Trente-quatrième session

Compte rendu analytique de la 704e séance

Tenue au Siège, à New York, le mercredi 18 janvier 2006, à 15 heures

Présidente:Mme Manalo

puis :Mme Pimentel (Vice-Présidente)

puis :Mme Manalo (Présidente)

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Rapport initial, deuxième, troisième, quatrième et cinquième rapports périodiques groupés du Togo (suite)

La séance est ouverte à 15 heures

Examen des rapports présentés par les États partiesconformément à l’article 18 de la Convention(suite)

Rapport initial et deuxième, troisième, quatrième et cinquième rapports périodiques groupés du Togo (suite) (CEDAW/C/TGO/1 à 5; CEDAW/C/TGO/Q/1 à 5 et CEDAW/C/TGO/Q/1 à 5/Add.1)

À l’invitation de la Présidente, les membres de la délégation du Togo prennent place à la table du Comité

Articles 7 et 8 (suite)

M me  Sokpoh-Diallo (Togo) dit que, si le niveau de participation des femmes à la vie politique et publique demeure faible, il y a eu quand même quelques progrès depuis 1994, tant du point de vue quantitatif que qualitatif. C’est ainsi qu’un certain nombre de femmes ont été élues à des postes ministériels, que les femmes sont bien représentées dans les comités de développement des villages dans l’ensemble du pays et que pour la première fois une femme a été élue à la présidence d’une banque.

Il n’y a pas de discrimination en matière de droit de vote et d’éligibilité à des emplois publics. Les maris ne votent pas pour leur femme, mais les femmes sont généralement moins présentes dans la vie politique, de sorte qu’elles sont amenées à voter moins souvent. Le Togo n’a pas organisé d’élections locales depuis de nombreuses années, mais les femmes participent activement à la vie politique locale par l’intermédiaire du vaste réseau national d’associations de femmes. Enfin, le Gouvernement a l’intention d’entreprendre un examen approfondi du système de microcrédit, qui est mal adapté aux besoins des femmes.

M me  Akakpo (Togo) dit que ce qui fait obstacle à la participation des femmes à la politique et à la vie publique, c’est surtout leur manque d’instruction et de confiance en soi, mais que le Gouvernement prend des mesures en vue de remédier à ce problème, notamment en incitant à une plus grande prise de conscience de la problématique des sexes.

M. Tchagnao (Togo) dit que la grande étude du Gouvernement sur les disparités entre les sexes est née de ses réflexions sur les progrès accomplis par le Togo durant la décennie qui s’est écoulée depuis la quatrième Conférence mondiale de 1995 sur la femme. L’étude a porté essentiellement sur quatre domaines : le secteur de la production, les services d’aide à la production, les services sociaux et, enfin, la gouvernance, question qui a été examinée sous trois rubriques : prise des décisions, droit et nationalité et violence contre les femmes. À la suite de l’étude, il a été décidé de mettre en place une stratégie nationale d’intégration de la problématique des sexes dans les politiques de développement. Cette stratégie s’appuie sur les éléments ci-après : la nécessité de tenir compte des préoccupations de l’un et de l’autre sexe dans les politiques et programmes de développement, la nécessité de s’attaquer aux principaux problèmes dégagés par l’étude, les orientations stratégiques et les résultats attendus, la matrice d’intervention, la mise en œuvre de la stratégie et le rôle des diverses institutions appelées à y participer, les conditions de mise en œuvre de la stratégie et les mécanismes de suivi et d’évaluation.

Article 9

M. D’Almeida (Togo) dit que le Code de la nationalité n’a pas été aligné sur la Constitution du Togo en ce qui concerne le droit des enfants à la nationalité togolaise. Par contre, le projet de code de l’enfant tient compte de la Constitution en disant qu’un enfant né d’une mère ou d’un père togolais a droit à la nationalité togolaise. Ce projet de code n’a pas encore été adopté, mais il a été approuvé lors d’un atelier auquel ont participé des représentants de la société civile et des pouvoirs publics et il va probablement être adopté dans les trois premiers mois de l’année 2006.

Les ressortissants étrangers qui souhaitent acquérir la nationalité togolaise par mariage à une Togolaise n’ont aucun mal à l’obtenir, l’article 12 du Code de la nationalité disposant qu’ils peuvent le faire par la naturalisation. Conformément au Code de la nationalité, une étrangère qui acquiert la nationalité togolaise par mariage la perd en cas de divorce. Une Togolaise qui épouse un ressortissant étranger peut en principe conserver sa nationalité togolaise, mais elle peut acquérir une autre nationalité par son mariage. Enfin, si, pour des raisons de sécurité, la femme mariée doit présenter son certificat de mariage quand elle fait une demande de passeport, elle n’a pas besoin du consentement de son mari pour voyager.

M me  Sokpoh-Diallo (Togo) dit que, dans le passé, le Code de la nationalité disposait qu’un enfant né d’une mère togolaise et d’un père étranger ne pouvait acquérir la nationalité togolaise que si le père ne reconnaissait pas l’enfant. Toutefois, il a été mis bon ordre à cette situation par la Constitution et par le projet de code de l’enfant.

Article 10

M me  Tavares da Silva dit qu’il ne fait pas de doute que le Togo considère l’égalité d’accès à l’instruction comme un droit fondamental, et pourtant elle note qu’il est dit dans son rapport périodique que la présence des femmes dans l’enseignement supérieur est extrêmement faible. De plus, alors que le rapport ne cesse de parler de mesures à prendre pour remédier à ce problème, il n’apparaît guère que de telles mesures aient en fait été prises. Il serait donc intéressant de savoir si le Togo a mis en place une politique de promotion systématique de l’égalité des sexes à tous les niveaux du système éducatif.

