Nations Unies

CERD/C/JAM/CO/21-24

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

13 décembre 2022

FrançaisOriginal : anglais

Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Observations finales concernant le rapport de la Jamaïque valant vingt et unième à vingt-quatrième rapports périodiques *

1.Le Comité a examiné le rapport de la Jamaïque valant vingt et unième à vingt‑quatrième rapports périodiques à ses 2943e et 2945e séances, les 24 et 25 novembre 2022. À sa 2952e séance, le 1er décembre 2022, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport de l’État partie valant vingt et unième à vingt-quatrième rapports périodiques. Il se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation de haut niveau de l’État partie, qu’il tient à remercier pour les informations qu’elle lui a fournies au cours de ce dialogue et pour les renseignements complémentaires qu’elle lui a transmis ultérieurement par écrit.

B.Aspects positifs

3.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié la Convention de 2011 sur les travailleuses et travailleurs domestiques (no 189) de l’Organisation internationale du Travail (OIT) le 11 octobre 2016.

4.Le Comité salue les mesures législatives, générales et institutionnelles ci-après prises par l’État partie :

a)La création du Comité interministériel des droits de l’homme, en 2018 ;

b)L’adoption de la politique nationale sur la pauvreté et du programme national de réduction de la pauvreté, en septembre 2017 ;

c)La désignation d’un rapporteur national sur la traite des personnes, en 2015 ;

d)L’adoption du plan national de développement, « Vision 2030 Jamaïque ».

C.Préoccupations et recommandations

Statistiques

5.Le Comité prend note des statistiques fournies par l’État partie, tant dans son rapport que pendant le dialogue, sur la structure ethnique de sa population, qui se compose d’une grande diversité de personnes d’ascendance africaine, indienne, chinoise, arabe et européenne. Il prend également note du fait que le recensement en cours dans l’État partie prévoit une catégorie « Marrons ». Le Comité constate toutefois toujours avec préoccupation que l’État partie ne recueille pas de données, ventilées par origine ethnique ou nationale, sur la situation socioéconomique des différents groupes de la population, notamment les Marrons, les Taïnos, les Rastafaris et les non-ressortissants, tels que les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile. Cette absence de données fait que le Comité peine à déterminer dans quelle mesure les différents groupes ethniques de l’État partie jouissent, dans des conditions d’égalité, de tous les droits protégés par la Convention (art. 1er et 5).

6. Rappelant sa recommandation générale n o  8 (1990) concernant l’interprétation et l’application de l’article premier ( par.  1 et 4) de la Convention, ses directives pour l’établissement du document se rapportant spécifiquement à la Convention et ses précédentes recommandations , le Comité recommande à l’État partie de recueillir et de lui fournir des statistiques actualisées et complètes sur la composition démographique de la population, ventilées par origine ethnique ou nationale, selon le principe de l’auto-identification, notamment en ce qui concerne les Marrons, les Taïnos, les Rastafaris et les non-ressortissants, tels que les migrants, les réfugiés, les demandeurs d’asile et les apatrides, de même que des indicateurs socioéconomiques qui permettraient d’évaluer avec précision les progrès que l’État partie a accomplis pour que tous les groupes jouissent, dans des conditions d’égalité et sans discrimination aucune, des droits consacrés par la Convention.

Réserve à la Convention

7.Le Comité demeure préoccupé par le fait que l’État partie maintient une réserve à la Convention, d’ordre très général et rédigée dans des termes vagues, selon laquelle la ratification de la Convention par la Jamaïque n’emporte pas l’acceptation d’obligations dépassant les limites fixées par sa Constitution non plus que l’acceptation d’une obligation quelconque d’instaurer des procédures judiciaires allant au-delà de celles prescrites par la Constitution (art. 2).

8. Le Comité recommande de nouveau à l’État partie de réexaminer la réserve d’ordre très général et formulée dans des termes vagues qu’il a faite à la Convention, et l’exhorte à la retirer, dans la mesure où elle nuit à la pleine application des dispositions de la Convention .

