Nations Unies

CEDAW/C/53/D/31/2011

Convention sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes

Distr. générale

27 novembre 2012

Français

Original: anglais

Comité pour l ’ élimination de la discrimination à l ’ égard des femmes

Communication no 31/2011

Constatations adoptées par le Comité à sa cinquante-troisième session, du 1er au 19 octobre 2012

Communication p résentée par:

S. V. P. (non représentée par un conseil)

Au nom de:

La fille de l’auteur, V. P. P.

État partie:

Bulgarie

Date de la communication:

3 décembre 2010 (date de la lette initiale)

Références:

Communiquée à l’État partie le 5 mai 2011 (non publiée sous forme de document)

Date de la présente décision:

12 octobre 2012

Annexe

Constatations du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes au titre du Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes

concernant la

Communication no 31/2011, S. V. P. c. Bulgarie*

Présentée par:

S. V. P. (non représentée par un conseil)

Au nom de:

La fille de l’auteur, V. P. P.

État partie:

Bulgarie

Date de la communication:

3 décembre 2010 (date de la lette initiale)

Références:

Communiquée à l’État partie le 5 mai 2011 (non publiée sous forme de document)

Le Comité pour l ’ élimination de la discrimination à l ’ égard des femmes, institué en vertu de l’article 17 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes,

Réuni le 12 octobre 2012,

Adopte ce qui suit:

Constatations au titre du paragraphe 3 de l’article 7 du Protocole facultatif

1.L’auteur de la communication est Mme S. V. P., de nationalité bulgare, née le 14 novembre 1973; elle est la mère de V. P. P., née le 23 février 1997. Elle affirme que sa fille est victime de violations, par la Bulgarie, de l’article premier et des alinéas a, b, c, e, f et g de l’article 2, lus conjointement avec les articles 3 et 5, de l’article 12 et de l’article 15 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (la Convention). La Convention est entrée en vigueur pour la Bulgarie le 8 mars 1982 et le Protocole facultatif, le 20 septembre 2006. L’auteur n’est pas représentée par un conseil.

Rappel des faits

2.1L’auteur explique que sa fille vit avec elle et son mari dans la ville de Pleven, dans le nord de la Bulgarie. Sa fille a fait l’objet d’un diagnostic de retard mental et de trouble affectif maniaque sans trouble psychotique, provoqués par un acte de violence sexuelle grave dont elle a été la victime en 2004, à l’âge de 7 ans. Elle fréquente une école pour enfants ayant des besoins spéciaux. L’auteur de l’acte était B. G., de nationalité bulgare, né en 1958. Le 24 juin 2004, il a rencontré la fillette devant l’immeuble où elle vivait et l’a convaincue de le suivre dans un appartement, en lui disant qu’il allait lui montrer des photos. Une fois arrivés à l’appartement, il l’a déshabillée, lui a dit de se coucher par terre et s’est mis à lui embrasser le visage. Il lui a enlevé sa culotte et s’est mis à embrasser et à lécher son derrière. Il a ensuite enlevé son pantalon, sorti son pénis et dit à l’enfant de l’embrasser. Il lui a dit de se redresser et d’écarter les jambes, et a introduit un doigt dans l’anus de l’enfant, ce qui a provoqué chez elle une douleur aiguë. Il a tenté d’introduire son pénis dans le vagin de la fillette, en lui faisant extrêmement mal, mais n’y est pas parvenu. L’enfant le suppliait d’arrêter. Comme il n’arrivait pas à la pénétrer, il a arrêté, l’a laissée se rhabiller et lui a dit de rentrer chez elle et de ne pas dire à ses parents ce qui s’était passé. L’enfant a couru chez elle et a raconté la tentative de viol à sa mère, qui a porté plainte auprès des autorités. L’agresseur a fini par être poursuivi en vertu du paragraphe 1 de l’article 149 du Code pénal, relatif au délit d’attentat à la pudeur, qui prévoit que: «Quiconque commet un acte visant à provoquer ou à satisfaire son désir sexuel, sans copuler, avec un mineur de 14 ans, encourt une peine d’emprisonnement pour fornication […]». Lorsqu’il a été commis, l’attentat à la pudeur sur mineur était puni d’une peine d’emprisonnement de cinq ans maximum et n’avait pas la qualification de crime. En 2006, le paragraphe1 de l’article 149 du Code pénal a été modifié et l’attentat à la pudeur sur mineur, désormais puni de un à six ans d’emprisonnement, est entré dans la catégorie des crimes.

2.2L’acte d’accusation du procureur de district n’a été établi que le 17 avril 2006, soit presque deux ans après l’infraction. Le 13 juin 2006, le tribunal du district de Pleven a examiné et approuvé une transaction pénale entre le procureur et l’accusé qui, selon l’auteur, était contraire aux intérêts de la victime. L’auteur des actes s’étant reconnu coupable d’un attentat à la pudeur, il a été condamné à une peine de trois ans d’emprisonnement avec sursis, en application de l’article55 du Code pénal. Le Code de procédure pénale dispose qu’il ne peut y avoir de transaction pénale en cas de crime odieux mais, comme les chefs d’accusation ne correspondaient pas à la définition du crime, la transaction a été acceptée. Le 13 juin 2006, le tribunal a rejeté la demande présentée par l’auteur, qui souhaitait porter plainte avec constitution de partie civile pour dommages moraux dans la procédure pénale, conformément au paragraphe1 de l’article 84 du Code de procédure pénale.Sa demande a été rejetée au motif que la transaction pénale avait déjà été acceptée. L’article 381 du Code de procédure pénale autorise le juge à rejeter une transaction pénale lorsque celle-ci ne garantit pas la réparation des dommages matériels, mais ne l’autorise pas à le faire lorsqu’il s’agit des dommages moraux. Dans le cas d’espèce, comme il n’avait pas été établi de dommages matériels, la fille de l’auteur n’a pas reçu d’indemnisation adéquate.

