Observations finales concernant le quatrième rapport périodique de la Serbie *

Le Comité a examiné le quatrième rapport périodique de la Serbie (CEDAW/C/SBR/4) à ses 1675e et 1676e séances, le 28 février 2019 (voir CEDAW/C/SR.1675 et 1676). La liste de points et de questions établie par le Comité figure dans le document CEDAW/C/SRB/Q/4 et les réponses de l’État partie dans le document CEDAW/C/SRB/Q/4/Add.1.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le quatrième rapport périodique de l’État partie. Il remercie également l’État partie pour son rapport sur la suite donnée aux observations finales du Comité (CEDAW/C/SRB/CO/2-3/Add.1) et ses réponses écrites à la liste de points et de questions soulevés par le groupe de travail d’avant-session, ainsi que pour l’exposé de la délégation et les éclaircissements supplémentaires donnés en réponse aux questions posées oralement par le Comité pendant le dialogue.

Le Comité félicite l’État partie de son honorable délégation conduite par Mme Suzana Paunović, Directrice du Bureau des droits de l’homme et des minorités. La délégation comprenait des représentants des Ministères de l’intérieur, de la justice, du travail, de l’éducation, de la santé, de la construction et de l’administration publique et de l’administration territoriale autonome, ainsi que des représentants de l’Assemblée nationale et du Parlement de la province autonome de Voïvodine, de la Cour suprême, du Ministère public, de l’Organisme de coordination pour l’égalité des sexes, de l’équipe chargée de la question de l’inclusion sociale et de la réduction de la pauvreté, du Commissariat aux réfugiés et aux migrants, du Bureau des droits de l’homme et des minorités, du Bureau pour le Kosovo-Metohija et de la Mission permanente de la Serbie auprès de l’Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève.

B.Aspects positifs

Le Comité salue les progrès accomplis depuis l’examen en 2013 du rapport valant deuxième et troisième rapports périodiques de l’État partie (CEDAW/C/SRB/2-3) dans la mise en œuvre de réformes législatives, en particulier l’adoption des textes suivants :

a)la loi relative à l’aide juridictionnelle gratuite (2018), qui établit un mécanisme national d’aide juridictionnelle gratuite ;

b)la loi sur l’asile et la protection temporaire (2018), qui interdit les persécutions fondées sur le sexe, le genre et l’identité de genre et la violence fondée sur le genre ;

c)la loi sur la prévention de la violence domestique (2016), qui prévoit des mesures de protection des victimes ;

d)la loi relative au système budgétaire (2015), qui prévoit une budgétisation tenant compte des questions de genre.

Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour améliorer son cadre institutionnel et politique en vue d’accélérer l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et de promouvoir l’égalité entre les sexes, grâce à l’adoption et à la mise en place de ce qui suit :

a)la stratégie nationale de prévention et d’élimination de la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, et de protection des victimes (2017-2020) et son plan d’action (2017-2019) ;

b)le plan d’action national (2017-2020) pour l’application de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité ;

c)le programme national pour la préservation et l’amélioration de la santé sexuelle et procréative (2017) ;

d)la stratégie nationale pour l’égalité des sexes (2016-2020) et son plan d’action (2016-2018) ;

e)la stratégie nationale d’inclusion sociale des femmes et hommes roms (2016-2025) ;

f)le Conseil de suivi de l’application des recommandations formulées par les mécanismes de défense des droits de l’homme des Nations Unies (2014).

Le Comité constate avec satisfaction que le 21 novembre 2013, durant la période écoulée depuis l’examen du précédent rapport, l’État partie a accédé à la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul).

C.Objectifs de développement durable

Le Comité se félicite de l ’ appui apporté par la communauté internationale aux objectifs de développement durable et invite l ’ État partie à réaliser l ’ égalité de jure (dans la loi) et de facto (effective) des femmes et des hommes, conformément aux dispositions de la Convention, dans tous les aspects de la mise en œuvre du Programme de développement durable à l ’ horizon 2030. Il rappelle l ’ importance de l ’ objectif 5 et de l ’ intégration des principes d ’ égalité et de non-discrimination dans l ’ ensemble des 17 objectifs. Il exhorte l ’ État partie à reconnaître que les femmes sont la force motrice de son développement durable et à adopter des politiques et des stratégies pertinentes à cet effet.

D.Parlement

Le Comité souligne le rôle essentiel du pouvoir législatif s ’ agissant de garantir la pleine mise en œuvre de la Convention (voir  A/65/38 , deuxième partie, annexe VI). Il invite l ’ Assemblée nationale, dans le cadre de son mandat, à prendre les mesures nécessaires en vue de mettre en œuvre les présentes observations finales avant la soumission du prochain rapport périodique, en application de la Convention.

E.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Visibilité de la Convention, du Protocole facultatif s’y rapportant et des recommandations générales du Comité

Le Comité se félicite de : a) la traduction de la Convention et de son Protocole facultatif en 16 langues minoritaires, b) la publication de ses observations finales précédentes sur le site Web du Bureau des droits de l’homme et des minorités et de l’intégration de ses recommandations dans la Stratégie nationale pour la promotion de l’égalité des sexes (2016-2020) et c) la traduction de ses recommandations générales en serbe. Tout en prenant note que l’État partie a dit au cours du dialogue qu’il n’est pas en mesure de surveiller l’application des traités internationaux relatifs aux droits de l’homme au Kosovo étant donné que son administration a été confiée à la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo, le Comité déplore le manque de renseignements fournis sur l’application de la Convention dans ce territoire. Le Comité déplore également :

a)les conséquences délétères potentielles des attitudes régressionnistes et du discours sexiste sur la visibilité et la mise en œuvre des recommandations du Comité dans l’État partie ;

b)la méconnaissance persistante qu’ont les femmes, en particulier les femmes rurales, les femmes roms, les femmes handicapées, les femmes âgées et les femmes migrantes, de leurs droits au titre de la Convention et des recours disponibles.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) de continuer de valoriser les recommandations du Comité en assurant leur suivi continu, l ’ évaluation de leur incidence et leur visibilité et en les intégrant dans la réalisation des objectifs de développement durable en tant qu ’ élément clef de la promotion et de l ’ autonomisation des femmes ;

b) de prendre toutes les mesures nécessaires pour lutter contre le discours sexiste et les effets néfastes qu ’ il a sur les résultats obtenus par l ’ État partie dans le domaine des droits des femmes ;

c) de redoubler d ’ efforts pour informer les femmes, y compris les groupes de femmes défavorisées, des droits que leur reconnaît la Convention et des moyens de les faire valoir.

