Pacte international relatif aux droits civilset politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/C/ITA/CO/524 avril 2006

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME

Quatre‑vingt‑cinquième session

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN VERTU DE L’ARTICLE 40 DU PACTE

Observations finales du Comité des droits de l’homme

ITALIE

1.Le Comité des droits de l’homme a examiné le cinquième rapport périodique de l’Italie (CCPR/C/ITA/2004/5) à ses 2317e et 2318e séances (CCPR/C/SR.2317 et 2318) les 20 et 21 octobre 2005, et a adopté les observations finales ci‑après à sa 2335e séance (CCPR/C/SR.2335), le 2 novembre 2005.

A.  Introduction

2.Le Comité se félicite que l’Italie ait présenté son cinquième rapport périodique, qui a été établi conformément aux directives concernant la forme et le contenu des rapports, ainsi que des réponses écrites à la liste des points à traiter. Il est également heureux de la présence d’une délégation composée de nombreux experts dans divers domaines se rapportant au Pacte et apprécie les efforts qu’elle a faits pour répondre à ses questions orales.

B.  Aspects positifs

3.Le Comité accueille avec satisfaction la position de l’État partie qui considère que les garanties énoncées dans le Pacte sont applicables aux actes des soldats ou des policiers italiens détachés à l’étranger, en temps de paix ou en période de conflit armé.

4.Le Comité accueille avec satisfaction les amendements apportés à l’article 51 de la Constitution, qui permettent l’adoption de mesures spéciales pour garantir l’égalité des droits entre hommes et femmes.

5.Le Comité note avec satisfaction qu’en 2005 l’État partie a modifié sa législation de sorte que, dans les cas de jugement par défaut, le condamné a maintenant la possibilité de faire rouvrir l’affaire pour contester la décision, sauf s’il a été dûment et rapidement informé de la procédure.

C.  Principaux sujets de préoccupation et recommandations

6.Le Comité accueille avec satisfaction la déclaration de la délégation qui a annoncé que l’État partie était maintenant en mesure de retirer certaines de ses réserves au Pacte, mais il regrette que les réserves aux articles 14, paragraphe 3, 15, paragraphe 1, et 19, paragraphe 3, ne soient pas visées.

L’État partie est encouragé à poursuivre le processus d’examen approfondi qu’il a entrepris en mai 2005 pour faire le point de la situation concernant ses réserves au Pacte, en vue de les retirer toutes. Le Comité souhaiterait recevoir des informations plus détaillées sur les raisons pour lesquelles l’État partie n’envisage pas pour l’heure de retirer ses réserves aux articles 14, paragraphe 3, 15, paragraphe 1, et 19, paragraphe 3.

7.Le Comité relève que l’État partie n’a pas encore mis en place d’institution nationale des droits de l’homme. Il note toutefois qu’il a annoncé qu’un projet de loi serait présenté au Parlement dans les mois à venir, en vue de créer une institution de ce type qui serait conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris) annexés à la résolution 48/134 de l’Assemblée générale (art. 2).

L’État partie devrait établir une institution nationale indépendante des droits de l’homme, conformément aux Principes de Paris. Des consultations avec la société civile devraient être organisées à cette fin.

8.Le Comité regrette que l’État partie ne lui ait pas donné d’informations précises sur les résultats obtenus par les conseillers en matière d’égalité chargés de demander la mise en place de plans visant à éliminer la discrimination pour des raisons de sexe et de saisir la justice dans les cas de discrimination sexuelle (art. 3 et 26).

L’État partie devrait intensifier ses efforts pour éliminer la discrimination fondée sur le sexe et apporter au Comité les informations susmentionnées, y compris des données statistiques sur les plaintes, les actions en justice et les sanctions dans les cas de discrimination fondée sur le sexe.

9.Le Comité salue l’adoption de la loi no 149/2001, qui permet notamment à l’autorité judiciaire d’ordonner l’expulsion du foyer familial des auteurs d’actes de violence au sein de la famille, mais il regrette que l’État partie n’ait pas donné de précisions sur la mise en œuvre de cette loi dans la pratique et n’ait pas non plus fourni de statistiques sur les plaintes, les actions en justice et les sanctions dans les affaires de violence familiale (art. 6 et 7).

L’État partie devrait intensifier ses efforts visant à l’élimination de la violence familiale et donner au Comité les informations susmentionnées. Il devrait veiller à ce que les autorités agissent sans délai dans les cas de violence familiale.

10.Le Comité se félicite que des actions pénales aient été intentées à l’encontre de membres de la police d’État à la suite en particulier des incidents survenus lors des manifestations à Naples et à Gênes en 2001, mais il est préoccupé par des informations indiquant la persistance de mauvais traitements de la part de la police en Italie (art. 7).

L’État partie devrait intensifier ses efforts pour veiller à ce qu’une enquête impartiale ait lieu sans délai chaque fois qu’il existe des motifs raisonnables de penser que l’un de ses agents a commis des mauvais traitements. Il devrait aussi tenir le Comité informé des actions intentées contre des agents de l’État en rapport avec les événements de Naples et de Gênes en 2001.

