Nations Unies

CCPR/C/98/D/1338/2005

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. restreinte*

10 mai 2010

Français

Original: anglais

Comité des droits de l ’ homme

Quatre-vingt-dix-huitième session

8-26 mars 2010

Constatations

Communication no 1338/2005

Présentée par:

Soyuzbek Kaldarov (représenté par deux conseils, Amageldy Moldobaev et Salizhan Maitov)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Kirghizistan

Date de la communication:

27 décembre 2004 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application des articles 92 et 97 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 10 janvier 2005 (non publiée sous forme de document)

Date de la présente décision:

18 mars 2010

Objet:

Non-présentation d’un détenu à un juge et condamnation à mort à l’issue d’un procès inéquitable

Questions de procédure:

Griefs non étayés

Questions de fond:

Droit à la vie; torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants; détention arbitraire; droit d’être déféré sans délai devant un juge; droit d’engager une action devant un tribunal; droit d’être traité avec humanité et avec le respect de sa dignité; présomption d’innocence; droit d’être jugé sans retard excessif; droit à l’assistance d’un conseil; droit de ne pas être forcé de témoigner contre soi-même ou de s’avouer coupable

Articles du Pacte:

6 (par. 1), 7, 9 (par. 1, 3 et 4), 10 (par. 1) et 14 (par. 2 et 3, al. c, d et g)

Article du Protocole facultatif:

2

Le 18 mars 2010, le Comité des droits de l’homme a adopté le texte ci-après en tant que constations au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif concernant la communication no 1338/2005.

[Annexe]

Annexe

Constatations du Comité des droits de l’homme au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (quatre-vingt-dix-huitième session)

concernant la

Communication no 1338/2005 **

Présentée par:

Soyuzbek Kaldarov (représenté par deux conseils, Amageldy Moldobaev et Salizhan Maitov)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Kirghizistan

Date de la communication:

27 décembre 2004 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l ’ homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le18 mars 2010,

Ayant achevé l’examen de la communication no 1338/2005 présentée au nom de M. Soyuzbek Kaldarov en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif

1.1L’auteur de la communication est M. Soyuzbek Kaldarov, de nationalité kirghize, né en 1976 qui, quand la communication a été envoyée au Comité, était détenu dans le quartier des condamnés à mort à Osh (Kirghizistan). Il se déclare victime de violations par le Kirghizistan des droits garantis par les articles 6 (par. 1), 7, 9 (par. 1, 3 et 4), 10 (par. 1) et 14 (par. 2 et 3, al. c, d et g) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. L’auteur est représenté par deux conseils. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 7 janvier 1995.

1.2Le 10 janvier 2005, le Comité, agissant par l’intermédiaire de son Rapporteur spécial chargé des nouvelles communications et des mesures provisoires et, en application de l’article 92 de son Règlement intérieur, a demandé à l’État partie de surseoir à l’exécution de l’auteur tant qu’il n’aurait pas achevé l’examen de la communication.

1.3Un moratoire sur les exécutions capitales a été instauré au Kirghizistan par un décret présidentiel entré en vigueur le 8 décembre 1998. Depuis, le moratoire a été prolongé d’année en année. Le décret présidentiel du 30 décembre 2003 («Prolongation du moratoire sur les exécutions capitales dans la République kirghize»), l’a prorogé jusqu’au 31 décembre 2004. Le 9 novembre 2006, le Kirghizistan a adopté une nouvelle Constitution qui a aboli la peine de mort. Le 30 juillet 2009, l’État partie a informé le Comité que le 17 décembre 2007 la Chambre criminelle de la Cour suprême du Kirghizistan avait commué la peine de mort à laquelle M. Kaldarov avait été condamné en une peine d’emprisonnement à perpétuité.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1Le 7 mars 1999 vers 2 heures du matin l’auteur, accompagné de quatre connaissances, conduisait la voiture d’un tiers dans la banlieue de Bichkek, lorsque deux policiers de la route lui ont fait signe de s’arrêter. L’un des passagers, K. A., a dit à l’auteur d’ignorer les policiers et d’accélérer. Après une brève poursuite, le véhicule de la police a bloqué la voiture. Il s’est ensuivi une rixe entre les policiers, l’auteur et trois des passagers de la voiture. L’un des policiers ayant tiré un coup de feu d’avertissement, l’auteur et les trois passagers ont regagné la voiture et ont démarré. Peu après, K. A. a ordonné à l’auteur de faire demi-tour et de retourner vers les policiers pour prendre leur arme, ce qu’il a fait. K. A. a ouvert le coffre de la voiture et en a sorti un fusil à canon scié. Il a abattu l’un des policiers à bout portant et a tiré sur le second policier avec l’arme du premier, dont il s’était emparé.

