Nations Unies

CAT/C/62/D/669/2015

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

10 janvier 2018

Français

Original : anglais

Comité contre la torture

Décision du Comité au titre de l’article 22 de la Convention, concernant la communication no 669/2015*,**

Communication présentée par :

Z. W. (représenté par un conseil, Frances Milne)

Au nom de :

Z. W.

État partie :

Australie

Date de la communication :

20 mars 2015 (date de la lettre initiale)

Date de la présente décision :

28 novembre 2017

Objet :

Expulsion vers la Chine

Questions de procédure :

Griefs insuffisamment étayés ; épuisement des recours internes

Questions de fond :

Risque de torture

Article(s) de la Convention :

3

1.1Le requérant est Z. W., de nationalité chinoise, né en 1972 ; il est sous le coup d’une ordonnance d’expulsion de l’Australie vers la Chine. Il affirme que son expulsion constituerait une violation par l’Australie des droits qu’il tient de l’article 3 de la Convention contre la torture. Le requérant est représenté par un conseil.

1.2Le 23 mars 2015, le Comité, par l’intermédiaire de son Rapporteur chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires, a décidé de demander des mesures provisoires au titre du paragraphe 1 de l’article 114 de son règlement intérieur et a prié l’État partie de ne pas expulser le requérant vers la Chine tant que sa requête serait à l’examen.

Exposé des faits

2.1Le requérant se présente comme un ancien haut fonctionnaire du Bureau des affaires de Taïwan du Conseil des affaires de l’État, un ministère du Gouvernement chinois. Son rôle consistait à favoriser l’expansion des sociétés commerciales chinoises.

2.2Le 18 novembre 2009, la fille du requérant, alors âgée de 3 ans, aurait été enlevée par la police du district de Haidan, à Beijing, alors qu’elle se trouvait chez la mère du requérant. Le requérant a fait appel à un service de sécurité privé, qui a retrouvé sa fille le 19 septembre 2010. La mère du requérant, qui avait été assommée et blessée par les ravisseurs, est partie rejoindre la sœur du requérant en Australie.

2.3Le 28 octobre 2010, le requérant s’est rendu en Australie, avec un visa de tourisme valable un an, pour rendre visite à sa mère et à sa sœur, qui a la nationalité australienne. Sa fille est restée en Chine chez son père. Pendant son séjour, le requérant aurait reçu un courrier électronique de Beijingcontenant des photographies et une carte du lieu où il résidait en Australie, ce qui laissait penser qu’il était surveillé. Le 9 novembre 2010, il aurait reçu un courrier électronique d’un ami l’informant que la police du district de Haidan avait émis un mandat d’arrêt contre lui et qu’il était soupçonné d’avoir commis une infraction pénale.

2.4Le 10 décembre 2010, le Ministère australien de l’immigration et de la citoyenneté a reçu des informations provenant du bureau de Beijing du Ministère australien des affaires étrangères et du commerce selon lesquelles le requérant avait l’intention d’enlever sa fille à son épouse et de demander une protection en Australie en se servant de faux documents. Le requérant note que ces informations étaient fausses, car sa fille était restée en Chine pendant qu’il était en Australie.

2.5Le 19 décembre 2010, le magazine en ligne « Boxun News » a publié un article selon lequel 300 millions de dollars des États-Unis avaient disparu des comptes du Bureau des Affaires de Taïwan du Gouvernement chinois, suggérant que le requérant aurait joué un rôle dans le détournement des fonds.

2.6En décembre 2010, à une date non précisée, le requérant aurait reçu un appel téléphonique d’un ressortissant chinois travaillant pour le Gouvernement chinois, qui lui aurait proposé de virer 500 000 yuan (environ 80 000 dollars des États-Unis) sur son compte bancaire en Australie et de lui fournir un passeport européen, ce qu’il aurait refusé.

