Nations Unies

CERD/C/BHR/CO/8-14

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

29 décembre 2022

Français

Original : anglais

Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Observations finales concernant le rapport de Bahreïn valant huitième à quatorzième rapports périodiques *

1.Le Comité a examiné le rapport de Bahreïn valant huitième à quatorzième rapports périodiques, à ses 2933e et 2934e séances, les 17 et 18 novembre 2022. À ses 2949e et 2950e séances, les 29 et 30 novembre 2022, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport valant huitième à quatorzième rapports périodiques de l’État partie mais regrette qu’il ait été soumis avec un retard de douze ans. Il se félicite du dialogue franc et constructif qu’il a tenu avec la délégation de haut niveau et la remercie pour les informations détaillées qu’elle lui a fournies pendant l’examen du rapport et après le dialogue.

B.Aspects positifs

3.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié les instruments internationaux suivants, ou y a adhéré :

a)Pacte international relatif aux droits civils et politiques, en 2006 ;

b)Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, en 2007 ;

c)Convention relative aux droits des personnes handicapées, en 2011.

4.Le Comité se félicite des mesures législatives et stratégiques ci-après que l’État partie a prises :

a)Loi no 26 de 2014 portant création de l’institution nationale des droits de l’homme et modification de cette loi en 2016 ;

b)Décret du Premier Ministre no 50 de 2012 portant création du Haut Comité de coordination pour les droits de l’homme ;

c)Loi no 36 de 2012 promulguant Code du travail dans le secteur privé ;

d)Loi no 1 de 2008 relative à la lutte contre la traite des personnes ;

e)Plan national en faveur des droits de l’homme (2022-2026).

C.Préoccupations et recommandations

Collecte de données

5.Le Comité regrette qu’il n’existe toujours pas de statistiques complètes sur la composition ethnique de la population, qu’il s’agisse de ressortissants bahreïniens ou de non‑ressortissants, tels que les demandeurs d’asile, les réfugiés, les apatrides et les migrants, pas plus que d’indicateurs économiques et sociaux ventilés (art. 1er et 5).

6. Rappelant les directives pour l’établissement de rapports au titre de la Convention , le Comité recommande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des statistiques sur la composition ethnique de la population, y compris les demandeurs d ’ asile, les réfugiés, les apatrides et les travailleurs migrants , et sur l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels, ventilées par origine ethnique et nationale, afin que le Comité dispose d’une base empirique pour évaluer dans quelle mesure les droits consacrés par la Convention sont exercés dans des conditions d’égalité.

Application de la Convention au niveau national

7.Le Comité prend note de l’explication de l’État partie selon laquelle la Convention a force de loi, mais il regrette qu’elle n’ait pas été invoquée par les tribunaux nationaux et que l’on ne dispose pas d’informations sur les mesures prises pour mieux faire connaître cet instrument à la population, et sur leurs effets. Le Comité regrette également le manque d’informations sur la manière dont sont résolus les conflits potentiels entre les lois nationales et la Convention (art. 2).

8. Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures appropriées, notamment en ayant recours à la formation, pour faire en sorte que les juges, les procureurs, les avocats et les membres des forces de l’ordre connaissent suffisamment les dispositions de la Convention et puissent les invoquer ou les appliquer, selon qu’il convient. Le Comité demande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des informations précises sur des cas où la Convention a été appliquée par les tribunaux nationaux.

Cadre juridique relatif à la lutte contre la discrimination raciale

9.Le Comité prend note du cadre législatif général de l’État partie en matière de non‑discrimination. Néanmoins, il est préoccupé par l’absence dans la législation d’une définition harmonisée et complète de la discrimination raciale et d’une disposition interdisant expressément la discrimination raciale directe et indirecte pour tous les motifs visés à l’article premier de la Convention. Le Comité constate avec préoccupation que le projet de définition figurant dans le projet de loi sur la lutte contre la discrimination, la haine et le sectarisme n’inclut pas expressément la discrimination raciale directe et indirecte fondée sur tous les motifs prohibés par la Convention, tels que la « couleur » et l’« ascendance » (art. 1er, 2 et 5).

