Nations Unies

CED/C/BRA/CO/1

Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées

Distr. générale

3 novembre 2021

Français

Original : anglais

Comité des disparitions forcées

Observations finales concernant le rapport soumis par le Brésil en application de l’article 29 (par. 1) de la Convention *

1.Le Comité des disparitions forcées a examiné le rapport présenté par le Brésil en application de l’article 29 (par. 1) de la Convention à ses 362e et 364e séances, qui se sont tenues les 13 et 14 septembre 2021 sous forme hybride en raison de la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19). À sa 379e séance, le 23 septembre 2021, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport établi par le Brésil en application de l’article 29 (par. 1) de la Convention, bien que celui-ci ait été soumis avec sept années de retard. Il note également avec satisfaction que l’État partie apublié un projet de rapport en ligne et mené des consultations publiques en ligne pour permettre à la société civile de contribuer à son élaboration. En outre, il remercie l’État partie pour ses réponses écrites à la liste de points à traiter.

3.Le Comité s’est félicité de la possibilité qui lui était donnée de dialoguer de manière constructive avec la délégation de l’État partie concernant les mesures prises pour appliquer les dispositions de la Convention.

B.Aspects positifs

4.Le Comité félicite l’État partie d’avoir ratifié la quasi-totalité des principaux instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme et des protocoles facultatifs s’y rapportant, ainsi que la Convention interaméricaine sur la disparition forcée des personnes et le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, ou d’y avoir adhéré.

5.Le Comité accueille avec satisfaction les mesures prises par l’État partie dans des domaines intéressant la Convention, notamment l’adoption sous forme de loi de la politique nationale relative à la recherche des personnes disparues et la création du registre national des personnes disparues par la loi no 13812/2019, ainsi que la création de la Commission nationale de la vérité par la loi no 12528/2011.

6.Le Comité se félicite que l’État partie ait adressé une invitation permanente à tous titulaires de mandat au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme et l’encourage à examiner favorablement la demande de visite qui lui a été adressée par le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires le 8 avril 2020.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

7.Le Comité considère qu’au moment de l’adoption des présentes observations finales, la législation visant à prévenir et à réprimer les disparitions forcées , à garantir les droits des victimes et à assurer l’efficacité de l’action de certaines autorités qui était en vigueur dans l’État partie n’était pas pleinement conforme à la Convention. Il encourage l’État partie à appliquer ses recommandations, formulées dans un esprit constructif de coopération, l’objectif étant de faire en sorte que la législation en vigueur et la manière dont elle est appliquée par les pouvoirs publics soient pleinement conformes aux dispositions de la Convention. Il invite l’État partie à mettre à profit le processus d’examen du projet de loi no 6240/2013, actuellement en cours, pour appliquer les recommandations pertinentes figurant dans le présent document.

1.Renseignements d’ordre général

Procédure d’action en urgence

8.Le Comité note qu’une seule demande d’action en urgence a été transmise à l’État partie, mais il regrette les retards réguliers dans les réponses de l’État partie à ses communications concernant la suite donnée à cette demande (art. 30).

9. Le Comité engage l’État partie à renforcer sa coopération dans le cadre de la procédure d’action en urgence et à prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir le traitement immédiat et le suivi en temps voulu de ses communications relatives à la demande d’action en urgence. Il invite en outre l’État partie à diffuser l’information sur la procédure d’action en urgence auprès des acteurs de la société civile et de la population en général.

Communications émanant de particuliers ou d’États

10.Le Comité constate que l’État partie n’a pas encore reconnu la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers ou d’États en vertu des articles 31 et 32 de la Convention, respectivement. Il note que des consultations internes approfondies ont lieu à ce sujet, mais regrette que l’État partie ait affirmé que rien n’indiquait qu’il reconnaîtrait cette compétence « dans un avenir proche » (art. 31 et 32).

11. Le Comité encourage l’État partie à reconnaître sa compétence pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers ou d’États conformément aux articles 31 et 32 de la Convention, respectivement, en vue de renforcer le régime de protection contre les disparitions forcées prévu par cet instrument.