Transposition de la Convention dans l’ordre juridique interne

9.Le Comité observe que le système juridique de l’État partie est dualiste, mais constate avec inquiétude que celui-ci n’a pas pris les mesures suffisantes et appropriées pour transposer les dispositions de la Convention dans son droit interne (art. 2).

10. Le Comité recommande à l’État partie de transposer toutes les dispositions de fond de la Convention dans son droit interne, l’objectif étant de garantir une protection complète contre la discrimination raciale.

Interdiction de la discrimination raciale

11.Le Comité prend note des renseignements fournis par la délégation de l’État partie, selon lesquels le Cabinet a approuvé la création d’un comité de réforme constitutionnelle le 17 novembre 2022, qui devrait, entre autres choses, examiner le chapitre III de la Constitution, aussi connu sous le nom de « Charte des droits et libertés fondamentaux », et formuler des recommandations à son sujet. Toutefois, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale constate avec inquiétude que l’article 13 (par. 3 i) et ii)) de la Charte, qui garantit le droit d’être à l’abri de toute discrimination, ne comprend pas tous les motifs visés à l’article premier de la Convention, notamment l’ascendance et l’origine nationale ou ethnique. Il s’inquiète également de ce que certains droits consacrés par la Charte soient restreints par des clauses de sauvegarde. Il demeure en outre préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas encore adopté une législation antidiscrimination complète qui contienne une définition claire de la discrimination raciale et qui l’interdise, sous ses formes directes et indirectes, dans les sphères tant publique que privée. En outre, il constate avec une vive préoccupation que, d’après l’État partie, on n’observe pas de manifestations de racisme ou de discrimination raciale dans les structures et systèmes formels de la Jamaïque, ce qui explique qu’aucune structure ni aucun mécanisme officiel n’ait été expressément créé en vue de leur élimination (art. 1er, 2, 5 et 6).

12. Le Comité recommande à l’État partie de saisir l’occasion de la réforme constitutionnelle pour modifier la Charte des droits et libertés fondamentaux, de manière à y inclure une liste complète des motifs de discrimination, notamment tous ceux visés à l’article premier de la Convention, et pour réviser les clauses de sauvegarde. En outre, il recommande à nouveau à l’État partie d’adopter une législation antidiscrimination complète, qui contienne une définition claire de la discrimination raciale, qui s’applique à la discrimination directe et indirecte dans les sphères tant publique que privée, et qui soit conforme à l’article premier de la Convention . Considérant qu’aucun pays n’est à l’abri de la discrimination raciale, le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures appropriées pour mettre en place des mécanismes visant à prévenir et à combattre cette forme de discrimination. Le Comité rappelle ses observations finales de 2002, dans lesquelles, entre autres, il engageait l’État partie à revoir sa perception de l’absence de discrimination raciale sur son territoire .

Formes de discrimination croisée

13.Le Comité observe que selon l’État partie, rien n’indique que la Jamaïque soit en butte à de graves problèmes de discrimination raciale. Pour ce qui est de l’intersectionnalité des discriminations fondées sur la classe sociale et la race, le Comité note que, selon l’État partie, le préjugé de classe est un phénomène plus répandu que le racisme en Jamaïque et des activités de sensibilisation permettent de relever le défi consistant à remédier aux séquelles de l’esclavage sur la société jamaïcaine, qui a fait que les possibilités d’ascension sociale était liées à la couleur de la peau. Le Comité est toutefois préoccupé par les informations selon lesquelles il existe toujours des inégalités socioéconomiques liées à la couleur de la peau, qui touchent principalement les Jamaïcains ayant une peau plus foncée, en ce qui concerne le niveau d’instruction, les revenus et le niveau de vie. Il est également préoccupé par les informations selon lesquelles des Jamaïcains à la peau plus foncée seraient victimes de discrimination en matière d’embauche et d’emploi, en particulier dans les secteurs de la restauration et du tourisme. Le Comité est en outre préoccupé par les informations concernant des formes croisées de discrimination fondée sur la race, la couleur de la peau ou l’origine ethnique et d’autres motifs, tels que la classe sociale, notamment des restrictions d’accès à des plages, ainsi que des restrictions imposées par des écoles à l’admission d’élèves coiffés d’une certaine manière, notamment avec des tresses, des perles ou des dreadlocks, qui ont des effets discriminatoires sur les élèves d’ascendance africaine (art. 1er, 2 et 5).

14. Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures législatives et générales pour lutter contre toutes les formes de discrimination raciale, telle que définie à l’article premier de la Convention, notamment en cas de discrimination intersectionnelle. Il lui recommande en particulier  :

a) De mener des travaux de recherche sur la persistance d’inégalités socioéconomiques liées à la race et à la couleur de la peau, notamment en ce qui concerne le niveau d’instruction, les revenus et le niveau de vie, l’objectif étant d’adopter toutes les mesures nécessaires pour remédier à toute forme d’inégalité sociale reposant sur des formes de discrimination directe, indirecte ou croisée fondée sur la race, la couleur de la peau et d’autres motifs, tels que la classe sociale  ;

b) De renforcer les mécanismes visant à prévenir la discrimination raciale, fondée notamment sur la race et la couleur de la peau, en matière d’embauche et d’emploi, en particulier dans les secteurs de la restauration et du tourisme, et à enquêter sur les cas de discrimination  ;

c) De revoir la loi sur l’accès aux plages de 1956 et d’accélérer l’adoption de la politique nationale sur les plages, et de veiller à ce que leur contenu et leur application n’entraînent pas de formes de discrimination directe, indirecte ou croisée fondée sur la race, la couleur de la peau, l’origine ethnique ou d’autres motifs, tels que la classe sociale  ;

d) De veiller à ce que la politique relative à la tenue vestimentaire et à l’apparence, en cours d’élaboration, prévoit la suppression, dans les écoles, des règlements interdisant certaines coiffures, qui sont effectivement discriminatoires ou ont des effets discriminatoires sur les élèves d’ascendance africaine.

Institution nationale des droits de l’homme

15.Le Comité prend note des renseignements fournis par l’État partie sur les mesures prises en vue de la création d’une institution nationale des droits de l’homme. Toutefois, le Comité exprime de nouveau sa préoccupation concernant l’absence d’une institution nationale des droits de l’homme qui soit indépendante, conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris) (art. 2).

16. Rappelant sa recommandation générale n o  17 (1993) sur la création d’organismes nationaux pour faciliter l’application de la Convention, ainsi que sa précédente recommandation , le Comité recommande à l’État partie d’accélérer le processus de création d’une institution nationale des droits de l’homme qui soit indépendante, conformément aux Principes de Paris, et chargée notamment de la lutte contre la discrimination raciale. Le Comité recommande en outre à l’État partie de veiller à ce que toutes les parties concernées, en particulier les organisations de la société civile, notamment les organisations représentatives des groupes les plus exposés à la discrimination raciale, participent à ce processus et soient véritablement consultées.

Application de l’article 4 de la Convention

17.Le Comité a pris note de la modification de la loi sur les atteintes à la personne afin de lutter contre l’incitation à la violence, adoptée en 2014, mais il constate avec préoccupation que cette modification ne mentionne pas expressément la violence à caractère raciste. Le Comité regrette la position de l’État partie selon laquelle l’interdiction prévue à l’article 4 a) de la Convention pourrait porter atteinte à la liberté d’expression, garantie par la Constitution. En outre, le Comité exprime une nouvelle fois sa préoccupation quant à l’absence, dans l’État partie, de législation donnant plein effet aux dispositions de l’article 4 de la Convention (art. 4).

18. Le Comité rappelle ses recommandations générales n o  15 (1993) sur l’article 4 de la Convention et n o  7 (1985) sur l’application de l’article 4 de la Convention, qui précisent que toutes les dispositions dudit article sont impératives et qui mettent l’accent sur ses aspects préventifs, destinés à lutter contre le racisme et la discrimination raciale. Il rappelle également sa recommandation générale n o  35 (2013) sur la lutte contre les discours de haine raciale, selon laquelle il conviendrait de considérer que la relation entre l’interdiction des discours de haine raciale et le développement de la liberté d’expression est faite de complémentarité et qu’il ne s’agit pas d’un jeu à somme nulle dans lequel si l’un des éléments gagne en poids, c’est nécessairement au détriment de l’autre. Par conséquent, le Comité recommande à nouveau à l’État partie d’adopter des dispositions d’ordre législatif, administratif et autre afin de donner pleinement effet à toutes les dispositions de l’article 4 de la Convention .