10.Rappelant ses précédentes observations finales , le Comité rappelle sa recommandation générale n o 14 (1993) concernant l ’ article premier (par. 1) de la Convention et recommande à l ’ État partie d ’ incorporer dans son droit interne une définition de la discrimination raciale qui soit pleinement conforme à cet article et de veiller à ce que sa législation interdise la discrimination raciale directe et indirecte.

Mesures spéciales

11.Le Comité reste préoccupé par les informations concernant la situation des membres de certains groupes, en particulier de certaines communautés chiites, à savoir les Ajam et les Baharna, qui peuvent être distinguées selon leur origine tribale ou nationale, leur ascendance, leur culture ou leur langue, et des travailleurs migrants, qui continueraient d’être victimes d’une discrimination dans l’exercice de leurs droits humains, en particulier en ce qui concerne l’accès à l’éducation et à l’emploi et leurs droits culturels. Le Comité est également préoccupé par le manque d’informations sur les mesures spéciales que l’État partie a prises pour remédier à la discrimination structurelle à laquelle ces groupes se heurtent (art. 2 et 5).

12. Rappelant ses précédentes observations finales et sa recommandation générale n o 32 (2009) sur la signification et la portée des mesures spéciales dans la Convention, le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures spéciales nécessaires pour remédier à la discrimination structurelle dont souffrent ces groupes dans l ’ exercice de leurs droits, conformément à l ’ article premier (par. 4) , à l ’ article 2 (par. 2) et à l ’ article 5 de la Convention.

Institution nationale des droits de l’homme

13.Le Comité prend note de la création de l’institution nationale des droits de l’homme et des mesures prises pour la renforcer, mais il constate avec préoccupation qu’elle est dotée, depuis mai 2016, du statut B par le Sous-Comité d’accréditation de l’Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l’homme en raison de son manque d’indépendance vis‑à‑vis du Gouvernement pour ce qui est de sa structure, de sa composition, de sa prise de décisions et de ses modalités de fonctionnement, de l’absence d’une procédure transparente de sélection et de nomination de ses membres et du fait qu’elle n’a pas encore atteint l’indépendance requise pour s’acquitter de ses fonctions (art. 2).

14. Le Comité recommande à l’État partie de continuer à renforcer l’indépendance de l’institution nationale des droits de l’homme afin qu’elle soit pleinement conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris) et qu’elle puisse s’acquitter de son mandat pleinement, efficacement et en toute indépendance.

Plaintes pour discrimination raciale et accès à la justice

15.Le Comité regrette que la Convention n’ait pas été invoquée devant les tribunaux nationaux dans des affaires de discrimination raciale. Il regrette également le manque d’informations détaillées sur les plaintes pour discrimination raciale déposées auprès de toutes les autorités compétentes de l’État partie, concernant par exemple le nombre, le type et l’issue des plaintes déposées (art. 6 et 7).

16.Rappelant sa recommandation générale n o  31 (2005) concernant la discrimination raciale dans l ’ administration et le fonctionnement du système de justice pénale , le Comité demande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des informations sur les affaires de discrimination raciale et sur les cas où la Convention a été invoquée devant les tribunaux nationaux, y compris des statistiques indiquant le nombre et la nature des plaintes pour discrimination raciale et le nombre de poursuites engagées et de déclarations de culpabilité prononcées, ventilées par âge, genre, origine nationale ou ethnique des victimes, ainsi que des informations sur les indemnités accordées aux victimes. Le Comité rappelle à l’État partie qu’un faible nombre de plaintes ne signifie pas nécessairement qu’il n’existe pas de discrimination raciale dans le pays, mais plutôt qu’il existe peut-être des obstacles à l’invocation de la Convention devant les tribunaux nationaux, obstacles tels que le manque d’information sur les droits qui sont consacrés par celle-ci ou les voies de recours judiciaires disponibles. En conséquence, il recommande à l’État partie de mener des campagnes d’information sur les droits consacrés par la Convention et sur la manière de porter plainte pour discrimination raciale et pour violation du droit du travail, en particulier auprès des non ‑ressortissants, notamment les domestiques migrants et les autres travailleurs migrants, et de continuer à s’employer à garantir l’accès à des voies de recours judiciaire.