2.Définition et incrimination de la disparition forcée (art. 1er à 7)

Informations statistiques

12.Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas fourni de données statistiques ventilées sur les personnes disparues, notamment sur les cas de disparition forcée au sens de l’article 2 de la Convention. À cet égard, il prend note avec intérêt des informations communiquées au cours du dialogue concernant le Registre national des personnes disparues créé par la loi no 13812/2019, qui est en cours de mise en place et devrait devenir opérationnel dans les prochains mois. Il note en particulier avec satisfaction que l’État partiea affirmé que ce registre engloberait toutes les formes possibles de disparition, y compris les disparitions forcées, et serait lié, entre autres, au système national de localisation et d’identification des personnes disparues (art. 1er, 3 et 12).

13.L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour générer rapidement des informations statistiques précises et à jour sur les personnes disparues, ventilées par sexe, âge, nationalité, lieu d’origine et origine raciale ou ethnique. Ces informations devraient comprendre la date de la disparition, le nombre de personnes disparues qui ont été localisées, vivantes ou non, et le nombre de cas dans lesquels il y aurait eu, d’une manière ou d’une autre, participation de l’État au sens de l’article 2 de la Convention. À cet égard, le Comité recommande à l’État partie d’accélérer la mise en place du Registre national des personnes disparues en veillant à ce qu’il contienne au minimum toutes les informations visées dans la présente recommandation.

Infraction de disparition forcée

14.Le Comité constate avec préoccupation que l’État partie n’a pas encore fait de la disparition forcée une infraction autonome. Il note que le projet de loi no 6240/2013 n’a pas encore été approuvé et que, même s’il prévoit des circonstances aggravantes, les peines envisagées, qui vont de six à dix ans d’emprisonnement, ne sont pas proportionnées à la gravité de l’infraction, en particulier si des circonstances atténuantes sont retenues. Il prend aussi note de la position exprimée par l’État partie pendant le dialogue, selon laquelle les affaires visées par la loi d’amnistie no 6683/1979 ne sauraient entrer dans le champ d’application de la Convention, étant donné qu’elles sont antérieures à son entrée en vigueur. Néanmoins, et compte tenu du caractère continu de la disparition forcée, il s’inquiète des limitations que la loi d’amnistie pourrait imposerà l’application des dispositions incriminant la disparition forcée une fois celles-ci adoptées (art. 2, 4, 7 et 8).

15. Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires :

a) Pour accélérer l ’ adoption de dispositions é rige ant la disparition forcée en infraction autonome, en veillant à ce qu ’ elles en donnent une définition qui soit pleinement compatible avec l ’ article 2 de la Convention et à ce qu ’ elles prévoient des peine s appropriées qui tiennent compte de son ex trême gravité ;

b) Pour que l’application de ces dispositions aux cas de disparitions forcées qui ont commencé avant leur entrée en vigueur mais qui se sont poursuivies au ‑delà ne soit soumise à aucune limitation , y compris sur le fondement de la loi d’amnistie.

La disparition forcée en tant que crime contre l’humanité

16.Le Comité note que l’État partie a affirmé que le Statut de Rome était « pleinement applicable » dans son système judiciaire − c’est-à-dire que ses dispositions étaient appliquées par les tribunaux − et que, puisque le Statut qualifiait la disparition forcée de crime contre l’humanité lorsqu’elle était commise dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique dirigée contre toute population civile, c’était aussi le cas dans le système juridique interne. Il regrette toutefois le manque de clarté quant à la possibilité pour les juridictions pénales nationales d’appliquer directement le Statut, y compris les peines qu’il prévoit, pour poursuivre et sanctionner les personnes soupçonnées de crimes contre l’humanité (art. 5).

17. Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour que la disparition forcée soit expressément qualifiée de crime contre l’humanité dans sa législation nationale.