2.7Le 27 janvier 2011, alors qu’il revenait des Fidji, le requérant a été arrêté à l’aéroport de Sydney et interrogé par des agents des services de l’immigration. Le 28 janvier 2011, son visa de tourisme a été annulé, et il a été transféré au centre de détention pour immigrants de Villawood, à Sidney, d’où il est sorti le 17 mai 2012. Pendant sa détention, il s’est vu prescrire des médicaments pour traiter un diabète et une psychose. En décembre 2012, il a été hospitalisé pendant trois semaines et a subi des examens dont il est ressorti qu’il ne souffrait d’aucune de ces maladies. Les autorités du centre de Villawood lui ont tout de même demandé de poursuivre les traitements. Le requérant affirme qu’il a depuis lors développé un diabète et que sa santé mentale est perturbée tant par les médicaments que par sa peur de retourner en Chine.

2.8Le 31 janvier 2011, le requérant a déposé une demande de visa de protection, qui a été rejetée le 11 avril 2011 par un représentant du Ministère de l’immigration et de la citoyenneté. Le représentant a estimé que le requérant avait décrit une série de circonstances et un climat d’intrigues peu crédibles, et ne craignait pas réellement de subir un préjudice, et qu’il n’y avait pas non plus un risque réel de persécution.

2.9Le requérant a sollicité un contrôle juridictionnel de cette décision. Le 2 juin 2011, le Tribunal fédéral de première instance (renommé depuis lors Tribunal de circuit fédéral) a rejeté sa demande au motif qu’il n’avait pas dit la vérité sur plusieurs points et avait fourni des informations contradictoires, notamment en ce qui concernait sa situation matrimoniale, les personnes chez qui se trouvait sa fille en Chine, la nature de l’appel téléphonique qui l’avait informé du mandat d’arrêt qui aurait été émis contre lui en Chine et l’identité de son auteur. Le tribunal a en outre estimé que le requérant avait agi de mauvaise foi en ne déposant une demande de protection que lorsqu’il avait appris que son visa de tourisme était annulé. Le Tribunal a conclu à une erreur juridictionnelle dans la décision du représentant du Ministère, qui n’avait pas communiqué à l’intéressé les informations reçues sur les allégations relatives à l’enlèvement de sa fille et sur sa tentative d’entrer à nouveau en Australie avec de faux documents. De plus, le Tribunal a relevé que le requérant n’avait eu accès à un avocat qu’après deux heures d’entretien. Le Ministre n’a toutefois pas fait droit à la demande de l’intéressé, car il a estimé que celui-ci avait agi de mauvaise foi. Le requérant estime que le Tribunal a commis des erreurs, d’une part en divulguant dans le jugement des informations personnelles sur lui et sur sa fille, et d’autre part en indiquant qu’il avait un passeport taïwanais et non un passeport chinois.

2.10Le requérant a fait appel du jugement, faisant valoir, entre autres, que le Tribunal fédéral de première instance avait commis une erreur en estimant que sa mauvaise foi présumée était une raison suffisante pour annuler son visa. Le 20 octobre 2011, la Cour fédérale australienne a estimé que les affirmations du requérant relatives à une erreur judiciaire étaient sans fondement et a rejeté son appel.

2.11En 2011 et 2012, le père du requérant, resté en Chine, aurait reçu plusieurs visites de la police locale, qui lui aurait demandé de remettre la fille du requérant en échange de l’annulation du mandat d’arrêt contre son fils, ce qu’il aurait chaque fois refusé. De plus, en mars 2011, les maisons, les véhicules et les quatre comptes bancaires du requérant ont été saisis.

2.12Le divorce entre le requérant et son épouse a été prononcé par un tribunal chinois en janvier 2012.

