Nations Unies

CRC/C/85/D/34/2017

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr. générale

21 octobre 2020

Original : français

Comité des droits de l’enfant

Décision adoptée par le Comité au titre du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications, concernant la communication no 34/2017*,**

Communication présentée par :

U. G. (tuteur d’E. S., représenté par des conseils, Jacques Fierens et Thierry Moreau)

Victime(s) présumée(s) :

E. S. et sa fille, B. M.

État partie :

Belgique

Date de la communication :

24 juin 2017 (date de la lettre initiale)

Date de la décision :

28 septembre 2020

Objet :

Condamnation d’une adolescente ; privation de liberté ; séparation de l’enfant

Question(s) de procédure :

Griefs insuffisamment étayés

Question(s) de fond :

Développement de l’enfant ; intérêt supérieur de l’enfant ; discrimination ; droit à l’identité ; immixtions arbitraires ou illégales dans la vie privée ; protection de l’enfant contre toute forme de violence, abandon ou négligence ; protection de l’enfant contre toute autre forme d’exploitation préjudiciable à tout aspect de son bien-être ; protection de l’enfant privé de son milieu familial ; privation de liberté ; droit de tout enfant suspecté, accusé ou convaincu d’infraction à la loi pénale à un traitement qui soit de nature à favoriser son sens de la dignité et de la valeur personnelle

Article(s) de la Convention :

2, 3 (par. 1), 7 (par. 1), 9 (par. 1 à 3), 16, 19 (par. 1), 36, 37 b) à d) et 40 (par. 1, 2 b) [al. ii], 3 et 4)

Article(s) du Protocole facultatif :

5 (par. 2), et 7 e) et f)

1.L’auteur de la communication est U. G., tuteur d’E. S., jeune fille de nationalité roumaine née le 26 juin 1999. Il présente la communication au nom d’E. S. et de la fille de cette dernière, B. M., née le 6 avril 2015. L’auteur soutient qu’E. S. est victime de la violation par l’État partie des articles 3 (par. 1) et 40 (par. 1, 2 b) [al. ii], 3 et 4) de la Convention lus conjointement avec les articles 2 et 37 b) à d), et qu’elle est aussi victime de violation des articles 19 (par. 1) et 36 de la Convention. De plus, il soutient qu’E. S. et sa fille sont toutes deux victimes de la violation par l’État partie des articles 7 (par. 1), 9 (par. 1 à 3) et 16 de la Convention. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 30 août 2014.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1E. S. a été mariée en Roumanie à l’âge de 13 ans. Elle est arrivée en Belgique en 2013, à l’âge de 14 ans. Depuis son arrivée en Belgique, E. S. a commis plusieurs vols sur instructions de sa belle-famille. Elle volait notamment des bijoux, du maquillage, des vêtements, des articles de parfumerie, des produits pour bébés, de l’argent et des cartes bancaires.

2.2Le 6 avril 2015, E. S. a donné naissance à B. M.

2.3En septembre 2015, en tant que mineure étrangère non accompagnée, E. S. a été placée sous la tutelle de l’auteur.

2.4En mars 2016, E. S. a été confiée à l’Institution publique de protection de la jeunesse de Saint-Servais, en régime fermé, à titre de mesure provisoire. Elle a alors été séparée de sa fille.

2.5Le 9 mars 2016, E. S., ses parents et son tuteur ont été cités à une audience devant la huitième chambre du tribunal de la jeunesse de Bruxelles, dans le cadre d’une procédure ouverte par le parquet de Bruxelles pour infractions. Le 16 mars 2016, une étude sociale d’un délégué du Service de protection judiciaire a été déposée au greffe du tribunal de la jeunesse, de même qu’un examen médico-psychologique.

2.6Le 1er avril 2016, le tribunal de la jeunesse s’est dessaisi de l’affaire, car E. S. était âgée de 16 ans accomplis au moment de la commission des faits. L’affaire a donc été renvoyée au ministère public aux fins de poursuites devant la juridiction compétente. Le jugement notait que, dans le rapport médico-psychologique, le médecin se demandait s’il ne fallait pas obliger E. S. à prendre un contraceptif ; l’auteur avance que ce sont des considérations totalement étrangères à la mission du médecin.

2.7Le même jour, E. S. a été déférée devant un juge d’instruction et maintenue en détention préventive au sein de l’Institution publique de protection de la jeunesse de Saint‑Servais.

