Nations Unies

CERD/C/IRN/CO/18-19*

Convention internationale sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

20 septembre 2010

Français

Original: anglais

Comité pour l ’ éliminati on de la discrimination raciale

Soixante-dix-septième session

2-27 août 2010

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention

Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

République islamique d’Iran

1.Le Comité a examiné les dix-huitième et dix-neuvième rapports périodiques de la République islamique d’Iran, attendus respectivement depuis 2006, et présentés en un seul document (CERD/C/IRN/18-19) à ses 2016e et 2017e séances (CERD/C/SR.2016 et SR.2017), tenues les 4 et 5 août 2010. À sa 2042e séance (CERD/C/SR.2042), tenue le 23 août 2010, il a adopté les observations finales suivantes.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport détaillé présenté par l’État partie, malgré le retard pris dans la soumission du document. Le Comité juge encourageante la présence d’une délégation de haut niveau et de compétences très diverses, représentant plusieurs institutions de l’État partie, et se dit satisfait de la possibilité ainsi offerte de poursuivre son dialogue avec l’État partie.

3.Si le Comité note avec satisfaction que le rapport de l’État partie est généralement conforme aux directives du Comité concernant l’établissement des rapports, il regrette qu’il ne s’y trouve pas suffisamment d’informations sur la mise en œuvre concrète de la Convention, en particulier sur les indicateurs économiques et sociaux de la population de l’État partie, ventilés selon l’appartenance ethnique.

B.Aspects positifs

4.Le Comité se félicite des diverses évolutions que l’État partie a connues, notamment de:

a)L’approbation de la loi sur les droits des citoyens, en 2005;

b)La ratification, le 7 novembre 2005, par l’État partie, de l’amendement à l’article 8 de la Convention adopté le 15 janvier 1992 à la quatorzième réunion des États parties à la Convention et approuvé par l’Assemblée générale dans sa résolution 47/111 du 16 décembre 1992, relatif au financement du Comité;

c)L’information donnée sur les progrès accomplis par l’État partie en vue de mettre en place une institution nationale des droits de l’homme conformément aux Principes de Paris;

d)La modification apportée au quatrième Plan de développement, qui permet d’allouer des fonds publics et une part des revenus du gaz et du pétrole au développement des provinces les moins avancées, en particulier celles habitées par des groupes ethniques défavorisés;

e)L’engagement actif du pays auprès de la communauté internationale sur les questions de droits de l’homme, notamment son initiative visant à promouvoir le dialogue entre les civilisations.

5.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie continue d’accueillir une population importante de réfugiés venus de pays voisins tels que l’Afghanistan et l’Iraq.

C.Sujets de préoccupation et recommandations

6.Le Comité prend note des vues de l’État partie sur les difficultés rencontrées pour déterminer la composition ethnique de la population de façon autrement approfondie que par la simple indication de la concentration des groupes ethniques dans les différentes provinces de la République islamique d’Iran, mais il a aussi le sentiment que les difficultés de l’État partie dans ce domaine n’ont rien d’exceptionnel. Tout en prenant note du dernier recensement de la population effectué en 2007, le Comité regrette que l’État partie n’ait semble-t-il pas saisi cette occasion pour recueillir des informations détaillées sur la composition ethnique de la population en demandant aux personnes interrogées de déterminer par elles-mêmes leur appartenance ethnique.

Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour mettre à jour les informations sur sa composition ethnique, en se fondant sur le principe d ’ auto-identification. Il recommande d ’ inscrire dans le prochain recensement prévu dans l ’ État partie la question portant sur la manière dont la personne s ’ identifie elle-même, et demande que les résultats du recensement soient rendus publics et qu ’ il en soit rendu compte dans le prochain rapport de l ’ État partie .

7.Tout en prenant note des précisions données par l’État partie au sujet de l’incorporation de la Convention dans la législation interne, le Comité dit une fois encore que le statut de la Convention, lorsqu’elle est mise en parallèle avec certaines dispositions divergentes de la Constitution et de la législation interne, demeure flou. Il fait observer en outre que la Convention n’a jamais été invoquée par les tribunaux nationaux.

