Nations Unies

CED/C/MEX/VR/1 (Findings)

Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées

Distr. générale

18 mai 2022

Français

Original : espagnol

Anglais, espagnol et français seulement

Comité des disparitions forcées

Rapport du Comité des disparitions forcées sur la visite qu’il a effectuée au Mexique en application de l’article 33 de la Convention * , * * , * * *

Informations sur la visite et constatations (art. 33, par. 1)

I.Déroulement de la visite et coopération de l’État partie

1.En 2013, le Comité, agissant conformément aux dispositions de l’article 33 de la Convention, a demandé à pouvoir effectuer une visite au Mexique. Le 30 août 2021, à l’issue de trois années d’échanges, l’État partie a accédé à cette demande en témoignage de sa volonté de transparence, montrant ainsi qu’il était prêt à se soumettre à l’examen de la communauté internationale et à recevoir son appui.

2.La délégation du Comité, composée de quatre de ses membres, s’est rendue au Mexique du 15 au 26 novembre 2021. À l’issue de sa visite, elle a tenu une conférence de presse, au cours de laquelle elle a mis en évidence certaines des constatations qu’elle avait pu faire pendant son séjour, sans préjudice de l’adoption du présent rapport (annexe 1).

3.Le Comité remercie l’État partie de sa coopération et de son aide, avant et pendant la visite, sans lesquelles il n’aurait pas pu mener à bien son programme de travail. La délégation s’est rendue dans 13 entités fédérées, à savoir la ville de Mexico et les États de Chihuahua, de Coahuila, de Mexico, de Guanajuato, de Guerrero, de Jalisco, de Morelos, de Nayarit, de Nuevo León, de Sinaloa, de Tamaulipas et de Veracruz. Elle a rencontré les représentants de plus de 85 instances législatives, exécutives et judiciaires ainsi que d’organismes autonomes, à la fois aux niveaux fédéral et étatique ; elle a tenu des réunions avec des dizaines de collectifs de victimes, des centaines de victimes et des organisations de la société civile, issues de 31 des 32 entités fédérées. Aux côtés de ces collectifs, elle a assisté à des exhumations et participé à des journées de recherches dans les États de Coahuila, de Mexico et de Morelos. La délégation a aussi visité le centre régional d’identification médico-légale de Coahuila et différents lieux de privation de liberté, aux niveaux fédéral et étatique, et centres de rétention pour migrants (voir la liste des réunions à l’annexe 2). Le Comité se félicite que tous les interlocuteurs aient été ouverts au dialogue et aient fourni des informations et des documents particulièrement utiles. Il remercie le Bureau du Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme au Mexique pour son aide avant et pendant la visite. Enfin, il tient à remercier tout particulièrement les familles et les proches des personnes disparues pour leurs témoignages, avis et propositions, et à appeler l’attention sur leur mobilisation et leur combat au quotidien.

4.Le Comité tient à souligner que certains agents des administrations fédérales et étatiques avaient de l’empathie pour les victimes, et étaient prêts à reconnaître la gravité du problème des disparitions forcées au Mexique et à mettre fin à cette situation. L’appui aux recherches, aux enquêtes et à l’obtention de mesures de réparation, et la création d’espaces de dialogue avec les victimes sont des mesures clefs, qui doivent être reconnues et généralisées. Il est impératif que les fonctionnaires de l’État agissent tous avec le même sens de la responsabilité et la même détermination en faveur des familles et des proches de personnes disparues qui, aujourd’hui encore, espèrent retrouver un être cher.

II.Cadre juridique et institutionnel

5.Le Comité se félicite des grandes avancées réalisées par l’État partie d’un point de vue normatif, institutionnel et jurisprudentiel. Comme dans ses observations finales de 2016 et ses observations de 2018, le Comité souligne combien il est important d’adopter la loi générale relative aux disparitions forcées, aux crimes de disparition commis par des particuliers et au Système national de recherche de personnes et la loi générale relative aux victimes ainsi que de créer un registre national des personnes disparues et non localisées. Il accueille avec satisfaction la réactivation du Système national de recherche de personnes, la création de commissions locales de recherche et des parquets spécialisés dans l’instruction des affaires de disparition forcée, l’adoption du Protocole homologué de recherche des personnes disparues et non localisées et du Protocole additionnel de recherche des enfants et adolescents, et la possibilité donnée aux personnes qui participent aux recherches de bénéficier du mécanisme de protection des défenseurs des droits de l’homme et des journalistes.

6.Le Comité se félicite de la création de centres et de services d’identification médico‑légale (par exemple, le centre régional d’identification médico-légale de Coahuila, le complexe de services médico-légaux de Nogales (Veracruz), la direction de l’identification médico-légale de Jalisco et les morgues de Guerrero, de Tamaulipas et d’autres localités) ainsi que de la mise en place d’un mécanisme extraordinaire d’identification médico‑légale et de son groupe de coordination.

7.En outre, le Comité se félicite de la création, à l’initiative du Président, de la commission pour l’accès à la vérité, la clarification du passé et la promotion de la justice, en réaction aux violations graves des droits de l’homme commises entre 1965 et 1990, et de la création de la commission présidentielle chargée de l’affaire des disparus d’Ayotzinapa. Il se félicite aussi de la création de l’unité spéciale d’enquête et de poursuite dans l’affaire des disparus d’Ayotzinapa ainsi que de l’existence du mécanisme transnational d’accès à la justice pour les migrants et du groupe de recherche des migrants disparus, dans le cadre du Système national de recherche de personnes.

