Nations Unies

CAT/C/62/D/696/2015

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

25 janvier 2018

Français

Original : anglais

Comité contre la torture

Décision adoptée par le Comité au titre de l’article 22 de la Convention, concernant la communication no 696/2015 * , **

Communication présentée par :

R. P. (représenté par un conseil, Rabinderdei Nandoe)

Au nom de :

R. P.

État partie :

Pays-Bas

Date de la requête :

27 juillet 2015 (date de la lettre initiale)

Date de la présente décision :

4 décembre 2017

Objet :

Non-refoulement ; prévention de la torture

Questions de fond :

Expulsion vers Sri Lanka

Questions de procédure :

Non-épuisement des recours internes

Article(s) de la Convention :

3

1.1Le requérant est R. P., ressortissant sri-lankais d’origine tamoule, né le 26 août 1981. Actuellement en attente d’expulsion vers Sri Lanka, il soutient que son expulsion par les Pays-Bas constituerait une violation des droits qu’il tient de l’article 3 de la Convention. Il est représenté par un conseil, Rabinderdei Nandoe.

1.2Le 13 août 2015, le Comité, agissant par l’intermédiaire de son rapporteur chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires de protection, a demandé à l’État partie de ne pas expulser le requérant tant que la communication serait à l’examen.

Rappel des faits présentés par le requérant

2.1Né à Batticaloa (Sri Lanka), le requérant est d’origine tamoule. Il possédait un magasin d’informatique où il travaillait avec son frère. En 1989, sa sœur a été enlevée par l’armée sri-lankaise, violée et exécutée en raison de son appartenance présumée aux Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE). Sa famille a alors été considérée comme appartenant aux LTTE. En 2002, le frère du requérant a été arrêté par l’armée, avant d’être libéré. La famille s’est ensuite plainte de cette détention auprès d’une organisation de défense des droits de l’homme, mais elle a dû retirer sa plainte en raison de menaces de l’armée.

2.2En mai 2008, les forces spéciales ont arrêté le requérant et l’ont placé en détention dans un camp militaire proche. Elles avaient arrêté tous les jeunes de la région, les suspectant d’être impliqués dans les activités des LTTE. Le requérant a été accusé d’être un partisan de l’organisation, de la financer et de l’aider. Il a subi quatre interrogatoires, d’environ une heure et demie chacun, lors desquels il a reçu des coups de botte et de crosse. Son père est parvenu à le faire sortir du camp au bout de deux jours. Le requérant avait alors l’obligation de se présenter aux autorités une fois par semaine, en montrant à chaque fois une lettre qu’on lui avait remise, écrite en singhalais, langue qu’il ne lit pas. À une date non précisée, le requérant a été dégagé de cette obligation.

2.3En novembre 2008, le requérant a de nouveau été arrêté et placé en détention dans un camp de l’armée par les forces spéciales. On l’a interrogé à deux reprises, en le menaçant, et libéré le même jour. On lui a demandé de devenir informateur pour les forces, mais il n’a pas répondu à cette demande. Le requérant a été arrêté une troisième fois en août 2009, parce que les forces spéciales avaient appréhendé son ami qui avait prétendu que le requérant était impliqué dans le mouvement des LTTE. Plus tard, le requérant a découvert que son ami avait caché des armes près de sa maison. Il a de nouveau fait l’objet de menaces et d’intimidations par les forces armées et a été détenu pendant deux jours. On lui a dit de ne pas quitter la région et d’être disponible pour un complément d’enquête. Après sa libération, le requérant a vécu avec plusieurs parents. En décembre 2009, des membres du groupe Karuna (Tigres de libération du peuple tamoul) sont venus à la recherche du requérant à son travail et à son domicile, mais ne l’ont pas trouvé. Ils ont endommagé des fenêtres et le portail de sa maison et blessé son frère dans son magasin. Ce dernier a signalé les dégâts à la police, mais celle-ci n’a rien fait à la connaissance du requérant. Le 27 mars 2010, le requérant a été arrêté et détenu pendant sept jours par le groupe Karuna. Il affirme que des membres des forces spéciales (avec lesquelles le groupe Karuna collaborait) lui ont fait subir de graves mauvais traitements, qui lui ont causé un préjudice physique et psychologique. Ils l’ont frappé au dos avec un tuyau souple et lui ont donné plusieurs coups de pied dans l’estomac. Le requérant avait déjà souffert de problèmes de dos, qui se sont aggravés à la suite de ces mauvais traitements. En raison des blessures qu’il a subies, il ressent aujourd’hui une douleur constante, principalement dans le bas du dos et dans les hanches, et il ne peut pas rester assis plus de trente minutes dans la même position. Il a en outre plusieurs petites cicatrices sur le dos. Détenu dans le camp du groupe Karuna, il est parvenu à s’échapper au bout d’une semaine. Le requérant affirme avoir été arrêté par le groupe Karuna parce qu’ils pensaient qu’il avait aidé à cacher les armes de l’ami susmentionné.