2.2Le 9 mars 1999, la police a arrêté l’auteur et les deux autres passagers, A. M. et K. K.; ils ont immédiatement avoué avoir commis un crime et ont expliqué le rôle que chacun avait joué. En particulier, ils ont unanimement désigné K. A. comme le meurtrier des deux policiers et ont réitéré leurs déclarations pendant la reconstitution sur le lieu du crime, qui a fait l’objet d’un enregistrement vidéo. Par la suite toutefois, les enquêteurs ont mené «une nouvelle enquête, en exerçant des pressions physiques», et le meurtre de l’un des policiers a alors été imputé à l’auteur. Les premières déclarations de A. M. et K. K., faites après leur arrestation, ont disparu du dossier pénal et, à une date non précisée, l’auteur a été inculpé du meurtre de l’un des policiers.

2.3Le 2 mars 2000, le tribunal de district de Pervomai à Bichkek a reconnu l’auteur coupable de banditisme (art. 230, par. 2 du Code pénal), d’acquisition illégale d’un véhicule ou d’un autre moyen de transport motorisé (art. 172, par. 3), d’acquisition, de transfert, de commerce, de stockage, de transport ou de port illicites d’armes à feu, de munitions ou de matériels ou de dispositifs explosifs (art. 241, par. 3), de production ou de réparation illégales d’armes à feu (art. 242, par. 1.1), de vol (art. 164, par. 3.1), de fraude (art. 166, par. 3.3), d’utilisation de la force à l’encontre d’un agent public (art. 341, par. 2), de dommages graves à la santé commis avec préméditation (art. 104, par. 3.1, 3.2 et 3.3), d’atteinte à la vie sur la personne d’un agent des forces de l’ordre (art. 340) et de meurtre (art. 97, par. 2.1, 2.3 à 6, 2.10 et 2.13 à 17). Il a été condamné à la peine capitale, assortie de la confiscation de ses biens.

2.4Le 13 juin 2000, la chambre criminelle du tribunal de Bichkek a rejeté le pourvoi en cassation de l’auteur. Le 19 décembre 2000, la Cour suprême saisie d’une demande de réexamen en supervision, a confirmé le jugement du tribunal de Bichkek. La demande de grâce présidentielle de l’auteur a été rejetée le 13 octobre 2001.