Situation des groupes ethniques et ethnoreligieux

19.Le Comité constate que l’État partie a adhéré à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Il constate également que l’État partie estime qu’il n’existe pas de peuples autochtones en Jamaïque, alors qu’il accorde aux Marrons et aux Taïnos le statut de cultures autochtones de la Jamaïque. Le Comité craint qu’une telle approche ait pour effet de marginaliser les communautés de l’État partie qui se définissent comme autochtones et de faire perdurer ou d’aggraver les situations de discrimination directe, indirecte, multiple et croisée auxquelles ces communautés sont confrontées (art. 5).

20. Rappelant ses recommandations générales n o 8 (1990) et n o 23 (1997) sur les droits des populations autochtones, le Comité recommande à l’État partie  :

a) De revoir sa manière de considérer les peuples autochtones, en tenant dûment compte du principe de l’auto-identification  ;

b) D’entamer, avec les communautés marronnes et taïnos, un débat transparent et ouvert à tous sur ce sujet.

21.Le Comité prend note des informations fournies par la délégation de l’État partie en ce qui concerne l’apport d’un appui financier et logistique aux communautés marronnes pour l’organisation de leurs festivals et leurs activités de développement. Il se déclare toutefois préoccupé par les informations concernant les effets préjudiciables des activités d’extraction de bauxite, menées dans le pays Cockpit, sur l’écosystème, sur les terres ancestrales des communautés marronnes qui y vivent et sur la santé des membres de ces communautés. Il est également préoccupé par les allégations selon lesquelles les communautés marronnes concernées n’ont pas pris part à la prise des décisions concernant les projets d’extraction de bauxite ni n’ont été consultées à ce sujet (art. 5).

22. Le Comité recommande à l’État partie d’adopter toutes les mesures nécessaires pour prévenir tout effet dommageable des activités d’extraction sur l’écosystème, sur les terres ancestrales et sur la santé des communautés marronnes du pays Cockpit, notamment en mettant en place des procédures et des mécanismes visant à ce que toutes les communautés touchées prennent part aux décisions qui peuvent les concerner et qu’elles soient vraiment consultées. Il recommande également à l’État partie de prendre les mesures appropriées pour que les communautés concernées par les activités d’extraction disposent de voies de recours utiles.

23.Le Comité relève qu’en avril 2017, le Premier Ministre de l’État partie a présenté des excuses officielles à la communauté rastafari pour les événements de Coral Gardens, survenus en avril 1963, qui avaient entraîné la mort et l’incarcération de membres de la communauté rastafari. Il relève également que l’État partie a créé un fonds d’affectation spéciale pour les personnes touchées par ces événements. Toutefois, le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles les membres de la communauté rastafari font l’objet de profilage racial, car ils sont davantage susceptibles d’être arrêtés et contrôlés dans le cadre d’opérations antidrogue menées par la police. Le Comité est également préoccupé par les allégations selon lesquelles, dans certains cas, les membres de cette communauté placés en détention ont dû raser leurs dreadlocks. Il s’inquiète par ailleurs des informations concernant la participation limitée des communautés rastafari aux efforts que l’État partie déploie pour protéger leur patrimoine culturel immatériel (art. 4 et 5).

24.Rappelant sa recommandation générale n o 36 (2020) sur la prévention et l’élimination du recours au profilage racial par les représentants de la loi, le Comité recommande à l’État partie d’adopter et d’appliquer effectivement des lois et des politiques qui définissent et interdisent la pratique du profilage racial par les représentants de la loi. Il recommande également à l’État partie de dispenser une formation obligatoire aux membres des forces de l’ordre afin de lutter contre les préjugés dans l’exercice de leurs fonctions, notamment en ce qui concerne la criminalité liée à la drogue, et contre les mauvais traitements infligés aux groupes ethnoreligieux, tels que les Rastafari. Le Comité recommande en outre à l’État partie de redoubler d’efforts pour veiller à ce que toutes les communautés rastafari prennent vraiment part à la prise des décisions qui les concernent.