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures nécessaires pour harmoniser sa législation interne avec la Convention. Il lui recommande également de prendre de nouvelles mesures pour assurer la diffusion publique des dispositions de la Convention et des possibilités de l ’ invoquer pour lutter contre la discrimination raciale, y compris dans les langues des minorités, et d ’ assurer l ’ éducation et la formation de ses agents des pouvoirs publics dans ce domaine .

8.Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie au sujet de la définition de la discrimination raciale à l’article 19 de la Constitution iranienne, et constate de nouveau avec inquiétude que cette définition n’englobe pas expressément les formes de discrimination raciale et ethnique proscrites par la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (art. 1).

Le Comité engage une fois de plus l ’ État partie à envisager de modifier la définition de la discrimination raciale donnée dans sa Constitution et sa législation interne afin de la mettre en pleine conformité avec le paragraphe 1 de l ’ article premier de la Convention .

9.Tout en félicitant l’État partie pour les efforts qu’il a entrepris en vue de rendre les femmes autonomes, le Comité s’inquiète de ce que les femmes appartenant à une minorité sont exposées au risque d’une double discrimination (art. 2).

Le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur sa Recommandation générale n o 25 (2000) concernant la dimension sexiste de la discrimination raciale et lui recommande de poursuivre ses efforts visant à rendre les femmes autonomes et à promouvoir leurs droits, en portant une attention particulière aux femmes qui appartiennent à une minorité .

10.Le Comité prend note des renseignements fournis par l’État partie au sujet de la loi de 1985 sur la presse. Il prend également note des efforts entrepris par l’État partie pour lutter contre les discours racistes dans les médias avec l’application de sanctions contre les journaux dont les publications ont contenu des propos racistes. Toutefois, le Comité est préoccupé par les informations persistantes faisant état d’une discrimination raciale, notamment dirigée contre les communautés azéries dans les médias, y compris la représentation stéréotypée et humiliante de ces populations et communautés. Le Comité est également préoccupé par les informations faisant état d’une discrimination raciale dans la vie quotidienne et de déclarations de discrimination raciale et d’incitation à la haine par les représentants des pouvoirs publics (art. 4).

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures appropriées pour lutter contre les manifestations, dans les médias mais aussi dans la vie quotidienne, de préjugés raciaux pouvant aboutir à de la discrimination raciale. Le Comité lui recommande aussi, dans le domaine de l ’ information, de promouvoir la compréhension, la tolérance et l ’ amitié entre les différents groupes raciaux et ethniques qui composent l ’ État partie, en particulier de la part des représentants des pouvoirs publics, notamment par l ’ adoption d ’ un code déontologique des médias qui engagerait les différents organes à montrer qu ’ ils respectent l ’ identité et la culture de toutes les communautés de l ’ État partie, en tenant compte du possible effet combiné de la discrimination raciale et de la discrimination religieuse. Le Comité réitère la demande qu ’ il avait faite à l ’ État partie de lui soumettre dans son prochain rapport périodique des informations sur l ’ application de la loi en question dans le cadre de la lutte contre la discrimination raciale .

11.Le Comité prend note des renseignements fournis au sujet du Conseil supérieur des droits de l’homme et de ses travaux. Il se dit toutefois préoccupé par le risque que la composition de cet organe influe sur son indépendance. Le Comité prend aussi note de l’indication donnée que le Conseil supérieur élabore actuellement un plan visant à mettre en place une institution nationale des droits de l’homme (art. 6).

Le Comité engage l ’ État partie à accélérer le processus de création d ’ une institution nationale des droits de l ’ homme conformément aux P rincipes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme (Principes de Paris, résolution 48/134 de l ’ Assemblée générale). Il l ’ engage aussi à veiller au fonctionnement indépendant de cette institution en la dotant des ressources financières et humaines voulues .