M me  Shin dit que la situation des femmes et des filles au regard de l’éducation est très décourageante, marquée qu’elle est par des facteurs comme les niveaux élevés d’analphabétisme et de décrochage scolaire chez les filles, les écarts significatifs de scolarisation entre les garçons et les filles, le fait que les parents hésitent à envoyer leurs filles à l’école et le mauvais état des équipements scolaires. C’est pourquoi elle voudrait savoir si le Togo envisage, pour l’éducation des filles, des stratégies conformes aux objectifs de développement du Millénaire et s’il a mis en place des plans concrets à cet égard.

M me  Saiga dit que dans ses réponses à la liste des questions du Comité, le Togo a omis de répondre à la question 17 relative à la politique d’interdiction faite aux femmes et aux filles enceintes de venir à l’école. Au paragraphe 16 de ses réponses, il dit que la circulaire gouvernementale interdisant aux écolières ou étudiantes de venir en classe jusqu’à leur accouchement n’est pas rigoureusement appliquée. C’est pourquoi Mme Saiga recommande que l’État partie éclaircisse sa position sur la question. En ce qui concerne la question 16 du Comité concernant les mesures propres à combattre les stéréotypes sexuels par la révision des manuels scolaires, elle aimerait savoir quelles mesures ont en fait été prises. Enfin, elle voudrait savoir aussi pour quels groupes d’âge l’école est obligatoire.

M me  Sokpoh-Diallo (Togo) dit que le droit à l’éducation est un droit fondamental et que son gouvernement est résolu à assurer aux filles l’égalité de droit à l’éducation. Pour promouvoir l’éducation des femmes, des mesures de discrimination positive ont été prises, comme l’abaissement des frais de scolarité pour les filles et encore une autre réduction de ces frais pour les filles des zones rurales. Si des difficultés économiques ont conduit à la suppression des bourses d’études, tous les élèves continuent quand même à avoir droit aux aides à l’enseignement fondamental. Le mois précédent, le Cabinet a adopté un plan national d’éducation aux termes duquel les partenaires en développement du Togo financeront jusqu’à 97 % du coût du système éducatif tout entier.

Le taux d’analphabétisme est sans doute très élevé, mais la plupart des illettrés sont des adultes et 90 % des enfants vont en fait à l’école dans le primaire, de sorte que l’objectif de développement du Millénaire, qui est d’arriver à une scolarisation de 100 % d’ici à 2015, devrait certainement être réalisable grâce au plan national pour l’éducation et à l’aide internationale. D’énormes efforts sont faits pour promouvoir l’alphabétisation, celle des femmes en particulier. En septembre 2005, grâce à l’aide de la Francophonie, de nouveaux manuels d’alphabétisation par le français plutôt que par les langues locales sont devenus disponibles. Ces textes ont également contribué à relever le niveau général d’instruction des femmes. Par ailleurs, le ministère de Mme Sokpoh-Diallo met en place une politique d’alphabétisation des femmes sous les auspices de la Direction générale de la promotion de la femme en vue d’assurer dans les faits aux filles des chances égales à celles des garçons en matière d’éducation.

M. Johnson (Togo) dit que les anciens manuels du primaire, qui contribuaient à renforcer les stéréotypes sexuels, ont cédé la place en 2002 à de nouveaux manuels qui mettent l’accent sur l’égalité entre hommes et femmes. Par ailleurs, les enseignants ont reçu une formation sur la manière d’utiliser les nouveaux manuels et de faire valoir l’importance du rôle des femmes en tant que mères de famille et leur égalité avec les hommes. Les choses évoluent donc dans le bon sens.

M me  Sokpoh-Diallo (Togo) dit que les écolières enceintes risquent de moins en moins de se voir interdites d’école et qu’on les encourage à y retourner après avoir accouché. Son ministère n’en a pas moins l’intention de veiller à ce que la circulaire No 8478/MEN-RS, qui interdit aux filles qui sont enceintes d’aller à l’école, soit modifiée.

Article 11

M me  Arocha Dominguez voudrait en savoir davantage sur toutes mesures ou tous programmes qui visent à éliminer la pauvreté, en particulier celle des femmes. Depuis quelques années, l’Union européenne apporte une aide appréciable pour la réalisation de programmes à vocation antisexiste élaborés avec le concours d’organisations non gouvernementales. Il serait intéressant de savoir comment l’État partie s’y prend pour garantir que les bénéfices de la coopération, et en particulier de la sienne, contribuent dans les faits à l’amélioration de la condition de la femme.

Mme Arocha Dominguez se dit préoccupée par la faiblesse de l’âge légal au mariage et par le fait qu’il y a des mariages qui se font à un âge même plus précoce. Elle demande aussi s’il est vrai qu’une épouse a besoin du consentement de son époux pour chercher un emploi et s’il existe des programmes concrets pour empêcher les embauches discriminatoires, notamment pour les minorités et les travailleurs migrants.

M me  Khan aimerait savoir dans quelle mesure les droits que les femmes ont théoriquement à l’emploi, aux prestations et à la sécurité sociale sont en fait appliqués. L’État est un gros employeur et il serait intéressant de recevoir un complément d’information sur le pourcentage de femmes qu’il emploie et sur leur représentation à divers niveaux de responsabilités, y compris au niveau de la prise des décisions.

D’après le rapport de l’État partie, la législation du pays ne prévoit pas d’indemnités pour les hommes ou les femmes qui ont été victimes de pratiques discriminatoires à l’embauche. Est-il prévu d’apporter des modifications à la législation afin de protéger les femmes enceintes, d’assurer aux femmes une égalité de salaire pour un travail égal, en particulier dans le secteur privé, et de mettre fin à la ségrégation professionnelle? Il est clair que la surreprésentation des femmes dans les emplois les moins recherchés est due au peu d’estime qu’elles ont d’elles-mêmes.