2.4Le requérant a fui Sri Lanka le 8 juin 2010 avec un passeport sri-lankais. Ce voyage a été organisé par un agent de voyage, qui lui avait obtenu un visa pour l’Inde et le Nigéria. Après quelques mois en Inde, le requérant a été informé par l’agent de voyage qu’il devait revenir à Sri Lanka avant de poursuivre son voyage vers le Nigéria. Il a été pris en charge à l’aéroport de Colombo par l’agent de voyage et conduit à l’hôtel. Il a ensuite pris un vol pour le Nigéria. À son arrivée aux Pays-Bas le 2 octobre 2010, il s’est présenté aux autorités néerlandaises pour introduire une demande d’asile. Le 9 octobre 2010, le requérant a demandé l’asile. Par la suite, il a été transféré dans un centre d’accueil pour réfugiés. Le 15 août 2011, le Service de l’immigration et de la naturalisation (IND) a rejeté la demande d’asile du requérant, estimant que son récit n’était pas crédible. En outre, après l’avoir examiné, un médecin a conclu qu’il n’avait aucun problème de mémoire ou de concentration et qu’il était capable de tenir des propos cohérents et structurés.

2.5Le 12 septembre 2011, le requérant a fait appel de la décision de rejet de l’IND devant un tribunal. Le 30 décembre 2011, il a été examiné par la commission d’examen médical d’Amnesty International, qui a conclu que l’on pouvait plausiblement penser que ses cicatrices et ses problèmes de santé (physiques et psychologiques) aient été causés par des mauvais traitements, comme il l’affirmait. Le requérant a transmis ces informations au tribunal en mars 2012. Le 21 août 2012, le tribunal a statué en faveur du requérant et a ordonné à l’IND de réexaminer son dossier d’asile au vu des conclusions de la commission d’examen médical. Le tribunal a en outre estimé que la décision de l’IND n’était pas suffisamment motivée.

2.6Le 19 septembre 2012, l’IND a fait appel devant le Conseil d’État de la décision rendue par le tribunal le 21 août 2012. Le 25 août 2014, le Conseil d’État a estimé que les arguments en appel de l’IND étaient justifiés. En substance, le Conseil d’État a estimé que la commission d’examen médical n’avait pas établi que les blessures sur le corps du requérant avaient été causées par les mauvais traitements que les autorités sri-lankaises lui auraient fait subir et que le récit et les déclarations du requérant étaient vagues et contradictoires.

2.7Le 15 avril 2015, le requérant a présenté une deuxième demande d’asile. Le 21 avril 2015, l’IND a rejeté cette deuxième demande, au motif que le requérant n’avait présenté aucun fait ou élément d’information nouveau. Le même jour, le requérant a fait appel de la décision de l’IND devant le tribunal. Le 18 mai 2015, le tribunal a rejeté cet appel, pour défaut de fondement. Le 26 mai 2015, le requérant a fait appel par courrier, qui a été reçu le lendemain. Le 16 juin 2015, le Conseil d’État a rejeté le recours du requérant au motif qu’il n’avait pas été introduit dans le délai prescrit par la loi.

2.8Le requérant affirme avoir épuisé tous les recours internes disponibles.

Teneur de la plainte

3.1Le requérant affirme qu’il y a des motifs sérieux de croire qu’il risque d’être soumis à la torture s’il est renvoyé à Sri Lanka, compte tenu des éléments suivants :

a)Il est un jeune homme tamoul originaire de l’est de Sri Lanka ;

b)Il a quitté Sri Lanka illégalement ;

c)Il reviendrait des Pays-Bas, pays central pour le financement des LTTE ;

d)Il a déposé une demande d’asile à l’étranger ;

e)Il est fiché comme membre ou partisan présumé ou réel des LTTE ;

f)Il s’est évadé du camp du groupe Karuna ;

g)Il a des cicatrices sur le corps causées par les mauvais traitements qu’il a subis ;

h)On lui a demandé de devenir informateur pour les forces spéciales.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1L’État partie a contesté la recevabilité de la requête par une note verbale en date du 13 octobre 2015. Il fait valoir que le requérant a déposé le 15 avril 2015 une deuxième demande d’asile, que l’IND a rejetée le 21 avril 2015. Le requérant a présenté une demande de contrôle juridictionnel de la décision de l’IND, que le tribunal de district de La Haye a rejetée le 18 mai 2015. L’État partie note que le requérant a fait appel de ce jugement devant le Conseil d’État ; toutefois, ce recours a été introduit en dehors du délai prescrit. L’État partie affirme que le Conseil d’État a donné au requérant la possibilité de justifier ce retard, mais qu’il ne l’a pas fait. Le Conseil d’État a donc déclaré le recours irrecevable le 16 juin 2015, ce qui a mis fin à la procédure relative à la demande de permis de séjour du requérant. En conséquence, conformément au paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention, la requête est irrecevable en raison du non-épuisement de tous les recours internes disponibles.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie

5.1Dans une note en date du 7 janvier 2016, le requérant conteste l’affirmation de l’État partie selon laquelle le recours a été introduit en dehors du délai prescrit. Il renvoie à sa plainte initiale, dans laquelle il a expliqué que le recours avait été envoyé à temps, mais que le Conseil d’État l’avait reçu avec un jour de retard.

