Nations Unies

CAT/C/62/D/715/2015

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

9 janvier 2018

Français

Original : anglais

Comité contre la torture

Décision adoptée par le Comité au titre de l’article 22 de la Convention, concernant la communication no 715/2015 * , **

Communication p résentée par :

S. S. (représenté par un conseil, Raj S. Bhambi)

Au nom de :

Shamsher Singh Shegrill

État partie :

Canada

Date de la requête :

20 novembre 2015 (date de la lettre initiale)

Date de la présente décision :

28 novembre 2017

Objet :

Expulsion vers l’Inde

Questions de procédure :

Recevabilité ; épuisement des recours internes ; requête manifestement infondée

Questions de fond :

Non-refoulement ; statut de réfugié ; torture

Article (s) de la Convention :

3 et 22 (par. 2 et 5 b))

1.1Le requérant est S. S., de nationalité indienne, né le 10 décembre 1962. Au moment où la présente communication a été soumise, il faisait l’objet d’un ordre d’expulsion vers l’Inde. Il affirme que son expulsion vers l’Inde constituerait une violation de l’article 3 de la Convention par le Canada.

1.2Le 23 novembre 2015, en vertu du paragraphe 1 de l’article 114 de son règlement intérieur, le Comité a demandé à l’État partie, le 23 novembre 2015, de ne pas expulser le requérant vers l’Inde tant que sa communication serait à l’examen. Le 25 juillet 2016, le Comité a accédé à la demande de l’État partie tendant à ce que les mesures provisoires soient levées.

Rappel des faits présentés par le requérant

2.1Le requérant est un sikh originaire de l’État du Pendjab (Inde). En 1989, le requérant et son père se sont inscrits au parti Shiromani Akali Dal (Amritsar/Mann), qui milite en faveur de la création pour les sikhs d’une patrie indépendante (Khalistan). Le requérant est devenu un membre influent du parti dans son village. Le 5 janvier 1992, il a été arrêté par la police indienne lors d’un rassemblement. Il a été libéré six jours plus tard, après que son père eut versé un pot-de-vin de 30 000 roupies indiennes (Rs) à la police. Pendant sa détention, il a été torturé et averti qu’il serait tué s’il poursuivait ses activités politiques. Le requérant a de nouveau été arrêté le 29 novembre 1993 à l’occasion d’un meeting. Il a été détenu pendant quatre jours, au cours desquels il a été torturé. Il a été remis en liberté après que son père eut versé un pot-de-vin de 50 000 roupies à la police, à la suite de quoi il a passé trois jours à l’hôpital. En décembre 1993, la police a fait une perquisition à son domicile. Cependant, le requérant n’y était pas ; ayant vu la police, il s’était enfui dans un autre village. Le 5 février 1994, il a voulu se rendre au domicile de ses parents, mais a dû s’enfuir, car la police l’y recherchait. Le requérant s’est ensuite enfui aux États-Unis d’Amérique avec l’aide d’un agent et y a déposé une demande d’asile. Sa demande d’asile a été rejetée en 2004. Afin d’éviter d’être expulsé des États‑Unis, le 12 février 2010, il s’est enfui au Canada avec l’aide d’un agent.

2.2Le requérant a présenté une demande d’asile au Canada le 3 mars 2010. Sa demande a été rejetée le 7 mai 2013. Le 2 juillet 2013, il a saisi la Cour fédérale du Canada d’une demande d’autorisation aux fins d’introduire une requête en contrôle judiciaire de cette décision. La Cour fédérale a rejeté la demande du requérant le 9 octobre 2013. Le requérant a présenté des déclarations solennelles d’habitants de son village et de son père pour étayer ses dires, mais elles ont été jugées sans valeur probante. La demande d’examen des risques avant renvoi soumise par le requérant, ainsi que sa demande de résidence fondée sur des considérations d’ordre humanitaire et sa demande tendant à ce qu’il soit sursis à son expulsion ont été rejetées en 2015. On lui a signifié l’ordre de quitter le pays le 8 octobre 2015.

2.3Le requérant a fait savoir à son père qu’il arriverait en Inde le 25 novembre 2015. Selon lui, son père a communiqué cette information à quelques membres de l’administration locale pour s’assurer qu’il n’aurait rien à craindre de la police. Ayant appris le retour du requérant, la police a fait une descente chez lui et a arrêté son père le 12 octobre 2015. Son père a été libéré le 17 octobre 2015 ; depuis lors, il est retenu à son domicile et toute activité politique lui est interdite.