8.Ce cadre normatif et institutionnel met en place des instruments très prometteurs, dont l’application effective doit être une priorité dans la lutte contre les disparitions forcées.

9.Il convient de souligner que l’État partie a reconnu la compétence du Comité pour l’examen de communications émanant de particuliers, conformément à l’article 31 de la Convention. Le Comité accueille avec satisfaction la décision de la Cour suprême de justice par laquelle celle-ci reconnaît le caractère contraignant des recommandations formulées par le Comité dans le contexte de la procédure d’action en urgence, prévue par l’article 30 de la Convention. Dans cette décision, la Cour suprême de justice affirme que les compétences du Comité pour l’engagement et le suivi d’une action en urgence s’inscrivent indéniablement dans le contenu normatif de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et doivent donc être considérées comme faisant partie des dispositions que le Mexique a acceptées en signant, ratifiant et transposant en droit interne la Convention. Autrement dit, l’État mexicain a approuvé et reconnu en droit interne ces attributions et compétences ainsi que les décisions prises dans l’exercice de ces attributions et compétences. Le Comité se félicite en outre que la Cour suprême de justice considère la recherche d’une personne disparue comme une obligation impérieuse, à laquelle les institutions doivent satisfaire par tous les moyens à leur disposition et en faisant preuve de toute la coordination nécessaire.

III.Contexte et tendances observées

A.Le phénomène des disparitions au Mexique

10.Le registre national des personnes disparues et non localisées, géré par la Commission nationale de recherche du Ministère de l’intérieur, est le seul registre opérationnel parmi ceux qui sont prévus par la loi générale relative aux disparitions forcées, aux crimes de disparition commis par des particuliers et au Système national de recherche de personnes. Il permet de prendre la mesure du problème des disparitions au Mexique. Selon les chiffres officiels disponibles au 26 novembre 2021, on recensait 95 121 personnes disparues, dont 112 auraient disparu pendant la visite du Comité.

11.Selon les informations communiquées au Comité, le nombre des disparitions a augmenté sensiblement dans l’État partie entre 2006 et 2021. De fait, plus de 98 % des disparitions sont survenues pendant cette période (annexe 3). Ces données mettent en évidence le lien étroit entre l’augmentation du nombre des disparitions et ce que l’on appelle la « guerre de la drogue ». En réaction à cette « guerre », qui avait débuté au cours de sa présidence (2006-2012), Felipe Calderón avait adopté une politique consistant à faire appel aux forces armées pour le maintien de l’ordre public, laquelle a été maintenue, voire renforcée, par la suite. Pendant la deuxième moitié du XXe siècle, les disparitions avaient surtout servi de moyen de répression, notamment de l’opposition politique, aux représentants de l’État et aux forces armées. À partir de 2006, les auteurs de disparitions forcées, leurs victimes et leurs modalités se sont beaucoup diversifiés.

12.Le Comité note que, selon les informations communiquées par l’État partie, le nombre de disparitions a diminué ces deux dernières années (annexe 3). Cependant, il constate que, selon les informations disponibles, les disparitions sont souvent signalées un an à deux ans après leur commission, ce qui limite les possibilités de tirer des conclusions solides de l’analyse des chiffres les plus récents.

13.Le Comité a reçu, de la part à la fois des autorités et des victimes, des informations préoccupantes selon lesquelles des disparitions forcées sont commises dans la plupart des entités fédérées (annexe 4). Des disparitions continuent d’être directement le fait de fonctionnaires, aux niveaux fédéral, étatique et municipal. Cependant, les disparitions sont maintenant surtout commises par des groupes criminels organisés, avec la complicité, à des degrés divers, de fonctionnaires, par participation, consentement ou omission.

14.Les personnes disparues restent majoritairement des hommes âgés de 15 à 40 ans (annexe 5), mais les statistiques officielles montrent une augmentation sensible du nombre de disparitions d’enfants et d’adolescents de 12 ans et plus, et de femmes ; cette tendance s’est renforcée dans le contexte de la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19) (annexe 6). Ces disparitions seraient liées à des soustractions d’enfants (à l’intérieur ou à l’extérieur de la famille), des actes de violence sexuelle et féminicides, des enrôlements et des actes de représailles. Les victimes et les autorités ont aussi signalé le lien entre des disparitions et la traite d’êtres humains et l’exploitation sexuelle.

15.Le Comité est vivement préoccupé par la situation des femmes que les disparitions contraignent généralement à devenir chefs de famille et qui s’emploient par leurs propres moyens à rechercher leurs disparus, tout en subissant les graves effets socioéconomiques de ces disparitions, et qui, en outre, sont souvent stigmatisées, persécutées, victimes d’actes de violence, d’extorsion et de représailles.