2.3L’auteur a engagé, au nom de sa fille, une action distincte en responsabilité, auprès du tribunal régional de Pleven, en vertu de la disposition sur la responsabilité délictuelle de l’article 45 de la loi relative aux contrats et aux obligations de 1950, qui établit que chacun est tenu de réparer les dommages qu’il a commis, lorsqu’il les a infligés par sa faute. Dans sa plainte, l’auteur souligne le traumatisme grave subi par sa fille, qui provoque chez elle un état constant de crainte, de tension et de dépression, et demande une indemnité de 50 000 leva (approximativement 25 000 euros) pour préjudice moral. L’article 52 de la même loi prévoit que le préjudice moral est calculé par le tribunal selon le principe de l’équité. Selon l’avis psychiatrique établi le 23 janvier 2008 et présenté au tribunal, la fille de l’auteur souffrait de labilité émotionnelle, d’instabilité volitive, d’hyperactivité motrice, de difficultés de concentration et de comportement de fuite lorsqu’elle devait s’exprimer au sujet de la violence sexuelle qu’elle avait subie. Les experts concluaient que l’enfant développait un syndrome hyperkinétique, caractérisé par les symptômes ci-dessus mentionnés, mais aussi par un niveau de concentration peu élevé. Ils situaient son développement intellectuel dans la section inférieure de l’échelle de développement intellectuel normal.

2.4Le 5 février 2008, le tribunal régional de Pleven a rendu une décision fondée dans une large mesure sur l’avis des experts. Il a reconnu les effets à long terme de la violence sexuelle subie par la fille de l’auteur et condamné son agresseur à payer 30 000 leva (15 000 euros) pour préjudice moral. Une ordonnance d’exécution a ensuite été émise le 9 avril 2008. Le 26 mai 2008, l’auteur et son mari ont déposé une demande d’exécution devant un huissier de justice privé à Pleven. Un dossier d’exécution fondé sur cette demande a été établi. Depuis lors et jusqu’à la date où la communication a été présentée, l’huissier de justice privé a pris toutes les mesures possibles dans le cadre de la législation interne, sur l’initiative de l’auteur et de son mari, pour évaluer les biens de l’auteur de l’infraction et garantir l’exécution du jugement. À part un montant initial de 1 000 leva (500 euros) reçus de l’employeur de l’auteur de l’agression, l’enquête a montré que l’auteur n’avait aucun bien et qu’on ne pouvait recueillir plus d’argent. L’auteur fait valoir que c’est elle, et non pas l’État partie, qui a dû agir pour garantir l’exécution de la décision du tribunal, que la procédure d’exécution n’est pas gratuite pour la victime et qu’elle a dû payer plus de 3 000 leva (1 500 euros) pour qu’elle soit appliquée. Malgré tous ses efforts, le droit de sa fille d’obtenir réparation reste lettre morte. Ayant contacté diverses autorités publiques au sujet de ce problème, l’auteur s’est entendu répondre que les lois en vigueur ne permettaient pas, en l’espèce, de faire appliquer le jugement du tribunal.

2.5Après la commission du délit, l’auteur de l’agression a continué de vivre près du domicile de la victime, dans un appartement de l’immeuble voisin. La victime a exprimé à diverses reprises sa peur d’être de nouveau agressée. L’auteur fait valoir que la législation bulgare actuelle n’offre pas de protection aux victimes des agressions sexuelles une fois la procédure pénale terminée.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme que sa fille est victime de violation des droits consacrés à l’article premier, aux alinéas a, b, c, e, f et g de l’article 2, lus conjointement avec les articles 3 et 5, à l’article 12 et à l’article 15 de la Convention.

3.2L’auteur fait valoir que l’État partie n’a pas fait preuve de la diligence voulue pour protéger efficacement sa fille contre l’agression sexuelle qu’elle avait subie et ses conséquences. Elle affirme également que l’État partie n’a pas fait respecter le droit à une réparation effective pour le préjudice moral subi. Depuis l’agression sexuelle subie, l’exercice, par sa fille, de ses droits à la santé, notamment génésique, et à l’éducation est compromis et risque de l’être davantage. Elle affirme aussi que l’État partie n’a pas offert à sa fille les services de réadaptation et de soutien psychologique nécessaires. Elle soutient en outre qu’il n’a pas adopté les lois appropriées ni pris les mesures qui garantiraient le droit de sa fille d’être protégée contre le risque d’être de nouveau agressée par l’auteur des violences, qui vit toujours dans l’immeuble voisin de leur domicile. L’auteur affirme également que les droits de sa fille ne sont pas garantis contre les stéréotypes attachés à sa situation de fille handicapée ayant subi une agression sexuelle ni contre l’idée, confortée par la loi, que la violence sexuelle qu’elle a subie est une forme de violence bénigne.