Mme Khan note que l’article 17 de la Constitution reconnaît à chaque citoyen le droit au travail, et pourtant, aux termes de l’article 109 du Code de la personne et de la famille, le mari peut, dans l’intérêt de la famille, s’opposer à ce que sa femme s’engage dans une profession indépendante de la sienne, de sorte qu’on peut se demander laquelle de ces deux dispositions prévaut. Le fait que le taux d’imposition de la femme mariée soit le même, qu’elle ait des enfants ou non, parce que les enfants sont censés être à la charge du mari est une forme de discrimination et il doit y être remédié. Il est important aussi que les femmes jouissent de l’égalité d’accès à la formation professionnelle, ce qui n’est pas le cas actuellement.

M me  Patten note que la réponse écrite de la délégation à la question 18 du Comité indique qu’il existe en théorie, pour les fonctionnaires qui ont été victimes de discrimination fondée sur le sexe, des voies de recours devant les tribunaux administratifs. Mais, comme ces tribunaux administratifs ne fonctionnent pas encore, elle voudrait savoir si la réforme de la justice prévoit des voies de recours en cas de discrimination dans l’emploi, y compris une assistance judiciaire, s’il y aura des tribunaux administratifs dans les zones rurales et si des efforts seront faits pour informer les femmes des droits que leur reconnaît la législation du travail. Elle demande aussi s’il est prévu d’adopter des dispositions législatives concernant le harcèlement sexuel au travail.

La situation réelle qui est celle des femmes dans l’État partie paraît très sombre. Leurs perspectives économiques et professionnelles se heurtent aux obstacles que dressent devant elles la coutume et le droit quand il s’agit de devenir propriétaire de terres, d’obtenir du crédit et de voir leur travail rémunéré aussi bien que celui des hommes. Si leurs aptitudes étaient mieux utilisées, les femmes pourraient apporter une énorme contribution à la transformation politique, civile et sociale actuellement en cours dans le pays. À cette fin, la politique nationale d’éducation et de formation devrait être marquée par un souci d’égalité des sexes et il faut que le Code du travail soit modifié pour en éliminer la discrimination entre sexes et garantir aux femmes, et notamment aux femmes fragilisées que sont, par exemple, les femmes âgées, l’égalité des chances, des conditions de travail, des indemnités et des salaires. Les femmes devraient aussi jouer un plus grand rôle au niveau de la prise des décisions dans les entreprises et la fonction publique et être encouragées à se former en vue de trouver un emploi dans des domaines qui ne sont traditionnellement pas les leurs, comme la science et la technique. Enfin, le Code de la personne et de la famille est à modifier pour l’épurer de ses dispositions discriminatoires.

M me  Sokpoh-Diallo (Togo) dit que le fait que le Togo se trouve, pour les indicateurs de développement humain, dans la moyenne des pays d’Afrique, montre qu’il y a progrès. En ce qui concerne la question de l’obligation où se trouve une femme de demander à son mari l’autorisation de travailler comme le prévoit l’article 37 du Code de la personne et de la famille, elle dit que, dans la pratique, il est rare qu’un mari refuse à sa femme l’autorisation de travailler. En tout état de cause, le Gouvernement a l’intention de revoir le Code afin de l’aligner sur les dispositions de la Convention, y compris la suppression de l’article 37.

Il est vrai qu’il n’est pas facile de se voir accorder un prêt quand on est femme et cela tient peut-être au fait que la plupart des femmes travaillent dans le secteur agricole et qu’elles ont besoin d’emprunter de l’argent au début de la période de végétation sans avoir vraiment de quoi rembourser le prêt avant la récolte, alors que, dans la plupart des systèmes de microcrédit, on est censé commencer à rembourser presque immédiatement. Le ministère de Mme Sokpoh-Diallo étudie actuellement, aidé en cela par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’adoption de mesures de nature à faciliter l’accès des femmes au crédit à des taux d’intérêt acceptables.

L’État est sans doute un gros employeur, mais le secteur non structuré de l’économie est très important, ce qui pose un problème au Gouvernement dans les efforts qu’il fait pour en régulariser les activités économiques. Les Togolaises sont dotées d’un grand esprit d’entreprise et n’attendent pas du Gouvernement programmes ou aides pour créer des emplois pour elles-mêmes ainsi que pour d’autres. Mme Sokpoh-Diallo ne doute pas qu’à l’avenir la part de l’État dans le marché du travail continuera de se réduire.

S’il est vrai que des efforts sont faits pour engager davantage de femmes à des postes de direction dans le secteur public et le secteur privé, il n’en est pas moins vrai que les femmes continuent d’être sous-représentées à ce niveau; même dans son propre ministère, 30 % seulement des cadres sont des femmes. Bien que la loi garantisse l’égalité de salaire pour un travail égal, ainsi que l’égalité de traitement, les hommes continuent à jouir de privilèges; par exemple, en vertu du Code de la personne et de la famille, l’homme, en tant que chef de famille, paie moins d’impôts. En ce qui concerne l’absence de femmes dans le domaine scientifique et technique, s’il est vrai que les femmes y sont sous-représentées, le manque d’intérêt pour les sciences et la technique est un problème général, comme en témoigne la pénurie de professeurs de mathématiques et de sciences.

M. D’Almeida (Togo) dit, à propos de la question des voies de recours devant les tribunaux dans les affaires de discrimination entre sexes, que, dans le système togolais de justice, tous les tribunaux ont compétence en matière administrative, civile ou pénale. La Cour d’appel et la Cour suprême ont néanmoins des chambres spéciales pour traiter d’affaires administratives, et leurs juges reçoivent une formation spéciale en droit administratif. La Cour d’appel connaît des plaintes relatives aux violations des droits des fonctionnaires par l’État. La procédure en matière administrative est toutefois très lente et les affaires en attente sont nombreuses. La priorité No 6 du programme de modernisation du système judiciaire pour la période 2005-2010 est la création progressive de juridictions administratives spéciales qui auront à juger des affaires d’ordre administratif, y compris pour cause de discrimination entre sexes. Il faudra néanmoins, dans le cadre de ce processus, modifier l’article 19 de la Constitution.