16.Le Comité est également préoccupé par la situation des défenseurs des droits de l’homme, pour lesquels les agressions sont une réalité quotidienne et dont certains ont disparu parce qu’ils avaient participé à des recherches ou lutté contre les disparitions. De plus, il constate avec inquiétude qu’entre 2003 et 2021, plus d’une trentaine de journalistes ont été victimes de disparitions forcées. Aucun d’eux n’a été retrouvé, les enquêtes ouvertes sur leurs disparitions n’ont pas avancé ou les poursuites engagées contre les responsables n’ont pas abouti. Cette situation met sérieusement en péril la liberté d’expression et le droit à l’information.

17.Au cours de sa visite, le Comité a reçu des allégations de disparition dans le milieu carcéral. Par exemple, une femme a signalé la disparition de sa fille, alors que celle-ci venait rendre visite à son conjoint détenu. Elle dit l’avoir accompagnée jusqu’à l’entrée du centre de détention et l’avoir attendue. Sa fille n’était jamais ressortie du bâtiment. Lorsque la mère avait demandé où se trouvait sa fille, les autorités pénitentiaires avaient répondu n’avoir aucune information à son sujet.

18.Ont aussi été portées à la connaissance du Comité des allégations selon lesquelles les placements en détention, dans des établissements pénitentiaires ou des centres pour migrants, et les transfèrements de détenus ne sont pas notifiés immédiatement. Rien ne serait dit aux proches, même lorsqu’ils avaient déposé des demandes afin de savoir où se trouvait la personne placée ou transférée. À cet égard, le Comité rappelle que, selon l’article 2 de la Convention, de tels faits sont constitutifs de disparitions forcées, quelle que soit la durée de la privation de liberté ou de la dissimulation du sort réservé à la personne disparue ou du lieu où elle se trouve.

19.En outre, il est fréquent que les personnes détenues dans des établissements pénitentiaires ou des centres pour migrants aient des difficultés à communiquer avec l’extérieur et à signaler le lieu où elles se trouvent. Dans certains cas, ces personnes se voient refuser la possibilité de téléphoner ; dans d’autres cas, ces appels téléphoniques leur seraient facturés. Lorsqu’elles sont autorisées à appeler leur famille et leurs proches, les personnes détenues ne sont pas toujours autorisées à avoir accès à leurs effets personnels et à leurs téléphones portables pour récupérer les numéros des personnes qu’elles souhaitent contacter. D’une manière générale, le lieu où se trouvent les personnes détenues n’est connu de leurs proches qu’à la condition que l’administration pénitentiaire procède aux notifications requises. Pire, dans le cas des personnes considérées comme disparues après leur placement dans un centre pour migrants, le lieu où elles se trouvent n’est généralement notifié qu’après leur retour dans leur pays d’origine ou leur libération.

20.Le Comité a reçu des informations sur d’autres modes opératoires en matière de disparitions dans le contexte de la migration, dont les massacres de San Fernando, de Cadereyta, de Güemez et de Camargo témoignent de la gravité (annexe 7). Selon des allégations portées à la connaissance du Comité, les auteurs de ces disparitions privent illégalement des migrants de liberté et les détiennent dans des lieux inconnus, puis leur confisquent leurs téléphones portables, dont ils se servent pour appeler les proches de leurs victimes et leur demander de l’argent, parfois avec l’appui ou le consentement de fonctionnaires. En outre, plusieurs personnes ont mentionné au Comité la pratique consistant à reconduire les migrants à la frontière sud du Mexique, lesquels sont alors contraints de retourner dans leur pays par leurs propres moyens, ou à les abandonner à leur sort, sans ressources, dans un lieu inconnu. Dans ce contexte, nombre de migrants ont été victimes d’enlèvement, d’extorsion, de violence sexuelle, de traite et de disparition.

21.Les disparitions frappent aussi les communautés autochtones. Elles surviennent surtout dans le cadre de conflits sociaux et fonciers en lien avec la mise en œuvre de projets miniers ou énergétiques de grande ampleur ou après l’expropriation ou l’accaparement de terres à des fins d’exploitation économique par des groupes criminels organisés ou d’autres acteurs privés, avec la participation ou le consentement, à des degrés divers, de fonctionnaires. En outre, plusieurs victimes ont affirmé que des personnes autochtones avaient disparu avec le consentement de fonctionnaires à l’issue d’enrôlements forcés.

22.Au cours de sa visite, le Comité a reçu des informations concernant la disparition de lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres, intersexes et queers (LGBTIQ+). Ces disparitions auraient été commises par des forces de sécurité ou par des groupes criminels organisés, agissant avec la complicité plus ou moins grande des autorités, et, dans de nombreux cas, à des fins de « nettoyage social » ou d’exploitation sexuelle, souvent après un internement dans des « centres de thérapies de reconversion ».

23.Indépendamment du profil des victimes, il existe des modes opératoires propres à certaines entités fédérées. Par exemple, le Comité note avec préoccupation que le nombre de personnes disparues − essentiellement des conducteurs de poids lourds et leurs passagers − a augmenté au niveau du kilomètre 26 de la route 85 reliant Monterrey à Nuevo Laredo (206 cas entre 2010 et 2021). Il a aussi été informé d’un nombre important de disparitions liées au trafic de combustibles dans le nord du pays ainsi que de la participation d’autorités étatiques et municipales de Nayarit à l’appropriation de biens des personnes disparues. Il a également reçu des allégations selon lesquelles, dans les États de Jalisco et Coahuila, des personnes avaient disparu après leur placement dans des centres de désintoxication.