3.3L’auteur renvoie à la définition de la discrimination à l’égard des femmes énoncée à l’article premier de la Convention et rappelle que, selon la Recommandation générale no 19 du Comité, la discrimination englobe les actes de violence fondés sur le sexe et, en particulier, les actes qui infligent des tourments ou des souffrances d’ordre physique, mental ou sexuel. Elle fait valoir qu’en Bulgarie, les femmes et les filles sont beaucoup plus touchées que les hommes par la violence sexuelle et par le fait que l’État ne prend pas au sérieux cette violence, dont les filles sont les principales victimes, ni leur droit de recevoir une réparation effective pour la violence subie. Elle affirme que le fait que l’État partie n’ait pas protégé efficacement sa fille contre la violence sexuelle dont elle a été la victime, ni contre ses conséquences, en ne garantissant pas le respect du droit à la réparation et à la réadaptation, constitue une discrimination à l’égard de celle-ci et entrave la pleine réalisation de ses droits fondamentaux.

3.4L’auteur affirme que le fait qu’il n’existe pas de loi spéciale sur l’égalité des hommes et des femmes, que la violence que subissent les femmes en Bulgarie ne soit pas reconnue, et qu’il n’y ait pas de mesures spéciales en faveur des femmes et des filles victimes de violence sexuelle entraîne une inégalité de facto et que sa fille n’a pas pu exercer ses droits fondamentaux. Elle note que, lors de l’examen des deuxième et troisième rapports périodiques de la Bulgarie par le Comité, le représentant de l’État a reconnu qu’en Bulgarie, l’égalité existait dans la loi mais pas dans les faits et que le Comité a fait observer que les rapports ne faisaient mention d’aucune stratégie des pouvoirs publics pour établir un mécanisme national chargé des questions intéressant les femmes et l’application de la Convention. Elle fait également observer que le Comité était particulièrement préoccupé par le problème de la violence à l’égard des femmes en Bulgarie, tant dans la vie publique que dans la vie privée, et qu’il avait recommandé le renforcement des mesures législatives visant la protection des femmes. Elle constate également qu’en 2009, la Bulgarie a présenté en retard un rapport périodique au Comité, qui évoquait la même «approche de l’égalité de jure» et indiquait qu’aucune mesure n’avait été prise pour mettre en œuvre les recommandations du Comité; autrement dit, il n’existe pas en Bulgarie de loi spécifique sur l’égalité des sexes ni de mécanisme visant à protéger cette égalité.

3.5L’auteur affirme que ces lacunes perpétuent la discrimination dont sa fille est victime, en raison de la violence qu’elle a subie et de ses conséquences. Elle soutient également que, dans le cas d’espèce, l’État n’a pas garanti les mesures législatives et pratiques nécessaires pour protéger sa fille de la violence sexuelle et de ses conséquences, car il n’a pas mis au point, à l’intention des victimes, un système fiable de réparation effective, notamment du préjudice moral subi. La procédure d’exécution des jugements des tribunaux civils ne garantit pas le droit à réparation. La loi sur l’aide juridictionnelle (adoptée en janvier 2006) ne couvre pas la procédure d’exécution, même pour les victimes devenues handicapées à cause de la violence sexuelle subie, comme c’est le cas de la fille de l’auteur. La loi relative à l’appui aux victimes et à leur indemnisation ne couvre pas du tout le préjudice moral. Il n’existe pas de fonds public pour les victimes, adultes ou enfants, d’actes de violence sexuelle. De plus, l’État n’a pas garanti la sécurité de la fille de l’auteur après la procédure pénale, puisque l’agresseur a été libéré et vit dans leur voisinage.

3.6L’auteur affirme aussi que l’État partie n’a pas fourni de protection ni d’appui à sa fille ou aux autres victimes d’agression sexuelle et que les centres de crise spéciaux pour personnes violées, les travailleurs sociaux formés, les psychologues, ainsi que les services de réadaptation et d’appui psychologique font défaut. Elle affirme que les faits présentés ci-dessus font apparaître une violation des droits de sa fille consacrés aux alinéas a, b, c et e de l’article 2 de la Convention.

3.7Concernant les droits de sa fille consacrés aux alinéas f et g de l’article 2, lus conjointement avec l’article 5 de la Convention, l’auteur affirme que l’attitude globale de l’État face à la violation grave des droits de la femme que constitue la violence sexuelle est influencée par le stéréotype idéologique profond selon lequel les infractions sexuelles sont avant tout des actes de «débauche» ou des crimes contre l’honneur. Cette approche stéréotypée caractérise aussi la légèreté de la peine infligée à l’agresseur de sa fille et l’absence d’une réparation effective garantissant une indemnisation des conséquences de la violation grave de ses droits. L’auteur rappelle les termes de l’article 158 du Code pénal, selon lesquels «Dans les cas décrits aux articles 149 à 151 et 153, l’agresseur ne sera pas puni ou la peine imposée ne sera pas exécutée si, avant l’exécution de la sentence, l’homme épouse la femme.». Les articles en question couvrent les affaires d’agression sexuelle et de viol, y compris l’attentat à la pudeur et, d’après l’auteur, cette «solution» offerte par la loi va à l’encontre des droits de la femme, récompense l’agresseur plutôt que de le punir et illustre «l’idéologie patriarcale» dans laquelle s’inscrit la loi. L’auteur fait valoir qu’en ne réexaminant pas et en n’abrogeant pas ces dispositions de la loi, l’État partie a violé la Convention.