5.2Le requérant affirme en outre que la procédure de recours devant le Conseil d’État n’est pas un recours utile, en ce qu’elle ne permet pas d’attendre la décision. Le requérant renvoie à une décision rendue le 11 janvier 2007 par la Cour européenne des droits de l’homme, dans laquelle la Cour a jugé le cas en question recevable, alors que le requérant n’avait pas saisi le Conseil d’État parce qu’il avait estimé que ce recours était voué à l’échec.

5.3Le requérant relève qu’en application du paragraphe a) de l’article 30 de la loi néerlandaise sur les étrangers, le Conseil d’État rejette les recours qui ne sont accompagnés d’aucun fait ou élément d’information nouveau. Par conséquent, le Conseil d’État ne se prononcerait que sur la question formelle de savoir si le rapport médical complémentaire du requérant et les informations complémentaires sur la situation à Sri Lanka constituent de nouvelles preuves, et pas sur le fond de l’affaire.

5.4Enfin, le requérant fait référence à une copie d’un courriel que son avocat a reçu par erreur, concernant sa première demande d’asile. Dans ce courriel, un employé de l’IND conseille au Secrétaire d’État de ne pas faire appel de la décision de justice du 21 août 2012, car l’IND n’avait pas contesté la crédibilité des déclarations du requérant concernant ses deux arrestations, qui devaient donc être considérées comme crédibles. L’employé écrit qu’il regrettait que le tribunal n’ait examiné ni le lien entre les cicatrices du requérant et ses déclarations sur leur cause, ni une possible violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, compte tenu de l’appartenance ethnique tamoule du requérant.

Observations de l’État partie sur le fond

6.1Dans une communication datée du 28 octobre 2016, l’État partie donne des informations sur le fond de l’affaire. Le 2 octobre 2010, le requérant est entré aux Pays-Bas et s’est présenté aux autorités néerlandaises pour introduire une demande d’asile. Il a eu le temps de se reposer et de préparer sa demande d’asile. Le 8 octobre 2010, un médecin a examiné le requérant afin de déterminer s’il pouvait être interrogé. Le 9 octobre 2010, le requérant a présenté sa demande de permis de séjour temporaire au titre de l’asile et le premier entretien a eu lieu le même jour. Au cours du deuxième entretien, le 11 octobre 2010, le requérant a eu la possibilité de donner des renseignements complémentaires concernant sa demande d’asile. Le 27 janvier 2011 et le 1er mars 2011 se sont tenus des entretiens supplémentaires, lors desquels on s’est intéressé aux raisons pour lesquelles le requérant avait quitté son pays d’origine. On a établi des comptes rendus des entretiens, qui ont été menés en tamoul avec l’aide d’un interprète. Le requérant a eu la possibilité d’apporter par écrit des modifications et/ou des ajouts de fond aux comptes rendus des entretiens, ce qu’il a fait en soumettant des corrections et des ajouts le 10 octobre 2010, le 13 décembre 2010 et le 10 avril 2011. Le 14 mai 2011, le requérant a été informé par écrit que l’État partie avait l’intention de rejeter sa demande d’asile. Il a eu la possibilité de répondre par écrit à cette notification, ce qu’il a fait par courrier en date du 27 juin 2011. La demande d’asile a été rejetée par décision du 15 août 2011.

6.2Le 12 septembre 2011, le requérant a saisi le tribunal de district de La Haye d’une demande de contrôle juridictionnel de la décision de refus d’asile, qui a fait l’objet d’une audience publique le 27 juin 2012. Le 21 août 2012, le tribunal a jugé la demande de contrôle fondée.

6.3Le 19 septembre 2012, le Secrétaire d’État à la sécurité et à la justice a saisi la section du contentieux administratif du Conseil d’État d’un recours contre la décision de justice du 21 août 2012. Dans son arrêt du 25 août 2014, le Conseil d’État a déclaré le recours fondé et a annulé la décision du tribunal de district de La Haye. Les recours internes à la disposition du requérant étaient ainsi épuisés.

6.4Le 15 avril 2015, le requérant a présenté une nouvelle demande de permis de séjour temporaire au titre de l’asile. Il a bénéficié d’un entretien le même jour, en tamoul grâce à un interprète. Le 17 avril 2015, le requérant a été informé que l’État partie avait l’intention de rejeter sa demande d’asile. Le 20 avril 2015, il a donné son avis écrit sur la notification de l’intention de rejet. Le 21 avril 2015, la deuxième demande d’asile du requérant a été rejetée.

6.5Le 21 avril 2015, le requérant a saisi le tribunal de district de La Haye d’une demande de contrôle juridictionnel de cette décision, qui a fait l’objet d’une audience publique le 12 mai 2015. Le 18 mai 2015, le tribunal a déclaré cette demande sans fondement.

6.6Le 27 mai 2015, le requérant a fait appel de cette décision devant la section du contentieux administratif du Conseil d’État. Dans son arrêt du 16 juin 2015, le Conseil d’État a déclaré le recours irrecevable.

6.7Depuis la conclusion de cette procédure, le requérant n’a pas introduit de demande de permis de séjour aux Pays-Bas.