Cadre législatif et définition de la discrimination

Le Comité prend note que le nouveau projet de loi sur l’interdiction de la discrimination, qui définit et interdit la discrimination directe et indirecte, le harcèlement sexuel et l’incitation à la discrimination, est en attente d’adoption à l’Assemblée nationale. Il prend également note que le nouveau projet de loi sur l’égalité des sexes devrait interdire la discrimination directe et indirecte. Néanmoins, le Comité constate avec préoccupation que l’adoption de ces nouvelles lois a été freinée par une absence de consensus politique.

Le Comité encourage l ’ État partie à :

a) adopter sans plus tarder le nouveau projet de loi sur l ’ interdiction de la discrimination ;

b) examiner, en vue d ’ une adoption sans délai, le nouveau projet de loi sur l ’ égalité des sexes au travers d ’ un processus inclusif et participatif en coopération avec les organisations de la société civile de défense des droits des femmes pour le rendre conforme à la Convention et veiller à ce que la loi s ’ attaque aux formes croisées de discrimination directe et indirecte, y compris les discriminations fondées sur l ’ orientation sexuelle et l ’ identité de genre ;

c) allouer suffisamment de fonds pour la mise en œuvre, le suivi régulier et l ’ évaluation régulière des effets des lois contre la discrimination, de sorte à garantir que leurs dispositions bénéficient à toutes les femmes, y compris aux plus vulnérables ;

d) f aire connaître ces lois, en particulier aux femmes appartenant à des groupes défavorisés.

Indépendance du pouvoir judiciaire et accès à l’aide juridictionnelle

Le Comité accueille avec satisfaction la réforme constitutionnelle, qui vise à renforcer l’indépendance du pouvoir judiciaire, et l’adoption, en 2018, de la loi sur l’aide juridictionnelle gratuite. Il note également avec satisfaction que le droit à l’aide juridictionnelle gratuite est consacré dans la loi relative à la prévention de la violence familiale et dans le projet de loi sur l’égalité des sexes. Le Comité constate néanmoins avec préoccupation que :

a)les critères d’accès restrictifs à l’aide juridictionnelle au titre de la loi sur l’aide juridictionnelle gratuite entravent l’accès à la justice et excluent les organisations de la société civile et les universités en tant que fournisseurs potentiels d’aide juridictionnelle ;

b)la reconnaissance des victimes de plusieurs formes de violence fondée sur le genre autre que la violence familiale en tant que bénéficiaires d’aide juridictionnelle gratuite au titre de la loi relative à la prévention de la violence familiale, mais pas au titre de la loi sur l’aide juridictionnelle gratuite, peut mener à un refus d’accès à l’aide juridictionnelle gratuite ;

c)le nouveau projet de loi sur l’égalité des sexes limite la fourniture d’aide juridictionnelle gratuite aux victimes de violence fondée sur le genre et ne couvre pas les victimes de toutes les formes de discrimination fondée sur le genre ;

d)les magistrats, policiers et avocats ont une connaissance insuffisante de la Convention.

Conformément à sa recommandation générale n o  33 (2015) sur l ’ accès des femmes à la justice, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) de mettre en vigueur la loi sur l ’ aide juridictionnelle gratuite, d ’ établir sans plus tarder un système d ’ aide juridictionnelle à l ’ échelle du pays et de veiller à ce que des ressources humaines, financières et techniques suffisantes soient affectées à la mise en œuvre et au suivi de cette loi sur l ’ aide juridictionnelle gratuite ;

b) d ’ examiner la loi sur l ’ aide juridictionnelle gratuite, la loi relative à la prévention de la violence familiale et le nouveau projet de loi sur l ’ égalité des sexes en vue de garantir que les victimes de toutes les formes de discrimination fondée sur le sexe, y compris celles appartenant à des groupes défavorisés, aient accès à l ’ aide juridictionnelle gratuite, et de permettre à différents acteurs, y compris les organisations de la société civile et les universités, de fournir une aide juridictionnelle ;

c) de renforcer les connaissances des magistrats, procureurs et avocats eu égard à la Convention et leur capacité à l ’ invoquer ou à l ’ appliquer directement dans des procédures judiciaires, tout en veillant à ce que les initiatives de renforcement des capacités répondent de façon adéquate aux besoins de toutes les femmes et filles.

Mécanisme national de promotion des femmes

Le Comité félicite l’État partie pour la mise en place, en 2014, de l’Organisme de coordination pour l’égalité des sexes, qui relève du Cabinet du Vice-Premier Ministre, et pour l’adoption de la stratégie nationale en faveur de l’égalité des sexes pour la période 2016-2020 et du plan d’action y afférent pour la période 2016-2018, ainsi que pour les avancées accomplies dans l’intégration d’une budgétisation tenant compte des questions de genre. Cependant, le Comité est préoccupé par les points suivants :

a)l’Organisme de coordination pour l’égalité des sexes présente un manque de budget, de personnel, d’indépendance politique et de durabilité ;

b)il existe des chevauchements des rôles et un manque de synergie entre l’Organisme de coordination pour l’égalité des sexes et le Département de la politique anti-discrimination et de l’amélioration de l’égalité des sexes formé en 2017 sous la tutelle du Ministère du travail, de l’emploi, des anciens combattants et des affaires sociales ;

c)la stratégie nationale et le plan d’action pour l’égalité des sexes ne sont pas suffisamment financés et dépendent de ressources externes ;

d)des mécanismes locaux pour l’égalité des sexes n’ont pas été instaurés dans toutes les municipalités ;

e)la collaboration avec les organisations de la société civile est insuffisante ;

f)la budgétisation tenant compte des questions de genre a été mise en œuvre de manière inégale.

Le Comité encourage l’État partie à :

a) renforcer le mandat et l ’ indépendance des organismes chargés de l ’ égalité des sexes en leur fournissant des ressources humaines et financières suffisantes et en définissant clairement leurs responsabilités pour garantir une coopération harmonieuse et éviter les doubles emplois ;

b) finaliser l ’ établissement de mécanismes locaux d ’ égalité des sexes, les doter de ressources humaines, financières et techniques suffisantes, les autonomiser à participer à la prise de décisions dans les domaines pertinents et assurer la coordination requise entre les mécanismes aux niveaux local et national ;

c) allouer des ressources humaines et financières substantielles et durables pour l ’ application, le suivi et l ’ évaluation efficaces de la stratégie nationale et du plan d ’ action pour l ’ égalité des sexes ;

d) s ’ attacher à mettre en œuvre une budgétisation tenant compte des questions de genre en vue de respecter l ’ engagement pris par l ’ État partie d ’ appliquer une telle budgétisation à l ’ échelle nationale d ’ ici à 2020 ;

e) renforcer la coopération avec les organisations de la société civile, en particulier les organisations de femmes, soutenir financièrement leur travail et les faire systématiquement participer à l ’ élaboration des lois, des politiques et des programmes connexes aux niveaux local et national.