2.5Le 6 octobre 2004, A. M. a présenté au Président de la Cour suprême une requête dans laquelle il affirmait que c’était K. A. qui avait tué les deux policiers à la date en question, et demandait la révision de la condamnation de l’auteur. Il affirmait avoir été contraint sous la pression d’agents des forces de l’ordre de modifier son témoignage initial et d’accuser M. Kaldarov du meurtre.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme que les droits qu’il tient des paragraphes 3 et 4 de l’article 9 ont été violés, du fait que la première et la seconde enquêtes ont été menées sans qu’une décision judiciaire n’ait été rendue sur la légalité de sa détention. Il fait valoir en outre que la loi kirghize ne requiert pas que la personne détenue pour une infraction pénale soit présentée sans délai devant un juge, ce qui est contraire au paragraphe 3 de l’article 9. En outre, si une personne arrêtée ou détenue est déférée devant une autorité autre qu’un juge, cette autorité devrait être habilitée par la loi à exercer des fonctions judiciaires et devrait être indépendante pour les questions à traiter. Dans le cas de l’auteur, le placement en détention a été autorisé par un procureur, qui ne peut pas être considéré comme une autorité indépendante. L’auteur fait également référence à la jurisprudence du Comité qui a établi qu’un délai d’une semaine entre le moment où un individu est arrêté et le moment où il est déféré devant un juge dans une affaire où l’intéressé risque la peine de mort ne peut être considéré comme compatible avec le paragraphe 3 de l’article 9, et qu’une détention avant jugement d’une durée supérieure à seize mois, si l’infraction peut emporter la peine de mort, constitue, en l’absence d’explications satisfaisantes de l’État partie ou d’autres justifications ressortant du dossier, une violation du droit énoncé au paragraphe 3 de l’article 9 d’être jugé «dans un délai raisonnable» ou d’être libéré. L’auteur fait valoir qu’il serait inutile de soulever ses griefs relatifs au paragraphe 3 de l’article 9 devant les juridictions internes car faute de lois nationales pertinentes les tribunaux seraient dans l’incapacité de faire respecter les droits garantis dans cette disposition. Il n’existe donc aucun recours interne que l’auteur pourrait utiliser en ce qui concerne les griefs tirés de cette disposition du Pacte.

3.2L’auteur se déclare victime de violations du paragraphe 1 de l’article 9 et du paragraphe 3 d) de l’article 14, du fait qu’un avocat n’a été chargé de le défendre que le 16 mars 1999, sept jours après son arrestation. Le paragraphe 1 de l’article 100 du Code de procédure pénale dispose que toute personne soupçonnée d’une infraction pénale doit être interrogée en présence d’un avocat. Le paragraphe 1 de l’article 216 du Code de procédure pénale dispose que l’intéressé doit être informé des charges retenues contre lui en présence d’un avocat. L’article 46 dispose que dans les affaires pénales l’assistance d’un avocat est obligatoire si: 1) elle a été demandée par le suspect, le prévenu ou l’accusé et […] 5) l’intéressé est soupçonné ou inculpé d’une infraction particulièrement grave. L’article 13 du Code pénal définit les infractions particulièrement graves comme des crimes commis avec préméditation qui emportent une peine d’emprisonnement supérieure à dix ans ou la peine capitale. L’auteur fait valoir que dès le moment de son arrestation, il était soupçonné d’avoir commis un crime punissable de mort et qu’il aurait donc dû bénéficier de l’assistance d’un avocat dès ce moment. Au mépris du droit, il a été arrêté, interrogé et inculpé d’un crime particulièrement grave en l’absence d’un avocat.

3.3L’auteur se déclare victime de violations des paragraphes 2 et 3 g) de l’article 14, parce que pour déterminer sa culpabilité les tribunaux se sont principalement fondés sur les témoignages de ses complices, obtenus sous la pression d’agents des forces de l’ordre. Il affirme qu’il a indiqué au tribunal l’existence d’un précédent témoignage de ses complices le disculpant du meurtre des policiers. Toutefois, le tribunal a interprété toutes les contradictions relevées en faveur de l’accusation, reportant la charge de la preuve sur l’accusé. L’auteur affirme qu’il a soulevé ces questions devant les juridictions internes mais que «étant donné que cela n’était pas reflété dans les comptes rendus d’audience, toutes les voies de recours internes ont été épuisées».