2.13Le 27 février 2012, le Tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés a rejeté la demande d’examen au fond du refus du représentant du Ministère d’accorder au requérant un visa de protection. Il a estimé que les affirmations du requérant n’étaient pas plausibles et relevé que ce n’était qu’après avoir appris l’annulation de son visa de tourisme que celui-ci avait demandé une protection. Le Tribunal a en outre trouvé que le requérant avait une propension à embellir considérablement ses affirmations à chaque étape de la procédure, ce qui, conjugué au fait qu’il n’avait pas cherché plus tôt à obtenir une protection, nuisait à sa crédibilité. Le Tribunal a examiné les griefs du requérant selon lesquels la divulgation dans le jugement du Tribunal de première instance du nom et de la date de naissance de sa fille, ainsi que d’informations sur son passeport et sa demande de protection, l’avaient mis en danger, mais a estimé que rien ne permettait d’affirmer que les autorités chinoises avaient eu connaissance du jugement et qu’en tout état de cause, l’identité du requérant n’était pas indiquée dans le jugement. En outre, même si les autorités chinoises avaient découvert que le requérant avait demandé une protection en Australie, il n’y avait pas suffisamment d’éléments pour conclure que cela le mettrait en danger en Chine.

2.14Le 19 mars 2012, le requérant a demandé le réexamen de la décision du Tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés. Le 31 mai 2012, le Tribunal fédéral de première instance a estimé que le Tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés n’avait pas prévenu le requérant que la crédibilité de ses affirmations était en cause, et a renvoyé l’affaire à ce Tribunal pour réexamen.

2.15Le 8 avril 2013, le Tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés a une seconde fois confirmé la décision négative rendue par le représentant du Ministère. Il a estimé que le requérant n’était pas crédible et a en particulier rejeté ses allégations concernant son passé professionnel, sa situation matrimoniale, la profession de sa mère, sa persécution par les autorités chinoises – y compris le mandat d’arrêt émis contre lui –, sa crainte d’être accusé de détournement de fonds publics et d’être poursuivi et exécuté s’il retournait en Chine, la surveillance dont il faisait l’objet en Australie de la part des autorités chinoises, le fait qu’il aurait reçu de l’argent et qu’on lui aurait dit de ne plus retourner en Chine, et l’enlèvement de sa fille par les autorités chinoises en 2009. Le Tribunal a en outre estimé que l’affirmation faite par le requérant à la seconde audience, selon laquelle il prévoyait d’obtenir la garde de sa fille pour la faire venir en Australie, n’était pas compatible avec sa demande de protection, en particulier avec ses allégations concernant sa persécution par les autorités chinoises. De plus, les déclarations répétées du requérant, selon lesquelles il n’aurait pas fait de demande de protection si son visa de tourisme n’avait pas été annulé, n’étaient pas cohérentes avec sa demande de protection motivée par les événements dans lesquels il aurait été impliqué en Chine. Le Tribunal a relevé que si le requérant avait voulu demander une protection, il n’aurait pas quitté l’Australie le 24 janvier 2011 pour passer trois jours aux Fidji avant de revenir car son visa de tourisme ne lui permettait pas de rester sur le territoire plus de trois mois d’affilée. Le Tribunal a conclu que les actions du requérant montraient qu’il ne craignait pas de subir un préjudice s’il retournait en Chine, et n’avait donc pas besoin d’une protection internationale. Il a en outre rejeté les allégations du requérant selon lesquelles la divulgation de certaines informations personnelles dans le jugement signifiait que les autorités chinoises sauraient qu’il avait demandé un visa de protection, et le considéreraient comme un espion taïwanais. Le Tribunal a fondé sa conclusion sur le manque global de crédibilité du requérant.

2.16Entre décembre 2012 et la mi-2013, le requérant aurait reçu sur son téléphone portable plusieurs appels d’une chinoise, K. Z., fonctionnaire de haut rang au Ministère de la sécurité intérieure et directrice d’une brasserie allemande, qui lui aurait demandé de créer avec elle une entreprise d’importation de bière à destination du marché chinois. Il a décliné cette offre.