3.8En ce qui concerne les droits que sa fille tient de l’article 12 de la Convention, l’auteur affirme que l’État partie n’a pas pris les mesures juridiques et pratiques, notamment des protocoles de soins de santé et des procédures hospitalières, visant à faire face à la violence à l’égard des femmes et aux agressions dont sont victimes les filles, et qu’il n’a pas prévu de services médicaux adaptés. En particulier, elle affirme que l’État partie n’a pas fait le nécessaire pour disposer de personnel formé aux particularités des affaires de violence sexuelle. À la suite de la violence qu’elle avait subie, la fille de l’auteur a été diagnostiquée handicapée; or, affirme l’auteur, l’État partie n’a pas mis à sa disposition les services médicaux spéciaux appropriés.

Observations de l’État partie sur le fond

4.1Le 16 janvier 2012, l’État partie a précisé qu’il poursuit une politique cohérente visant à prévenir et à éliminer toute forme de discrimination, y compris à l’égard des femmes et des filles. Le Ministère du travail et de la politique sociale met en œuvre un certain nombre de projets visant l’égalité des sexes et l’élimination de la discrimination, dont le but principal est de sensibiliser l’opinion publique par des campagnes d’information, des séminaires et des tables rondes. Les participants à ces événements se voient expliquer le cadre légal de l’égalité des sexes, les engagements internationaux souscrits par la Bulgarie en tant qu’État partie à un certain nombre d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, y compris la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et les Recommandations générales du Comité. Plus de 3 000 représentants de l’administration nationale et locale, du système judiciaire, des partenaires sociaux et de la société civile ont reçu une formation dans le domaine de l’égalité des sexes, des conditions de travail, ou encore de l’égalité des rémunérations des hommes et des femmes. Le Conseil national sur l’égalité des hommes et des femmes a considérablement contribué à cette action et met actuellement au point une politique nationale sur les questions d’égalité des hommes et des femmes avec des partenaires publics et non gouvernementaux. Des plans nationaux annuels de promotion active de l’égalité des hommes et des femmes sont mis en œuvre.

4.2L’État partie fait également valoir qu’il a soutenu l’adoption du Pacte européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes (2011-2020), qui met un «nouvel accent» sur l’engagement des États membres à agir contre toutes les formes de violence à l’égard des femmes. L’État partie affirme qu’il appuie fermement les actions visant à mettre au point des mesures de prévention contre la violence fondée sur le sexe et contre la traite à des fins d’exploitation sexuelle par le travail, ces actions, d’une importance capitale, exigeant la mise en place d’un système actif d’éducation et de formation, ainsi que la collaboration étroite de toutes les institutions et organisations. Au niveau national, le Ministère de l’intérieur, agissant en collaboration avec les organisations non gouvernementales, a organisé de nombreuses «initiatives de prévention active des violences fondées sur le sexe et de la traite des êtres humains», que les citoyens sont désormais mieux conscients des problèmes concrets et que des «tendances durables» se dégagent en ce qui concerne la réduction de cette violence.

4.3L’État partie affirme que les victimes de discrimination ont la possibilité de porter plainte auprès de la Commission de protection contre la discrimination (CPD) ou devant un tribunal. La CPD coopère étroitement avec la société civile et les médias, organise des formations et mène des enquêtes ainsi que des campagnes de sensibilisation, entre autres activités. Depuis sa création en 2005, elle reçoit un nombre de plaintes en augmentation constante, ce qui, pour l’État partie, indique qu’elle jouit d’une confiance grandissante. L’ouverture d’une procédure devant la CPD est gratuite pour les plaignants, son coût étant totalement financé sur le budget de l’État.

4.4L’État partie fait valoir que, dans le cas d’espèce, l’agression commise correspond à un délit qualifié par le Code pénal de la République de Bulgarie. La plaignante a défendu les droits de sa fille mineure dans des procédures pénales et l’affaire s’est conclue par une transaction pénale. L’affaire a été examinée au civil en ce qui concerne le préjudice découlant des souffrances et le préjudice d’agrément, conformément au Code de procédure civile et à la loi relative aux obligations et aux contrats. Au terme de la procédure civile, le tribunal a pris une décision en faveur de la requérante, concernant l’indemnisation du préjudice.

4.5L’État partie ajoute que, comme l’indiquent clairement les documents fournis par l’auteur de la communication, l’agresseur a été inculpé et reconnu coupable du délit défini au paragraphe 1 de l’article 149 du Code pénal qui, à l’époque où l’infraction a été commise, prévoyait une peine de privation de liberté de cinq ans au maximum. L’État partie explique que depuis lors, il a pris en compte la gravité de l’infraction de violence sexuelle, son rapport avec la manière dont le sexe féminin est perçu dans la société, et, afin d’éliminer toute idée d’infériorité du sexe féminin, a modifié le paragraphe 1 de l’article 149 du Code pénal, en fixant une peine d’un an d’emprisonnement au minimum et de six ans au maximum, ce qui en fait un crime. L’État partie affirme qu’en adoptant cette modification, en 2006, il a démontré sa volonté d’appliquer «les dispositions des alinéas b et c de l’article 2 de la Convention». Il ajoute encore que, dans de telles affaires, le Code de procédure pénale n’admet plus les transactions définies au paragraphe 2 de l’article 381.