12.Tout en notant que, selon l’État partie, des mesures sont actuellement prises pour promouvoir les langues des minorités, et que l’enseignement de ces langues et de la littérature correspondante est autorisé dans les écoles, le Comité se dit préoccupé par le nombre insuffisant de mesures garantissant aux personnes appartenant à des minorités toutes les possibilités d’apprendre leur langue maternelle et de recevoir une instruction dans cette langue. Le Comité aurait souhaité avoir davantage de précisions sur les taux d’alphabétisation des minorités ethniques (art. 5).

Le Comité recommande à l ’ État partie de continuer de s ’ efforcer de mettre en œuvre des mesures propres à garantir aux personnes qui appartiennent à des minorités les possibilités d ’ apprendre leur langue maternelle et de recevoir une instruction dans cette langue. Il demande à l ’ État partie de fournir de plus amples renseignements sur les taux d ’ alphabétisation des minorités ethniques.

13.Le Comité est en outre préoccupé par le risque que les barrières linguistiques fassent obstacle à l’accès des minorités ethniques de l’État partie à la justice. Il s’inquiète également des informations faisant état d’un traitement discriminatoire envers les ressortissants de pays étrangers dans le système de justice iranien (art. 5 et 6).

Le Comité recommande à l ’ État partie de continuer de s ’ efforcer de garantir l ’ accès à la justice dans les langues des minorités ethniques, en offrant les services de traducteurs et d ’ interprètes, selon que de besoin. Le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur sa Recommandation générale n o 31 (2005) sur la prévention de la discrimination raciale dans l ’ administration et le fonctionnement de la justice pénale. Il lui recommande d ’ intensifier ses efforts en vue de garantir à chacun, y compris aux ressortissants de pays étrangers, le respect de la légalité et la transparence dans le système judiciaire .

14.Le Comité note l’insuffisance des informations concernant la mise en œuvre de l’article 6 de la Convention.

Le Comité réaffirme que l ’ absence de plaintes n ’ atteste pas l ’ absence de discrimination raciale et qu ’ elle peut résulter de la méconnaissance par les victimes de leurs droits, du manque de confiance des victimes dans la police et les autorités judiciaires, ou encore du manque d ’ attention ou de sensibilité des autorités aux cas de discrimination raciale. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ entreprendre une campagne d ’ information efficace visant à sensibiliser davantage aux possibilités d ’ accès aux mécanismes de plainte pour discrimination raciale et aux moyens d ’ obtenir réparation. Le Comité réitère sa demande faite précédemment à l ’ État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des données statistiques sur les plaintes déposées, les poursuites engagées et les peines prononcées concernant des infractions liées à la discrimination raciale ou ethnique, ainsi que des exemples de cas à l ’ appui de ces données .

15.Le Comité se dit préoccupé par les restrictions imposées à l’exercice des droits politiques, économiques, sociaux et culturels des communautés arabe, azérie, baloutche et kurde, notamment, ainsi que de certaines communautés de non-ressortissants, en particulier dans le logement, l’éducation, la liberté d’expression et la religion, la santé et l’emploi, malgré la croissance économique que connaît l’État partie. Il prend note de ce que les provinces où vivent un grand nombre de ces personnes sont les plus pauvres du pays (art. 5).

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures nécessaires pour parvenir à assurer une protection efficace des communautés notamment arabe, azérie, baloutche et kurde, et de certaines communautés de non-ressortissants , compte tenu de la Recommandation générale n o 30 (2004) concernant la discrimination à l ’ égard des non-ressortissants dans divers domaines, en particulier dans l ’ emploi, le logement, la santé, l ’ éducation et la liberté d ’ expression et de religion. Le Comité demande également à l ’ État partie de faire figurer dans son prochain rapport des informations sur les retombées des programmes visant à donner effet aux droits économiques, sociaux et culturels de la population, ainsi que des données statistiques sur les progrès accomplis à cet égard .

16.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles l’application du critère attaché à la gozinesh − procédure de sélection qui exige des candidats aux postes d’agent ou employé de l’État qu’ils prêtent serment d’allégeance à la République islamique d’Iran et à la religion de l’État − restreint les possibilités d’emploi et la participation politique notamment des membres des communautés arabe, azérie, baloutche, juive, arménienne et kurde (art. 5).