2.17Le 9 juin 2013, la fille du requérant a été enlevée une seconde fois. Le requérant s’est servi de l’équivalent chinois de Twitter pour la rechercher, mais sans succès. Il affirme que ses publications sur ce média ont été supprimées à plusieurs reprises par les autorités chinoises, mais qu’il a continué à publier de nouvelles informations et qu’il avait des milliers d’abonnés. La Croix-Rouge australienne a proposé de rechercher sa fille, mais sans succès. Quand K. Z. a appris que la Croix-Rouge avait posé des questions, elle est entrée dans une colère noire et a dit au requérant que si la Croix-Rouge était impliquée, elle ne pourrait plus garantir sa sécurité, et qu’il était absolument inacceptable que la Croix-Rouge essaie de mener des recherches en Chine pour retrouver sa fille.

2.18Le 16 juin 2013, R., un Chinois de Melbourne, aurait rendu visite au requérant et lui aurait offert 500 000 dollars australiens en espèce pour s’associer avec lui. Le requérant aurait refusé, et c’est en vain que R. lui aurait par la suite téléphoné pour insister.

2.19Le 19 juillet 2013, le requérant a reçu un SMS d’un ressortissant chinois disant travailler pour le Gouvernement chinois, qui l’avertissait qu’il devait se faire discret en Australie. Il soupçonne son psychologue d’avoir communiqué son numéro de téléphone aux autorités chinoises.

2.20Le 10 mars 2014, la Cour fédérale d’Australie a rejeté la demande de contrôle juridictionnel de la seconde décision du Tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés, arguant que cette décision ne contenait pas d’erreur de droit. Le requérant a formé un appel, qui a été rejeté le 27 juin 2014. Enfin, le 5 mars 2015, sa demande d’autorisation spéciale de recours devant la Haute Cour d’Australie a été rejetée.

2.21Le requérant a aussi déposé deux demandes d’intervention ministérielle au titre des articles 48B et 417 de la loi de 1958 relative à l’immigration ; ce dernier article permet au Ministre de l’immigration et de la protection des frontières d’intervenir s’il estime que l’intérêt public l’exige. Ces requêtes ont été rejetées respectivement le 21 août 2014 et le 5 novembre 2015.

Teneur de la plainte

3.1Le requérant affirme que son renvoi en Chine constituerait une violation des droits qu’il tient de l’article 3 de la Convention. Il fait valoir qu’en publiant de fausses informations concernant son passeport, le Tribunal fédéral de première instance lui a fait courir un risque grave d’être considéré comme un agent taïwanais et donc d’être accusé de trahison, emprisonné et exécuté s’il était renvoyé en Chine. Bien que le Tribunal ait publié une version corrigée du jugement, les informations incorrectes ont été disponibles pendant trois mois, et les autorités chinoises ont pu y avoir accès.

3.2Le requérant soutient qu’après sa détention dans le centre pour immigrants, le Gouvernement chinois a tenté de le faire travailler pour lui en Australie dans le but d’obtenir des informations sur des hommes et des femmes d’affaires auxquels il s’intéressait. Le requérant donne les noms de personnes qui ont pris contact avec lui dans ce but à diverses occasions, et lui ont offert d’importantes sommes d’argent. Il affirme que l’enlèvement de sa fille entre dans le cadre des tentatives du Gouvernement chinois pour le recruter. Il affirme également qu’on l’a menacé de ne jamais revoir sa fille, s’il ne se tenait pas à carreau.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et le fond

4.1Dans sa lettre en date du 23 décembre 2015, l’État partie affirme que la communication est irrecevable car les allégations du requérant sont manifestement infondées.

4.2L’État partie note que les allégations du requérant − à l’exception de celles évoquées au paragraphe 4.5 ci-dessous − ont été examinés de manière approfondie par ses instances administratives et judiciaires, notamment par le Ministère de l’immigration et de la protection des frontières et, à deux occasions, par le Tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés. Les deux décisions rendues par ce dernier ont fait l’objet d’un contrôle juridictionnel. C’est au terme de solides procédures internes qu’il a été déterminé que les allégations du requérant n’étaient pas crédibles et ne justifiaient pas l’octroi d’une protection au titre de l’article 3 de la Convention. L’État partie rappelle l’observation générale no 1 du Comité sur l’application de l’article 3, selon laquelle le Comité n’est pas un organe d’appel ni un organe juridictionnel.