3.4L’auteur invoque également une violation des droits qu’il tient de l’article 7 et du paragraphe 1 de l’article 10, parce que quand il était dans un centre de détention temporaire (IVS), des agents des forces de l’ordre l’ont roué de coups à plusieurs reprises pour le forcer à «témoigner contre lui-même». Il affirme qu’A. M. et lui-même ont formulé des plaintes à ce sujet au procès, mais qu’il n’en a pas été tenu compte. L’auteur ajoute que dans le quartier des condamnés à mort il a contracté de nombreuses maladies, notamment la tuberculose, et que l’un de ses complices, avec lequel il partageait sa cellule, K. A., est mort de la tuberculose. L’État partie est tenu de garantir aux détenus un accès égal aux services médicaux sans faire de distinction selon leur situation juridique, mais l’auteur n’a pas reçu les soins médicaux nécessités par son état. Il fait également référence à la jurisprudence du Comité, selon laquelle il faut comprendre le paragraphe 3 g) de l’article 14 comme l’obligation pour les autorités chargées de l’enquête de s’abstenir de toute pression physique ou psychologique directe ou indirecte sur l’inculpé en vue d’obtenir une reconnaissance de culpabilité. Il est donc inacceptable de traiter un inculpé d’une façon contraire à l’article 7 du Pacte pour lui extorquer des aveux.

3.5L’auteur a fait valoir en outre qu’il y a eu violation du paragraphe 3 c) de l’article 14, car alors qu’il a été arrêté le 9 mars 1999, le procès a débuté seulement en mars 2000 et s’est terminé en décembre. Il a donc attendu plus d’un an et demi pour que l’affaire soit examinée par les tribunaux, ce qui constitue une violation flagrante de la disposition du Pacte susmentionnée. L’auteur renvoie à la jurisprudence du Comité qui a établi que la complexité des circonstances et la lenteur de l’enquête ne suffisaient pas à expliquer un délai important entre l’inculpation et le procès. L’auteur fait également référence à l’Observation générale no13 du Comité, qui a souligné que la garantie consacrée au paragraphe 3 c) de l’article 14 «concerne non seulement le moment où le procès doit commencer, mais aussi le moment où il doit s’achever et où le jugement doit être rendu: toutes les étapes doivent se dérouler sans retard excessif. Pour que ce droit soit effectif, il doit exister une procédure qui garantisse que le procès se déroulera sans retard excessif, que ce soit en première instance ou en appel.».

3.6Enfin, l’auteur invoque une violation du paragraphe 1 de l’article 6 parce qu’il a été condamné à mort à l’issue d’un procès au cours duquel les dispositions du Pacte n’ont pas été respectées. Il renvoie à la jurisprudence du Comité, qui a réitéré que la peine de mort ne pouvait être prononcée que selon la législation en vigueur et ne devait pas être en contradiction avec les dispositions du Pacte, en ce qui concerne notamment le droit à un jugement équitable rendu par un tribunal indépendant, la présomption d’innocence, les garanties minima de la défense et le droit de recourir à une instance supérieure.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Dans une note du 4 mars 2005, l’État partie affirme que la culpabilité de l’auteur a été prouvée par les pièces du dossier, notamment les témoignages de ses complices, A. M., K. K. et K. A., les déclarations de témoins, une lettre adressée à K. A. dans laquelle l’auteur lui-même lui demandait d’assumer la responsabilité du meurtre des deux policiers, les rapports établis sur le lieu du crime, les rapports relatifs à la saisie du fusil au canon scié et de l’arme du policier, les rapports de l’examen des vêtements de l’auteur, les expertises médico-légales et les examens balistiques et biologiques.

4.2L’État partie affirme qu’il n’y a eu aucune irrégularité dans la procédure pénale, ni au cours de l’enquête ni pendant le procès de l’auteur. Le tribunal a procédé à une évaluation objective des preuves et a correctement qualifié les actes de l’auteur. Pour déterminer la peine, le tribunal a tenu compte du danger public représenté par l’auteur et de la gravité des conséquences du crime commis.

4.3En ce qui concerne les violations du Code de procédure pénale qui, selon l’auteur, auraient eu lieu pendant l’enquête, les autorités chargées des poursuites ont ouvert sans délai une enquête et, aucune irrégularité n’ayant été relevée, le tribunal de district de Pervomai à Bichkek a rendu son verdict. Le jugement a par la suite été confirmé par le tribunal de Bichkek et par la Cour suprême.