2.8Le 4 mai 2016, E. S. a été renvoyée devant le tribunal correctionnel de Bruxelles.

2.9Le 22 juin 2016, le tribunal correctionnel a condamné E. S. à une peine d’emprisonnement de trente-six mois, dont dix-huit mois ferme. L’avocate désignée pour défendre E. S. a estimé ne pas devoir interjeter appel de cette décision. À la suite de cette condamnation, E. S. a été détenue au sein de la même institution publique de protection de la jeunesse.

2.10Le 4 octobre 2016, E. S. a été libérée. Un ordre de quitter le territoire lui ayant été notifié, elle a rejoint la Roumanie pour retrouver sa fille.

2.11Le même jour, le nouveau conseil d’E. S. et l’auteur ont interjeté appel des jugements du 1er avril 2016 (dessaisissement) et du 22 juin 2016 (condamnation).

2.12Le 19 décembre 2016, la chambre de la jeunesse de la cour d’appel de Bruxelles a rejeté les appels, car ceux-ci avaient été présentés en dehors du délai légal d’un mois.

2.13Le 17 mai 2017, la Cour de cassation a déclaré irrecevables les pourvois en cassation à l’encontre de la décision de la cour d’appel, au motif qu’ils étaient prématurés. En ce sens, selon la Cour de cassation, l’arrêt de dessaisissement n’est pas une décision définitive au sens de l’article 420 du Code d’instruction criminelle, puisqu’en lui-même, il ne met pas fin à la procédure. Selon l’auteur, il est absurde de devoir attendre une éventuelle condamnation définitive pour introduire le recours contre la décision de dessaisissement.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur soutient qu’E. S. est probablement victime de traite des êtres humains, qu’elle a été condamnée comme une adulte à une peine de prison, qu’elle a été séparée de sa fille pendant huit mois et qu’elle a été forcée de quitter la Belgique.

3.2Plus précisément, l’auteur soutient en premier lieu qu’E. S. est victime de la violation par l’État partie des articles 3 (par. 1) et 40 (par. 1, 2 b) [al. ii], 3 et 4) de la Convention, lus conjointement avec les articles 2 et 37 b) à d). En ce sens, les décisions des tribunaux, des autorités administratives décidant de son expulsion ainsi que des organes législatifs permettant aux juridictions de la jeunesse de décider de leur dessaisissement ne tiennent pas compte de l’intérêt supérieur de l’enfant. En particulier, la loi de l’État partie permet qu’un enfant soit jugé selon le droit pénal commun applicable aux majeurs, alors que le Comité a affirmé que cette procédure de dessaisissement violait le paragraphe 2 de l’article 40 de la Convention et que cela était contraire à son observation générale no 14 (2013). L’État partie ne s’est pas efforcé de promouvoir l’adoption de lois et de procédures spécialement conçues pour les enfants suspectés, accusés ou convaincus d’infraction à la loi pénale. Par ailleurs, le droit à l’assistance juridique implique la présence d’un conseil efficace ; or, l’avocate n’a pas fourni une assistance appropriée au sens de l’article 37 de la Convention et n’a pas été un conseil juridique au sens de l’article 40, n’ayant pas interjeté appel contre le jugement de dessaisissement. De même, E. S. n’a pas bénéficié de la possibilité d’être libérée dès que le permettait la réglementation.

3.3En deuxième lieu, l’auteur soutient qu’E. S. est victime de la violation par l’État partie des articles 19 (par. 1) et 36 de la Convention, qui incluent des obligations d’enquêter dès que des indices d’exploitation d’un enfant existent. Bien que le tribunal correctionnel de Bruxelles observe que « la prévenue ne semble guère profiter de ses larcins et vole souvent des objets qui peuvent faire penser à des “commandes” », aucune mesure d’investigation n’a jamais été prise pour savoir si elle agissait librement ou était victime de traite des êtres humains. E. S. aurait dû être protégée, plutôt que condamnée comme une adulte, et se voir octroyer un titre de séjour.