Discours et crimes de haine à caractère raciste

17.Le Comité prend note de ce que fait l’État partie pour lutter contre les discours de haine à caractère raciste. Il constate cependant avec préoccupation que l’article 172 du Code pénal n’inclut pas tous les actes visés à l’article 4 de la Convention, en particulier la diffusion d’idées fondées sur la supériorité ou la haine raciale, l’incitation à la violence ou l’incitation à la violence raciale, et la participation à des organisations racistes ou à des activités de propagande raciste. En outre, le Comité est préoccupé par le fait que la condition requise par l’article 172, selon laquelle l’infraction doit être commise « publiquement », puisse affaiblir son application. Le Comité constate avec préoccupation que, bien que, selon des informations, les infractions de haine motivées par des préjugés racistes soient largement répandues dans l’État partie, un nombre insuffisant d’informations détaillées ont été communiquées sur l’application et les effets des dispositions légales interdisant les crimes et les discours de haine, notamment de données ventilées sur les plaintes déposées, les enquêtes menées, les poursuites engagées et les peines prononcées. Le Comité constate également avec inquiétude qu’en l’absence de disposition expresse et de jurisprudence, l’article 75 du Code pénal ne peut constituer une base juridique permettant de considérer la motivation raciale d’un acte criminel comme une circonstance aggravante (art. 4).

18. À la lumière de sa recommandation générale n o 35 (2013) sur la lutte contre le s discours de haine raciale , le Comité recommande à l ’ État partie de mettre sa législation sur le discours et les crimes de haine à caractère raciste en pleine conformité avec l ’ article 4 de la Convention. Le Comité lui recommande également de fournir, dans son prochain rapport périodique, des informations détaillées sur l’application de la législation interdisant les crimes et les discours de haine, notamment des données ventilées sur les plaintes déposées, les enquêtes menées, les poursuites engagées et les peines prononcées. Le Comité lui recommande en outre de reconnaître la motivation raciale comme une circonstance aggravante pour tous les actes réprimés par le Code pénal.

Organisations de la société civile

19.Le Comité prend note de l’élaboration par l’État partie d’une nouvelle loi sur les organisations de la société civile, mais il est préoccupé par les informations selon lesquelles les activités des organisations de défense des droits de l’homme sont limitées et entravées par une interprétation restrictive de la législation. Il constate également avec préoccupation que la loi autorise le Ministère du travail et du développement social à intervenir directement dans la conduite des affaires internes de ces organisations en remplaçant leur conseil d’administration, en refusant leur enregistrement ou en retirant leur licence d’exploitation (art. 5).

20. Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que les organisations de la société civile qui s’emploient à promouvoir et à protéger les droits de l ’ homme, et à lutter contre la discrimination raciale, puissent fonctionner librement, et de modifier la loi autorisant l’État à s’immiscer dans les affaires internes des organisations de la société civile et à limiter leur capacité de fonctionner, en vue de faciliter le travail des défenseurs des droits de l ’ homme.

Droits à la nationalité

21.Le Comité constate avec préoccupation que les Bahreïniennes mariées à des étrangers ne peuvent toujours pas transmettre leur nationalité à leurs enfants, ce qui rend de plus en plus ces enfants vulnérables face à l’apatridie et les prive de la jouissance des droits fondamentaux dans des conditions d’égalité, et il regrette que les projets visant à modifier la loi sur la citoyenneté à cet égard, qui sont à l’examen depuis 2014, n’aient toujours pas été adoptés. Le Comité constate également avec inquiétude qu’un étranger marié à une Bahreïnienne ne peut pas obtenir la nationalité bahreïnienne de la même manière qu’une étrangère mariée à un Bahreïnien. Le Comité est également préoccupé par le fait que pour acquérir la nationalité, les candidats non arabes doivent avoir résidé à Bahreïn pendant une période de vingt-cinq ans, alors que cette période est de quinze ans pour les candidats arabes (art. 2 et 5).