4.3La demande de visa de protection du requérant a été rejetée parce que les autorités compétentes ont estimé qu’il n’avait pas dit la vérité au sujet des raisons pour lesquelles il s’était rendu en Australie et y était resté. Son allégation selon laquelle sa femme a soudoyé la police chinoise pour qu’elle kidnappe sa fille en 2009 a également été rejetée. Le représentant du Ministère a conclu que le requérant cherchait à échapper à une certaine situation en Chine, qui pouvait concerner sa participation, en tant que témoin ou en tant que suspect, à une enquête sur une affaire de corruption, et que ses affirmations concernant sa femme et sa fille servaient à appuyer ses allégations en suggérant l’existence d’un complot.

4.4L’État partie note que, le 17 mai 2012, le requérant a été libéré du centre de détention pour immigrants et s’est vu accorder un visa provisoire. Le 23 mars 2015, il a de nouveau été arrêté.

4.5L’État partie note que plusieurs griefs soumis au Comité n’ont pas été expressément soulevés devant les autorités nationales. Par exemple, le requérant affirme que son père a reçu plusieurs visites de la police de Beijing en 2011 et 2012, tandis que lors de la première audience devant le Tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés, il a dit que la police avait été en contact avec son père, et l’avait menacé. Il a suggéré qu’il y avait une collusion entre les autorités australiennes et chinoises, sans étayer cette affirmation. Il n’a jamais dit devant les juridictions internes qu’on lui avait administré des médicaments contre son gré.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie

5.1Dans sa lettre en date du 12 décembre 2016, le requérant indique que le 7 juillet 2016, son père a obtenu un visa permanent pour rejoindre son épouse en Australie. Le 7 octobre 2016, le requérant a été remis en liberté pour la seconde fois et s’est vu délivrer un visa de visiteur de six mois. Aucune explication ne lui a été donnée quant aux raisons pour lesquelles ce visa lui a été accordé. Le requérant indique également que, quelques jours après sa libération, il a été contacté par un agent des services de l’immigration qui a conseillé que sa sœur demande un visa permanent pour lui au titre du regroupement familial.

5.2Le 18 octobre 2016, le requérant a déposé une nouvelle demande d’intervention ministérielle.

5.3Le 15 novembre 2016, le requérant a déposé une demande de permis de résident permanent au titre du regroupement familial. Le même jour, il a obtenu un visa temporaire lui permettant de rester en Australie jusqu’à vingt-huit jours après la décision concernant sa demande.

5.4A une date non précisée, le requérant a pris contact avec le consulat de Chine à Sidney afin de faire renouveler son passeport, qui avait expiré en avril 2017. Le personnel du consulat l’a informé qu’ils ne pouvaient pas renouveler son passeport, car il était entré illégalement en Australie. Le requérant indique que sa situation juridique ne lui permet pas de retourner en Chine, et que les autorités australiennes n’ont pas encore déterminé si un visa de résident permanent lui serait délivré afin qu’il puisse rester en Australie. Il demande donc au Comité de maintenir les mesures provisoires jusqu’à ce qu’une décision ait été prise concernant sa demande de permis.

Observations complémentaires des parties

6.Dans une lettre datée du 12 janvier 2017, l’État partie indique que, puisque la demande de visa de résident permanent du requérant (en tant que dernier membre de la famille vivant hors d’Australie) est toujours pendante, les recours internes n’ont pas été épuisés.

7.Le 23 juillet 2017, le requérant a informé le Comité que sa demande de permis de résident permanent avait été rejetée par le Ministère de l’immigration et la protection des frontières, alors qu’un agent de ce ministère lui avait conseillé de déposer une telle demande.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

8.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une requête, le Comité doit déterminer si celle-ci est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été et n’est pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

8.2Le Comité rappelle que, conformément au paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention, il n’examine aucune requête émanant d’un particulier sans s’être assuré que le requérant a épuisé tous les recours internes disponibles. Cette règle ne s’applique pas s’il a été établi que les procédures de recours ont excédé des délais raisonnables ou qu’il est peu probable que le requérant obtienne réparation par ce moyen. Le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel les recours internes n’étaient pas épuisés tant que la demande de permis de résident permanent du requérant était à l’examen. Il constate toutefois que cette demande a été rejetée le 23 juillet 2017. Il estime en conséquence que les dispositions du paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention ne l’empêchent pas de procéder à l’examen de la requête quant au fond.