6.8L’État partie relève que la diligence voulue a été exercée tout au long de la procédure d’asile à l’égard du requérant et qu’il a été dûment tenu compte de l’article 3 de la Convention. Le requérant a été interrogé à plusieurs reprises au cours de la procédure d’asile, notamment sur les faits et les circonstances entourant son départ de Sri Lanka et sur les raisons pour lesquelles il pensait qu’il serait traité en violation de l’article 3 de la Convention s’il retournait dans ce pays.

6.9L’État partie soutient en outre que, bien que la situation des droits de l’homme à Sri Lanka soit préoccupante, compte tenu des informations provenant de diverses sources publiques, il n’y a aucune raison de conclure qu’une expulsion vers Sri Lanka comporterait en soi un risque de traitement contraire à l’article 3 de la Convention. Il n’y a aucune raison de penser que tous les Tamouls, qu’ils aient ou non eu des liens avec les LTTE, seront soumis à un traitement contraire à l’article 3 de la Convention s’ils retournent à Sri Lanka. Différentes décisions du Comité montrent qu’il demeure, lui aussi, sérieusement préoccupé par les allégations persistantes et cohérentes qui donnent à entendre que le recours généralisé à la torture et à d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants par des acteurs étatiques, qu’il s’agisse de militaires ou de policiers, persiste dans de nombreuses parties de Sri Lanka depuis la fin du conflit en mai 2009. Toutefois, le Comité n’a aucune raison de considérer que la situation générale est telle qu’on puisse présumer qu’il existe un risque réel et prévisible d’être soumis à la torture à Sri Lanka. Même s’il était probable que le requérant ait été victime de torture, la question demeure de savoir s’il existe un risque réel de persécution pour le requérant. La torture alléguée dans le passé n’engendre pas automatiquement un risque de torture aujourd’hui ; elle n’est qu’un élément parmi ceux qui permettent de déterminer le risque actuel de torture pour le requérant. Parmi les autres facteurs pertinents figurent le délai écoulé, la situation dans le pays d’origine et la situation personnelle du requérant. Le requérant a l’obligation de fournir des éléments de preuve suffisants attestant l’existence d’un risque personnel.

6.10Il ressort de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme que l’on peut prendre en considération les risques susmentionnés lors de l’évaluation des demandes d’asile des Tamouls sri-lankais. La Cour a également indiqué que, depuis la fin du conflit à Sri Lanka, les autorités se préoccupaient moins des demandeurs d’asile tamouls déboutés qui retournaient dans le pays. On peut considérer qu’il y a un risque de traitement contraire à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme seulement si l’étranger peut démontrer que les autorités s’intéressent spécifiquement à lui, par exemple parce qu’il a commis une infraction pénale ou a été un membre influent des LTTE. La Cour a statué que bien que les États parties aient le devoir d’enquêter sur le risque pour les requérants d’être soumis à un traitement contraire à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme s’ils sont expulsés, elle doit être en mesure d’évaluer la situation personnelle du demandeur d’asile, ce qui peut être impossible lorsque les déclarations fournies pour justifier la demande d’asile donnent des raisons de mettre en doute la crédibilité de l’intéressé.

6.11L’État partie ne juge pas crédibles les raisons précises que le requérant a données pour justifier son départ de Sri Lanka, à savoir qu’il avait été arrêté par les autorités sri‑lankaises et le groupe Karuna et qu’il était toujours recherché en rapport avec sa déclaration selon laquelle son ami avait caché des armes dans le jardin de la maison de ses parents.

6.12L’État partie souligne que les déclarations du requérant concernant sa première arrestation en 2008 et sa deuxième arrestation en 2009 sont crédibles. Il ressort du dossier qu’il a été établi de manière satisfaisante que le requérant avait des difficultés avec la chronologie des événements allégués dans son récit à l’appui de sa demande d’asile. La chronologie mise à part, ses autres déclarations concernant ces événements étaient cohérentes et l’État partie considère donc que son récit des deux premières arrestations est crédible. L’État partie présume également que le requérant a été agressé ou torturé par l’armée sri-lankaise lors de sa première arrestation. Toutefois, cela ne signifie pas que le requérant risquerait de subir un traitement contraire à l’article 3 de la Convention s’il retournait à Sri Lanka.

6.13L’État partie n’accorde aucun crédit au récit de la troisième arrestation par l’armée sri-lankaise en 2009 ou de l’arrestation par le groupe Karuna en 2010 au motif que l’ami du requérant aurait caché des armes à proximité du domicile de ses parents, pour les raisons suivantes :

a)Lors de son deuxième entretien, le requérant n’a fait aucune mention ni des armes cachées par son ami près de sa maison ni de leur lien avec son arrestation. Il a explicitement déclaré qu’il ne savait pas ce que son ami avait fait ni pourquoi il avait été emprisonné. Ce n’est qu’après l’entretien que le requérant a mentionné les armes cachées et leur lien avec son arrestation ;

b)L’explication que donne le requérant pour justifier qu’il ait dissimulé cette information, à savoir qu’il craignait que le compte rendu de l’entretien soit envoyé aux autorités sri-lankaises, n’est pas convaincante, puisqu’il a porté d’autres accusations contre les autorités, par exemple des allégations de torture et d’agression en 2008 et le viol et le meurtre de sa sœur ;