22. À la lumière de sa recommandation générale n o 30 (2004) concernant la discrimination à l ’ égard des non-ressortissants, en particulier le paragraphe 16 sur la réduction des cas d ’ apatridie, notamment chez les enfants, le Comité recommande à l ’ État partie de mettre rapidement sa législation en conformité avec la Convention en modifiant sa loi sur la citoyenneté afin d ’ éliminer les dispositions discriminatoires à l ’ égard des étrangers mariés à des Ba hreïniennes et des enfants de femmes bahreïniennes mariées à des ressortissants étrangers , et de prévoir des dispositions permettant aux B ahreïniennes de transmettre leur nationalité à leur conjoint étranger et à leurs enfants dès la naissance, dans des conditions d ’ égalité avec les hommes. Le Comité recommande également à l ’ État partie de veiller à ce que certains groupes de non-ressortissants ne fassent pas l ’ objet d ’ une discrimination en matière d ’ accès à la citoyenneté par rapport aux autres.

Apatridie

23.Bien qu’un certain nombre de personnes aient retrouvé leur nationalité, le Comité reste préoccupé par les informations selon lesquelles on compte encore de nombreuses personnes, y compris des défenseurs des droits de l’homme, des militants politiques et des religieux, dont la nationalité a été révoquée pour des raisons de sécurité nationale mais n’a pas encore été rétablie, ce qui fait que nombre d’entre elles et leurs enfants sont apatrides. Le Comité prend note de l’affirmation de l’État partie selon laquelle tous les bidouns ont reçu la citoyenneté, mais il reste toutefois préoccupé par les informations selon lesquelles nombre d’entre eux vivent toujours sur le territoire de l’État partie sans citoyenneté, alors qu’ils pourraient être naturalisés, ce qui les prive de l’égalité d’accès aux services sociaux, aux autres droits fondamentaux et aux documents d’état civil, y compris d’enregistrement de naissance. Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas ratifié la Convention relative au statut des apatrides et la Convention sur la réduction des cas d’apatridie (art. 5).

24. Le Comité recommande à l ’ État partie de réviser la loi sur la citoyenneté, y compris ses dispositions relatives à la privation de nationalité, afin que son application n e donne pas lieu à des cas d’ apatridie et que le G ouvernement ne puisse pas révoquer les droits à la nationalité des personnes qui exercent leurs droits fondamentaux, notamment le s droit s à la liberté d ’ expression, à la liberté de réunion et à la liberté d ’ association, l’objectif étant de prévenir l ’ apatridie, et d ’ envisager de ratifier la Convention relative au statut des apatrides et la Convention sur la réduction des cas d ’ apatridie. Le Comité recommande également à l ’ État partie de trouver une solution durable aux problèmes rencontrés par les bidouns , notamment en envisageant de naturaliser tous ceux qui ont vécu à Bahreïn pendant de longues périodes et qui ont un lien réel et effectif avec le pays . Le Comité lui recommande en outre de mettre en place des procédures administratives immédiates pour permettre à tous les apatrides, dont les bidouns , d ’ avoir effectivement accès aux droits humains fondamentaux et d ’ obtenir des documents officiels, notamment des documents d ’ enregistrement des naissances.

Protection des réfugiés

25.Le Comité est préoccupé par l’absence de législation ou de réglementation administrative régissant le statut des demandeurs d’asile ou des réfugiés dans l’État partie, ce qui peut exposer les demandeurs d’asile à la discrimination raciale dans l’exercice des droits fondamentaux et au risque de refoulement (art. 5).

26.Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter une loi relative à l ’ asile qui soit conforme aux normes internationales. Il demande à l ’ État partie d ’ assurer la protection effective des demandeurs d ’ asile et des réfugiés et de fournir dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur la jouissance effective par les demandeurs d ’ asile et les réfugiés des droits énoncés dans la Convention. Le Comité recommande également à l’État partie d’envisager d’adhérer à la Convention relative au statut des réfugiés et à son Protocole.