24.Compte tenu de ce qui précède et après avoir procédé à une analyse approfondie des informations portées à sa connaissance, le Comité reste vivement préoccupé car, en phénomène généralisé, des disparitions continuent d’être commises sur une grande partie du territoire de l’État partie, dans un contexte d’impunité quasiment absolue et de revictimisation.

B.Les disparitions au Mexique : une impunité quasiment absolue

25.Selon les informations communiquées au Comité, au 26 novembre 2021, seulement entre 2 % et 6 % des cas de disparition avaient donné lieu à des poursuites et seulement 36 décisions de justice concernant des disparitions avaient été rendues au niveau national.

26.Face à des faits aussi graves que des disparitions forcées, contre lesquelles il incombe à l’ensemble des pouvoirs publics de lutter, les institutions judiciaires restent, bien des fois, passives. Il en résulte que les victimes ne leur font guère confiance et que nombre de cas ne sont donc pas signalés.

27.Au Mexique, l’impunité est structurelle. Elle favorise la récidive et la dissimulation des actes de disparition forcée, elle perturbe et met en danger les victimes, qui défendent et font valoir leurs droits, les fonctionnaires chargés de rechercher les personnes disparues et d’enquêter sur les disparitions, et la société dans son ensemble. En outre, l’impunité est un facteur de revictimisation et sape les effets de toute initiative visant à prévenir et faire cesser les disparitions forcées. Comme une victime l’a dit au cours de la visite, « l’être humain vit de foi et d’espoir, mais en présence de l’injustice, son âme ne peut trouver le repos ». Il est donc urgent de lutter contre l’impunité dont jouissent les auteurs de disparitions forcées au Mexique.

C.La crise médico-légale : un facteur très préoccupant

28.Le Comité se déclare profondément préoccupé par la crise médico-légale que connaît l’État partie. Selon les données publiques, plus de 52 000 cadavres non identifiés se trouvent actuellement dans des fosses communes, des installations médico-légales, des universités et des morgues. Bien qu’élevé, ce nombre ne tient pas compte des cadavres qui n’ont pas encore été localisés, ni des milliers de fragments de restes humains que les familles et les commissions de recherche extraient chaque semaine de fosses clandestines (voir les photos de l’annexe 8).

29.La ville de Mexico et les États de Baja California, de México, de Jalisco, de Chihuahua, de Tamaulipas et de Nuevo León concentrent 71,73 % des corps non identifiés. Les services médico-légaux n’ont pas des capacités suffisantes et comme il est indiqué ci‑après, plusieurs des instruments prévus par la loi générale n’ont pas encore été mis en place et aucune politique publique ne régit l’identification médico-légale des personnes disparues. Selon les différents experts consultés, dans les conditions actuelles, il faudrait 120 ans pour identifier tous les cadavres − et c’est sans compter ceux qui s’y ajoutent jour après jour.

IV.Une politique nationale visant à prévenir et faire cesser les disparitions forcées est nécessaire

30.Au cours des dernières décennies, les autorités, les victimes, les organisations non gouvernementales nationales et internationales, les universitaires et les acteurs de la coopération internationale ont mis en avant divers projets et politiques publiques visant à lutter contre les disparitions. Cependant, ces mesures se chevauchent, faute d’être appliquées de manière coordonnée, et des inégalités se font jour dans le degré d’engagement et la qualité des interventions.

31. La gravité des disparitions ainsi que la diversité et l’intensité de leurs effets sur les victimes et l ’ ensemble de la société mexicaine imposent l ’ adoption et l ’ application sans délai d ’ une politique nationale visant à les prévenir et les faire cesser. Le Comité prie instamment l ’ État partie de veiller à ce que cette politique nationale donne suite à l ’ ensemble des observations et recommandations qu ’ il a formulées et, d ’ une manière transversale, respecte les normes de diligence raisonnable, suive une démarche différenciée et s ’ inscrive dans une approche fondée sur les droits de l ’ homme.

32. La politique nationale doit être complète, traiter des disparitions forcées de manière à combattre leurs causes et à garantir leur non-répétition. Elle doit prévoir des mesures concrètes ainsi que des indicateurs qui permettent de mesurer le degré d ’ application de ces mesures et les résultats de leur mise en œuvre. Dans cette optique, il conviendra de mettre en place un système de suivi transparent et indépendant à des fins de responsabilisation.

33. Toutes les autorités, fédérales, étatiques et municipales ainsi que les organismes autonomes et de larges secteurs de la société, dont les victimes, les collectifs de victimes et leurs représentants, doivent participer à l ’ élaboration de la politique nationale.

34. Pour sa mise en œuvre, la politique nationale doit pouvoir compter sur la ferme volonté des responsables politiques et l ’ engagement effectif de toutes les autorités publiques.

35. Le Comité recommande à l ’ État partie de faire appel aux organisations et à la communauté internationales pour établir des mécanismes de coopération et de coordination des multiples projets préconisés , dans le cadre de la lutte contre les disparitions. Le Comité considère qu ’ il est urgent que ces projets soient mis en œuvre de manière plus concertée afin d ’ éviter des chevauchements de tâches et de mettre fin aux problèmes de protection existants.