Institutions nationales de défense des droits de l’homme

Le Comité se félicite de la création du bureau du Protecteur des citoyens (Médiateur), de son attribution du statut A par l’Alliance globale des institutions nationales des droits de l’homme sur la base de sa conformité aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris), de l’élargissement de son mandat et de son rôle actif dans la promotion des droits des femmes. Néanmoins, le Comité demeure préoccupé par la visibilité et l’accessibilité limitées de cet organisme, en particulier dans les zones rurales et pour les groupes vulnérables de femmes, et déplore l’absence d’informations précisant si le Protecteur des Citoyens se plie aux Principes de Paris.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) de veiller à ce que le Protecteur des citoyens se plie aux Principes de Paris ;

b) de renforcer la visibilité, l ’ accessibilité et la transparence du Protecteur des citoyens, en particulier dans les zones rurales ;

c) d ’ intensifier ses efforts visant à mieux faire connaître auprès des femmes le mandat du Protecteur des citoyens en faveur de l ’ égalité des sexes, y compris le mécanisme de dépôt de plaintes, et les inciter à utiliser ce mécanisme.

Mesures temporaires spéciales

Le Comité prend note des mesures temporaires spéciales prises dans les domaines de l’éducation, de l’emploi, des soins de santé et du logement. Le Comité se félicite :

a)de l’incidence positive des mesures prises sur les taux de réussite, d’absentéisme et d’échec scolaires des filles roms ;

b)de l’introduction, dans le cadre du nouveau projet de loi sur l’égalité des sexes, d’un quota de 40 % de femmes dans les domaines de la vie sociale marqués par une représentation déséquilibrée des femmes et des hommes. Le Comité est toutefois préoccupé par le fait qu’en règle générale, les mesures prises ne tiennent pas compte des questions de genre et ciblent un éventail de groupes sociaux vulnérables. Il est également préoccupé par l’absence de statistiques ventilées par sexe sur l’application et l’impact des mesures temporaires spéciales dans ces domaines de la vie sociale.

Rappelant sa recommandation générale n o  25 (2004) sur les mesures temporaires spéciales et ses recommandations antérieures ( CEDAW/C/SRB/CO/2-3 , par. 19), le Comité engage l ’ État partie à :

a) renforcer l ’ application des mesures temporaires spéciales tenant compte des questions de genre en vue d ’ accélérer les progrès accomplis dans la réalisation de l ’ égalité réelle des femmes, en particulier des groupes de femmes défavorisées, dans tous les domaines visés par la Convention, et allouer des ressources suffisantes à la mise en œuvre, au suivi et à l ’ évaluation des effets de ces mesures ;

b) renforcer la collecte et l ’ analyse de statistiques ventilées par sexe pour contrôler et évaluer les effets des mesures temporaires spéciales ;

c) sensibiliser les fonctionnaires, les parlementaires, les employeurs et les citoyens concernés, en particulier les femmes, au sujet de ces mesures et de leurs effets.

Stéréotypes discriminatoires fondés sur le genre

Le Comité est préoccupé par les rapports faisant état de niveaux élevés de stéréotypes discriminatoires fondés sur le genre qui entravent la promotion des droits de la femme dans l’État partie. Le Comité est particulièrement préoccupé par :

a)la multiplication des discours sexistes dans le domaine public, les vives réactions eu égard à la perception de l’égalité des sexes et les déclarations misogynes exprimées dans les médias, y compris par des hommes politiques, chefs religieux et universitaires de haut rang, en toute impunité ;

b)la promotion d’une idée très conservatrice de la famille traditionnelle, selon laquelle les femmes sont avant tout considérées comme des mères, qui a été exacerbée par la campagne nationale visant à encourager les naissances et l’adoption de la loi sur le soutien financier aux familles ayant des enfants, en vertu de laquelle les mères de trois enfants ou plus reçoivent des incitations financières.

Le Comité réitère ses précédentes recommandations ( CEDAW/C/SRB/CO/2-3 , par. 21) et prie instamment l ’ État partie :

a) de mettre en place une stratégie spécifique et de mener des campagnes publiques à grande échelle d ’ éducation et de sensibilisation à l ’ intention des femmes et des hommes à tous les niveaux de la société, y compris des chefs religieux, afin de réaffirmer la notion d ’ égalité des sexes et de promouvoir une image positive des femmes qui participent activement à la vie sociale, économique et politique ;

b) de surveiller l ’ utilisation des termes misogynes dans les références faites aux femmes dans les discours publics et médiatiques, d ’ encourager les médias à instaurer un mécanisme d ’ autorégulation efficace afin de lutter contre l ’ utilisation de tels termes, d ’ apporter, s ’ il y a lieu, des modifications législatives de sorte à demander des comptes aux auteurs et d ’ utiliser le système éducatif pour mettre en avant des représentations positives et non stéréotypées des femmes.

Violence à l’égard des femmes fondée sur le genre

Le Comité félicite l’État partie pour ce qui suit :

a)la ratification en 2013 de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique ;

b)l’adoption en 2016 de la loi sur la prévention de la violence familiale, qui introduit, entre autres, des mesures de protection d’urgence pour les victimes ;

c)la criminalisation du viol conjugal, des mutilations génitales féminines, du harcèlement criminel et du mariage forcé ;

d)l’harmonisation entre les peines pour viol (article 178 du Code pénal) et tout rapport sexuel imposé à une personne handicapée (article 179 du Code pénal) ;

e)l’adoption d’une journée nationale du souvenir pour les femmes victimes de violence familiale et de violence au sein du couple.

Il est toutefois préoccupé par :

a)la forte prévalence de violence physique à l’égard des femmes âgées, l’augmentation de toutes les formes de violence fondée sur le genre à l’égard des femmes handicapées dans les institutions et l’utilisation abusive fréquente d’armes à feu dans des cas de violence au sein de la famille ou du couple ;

b)le fait que les mesures prises par l’État partie luttent uniquement contre la violence familiale et ne couvrent pas toutes les formes de violence à l’égard des femmes et des filles fondée sur le genre ;

c)les termes discriminatoires inclus dans l’article 179 du Code pénal, dans lequel la « copulation avec une personne sans défense » est criminalisée, en référence aux femmes handicapées ;

d)l’insuffisance de l’estimation des risques visant à prévenir la violence à l’égard des femmes et des filles fondée sur le genre, y compris le féminicide, et l’absence d’émission rapide et d’application effective des ordonnances de protection d’urgence ;

e)l’absence de poursuites effectives des cas de violence à l’égard des femmes fondée sur le genre, la persistance des disparités entre le nombre de poursuites judiciaires et le nombre de verdicts de culpabilité, la majorité des affaires se terminant par une condamnation avec sursis, et le faible nombre d’affaires de viol signalées ;