4.6Une autre modification apportée au Code pénal, qui illustre la volonté de l’État partie de sévir davantage en matière d’infractions à caractère sexuel, et qui marque la reconnaissance de leur relation étroite avec la discrimination à l’égard des femmes, a eu lieu en 2007; en effet, il a été ajouté un nouvel alinéa 4 au paragraphe 5 de l’article 149 du Code pénal, qui dispose: «La fornication sera punie d’une peine d’emprisonnement de cinq à vingt ans si elle constitue un cas particulièrement grave.». L’expression «cas particulièrement grave» est définie à l’article 93 du Code pénal comme un cas «où l’infraction perpétrée, compte tenu des conséquences graves auxquelles elle a donné lieu et d’autres circonstances aggravantes, révèle un niveau extrêmement élevé de danger social, tant en ce qui concerne l’acte que son auteur». L’État partie fait valoir qu’ainsi, il a encore renforcé son arsenal répressif s’agissant des actes de violence sexuelle, et qu’il a amélioré la protection de la femme contre la discrimination en autorisant un alourdissement des peines dans les cas qui exigent une telle mesure supplémentaire. Il a en effet reconnu qu’il était nécessaire de réprimer plus sévèrement les violences sexuelles dans les cas graves, dans l’espoir de les empêcher et de garantir le plein exercice, par la femme, de ses libertés et droits fondamentaux.

4.7L’État partie ajoute que les autorités bulgares compétentes ont mis en œuvre les dispositions pertinentes de la loi relative à la protection de l’enfance. Tenant compte des données de l’affaire, des assistants sociaux des services de protection de l’enfance de la ville de Pleven ont pris l’initiative de procéder à l’observation de l’enfant. L’enfant a été déclaré handicapée, avec «50 % de capacité d’adaptation sociale, avec une aide extérieure». L’État partie ajoute que les parents ont entretenu un contact étroit avec les enseignants de l’enfant, qui les ont soutenus à chaque fois qu’un problème de comportement se présentait, et que les services de protection de l’enfance ont organisé des consultations régulières avec les parents. L’État partie ajoute que «dans un premier temps», il a été suggéré que l’enfant soit envoyée chez un «spécialiste», mais que les parents ont décliné cette proposition parce qu’à l’époque, le psychologue de l’école pour enfants handicapés s’occupait de leur fille. Celle-ci a été admise en deuxième année en 2005/06 et orientée vers l’école en question par un comité d’experts, à l’issue d’une évaluation pédagogique établie par l’inspection régionale de l’enseignement. Avant cela, l’enfant fréquentait une école élémentaire ordinaire.

4.8L’État partie indique que lorsque la fillette est arrivée à l’école pour enfants handicapés, les experts ont estimé qu’elle était déprimée et constaté qu’elle refusait de s’approcher de tout membre masculin du personnel. Avec l’aide du psychologue, l’enfant s’est tranquillisée, a noué des liens émotionnels solides avec l’enseignant titulaire de la classe et a dominé ses angoisses relationnelles; elle s’est bien adaptée au groupe d’enfants et a exprimé sa volonté d’aider ceux qui en avaient besoin. L’État partie ajoute que l’enfant est aujourd’hui en septième année (année 2011/12) et qu’elle suit normalement les cours. Elle a développé un «bon niveau de confiance en soi et joue maintenant un rôle important lors des fêtes, des journées spéciales et des événements scolaires».

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.Le 7 mars 2012, l’auteur a fait valoir que les observations de l’État partie ne sont pas pertinentes sur le fond, parce qu’elles ne traitent pas de la «question centrale» qui est l’absence de mécanisme de réparation effective pour le préjudice subi par sa fille et les violations de la Convention. Elle conteste les observations de l’État partie et affirme que les services sociaux municipaux ne se sont jamais intéressés à la situation de sa fille, et que l’État partie n’a jamais proposé l’aide d’un psychologue pour enfants pour la traiter. Elle ajoute que les termes utilisés dans les observations de l’État partie, qui décrivent sa fille comme «vivant dans un environnement de soins publics constants et presque dans la sérénité», trahissent une sous-estimation de la situation et constituent une atteinte à sa dignité. Elle fait valoir que, contrairement aux observations de l’État partie, la situation de sa fille empire, qu’elle continue de vivre comme une personne handicapée et que récemment, un diagnostic d’hypomanie a été posé à son sujet. Elle ajoute qu’elle a été contactée par les autorités de l’État partie qui lui ont demandé de leur fournir une traduction, en bulgare, de sa communication au Comité, que les représentants de l’État avaient une attitude «offensante et à la limite du harcèlement» et qu’ils avaient exigé qu’elle leur dévoile l’objet de la communication et les noms des avocats qui l’aidaient.

Observations supplémentaires de l’État partie

6.Le 24 avril 2012, l’État partie a présenté la traduction d’un «rapport social», daté du 18 avril 2012, signé par le Directeur du service de l’assistance sociale, à la Division de la protection de l’enfance de la municipalité de Pleven. Celui-ci déclare qu’en 2007, après avoir examiné les pièces disponibles de l’affaire, l’assistante sociale avait estimé que la demande d’une réparation financière était dans l’intérêt de l’enfant. Le rapport confirme que la fille de l’auteur fréquentait une école ordinaire jusqu’à son agression et qu’après, elle avait dû être transférée dans une école pour enfants handicapés. Il établit une évaluation du milieu familial de l’enfant et indique qu’actuellement, elle est en huitième année et, qu’ayant travaillé avec un psychologue, elle a «retrouvé sa confiance en elle et qu’elle est devenue incontournable dans les festivités et les manifestations scolaires».