4.4Enfin, l’État partie relève que le moratoire sur les exécutions capitales a été prolongé jusqu’au 31 décembre 2005 par un décret présidentiel en date du 10 janvier 2005.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1Dans une réponse datée du 17 février 2009, l’auteur souligne que dans ses observations sur la recevabilité et le fond, l’État partie n’a répondu à aucun des griefs formulés dans la plainte initiale. L’État partie s’est contenté d’affirmer que les autorités chargées des poursuites avaient ouvert sans délai une enquête sur la procédure, sans répondre à aucune des questions concernant le temps écoulé entre son arrestation et son déferrement devant un juge, le moment où lui a été commis un avocat, ce qu’il est advenu des premiers témoignages de ses complices et pourquoi son complice, K. A., était mort de la tuberculose en détention. Selon l’auteur, le fait que l’État partie n’ait pas donné d’informations concrètes en réponse à ses allégations prouve que les violations invoquées ont réellement eu lieu.

5.2L’auteur dit que le seul fait nouveau positif survenu dans l’État partie important pour sa situation est l’adoption de la loi no 91 du 25 juin 2007 portant modification du Code pénal et du Code de procédure pénale, qui remplace la peine capitale par l’emprisonnement à perpétuité.

Observations complémentaires de l’État partie

6.1Dans une réponse en date du 30 juillet 2009, l’État partie affirme que l’auteur et ses trois complices ont été arrêtés le 9 mars 1999 en vertu de l’article 426 du Code de procédure pénale de 1960 parce qu’ils étaient soupçonnés d’avoir commis deux meurtres le 7 mars 1999. Le rapport versé au dossier donne toutes les informations sur son arrestation. Le même jour, un enquêteur principal du bureau du Procureur de la ville de Bichkek a chargé un avocat, Me S. Sharsheev, d’assurer la défense de l’auteur, et à compter de ce moment l’auteur a bénéficié de l’assistance d’un avocat à tous les stades de la procédure.

6.2Le 12 mars 1999, l’auteur a été inculpé de meurtre (art. 97, par. 2 du Code pénal), de dissimulation d’une infraction (art. 339, par. 2) et d’acquisition, de transfert, de commerce, de stockage, de transport ou de port illicites d’armes à feu, de munitions ou de matériels ou de dispositifs explosifs (art. 241, par. 2). Le même jour, le procureur de la ville de Bichkek a autorisé le placement en détention. Le 3 mai 1999, à la demande de l’enquêteur l’enquête préliminaire a été prolongée jusqu’au 7 juin 1999. Le 31 mai 1999, l’enquête préliminaire, et, par conséquent, la détention, ont été prolongées jusqu’au 7 juillet 1999 et le 28 juin 1999, la prolongation jusqu’au 7 août 1999 a été décidée.

6.3Le 14 août 1999, l’affaire a été transmise au procureur de la ville de Bichkek pour approbation et renvoi au tribunal. Le 18 août 1999, le dossier a été transmis au tribunal de district de Pervomai à Bichkek pour examen. Le 9 septembre 1999, un juge de ce tribunal a renvoyé l’affaire au procureur de la ville de Bichkek en demandant des éclaircissements sur l’enquête. Le 15 septembre 1999, la détention a été prolongée jusqu’au 24 septembre 1999 avec l’autorisation du procureur de la ville de Bichkek.

6.4Le 20 septembre 1999, l’affaire a été transmise au procureur de la ville de Bichkek pour approbation et renvoi au tribunal. Le 23 septembre 1999, le dossier a été transmis au tribunal de district de Pervomai à Bichkek pour examen, mais les audiences ont été reportées à de nombreuses reprises en raison de la non-comparution des victimes et des témoins et des demandes de changement d’avocat des accusés.