36. Les disparitions ayant un caractère continu , la date de leur survenance ne permet pas à l ’ État partie de déroger aux obligations actuellement mises à sa charge par la Convention . En conséquence, le Comité prie instamment l ’ État partie d ’ appliquer les recommandations formulées dans le présent rapport à la totalité des disparitions survenues sur son territoire, y compris entre 1965 et 1990.

37. Les disparitions forcées commises au Mexique sont l ’ affaire de tous : elles concernent l ’ ensemble de la société et de l ’ humanité. Le Comité réaffirme sa volonté inébranlable d ’ appuyer les initiatives visant à prévenir et faire cesser les disparitions forcées.

V.Les conditions minimales à respecter pour que la politique nationale visant à prévenir et faire cesser les disparitions forcées soit effective et efficace

38.Pour élaborer une politique nationale permettant de prévenir et de faire cesser les disparitions forcées, il convient d’adopter des mesures concrètes pour un ensemble d’objectifs prioritaires donnés. Le Comité subordonne l’application effective et efficace de ces mesures au respect des conditions minimales ci‑après.

A.Reconnaître et prendre en considération la responsabilité des fonctionnaires et éliminer les causes structurelles de l’impunité

39.Tout au long de sa visite, le Comité a entendu ses interlocuteurs formuler diverses hypothèses quant à la responsabilité éventuelle des fonctionnaires dans les disparitions. Le discours officiel dominant consiste à nier ou diluer la responsabilité de l’État en alléguant que les disparitions sont majoritairement commises par des particuliers, généralement en lien avec des groupes criminels organisés. Or, bien d’autres allégations qui ont été communiquées au Comité insistent sur la responsabilité directe ou indirecte de l’État, compte tenu des modes opératoires observés dans le pays. Dans certains cas, la participation directe de fonctionnaires est avancée et étayée par des éléments de preuve solides tels que des photographies, des témoignages ou des enregistrements vidéo. Dans d’autres cas, il est fait mention de l’inaction des autorités et des fonctionnaires face à des risques connus.

40.À cet égard, le Comité rappelle que, selon l’article 2 de la Convention, les États parties sont responsables des disparitions forcées commises par les fonctionnaires, dans quelques circonstances que ce soit. Selon le même article, les États parties sont aussi responsables des disparitions forcées commises par des personnes ou des groupes de personnes, tels que des organisations criminelles, qui agissent avec l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement de l’État. Cela inclut, entre autres, les situations dans lesquelles des organisations criminelles ou des groupes armés sont placés de fait sous le contrôle d’agents de l’État ou reçoivent une quelconque forme d’appui de la part d’agents de l’État, et les situations dans lesquelles les auteurs de disparitions forcées appliquent un mode opératoire connu, sans que l’État prenne les mesures qui s’imposent pour éviter la commission d’autres disparitions ou ouvrir des enquêtes et traduire les auteurs en justice. Il en découle qu’un acte illicite, même si, initialement, il n’est pas directement imputable à un État, peut engager la responsabilité internationale de cet État si celui-ci n’a pas fait preuve de la diligence voulue pour empêcher que cet acte ne soit commis ou pour réagir à cet acte conformément aux obligations mises à sa charge par le droit international, en particulier la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

41.Il ne faut pas pour autant déduire de ce qui précède que les États parties sont exempts de toute responsabilité dans les disparitions commises par des personnes ou des groupes de personnes agissant sans l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement de l’État. Même en pareils cas, la responsabilité des États parties peut être engagée, si ceux-ci n’enquêtent pas sur les disparitions en question et ne poursuivent pas leurs auteurs (art. 3) ou si ces disparitions constituent des crimes contre l’humanité (art. 5). Leur responsabilité est aussi engagée si les personnes disparues ne sont pas recherchées et localisées, et dans l’éventualité de leur décès, si leurs corps ne sont pas rendus dignement à leur famille et à leurs proches ; d’une manière générale, la responsabilité des États parties est engagée lorsqu’ils ne satisfont pas à leurs obligations à l’égard des victimes (art. 24), y compris des enfants (art. 25).

42. Le Comité estime primordial que toutes les autorités reconnaissent les différentes formes de responsabilité de l ’ État partie dans les affaires de disparition et en tiennent compte lors de l ’ élaboration et de la mise en œuvre de la politique nationale visant à prévenir et à faire cesser les disparitions forcées.

43. Le Comité prie instamment l’État partie d’éliminer toutes les causes structurelles de l’impunité. À cette fin, il faut que toutes les institutions judiciaires mettent un terme aux pratiques qui empêchent l’accès à la justice et permettent à la disparition forcée de rester le symbole du crime parfait.

B.Démilitariser les forces de l’ordre

44.Comme cela a déjà été largement admis aux niveaux national et international, la stratégie de maintien de l’ordre appliquée par l’État partie depuis les années 1990 et encouragée par la réforme législative de 2006, qui se caractérise par le recours à l’armée pour lutter contre la criminalité, a été insuffisante et inadaptée pour ce qui est de protéger les droits de l’homme.