Commentaires de l’auteur sur les observations supplémentaires de l’État partie

7.Le 2 juillet 2012, l’auteur a fait valoir que le «rapport social» présenté par l’État partie a été établi bien après la période visée par la communication. Elle indique aussi que de tels rapports sont généralement produits dans le cadre de la loi sur la protection de l’enfance, par les organes de l’assistance sociale de l’État partie lors des procédures relatives au divorce ou à des litiges concernant la garde de l’enfant, ou encore lors de procédures liées au repérage d’enfants en situation de risque dans leur famille. Elle ajoute que le document en question n’a rien à voir avec la procédure engagée au titre de la Convention, où c’est la responsabilité de l’État partie et non celle des parents qui est examinée; par conséquent, elle considère que ce rapport n’est pas pertinent en l’espèce.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

8.1En application de l’article 64 de son règlement intérieur, le Comité doit décider si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif.

8.2Le Comité s’est assuré que la même question n’a pas été et n’est pas en cours d’examen devant une autre instance internationale, d’enquête ou de règlement.

8.3Le Comité note également que l’État partie n’a pas remis en cause la recevabilité de la communication et qu’il n’y a donc pas de raison de déclarer la communication irrecevable. Par conséquent, le Comité déclare la communication recevable.

Examen au fond

9.1Le Comité a examiné la présente communication en tenant compte de l’ensemble des informations fournies par l’auteur et par l’État partie, conformément au paragraphe 1 de l’article 7 du Protocole facultatif.

9.2En l’espèce, le Comité observe que les faits suivants n’ont pas été contestés par les parties: la fille de l’auteur a été victime d’un acte de violence sexuelle en 2004; les chefs d’accusation retenus contre l’agresseur n’ont été établis que le 17 avril 2006, soit près de deux ans après les faits; l’affaire s’est conclue, en juin 2006, par l’approbation, par le juge, d’une transaction entre le procureur et l’accusé, consistant en une peine avec sursis et aucune réparation pour le préjudice et la souffrance subis par la victime; un jugement au civil, condamnant l’agresseur à payer une réparation pour «préjudice moral», n’a été obtenu que lorsque l’auteur a engagé une telle procédure, à titre privé, et n’a été rendue que le 5 février 2008, soit quatre ans après la commission de l’acte incriminé; le jugement de facto n’a pas pu être exécuté avec les mécanismes existant dans la législation nationale. Qui plus est, le Comité note les arguments de l’auteur, qui affirme que l’incapacité de l’État à garantir la protection de sa fille contre les conséquences des violences sexuelles qu’elle avait subies, notamment à garantir la réparation et la réadaptation, constitue une discrimination à l’égard de l’enfant et entrave la pleine réalisation de ses droits fondamentaux; il prend note également de l’argument de l’auteur, qui affirme qu’en Bulgarie, les femmes et les filles sont bien plus touchées que les hommes par la violence sexuelle et par la légèreté avec laquelle l’État considère la violence sexuelle, spécialement à l’égard des filles, qui en sont les principales victimes, ainsi que par son incapacité à assurer le droit à une indemnisation effective pour la violence subie.

9.3Le Comité rappelle qu’aux termes de l’article 2 de la Convention, les États parties sont tenus d’éliminer la discrimination à l’égard des femmes de tout âge, y compris les filles. Le Comité rappelle également qu’aux fins de l’article premier de la Convention, la définition de la discrimination inclut la violence fondée sur le sexe, c’est-à-dire la violence exercée contre une femme parce qu’elle est une femme ou qui touche spécialement la femme, et qui englobe les actes qui infligent des tourments ou des souffrances d’ordre physique, mental ou sexuel, la menace de tels actes, la contrainte ou autres privations de liberté. La violence fondée sur le sexe peut violer des dispositions particulières de la Convention, même si ces dispositions ne mentionnent pas expressément la violence. Le Comité rappelle aussi que dans sa Recommandation générale no 19, il recommande aux États parties de prendre des mesures appropriées et efficaces pour éliminer toutes formes de violence fondée sur le sexe, qu’il s’agisse d’un acte public ou d’un acte privé. Les États parties peuvent être également tenus responsables d’actes privés en vertu de l’article 2 e) s’ils n’agissent pas avec la diligence voulue pour prévenir la violation de droits ou pour enquêter sur des actes de violence, les punir et les réparer.

9.4Le Comité rappelle que les alinéas a, f et g de l’article 2 disposent que les États sont tenus de fournir une protection juridique et d’abroger ou de modifier toute loi ou disposition réglementaire discriminatoire, dans le cadre de la politique visant à éliminer la discrimination à l’égard des femmes, et qu’ils sont tenus de prendre des mesures pour modifier ou abroger toute disposition législative ou réglementaire, coutume ou pratique qui constituent une discrimination à l’égard des femmes.