La modernisation du système judiciaire comprendra aussi la mise en place de tribunaux du travail pour juger des différends d’ordre professionnel, y compris dans la fonction publique et les zones rurales. Il n’y a actuellement qu’un seul tribunal du travail à Lomé, qui est la capitale. Il n’y a pas de dispositions administratives relatives au harcèlement sexuel, mais la modernisation du système judiciaire comprendra l’adoption de dispositions sur cette question.

M me  Akakpo (Togo) dit qu’avec le concours de la société civile des efforts sont faits pour sensibiliser davantage au problème du harcèlement sexuel à l’école et au travail. Des actions sont engagées aussi pour faciliter l’accès des femmes à la propriété foncière, au capital et à l’emploi. Ce n’est pas là chose facile, mais les résultats sont bons et les femmes ont maintenant plus facilement accès au crédit pour activités économiques et le nouveau Code de la famille leur donne le droit de recevoir des terres en héritage et d’entreprendre des activités génératrices de revenus. Des efforts sont faits avec la collaboration de la Banque togolaise pour le développement en vue de promouvoir le rôle des femmes dans l’économie.

Article 12

M me  Khan fait remarquer que, si le rapport fait état de progrès en ce qui concerne la santé des Togolaises, les taux de mortalité maternelle et de fécondité du Togo sont toujours parmi les plus élevés du monde et elle demande s’il est prévu un plan assorti d’un calendrier précis pour s’attaquer à ces problèmes, en particulier pour atteindre l’objectif fixé à cet égard au titre des objectifs de développement du Millénaire. Il est dit dans le rapport qu’il existe au Togo une loi qui interdit les mariages d’enfants, mais sans dire comment elle est appliquée. Mme Khan voudrait des précisions sur ce qui est fait pour empêcher les mariages précoces, annonciateurs de grossesses précoces, dont il est reconnu que c’est là un facteur de risque de mortalité maternelle. Elle voudrait savoir aussi ce qu’est le taux d’utilisation de contraceptifs et si les Togolaises, en particulier celles des zones rurales, ont la possibilité d’avoir accès à des méthodes contraceptives d’un coût abordable. Par ailleurs, elle voudrait savoir si la délégation est en mesure de fournir des informations sur l’importance du recours à l’avortement comme méthode de planification familiale, ce qui se pratique dans les endroits où il n’est pas possible de se procurer des moyens contraceptifs à un coût abordable.

En ce qui concerne le VIH/sida, le rapport dit que le taux d’infection est plus élevé chez les femmes que chez les hommes et Mme Khan aimerait savoir pourquoi. Le rapport fait état aussi de ce qui est fait pour combattre cette pandémie, mais aucune des actions engagées ne semble viser en particulier les femmes. Des précisions seraient utiles concernant les mesures et stratégies mises en œuvre pour remédier à la vulnérabilité particulière des femmes au VIH/sida. Enfin, Mme Khan voudrait savoir quel pourcentage du budget de l’État va à des activités de population et aux soins de santé primaires.

M me  Dairiam, notant que le rapport reconnaît la prévalence des grossesses d’adolescentes et sa contribution à la forte mortalité maternelle, demande si le Gouvernement a un plan global d’action à l’égard des problèmes de santé des adolescents prévoyant notamment la fourniture systématique de conseils en santé génésique ainsi que des programmes pour la prévention de l’infection par le VIH et autres maladies sexuellement transmissibles parmi les jeunes. Elle voudrait savoir aussi quel type d’assistance le Togo demande aux institutions internationales pour la réalisation de ce type de programmes.

M me  Pimentel fait remarquer que la réponse du Gouvernement à la demande d’informations additionnelles formulée par le Comité concernant les indicateurs de santé des femmes (CEDAW/C/TGO/Q/1 à 5, question 21) souligne les risques liés aux grossesses non désirées et qu’il y est aussi fait état de l’avortement à risque comme facteur aggravant de mortalité maternelle. Elle saurait gré à la délégation de lui donner des précisions sur les activités réalisées dans le cadre du plan d’action en faveur de la santé pour la période 2002-2006 pour réduire la prévalence de mortalité maternelle due aux avortements à risque. Elle voudrait aussi en savoir davantage sur les mesures et les stratégies mises en place pour faire en sorte qu’en zone urbaine comme en zone rurale hommes et femmes aient plus aisément accès aux moyens contraceptifs.

Le rapport dit que la législation togolaise protège les adolescentes contre les grossesses précoces en prescrivant amendes et/ou peines de prison pour les hommes qui rendent enceintes des écolières ou des filles qui suivent les cours d’établissements de formation. Mme Pimentel se demande quelle protection la législation togolaise apporte aux filles qui ne vont pas à l’école. Notant que le nouveau projet de code de la santé n’autorise que l’avortement thérapeutique, elle demande si le Gouvernement et le Parlement togolais seraient susceptibles d’accepter d’allonger la liste des raisons qui peuvent justifier une interruption de grossesse.

M me  Sokpoh-Diallo (Togo) dit que la raison de la plus forte prévalence du VIH/sida parmi les femmes est purement médicale : les femmes sont sujettes à des microtraumas et à des infections qui affaiblissent la barrière protectrice que constituent les muqueuses vaginales, ce qui les expose davantage à devenir séropositives, fait qui est vrai, non seulement pour les Togolaises, mais pour toutes les femmes. En ce qui concerne les questions du Comité sur l’avortement, la contraception et autres questions relatives à la santé de la femme, elle fait remarquer que, pour la première fois de son histoire, le Togo a maintenant un code de la santé qui permettra d’améliorer l’accès des femmes aux services de santé et de renforcer la qualité de ces services. Par ailleurs, un projet de loi actuellement à l’étude apportera protection aux personnes, et en particulier aux femmes, qui sont atteintes du VIH/sida. Cette loi contribuera à trouver réponse à un grand nombre de problèmes que représente le sida pour les femmes.