Travailleurs migrants

27.Le Comité se félicite des mesures institutionnelles et législatives que l’État partie a prises pour protéger les droits des travailleurs migrants. Il est toutefois préoccupé par les éléments suivants :

a)Il manque des informations pour savoir si la législation portant protection des travailleurs migrants est systématiquement appliquée et si les employeurs sont pénalisés en cas de violation ;

b)Les travailleurs migrants continueraient d’être victimes d’exploitation et de pratiques abusives, telles que le non-paiement des salaires et la confiscation des passeports, et de faire l’objet de discrimination dans le domaine de l’emploi, et leur accès à un logement décent, à l’éducation et aux soins et services de santé serait limité ;

c)Le système de parrainage persiste dans la pratique, ce qui fait que les travailleurs migrants sont vulnérables face à l’exploitation et aux pratiques abusives ;

d)Le système de permis flexible instauré en 2017 pour remplacer le système de parrainage ne serait pas accessible à tous les travailleurs en raison de conditions trop restrictives, en particulier aux travailleurs à faible revenu en raison de son coût élevé ;

e)Il y a un manque d’information sur l’issue des plaintes des travailleurs migrants et sur l’efficacité avec laquelle ces plaintes sont traitées (art. 5 et 6).

28. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De veiller à ce que toutes les mesures visant à protéger les travailleurs migrants soient pleinement appliquées, que les contrevenants soient punis et que des informations sur l’application de ces mesures soient fournies  ;

b) De mettre fin définitivement, dans la pratique, au système de parrainage et aux pratiques analogues qui exposent les travailleurs migrants à des pratiques abus ives et à l ’ exploitation  ;

c) De veiller à ce que les passeports ne soient pas confisqués et à ce que les employeurs qui confisquent des passeports soient punis  ;

d) De garantir le plein accès des travailleurs migrants à des mécanismes de plainte et à des voies de recours appropriées en cas de violation de leurs droits et de fournir des renseignements sur l ’ issue des plaintes  ;

e) De redoubler d ’ efforts pour lever les obstacles qui empêchent l es travailleurs migrants de jouir sans discrimination de leurs droits économiques , sociaux et culturels, notamment en ce qui concerne l’accès à l ’ éducation, a u logement, à l ’ emploi et aux soins et services de santé.

Migrants employés comme domestiques

29.Le Comité prend note de ce que fait l’État partie pour améliorer les conditions de travail des domestiques migrants, dont la majorité sont des femmes, mais il reste préoccupé par le fait que les domestiques migrants ne bénéficient pas pleinement de la protection légale garantie par le Code du travail dans le secteur privé, ce qui les rend très vulnérables face aux pratiques abusives et à l’exploitationet peut les empêcher d’accéder à des recours judiciaires et non judiciaires en cas de violations des droits de l’homme. Il est également préoccupé par les informations selon lesquelles les domestiques migrants continuent de faire face à des conditions de travail difficiles, notamment le travail forcé, le non-versement des salaires, la confiscation des passeports et la servitude pour dettes, et par l’absence d’informations sur la manière dont les domestiques peuvent faire valoir leurs droits, sur les plaintes déposées et sur l’issue de ces plaintes. Le Comité est en outre préoccupé par le manque d’informations démontrant l’application effective de mesures visant à protéger les domestiques migrantes contre le harcèlement et les abus sexuels, problèmes qui continueraient d’être très répandus (art. 5 à 7).

30. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De veiller à ce que l ’ emploi des domestiques migrants soit réglementé par le Code du travail dans le secteur privé, que toutes les dispositions légales existantes visant à protéger les domestiques migrants contre les pratiques d ’ exploitation au travail, le harcèlement sexuel et la violence physique ou autre soient effectivement appliquées et que les domestiques migrants aient effectivement accès à des recours judiciaires et non judiciaires en cas de violations des droits de l ’ homme ;

b) De ratifier la Convention de 2011 sur les travailleuses et travailleurs domestiques ( n o 189) de l ’ Organisation internationale du Travail (OIT)  ;

c) De fournir, dans son prochain rapport périodique, des renseignements détaillés sur l ’ application des lois protégeant les migrants employés comme domestiques contre toute exploitation par le travail, notamment des données indiquant le nombre de plaintes déposées par ces travailleurs, leur nature et leur issue.