9.5Le Comité relève en outre que l’État partie ne donne aucune explication de la raison pour laquelle l’acte de violence sexuelle infligé à la fille de l’auteur a été poursuivi en tant qu’attentat à la pudeur plutôt que comme viol ou tentative de viol. Il estime qu’en l’espèce, les faits révèlent une pénétration anale de nature sexuelle, imposée avec une partie du corps de l’agresseur, ainsi qu’une tentative de viol. Le Comité note qu’à l’époque où la fille de l’auteur a subi l’agression sexuelle, son agresseur a été poursuivi pour un délit d’attentat à la pudeur, qualifié à l’article 149 du Code pénal, que la peine prévue pour un tel acte n’était pas la même que la peine prévue pour les crimes de viol ou de tentative de viol, qualifiés à l’article 152 du Code pénal, et qu’une transaction pénale était possible et a été utilisée en l’espèce. Le Comité constate avec préoccupation que l’agresseur n’a été condamné qu’à une peine de trois ans avec sursis, c’est-à-dire une peine nettement inférieure à la peine maximale prévue par la loi. Il estime qu’en l’occurrence, l’État partie n’a pas respecté l’obligation positive qui lui incombe, en vertu de l’article 2 b), d’adopter des mesures pénales appropriées pour réprimer efficacement le viol et la violence sexuelle et d’appliquer ces mesures dans la pratique par une enquête efficace et des poursuites contre l’agresseur. Il n’a pas non plus pris de disposition législative qui aurait pu apporter un appui et une protection à la victime, ce qui constitue une violation des alinéas a, f et g de l’article 2 de la Convention.

9.6Le Comité note qu’en 2006, l’État partie a modifié l’article 149 du Code pénal pour donner aux actes visés au paragraphe 1 dudit article la qualification de crime, et que la transaction pénale n’est plus possible lorsque les chefs d’accusation correspondent à cet article. Le Comité remarque néanmoins que malgré ces modifications législatives, la peine infligée pour les infractions décrites à l’article 149 reste inférieure à celle qui est appliquée en cas de viol ou de tentative de viol, et que les crimes sexuels sont toujours poursuivis en tant qu’actes de «débauche». Le Comité note aussi qu’en vertu de l’article 158 du Code pénal, les infractions qualifiées aux articles 149 à 151 et 153 ne sont pas punies ou que la peine imposée ne doit pas être accomplie si, avant l’exécution de la condamnation, l’homme épouse la femme. Les articles en question couvrent les affaires d’attentat à la pudeur et de viol, y compris les affaires d’agression sexuelle sur mineur. Le Comité estime que ces dispositions ne sont pas conformes à la Convention et rappelle que dans ses observations finales, adoptées après l’examen des quatrième au septième rapports périodiques de la Bulgarie, il a recommandé que l’article 158 du Code pénal soit abrogé. Il considère que l’État partie n’a pas examiné et abrogé cette disposition, contrairement aux obligations que lui impose l’article 2 g) de la Convention. Il fait également remarquer que la disposition en question met en lumière des stéréotypes et des préjugés sexistes contraires à l’article 5 de la Convention.

9.7Le Comité constate également que la législation actuelle ne prévoit apparemment pas de mécanisme de protection des victimes de la violence sexuelle contre un traumatisme supplémentaire, puisqu’à l’issue de la procédure pénale, les agresseurs sont remis en liberté et qu’il n’existe pas de mécanisme légal tel que l’ordonnance de protection et/ou d’éloignement pour protéger la victime. Le Comité estime que l’absence de telles dispositions a donné lieu à la violation des droits de la fille de l’auteur consacrés aux alinéas a, b, e, f et g de l’article 2, lus conjointement avec l’article 3 et avec le paragraphe 1 de l’article 5 de la Convention.

9.8Le Comité prend également note de l’observation de l’État partie, qui affirme qu’il met en œuvre de nombreux programmes pour promouvoir l’égalité des femmes et des hommes dans la société, mais il constate que l’État partie ne donne aucune information sur le lien entre ces programmes et la situation des filles qui sont victimes de violence sexuelle ou, plus spécifiquement, l’affaire de la fille de l’auteur. En particulier, aucune information n’est donnée sur les mesures prises pour lutter contre les actes de violence sexuelle dont les femmes et les filles sont victimes ou pour remédier aux conséquences de tels actes sur leur possibilité d’exercer les droits qu’elles tiennent de la Convention. Par conséquent, le Comité conclut que l’État partie a violé les droits que la fille de l’auteur tient de l’alinéa c de l’article 2 et du paragraphe 15 de la Convention.

9.9Le Comité fait également remarquer que l’État partie ne donne aucune explication sur la lenteur de la phase préliminaire de la procédure ni, plus particulièrement, sur la raison pour laquelle l’acte d’accusation n’a été émis qu’au terme de presque deux ans. Il constate en outre que, malgré l’existence d’un jugement au civil en faveur de la victime, à ce jour celle-ci n’a pas été indemnisée pour les tourments et les souffrances subis, et que les mécanismes légaux établis par l’État partie ne garantissent pas qu’elle le sera un jour.