Le taux élevé de la mortalité maternelle tient à de nombreux facteurs, en particulier à la difficulté d’accès des femmes rurales aux soins anténatals et d’obstétrique, ces femmes vivant souvent très loin de centres médicaux et n’ayant pas de moyens de transport. C’est ce qui explique que 40 % des Togolaises accouchent sans assistance. Ce n’est pas parce qu’elles en ignorent l’importance : le Ministère de la santé a beaucoup fait pour sensibiliser les femmes à la nécessité des soins anténatals et de l’assistance à l’accouchement, et les Togolaises se sont montrées très désireuses de tirer parti de ces services; mais la couverture du champ médical est encore insuffisante. C’est pourquoi Mme Sokpoh-Diallo tient à assurer le Comité que le Gouvernement n’ignore rien du problème et qu’il prend des mesures en vue d’y remédier. Elle redit encore une fois sa conviction que l’adoption du nouveau code de la santé facilitera l’accès aux services, ce qui aura pour conséquence de contribuer à réduire progressivement le taux de mortalité maternelle.

En ce qui concerne la possibilité de se procurer des contraceptifs, le Togo a fait beaucoup de progrès. Quatre-vingt pour cent des centres médicaux du Togo assurent maintenant des services de planification familiale et 15 % de ces centres sont ouverts sept jours sur sept.

M. D’Almeida (Togo) dit, en réponse à la question relative à la protection des lois contre les grossesses précoces de filles qui ne vont pas à l’école, que l’interdiction de l’avortement non thérapeutique prévue par le nouveau code de la santé est un moyen de protéger les jeunes femmes, indiquant que, par contre, l’avortement thérapeutique est permis.

M me  Sokpoh-Diallo (Togo) veut préciser que le nouveau code de la santé dispose que seul l’avortement thérapeutique est autorisé, de sorte qu’une femme ne peut légalement se faire avorter que s’il y a pour cela des raisons médicales.

Article 14

M me  Tan demande quels progrès sont faits concernant la mise en place de l’infrastructure nécessaire, et en particulier concernant l’approvisionnement en eau, pour alléger la charge des travaux domestiques qui pèse sur les femmes des zones rurales et pour répondre à l’obligation que la Convention fait au Togo de leur assurer des conditions de vie acceptables. Concrètement, quelles mesures sont prises pour faire face aux problèmes que soulève le manque d’accès à une eau potable dans les zones rurales comme il est dit dans le rapport (CEDAW/C/TGO/1 à 5)?

En ce qui concerne le droit de propriété foncière, le rapport dit que le droit coutumier y met de nombreux obstacles aux femmes, en particulier quand il s’agit d’héritage et Mme Tan voudrait savoir ce que fait le Gouvernement en vue d’en finir avec des pratiques sociales et coutumières qui portent atteinte au droit qu’ont les femmes d’hériter et de posséder de la terre. Elle voudrait savoir aussi quelle suite le Gouvernement entend donner aux initiatives qui pourraient avoir été prises à cet égard afin d’apporter un changement radical dans les comportements discriminatoires et de veiller à ce que les femmes soient à égalité avec les hommes concernant le droit d’acquérir de la terre.

M me  Zou note que la délégation a indiqué qu’une campagne à but éducatif a été engagée pour informer les femmes du Togo de leurs droits au regard de la violence domestique et elle voudrait savoir quelles mesures ont été prises durant cette campagne et ce qu’en a été l’impact. Par exemple, y a-t-il maintenant davantage de femmes à porter plaine pour cause de violence?

Le rapport dit que la Convention n’est toujours pas bien connue et encore moins bien appliquée dans les zones rurales et Mme Zou se demande comment le Gouvernement envisage d’aborder ce problème. Envisage-t-on, par exemple, de lancer à l’intention des populations rurales une campagne visant à leur dire ce qu’est la Convention?

Mme Zou est heureuse de voir que le Togo a fait de l’élimination de la pauvreté une préoccupation hautement prioritaire et il lui plairait d’avoir des précisions sur ce qui est projeté et planifié pour combattre la pauvreté en milieu rural. Elle aimerait savoir aussi si le Gouvernement dispose de données précises concernant le nombre de femmes qui ont bénéficié des plans et projets d’élimination de la pauvreté réalisés à ce jour et sur le nombre de celles qui ont pu, de ce fait, sortir de la pauvreté.

M me  Simms se félicite des efforts que fait le Togo pour améliorer l’accès des femmes rurales à la justice et au crédit. Il faut aussi le féliciter de ses efforts pour améliorer l’approvisionnement des régions rurales en eau. Cependant, les femmes des zones rurales qui n’ont pas été à l’école sont encore 59 % et elles sont 72 % à être illettrées. Elles sont également en butte à des coutumes traditionnelles qui ont des incidences sur leur santé physique et psychologique. Mme Simms voudrait savoir si, en sa qualité de Ministre chargée de ces questions, Mme Sokpoh-Diallo est en mesure de faire en sorte que des ressources suffisantes soient prévues dans le budget national pour le financement d’initiatives qui visent à y porter remède. Il ne fait pas de doute que le Togo est aux prises avec des difficultés d’ordre économique, mais, si le Comité doit pouvoir voir que la vie des Togolaises aura vraiment changé durant la période sur laquelle portera le prochain rapport, il faut que les problèmes que connaissent les femmes fassent l’objet d’une attention prioritaire.

M me  Shöpp-Schilling espère que le prochain rapport du Togo présentera un tableau plus concret des résultats de tous les efforts entrepris en vue d’améliorer les conditions de vie des femmes rurales, notamment des faits et des données précis sur le nombre de femmes qui ont été touchées par les diverses initiatives et sur ce qu’en a été l’impact. En ce qui concerne l’amélioration des infrastructures en milieu rural, elle demande dans quelle mesure le Gouvernement négocie avec les bailleurs de fonds internationaux et bilatéraux concernant l’application des progrès de la technologie, laquelle peut alléger considérablement le fardeau de tâches domestiques qui pèse sur les femmes en milieu rural. Avec l’utilisation de l’énergie solaire, par exemple, les femmes n’auraient presque plus besoin d’aller ramasser du bois de feu. Quant au taux élevé d’analphabétisme parmi les femmes des zones rurales, a-t-on pensé à donner aux programmes et campagnes d’alphabétisation une forme mieux adaptée à la situation de ces femmes et aux contraintes de temps que leur causent leurs lourdes charges domestiques?