Traite des personnes

31.Le Comité prend note des efforts que l’État partie déploie pour prévenir la traite des personnes et poursuivre les trafiquants, notamment par l’augmentation du nombre d’inspections du travail, la coopération bilatérale avec les pays d’origine et la fourniture d’une assistance psychologique et d’une protection physique aux victimes, mais il constate toujours avec préoccupation que l’État partie continue d’être un pays de destination pour les personnes victimes de la traite à des fins de travail forcé et, dans certains cas, de prostitution forcée. Il est également préoccupé par les informations selon lesquelles les procédures d’identification des personnes susceptibles d’être exposées à la traite parmi les groupes vulnérables ne sont pas utilisées dans la pratique (art. 5).

32. Le Comité recommande à l ’ État partie de continuer à redoubler d’ efforts pour éliminer la traite des personnes, notamment par l ’ application de lois et de stratégies visant à garantir que tous les cas de traite fassent l ’ objet d ’ une enquête et que les trafiquants soient poursuivis et sanctionnés comme il se doit . Le Comité recommande également à l ’ État partie de renforcer les inspections et d ’ accroître sa coopération avec les pays d ’ origine et les pays voisins pour identifier les personnes susceptibles d ’ être exposées à la traite parmi les groupes vulnérables.

Programmes de formation sur la discrimination raciale

33.Le Comité prend note avec satisfaction des informations relatives à l’examen régulier des programmes scolaires et à la formation des enseignants et des élèves sur les questions de tolérance, de paix et de coexistence. Il est toutefois préoccupé par l’absence d’informations détaillées et actualisées sur les programmes de formation relatifs à la prévention de la discrimination raciale et aux droits consacrés par la Convention qui sont organisés à l’intention des professionnels des médias, des membres des forces de l’ordre, des juges, des avocats et des représentants des organes de l’État, des entités gouvernementales locales et des associations compétentes, ainsi que sur l’efficacité de ces programmes de formation (art. 7).

34. Le Comité recommande à l ’ État partie de poursuivre ses efforts d ’ éducation et de formation et d ’ organiser des programmes de formation à l’intention des professionnels des médias et des agents de l ’ État sur les droits consacrés par la Convention, y compris des formations spécialisé e s sur la prévention de la discrimination raciale. Il demande à l ’ État partie de fournir des renseignements actualisés et détaillés sur ces programmes de formation et sur l’efficacité qu’ils ont sur l’élimination de la discrimination raciale dans l ’ État partie.

D.Autres recommandations

Ratification d’autres instruments

35. Compte tenu du caractère indissociable de tous les droits de l ’ homme, le Comité engage l ’ État partie à envisager de ratifier les instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme auxquels il n ’ est pas encore partie, en particulier ceux dont les dispositions intéressent directement les communautés qui peuvent faire l ’ objet de discrimination raciale, comme la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famill e, le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants , la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées , la Convention (n o 189) sur les travailleuses et travailleurs domestiques, 2011 , la Convention relative au statut des apatrides et la Convention sur la réduction des cas d ’ apatridie .

Amendement à l’article 8 de la Convention

36. Le Comité recommande à l ’ État partie d’accepter l ’ amendement au paragraphe 6 de l ’ article 8 de la Convention, adopté le 15 janvier 1992 à la quatorzième Réunion des États parties à la Convention et approuvé par l ’ Assemblée générale dans sa résolution 47/111 .

Déclaration visée à l’article 14 de la Convention

37. Le Comité en g age l ’ État partie à faire la déclaration facultative visée à l ’ article 14 de la Convention, par laquelle les États parties reconnaissent la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers.