11.Le Comité est préoccupé par les abus commis par certains membres des forces de l’ordre contre des groupes vulnérables, notamment les Roms, les étrangers et les Italiens d’origine étrangère. Il relève avec une préoccupation particulière que les campements de Roms font régulièrement l’objet de descentes de police qui s’accompagnent de brutalités (art. 2, 7, 17 et 26).

L’État partie devrait prendre immédiatement les mesures nécessaires pour que ces exactions cessent et pour que les membres de la police qui maltraitent des groupes vulnérables fassent l’objet d’un contrôle, d’une enquête et, si besoin est, de poursuites.

12.Tout en relevant les initiatives adoptées par l’État partie pour combattre la discrimination raciale et l’intolérance, le Comité demeure préoccupé par des cas de discours inspirés par la haine qui lui ont été signalés, y compris des déclarations attribuées à des hommes politiques, qui visaient les étrangers, les Arabes et les musulmans, ainsi que les Roms (art. 20).

L’État partie devrait rappeler régulièrement et publiquement que les discours inspirés par la haine sont interdits par la loi, et agir promptement pour en traduire les auteurs en justice. Des informations plus détaillées sur cette question, y compris des statistiques sur les plaintes, les procédures et les sanctions, ainsi que des exemples, devraient être données au Comité.

13.Le Comité se déclare de nouveau préoccupé par le fait que, malgré les affirmations de la délégation en sens contraire, dans des circonstances exceptionnelles, même s’il semble que la mesure s’applique essentiellement aux personnes soupçonnées de participation dans des actes de crime organisé, une personne soupçonnée d’une infraction pénale puisse être maintenue en garde à vue pendant cinq jours sur ordre motivé du juge d’instruction avant d’être autorisée à communiquer avec un avocat (art. 9 et 14).

Le Comité recommande que la durée maximale pendant laquelle une personne peut être placée en garde à vue après son arrestation pour une affaire pénale soit ramenée, même dans des circonstances exceptionnelles, à moins de cinq jours et que l’intéressé puisse recevoir un conseil indépendant dès son arrestation.

14.Le Comité se déclare de nouveau préoccupé par le fait que la durée maximale de la détention provisoire est fixée en fonction de l’infraction dont l’intéressé est inculpé et peut aller jusqu’à six ans. À son avis, cette pratique peut constituer une atteinte à la présomption d’innocence et au droit d’être jugé dans un délai raisonnable ou libéré (art. 9 et 14).

L’État partie ne devrait pas maintenir le lien entre l’infraction dont une personne est inculpée et la durée de la détention depuis le moment de l’arrestation jusqu’à la sentence finale. Il ne devrait avoir recours à la détention provisoire que lorsque cette détention est essentielle pour protéger des intérêts légitimes, par exemple pour assurer la présence de l’accusé au procès.

15.Le Comité prend note des démentis de l’État partie mais est préoccupé par les nombreuses allégations selon lesquelles des étrangers faisant l’objet d’une mesure de rétention dans le centre de séjour et d’assistance temporaire aux étrangers (CPTA) de Lampedusa ne sont pas correctement informés de leurs droits, n’ont pas accès à un avocat et risquent une expulsion collective. Il a conscience des difficultés auxquelles les autorités italiennes se heurtent en raison du grand nombre d’immigrants qui arrivent à Lampedusa, mais il craint que certains demandeurs d’asile n’aient pu se voir dénier le droit de demander l’asile. Il est en outre préoccupé par des informations selon lesquelles les conditions de détention dans ce centre ne sont pas satisfaisantes − surpeuplement, manque d’hygiène, alimentation ou soins médicaux insuffisants −, certains migrants sont victimes de mauvais traitements et des inspections indépendantes ne semblent pas avoir lieu régulièrement dans les CPTA (art. 7, 10 et 13).

L’État partie devrait tenir le Comité précisément informé des enquêtes administratives et judiciaires en cours sur ces questions et prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer le respect de ses obligations au titre des articles 7, 10 et 13 du Pacte. Le Comité rappelle le caractère absolu du droit de chacun de ne pas être expulsé vers un pays où il/elle risque d’être soumis à la torture ou à des mauvais traitements, et l’obligation qui en découle pour l’État partie, en toutes circonstances, de veiller à ce que la situation de chaque migrant soit examinée individuellement. L’État partie devrait donner au Comité des informations détaillées sur les accords de réadmission conclus avec d’autres pays, en particulier la Jamahiriya arabe libyenne, et sur les garanties éventuelles qu’ils contiennent concernant les droits des personnes expulsées.

16.Le Comité accueille avec satisfaction la mise en place de peines de substitution à l’emprisonnement ainsi que le projet de construction de nouveaux centres de détention, mais il demeure préoccupé par le surpeuplement dans les prisons italiennes (art. 10).

L’État partie devrait intensifier ses efforts pour réduire notablement le surpeuplement des prisons, et accorder un rang élevé de priorité à cette question. Il devrait donner au Comité des statistiques détaillées sur les progrès accomplis récemment, notamment sur la mise en œuvre concrète des peines de substitution à l’emprisonnement.