45.L’évolution récente des dispositifs normatifs et opérationnels ne représente pas un changement de cap. Trois éléments permettent de l’attester : a) le décret du 26 mars 2019, modifiant l’article 21 de la Constitution et portant création de la Garde nationale en tant que corps de police civile relevant du Secrétariat à la sûreté publique, dont les dispositions transitoires prévoient une large intervention de l’armée et de la marine dans les missions de maintien de l’ordre ; b) le décret présidentiel publié en mai 2020 qui continue de confier des missions de maintien l’ordre aux forces armées, conformément à la cinquième disposition transitoire du décret modifiant la Constitution ; c) la loi relative à la Garde nationale, la loi relative à l’usage de la force et la loi relative au registre de détention, adoptées en 2019. Ces lois permettent de faire largement appel aux forces armées pour des missions de maintien de l’ordre. De fait, les membres de la Garde nationale, au nombre de 101 182, sont issus pour 58 % du Secrétariat à la défense nationale, pour 26 % de l’ancienne police fédérale et pour 16 % du Secrétariat à la marine.

46.La Commission nationale des droits de l’homme a engagé plusieurs procédures auprès de la Cour suprême de justice pour contester la constitutionnalité de diverses modifications législatives. Le 21 octobre 2021, la Cour suprême de justice a établi que la loi relative à l’usage de la force présentait des lacunes et que certaines de ses dispositions étaient invalides. Les autres procédures étaient pendantes au moment de la visite du Comité.

47.Le Comité est préoccupé par la militarisation des forces de l’ordre en raison du risque qu’elle représente pour les droits de l’homme. Selon les données officielles, entre 2007 et 2021, la Commission nationale des droits de l’homme a adressé au Secrétariat à la défense nationale et au Secrétariat à la marine 162 recommandations relatives à des violations graves des droits de l’homme, dont 15 concernaient des disparitions forcées. En 2021, le Secrétariat à la défense nationale et la Garde nationale figuraient parmi les 10 administrations le plus souvent mentionnées dans les affaires de violation des droits de l’homme enregistrées par la Commission nationale des droits de l’homme, et le Secrétariat à la défense et le Secrétariat à la marine étaient parmi les cinq administrations fédérales le plus souvent visées par des recommandations de ladite Commission. L’on peut douter que la participation de l’armée permanente aux missions de maintien de l’ordre, bien que le décret du 11 mai 2021 modifiant la Constitution la présente comme extraordinaire, régulée, contrôlée, subordonnée et complémentaire, respecte les normes constitutionnelles et internationales relatives aux droits de l’homme et à la sécurité des citoyens.

48. Compte tenu de ce qui précède, le Comité prie instamment l ’ État partie de démilitariser les forces de l ’ ordre. La politique publique de sécurité doit être établie dans le plein respect des principes internationaux des droits de l ’ homme et garantir le caractère civil des institutions de sûreté publique, conformément à l ’ article  21 de la Constitution. C ’ est pourquoi le Comité renouvelle sa recommandation invitant l ’ État partie à renforcer le personnel civil de s forces de l ’ ordre et lui demande d’ élaborer un plan visant à retirer les missions de maintien de l’ordre aux forces armées, de façon ordonné e, immédiate et vérifiable .

C.Mettre en évidence le problème des disparitions au Mexique, informer et sensibiliser

49.Les efforts d’enregistrement et d’actualisation des données entrepris par l’intermédiaire du registre national des personnes disparues et non localisées ont grandement contribué à révéler l’ampleur des disparitions au Mexique. Néanmoins, plusieurs des personnes rencontrées ont exprimé leur préoccupation à l’égard des doublons, des données erronées ou des informations incomplèteset ont dit qu’il était difficile de demander des corrections ou des mises à jour.

50.De plus, le Comité note avec préoccupation que le registre national des personnes disparues et non localisées ne permet pas d’établir clairement combien des cas enregistrés pourraient être des cas de disparition forcée. Bien que l’hypothèse d’une disparition forcée ne puisse être confirmée qu’à l’issue d’une enquête, il est essentiel, s’il existe des indices, que ceux-ci soient enregistrés à un stade précoce afin que les cas de disparition soient mis en évidence et que des stratégies efficaces de recherche, d’enquête, de prise en charge des victimes, de réparation et de prévention soient adoptées.

51.Au cours de sa visite, le Comité a constaté que, pour de nombreuses personnes, les disparitions restaient « le problème des autres ». Comme une victime mineure l’a dit : « Je n’aurais jamais imaginé être ici avec vous pour parler de la disparition de ma mère. Je ne pensais pas que cela pouvait arriver et que cela pourrait m’arriver à moi. Ce n’est pas le genre de choses qu’on vous apprend à l’école. Lorsque votre mère disparaît soudainement, vous ne savez pas quoi faire. C’est un cauchemar qui recommence tous les jours ». Ce témoignage montre combien il est urgent d’informer encore plus l’ensemble de la population mexicaine sur la réalité des disparitions et sur le comportement à adopter lorsqu’une personne a disparu. Le Comité se félicite des initiatives menées en ce sens, généralement par des victimes et des organisations de la société civile. Il reste que ces initiatives, certes louables, doivent être accompagnées de mesures de plus large portée.