6.5L’État partie réaffirme que l’auteur a bénéficié de l’assistance d’un avocat dès le jour même de son arrestation et que cet avocat a été présent à tous les stades de la procédure. La prolongation de la détention et de l’enquête préliminaire ainsi que la présentation des chefs d’accusation ont été effectuées dans le plein respect de la loi pénale et de la loi de procédure pénale de l’État partie. Enfin, l’État partie appelle l’attention du Comité sur l’article 382 du Code de procédure pénale qui dispose que les décisions de la Cour suprême sont définitives et non susceptibles d’appel.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

7.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

7.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement et note que l’État partie n’a pas contesté que les recours internes aient été épuisés.

7.3Le Comité note que l’auteur invoque une violation de l’article 7 et du paragraphe 3 g) de l’article 14 parce que les agents des forces de l’ordre l’ont passé à tabac pour le forcer à «témoigner contre lui-même». Il note également que l’État partie n’a rien répondu sur ce point précis. Le Comité observe toutefois que les allégations de l’auteur sont formulées en termes très généraux. L’auteur ne donne aucune information concernant la date, le lieu, la fréquence et la durée des passages à tabac. Il ne donne aucune indication précise concernant les méthodes utilisées, l’identité, ou l’apparence des agents en cause, leur nombre, ou toutes séquelles médicales ou autres, du traitement qu’il dit avoir subi. Il n’a présenté aucun certificat médical attestant de mauvais traitements, quels qu’ils soient. Le Comité note également que bien que l’auteur affirme avoir dénoncé devant les juridictions nationales des traitements contraires à l’article 7 et des irrégularités constitutives d’une atteinte au paragraphe 3 g) de l’article 14, il n’en est fait mention nulle part dans les copies des pièces du procès adressées au Comité. Dans ces circonstances, le Comité considère que l’auteur n’a pas, aux fins de la recevabilité de sa communication, suffisamment étayé cette allégation et déclare cette partie de la communication irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

7.4Le Comité prend note du grief soulevé par l’auteur qui affirme que les droits consacrés au paragraphe 1 de l’article 9 et au paragraphe 3 d) de l’article 14 ont été violés étant donné qu’il n’a bénéficié de l’assistance d’un avocat que sept jours après son arrestation et qu’il a donc été arrêté, interrogé et inculpé d’un crime particulièrement grave en l’absence d’un avocat. Dans sa réponse, que l’auteur n’a pas contestée, l’État partie affirme que l’auteur a été représenté par un avocat dès le jour de son arrestation le 9 mars 1999; par conséquent, le Comité déclare cette partie de la communication irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif, faute d’avoir été suffisamment étayée aux fins de la recevabilité.

7.5Le Comité note que l’auteur se déclare victime d’une violation du droit consacré au paragraphe 4 de l’article 9, mais qu’il ne donne aucune précision à ce sujet. En l’absence de toute information utile à ce propos, cette partie de la communication est déclarée irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif, faute d’avoir été suffisamment étayée aux fins de la recevabilité.

7.6L’auteur affirme que pendant sa détention dans le quartier des condamnés à mort il a contracté de nombreuses maladies, dont la tuberculose, et que, contrairement à l’obligation qui incombe à l’État partie en vertu du paragraphe 1 de l’article 10, il n’a pas reçu des soins médicaux appropriés. Le Comité note toutefois que les informations dont il est saisi ne permettent pas de déterminer quel était l’état de santé de l’auteur avant et pendant sa détention dans le quartier des condamnés à mort. Elles ne permettent pas non plus de savoir si ces griefs ont été soulevés devant les juridictions nationales. Dans ces circonstances, le Comité considère que cette partie de la communication n’a pas été suffisamment étayée aux fins de la recevabilité et la déclare donc irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