3.4En troisième lieu, l’auteur soutient qu’E. S. et sa fille sont toutes deux victimes de la violation par l’État partie des articles 7 (par. 1), 9 (par. 1 à 3) et 16 de la Convention. En ce sens, le dessaisissement, la peine d’emprisonnement et l’enfermement sans sa fille sont totalement disproportionnés. De même, la suggestion du médecin d’envisager d’obliger E. S. à prendre un contraceptif, même si elle n’a pas été suivie d’effets, constituait une immixtion dans sa vie privée et sa vie de famille contraire à la Convention.

3.5Comme mesures de réparation, l’État partie devrait annuler l’ordre de quitter le territoire, accorder un titre de séjour à durée indéterminée à E. S. ainsi qu’à son mari et à sa fille, et effacer du casier judiciaire d’E. S. les condamnations pénales encourues.

3.6Finalement, l’auteur indique qu’il n’a plus été en contact avec E. S. depuis son expulsion, et que les pressions vraisemblablement encore exercées sur elle par la famille de son mari excluent qu’elle puisse prétendre communiquer avec son tuteur. Cependant, l’auteur s’estime autorisé à transmettre au Comité la présente communication et obligé de le faire, étant donné que la loi prévoit que le tuteur représente légalement l’enfant. E. S. s’est constamment plainte de la séparation imposée avec sa fille et serait pleinement d’accord avec l’introduction de la présente communication.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et le fond

4.1Dans ses observations datées du 22 mai 2018, l’État partie soutient que la communication doit être déclarée irrecevable, car elle est non fondée.

4.2L’État partie indique qu’E. S. est majeure depuis le 26 juin 2017 − soit deux jours après la présentation de la communication −, date à laquelle la mission de son tuteur s’est achevée. L’État partie précise aussi que depuis son départ de Belgique, E. S. ne s’est plus manifestée auprès de son tuteur ou de ses conseils.

4.3L’État partie soulève également que le 7 mars 2018, la 35e chambre spécifique de la jeunesse de la cour d’appel de Bruxelles a déclaré recevable l’appel du tuteur contre le jugement du 22 juin 2016 car, en l’absence de notification du jugement à son égard, le recours exercé par lui le 10 octobre 2016 devait être considéré comme recevable. Ainsi, l’État partie soutient que la cause est encore en cours.

4.4L’État partie précise aussi qu’E. S. est arrivée en Belgique en 2013 et qu’elle a commis, depuis son arrivée, de nombreuses infractions, dont des vols avec violence en bande contre des personnes vulnérables. E. S. initiait notamment des filles plus jeunes qu’elle. Pour tout cela, E. S. a fait l’objet de 73 interpellations avec prise d’empreintes, et plusieurs placements en institution publique de protection de la jeunesse ont été prononcés par le juge de la jeunesse. En ce sens, entre la saisie par le parquet de Bruxelles du juge de la jeunesse en août 2014 et son dessaisissement le 1er avril 2016, E. S. a été sous la surveillance du Service de protection judiciaire et a fait l’objet de six décisions de placement en institution publique de protection de la jeunesse, cinq en milieu ouvert et le dernier en milieu fermé. En mars 2016, la citation ne reprenait qu’une petite partie des faits, et seulement ceux commis par E. S. après ses 16 ans.

4.5En particulier, sur la question du dessaisissement et de la privation de liberté, l’État partie indique que, lorsqu’E. S. avait 16 ans et 8 mois, le juge de la jeunesse a estimé qu’aucune mesure d’éducation et de protection n’était adéquate, étant donné non seulement l’absence d’effet des mesures de protection, mais aussi la gravité croissante et la multiplicité des faits, de même que l’absence de collaboration d’E. S. avec son tuteur. En conséquence, le juge de la jeunesse a décidé de se dessaisir, étant donné que les conditions légales du dessaisissement étaient remplies. En ce sens, E. S. avait 16 ans révolus lors de la commission des faits, elle avait déjà fait l’objet de plusieurs mesures de protection, et une étude sociale ainsi qu’un examen médico-psychologique avaient été réalisés. L’État partie affirme que l’intérêt supérieur de l’enfant a été pris en compte, et que l’objectif du dessaisissement est d’offrir une solution de substitution adaptée à la maturité précoce de certains mineurs pour lesquels les mesures de protection de la jeunesse ne sont pas suffisantes. L’avis du ministère public est que les mesures éducatives s’avèrent inadéquates lorsque le jeune s’y soustrait, ne collabore pas, ou lorsqu’elles n’ont pas d’impact sur son comportement. En l’espèce, le tribunal a montré à maintes reprises sa volonté d’aider E. S. en mettant en place de nombreuses mesures pour tenter de la sortir de la délinquance, mais cela n’a pas porté ses fruits, E. S. récidivant dès qu’elle recouvrait la liberté. E. S. a certes été jugée telle une adulte, mais par une chambre spécifique du tribunal de la jeunesse composée de deux juges de la jeunesse et d’un juge correctionnel (la 22e chambre spécifique du tribunal de la jeunesse de Bruxelles). Le jugement, prononcé en présence d’E. S. et de son tuteur, se basait sur le fait qu’à presque chaque interpellation, E. S. « commence par nier, puis acculée par les images de vidéosurveillance, par les témoignages, par les observations des policiers ou par la reconnaissance de ses empreintes digitales déjà connues, elle finit par reconnaître les faits, s’excuse et déclare qu’elle se hait ». Ainsi, selon le jugement, une peine sévère s’impose « non seulement pour inculquer à la prévenue le respect de la personne et du bien d’autrui, tout en assurant la finalité des poursuites, mais aussi pour éviter tout risque de récidive ».