3.Responsabilité pénale et coopération judiciaire en matière de disparition forcée (art. 8 à 15)

Compétence des tribunaux militaires

18.Le Comité note que l’État partie affirme que le cadre juridique existant, notamment la loi no 13491/2017, exclut la compétence des juridictions militaires pour connaître des cas de disparition forcée. Il relève toutefois que, dans certaines conditions prévues par cette loi, la compétence est transférée de la justice civile à la justice militaire dans les cas d’atteinte intentionnelle à la vie d’un civil commise par du personnel militaire. Il note également l’indication de l’État partie selon laquelle en l’absence d’une infraction autonome, les cas de disparition forcée sont traités au titre d’autres infractions pénales, notamment celle d’homicide volontaire. Il s’inquiète donc du fait que les cas de disparition forcée faisant l’objet d’une enquête sous un chef tel que celui d’homicide intentionnel puissent relever de la compétence des tribunaux militaires. À cet égard, il est préoccupé par les informations selon lesquelles, en 2018, la Cour de justice de l’État de Bahia a statué, précisément sur le fondement de la loi no 13491/2017, que l’affaire de la disparition forcée présumée de David Fiúza dans l’État de Bahia en 2014 relevait de la compétence de la juridiction militaire. Il réaffirme sa position selon laquelle, par principe, tous les cas de disparition forcée doivent être traités uniquement par les autorités civiles ordinaires compétentes (art. 11).

19. Rappelant sa déclaration sur les disparitions forcées et la juridiction militaire , le Comité recommande à l’État partie de prendre sans tarder les mesures voulues pour que les enquêtes et poursuites concernant des disparitions forcées soient expressément exclues de la juridiction militaire.

Prévention des actes susceptibles d’entraver les enquêtes

20.Le Comité prend note de l’affirmation de l’État partie selon laquelle les personnes accusées d’une infraction ne peuvent pas prendre part à l’enquête sur cette infraction et sont suspendues de leurs fonctions pendant toute la durée de la procédure. Il regrette toutefois de ne pas avoir eu d’éclaircissements sur le cadre juridique ayant pour objet d’établir un mécanisme garantissant que les forces de l’ordre ou de sécurité ne participent pas à l’enquête sur une disparition forcée lorsqu’un ou plusieurs de leurs membres sont mis en cause dans l’affaire (art. 12).

21. Le Comité recommande à l’État partie de créer un mécanisme permettant de garantir que les forces de l’ordre ou les forces de sécurité, qu’elles soient civiles ou militaires, dont des membres sont soupçonnés d’être les auteurs d’une disparition forcée, aient l’interdiction de participer à quelque stade que ce soit de l’enquête.

Allégations de disparitions forcées

22.Le Comité note que, pendant le dialogue, l’État partie a affirmé que rien n’indiquait clairement que des disparitions forcées se soient produites, du moins à une échelle importante, dans le cadre de la démocratie brésilienne. Toutefois, le Comité est préoccupé par les informations reçues concernant des disparitions forcées, principalement de personnes d’ascendance africaine et de personnes vivant dans des bidonvilles ou à la périphérie des grandes villes, qui auraient été perpétrées récemment. Il est également préoccupé par les allégations selon lesquelles les enquêtes sur les cas de disparition forcée progressent peu, ce qui contribue à l’impunité des auteurs de tels actes. Il est en outre préoccupé par les informations faisant état dedisparitions forcées qui auraient commencé avant l’entrée en vigueur de la Convention pour l’État partie en décembre 2010, en particulier entre 1964 et 1985, et qui se poursuivent, les personnes disparues n’ayant pas été retrouvées. Il regrette que l’État partie n’ait pas véritablement abordé cette question dans le cadre del’établissement du rapport. À cet égard, le Comité rappelle sa déclaration sur la compétence ratione temporis dans le contexte de l’examen des rapports soumis par les États parties en application de la Convention. En ce qui concerne les disparitions forcées qui auraient été perpétrées entre 1964 et 1985, il se félicite de la création de la Commission nationale de la vérité et de la Commission spéciale sur les décès et disparitions d’opposants politiques et salue leur important travail. Toutefois, il est préoccupé par les informations selon lesquelles les auteurs de ces disparitions forcées n’auraient pas eu à rendre des comptes, du fait principalement de l’application de la loi d’amnistie, et il regrette de ne pas avoir reçu suffisamment d’informations sur les activités menées à ce jour pour retrouver et, en cas de décès, identifier les personnes disparues pendant cette période (art. 1er, 2, 8, 12 et 24).