Teneur de la plainte

3.1Le requérant affirme que l’État partie violerait les droits qu’il tient de l’article 3 de la Convention s’il le renvoyait de force en Inde, où il courrait le risque d’être soumis à la torture, à des traitements cruels et même à la peine de mort, en raison de ses liens supposés avec le terrorisme sikh dans l’État du Pendjab. Le requérant a été arrêté à deux reprises et soumis à des actes de torture brutaux par des agents des forces de police indiennes qui continuent de le rechercher activement et de harceler et de torturer des membres de sa famille. Il affirme que les autorités canadiennes ont mal évalué le risque auquel il serait exposé s’il était renvoyé en Inde. Le requérant maintient que, selon des informations dignes de foi, l’Inde connaît de graves problèmes en matière de droits de l’homme, notamment que la police s’y livre à des violences et que des exécutions extrajudiciaires et des actes de torture y sont commis. Le 15 octobre 2015, la police a arrêté le chef du parti Shiromani Akali Dal (Amritsar/Mann) ainsi que des milliers de membres de ce parti au cours d’une manifestation organisée par des sikhs pour protester contre la profanation de leur livre sacré dans le village de Bargari. La police indienne pourrait soupçonner des sikhs vivant à l’étranger d’avoir été à l’origine du mouvement de protestation.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Dans une note verbale du 6 mars 2016, l’État partie prie le Comité de lever les mesures provisoires. Il fait valoir que le requérant n’a pas établi qu’il courrait un risque de préjudice irréparable s’il était renvoyé en Inde et que ses allégations ont été soigneusement examinées par les autorités nationales. Même si on ajoutait foi à ses allégations, on peut affirmer, en se fondant sur des rapports de pays objectifs, qu’il pourrait trouver refuge ailleurs en Inde, puisque son profil politique n’est pas susceptible d’attirer l’attention des autorités centrales du pays.

4.2L’État partie indique que la demande d’asile du requérant a été rejetée par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, celle-ci ayant conclu que ses allégations n’étaient pas crédibles. La Commission a estimé qu’il n’était pas plausible que la police indienne s’intéresse à lui, qu’elle soit encore à sa recherche, qu’elle s’intéresse à lui mais pas à son père, qui est un membre actif du parti Shiromani Akali Dal (Amritsar/Mann), qu’elle l’ait remis en liberté pour revenir le chercher quelques jours plus tard ou qu’elle ait continué à harceler son père et sa femme pendant dix-neuf ans à cause de lui, tout en sachant qu’il était à l’étranger. La demande d’autorisation d’introduire une requête en contrôle judiciaire du requérant, sa demande d’examen des risques avant renvoi ainsi que sa demande de résidence permanente pour considérations d’ordre humanitaire ont aussi été rejetées après que les agents des services de l’immigration sont parvenus à la conclusion qu’il ne serait pas exposé à un risque ou à des difficultés démesurées s’il rentrait en Inde.

4.3L’État partie renvoie à des rapports documentaires objectifs, selon lesquels la situation des droits de l’homme pour les sikhs en Inde s’est améliorée au point que l’on ne saurait plus dire qu’il existe un risque général qu’une personne fasse l’objet de mauvais traitements au seul motif de ses opinions politiques réelles ou supposées. La majorité des sikhs vivent dans l’État du Pendjab, mais il existe également d’importants groupes minoritaires dans d’autres États de l’Inde et des communautés sikhes sont installées dans tout le pays. Il existe des communautés sikhes prospères un peu partout et beaucoup de personnes de confession sikhe exercent des fonctions officielles importantes. De plus, les informations disponibles sur le pays ne donnent pas à penser qu’il existe un risque général de mauvais traitements pour les membres du parti Shiromani Akali Dal (Amritsar/Mann) au Pendjab. Ce parti a pignon sur rue. Des sources dignes de foi auraient indiqué que les membres de ce parti ne font pas l’objet de mauvais traitements, sauf s’ils sont soupçonnés de terrorisme ou d’activités extrémistes ou violentes, et que ceux qui s’expriment ouvertement ne sont pas victimes de harcèlement ni arrêtés parce qu’ils participent à des rassemblements du parti, se plaignent publiquement du traitement réservé aux sikhs par les autorités ou revendiquent la création du Khalistan. Selon d’autres sources dignes de foi, par contre, les membres de ce parti sont harcelés ou arrêtés à certains moments parce qu’ils participent à des rassemblements du parti, se plaignent publiquement du traitement réservé aux sikhs ou revendiquent la création du Khalistan, et des membres du parti ont été mis en détention préventive avant des manifestations annoncées. Cependant, même lorsque les sources affirment que des membres ou les dirigeants du parti Shiromani Akali Dal (Amritsar/Mann) sont victimes d’un tel traitement, elles n’indiquent pas que cela pourrait se passer ailleurs que dans l’État du Pendjab. De plus, et de manière plus générale, même si certaines sources bien informées indiquent que les sikhs qui prônent et appuient la création d’un État sikh indépendant, soit le Khalistan, s’exposent toujours à de graves violations des droits de l’homme dans l’État du Pendjab, il ressort des éléments d’information dont on dispose qu’il n’existe pas de risque général pour les sikhs qui sont rentrés en Inde de subir des mauvais traitements au seul motif du soutien idéologique qu’ils professeraient en faveur de la création du Khalistan.