4.6En outre, l’État partie précise que le centre communautaire fermé pour jeunes dessaisis ne pouvant accueillir que des garçons, et en l’absence de centre équivalent pour filles ayant fait l’objet d’un dessaisissement, E. S. a effectué sa détention en milieu fermé dans la même institution publique de protection de la jeunesse, ce qui représente dans les faits un avantage pour elle, puisqu’elle n’a pas été privée de liberté avec des adultes.

4.7E. S. a atteint le tiers de sa peine ferme le 3 septembre 2016, six mois après le début de son placement en détention préventive du 3 mars 2016, déductible de sa peine. Les institutions ont appliqué de manière diligente la réglementation en vigueur sur la libération provisoire, décision devenue effective le 4 octobre 2016.

4.8L’ordre de quitter le territoire tenait compte du fait que les membres de la famille d’E. S. ne séjournent pas en Belgique − ils séjournent en Espagne et ne font que de courts séjours dans l’État partie −, et considérait que la gravité des faits et leur répétition pouvaient causer du tort à la tranquillité des citoyens ainsi qu’au maintien de l’ordre. En outre, aucune démarche n’avait été entamée par E. S. ou par sa famille pour obtenir une autorisation de séjour, ce qui démontre qu’elle a très peu d’attaches et ne souhaite pas vivre dans l’État partie à long terme.

4.9Sur la question de l’assistance juridique supposément non appropriée, l’État partie soutient qu’E. S. a bien été assistée d’une avocate spécialisée en la matière lors de toutes les mises à disposition du parquet et de sa comparution devant le juge. L’État partie précise que l’avocate en question est reconnue pour son professionnalisme et son engagement, et que l’auteur jette injustement sur elle le discrédit par des allégations non vérifiables et potentiellement diffamatoires. L’État partie estime que si l’avocate n’a pas interjeté appel contre le jugement de dessaisissement, il est raisonnable de penser qu’au vu du lourd passé d’E. S. et des nombreuses mesures de protection, elle a estimé qu’il y avait peu de chances qu’il y ait une réformation du jugement. Ainsi, la divergence d’appréciation par l’auteur ne suffit pas à établir que l’avocate avait tort.

4.10En ce qui concerne les soupçons de traite des êtres humains, l’État partie indique que la précédente tutrice d’E. S. avait envoyé en juillet 2015 un courrier à la section jeunesse du parquet de Bruxelles indiquant qu’elle s’inquiétait de la situation, raison pour laquelle une information avait été ouverte par le parquet, laquelle n’a cependant pas permis de réunir les charges nécessaires pour entamer des poursuites. En outre, l’État partie précise qu’E. S. a déclaré que c’était sans la moindre contrainte qu’elle volait depuis plusieurs années. Par ailleurs, les autorités judiciaires ont favorisé l’action de protection en tentant de conscientiser E. S. sur sa situation, de la protéger et de lui offrir des outils de développement personnel ; cependant, elle n’a pas désiré collaborer. En ce sens, la protection spécifique liée au statut de victime de traite des êtres humains nécessite un minimum de collaboration, qu’E. S. n’offrait pas.