c)Le requérant a non seulement dissimulé ces informations, mais il a aussi fait des déclarations contradictoires sur la manière dont il avait découvert que son ami avait caché des armes et le moment où il l’avait découvert ;

d)Un certain nombre d’incohérences dans des éléments clefs du récit du requérant font qu’il est peu plausible que l’intéressé soit recherché par les autorités pour son implication présumée dans la dissimulation d’armes pour le compte des LTTE ;

e)D’autres éléments, tels que la fuite facile du requérant alors qu’il était prétendument détenu par le groupe Karuna, le fait qu’il ait pu quitter le pays à deux reprises avec un passeport obtenu légalement et y revenir une fois sans difficulté, ont amené l’État partie à conclure que le dossier était entaché d’incohérences importantes, de déclarations peu plausibles et d’un manque de clarté sur des questions pertinentes pour l’évaluation de la demande. Ces déclarations seraient pertinentes pour les délibérations du Comité sur la question de savoir si le requérant risquerait d’être torturé s’il retournait à Sri Lanka.

6.14En ce qui concerne l’examen médical effectué par Amnesty International (voir le rapport du groupe de recherche médicale), l’État partie relève que les médecins d’Amnesty International n’ont pas été en mesure de déterminer avec certitude si les cicatrices que le requérant attribuait à une agression subie lors de sa quatrième arrestation étaient en fait le résultat de mauvais traitements infligés par des membres du groupe Karuna en 2010. Amnesty International a conclu que ses constatations concernant les deux cicatrices « pourraient » concorder avec l’événement décrit. L’État partie fait également observer que, compte tenu de la formulation des conclusions dans le rapport d’Amnesty International expliquant l’origine des blessures du requérant, il est possible que ces cicatrices aient une cause différente de celle décrite par le requérant. Cette possibilité est d’autant plus crédible que le requérant a été examiné plus d’un an après son entrée dans l’État partie ; après une si longue période, il n’est plus possible de déterminer l’âge des cicatrices.

6.15En ce qui concerne le rapport médical complémentaire (de l’Institut pour les droits de l’homme et la recherche médicale), que le requérant a présenté avec sa deuxième demande d’asile, l’État partie considère que les conclusions prudentes du rapport ne permettent pas d’établir qu’il existe, dans le cas du requérant, une véritable relation de cause à effet entre ses problèmes médicaux et son incapacité à faire un récit exhaustif des événements. L’Institut pour les droits de l’homme et la recherche médicale n’a pas examiné le requérant en personne et il décrit des plaintes médicales qui ressortaient déjà du dossier du requérant. Néanmoins, l’incapacité du requérant à rendre compte de manière complète et cohérente d’éléments moins importants et de certains détails n’a pas été retenue contre lui. Il lui a par contre été reproché de ne pas avoir présenté immédiatement des éléments essentiels de son récit et d’avoir fait des déclarations contradictoires, vagues et peu plausibles sur ces questions.

6.16L’État partie considère que l’affirmation du requérant selon laquelle il n’a jamais été impliqué dans le mouvement des LTTE est importante. Le requérant a déclaré qu’il avait seulement été contraint de verser de l’argent aux LTTE et d’accrocher des décorations dans son magasin à l’occasion de la journée des héros, comme les autres Tamouls et commerçants. Il a affirmé n’avoir jamais pris part au conflit de quelque manière que ce soit. Il a en outre déclaré avoir été libéré peu de temps après chacune de ses arrestations, ce qui donne à penser qu’il ne présentait aucun intérêt particulier pour les autorités.

6.17En ce qui concerne l’affirmation du requérant selon laquelle on lui a demandé de devenir informateur pour les autorités sri-lankaises lors de sa première détention en 2008, l’État partie relève que rien ne prouve que son refus lui ait valu des ennuis avec les autorités, hormis les arrestations de 2008, après lesquelles il a été rapidement libéré. Le fait qu’un passeport national ait été délivré au requérant en septembre 2009 prouve également que les autorités ne s’intéressaient pas à lui à l’époque et qu’il n’a pas quitté le pays illégalement, comme il le prétend.

6.18L’État partie relève que, même si la sœur du requérant a été enlevée par l’armée sri‑lankaise en 1989, et violée et assassinée pour son implication présumée avec les LTTE, cela ne signifie pas que le requérant aurait nécessairement des ennuis liés à ces événements s’il devait retourner à Sri Lanka. Il en va de même en ce qui concerne l’arrestation présumée du frère du requérant en 2002. Rien ne prouve que ni son frère ni sa sœur aient été réellement impliqués dans le mouvement des LTTE ou le conflit armé. L’État partie fait également observer que chaque Tamoul originaire de la région qui était sous le contrôle des LTTE a un lien direct ou indirect avec eux, par exemple par l’intermédiaire de membres de sa famille. Cela ne signifie pas que chaque Tamoul risque de subir un traitement contraire à l’article 3 de la Convention contre la torture.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie concernant le fond