4.4Le requérant n’a fourni aucune preuve étayant son allégation selon laquelle il est considéré comme un militant de premier plan ou suspecté de terrorisme ou d’activités violentes. Lorsque le requérant aurait été détenu par la police en 1992 et 1993, il aurait été libéré après le paiement d’un pot-de-vin et sans qu’aucune accusation ne soit portée contre lui. Il a également pu faire renouveler son passeport après avoir quitté son pays. De plus, ses affirmations selon lesquelles, en cas de renvoi en Inde, il devrait faire face à des accusations fabriquées de toutes pièces sur la base de la législation antiterroriste ou du Code pénal indien reposent entièrement sur des conjectures. Rien n’indique objectivement que le requérant serait exposé à un châtiment précis ou qu’il risquerait d’être placé en détention dans l’État du Pendjab, et encore moins ailleurs en Inde. Ses affirmations et les preuves qu’il a produites invoquent simplement un risque général et non précisé qu’il courrait en cas de renvoi en Inde. Il n’a pas fourni au Comité de preuve objective ni de raison crédible qui démontreraient qu’une réinstallation dans une région de l’Inde autre que le Penjab n’est pas envisageable dans son cas. Compte tenu de ce qui précède, l’État partie considère que des mesures provisoires ne se justifient pas en l’espèce.

4.5Dans une note en date du 12 mai 2016, l’État partie affirme que la requête est irrecevable pour deux motifs. Premièrement, le requérant n’a pas épuisé tous les recours internes disponibles. Il n’a pas demandé à la Cour fédérale du Canada l’autorisation d’introduire une requête en contrôle judiciaire de trois décisions administratives, à savoir 1) la décision selon laquelle, dans la période écoulée depuis que sa demande d’asile avait été rejetée, aucun fait nouveau susceptible de modifier l’évaluation des risques n’était intervenu; 2) la décision sur laquelle il n’y avait aucun motif de lui accorder un permis de résidence permanente au Canada pour des considérations d’ordre humanitaire ; 3) la décision selon laquelle il n’y avait pas de nouvelles preuves faisant apparaître un risque ou un nouveau risque qui justifierait qu’il soit sursis à son expulsion vers l’Inde. L’État partie maintient que, contrairement à l’avis exprimé par le Comité dans certains cas, selon lequel le contrôle judiciaire ne comprend pas un examen au fond de l’allégation du requérant selon laquelle il serait torturé s’il était renvoyé dans son pays d’origine, le contrôle judiciaire constitue un recours utile contre le renvoi. L’État partie souligne, notamment, que le contrôle judiciaire a pour fonction d’assurer la légalité, le caractère raisonnable et l’équité des processus de prise de décision et de leurs résultats. Le paragraphe 4 de l’article 18.1 de la loi sur les cours fédérales prévoit tous les motifs pour lesquels une décision peut faire l’objet d’un contrôle judiciaire, quel que soit le contexte, à savoir lorsqu’il existe des raisons de penser que le décideur a outrepassé les limites de sa compétence, n’a pas respecté les règles d’équité procédurale ou a commis une erreur de fait ou de droit. Ainsi, pour s’acquitter de ses responsabilités comme il se doit, la Cour fédérale doit nécessairement examiner l’argument d’un défendeur selon lequel il risquerait d’être torturé s’il était renvoyé dans son pays d’origine. Si la Cour fédérale décide que la décision à l’examen comporte une erreur de droit ou une conclusion sur les faits déraisonnable, elle est habilitée à annuler la décision et à renvoyer l’affaire devant une autre instance, selon les modalités qu’elle juge appropriées. Il est également possible de surseoir à l’exécution de la mesure de renvoi en attendant l’issue d’une demande présentée à la Cour fédérale. Les affirmations du requérant selon lesquelles le contrôle judiciaire est inefficace, coûteux et qu’il a peu de chances d’aboutir sont totalement infondées. De simples doutes quant à l’utilité d’un recours ne dispensent pas le requérant de l’obligation d’épuiser ce recours, et il n’est généralement pas du ressort du Comité d’évaluer les perspectives de succès d’un recours interne. Finalement, le requérant n’a pas démontré, ni même prétendu, qu’il n’avait pas les moyens financiers de demander un contrôle judiciaire.