f)le fait que l’appui aux victimes de violence fondée sur le genre soit principalement fourni par des organisations non gouvernementales et reste tributaire de l’appui des donateurs et l’insuffisance du nombre de structures d’accueil mises à la disposition des victimes de violence fondée sur le genre ;

g)l’absence d’un système robuste de collecte et de contrôle des données pour les affaires de violence à l’égard des femmes et des filles fondée sur le genre.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) de mener une enquête sur la prévalence et les causes de la violence à l ’ égard des femmes et des filles fondée sur le genre, en veillant à ce qu ’ elle couvre les femmes âgées, les femmes et les filles rurales, les femmes et les filles roms, les femmes et les filles handicapées, y compris celles placées en institution, et les femmes et les filles appartenant à d ’ autres groupes défavorisés ;

b) d ’ élaborer une stratégie et un plan d ’ action globaux pour éliminer toutes les formes de violence à l ’ égard des femmes fondée sur le genre, y compris en luttant contre les stéréotypes sexistes, d ’ allouer des ressources suffisantes et durables pour veiller à ce que les effets de la stratégie soient pleinement appliqués, suivis et évalués et d ’ accélérer l ’ adoption de la stratégie nationale de prévention et d ’ élimination de la violence au sein de la famille ou du couple pour la période 2017-2020 ;

c) examiner et réviser son Code pénal, son Code de la famille et d ’ autres lois et politiques pertinentes, y compris en ce qui concerne la manipulation et la possession d ’ armes à feu, en vue de prévenir et de combattre efficacement toutes les formes de violence à l ’ égard des femmes et de protéger les victimes et de réviser l ’ art icle 179 du Code pénal sur la «  copulation avec une personne sans défense », de sorte à supprimer tout terme discriminatoire ;

d) de veiller à ce que toutes les affaires portant sur des formes de violence à l ’ égard des femmes, y compris le viol, donnent lieu à des enquêtes en bonne et due forme, que les responsables soient poursuivis et sanctionnés à la mesure de la gravité des infractions et que les victimes soient protégées contre toute revictimisation et aient accès à une réparation effective, notamment sous la forme d ’ une indemnisation, et d ’ assurer l ’ émission, l ’ exécution et la gestion rapides et efficaces des ordonnances de protection d ’ urgence pour les femmes vulnérables et des programmes d ’ appui pour les auteurs, qui visent à éviter toute récidive ;

e) de renforcer la coopération multisectorielle pour prévenir et combattre toutes les formes de violence fondée sur le genre et fournir des services aux victimes, y compris la coopération avec les centres d ’ action sociale et les organisations de la société civile ;

f) de veiller à ce que toutes les femmes qui sont victimes de violence fondée sur le genre, y compris celles appartenant aux groupes les plus défavorisés, aient libre accès à une protection efficace contre la violence, y compris en garantissant la fourniture d ’ aide juridictionnelle gratuite par des professionnels expérimentés de l ’ État, du milieu universitaire ou d ’ organisations non gouvernementales, d ’ un nombre suffisant de refuges accessibles financés par l ’ État et d ’ un service d ’ assistance téléphonique anonyme opéré par du personnel ayant l ’ expérience du travail avec les victimes de violence, et de faire mieux connaître les services disponibles opérés par l ’ État et par des organisations non gouvernementales ;

g) de renforcer son système de collecte et de contrôle des données sur toutes les affaires relatives à des formes de violence à l ’ égard des femmes fondée sur le genr e, tout en assurant la ventilation des données par type de violence et par relation entre l ’ auteur et la victime et en accélérant la création d ’ un registre central des affaires de violence familiale, sous la direction du Ministère de la justice.

Traite des personnes et exploitation de la prostitution

Le Comité salue l’adoption de la stratégie nationale pour la prévention et l’élimination de la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, et pour la protection des victimes pendant la période 2017-2020, ainsi que le plan d’action qui l’accompagne pour la période 2017-2018, les directives générales pour le traitement des victimes de la traite des personnes et le protocole sur la coopération dans le domaine de l’identification des victimes de la traite des personnes. Il se félicite également de la création du premier centre d’accueil public pour les victimes de la traite. Il est toutefois préoccupé par les points suivants :

a)l’État partie demeure le pays d’origine de certaines victimes de la traite, qui sont exploitées au sein du pays et à l’étranger, et dont la majorité identifiées en Serbie sont des femmes et des filles, chez lesquelles, de manière générale, plus de 70 % des affaires de traite ont un lien avec l’exploitation sexuelle ;

b)dans le monde de la prostitution en particulier, les femmes s’exposent à des sanctions au titre de l’article 16 de la loi sur le maintien de l’ordre public et risquent des amendes d’un montant maximum de 150 000 dinars serbes (1 300 €) et jusqu’à 60 jours d’emprisonnement ;

c)une baisse des condamnations pour traite a été constatée, notamment en raison des reconnaissances préalables de culpabilité, tandis que certaines victimes ont été renvoyées vers des poursuites au civil en vue de demander des indemnités, ou auraient été poursuivies pour prostitution, et n’auraient donc pas eu droit aux mécanismes de protection disponibles ;

d)il existe peu de services de protection et d’allocations budgétaires pour les victimes de la traite, y compris en termes de centres d’accueil, en particulier pour les filles, dont la plupart sont gérés par des organisations non gouvernementales.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) d ’ abroger l ’ article 16 de la loi sur le maintien de l ’ ordre public et de s ’ assurer que la prostitution chez les femmes ne soit plus érigée en infraction par la loi, y compris la loi sur le maintien de l ’ ordre public, de proposer des programmes adaptés aux femmes souhaitant renoncer à la prostitution et de leur donner accès à d ’ autres sources de revenus ;

b) d ’ enquêter de manière efficace sur les affaires de traite d ’ êtres humains, en particulier de femmes et de filles, au titre de l ’ article 388 du Code pénal (traite de personnes), d ’ en poursuivre les auteurs et de veiller à ce que les peines prononcées soient à la mesure de la gravité des faits, et d ’ appliquer efficacement les dispositions du Code de procédure pénale qui permettent aux juges d ’ octroyer des indemnités aux victimes dans le cadre de procès pénaux ;

c) d ’ intensifier le renforcement des capacités des forces de l ’ ordre, notamment dans les zones frontalières et les principales plateformes de transport, et des autorités judiciaires afin qu ’ elles soient mieux à même d ’ identifier les victimes de la traite et de les orienter vers les services compétents, d ’ enquêter sur les affaires de traite et d ’ intenter des poursuites en tenant compte de la problématique femmes-hommes ;

d) de renforcer les services de protection à l ’ égard des victimes de la traite en y allouant des ressources humaines et financières suffisantes et durables et en renforçant la coordination et la coopération entre les autorités publiques et la société civile, et de faciliter l ’ accès à l ’ éducation et à l ’ emploi pour les victimes ;

e) de poursuivre les efforts de coopération internationale, régionale et bilatérale avec les pays d ’ origine, de transit et de destination et de créer un mécanisme visant à faciliter une migration régulière.