7.1Dans sa communication du 13 avril 2017, le requérant fait part de ses commentaires sur les observations de l’État partie. Il conteste l’argumentation que l’État partie fonde sur les arrêts rendus par la Cour européenne des droits de l’homme de 2011 à 2015, selon lesquels a) depuis la fin du conflit à Sri Lanka, les autorités se préoccupent moins des demandeurs d’asile tamouls déboutés qui retournent dans le pays ; b) on peut considérer qu’il y a un risque de traitement contraire à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme seulement si l’étranger peut démontrer que les autorités s’intéressent spécifiquement à lui, par exemple parce qu’il a commis une infraction pénale ou a été un membre influent des LTTE. Le requérant fait observer que ces affirmations ne cadrent pas avec les informations pertinentes sur ce que vivent les Tamouls qui rentrent à Sri Lanka. Dans une communication mise à jour adressée au Comité des droits de l’homme pour l’examen du cinquième rapport périodique de Sri Lanka en octobre 2014, Freedom from Torture a déclaré que 96 % des victimes de torture dans le pays étaient d’origine tamoule. Le facteur qui semble avoir été déterminant pour la détention et la torture de ces hommes et de ces femmes par les autorités était un lien réel ou perçu entre eux et/ou un membre de leur famille ou une connaissance et les LTTE. Ceux pour qui on avait établi l’existence d’un lien personnel avec les LTTE avaient généralement participé sans combattre, par exemple en fournissant des services. Freedom from Torture a conclu que les Tamouls sri‑lankais, dont on avait établi qu’ils avaient eu un lien − réel ou perçu − avec les LTTE, à quelque niveau ce que soit, et qui avaient pu quitter Sri Lanka en toute sécurité, risquaient désormais d’être torturés s’ils revenaient dans le pays. Le requérant cite d’autres rapports qui montrent que les violations des droits de l’homme, et notamment les cas de torture, se sont multipliées après le conflit. Il soutient que tous ces rapports montrent que, depuis la fin du conflit à Sri Lanka, les autorités ne se préoccupent pas moins des demandeurs d’asile tamouls déboutés qui retournent dans le pays. Ces rapports montrent en fait qu’un simple soupçon de lien avec les LTTE, quel qu’il soit − faible ou fort, ancien ou récent, personnel ou indirect − suffit à attirer l’attention des autorités sur les personnes concernées lorsqu’elles retournent au pays.

7.2Le requérant souligne que, dans son rapport, le groupe de recherche médicale d’Amnesty International juge plausible que le requérant ait été soumis à la torture à Sri Lanka. La conclusion du rapport est qu’il est probable que la plupart des cicatrices et des problèmes physiques décrits, tout comme les problèmes psychologiques évoqués, soient liés aux événements décrits par le requérant. Ce dernier renvoie à l’affaire M. C. c. Pays ‑ Bas, dans laquelle le Comité a tenu compte, dans sa décision, du rapport médical d’Amnesty International, dont il ressortait que les cicatrices correspondaient aux déclarations du requérant, alors que l’IND avait considéré que ces déclarations étaient non crédibles et vagues et ne cadraient pas avec les informations générales disponibles sur le pays d’origine.

7.3Le requérant conteste l’affirmation de l’État partie selon laquelle la diligence voulue a été exercée tout au long des procédures d’asile à son égard et selon laquelle il a été dûment tenu compte de l’article 3 de la Convention. Il affirme que la diligence voulue n’a pas été exercée dans sa deuxième procédure d’asile, l’IND ayant décidé de ne pas reconsidérer la décision par laquelle il lui avait refusé un permis de séjour temporaire au titre de l’asile, en raison de l’absence d’élément d’information nouveau dans le dossier. Le tribunal de district de La Haye a confirmé la décision de l’IND. Pourtant, le requérant a présenté un rapport médical complémentaire (de l’Institut pour les droits de l’homme et la recherche médicale), dont la conclusion était que les problèmes psychologiques du requérant avaient nui à sa capacité à faire des déclarations complètes, cohérentes et structurées lors des entretiens menés avec l’IND dans le cadre de la procédure d’asile. Il est écrit dans ce rapport que les demandeurs d’asile qui ont été soumis à la torture ou à d’autres violences extrêmes ont souvent des difficultés à parler de ces violences pour diverses raisons, parmi lesquelles des problèmes de mémoire et de concentration. La peur, la honte et la méfiance sont d’autres facteurs importants dans ce contexte. Les demandeurs d’asile essaient souvent d’oublier cette violence ou de ne pas en parler ; ils ont parfois aussi perdu la mémoire ou certains de leurs souvenirs.

7.4Le requérant explique qu’il n’a pas parlé à l’IND des armes cachées par son ami, car il craignait que cette information conduise les autorités à l’associer à cet ami et à croire qu’il avait été impliqué dans des activités terroristes, ce qui aurait nui à sa demande d’asile et entraîné son expulsion vers Sri Lanka. Il déclare que, bien qu’il n’en ait pas parlé lors de l’entretien du 11 octobre 2010, il a ensuite fourni ces informations dans les corrections et ajouts écrits au compte rendu qu’il a soumis le 13 décembre 2010, comme le permettait le droit interne néerlandais.