23. Le Comité recommande à l’État partie d’adopter les mesures nécessaires pour garantir les droits de toutes les victimes de disparitions forcées à la justice, à la vérité et à des réparations, quel que soit le moment où la disparition a commencé. À cet égard, il lui recommande :

a) De veiller à ce que tous les cas de disparition forcée fassent rapidement l’objet d ’ une enquête approfondie et impartiale, même en l’absence de plainte pénale officielle, et à ce que tous les auteurs présumés soient poursuivis et, s ’ ils sont reconnus coupables, condamnés à une peine proportionnée à la gravité de leurs actes ;

b) De supprimer tout obstacle juridique aux enquêtes sur les disparitions forcées qui ont été perpétrées sous le régime militaire et qui n ’ ont pas encore cessé, en particulier au regard de la loi d ’ amnistie ;

c) De redoubler d ’ efforts pour lutter contre la discrimination à l ’ égard de certains groupes vulnérables ciblés, afin de prévenir leur disparition et de permettre le plein exercice leur droit à la justice ;

d) D ’ encourager et de faciliter la constitution de dossiers et le dépôt de plaintes par les acteurs de la société civile ainsi que la participation des proches aux enquêtes, et de veiller à ce que les proches soient régulièrement informés du déroulement et des résultats des enquêtes ;

e) D ’ accélérer ses efforts pour retrouver et, en cas de décès, identifier toutes les personnes victimes de disparition forcée dont le sort n ’ a pas encore été élucidé , et de veiller à ce que les mesure s qu ’ il met en œuvre pour rechercher les personnes disparues, notamment la Politique nationale de recherche des personnes disparues, soient conformes aux P rincipes directeurs du Comité concernant la recherche des personnes disparues  ;

f) D ’ assurer une coordination et une coopération efficaces entre tous les organes prenant part aux enquêtes et aux recherches, de veiller à ce qu ’ ils disposent des ressources financières, techniques et humaines nécessaires pour s ’ acquitter de leurs tâches avec diligence et efficacité, et de leur garantir un accès effectif et rapide à tout lieu de détention ou tout autre lieu où il existe des motifs raisonnables de croire que la personne disparue peut se trouver, ainsi qu ’ à tous les documents et autres informations pertinentes en possession des services de l ’ État, y compris d es forces armées ;

g) De garantir que toutes les victimes reçoivent une réparation adéquate et adaptée à leurs besoins propres.

4.Mesures de prévention des disparitions forcées (art. 16 à 23)

Registres des personnes privées de liberté

24.Le Comité est préoccupé par les informations reçues au cours du dialogue concernant les résultats d’une inspection effectuée dans la prison d’Alcaçuz à la suite d’une émeute survenue en 2017, laquelle avait révélé que les registres des entrées et des sorties de cet établissement étaient incomplets. À cet égard, il note que le Conseil national de la justice avait approuvé en 2019 un système de surveillance électronique (art. 17 et 22).

25.Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que toutes les privations de liberté, sans exception et dès leur début, soient consignées dans des registres et/ou des dossiers officiels qui comportent, au minimum, les renseignements visés à l’article 17 (par. 3) de la Convention, que ces registres et/ou dossiers soient remplis et mis à jour avec précision et sans retard et fassent l’objet de vérifications périodiques, et qu’en cas d’irrégularité les fonctionnaires responsables soient dûment sanctionnés.

Formation

26.Le Comité prend note avec intérêt des informations fournies par l’État partie concernant la formation dispensée à certains fonctionnaires. Il prend note avec satisfaction des informations communiquées au cours du dialogue concernant la formation obligatoire qui serait dispensée, dans le cadre de la politique nationale de recherche des personnes disparues, à tous les fonctionnaires susceptibles d’entrer en contact avec des personnes disparues, et concernant la formation dispensée par le Ministère de la justice et de la sécurité publique sur les techniques de localisation des personnes disparues et d’assistance aux membres de la famille, notamment. Il constate toutefois qu’aucune formation régulière portant spécifiquement sur les dispositions de la Convention, conformément à son article 23, n’est actuellement dispensée (art. 23).

27. Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que tous les agents des forces de l’ordre et des forces de sécurité, qu’ils soient civils ou militaires, ainsi que l’ensemble du personnel médical, des agents de la fonction publique et des autres personnes susceptibles d’intervenir dans la garde ou le traitement des personnes privées de liberté, notamment les juges, les procureurs et les autres fonctionnaires responsables de l’administration de la justice, reçoivent régulièrement une formation portant spécifiquement sur les dispositions de la Convention, comme le prévoit l’article 23 (par. 1) de cet instrument. L’État partie pourrait peut-être envisager de dispenser cette formation ciblée et régulière dans le cadre des activités de formation menées au titre de la Politique nationale de recherche des personnes disparues.

5.Mesures visant à protéger et à garantir les droits des victimes de disparition forcée (art. 24)

Définition de la victime et droit d’obtenir réparation et d’être indemnisé rapidement, équitablement et de manière adéquate

28.Le Comité prend note avec satisfaction de la définition de la personne disparue énoncée dans la loi no 13812/2019. Néanmoins, il regrette de ne pas avoir reçu d’éclaircissements sur le point de savoir si la législation interne de l’État partie comporte une définition de la victime qui englobe la personne disparue et toute personne ayant subi un préjudice direct du fait d’une disparition forcée, conformément à l’article 24 (par. 1) de la Convention. Il prend note des formes de réparation prévues par le Code civil pour les victimes d’infractions et leurs proches, du soutien psychosocial apporté aux familles de personnes disparues au titre de la loi no 13812/2019 et du soutien apporté par les centres de référence de l’assistance sociale et les centres de référence spécialisés dans la protection sociale. Il regrette toutefois que les informations fournies ne permettent pas de savoir si la législation interne prévoit un système de réparation complet qui soit pleinement conforme à l’article 24 (par. 4 et 5) de la Convention (art. 24).

29. Le Comité recommande à l’État partie d’adopter les mesures nécessaires pour que toutes les personnes qui ont subi un préjudice direct du fait d’une disparition forcée puissent exercer pleinement les droits consacrés par la Convention, en particulier les droits à la justice, à la vérité et à des réparations. À cet effet, le Comité :

a) Invite l ’ État partie à adopter une définition de la victime qui soit conforme à celle énoncée à l ’ article 24 (par. 1) de la Convention  ;

b) Recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour que sa législation prévoie un système complet d’indemnisation et de réparation qui soit pleinement conforme à l’article 24 (par. 4 et 5) de la Convention et aux autres normes internationales pertinentes, qui soit placé sous la responsabilité de l’État, qui soit applicable même si aucune procédure pénale n’a été engagée et qui tienne compte des besoins particuliers de la victime, eu égard notamment à son sexe, son orientation sexuelle, son identité de genre, son âge, son origine ethnique, sa position sociale ou son handicap.

Acteurs de la société civile

30.Le Comité regrette que l’État partie ait fait, au cours du dialogue, des déclarations qui mettent en doute la crédibilité et la qualité des rapports soumis au Comité par les acteurs de la société civile. Il tient à rappeler le rôle important que jouent les organisations de la société civile dans l’élimination et la prévention des disparitions forcées, ainsi que dans l’assistance aux victimes (art. 24).

31. Le Comité encourage l’État partie à garantir que tous les agents de l’État coopèrent de manière constructive avec les acteurs de la société civile concernés pour tenter d’établir les circonstances des disparitions forcées et d’élucider le sort des personnes disparues et pour aider les victimes, afin d’unir les efforts pour prévenir et éliminer les disparitions forcées.

6.Mesures de protection des enfants contre la disparition forcée (art. 25)

Soustraction d’enfants

32.Le Comité prend note des informations concernant les infractions dont peut relever la soustraction d’enfants, mais il est préoccupé par le fait que la législation interne n’incrimine pas spécifiquement les actes visés à l’article 25 (par. 1 a)) de la Convention. En outre, il rappelle les préoccupations exprimées par le Comité des droits de l’enfant concernant les cas de disparition forcée d’enfants (art. 25).

33. Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires :

a) Pour é riger en infraction s distincte s les actes visés à l ’ article 25 (par. 1 a)) de la Convention, en prévoyant des peines appropriées qui tiennent compte de l ’ extrême gravité de ces infraction s  ;

b) Pour rechercher et identifier rapidement les enfants disparus et veiller à ce qu’ils soient rendus à leur famille d’origine et à ce que leur identité soit rétablie s’ils ont été victimes de substitution d’identité.

Adoption

34.Le Comité prend note avec intérêt des informations complètes fournies par l’État partie pendant le dialogue concernant les procédures applicables aux adoptions nationales et internationales. Il regrette néanmoins de ne pas avoir reçu d’informations sur les procédures légales en place permettant de réexaminer et, le cas échéant, d’annuler toute adoption ou tout placement d’enfants qui trouve son origine dans une disparition forcée, comme l’exige expressément l’article 25 (par. 4) de la Convention (art. 25).

35. Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour que son système juridique interne prévoie des procédures spécifiques permettant de réexaminer et, le cas échéant, d’annuler toute adoption ou tout placement ou tutelle d’enfants ayant pour origine une disparition forcée, et pour rétablir la véritable identité de l’enfant, en tenant compte de son intérêt supérieur.

D.Mise en œuvre des droits et obligations énoncés par la Convention, diffusion et suivi

36. Le Comité tient à rappeler les obligations que les États ont contractées en devenant parties à la Convention et, à cet égard, engage l’État partie à veiller à ce que toutes les mesures qu’il adopte soient pleinement conformes à la Convention et à d’autres instruments internationaux pertinents.

37. Le Comité tient à souligner l’effet particulièrement cruel qu’ont les disparitions forcées sur les droits humains des femmes et des enfants qu’elles touchent. Les femmes soumises à une disparition forcée sont particulièrement vulnérables à la violence sexuelle et aux autres formes de violence fondée sur le genre. Les femmes parentes d’une personne disparue sont particulièrement susceptibles d’être gravement défavorisées sur les plans économique et social et de subir des violences, des persécutions et des représailles du fait des efforts qu’elles déploient pour localiser leur proche. Les enfants victimes d’une disparition forcée, qu’ils y soient soumis eux-mêmes ou qu’ils subissent les conséquences de la disparition d’un membre de leur famille, sont particulièrement exposés à de nombreuses violations des droits de l’homme. C’est pourquoi le Comité insiste particulièrement sur la nécessité, pour l’État partie, de tenir systématiquement compte des questions de genre et des besoins particuliers des femmes et des enfants lors de la mise en œuvre des recommandations formulées dans les présentes observations finales, ainsi que les droits et obligations énoncés dans la Convention.

38. L’État partie est invité à diffuser largement la Convention, le rapport qu’il a soumis en application de l’article 29 (par. 1) de la Convention, ses réponses écrites à la liste de points établie par le Comité et les présentes observations finales, en vue de sensibiliser les autorités judiciaires, législatives et administratives, la société civile, les organisations non gouvernementales actives dans le pays et le grand public. Le Comité encourage aussi l’État partie à promouvoir la participation de la société civile au processus de mise en œuvre des recommandations figurant dans les présentes observations finales.

39. Conformément au Règlement intérieur du Comité, l’État partie est prié de communiquer, d’ici le 27 septembre 2022, des informations sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations du Comité figurant aux paragraphes 13 (informations statistiques), 15 (infraction de disparition forcée) et 19 (compétence des tribunaux militaires) des présentes observations finales.

40. En application de l’article 29 (par. 4) de la Convention, le Comité demande à l’État partie de lui soumettre, au plus tard le 27 septembre 2027, des informations précises et à jour sur la mise en œuvre de toutes ses recommandations, ainsi que tout renseignement nouveau touchant l’exécution des obligations énoncées par la Convention, dans un document établi conformément aux directives concernant la forme et le contenu des rapports que les États parties doivent soumettre en application de l’article 29 de la Convention . Le Comité encourage l’État partie à associer la société civile à la compilation de ces informations. Il rappelle que, conformément à l’article 29 (par. 4) de la Convention, il peut également demander à l’État partie des renseignements complémentaires sur la mise en application de la Convention.