Le Comité souhaiterait recevoir dans le prochain rapport des informations complémentaires sur l ’ utilisation qui est faite du critère en question afin d ’ en saisir mieux le fonctionnement et de pouvoir mieux conseiller l ’ État partie .

17.Le Comité se dit préoccupé par la faible participation à la vie publique de personnes appartenant aux communautés arabe, azérie, baloutche, kurde et bahaïe ainsi qu’à d’autres communautés. La rareté des informations fournies à leur sujet dans le rapport national, dans le recensement national et dans les politiques publiques témoigne de ce manque de visibilité (art. 5).

Le Comité prie instamment l ’ État partie de mener une étude sur les membres de toutes ces communautés, qui lui permettrait de recenser leurs besoins particuliers et d ’ élaborer des plans d ’ action, des programmes et des politiques publiques efficaces de lutte contre la discrimination raciale et la pénalisation de ces communautés dans tous les domaines de la vie publique .

18.Rappelant le caractère indivisible de tous les droits de l’homme, le Comité engage l’État partie à envisager de ratifier les traités internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, en particulier ceux dont les dispositions ont un rapport direct avec la question de la discrimination raciale, tels que la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

19.À la lumière de sa Recommandation générale no 33 (2009) concernant le suivi de la Conférence d’examen de Durban, le Comité recommande à l’État partie de donner effet à la Déclaration et au Programme d’action de Durban adoptés en septembre 2001 par la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, en tenant compte du document final de la Conférence d’examen de Durban tenue à Genève en avril 2009, lorsqu’il incorpore la Convention dans son ordre juridique interne. Il le prie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des informations précises sur les plans d’action et les autres mesures qu’il a adoptés pour appliquer au plan national la Déclaration et le Programme d’action de Durban.

20.Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre ses consultations et d’approfondir son dialogue avec les organisations de la société civile engagées dans la protection des droits de l’homme, en particulier dans la lutte contre la discrimination raciale, dans la perspective de l’établissement du prochain rapport périodique.

21.Le Comité engage l’État partie à envisager de faire la déclaration facultative prévue à l’article 14 de la Convention afin de reconnaître la compétence du Comité à l’égard de communications émanant de particuliers.

22.Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que ses rapports soient facilement accessibles au public au moment de leur soumission, et à ce que les observations du Comité s’y rapportant soient également diffusées dans la langue officielle de l’État et les autres langues communément utilisées selon qu’il convient.

23.L’État partie ayant présenté son document de base en juillet 1999, le Comité l’invite à présenter une mise à jour selon les directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme − en particulier celles qui visent les documents de base − adoptées par la cinquième réunion intercomités de juin 2006 des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/MC/2006/3).

24.Conformément au paragraphe 1 de l’article 9 de la Convention et à l’article 65 de son règlement intérieur modifié, le Comité prie l’État partie de fournir dans l’année qui suit l’adoption des présentes observations finales, des informations sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations des paragraphes 9, 10 et 11 ci-dessus.

25.Le Comité appelle également l’attention de l’État partie sur l’importance particulière des recommandations figurant aux paragraphes 6, 13, 15 et 17, et le prie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des informations détaillées sur la suite qu’il leur aura concrètement donnée.

26.Le Comité recommande à l’État partie de présenter ses vingtième, vingt et unième et vingt-deuxième rapports périodiques en un seul document, attendu pour le 4 janvier 2012, qui tiendra compte des directives concernant l’élaboration des documents propres au Comité pour l’élimination de la discrimination raciale qu’il a adoptées à sa soixante et onzième session (CERD/C/2007/1), et qui traitera de tous les points soulevés dans les présentes observations finales. Le Comité l’engage également à respecter la limite de 40 pages imposée pour les rapports présentés au titre d’un traité particulier et la limite de 60 à 80 pages imposée pour le document de base (voir les directives harmonisées données au paragraphe 19 du document HRI/GEN.2/Rev.6).