Participation à la vie politique et publique

Le Comité salue la nomination de la première femme Premier ministre de l’État partie en 2017. Il se félicite également de la création du Women’s Parliamentary Network. Il est toutefois préoccupé par les points suivants :

a)les femmes sont largement sous-représentées dans les administrations locales, seulement 9 des 169 municipalités ayant des femmes à leur tête, ainsi que dans le service diplomatique, les forces armées et les postes à responsabilité dans tous les secteurs ;

b)il n’existe aucune femme attaché militaire au sein du corps diplomatique ;

c)les femmes appartenant à des groupes défavorisés, telles que les femmes roms ou handicapées, ne sont pas représentées dans la vie politique ou publique ;

d)les activités du Women’s Parliamentary Network ont été suspendues ;

e)des campagnes médiatiques et des rapports négatifs à l’encontre de représentants de la société civile entravent leurs efforts de promotion des droits des femmes.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) d ’ accélérer l ’ égalité de représentation des femmes, y compris des femmes roms et handicapées, dans tous les domaines de la vie politique et publique, notamment aux postes à responsabilité, aux niveaux national et local, ainsi que dans les forces armées et au sein des services diplomatiques, et d ’ affecter des ressources suffisantes à l ’ exécution de ces mesures ;

b) d ’ adopter le nouveau projet de loi sur l ’ égalité des sexes, qui définit un quota de 50 % en matière de représentation féminine dans les domaines de la vie sociale marqués par une représentation déséquilibrée des femmes et des hommes, et d ’ étendre ce quota à toutes les autorités et administrations publiques ;

c) de s ’ assurer que les organisations de la société civile, y compris les militants des droits des femmes, soient en mesure d ’ exercer leurs droits à la liberté d ’ expression, de réunion et d ’ association, sans être victimes d ’ intimidation ou de représailles ;

d) de s ’ assurer que les cas présumés d ’ intimidation ou de représailles contre des militants de la société civile font l ’ objet d ’ enquêtes en bonne et due forme, que les responsables sont poursuivis et dûment punis et que les victimes sont protégées contre ces actes ;

e) de s ’ assurer que les agents de la fonction publique qui entravent les poursuites contre les auteurs d ’ infractions soient traduits en justice.

Les femmes et la paix et la sécurité

Le Comité note avec satisfaction l’adoption du deuxième plan d’action national pour la mise en œuvre de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité sur les femmes et la paix et la sécurité, qui couvre la période 2017-2020. Il remarque également les explications fournies par l’État partie au cours du dialogue sur la mise en œuvre du précédent plan d’action national, qui couvrait la période 2010-2015, et son évaluation. Il est toutefois préoccupé par :

a)l’absence d’informations spécifiques quant aux mesures prises pour contrôler et évaluer les effets du deuxième plan d’action national et quant aux services fournis aux femmes et aux filles victimes de violences liées aux conflits ;

b)l’allocation budgétaire insuffisante à la mise en œuvre du deuxième plan d’action national ;

c)le manque présumé d’engagement auprès des femmes touchées par le conflit et des organisations de la société civile qui travaillent avec des victimes au développement du rapport ;

d)le manque de statistiques sur la violence liée aux conflits à l’égard des femmes et des filles.

Compte tenu de sa recommandation générale n o  30 (2013) sur les femmes dans la prévention des conflits, les conflits et les situations d ’ après conflit, de la résolution  1325 (2000) du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité et des résolutions ultérieures sur la question, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) d ’ al louer suffisamment de ressources et de renforcer les mécanismes visant à mettre en œuvre, à surveiller et à évaluer de manière efficace les effets du deuxième plan d ’ action national et de procéder sans délai à une évaluation à mi-parcours du plan ;

b) d ’ impliquer activement la société civile, y compris les femmes touchées par les conflits et les organisations qui travaillent avec les victimes, dans la mise en œuvre, le suivi et l ’ évaluation des effets du plan d ’ action national, ainsi que dans le développement des documents de stratégie, pourparlers de paix et activités de redressement et de reconstruction après le conflit qui s ’ y rapportent ;

c) de renforcer et de promouvoir la représentation des femmes au sein du personnel en charge des négociations de paix et de la médiation en faveur de celle-ci, y compris aux postes à responsabilité, et de collecter des données, ventilées par âge, sexe et zone géographique, sur la participation des femmes à la mise en œuvre du plan d ’ action national dans les domaines exécutif, législatif et judiciaire ;

d) de garantir la conduite d ’ une évaluation des besoins et un accès efficace aux services juridiques, psychosociaux et liés aux soins de santé pour toutes les femmes et filles victimes de violences liées aux conflits, y compris les femmes et les filles rurales ou appartenant à des groupes défavorisés ;

e) de prendre des mesures en vue de protéger, tant en interne qu ’ en externe, les femmes et les filles déplacées contre les déplacements forcés et la violence ;

f) d ’ améliorer la collecte de données uniformisées sur la violence liée aux conflits à l ’ égard des femmes et des filles.

Nationalité

Le Comité salue les progrès considérables faits par l’État partie dans la réduction du risque d’apatridie au sein de la population rom, le nombre de personnes à risque étant passé de 30 000 en 2004 à 2 200 en 2018, depuis qu’il a rejoint, en 2011, la Convention sur la réduction des cas d’apatridie de 1961. Le Comité se réjouit également le l’adoption d’une nouvelle législation qui simplifie l’enregistrement des naissances et du lieu de résidence. Il est toutefois préoccupé par les points suivants :

a)environ 2 200 personnes restent exposées à l’apatridie, en particulier des Roms déplacés et enregistrés au Kosovo alors qu’ils résident en Serbie, et parmi lesquels 300 à 400 personnes ne possèdent pas d’acte de naissance ;

b)l’accès à l’enregistrement des naissances est difficile pour les enfants dont les parents, ou au moins les mères, ne possèdent pas d’acte de naissance ou de documents d’identité, principalement chez les Roms ;

c)les mariages d’enfants et les mariages forcés au sein de la population rom contribuent à l’apatridie.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) de prendre des mesures législatives et autres pour garantir un enregistrement immédiat des naissances, un accès à des documents d ’ identité et une nationalité à tous les enfants, même si leurs parents ne possèdent pas de documents d ’ identité ou sont apatrides ;

b) d ’ étendre l ’ enregistrement des naissances par voie électronique aux accouchements à domicile et à tous les parents, y compris les Roms et les parents déplacés ou qui ne possèdent pas d ’ adresse ou de documents d ’ identité ;

c) d ’ établir un système visant à suivre tous les dossiers impliquant des mariages d ’ enfant chez les enfants apatrides, notamment les filles roms.