7.7Le Comité prend note des griefs formulés par l’auteur au titre du paragraphe 2 de l’article 14 relativement à la façon dont les tribunaux ont traité son affaire. Il relève cependant que ces griefs ont trait essentiellement à l’appréciation des faits et des éléments de preuve par les tribunaux de l’État partie. Il rappelle que c’est généralement aux tribunaux des États parties qu’il appartient d’apprécier les faits et les éléments de preuve dans une affaire donnée, sauf s’il peut être établi que cette appréciation a été manifestement arbitraire ou a représenté un déni de justice. En l’espèce, le Comité considère qu’en l’absence dans le dossier des comptes rendus d’audience du procès devant le tribunal de première instance, des textes du recours formé par l’auteur et de sa demande de réexamen en supervision ou d’autres informations similaires qui auraient permis au Comité de vérifier si le procès a réellement été entaché de telles irrégularités, cette partie de la communication n’a pas été suffisamment étayée aux fins de la recevabilité et la déclare donc irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

7.8Pour ce qui est du grief de violation du paragraphe 3 c) de l’article 14, soulevé au motif qu’il se serait écoulé un laps de temps excessif d’un an et neuf mois entre l’arrestation de l’auteur, le 9 mars 1999, et la décision de la Cour suprême sur sa demande de réexamen en supervision, le 19 décembre 2000, le Comité note que l’auteur a été inculpé le 12 mars 1999 et qu’il a été condamné le 2 mars 2000. Il relève que l’auteur n’a pas suffisamment expliqué pourquoi il considérait que cette durée était excessive. À la lumière des informations dont il dispose, le Comité conclut que ce grief est insuffisamment étayé et le déclare donc irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

7.9Concernant les allégations de violation du paragraphe 1 de l’article 6, le Comité note que le 17 décembre 2007 la Chambre criminelle de la Cour suprême a commué la peine de mort en une peine d’emprisonnement à perpétuité. Compte tenu de ce qui précède et étant donné que les allégations de violation de l’article 6 reposent exclusivement sur les griefs tirés de l’article 14, dont le Comité considère qu’aucun n’a été suffisamment étayé aux fins de la recevabilité, cette partie de la communication est donc également irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

7.10Le Comité considère que le grief tiré du paragraphe 3 de l’article 9 du Pacte a été suffisamment étayé aux fins de la recevabilité et procède à son examen quant au fond.

Examen au fond

8.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par les parties.

8.2Le Comité prend note de l’allégation de l’auteur, que les pièces du dossier soumises par l’État partie corroborent (voir par. 6.2 et 6.3), qui affirme que les droits garantis par le paragraphe 3 de l’article 9 du Pacte ont été violés, parce que le placement en détention a été autorisé par un procureur, qui ne peut pas être considéré comme une autorité indépendante. À ce propos, le Comité rappelle sa jurisprudence et réaffirme qu’en vertu du paragraphe 3 de l’article 9, tout individu détenu du chef d’une infraction pénale a droit au contrôle judiciaire de sa détention. Il est généralement admis que le bon exercice du pouvoir judiciaire exige que ce contrôle soit assuré par une autorité indépendante, objective et impartiale par rapport aux questions à traiter. En l’espèce, le Comité n’est pas convaincu que le procureur puisse être considéré comme ayant l’objectivité et l’impartialité institutionnelles nécessaires pour être qualifié «d’autorité habilitée par la loi à exercer des fonctions judiciaires» au sens du paragraphe 3 de l’article 9. Le Comité conclut donc qu’il y a eu violation de cette disposition du Pacte.

9.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, est d’avis que les faits dont il est saisi font apparaître une violation du paragraphe 3 de l’article 9 du Pacte.

10.En vertu du paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer à l’auteur un recours utile, sous la forme d’une indemnisation appropriée, et de procéder aux modifications de la loi nécessaires pour faire en sorte que des violations analogues ne se reproduisent pas à l’avenir.

11.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif l’État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s’il y avait eu ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations. L’État partie est invité en outre à rendre publiques les présentes constatations.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]