17.Le Comité note que les magistrats italiens craignent pour leur indépendance. Tout en relevant que le Président de la République a décidé de renvoyer au Parlement un projet de loi concernant la réforme du statut de la magistrature, lequel avait été vivement critiqué par la société civile, le Comité regrette que l’État partie n’ait pas apporté suffisamment de renseignements sur la mesure dans laquelle les observations et recommandations formulées par les acteurs internes ainsi que par le Rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme sur l’indépendance des juges et des avocats ont été prises en compte lors de l’adoption de la nouvelle loi en 2005 (art. 14).

L’État partie devrait garantir à ce que le pouvoir judiciaire demeure indépendant à l’égard du pouvoir exécutif et veiller à ce que la réforme en cours ne menace pas cette indépendance. Il devrait donner au Comité des renseignements plus détaillés sur cette question.

18.Le Comité regrette que des informations insuffisantes aient été données sur la mesure dans laquelle le droit à la vie privée et à la vie de famille est pris en compte par l’autorité judiciaire lorsque celle‑ci assortit la condamnation pénale d’un étranger d’une mesure d’expulsion du territoire italien (art. 17).

L’État partie devrait veiller à ce que toute restriction au droit à la vie privée et à la vie de famille soit conforme au Pacte. Il devrait fournir des informations plus détaillées sur les restrictions à l’expulsion prévues par le droit italien, ainsi que sur la manière dont elles sont mises en œuvre par les forces de l’ordre et l’autorité judiciaire.

19.Le Comité, compte tenu de la nature des droits garantis par l’article 19 du Pacte et des conditions et motifs limités en vertu desquels ces droits peuvent être restreints, et notant que le Sénat est actuellement saisi d’un projet de loi prévoyant que l’emprisonnement ne pourra plus être prononcé pour diffamation, est préoccupé par le fait que la diffamation est toujours passible d’une peine d’emprisonnement.

L’État partie devrait veiller à ce que la diffamation ne soit plus passible d’une peine d’emprisonnement.

20.Le Comité prend note des lois no 112 du 3 mai 2004 sur la télédiffusion et no 215 du 20 juillet 2004 sur le conflit d’intérêts mais se déclare préoccupé par des informations indiquant que ces mesures risquent d’être insuffisantes pour régler les questions d’influence politique sur les chaînes de télévision publiques, de conflit d’intérêts et de forte concentration du marché audiovisuel (art. 19). La situation peut conduire à porter atteinte à la liberté d’expression, d’une façon incompatible avec l’article 19 du Pacte.

L’État partie devrait donner des renseignements détaillés sur les résultats concrets de l’application des lois susmentionnées et accorder une attention particulière aux recommandations formulées par le Rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme sur la liberté d’opinion et d’expression à la suite de sa mission en Italie en octobre 2004.

21.Le Comité est préoccupé par la politique de l’État partie consistant à considérer les Roms comme des «nomades» ainsi que par la politique consistant à les installer dans des campements. Il se déclare préoccupé par les très nombreuses informations indiquant que la population rom vit dans des logements misérables et insalubres en marge de la société italienne (art. 12 et 26).

En consultation avec les Roms, l’État partie devrait réexaminer sa politique à leur égard, mettre un terme à leur ségrégation dans l’habitat et élaborer des programmes propres à assurer leur participation complète à la vie de la société à tous les niveaux.

22.Le Comité note avec préoccupation que les Roms ne sont pas protégés en tant que minorité en Italie parce qu’ils ne sont pas liés à un territoire donné. Tout en prenant acte du fait que la délégation a reconnu la nécessité d’une loi nationale concernant les Roms, le Comité rappelle que l’absence de liens avec un territoire déterminé n’empêche pas une communauté d’être reconnue en tant que minorité au sens de l’article 27 du Pacte.

Compte tenu de l’Observation générale n o  23 (1994) du Comité relative à l’article 27, l’État partie devrait réexaminer la situation du peuple rom en Italie et, en consultation avec lui, adopter une loi nationale et élaborer un plan d’action visant à assurer le plein respect de ses droits en vertu de l’article 27.

23.Le Comité fixe au 31 octobre 2009 la date de la présentation du sixième rapport périodique de l’Italie. Il invite l’État partie à publier et à diffuser largement auprès du grand public comme auprès des autorités judiciaires, législatives et administratives du pays le texte du cinquième rapport périodique et des présentes observations finales et à diffuser le sixième rapport périodique auprès des organisations non gouvernementales qui œuvrent dans le pays.

24.Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du règlement intérieur du Comité, l’État partie devrait fournir dans le délai d’un an des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations du Comité figurant aux paragraphes 10, 11, 15, 17 et 20 ci‑dessus. Le Comité prie l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements sur les autres recommandations formulées et sur l’application du Pacte dans son ensemble. L’État partie est encouragé à intensifier ses efforts pour donner au Comité des informations plus détaillées sur la manière dont la loi et les institutions fonctionnent dans la pratique et sur les résultats concrets obtenus.

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