7.5Le requérant fait observer que la prétendue facilité avec laquelle il a pu échapper au groupe Karuna s’explique par le fait qu’il était détenu dans une maison abandonnée et non dans un centre de détention ordinaire. En outre, les membres du groupe Karuna étaient pour la plupart d’origine tamoule ; peut-être ont-ils eu pitié de lui et fermé les yeux sur sa fuite.

7.6En ce qui concerne son départ pour l’Inde et son retour à Sri Lanka en 2010, le requérant explique qu’il a pu agir ainsi parce que son père avait payé 1,5 million de roupies sri-lankaises à un passeur pour qu’il s’occupe de son passeport et de ses visas et soudoie les fonctionnaires à la frontière. Il cite plusieurs sources d’information, qui décrivent des cas où même des membres très en vue des LTTE ont pu quitter Sri Lanka en payant des pots‑de‑vin. Pendant son voyage, il était toujours accompagné d’un passeur, et on l’accueillait toujours dans les aéroports pour s’assurer qu’il n’avait pas de problèmes avec les autorités. Le fait qu’il ait pu partir, revenir et repartir ne signifie pas qu’il n’était pas recherché par les autorités sri-lankaises.

Commentaires complémentaires du requérant

8.1Le requérant a soumis des commentaires complémentaires les 14 et 18 avril 2017. Il rejette l’affirmation de l’État partie selon laquelle il n’a jamais été impliqué dans le mouvement des LTTE. Il déclare que pendant le cessez-le-feu entre les LTTE et le Gouvernement de Sri Lanka (2002-2006), il a installé autour de son magasin des drapeaux et des affiches à l’effigie des Tigres, chaque fois qu’un événement leur était consacré. Il affirme aussi que ses activités ont été filmées par les autorités sri-lankaises. Il déclare en outre avoir versé de l’argent aux LTTE. Lorsque le cessez-le-feu a pris fin, on lui a reproché ces activités en 2008 et on l’a accusé d’être un sympathisant des LTTE. Les autorités sri-lankaises voient dans ces activités une implication dans le mouvement des Tigres.

8.2Le requérant rejette également l’affirmation de l’État partie selon laquelle, puisqu’il a reçu un passeport, aucune interdiction ne l’empêchait de quitter son lieu de résidence. Il renvoie au rapport du Ministère néerlandais des affaires étrangères sur Sri Lanka, daté du 2 octobre 2014, dans lequel il est indiqué qu’il est possible d’acheter de faux documents, cachets, vignettes et formulaires à Sri Lanka. En outre, la corruption et la falsification lors des procédures d’enregistrement et d’archivage sont monnaie courante dans le pays et augmentent le risque d’inexactitude et de fraude lors de l’enregistrement et de la délivrance des documents. Par conséquent, ce n’est pas parce que le requérant s’est vu délivrer un passeport qu’il ne faisait pas l’objet d’une interdiction de quitter la région ou son lieu de résidence.

8.3Le requérant conteste également l’argument de l’État partie selon lequel les autorités sri-lankaises savent que de nombreux Tamouls − du nord et de l’est de Sri Lanka − qui reviennent des pays occidentaux avaient quitté Sri Lanka pour des raisons économiques. Il pense que les autorités de Sri Lanka supposeront qu’il a demandé l’asile à l’étranger et qu’il sera considéré comme un traître pour avoir parlé aux autorités occidentales des violations des droits de l’homme commises à Sri Lanka. Le Centre pour l’enseignement postdoctoral (CPO) aux Pays-Bas publie chaque année le rapport du Gouvernement sur les procédures internationales des droits de l’homme, qui recense les affaires pendantes devant le Comité contre la torture, dont celle du requérant. Ces informations sont disponibles sur Internet et, par conséquent, les autorités sri-lankaises peuvent les consulter. Le requérant pense que cela augmentera le risque qu’il court de subir un traitement contraire à l’article 3 de la Convention s’il retourne à Sri Lanka.

Observations complémentaires de l’État partie

9.1Le 1er août 2017, l’État partie a présenté des observations complémentaires sur le fond de la communication. Il réaffirme que le requérant doit prouver que son retour à Sri Lanka l’expose à un risque prévisible, réel, personnel et actuel de torture. L’État partie rejette l’argument du requérant selon lequel il utilise une jurisprudence et des informations obsolètes lors de l’évaluation des demandes d’asile présentées par des Tamouls sri‑lankais. Il relève que l’IND et les tribunaux nationaux ont évalué avec soin le récit du demandeur d’asile à la lumière d’informations actualisées sur son pays d’origine. Tout en relevant que la situation des Tamouls, en général, et celle des anciens membres des LTTE, en particulier, reste préoccupante, l’État partie insiste sur plusieurs évolutions positives constatées à Sri Lanka. Le Gouvernement de Sri Lanka a fait des progrès graduels dans la lutte contre l’impunité s’agissant des violations des droits de l’homme. Il a créé un comité chargé d’examiner les allégations de torture et de prendre des mesures préventives. Le Gouvernement s’est engagé à abroger la loi sur la prévention du terrorisme, en vertu de laquelle d’anciens membres des LTTE étaient souvent arrêtés, et à la remplacer par un texte de loi conforme aux normes internationales. Bien que la situation des droits de l’homme à Sri Lanka reste préoccupante, au vu des informations provenant de sources publiques, il n’y a aucune raison de penser que tous les Tamouls, qu’ils aient ou non eu des liens avec les LTTE, seront soumis à un traitement contraire à l’article 3 de la Convention s’ils retournent à Sri Lanka. L’État partie est donc d’avis que les informations contenues dans les rapports récents et celles qui figurent dans les rapports cités par le requérant ne donnent aucune raison d’évaluer les demandes d’asile des Tamouls différemment de ce qui est exposé dans ses observations du 28 octobre 2016.