9.10En ce qui concerne le grief de l’auteur, qui affirme que les droits de sa fille visés à l’article 12 ont été violés, le Comité rappelle que la violence fondée sur le sexe est un problème grave auquel font face de nombreuses femmes, et que les États devraient: promulguer des lois et les faire respecter, et formuler des politiques, notamment des protocoles médicaux ou des procédures hospitalières, pour combattre la violence dont les femmes sont les victimes, et les agressions sexuelles qui visent les filles, et fournir des services médicaux appropriés; dispenser au personnel médical une formation spécifique afin qu’il soit à même de détecter la violence fondée sur le sexe et de s’occuper de ses conséquences. Le Comité prend note des griefs de l’auteur, qui affirme que l’État partie n’a pas promulgué de loi ou formulé de politiques, notamment des protocoles médicaux ou des procédures hospitalières, pour combattre la violence dont les femmes sont les victimes et les agressions sexuelles qui visent les filles, ni fourni des services médicaux appropriés; qu’il n’a pas dispensé au personnel médical une formation spécifique afin qu’il soit à même de détecter la violence fondée sur le sexe et de s’occuper de leurs conséquences; qu’à cause de la violence qu’elle avait subie, la fille de l’auteur a été diagnostiquée handicapée et que l’État partie n’a pas mis à sa disposition des soins spéciaux appropriés. Le Comité prend note également de l’argument de l’État partie, qui affirme que les assistants sociaux des services municipaux de la «protection de l’enfance» ont procédé à une «observation de l’enfant» après le dépôt de la plainte, qu’elle a été diagnostiquée handicapée et envoyée dans une école spéciale pour enfants handicapés, et que le psychologue de l’école a travaillé avec elle. Le Comité constate néanmoins que l’auteur a contesté l’affirmation selon laquelle des assistants sociaux se seraient occupés du cas de sa fille. Il observe également que l’État partie n’a pas donné de renseignements sur les protocoles médicaux ou les procédures hospitalières appliquées ou encore sur les services médicaux fournis à la fille de l’auteur immédiatement après l’acte de violence sexuelle qu’elle avait subi, et qu’il n’y a guère d’informations sur les soins fournis à la victime pour faire face aux séquelles de la violence. Le Comité conclut que l’État partie n’a ni appliqué ni formulé de politiques, notamment des protocoles médicaux ou des procédures hospitalières, qui auraient permis de faire face aux conséquences de la violence sexuelle subie par la fille de l’auteur, et qu’il n’a pas fourni de services médicaux adaptés à son cas, et conclut donc que l’État partie a violé les droits que la fille de l’auteur tient de l’article 12 de la Convention.

9.11En ce qui concerne le grief de l’auteur, qui affirme que les droits que sa fille tient de l’article 15 de la Convention ont été violés, le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel un tribunal civil a statué en faveur de la plaignante et a rendu une décision dans laquelle il accordait une indemnité pour préjudice moral à la fille de l’auteur, mais il constate que l’État n’a pas garanti l’exécution effective de la décision du tribunal. Il observe que l’article 15 de la Convention, qui consacre le principe de l’égalité devant la loi, vise à protéger la femme face à la loi, qu’elle soit plaignante, témoin ou victime, ce qui englobe le droit à un dédommagement approprié en cas d’actes de violence, notamment sexuelle. Il constate que l’État partie n’a pas mis en place un système fiable d’indemnisation effective des victimes de la violence sexuelle, notamment pour préjudice moral, et qu’il n’existe pas de dispositif d’aide judiciaire pour les procédures d’exécution, même pour les victimes handicapées du fait de la violence sexuelle subie, comme dans le cas de la fille de l’auteur. Par conséquent, le Comité conclut que le droit de la victime à une indemnisation effective pour le préjudice moral subi, garanti au paragraphe 1 de l’article 15, lu conjointement avec les alinéas c et e de l’article 2 de la Convention, a été violé.

10.Agissant en vertu du paragraphe 3 de l’article 7 du Protocole facultatif à la Convention, et à la lumière des observations ci-dessus, le Comité constate que l’État partie ne s’est pas acquitté de ses obligations et qu’il a donc violé les droits de la fille de l’auteur en vertu des alinéas a, b, c, e, f et g de l’article 2, lus conjointement avec les articles premier et 3, les alinéas a et b de l’article 5, l’article 12 et le paragraphe 1 de l’article 15 de la Convention, et il adresse les recommandations suivantes à l’État partie:

1)Concernant l’auteur de la communication, agissant au nom de sa fille:

Accorder réparation, sous la forme d’une indemnisation adéquate, adaptée à la gravité de la violation des droits de la fille de l’auteur;

2)Concernant le contexte général:

a)Abroger l’article 158 du Code pénal et veiller à ce que tous les actes de violence sexuelle commis contre des femmes et des filles, spécialement le viol, soient définis conformément aux normes internationales en la matière et fassent l’objet d’enquêtes effectives, et que leurs auteurs soient poursuivis et condamnés à des peines adaptées à la gravité de leurs actes;

b)Modifier la loi de 2006 relative à l’aide juridictionnelle afin que cette aide s’applique aussi à l’exécution de la décision accordant une indemnité aux victimes de violence sexuelle;

c)Mettre en place un mécanisme approprié visant à ce qu’une indemnisation pour préjudice moral soit fournie aux victimes de violence fondée sur le sexe, notamment en modifiant la loi destinée à appuyer et à indemniser les victimes;

d)Modifier la législation pénale afin de garantir la protection effective des victimes de violences sexuelles contre un traumatisme supplémentaire lorsque les agresseurs sont remis en liberté, notamment au moyen d’une ordonnance de protection et/ou d’éloignement délivrée contre l’agresseur;

e)Veiller à ce que soient promulguées et appliquées des lois et à ce que soient mises en place des politiques, y compris des protocoles médicaux et des procédures hospitalières, pour faire face à la violence sexuelle dont les femmes et les filles sont les victimes.

11.Conformément au paragraphe 4 de l’article 7 du Protocole facultatif, l’État partie examinera dûment les constatations et recommandations du Comité, auquel il soumettra, dans un délai de six mois, une réponse écrite, l’informant notamment de toute action menée à la lumière de ses constatations et recommandations. L’État partie est également prié de rendre publiques les constatations et recommandations du Comité et de les diffuser largement de façon que tous les secteurs concernés de la société en prennent connaissance.