4.6Deuxièmement, l’État partie fait valoir que l’affirmation du requérant selon laquelle son renvoi en Inde porterait atteinte à l’article 3 de la Convention est manifestement infondée. Les allégations du requérant relatives au risque encouru ont été minutieusement examinées par plusieurs instances nationales. Sa demande de statut de réfugié a été refusée au motif que ses affirmations n’étaient pas dignes de foi. Le requérant n’a pas fourni suffisamment de preuves pour étayer son affirmation selon laquelle il a été soumis à la torture par le passé et, même s’il avait pu prouver que cela avait bien été le cas, ces faits ne se seraient pas produits dans un passé récent, puisque le requérant a quitté l’Inde en 1994. Le requérant n’a pas présenté suffisamment de preuves pour établir qu’il courrait personnellement le risque d’être torturé s’il était renvoyé en Inde. Il est peu probable que le risque auquel il a pu être exposé par le passé dans son village, dans l’État du Pendjab, subsiste aujourd’hui. De plus, rien dans la requête n’indique que les autorités centrales du pays s’intéresseraient à lui au point qu’il n’aurait pas la possibilité de trouver refuge ailleurs dans le pays.

4.7L’État partie maintient que, si le Comité déclarait la requête du requérant recevable, il ferait valoir qu’elle est dénuée de fondement. Le requérant n’a pas établi qu’il courrait personnellement un risque réel et prévisible d’être soumis à la torture s’il était renvoyé en Inde.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie

5.1Dans des commentaires en date du 8 août 2016, le requérant demande au Comité d’examiner sa requête au fond et maintient qu’il a épuisé tous les recours internes disponibles et utiles. II affirme que, même si la Cour fédérale du Canada accédait à sa demande de contrôle judiciaire de la décision relative à sa demande de résidence permanente pour considérations d’ordre humanitaire, celui-ci n’aurait pas pour effet de surseoir à son renvoi. Il reconnaît qu’il aurait pu demander le contrôle judiciaire d’autres décisions ayant un effet suspensif sur la mesure de renvoi, mais affirme que cette procédure est coûteuse et inefficace et qu’il était peu probable qu’elle donne satisfaction.

5.2Le requérant affirme qu’il a établi de manière convaincant le bien-fondé, à première vue, de sa communication, et que le rejet injustifié des preuves pertinentes par l’État partie constitue un déni de justice. Il maintient que les attestations médicales, les photographies et les déclarations solennelles qu’il a produites montrent clairement que lui et sa famille ont été soumis à la torture. Il affirme que les sikhs continuent d’être victimes d’actes de brutalité et de torture de la part des autorités dans l’ensemble du pays.

5.3Le requérant rejette l’idée qu’il a la possibilité de trouver refuge ailleurs dans le pays. Il affirme que les services de sécurité indiens le recherchent et que la police le considère comme un soutien terrorisme. Dirigeant politique en vue appartenant au grand parti politique Shiromani Akali Dal (Amritsar/Mann), il est connu dans tout le pays. Toute personne qui quitte une région de l’Inde pour s’installer dans une autre région doit s’inscrire auprès des autorités de police locales, une formalité que le requérant, qui par le passé a été victime d’actesde torture infligés par la police et qui aujourd’hui intéresse celle‑ci, n’oserait pas accomplir.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner tout grief soumis dans une communication, le Comité doit déterminer s’il est recevable au regard l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été et n’est pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.2Le Comité rappelle que, conformément au paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention, il n’examine aucune communication d’un particulier sans s’être assuré que celui-ci a épuisé toutes les voies de recours internes disponibles. Cette règle ne s’applique pas s’il a été établi que les procédures de recours ont excédé des délais raisonnables ou qu’il est peu probable qu’elles donnent satisfaction.

6.3Le Comité prend note de l’observation de l’État partie selon laquelle le requérant n’a pas déposé de demande d’introduire une requête en contrôle judiciaire de la décision relative à l’examen des risques avant renvoi, non plus que de la décision concernant sa demande de résidence permanente pour des considérations d’ordre humanitaire et du refus de surseoir à son expulsion. Le Comité rappelle sa jurisprudence selon laquelle la procédure permettant de demander la résidence pour des considérations d’ordre humanitaire n’est pas un recours utile aux fins de la détermination de la recevabilité au regard du paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention, en ce qu’elle est discrétionnaire et non judiciaire et n’a pas d’effet suspensif sur la mesure de renvoi du demandeur. En conséquence, le Comité considère qu’il n’est pas nécessaire que le requérant épuise la procédure de demande de résidence permanente pour motifs humanitaires aux fins de la recevabilité.