Éducation

Le Comité salue les progrès faits par l’État partie dans le domaine de l’éducation grâce à la mise en œuvre de la stratégie pour le développement en matière d’éducation, en particulier au travers d’une augmentation des bourses d’études pour les filles et de la reconnaissance de la nécessité de veiller à ce qu’elles n’abandonnent pas leurs études. Le Comité est toutefois préoccupé par les points suivants :

a)l’éducation est influencée par un programme politique sexiste de plus en plus répandu qui se traduit par du matériel pédagogique qui véhicule des stéréotypes sexistes, la banalisation des stéréotypes sexistes discriminatoires au sein du personnel enseignant, principalement masculin, une ségrégation liée au genre dans le domaine de l’éducation et une inquiétante généralisation de la violence fondée sur le genre, notamment de la violence sexuelle, à l’école, dans le contexte du retrait d’un projet d’outil pédagogique sur la sexualité et la violence sexuelle en 2016 ;

b)les filles roms quittent parfois l’école avant même d’avoir terminé leur éducation primaire et sont presque totalement absentes du système éducatif après 18 ans ;

c)les filles handicapées sont moins impliquées dans l’éducation inclusive que les garçons handicapés.

Le Comité appelle l ’ État partie à améliorer son secteur de l ’ éducation, conformément à la recommandation générale n o  36 (2017) sur le droit des filles et des femmes à l ’ éducation, et recommande à l ’ État partie :

a) d ’ élaborer un contenu relatif à la lutte contre la discrimination fondée sur le sexe et à l ’ égalité des sexes et d ’ introduire du contenu adapté en fonction de l ’ âge et tenant compte des questions de genre dans les programmes et manuels d ’ éducation à tous les niveaux de l ’ enseignement ;

b) d ’ intégrer une éducation à la santé et aux droits en matière de sexualité et de procréation adaptée en fonction de l ’ âge, y compris par rapport à un comportement sexuel responsable ;

c) de réduire la ségrégation liée au genre à tous les niveaux de l ’ enseignement et d ’ encourager les filles et les garçons à exercer des métiers qui ne sont traditionnellement pas associés à leur sexe ;

d) de renforcer les mécanismes visant à maintenir les filles roms au sein du système éducatif, de suivre de manière continue la mise en œuvre de la stratégie nationale pour l ’ inclusion sociale des femmes et des hommes roms, qui couvre la période 2016-2025, et d ’ en évaluer les effets sur l ’ inclusion des femmes roms dans le domaine de l ’ éducation ;

e) sans renoncer à sa politique d ’ éducation inclusive, de renforcer ses efforts visant à promouvoir et à garantir une éducation préscolaire et scolaire inclusive dans l ’ enseignement ordinaire pour les enfants roms, en particulier les filles, et pour les filles handicapées, tout en mettant en place des aménagements raisonnables dans les infrastructures scolaires et les installations de sports et de loisirs pour les filles handicapées, et de hâter l ’ adoption et la mise en œuvre du cadre national de suivi de l ’ éducation inclusive et des indicateurs de qualité de l ’ enseignement.

Emploi

Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour garantir aux femmes et aux hommes l’égalité sur le marché du travail et lutter contre la discrimination fondée sur le genre. Il se réjouit des mesures actives en matière d’emploi prises à l’égard des femmes roms et handicapées. Il est toutefois préoccupé par :

a)la persistance de l’écart salarial entre femmes et hommes et la ségrégation verticale et horizontale sur le marché du travail ;

b)le taux d’emploi plus faible chez les femmes (50,8 %) que chez les hommes (63,9 %) ;

c)le taux de chômage élevé, notamment parmi les femmes roms, handicapées et rurales, et le taux de chômage plus élevé chez les jeunes femmes que chez les jeunes hommes ;

d)le partage inégal des responsabilités entre les femmes et les hommes et le manque de possibilités de concilier les obligations professionnelles et familiales, qui restreint les perspectives d’emploi pour les femmes ;

e)le manque de mesures visant à lutter contre le harcèlement sexuel au travail, en particulier vis-à-vis des jeunes femmes et des femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres et des personnes intersexes, y compris le nombre anormalement faible de condamnations pour harcèlement sexuel, qui nuit aux perspectives d’emploi et de promotion des femmes.

Le Comité réitère ses précédentes recommandations ( CEDAW/C/SRB/CO/2-3 , par. 31) et prie instamment l ’ État partie :

a) de garantir l ’ application efficace du principe de l ’ égalité de rémunération pour un travail de valeur égale, prévu par le Code du travail, y compris en examinant de manière régulière les salaires dans les secteurs traditionnellement féminins et masculins en vue de réduire l ’ écart de rémunération entre les genres, et en prenant d ’ autres mesures appropriées ;

b) de concevoir, d ’ adopter et de mettre en œuvre des mesures ciblées, tenant compte des questions de genre et assorties de délais, y compris des mesures temporaires spéciales : i) pour offrir de meilleures possibilités aux femmes, y compris aux femmes jeunes, roms, handicapées et rurales ; ii) pour renforcer l ’ accès des femmes à l ’ emploi, en particulier aux professions mieux rémunérées et à des secteurs d ’ activité majoritairement masculins, y compris au travers de mesures incitatives pour encourager les employeurs des secteurs public et privé à recruter des femmes ; iii) pour mettre en œuvre des politiques tenant compte de la problématique femmes-hommes ; iv) pour soutenir l ’ entrepreneuriat chez les femmes et v) pour promouvoir une image positive des femmes dans le milieu des affaires et dans la vie professionnelle en général ;

c) de s ’ assurer que les femmes au chômage, y compris celles inscrites auprès de l ’ Agence nationale pour l ’ emploi, connaissent parfaitement les services mis à leur disposition ;

d) d ’ assouplir les modalités de travail pour les femmes comme pour les hommes, y compris au travers du travail à temps partiel et du télétravail, de créer davantage de structures de garde d ’ enfants et d ’ établissements de soins pour les autres personnes à charge, et de promouvoir un partage équitable des responsabilités au sein du foyer et une paternité responsable, notamment en introduisant des congés de paternité payés, en encourageant les pères à les utiliser et en surveillant la pratique ;

e) de garantir à toutes les femmes qui travaillent un accès à des dispositifs de protection de la maternité, y compris en assurant un paiement régulier de compensations salariales pendant les congés de grossesse, de maternité et parentaux et en facilitant le retour au travail pour les jeunes mères, notamment grâce à un soutien financier adéquat ;

f) de réaliser une étude complète visant à évaluer la prévalence du harcèlement sexuel sur le lieu de travail, d ’ encourager le signalement des cas de harcèlement sexuel sur le lieu de travail et de sensibiliser le public à sa nature discriminatoire, à ses effets négatifs sur l ’ emploi chez les femmes et aux sanctions potentielles, de renforcer le mécanisme destiné à gérer de manière efficace les affaires de harcèlement sexuel, y compris devant les tribunaux, et de collecter des statistiques, ventilées par âge, origine, zone géographique et relation avec l ’ auteur, sur le nombre et la nature des plaintes pour harcèlement sexuel sur le lieu de travail dans les secteurs public et privé.