Situation des non-ressortissants, notamment des migrants, des réfugiés, des demandeurs d’asile et des apatrides

25.Le Comité prend note de l’information fournie par la délégation de l’État partie selon laquelle la loi sur les restrictions à l’immigration (ressortissants des pays du Commonwealth) et la loi sur les étrangers sont en cours de révision, mais il partage les préoccupations exprimées par le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, selon lequel ces lois et la loi sur l’expulsion (ressortissants des pays du Commonwealth) incriminent l’immigration clandestine (art. 5).

26. Le Comité recommande à l’État partie d’adopter toutes les mesures nécessaires pour dépénaliser l’immigration clandestine, notamment en abrogeant ou en modifiant la loi sur les restrictions à l’immigration (ressortissants des pays du Commonwealth), la loi sur les étrangers et la loi sur l’expulsion (ressortissants des pays du Commonwealth). Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur la recommandation faite à cet égard par le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille en 2017 .

27.Le Comité prend note des renseignements fournis par l’État partie sur les mesures adoptées afin de protéger les droits des demandeurs d’asile et des réfugiés, telles que la Politique nationale de 2009 relative aux réfugiés. Il s’inquiète toutefois de l’absence d’une législation nationale relative à la protection des demandeurs d’asile et des réfugiés, ainsi qu’à la procédure de détermination du statut des réfugiés. Il est également préoccupé par le manque d’informations concernant les mesures visant à mettre fin à l’apatridie dans l’État partie (art. 5).

28. Rappelant sa recommandation générale n o 22 (1996) sur les réfugiés et personnes déplacées dans le contexte de l’article 5 de la Convention, le Comité recommande à l’État partie d’adopter une législation détaillée sur la protection des droits de réfugiés et des demandeurs d’asile, qui prévoit des procédures justes régissant l’examen des demandes d’asile et la détermination du statut de réfugié. Il recommande également à l’État partie d’adopter une législation détaillée visant à mettre fin à l’apatridie, qui prévoie des procédures régissant la détermination du statut d’apatride, et d’envisager d’adhérer à la Convention relative au statut des apatrides.

Traite des personnes

29.Le Comité prend note des mesures que l’État partie a adoptées pour prévenir et combattre la traite des personnes, par exemple la désignation d’un rapporteur national sur la traite des personnes en 2015. Il s’inquiète toutefois du manque d’informations détaillées relatives aux mesures adoptées afin de mieux repérer les victimes de la traite parmi les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile, et aux services d’aide et de réadaptation qui leur sont proposés. Il est également préoccupé par les informations concernant l’insuffisance des ressources humaines et financières allouées au Bureau du Rapporteur national sur la traite des personnes (art. 5).

30. Le Comité recommande à l’État partie de renforcer les mesures adoptées pour repérer rapidement les victimes de la traite parmi les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile et pour les orienter vers les services compétents d’aide et de réadaptation. Il recommande également à l’État partie d’allouer des ressources humaines et financières suffisantes au Bureau du Rapporteur national sur la traite des personnes.

Plaintes pour discrimination raciale

31.Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie selon lesquelles le Bureau du Défenseur public n’a pas reçu de plaintes concernant des cas de discrimination fondée sur la race. Le Comité est préoccupé par le manque d’informations sur les plaintes ou sur les cas de discrimination directe ou indirecte fondée sur la race, la couleur de la peau ou l’origine nationale ou ethnique dans l’État partie, sur les enquêtes menées, les poursuites engagées, les déclarations de culpabilité prononcées et les sanctions imposées par des tribunaux nationaux ainsi que sur les réparations et les recours offerts aux victimes (art. 2 et 6).

32. Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur sa recommandation générale n o 31 (2005) sur la discrimination raciale dans l’administration et le fonctionnement du système de justice pénale et rappelle que l’absence de plaintes et d’actions en justice visant des actes de discrimination raciale ne signifie pas qu’il n’y a pas de discrimination dans un État partie, mais peut révéler l’absence d’une législation appropriée, une méconnaissance des voies de recours disponibles, une méfiance envers le système judiciaire, la crainte de représailles ou un manque de volonté de la part des autorités s’agissant de poursuivre les auteurs de tels actes. Rappelant sa précédente recommandation , le Comité recommande à l’État partie  :

a) D’adopter des mesures, selon un calendrier précis, visant à évaluer l’efficacité des voies de recours dont disposent les victimes de discrimination raciale, notamment en effectuant des sondages et en recueillant des informations sur la discrimination fondée sur la race, la couleur de la peau, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique, et, ce faisant, de veiller à ce que toutes les organisations de la société civile, notamment les organisations représentatives des groupes les plus exposés à la discrimination raciale, soient vraiment consultées et puissent apporter leur contribution  ;

b) D’organiser, à l’intention des agents de la force publique, des procureurs, des juges et autres agents publics, des programmes de formation à la détection et à l’enregistrement des cas de discrimination raciale  ;

c) De mener des campagnes d’information sur les droits énoncés dans la Convention et sur la manière de porter plainte pour discrimination directe ou indirecte fondée sur la race, la couleur de la peau, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique  ;

d) D’établir un mécanisme de collecte de statistiques sur les plaintes pour discrimination raciale, ainsi que sur les enquêtes menées, les poursuites engagées, les déclarations de culpabilité prononcées, les sanctions imposées et les réparations accordées aux victimes, ventilées par âge, genre et origine ethnique ou nationale, et d’inclure ces statistiques dans son prochain rapport périodique.

Éducation et formation à la lutte contre la discrimination raciale

33.Le Comité prend note des informations fournies par la délégation de l’État partie, qui a indiqué que le Conseil national de réparation s’est doté d’un programme interne de justice réparatrice tenant compte du fait qu’il existe des domaines dans lesquels l’État partie doit examiner ses actions envers ses propres populations, et qu’il élabore actuellement une politique de réparation. Il prend également note du fait que le Conseil national, en consultation avec le Ministère de l’éducation, a entamé une réforme du programme scolaire au regard de l’histoire du pays et de la nécessité d’accorder un traitement égal aux différents groupes ethniques. Le Comité constate que le programme d’enseignement classique intègre les questions relatives aux droits de l’homme, mais il s’inquiète du manque d’informations détaillées concernant l’inclusion, dans le programme scolaire, des questions relatives à la lutte contre la discrimination fondée sur la race, la couleur de la peau, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique, et aux droits consacrés par la Convention (art. 7)

34. Le Comité recommande à l’État partie de continuer à faire une place à l’éducation aux droits de l’homme dans les programmes scolaires à tous les niveaux d’enseignement, en particulier en ce qui concerne la Convention, la lutte contre la discrimination raciale, ainsi que l’histoire et la culture des différents groupes ethniques du pays, le tout en veillant à ce que tous ces groupes puissent vraiment part à la réforme du programme scolaire.

Participation de la société civile

35.Le Comité déplore la participation insuffisante des organisations non gouvernementales à l’élaboration du rapport de l’État partie et juge regrettable que très peu d’entre elles prennent part aux préparatifs de l’examen dudit rapport.

36. Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts pour associer et consulter les organisations non gouvernementales qui travaillent dans le domaine de la protection des droits de l’homme, en particulier celles qui luttent contre la discrimination raciale, notamment les organisations représentatives des groupes les plus exposés à la discrimination raciale, dans le cadre du suivi des observations finales et des préparatifs de l’examen du prochain rapport périodique.