52. Compte tenu de ce qui précède, le Comité souligne qu ’ il est urgent que les autorités mettent en place des mécanismes adaptabl es, interopérables, efficaces et transparents, qui permettent d ’ intégrer des informations détaillées et actualisées dans le registre national des personnes disparues et non localisées et dans les registres publics ainsi que de supprimer les doublons et de corriger les erreurs de données.

53. Le Comité considère comme une priorité que le registre national des personnes disparues et non localisées soit constamment mis à jour par toutes les institutions concernées et permette de distinguer de manière transparente et fiable les cas dans lesquels il existe des indices de la participation de fonctionnaires ou de personnes ou de groupes de personnes agissant avec l ’ autorisation, l ’ appui ou l ’ acquiescement de l ’ État , afin que les cas de disparition forcée soient clairement mis en évidence. Il faut accompagner l a mise à jour des données d ’ examens réguliers de la situation pour adapter la politique nationale en conséquence .

54. En outre, l ’ État partie doit lancer sans délai une large campagne d ’ information et de sensibilisation, auprès de tous les secteurs de la population, notamment afin de lutter contre la stigmatisation des victimes au quotidien .

55. Il s’agira de diffuser largement, y compris dans les écoles et par la voie des principaux médias, de s messages clairs et accessibles concernant les disparitions, les mécanismes visant à les prévenir et les faire cesser, les résultats obtenus et les difficultés rencontrées.

56. La campagne d ’ information et de sensibilisation doit en outre avoir une portée internationale afin que le problème auquel l ’ensemble de l a société mexicaine fait face soit largement connu et que le partage de données d ’ expérience soit possible.

D.Appliquer dûment le cadre normatif, jurisprudentiel et institutionnel dans tout le pays

57.L’efficacité de toute politique nationale de lutte contre les disparitions forcées passe par la pleine application du cadre normatif, jurisprudentiel et institutionnel par l’ensemble des autorités fédérales, étatiques et municipales. Le Comité prend acte des nombreux instruments dont le Mexique dispose face aux disparitions, mais constate avec préoccupation que leur application est loin d’être satisfaisante. En outre, les efforts notables déployés par certaines autorités en vue de créer et d’appliquer un cadre normatif, jurisprudentiel et institutionnel efficace, propre à prévenir et faire cesser les disparitions, sont fréquemment contrariés par des décisions incompatibles prises par d’autres autorités.

58.Le Comité regrette que, quatre ans après l’entrée en vigueur de la loi générale relative aux disparitions forcées, aux crimes de disparition commis par des particuliers et au Système national de recherche de personnes, le règlement d’application correspondant n’ait toujours pas été publié. La plupart des entités fédérées n’ont toujours pas adopté de politique publique concernant les disparitions de personnes. Certaines n’ont pas mis leur cadre législatif en conformité avec la loi générale et n’ont pas non plus doté leur commission de recherche des ressources indispensables à leur bon fonctionnement. En outre, il n’existe toujours pas de banque nationale de données médico-légales, ni de registre national des personnes décédées non identifiées et non réclamées, ni un registre national des fosses. Il n’a pas non plus été établi de programme national d’exhumation.

59.En outre, le Comité constate avec préoccupation que nombre des moyens d’action disponibles ne sont guère connus et utilisés. Peu de procureurs procèdent à l’analyse de contexte et appliquent les protocoles de recherche et d’enquête établis. De façon regrettable, rares sont aussi les juges qui appliquent les procédures d’habeas corpus ou d’amparo buscador prévues par la Constitution et la loi relative à l’amparo de 2013, qui les habilitent à ordonner à une autre autorité de leur fournir des informations et de leur amener un mis en cause ou de se rendre sur les lieux où la victime pourrait se trouver afin de recueillir directement des renseignements.

60.On constate la même tendance dans l’application du cadre jurisprudentiel. Ainsi, bien que, dans une décision rendue en juin 2021, la Cour suprême ait reconnu le caractère contraignant des demandes d’action en urgence adressées par le Comité, certaines autorités continuent d’agir en violation de ce principe. Le Comité note avec regret que, selon les informations portées à sa connaissance, l’État partie n’a pas encore donné pleinement suite aux décisions que d’autres organes conventionnels de l’ONU avaient adoptées sur la question des disparitions forcées au Mexique (voir, en particulier, le Comité des droits de l’homme).

61.Le Comité se félicite des programmes de formation élaborés par la Commission nationale de recherche ainsi que des programmes de formation, d’habilitation, de mise à niveau et de spécialisation mis en place par le Service professionnel du ministère public, les centres de formation des parquets d’État, l’École fédérale de formation judiciaire, certaines écoles judiciaires d’État, le Secrétariat de la marine et le Secrétariat de la défense nationale. Cependant, ces programmes ne traitent pas toujours expressément de la question des disparitions, ne s’inscrivent pas dans une stratégie globale et coordonnée et ne sont généralement pas assortis d’indicateurs de résultat. En outre, on ne sait pas bien quels sont leurs effets.