Santé

Le Comité salue l’adoption du projet de programme national pour la préservation et le renforcement de la santé en matière de sexualité de procréation, en 2017. Il est toutefois préoccupé par :

a)l’utilisation limitée des contraceptifs et le manque de connaissance des méthodes de contraception modernes chez les jeunes filles et les adolescents ;

b)la prévalence des grossesses précoces chez les filles roms ;

c)le recours continu à l’avortement comme méthode de contraception, en particulier chez les femmes âgées de plus de 40 ans ;

d)la faible participation des femmes aux programmes de préparation à l’accouchement, en particulier chez les femmes rurales et roms, et le manque de couverture des dépistages précoces des cancers du sein et du col de l’utérus ;

e)les difficultés persistantes rencontrées par les femmes handicapées pour accéder aux services de santé sexuelle et procréative, exacerbées par le manque de matériel technique ;

f)les rapports selon lesquels les femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres et les personnes intersexes sont exclues des services de planification de la famille, y compris en ce qui concerne l’insémination artificielle.

Le Comité réitère ses précédentes recommandations ( CEDAW/C/SRB/CO/2-3 , par. 33) et prie instamment l ’ État partie :

a) de sensibiliser le public aux méthodes de contraception modernes, de s ’ assurer que l ’ avortement n ’ est plus utilisé comme moyen de contraception, y compris grâce à l ’ éducation et à des campagnes médiatiques ciblant les jeunes et les adolescents, en particulier au sein de la population rom, et les femmes plus âgées, et d ’ améliorer l ’ accès à la contraception, y compris en garantissant la couverture universelle des coûts liés à celle-ci en vertu du régime d ’ assurance maladie public ;

b) de collecter des statistiques sur les grossesses précoces, ventilées par âge, origine et zone géographique, et de s ’ assurer que les agents de santé signalent les grossesses chez les adolescentes aux services sociaux et à la police ;

c) de garantir un accès sans entrave aux soins de santé, y compris les soins en matière de santé sexuelle et procréative, aux programmes de dépistage précoce pour les cancers du sein et du col de l ’ utérus et à un traitement antirétroviral gratuit, pour toutes les femmes et filles, y compris les femmes roms et handicapées, notamment celles placées dans des institutions, de sensibiliser les femmes aux avantages des mesures de prévention précoces, et de s ’ assurer que les femmes donnent leur consentement libre et éclairé ;

d) de renforcer l ’ accès des femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres et des personnes intersexes aux services de planification familiale et à l ’ insémination artificielle.

Autonomisation économique et avantages sociaux

Le Comité prend note avec satisfaction de la déclaration de la délégation de l’État partie pendant le dialogue selon laquelle le plan d’action à venir pour l’égalité des sexes se concentrera sur l’autonomisation économique des femmes. Il est toutefois préoccupé par les points suivants :

a)plus de 74 % des femmes qui indiquent travailler dans le domaine de l’agriculture le font en tant que membres de la famille non rémunérés ;

b)les femmes au chômage et les femmes employées dans le secteur informel ont difficilement accès aux prestations de la sécurité sociale ;

c)la participation des femmes au processus décisionnel relatif aux exploitations agricoles est faible car seuls 15,9 % d’entre elles sont chargées de la gestion d’une exploitation ;

d)le nombre de femmes chefs d’entreprise est limité ;

e)les femmes sont sous-représentées dans le sport et parmi les responsables sportifs et titulaires de bourses d’études et de prix nationaux destinés aux athlètes.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) de mener une étude visant à évaluer la participation des femmes au secteur informel de l ’ économie, y compris en ce qui concerne l ’ accès à la couverture sociale et aux régimes de retraite et, sur la base des résultats de l ’ étude, d ’ examiner la mise en œuvre et d ’ analyser les effets de la législation et des politiques actuelles en matière d ’ emploi en tenant compte de la problématique hommes-femmes, dans le but de garantir des protections sociales à toutes les femmes, y compris à celles employées dans le secteur informel de l ’ économie ;

b) de prendre des mesures ciblées et assorties de délais en vue de contribuer à l ’ autonomisation des femmes dans le domaine de l ’ agriculture et d ’ autres secteurs, y compris en renforçant leur participation à la gestion et à la prise de décisions et en développant leurs perspectives d ’ entrepreneuriat ;

c) de promouvoir la participation des femmes et de reconnaître leur légitimité dans le domaine du sport au même titre que les hommes, et de promouvoir une budgétisation tenant compte des questions de genre dans le sport.

Femmes rurales

Le Comité se félicite que l’État partie ait adopté le programme national de développement rural pour la période 2018-2020. Cependant, il s’inquiète de savoir que les femmes rurales ont moins facilement accès que les hommes aux soins de santé, à l’éducation, à l’emploi dans le secteur formel, aux régimes de retraite et de sécurité sociale et à la propriété foncière, et que la participation des femmes aux processus décisionnels est limitée.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) d ’ adopter des mesures temporaires spéciales et autres pour s ’ assurer que les femmes rurales, y compris celles qui travaillent dans le secteur informel, ont autant accès que les hommes à l ’ éducation, aux soins de santé, au logement, à l ’ emploi formel et aux régimes de sécurité sociale et de retraite, qu ’ elles peuvent se former tout au long de leur vie, qu ’ elles ne sont pas exclues de la propriété foncière ni privées de l ’ usage de la terre et que leurs besoins particuliers sont pris en considération ;

b) de garantir l ’ égale participation des femmes rurales à la prise de décisions, y compris en ce qui concerne les exploitations agricoles, et de les associer à la conception, à l ’ élaboration, à la mise en œuvre ainsi qu ’ au suivi et à l ’ évaluation de l ’ ensemble des stratégies et des plans les concernant et touchant par exemple la santé, l ’ éducation, l ’ emploi, la retraite et la sécurité sociale ;

c) de renforcer la collecte de données ventilées par âge, sexe et zone géographique concernant les femmes rurales, afin d ’ évaluer la situation de ces dernières et les progrès accomplis au fil du temps.