D.Autres recommandations

Ratification d’autres instruments

37. Compte tenu du caractère indissociable de tous les droits de l’homme, le Comité engage l’État partie à envisager de ratifier les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, en particulier ceux dont les dispositions intéressent directement les communautés qui peuvent faire l’objet de discrimination raciale, comme la Convention de 1989 relative aux peuples indigènes et tribaux (n o 169) de l’OIT et la Convention interaméricaine contre le racisme, la discrimination raciale et les formes connexes d’intolérance. Il l’engage également à envisager de ratifier la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et son Protocole facultatif, ainsi que la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

Déclaration visée à l’article 14 de la Convention

38. Le Comité engage l’État partie à faire la déclaration facultative visée à l’article 14 de la Convention, par laquelle les États parties reconnaissent la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers.

Suite donnée à la Déclaration et au Programme d’action de Durban

39. À la lumière de sa recommandation générale n o 33 (2009) sur le suivi de la Conférence d’examen de Durban, le Comité recommande à l’État partie de donner effet à la Déclaration et au Programme d’action de Durban, adoptés en septembre 2001 par la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, en tenant compte du document final de la Conférence d’examen de Durban, tenue à Genève en avril 2009, quand il applique la Convention. Le Comité demande à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des renseignements précis sur les plans d’action qu’il aura adoptés et les autres mesures qu’il aura prises pour appliquer la Déclaration et le Programme d’action de Durban au niveau national.

Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine

40. À la lumière de la résolution 68/237 de l’Assemblée générale proclamant la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine pour 2015-2024 et de la résolution 69/16 sur le programme d’activités de la Décennie, le Comité recommande à l’État partie d’élaborer et d’appliquer un programme adapté de mesures et de politiques en collaboration avec des organisations et des personnes d’ascendance africaine. Le Comité demande à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport des renseignements précis sur les mesures concrètes qu’il aura adoptées dans ce cadre, compte tenu de la recommandation générale n o 34 (2011) du Comité sur la discrimination raciale à l’égard des personnes d’ascendance africaine.

Diffusion d’information

41. Le Comité recommande à l’État partie de mettre ses rapports à la disposition du public dès leur soumission et de diffuser également les observations finales du Comité qui s’y rapportent auprès de tous les organes de l’État chargés de l’application de la Convention, notamment auprès des municipalités, ainsi que de les publier sur le site Web du Ministère des affaires étrangères et du commerce extérieur, dans les langues officielles et les autres langues couramment utilisées, selon qu’il conviendra.

Document de base commun

42. Le Comité engage l’État partie à mettre à jour son document de base commun, qui date du 6 janvier 1997, conformément aux directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, en particulier celles concernant le document de base commun, adoptées à la cinquième réunion intercomités des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme tenue en juin 2006 . À la lumière de la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, le Comité exhorte l’État partie de respecter la limite de 42 400 mots fixée pour ce document.

Suite donnée aux présentes observations finales

43. Conformément à l’article 9 ( par.  1) de la Convention et à l’article 65 de son règlement intérieur, le Comité demande à l’État partie de fournir, dans un délai d’un an à compter de l’adoption des présentes observations finales, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant dans les paragraphes 20 b) (situation des groupes ethniques et ethnoreligieux), 30 (traite des personnes) et 32 b) et c) (plaintes pour discrimination raciale).

Paragraphes d’importance particulière

44. Le Comité souhaite appeler l’attention de l’État partie sur l’importance particulière des recommandations figurant dans les paragraphes 12 (interdiction de la discrimination raciale), 16 (institution nationale des droits de l’homme) et 26 (situation des non-ressortissants, notamment des migrants, des réfugiés, des demandeurs d’asile et des apatrides), et lui demande de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur les mesures concrètes qu’il aura prises pour y donner suite.

Élaboration du prochain rapport périodique

45. Le Comité recommande à l’État partie de soumettre son rapport valant vingt ‑ cinquième à vingt-neuvième rapports périodiques, d’ici au 4 juillet 2026, en tenant compte des directives pour l’établissement du document se rapportant spécifiquement à la Convention adoptées par le Comité à sa soixante et onzième session et en traitant de tous les points soulevés dans les présentes observations finales. À la lumière de la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, le Comité exhorte l’État partie à respecter la limite de 21 200 mots fixée pour les rapports périodiques.