4.11Concernant les mesures de réparation sollicitées, l’État partie indique qu’un ordre de quitter le territoire devient sans objet, à partir du moment où il a été suivi. Ainsi, l’ordre en question n’a actuellement plus de valeur, et E. S. est libre de revenir.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1Dans ses commentaires datés du 2 janvier 2019, l’auteur prie le Comité de rejeter les observations de l’État partie, signalant que la question n’est pas de savoir si le dessaisissement était en l’espèce justifié ou non, ou si les conditions légales étaient remplies, mais de déterminer si le dessaisissement n’est pas en lui-même contraire à la Convention.

5.2L’auteur fait également observer que l’État partie perd de vue que la communication concerne aussi la violation de la Convention à l’égard de B. M.

5.3Par ailleurs, l’auteur maintient que l’État partie refuse de prendre en considération le réseau criminel dont E. S. était la victime, estimant que les autorités auraient dû prendre en compte le fait même qu’elle agissait plus que vraisemblablement sous la contrainte, et la protéger contre ce réseau criminel.

5.4L’auteur réitère que l’avocate d’E. S. n’était pas compétente, car les rapports successifs du Comité sur l’État partie ont mis en évidence que le dessaisissement prévu par la loi belge n’était pas compatible avec la Convention, raison pour laquelle cette incompatibilité était un moyen à faire valoir en appel.

5.5L’auteur indique aussi que le 29 mai 2018, la cour d’appel de Bruxelles lui a donné raison en déclarant irrégulière la saisine de la chambre spécifique du tribunal de la jeunesse, car le ministère public n’avait pas veillé à ce qu’E. S. soit valablement représentée en justice par la mise à la cause de son tuteur. Cependant, le 10 octobre 2018, la Cour de cassation a cassé cet arrêt au motif suivant : « Lorsque […] le mineur d’âge est une personne qui était âgée de 16 ans ou plus au moment du fait qualifié infraction et qui a fait l’objet d’une décision de dessaisissement […], ce mineur exerce personnellement, le cas échéant à l’intervention de son avocat, les voies de recours prévues par la loi […]. Ses parents ou son tuteur n’ont pas le pouvoir de former ces recours en son nom. ». Ainsi, la Cour de cassation estime que le tuteur n’était pas habilité à interjeter appel pour le compte d’E. S. La Cour de cassation a en outre constaté que l’appel interjeté le 4 octobre 2016 par E. S. contre le jugement correctionnel du 22 juin 2016 était tardif et, partant, irrecevable.

5.6L’auteur demande que l’État partie annule ex post facto l’ordre de quitter le territoire à titre de réparation morale. Les mesures correctives devraient être assorties d’une injonction faite à l’État partie de prendre contact avec les États étrangers où E. S. et sa fille peuvent se trouver, afin de lui faire connaître la décision du Comité et les mesures correctives qui l’accompagneront.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité doit, conformément à l’article 20 de son règlement intérieur au titre du Protocole facultatif, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif.

6.2Le Comité prend note de l’affirmation de l’auteur selon laquelle il s’estime obligé de présenter la communication malgré l’absence de consentement d’E. S., ainsi que de ses explications selon lesquelles : a) il n’a plus été en contact avec E. S. depuis son expulsion ; b) des pressions vraisemblablement encore exercées sur elle par la famille de son mari excluraient qu’E. S. puisse communiquer avec l’auteur ; et c) E. S. serait pleinement d’accord avec l’introduction de la présente communication. Notant que l’auteur était le tuteur d’E. S. désigné par la loi de l’État partie, le Comité observe toutefois qu’E. S. avait déjà quitté le territoire de l’État partie au moment de la présentation de la communication et qu’elle a atteint l’âge de 18 ans deux jours après, raison pour laquelle l’auteur aurait dû chercher à obtenir son autorisation pour agir en son nom. Ainsi, en l’absence de justification par l’auteur de l’impossibilité de communiquer avec E. S. afin d’obtenir son consentement, le Comité conclut en vertu du paragraphe 2 de l’article 5 du Protocole facultatif que l’auteur n’a pas qualité pour agir, ni au nom d’E. S. ni au nom de B. M.

7.En conséquence, le Comité décide :

a)Que la communication est irrecevable conformément au paragraphe 2 de l’article 5 du Protocole facultatif ;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’auteur de la communication ainsi qu’à l’État partie pour information.