Groupes de femmes défavorisés

Le Comité salue l’adoption de la stratégie nationale sur le vieillissement, de la stratégie nationale pour l’inclusion sociale des femmes et des hommes roms pour la période 2016-2025 et de la stratégie nationale visant à résoudre les questions cruciales concernant les réfugiés et les personnes déplacées, ainsi que la résolution et la détermination de l’État partie à améliorer la situation des groupes de femmes défavorisés, soulignées par sa délégation pendant le dialogue. Le Comité est toutefois préoccupé par certains rapports selon lesquels les femmes roms, âgées, pauvres, handicapées, réfugiées, déplacées et chefs de ménage font toujours l’objet de formes de discrimination et de violence multiples et convergentes. Il s’inquiète particulièrement du fait que les femmes bénéficient toujours d’un accès limité aux soins de santé, à l’éducation, à l’emploi et à une assistance sociale, et qu’elles ne sont pas protégées face à la violence fondée sur le genre.

Le Comité demande à l ’ État partie de poursuivre sans relâche ses efforts visant à éliminer les formes de discrimination multiples et convergentes à l ’ égard des femmes appartenant à des groupes défavorisés et de garantir leur autonomisation économique. Le Comité encourage l ’ État partie à réaliser une étude complète afin d ’ évaluer la situation et les besoins et aspirations spécifiques des femmes appartenant à des groupes défavorisés, telles que les femmes roms, âgées, pauvres, handicapées, réfugiées, déplacées et chefs de ménage, en vue d ’ adapter sa législation et ses politiques.

Égalité devant la loi

Le Comité est préoccupé par la privation de capacité juridique et le régime de curatelle en vigueur dans l’État partie, qui restreignent la capacité juridique de nombreuses femmes handicapées, qui ne peuvent dès lors pas se marier, fonder une famille, avoir accès à la justice ou voter.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ abroger toute disposition du Code civil et d ’ autres textes législatifs qui limitent la capacité juridique des femmes en raison d ’ un handicap ou pour supprimer toute autre forme de discrimination.

Mariage et relations familiales

Le Comité salue la criminalisation des mariages forcés, la possibilité pour les travailleuses indépendantes et les productrices agricoles de bénéficier d’un congé de maternité et l’introduction d’un congé de paternité. Il est toutefois préoccupé par les points suivants :

a)les femmes qui ont des enfants représentent la majorité des familles monoparentales, dont moins d’un cinquième ont les moyens de s’offrir les biens et services de base ;

b)des versements de pensions alimentaires ne sont assurés que par un tiers des partenaires ;

c)le mariage d’enfants reste une réalité parmi la population générale, dans les zones urbaines et rurales, en particulier dans la communauté rom, où environ 7 % des filles se marient avant l’âge de 18 ans, tandis que, selon les informations communiquées par l’État partie pendant le dialogue, seuls deux cas de mariages forcés ont été signalés.

d)les femmes représentent 11 % des propriétaires fonciers, alors que la majorité des propriétés sont traditionnellement enregistrées au nom des hommes ; en matière d’héritage, les fils sont jugés prioritaires par rapport aux filles, dont la société attend qu’elles renoncent à leurs droits successoraux en faveur de leurs frères ; les partenaires civils, quant à eux, sont exclus de la liste des héritiers.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) de remédier sans délai à la situation des familles monoparentales défavorisées, en particulier celles à la tête desquelles se trouve une femme ;

b) de garantir le recouvrement rapide des versements de pensions alimentaires, notamment en instaurant des mécanismes d ’ application et des sanctions dissuasives en cas d ’ inexécution ;

c) d ’ empêcher et d ’ éradiquer les mariages d ’ enfants et les mariages forcés au travers d ’ une action concertée des autorités compétentes, des organisations non gouvernementales et de la communauté rom, notamment :

i) en renforçant les campagnes de sensibilisation aux effets délétères de telles unions sur la santé et le bien-être des femmes et des filles ;

ii) en mettant sur pied des mécanismes de détection des mariages d ’ enfants et des mariages forcés ;

iii) en assurant l ’ application des articles 187a (mariages forcés) et 190 (cohabitation avec un mineur) du Code pénal et en poursuivant et en punissant les auteurs à l ’ aide de peines à la mesure de la gravité des infractions ;

(iv) en recueillant systématiquement des données sur le nombre de plaintes déposées, d ’ enquêtes diligentées, de poursuites engagées, de déclarations de culpabilité prononcées et de sanctions infligées au titre de l ’ interdiction des mariages forcés et de la cohabitation avec un mineur ;

d) d ’ éliminer la discrimination à l ’ égard des femmes en matière de propriété et d ’ héritage, de mettre les partenariats civils sur un pied d ’ égalité avec les mariages en ce qui concerne les droits de propriété et d ’ héritage, d ’ appliquer le droit à la propriété conjointe et d ’ établir un système d ’ enregistrement conjoint des propriétés.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité invite l ’ État partie à s ’ appuyer sur la Déclaration et le Programme d ’ action de Beijing dans l ’ action qu ’ il mène pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention.

Diffusion

Le Comité prie l ’ État partie de veiller à diffuser rapidement les présentes observations finales, dans la langue officielle de l ’ État partie aux institutions publiques concernées à tous les niveaux (national, régional et local), en particulier au Gouvernement, aux ministères, à l ’ Assemblée nationale et au corps judiciaire, afin d ’ en permettre la pleine application.

Ratification d’autres instruments

Le Comité note que l ’ adhésion de l ’ État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme contribuerait à favoriser l ’ exercice effectif par les femmes de leurs droits individuels et de leurs libertés fondamentales dans tous les aspects de la vie. Le Comité encourage par conséquent l ’ État partie à ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, qu ’ il a signée, mais pas encore ratifiée.

Suivi des observations finales

Le Comité prie l ’ État partie de lui communiquer par écrit, dans un délai de deux ans, des informations sur les mesures qu ’ il aura prises pour appliquer les recommandations énoncées aux paragraphes 12 a), 26 a), 44 et 48 d) ci-dessus.

Établissement du prochain rapport

Le Comité demande à l ’ État partie de soumettre son cinquième rapport périodique, attendu en mars 2023. Le rapport devra être soumis dans les délais et couvrir toute la période allant jusqu ’ à la date de soumission.

Le Comité invite l ’ État partie à se conformer aux directives harmonisées pour l ’ établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, dont le document de base commun et les rapports correspo ndant à chaque instrument (voir HRI/GEN/2/Rev.6 , chap. I).