8.3Le Comité prend note de l’affirmation du requérant selon laquelle la présence d’informations inexactes concernant son passeport dans le jugement prononcé par le Tribunal fédéral de première instance lui fait courir le risque d’être considéré comme un agent de Taïwan et donc d’être accusé de trahison, emprisonné et exécuté s’il était renvoyé en Chine.

8.4Le Comité rappelle que, pour être recevable en vertu de l’article 22 de la Convention et de l’article 113 b) de son Règlement intérieur, une requête doit apporter le minimum d’éléments de preuve requis aux fins de la recevabilité. En l’espèce, le Comité note qu’une version corrigée du jugement en question a été publiée le 13 janvier 2012. En outre, ce grief a été examiné deux fois par le Tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés, qui n’a trouvé aucun élément permettant de penser que les autorités chinoises avaient eu connaissance du jugement en question, et qui a relevé qu’en tout état de cause, l’identité du requérant n’avait pas été divulguée dans le jugement. Dans ces circonstances, le Comité conclut que le requérant n’a pas soumis d’arguments convaincants montrant que l’évaluation faite par le Tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés a été arbitraire, n’a pas observé les garanties d’une procédure équitable ou n’a pas respecté les droits du requérant.

8.5Le Comité prend note les allégations du requérant concernant les tentatives des autorités chinoises pour l’infiltrer dans les milieux d’affaires en Australie, et l’enlèvement de sa fille qui en aurait résulté. Il note que le requérant a décrit plusieurs tentatives infructueuses d’agents chinois inconnus qui lui ont proposé d’importantes sommes d’argent et d’autres avantages s’il acceptait de traiter avec eux. Le requérant n’a toutefois pas fourni d’informations détaillées ou d’éléments de preuves à l’appui de ses allégations à propos de ces faits, apparemment sans lien entre eux et très espacés, survenus en décembre 2010 et entre décembre 2012 et juillet 2013, ou expliqué en quoi ces faits prouveraient l’existence d’un risque de violation de l’article 3 de la Convention dans le cas où il serait renvoyé en Chine.

8.6Enfin, le Comité observe que le requérant invoque dans ses allégations une persécution constante de la part des autorités chinoises, qui résulterait de son ancien travail pour le Gouvernement chinois. Il note toutefois que les allégations du requérant à ce sujet ont été examinées à plusieurs reprises par les autorités australiennes, notamment par l’ancien Tribunal de première instance fédéral, et, à deux occasions, par le Tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés. Ces organes ont estimé que les affirmations du requérant étaient incohérentes et contradictoires sur plusieurs points fondamentaux, notamment sa profession et celle de sa mère, sa situation matrimoniale, l’enlèvement allégué de sa fille et le mandat d’arrêt qui aurait été émis contre lui. Se fondant sur ces éléments et sur le fait que l’intéressé n’a déposé une demande de visa de protection qu’une fois son visa de tourisme annulé et après son voyage aux Fidji, ces organes sont parvenus à la conclusion qu’il n’y avait aucune raison de penser que le requérant courrait un risque en cas de renvoi vers la Chine.

8.7Compte tenu de tout ce qui précède, le Comité estime que le requérant n’a pas démontré, aux fins de la recevabilité, l’existence d’un risque d’une violation de l’article 3 de la Convention s’il est renvoyé en Chine, et conclut, en application de l’article 22 de la Convention et de l’article 107 b) de son règlement intérieur, que la requête est manifestement infondée.

9.En conséquence, le Comité décide :

a)Que la requête est irrecevable en vertu de l’article 22 de la Convention ;

b)Que la présente décision sera communiquée au requérant et à l’État partie.