme le lui avait ordonné la High Court dans sa décision du 12 novembre 2003, a été préjudiciable à l’intérêt légitime de l’auteur et de son époux à obtenir des éclaircissements sur le statut de M. González au Guyana. En outre, il ne ressort pas du dossier remis au Comité que l’appel contre la décision du Ministre de l’intérieur du 14 avril 2004 ait eu un effet suspensif ou que la High Court ait pris des mesures conservatoires visant à protéger les droits de l’auteur et ceux de son époux en attendant le règlement définitif de l’affaire. Dans ce contexte, le Comité conclut que les retards susmentionnés étaient déraisonnables et qu’ils constituent une violation du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte.

14.3En ce qui concerne les griefs de l’auteur qui soulèvent des questions au regard du paragraphe 1 de l’article 17 du Pacte, le Comité relève que M. González n’est pas autorisé à résider légalement au Guyana et qu’en conséquence il a dû quitter le pays et ne peut pas vivre avec sa femme. À l’évidence, le couple ne peut pas non plus vivre à Cuba. L’État partie n’a pas indiqué en quel autre lieu ils pourraient vivre comme mari et femme. Le Comité considère que ce fait constitue une immixtion dans la vie de famille des deux époux. La question qui se pose est celle de savoir si cette immixtion est arbitraire ou illégale. Le Comité rappelle sa jurisprudence et réaffirme que les immixtions autorisées par les États ne peuvent avoir lieu qu’en vertu d’une loi. Quant à la notion d’arbitraire, elle a pour objet de garantir que même une immixtion prévue par la loi soit conforme aux dispositions, aux buts et aux objectifs du Pacte et soit, dans tous les cas, raisonnable eu égard aux circonstances particulières.

14.4Dans la présente affaire, le Comité prend note de l’argument de l’État partie, lequel affirme que le Ministre a refusé d’enregistrer M. González comme citoyen guyanien ou de lui délivrer un permis de travail parce que la violation, par l’intéressé, de ses obligations contractuelles à l’égard de l’UCCM pouvait nuire aux bonnes relations entre les Gouvernements guyanien et cubain. Le Comité prend note également de la décision en date du 12 novembre 2003 par laquelle la High Court a infirmé la décision du Ministre. Au vu des retards intervenus dans les procédures subséquentes, le Comité n’est pas en mesure de conclure à l’illégalité de l’immixtion en cause. En revanche, il considère que la manière dont les autorités de l’État partie ont traité la demande de nationalité de M. González est déraisonnable et constitue une immixtion arbitraire dans la famille de l’auteur et de son époux. Il en conclut que ceux-ci ont été atteints dans le droit qui leur est reconnu au paragraphe 1 de l’article 17 du Pacte.

15.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, est d’avis que les faits dont il est saisi font apparaître une violation du paragraphe 1 de l’article 14 et du paragraphe 1 de l’article 17 du Pacte.

16.Conformément au paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte, l’auteur et son époux ont droit à un recours utile, y compris sous la forme d’une indemnisation et de mesures appropriées visant à faciliter leur regroupement familial. L’État partie est également tenu de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas à l’avenir.

17.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif, l’État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s’il y a eu ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire ou relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations. L’État partie est invité en outre à rendre publiques les présentes constatations.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]

Appendice

Opinion individuelle de Mme Ruth Wedgwood

Le Comité des droits de l’homme conclut à une violation, par l’État partie, des articles 14 et 17 du Pacte en raison de la durée excessivement prolongée des procédures d’appel qui ont fait suite à la décision administrative par laquelle l’époux de l’auteur s’est vu refuser un permis de séjour, un permis de travail ou la nationalité, ce qui lui aurait permis de résider avec sa femme sur le territoire de l’État partie, dont celle-ci est ressortissante. Je partage cette conclusion, et je doute que le souci de pouvoir continuer à bénéficier d’une assistance économique de la part d’un État étranger tel que Cuba puisse constituer un motif légitime de refuser un droit de résidence. Cependant, en l’espèce, le Comité n’a pas eu l’occasion de traiter une question de fond plus large, celle de savoir si le Pacte crée une obligation immuable, pour un État partie, d’accorder un permis de séjour et la naturalisation à tout conjoint reconnu d’un de ses ressortissants, lorsqu’à l’évidence il n’y a aucun autre lieu où le couple pourrait résider ensemble.

La protection de la famille prévue par l’article 17 devrait être interprétée avec libéralité. Mais, avant de se pencher sur cette question, le Comité pourrait souhaiter examiner également l’historique des négociations relatives au Pacte et la pratique générale des États, s’agissant des difficultés qu’ils peuvent rencontrer lorsqu’ils s’acquittent de leur obligation de protection à l’égard de tous leurs ressortissants.

(Signé) Ruth Wedgwood

[Fait en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]