En ce qui concerne la représentation politique des femmes rurales et leur participation à la vie politique, on note qu’un tiers des postes de direction dans les comités de développement local dont il est fait état dans le rapport doit être occupé par des femmes. En va-t-il de même en ce qui concerne les comités locaux de gestion de la santé et les associations de producteurs agricoles et les femmes qui sont arrivées à exercer ces fonctions de direction deviennent-elles pour les autres femmes rurales des modèles de réussite? Enfin, l’État partie a-t-il une stratégie conçue pour amener les chefs de villages du sexe masculin à contribuer à promouvoir les droits des femmes et à changer les comportements à l’égard des femmes du village?

M me  Patten note que la pauvreté, mesurée par l’absence de perspectives économiques et le manque d’accès à des ressources économiques, met les femmes dans des situations où elles sont le plus exposées au risque d’exploitation sexuelle et elle voudrait savoir s’il y a au Togo un Ministère du développement rural chargé de promouvoir la mise en place de mesures d’ordre économique, social ou agricole en faveur des femmes des zones rurales, en particulier des ménages qui ont à leur tête une femme. Y a-t-il en place des programmes de lutte contre la pauvreté conçus pour les femmes qui ont des besoins spéciaux comme celles des zones rurales, celles qui souffrent d’invalidités ou celles qui sont âgées?

Notant que les Togolaises ont été décrites comme étant animées d’un très fort esprit d’entreprise, Mme Patten voudrait savoir de quelle aide bénéficient à cet égard celles des zones rurales, comment on fait pour promouvoir et renforcer leurs micro et petites entreprises, quelle assistance technique est mise à leur disposition sous forme de services consultatifs et si une formation est prévue pour elles. Rappelant qu’il n’y a pas 1 % de femmes rurales à occuper des postes administratifs, quelles mesures envisage-t-on pour faciliter leur passage du secteur non structuré à l’autre?

La Présidente, prenant la parole en qualité d’expert, et rappelant que le Groupe des Huit a récemment annulé la dette d’un certain nombre des pays les moins développés, demande si le Togo est de ce nombre et, si oui, quel pourcentage de dette annulée le Gouvernement a consacré au relèvement de la condition de la femme au Togo, soit par des programmes de développement, soit par des améliorations d’infrastructure.

M me  Sokpoh-Diallo (Togo) dit qu’il a déjà été répondu à la plupart des questions. Par exemple, en réponse à la question sur l’accès à l’eau, elle a déjà expliqué que l’équipe gouvernementale comprend un ministre chargé de la question de l’approvisionnement des villages en eau, lequel a établi un plan qui prévoit que tous les Togolais auront accès à une eau potable pour 2025.

Sur la question des droits des femmes à la propriété foncière, elle rappelle que le nouveau Code de la personne et de la famille a été épuré de toutes dispositions discriminatoires, avec ce résultat que les femmes ont le même droit que les hommes à être propriétaires de biens fonciers. Sur la question de la sensibilisation des femmes aux droits qui sont les leurs, beaucoup a déjà été dit. Le Gouvernement n’ignore pas qu’il ne doit pas s’arrêter là, mais il a organisé des campagnes de sensibilisation, il a travaillé avec les médias et il a engagé des spécialistes du droit pour expliquer aux femmes rurales ce que sont leurs droits. Au cours du deuxième trimestre 2006, il a l’intention, aidé en cela par le Fonds des Nations Unies pour la population, de faire connaître avec encore plus de force les lois pertinentes afin d’ancrer plus profondément dans l’esprit des femmes la conscience de leurs droits. En ce qui concerne l’impact de la campagne de sensibilisation, on ne dispose guère actuellement de données statistiques à ce sujet, mais des efforts seront faits à l’avenir pour en recueillir.

M. D’Almeida a déjà répondu à la question qui a été posée sur la violence familiale. Celle de savoir ce que fait le Gouvernement pour faire reculer la pauvreté a déjà été longuement débattue. Le Gouvernement reconnaît qu’il a, dans une certaine mesure, échoué dans les efforts qu’il a faits pour améliorer la situation des femmes rurales, les prêts qui leur ont été accordés n’ayant pas été totalement adaptés à leurs objectifs. Il existe maintenant une nouvelle banque, la Banque de solidarité régionale, qui mettra davantage de ressources à la disposition des femmes rurales. À l’occasion de la Journée de la femme rurale, le 15 octobre, des représentants du Gouvernement se sont employés, dans tout le pays, à encourager les femmes à s’organiser en réseaux, qui pourraient présenter des demandes collectives de crédit. Le Directeur de la Banque de solidarité régionale en a déjà reçu un certain nombre.

En réponse à la question de Mme Simms sur l’analphabétisme, Mme Sokpoh-Diallo rappelle que le Gouvernement vient d’approuver l’utilisation, pour l’alphabétisation, de textes rédigés dans la langue locale et en français et qu’il a lancé un vaste programme d’alphabétisation à l’intention de 5 000 femmes dans le nord du pays. Il a reconnu que sa politique d’alphabétisation ne donne pas de résultats entièrement satisfaisants et il a entrepris la préparation d’un plan d’action à cet égard. Il est question aussi de chercher à obtenir d’autres pays francophones l’assistance technique nécessaire.