Suite donnée à la Déclaration et au Programme d’action de Durban

38. À la lumière de sa recommandation générale n o 33 (2009) sur le suivi de la Conférence d ’ examen de Durban, le Comité recommande à l ’ État partie de donner effet à la Déclaration et au Programme d ’ action de Durban, adoptés en septembre 2001 par la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l ’ intolérance qui y est associée, en tenant compte du document final de la Conférence d ’ examen de Durban, tenue à Genève en avril 2009, quand il applique la Convention. Le Comité demande à l ’ État partie d ’ inclure dans son prochain rapport périodique des renseignements précis sur les plans d ’ action qu ’ il aura adoptés et les autres mesures qu ’ il aura prises pour appliquer la Déclaration et le Programme d ’ action de Durban au niveau national.

Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine

39. À la lumière de la résolution 68/237 de l ’ Assemblée générale proclamant la Décennie internationale des personnes d ’ ascendance africaine pour 2015-2024 et de la résolution 69/16 sur le programme d ’ activités de la Décennie, le Comité recommande à l ’ État partie d ’ élaborer et d’appliquer un programme adapté de mesures et de politiques . Le Comité demande à l ’ État partie d ’ inclure dans son prochain rapport des renseignements précis sur les mesures concrètes qu ’ il aura adoptées dans ce cadre, compte tenu de sa recommandation générale n o 34 (2011) sur la discrimination raciale à l ’ égard des personnes d ’ ascendance africaine.

Consultations avec la société civile

40. Le Comité recommande à l ’ État partie de poursuivre et d ’ élargir le dialogue avec les organisations de la société civile qui travaillent dans le domaine de la protection des droits de l ’ homme, en particulier celles qui luttent contre la discrimination raciale, dans le cadre de l ’ élaboration du prochain rapport périodique et du suivi des présentes observations finales.

Diffusion d’information

41. Le Comité recommande à l ’ État partie de mettre ses rapports à la disposition du public dès leur soumission et de diffuser également les observations finales du Comité qui s ’ y rapportent auprès de tous les organes de l ’ État chargés de l’application de la Convention , y compris les autorités locales, et de les publier sur le site Web du Ministère des affaires étrangères , dans les langues officielles et les autres langues couramment utilisées, selon qu ’ il conviendra .

Document de base commun

42. Le Comité en g age l ’ État partie à mettre à jour son document de base commun, qui date d u 1 er  mai 2019 , conformément aux directives harmonisées pour l ’ établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, en particulier celles concernant le document de base commun, adoptées à la cinquième réunion intercomités des organes créés en vertu d ’ instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme tenue en juin 2006 . À la lumière de la résolution 68/268 de l ’ Assemblée générale, le Comité exhorte l ’ État partie à respecter la limite de 42 400 mots fixée pour ce document.

Suite donnée aux présentes observations finales

43. Conformément au paragraphe 1 de l ’ article 9 de la Convention et à l ’ article 65 de son règlement intérieur, le Comité demande à l ’ État partie de fournir, dans un délai d ’ un an à compter de l ’ adoption des présentes observations finales, des renseignements sur la suite qu ’ il aura donnée aux recommandations figurant dans les paragraphes 28 a), c) et d) ( travailleurs migrant s ), 30 a) ( m igrants employés comme domestiques ) et 32 ( traite des personnes ).

Paragraphes d’importance particulière

44. Le Comité souhaite appeler l ’ attention de l ’ État partie sur l ’ importance particulière des recommandations figurant dans les paragraphes 10 ( c adre juridique relatif à la lutte contre la discrimination raciale ), 12 (mesures spéciales ), 18 ( d iscours et crimes de haine à caractère raciste ), 20 ( o rganisations de la soci été civil e) et 24 ( apatridie ) et lui demande de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur les mesures concrètes qu ’ il aura prises pour y donner suite.

Élaboration du prochain rapport périodique

45. Le Comité recommande à l ’ État partie de soumettre son rapport valant quinz ième à dix- huitième rapports périodiques, d ’ ici au 26 avril 2026 , en tenant compte des directives pour l ’ établissement du document se rapportant spécifiquement à la Convention adoptées par le Comité à sa soixante et onzième session et en traitant de tous les points soulevés dans les présentes observations finales . À la lumière de la résolution 68/268 de l ’ Assemblée générale, le Comité exhorte l ’ État partie à respecter la limite de 21 200 mots fixée pour les rapports périodiques .