9.2L’État partie prend note de l’explication du requérant quant à la raison pour laquelle il n’a pas fourni d’informations sur les armes que son ami aurait cachées. Il relève en outre que le requérant a de nouveau modifié sa déclaration à cet égard et considère que la crédibilité de cette partie du récit s’en trouve encore plus affaiblie.

9.3L’État partie n’est toujours pas convaincu par l’affirmation du requérant selon laquelle sa situation est différente de celle des membres de sa famille en raison de son arrestation antérieure et du fait qu’il avait accroché dans son magasin des décorations liées aux activités des LTTE. Il est selon lui peu probable que les autorités sri-lankaises n’aient pas vérifié l’implication de tous les membres de la famille du requérant lors de l’enquête qu’elles ont menée à la suite de la découverte des armes cachées.

9.4Quant à l’affirmation du requérant selon laquelle l’État partie n’a rien dit des conclusions médicales d’Amnesty International concernant les problèmes psychologiques de l’intéressé, l’État partie réaffirme que l’incapacité du requérant à rendre compte de manière complète et cohérente de questions moins importantes et de certains détails n’a pas été retenue contre lui. Il lui a par contre été reproché de ne pas avoir présenté immédiatement des éléments essentiels de son récit et d’avoir ensuite fait des déclarations contradictoires, vagues et peu plausibles sur ces aspects, alors qu’ils avaient eu un effet majeur sur lui et constituaient sa principale raison de quitter Sri Lanka.

9.5Enfin, l’État partie relève que, même s’il acceptait l’allégation du requérant selon laquelle il a été soumis à des mauvais traitements lors de ses troisième et quatrième arrestations alléguées, cela ne signifierait pas forcément que, plus de sept ans plus tard, il existe un risque réel qu’il soit soumis à de tels traitements s’il retourne à Sri Lanka. Compte tenu des nombreuses années qui se sont écoulées, du fait que le requérant n’a pas participé à la dissimulation des armes et qu’aucun élément ne prouve qu’il ait soutenu activement les LTTE à Sri Lanka ou dans la diaspora ou qu’il soit autrement considéré comme un individu dangereux qui pourrait relancer le conflit à Sri Lanka, l’État partie estime qu’il est peu probable que le requérant rencontre de tels problèmes avec les autorités sri-lankaises s’il retourne dans son pays d’origine.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

10.1Avant d’examiner tout grief soumis dans une communication, le Comité doit déterminer s’il est recevable au regard l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été examinée et n’est pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

10.2Le Comité rappelle que, conformément au paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention, il n’examine aucune communication d’un particulier sans s’être assuré que celui-ci a épuisé tous les recours internes disponibles. Il note qu’en l’espèce, l’État partie soutient que le requérant n’a pas épuisé tous les recours internes disponibles dans la mesure où il n’a pas fait appel du rejet de sa demande d’asile devant la section du contentieux administratif du Conseil d’État. Le Comité prend également note des arguments du requérant selon lesquels il a envoyé son recours par la poste le dernier jour du délai et le Conseil d’État l’a reçu le lendemain. Le Comité note en outre que le Conseil d’État a donné au requérant la possibilité de justifier le dépôt tardif du recours, mais que le requérant n’a pas réussi à convaincre le Conseil d’État qu’il avait une raison valable de ne pas avoir respecté le délai fixé.

10.3Le Comité prend note de l’argument du requérant selon lequel la procédure devant le Conseil d’État est un recours inefficace en ce qu’elle ne suspend pas automatiquement la procédure d’expulsion et que le Conseil d’État rejette les recours qui n’apportent pas de faits nouveaux. Un recours devant le Conseil d’État ne serait donc qu’une formalité et non une procédure qui aboutirait à une réparation.

10.4Le Comité considère que de simples doutes sur l’efficacité d’un recours ne dispensent pas le requérant de chercher à épuiser ce recours. Il est d’autant plus difficile de se laisser convaincre par l’argument de l’inefficacité que l’intéressé n’a pas cherché à obtenir réparation en raison de son propre retard, qui ne peut être imputé à l’État partie. Le Comité conclut que, dans ces circonstances, la requête est irrecevable pour non‑épuisement des recours internes, conformément au paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention.

11.En conséquence, le Comité décide :

a)Que la requête est irrecevable au regard du paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention ;

b)Que la présente décision sera communiquée au requérant et à l’État partie.