6.4En ce qui concerne le fait que le requérant n’a pas demandé l’autorisation d’introduire une requête en contrôle judiciaire de la décision relative à l’examen des risques avant renvoi, le Comité prend note de l’argument de l’État partie, qui indique que cette décision peut, sous réserve d’autorisation, faire l’objet d’un contrôle judiciaire par la Cour fédérale du Canada, et qu’un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi peut également être accordé dans l’attente de la décision définitive. Au vu des informations figurant dans le dossier, le Comité constate que le paragraphe 4 de l’article 18.1 de la loi sur les cours fédérales dispose que le contrôle judiciaire par la Cour fédérale d’une décision relative à l’examen des risques avant renvoi ne se limite pas aux erreurs de droit et aux simples vices de procédure et que la Cour peut examiner l’affaire au fond (voir par. 4.5). Le Comité constate également que le requérant n’invoque pas d’argument pour étayer son affirmation selon laquelle le contrôle judiciaire d’une décision relative à l’examen des risques avant renvoi ne constitue pas un recours utile. Il se borne à affirmer que cette procédure est très coûteuse et inefficace car ses chances d’aboutir sont faibles. À cet égard, le Comité rappelle que de simples doutes quant à l’utilité d’un recours ne dispensent pas un requérant de l’épuiser et que la Cour fédérale peut, s’il y a lieu, examiner une affaire sur le fond. En conséquence, le Comité estime que le requérant n’a pas épuisé tous les recours internes disponibles car il n’a pas saisi la Cour fédérale d’une demande de contrôle judiciaire de la décision relative à l’examen des risques avant renvoi.

6.5Le Comité rappelle que, pour être recevable au regard du paragraphe 2 de l’article 22 de la Convention et de l’article 113 b) de son règlement intérieur, une requête doit apporter le minimum de preuves requis aux fins de la recevabilité. Il prend note de l’argument de l’État partie selon lequel la communication est manifestement mal fondée, faute d’être suffisamment étayée. À cet égard, le Comité relève l’affirmation du requérant selon laquelle il a été arrêté et torturé en raison de ses activités politiques en 1992 et 1993. Il relève que le requérant n’a obtenu un certificat médical que le 19 novembre 2015, alors que son expulsion vers l’Inde était imminente, soit la veille du jour auquel il a déposé sa requête auprès du Comité. De l’avis du Comité, le fait que le requérant n’avait pas demandé le certificat avant cette date afin de le présenter aux autorités de l’État partie à l’appui de sa demande d’asile affaiblit sensiblement la force probante de ce document. Le Comité fait observer par ailleurs que, bien que le requérant ait été arrêté du fait de ses activités politiques, la police ne l’a pas mis en accusation, n’a pas enregistré son arrestation et l’a remis en liberté contre un pot-de-vin. Le Comité constate en outre que rien dans la requête n’indique que le requérant ait été politiquement actif lors de son long séjour à l’étranger. L’allégation selon laquelle la police indienne estime qu’il apporte son concours à des terroristes sikhs n’est donc étayée par aucune preuve. À cet égard, on comprend mal pourquoi le père du requérant, qui n’a pas signalé avoir rencontré quelque problème que ce soit du fait de ses propres activités politiques au sein du parti Shiromani Akali Dal (Amritsar/Mann), serait arrêté et torturé en raison du retour au pays du requérant, lequel a été absent pendant vingt-trois ans et n’a présenté aucun élément montrant qu’il avait mené une quelconque activité politique. Le Comité constate que les affirmations du requérant, qui ne sont fondées que sur ses propres affirmations concernant des événements passés, ne sont pas suffisantes pour établir qu’il courrait un risque direct d’être torturé s’il était renvoyé en Inde. Compte tenu de ce qui précède, le Comité considère que le requérant n’a pas suffisamment étayé, aux fins de la recevabilité, son affirmation selon laquelle il courrait personnellement un risque réel et prévisible d’être soumis à la torture.

6.6En conséquence, le Comité décide :

a)Que la requête est irrecevable au regard des paragraphes 2 et 5 b) de l’article 22 de la Convention ;

b)Que la présente décision sera communiquée au requérant et à l’État partie.