Rappelant ce que Mme Simms a dit au sujet des coutumes traditionnelles, Mme Sokpoh-Diallo explique que ces coutumes n’ont actuellement que très peu d’impact au Togo, en particulier par rapport à d’autres pays. Il n’y a que quelques îlots de résistance dans lesquels des coutumes traditionnelles comme les mariages forcés perdurent encore. Aussi bien, il n’est que de se rendre dans les zones rurales du pays pour voir à quel point les femmes sont conscientes de leur situation et à quel point elles sont résolues à l’améliorer. Ce sont les femmes elles-mêmes qui sont intervenues auprès du Gouvernement pour qu’il assure la mise en place de centres de santé maternelle, qu’il fasse construire des écoles et qu’il les aide dans les efforts qu’elles font pour produire davantage.

Mme Sokpoh-Diallo a déjà parlé des groupes de contact pour l’égalité des sexes qui ont été mis en place dans chaque direction ministérielle ainsi que de l’atelier qui a été organisé pour leur donner un cadre institutionnel. Les préoccupations de l’un et de l’autre sexe sont prises en compte dans tous les secteurs qui ont à voir avec le développement du Togo. À la question qui a été posée sur le Ministère du développement rural, la réponse est que telle était l’appellation initiale de l’actuel Ministère de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche.

M. Menan (Togo) précise que le Togo n’est pas au nombre des 18 pays dont la dette a été annulée à la suite de la réunion du Groupe des Huit à Gleneagles.

Article 15

M me  Tan dit que, s’il est réconfortant d’apprendre que le doit coutumier n’est plus guère appliqué au Togo, le rapport semble pourtant dire que ce droit porte gravement atteinte aux droits de succession des veuves. Là où il est appliqué, il arrive souvent qu’il empêche une femme de recevoir de la terre en héritage et d’avoir la moindre part à la succession de son défunt mari, dont les biens sont jugés appartenir à sa famille d’origine. D’après le rapport, une femme ne peut bénéficier d’un système moderne de succession que si son mari a expressément renoncé à sa forme coutumière. Cette disposition est en elle-même discriminatoire du fait qu’elle donne au mari le droit de choisir le régime de succession à appliquer, de sorte qu’elle est contraire à la Convention et en contradiction avec la recommandation générale No 23. Le projet de réforme du code de la personne et de la famille corrigera-t-il cette inégalité entre époux?

Notant que le rapport dit aussi qu’une femme qui refuse de se soumettre aux rites du veuvage au motif qu’ils sont physiquement dangereux ou répugnants ne saurait être tenue coupable d’une atteinte aux convenances suffisante pour justifier son exclusion de la succession de son défunt mari, Mme Tan demande si cette interdiction peut quand même être appliquée au Togo, où les rites de veuvage sont encore régulièrement observés. Sinon, qu’envisage l’État partie pour supprimer les obstacles qui permettent aux rites de veuvage de compromettre les droits de succession des veuves?

M me  Sokpo-Diallo (Togo) répond que, depuis que le rapport a été écrit, beaucoup de progrès ont été faits. Les femmes ont pris l’initiative de refuser d’observer les rites de veuvage même avant la réforme du Code. Beaucoup maintenant refusent même de porter du noir ou alors elles l’enlèvent immédiatement après l’enterrement. La révision du Code de la personne et de la famille en a éliminé 24 articles discriminatoires portant sur le veuvage, la succession, le choix du domicile familial et ainsi de suite.

Article 16

M me  Gaspard, notant qu’il s’est écoulé beaucoup d’années depuis que le Togo a ratifié la Convention, demande si un calendrier a été fixé pour saisir le Parlement du projet de réforme du Code de la personne et de la famille. En tout état de cause, même sous sa forme révisée, le Code ne sera pas conforme à l’article 16 de la Convention du fait qu’il maintient la légalité de la polygamie. Le Gouvernement a-t-il l’intention de lancer des campagnes en vue de décourager la polygamie étant donné que, comme le rapport le dit lui-même, l’idée de l’égalité de traitement entre épouses dans un mariage polygame ne se réalise probablement presque jamais.

M me  Pimentel assure la présidence.

M me  Coker-Appiah se dit préoccupée par le temps que prend la révision du Code de la personne et de la famille. En ce qui concerne la polygamie, étant donné que l’État partie reconnaît, dans son rapport, que les Togolaises ignorent à peu près tout de leurs droits, elle demande ce que fait le Gouvernement pour s’assurer que les femmes sont au courant du projet de modification du Code en vertu duquel l’épouse aurait la possibilité d’accepter la monogamie ou la polygamie au moment de contracter mariage.

Notant que, d’après la forme révisée du Code, l’âge minimum au mariage peut être ramené de 18 à 16 ans dans des circonstances spéciales, par exemple en cas de grossesse, elle fait observer qu’un mariage contracté à un si jeune âge marquera la fin de la scolarité pour une fille et lui ôtera la possibilité, plus tard, d’améliorer ses conditions de vie. Elle pense qu’il faudrait revenir sur l’idée d’adopter une telle disposition, d’autant que le rapport lui-même dit que la grossesse est l’une des raisons qui font que le taux de décrochage scolaire est si élevé et que les accouchements précoces sont une des causes de mortalité maternelle.

M me  Manalo reprend la présidence.

M me  Belmihoub-Zerdani, notant que le nouveau code de la personne et de la famille n’a pas encore été adopté par le Parlement, demande s’il exclut toutes les pratiques qui relevaient dans le passé du droit coutumier ou du droit religieux et voudrait savoir exactement ce que l’on entend par droit religieux. Elle pense qu’en portant à 20 ans l’âge du mariage, on ferait beaucoup pour réduire le taux élevé de natalité. Enfin, rappelant l’engagement pris par les pays développés de consacrer 0,7 % de leur PIB à l’aide au développement, elle fait valoir qu’un pays pauvre comme le Togo a parfaitement le droit de revendiquer ce qui lui est dû.

M me  Sokpoh-Diallo (Togo) précise que la polygamie est si profondément ancrée dans la société togolaise qu’elle ne peut disparaître que progressivement. Elle fait observer que, même dans les pays développés, il existe une polygamie illégale, les hommes mariés ayant une seconde famille en dehors de leur domicile légal. Certes, le Gouvernement n’est pas encore en mesure de lancer une campagne contre la polygamie, mais le Code révisé de la personne et de la famille indique que la forme préférée du mariage est la monogamie.