62.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles la Commission nationale des droits de l’homme et les commissions étatiques des droits de l’homme ne sont ni indépendantes ni autonomes. Les allégations reçues pointent notamment la lenteur avec laquelle elles traitent les plaintes, en particulier celles qui visent la Garde nationale pour violations des droits de l’homme, y compris pour le crime de disparition forcée, la décision de ne pas former de recours en inconstitutionnalité contre le décret présidentiel de mai 2020 qui maintient et renforce la militarisation de la politique de sécurité, et, s’agissant des politiques de réparation, la passivité face à la suppression des trusts et la réforme de la loi générale relative aux victimes. De plus, le Comité estime qu’il est révélateur qu’au moment de la visite, les membres du conseil consultatif de la Commission nationale des droits de l’homme n’étaient toujours pas nommés, alors que plus de deux ans s’étaient écoulés depuis l’entrée en fonctions de la nouvelle direction, et les conseils citoyens locaux n’étaient toujours pas établis.

63. Compte tenu de ce qui précède, le Comité prie instamment l ’ État partie d ’ adopter et d ’ appliquer le règlement d ’ application de la loi générale. Dans le même temps, il est impératif que toutes les entités fédérées adopte nt et applique nt un cadre normatif et institutionnel conforme à cette loi , en concertation avec les proches des personnes disparues . Cela nécessite que les autorités recensent les besoins des institutions fédérales et étatiques chargées de lutter contre les disparitions, dotent celles-ci des ressources nécessaires à leur bon fonctionnement et applique nt des procédures strictes de sélection et d ’ habilitation du personnel de ces institutions .

64. En outre, la constitution d ’ équipes chargées des procédures de recherche, d ’ enquête et de poursuite liées aux cas de disparition , de la prévention des disparitions et des mesures de réparation , ou le renforcement des équipes existantes, impose la mise en place immédiate de programmes de formation spécialisée et continue qui permettent de créer et de maintenir les capacités nationales nécessaires au traitement des affaires de disparition et à la lutte contre l ’ impunité.

65.L ’ État partie doit élaborer un programme complet de formation sur les disparitions, qui comprenne des activités coordonnées et continues et permette aux apprenants de s ’ approprier les cadres institutionnels, jurisprudentiels et normatifs nationaux et internationaux relatifs aux disparitions et à la lutte contre l ’ impunité. Ces programmes doivent promouvoir l ’ utilisation des instruments existants tels que le Protocole homologué de recherche des personnes disparues et non localisées et le Protocole homologué d ’ enquête sur les infractions de disparition forcée ou de disparition commises par des particuliers, l ’ alerte AMBER, le protocole Alba, le Protocole additionnel de recherche des enfants et adolescents, et les directives relatives à la recherche de personnes, à la recherche tenant compte des questions de genre, à l ’ analyse de contexte pendant la phase de recherche et à la formation d ’ un recours en habeas corpus ou en amparo buscador.

66. Les programmes doivent être assortis d ’ objectifs et d ’ indicateurs qui permettent de mesurer les effets des formations et des cours de mise à niveau, et d ’ assurer un suivi régulier de la mise en pratique des connaissances acquises.

67.Dans le même temps, les institutions chargées des procédures de recherche, d ’ enquête et de poursuite liées aux cas de disparition , de la prévention des disparitions, de la prise en charge des victimes et de s mesures de réparation doivent régulièrement établir des plans de travail détaillés et coordonnés, assortis d ’ objectifs clairs, qui garantissent l ’ application des instruments disponibles, permettent de faire face à la charge de travail de manière stratégique et efficace, fassent l ’ objet d ’ un suivi et soient soumis à des mécanismes d ’ établissement des responsabilités. Pour définir ces objectifs , il convient de tenir compte du retour d ’ expérience et des bonnes pratiques, notamment des procédures mises au point par l ’ Unité spéciale d ’ enquête et de poursuite dans l ’ affaire des disparus d ’ Ayotzinapa, ou d es exemples notables d’application efficace des instruments disponibles par des acteurs judiciaires.

68. Le Comité souligne qu’il est important que des activités d’enseignement, de recherche et d’information en lien avec les disparitions de personnes figurent dans les programmes des différentes disciplines universitaires et soient encouragées.

69. L’État partie doit veiller à ce que toutes les autorités agissent selon les principes énoncés dans la décision de la Cour suprême de justice de juin 2021, dans laquelle celle ‑ci établit le caractère contraignant des demandes d’action en urgence adressées par le Comité. Il doit aussi mettre en place des dispositifs qui garantissent l’application effective des décisions des organes conventionnels de l’ONU et des autres mécanismes internationaux relatifs aux droits de l’homme.

70. Le Comité estime nécessaire que l ’ État partie prenne toutes les mesures voulues pour que la Commission nationale des droits de l ’ homme et les commissions étatiques des droits de l ’ homme exercent leurs fonctions en toute autonomie et en toute indépendance. La Commission nationale des droits de l ’ homme et les commissions étatiques des droits de l’homme dev ront renforcer leur s capacités de recherche, améliorer le traitement de tous les dossiers, prendre en charge les cas particulièrement complexes, optimiser le suivi de leur s recommandations et, en particulier, faire bon usage de tous les pouvoirs que l eur confère la Constitution en tant qu ’ organisme s de protection, de promotion, d ’ étude et de diffusion des droits de l ’ homme et de contrôle de leur respect .

71. Le Comité recommande de constituer les conseils citoyens locaux dans les meilleurs délais. L ’ État partie devra prendre dûment en considération les recommandations formulées par ces conseils.