M. Tchagnao (Togo) précise que l’âge du mariage, qui était de 20 ans pour les hommes et de 17 ans pour les filles, a été fixé à 18 ans pour les deux sexes lorsque le Togo a ratifié la Convention relative aux droits de l’enfant, ajoutant que c’est seulement dans des circonstances exceptionnelles qu’on peut se marier à 16 ans avec l’autorisation expresse d’un juge. Parlant des autres dispositions discriminatoires qui ont été supprimées du Code, il indique que, tandis que l’ancienne version faisait de l’homme le chef de famille, la nouvelle fait du mari et de sa femme les chefs conjoints de la famille. De même, dans la nouvelle version, le mari et la femme choisissent d’un commun accord le domicile familial et la femme n’a plus besoin de l’autorisation de son mari pour entreprendre des activités génératrices de revenus. En ce qui concerne les droits des veuves en matière d’héritage, la nouvelle version du Code ne dit plus que les dispositions du droit coutumier sont applicables sauf si le mari y a formellement renoncé.

Évoquant le processus consultatif qui a été adopté pour rédiger la version révisée du Code, M. Tchagnao fait remarquer que même l’ancienne version prévoyait l’égalité de droits de succession entre les hommes et les femmes; le problème était de faire appliquer cette disposition face à la résistance du droit coutumier. La démarche adoptée a été de constituer une masse critique de personnes de la société civile qui avaient une conception moderne et égalitaire des droits de la femme. Quand il était porté atteinte à un aspect quelconque des droits des femmes, cette masse critique de personnes, unies par les mêmes idées, portait l’affaire devant les tribunaux et faisait appliquer le droit en question.

En ce qui concerne la question du calendrier, dans le cadre du processus de modernisation du système judiciaire, une commission sera mise en place au cours du premier trimestre de l’année 2006 pour harmoniser les dispositions de différents codes en cours de révision, y compris celui de la personne et de la famille. Il est probable qu’ils seront tous adoptés par l’Assemblée nationale avant la fin de l’année.

La Présidente, prenant la parole en son nom personnel, se félicite des mesures que le Gouvernement du Togo a prises pour faire disparaître la discrimination à l’égard des femmes, et notamment de l’adoption du Code de la personne et de la famille. Elle sait gré au Gouvernement d’avoir tenu compte des dispositions de la Convention dans la rédaction et l’analyse du Code ainsi que d’autres dispositions législatives et règlementaires, ajoutant qu’il y a tout lieu en particulier de se féliciter des mesures qui sont prises pour protéger les femmes contre tous les types de violence. Elle encourage le Gouvernement à ne pas perdre de vue la recommandation générale No 19 du Comité dans l’évaluation de ces mesures. Le projet de code de l’enfant est un autre texte de loi important et elle engage l’État partie à le mettre en vigueur le plus tôt possible.

Elle engage le Gouvernement togolais également à faire en sorte que les dispositions de la Convention soient pleinement intégrées au droit interne. En ce qui concerne l’article 5 de la Convention, malgré les mesures qui sont prises pour combattre la discrimination à l’égard des femmes et des filles, il reste encore des stéréotypes et des pratiques discriminatoires dans divers aspects du droit – notamment en ce qui concerne les droits des femmes en matière d’héritage – et, dans le domaine social, les femmes demeurent subordonnées aux hommes. La Présidente encourage les membres de la délégation à faire tout leur possible pour veiller à ce que le Gouvernement continue à agir en vue d’éliminer toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Elle les prie instamment aussi de coopérer avec les médias, les ONG et les organisations de la société civile pour rendre les femmes plus conscientes de leurs droits.

La participation des femmes à la prise des décisions semble très faible comme en témoignent les chiffres présentés dans le rapport concernant le nombre et le pourcentage de femmes qui occupent des postes de direction. Le Gouvernement devrait prendre des mesures spéciales à cet égard. Il devrait également tenir compte des vues exprimées par les divers membres du Comité dans le cours de l’actuel dialogue concernant l’adoption d’un système de quotas.

La délégation a dit que le Togo ne subit plus l’influence des coutumes, et pourtant il est clair d’après le rapport que les difficultés qu’il y a à appliquer le droit positif proviennent du fait que le droit coutumier est encore largement appliqué. La délégation elle-même en a donné un exemple patent en ce qui concerne la polygamie et le mal qu’il y a à l’extirper de la pratique coutumière. Il faut espérer que, dans son prochain rapport, le Gouvernement sera en mesure de montrer au Comité qu’il a pris d’autres mesures concrètes de nature à contribuer réellement à faire appliquer le droit positif et à protéger les droits fondamentaux des Togolaises.

Il semble, d’après le rapport, qu’en dehors du Programme des Nations Unies pour le développement, aucun des organes subsidiaires ou institutions spécialisées des Nations Unies ne vient en aide au Togo pour y améliorer la condition de la femme. Il y a beaucoup à gagner à accroître et renforcer les relations à cet égard, tant avec le système des Nations Unies qu’avec les organismes bilatéraux et régionaux de coopération au développement. Le Fonds des Nations Unies pour la femme (UNIFEM), en particulier, pourrait être pour le Togo une précieuse source d’aide.

Au nom du Comité, la Présidente remercie la délégation togolaise de s’être prêtée à un dialogue constructif et franc. Le Comité attend avec intérêt le prochain rapport du Togo, dont il espère qu’il apportera d’autres statistiques et des données détaillées.

M me  Sokpoh-Diallo (Togo) remercie les membres du Comité de leurs questions, que sa délégation a jugées pertinentes et enrichissantes, donnant au Comité l’assurance que la délégation ne manquera pas d’informer le Premier Ministre et les autres membres du Gouvernement des observations et des recommandations du Comité et que le Togo continuera à s’employer à mieux appliquer la Convention.

La séance est levée à 17 h 45.