Trente-neuvième session

Compte rendu analytique de la 794e séance (Chambre B)

Tenue au Siège, à New York, le mardi 24 juillet 2007, à 15 heures

Président :Mme Dairiam (Rapporteur)

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (suite)

Quatrième rapport périodique de l’Estonie ( suite)

En l’absence de la Présidente, Mme Dairiam, Rapporteur, assume la présidence.

La séance est ouverte à 15 h 5.

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (suite)

Quatrième rapport périodique de l’Estonie (suite) (CEDAW/C/EST/4, CEDAW/C/EST/Q/4 et Add.1)

À l’invitation de la Présidente, les membres de la délégation d’Estonie prennent place à la table du Comité.

Articles 1 à 6 (suite)

M me  Šimonovič se demande si les victimes de violence familiale peuvent bénéficier d’une aide juridique et si le Gouvernement a prévu des actions au niveau national suite à la campagne du Conseil de l’Europe pour combattre la violence à l’encontre des femmes, y compris la violence domestique.

M. Flinterman aimerait confirmation que la loi sur la parité entre hommes et femmes sera automatiquement interprétée à la lumière de la Convention, puisque la loi ne définit pas tant la discrimination à l’égard des femmes que la discrimination fondée sur le sexe. Si tel est le cas en effet, ces deux instruments doivent être portés à la connaissance des autorités judiciaires. L’intervenant suppose que les avis formulés par le Commissaire à la parité entre hommes et femmes ne sont pas contraignants, et se demande donc de quels recours disposent les plaignants, surtout que les deux procédures sont insuffisamment utilisées, alors que les litiges relatifs à la discrimination peuvent être réglés devant les tribunaux ou par voie de conciliation en vertu de la loi sur la parité entre hommes et femmes et de la loi du Ministre de la justice.

M me  Halperin-Kaddari demande si le Commissaire à la parité entre hommes et femmes a la possibilité de demander des informations au Gouvernement ou d’assister à des réunions, dans le but de faire une analyse de la représentations des hommes et des femmes dans les statuts et les programmes. Elle se demande également dans quelle mesure les recommandations du Commissaire sont suivies.

M me  Sander (Estonie) dit que souvent les centres d’accueil concluent des accords avec des experts juridiques pour fournir des conseils. Ces conseils sont gratuits.

M me  Viik (Estonie) dit que le Gouvernement a mis en œuvre la campagne du Conseil de l’Europe à travers la diffusion de messages télévisés en estonien et en russe, la rédaction et publication d’articles qui abordent la violence familiale sous des angles différents (celui des victimes, des centres d’accueil ou de la police), et le financement de la traduction et distribution de documents relatifs à la campagne lancée par le Conseil de l’Europe.

M me  Papp (Estonie) dit que l’appareil judiciaire doit évidemment tenir compte de la Convention, puisque la loi sur la parité entre hommes et femmes couvre la discrimination directe ou indirecte, autrement dit, le non-respect de l’égalité de traitement. En outre, les autorités judiciaires doivent examiner la discrimination sous tous ses aspects, y compris sous celui de l’égalité des droits et des obligations, des obstacles à l’égalité et des stéréotypes sexistes. Il convient de s’interroger sur la législation pour voir si elle contient en germe des possibilités de discrimination.

Le Commissaire à la parité entre hommes et femmes donne un avis concernant la discrimination, mais il appartient à l’individu de décider personnellement d’introduire ou non une plainte en justice. Seuls les tribunaux sont en mesure de se prononcer sur une réparation. Le Commissaire peut demander des renseignements au Gouvernement et peut examiner tous les projets de législation, puisqu’ils sont disponibles en ligne, mais il ne participe pas aux délibérations du Gouvernement.

M me  Kaljurand (Estonie) dit que, bien qu’aucune règle particulière ne définisse la suite réservée à l’avis du Commissaire, la bonne pratique voudrait que la branche législative du Gouvernement consulte et écoute tout à la fois le Commissaire et les organisations non gouvernementales. Le rôle des experts indépendants au niveau de la procédure législative n’a cessé de croître d’année en année.

Articles 7 à 9

M me  Belmihoub-Zerdani espère que davantage de femmes participeront à la politique locale. Elle se demande s’il y a des élues du Parlement qui appartiennent à des minorités ethniques ou linguistiques, au vu de la large communauté russe et des plus petites communautés ukrainienne et bélarussienne, et si le Gouvernement peut démontrer par des données que la représentation des femmes au sein du système judiciaire a progressé, en particulier à des postes de haut niveau.

L’oratrice désire également savoir si les mères peuvent transmettre leur nationalité estonienne à leurs enfants et, étant donné que l’Estonie semble avoir un grand nombre d’apatrides, si une Estonienne peut faire bénéficier de sa nationalité un époux apatride.

M me  Kaljurand (Estonie) dit qu’il ne faut pas oublier que lorsque l’Estonie a regagné son indépendance en 1991, 32 % de sa population n’avait pas de nationalité. Ce chiffre est passé à 8 % aujourd’hui. Les enfants dont un parent est estonien de naissance acquièrent automatiquement la nationalité estonienne. Les enfants de parents apatrides peuvent acquérir la nationalité si les parents en font la demande en leur nom. De même, les époux ou épouses peuvent demander la citoyenneté, mais ils jouissent de nombreux droits même avant d’avoir la nationalité, du fait de leur statut de résidents permanents. Il se peut que certaines personnes ne sollicitent pas la citoyenneté par manque de motivation, car il y a peu de différences entre les nationaux et les non-nationaux du point de vue des droits économiques et sociaux; les non-nationaux bénéficient même du droit de vote dans les élections locales.

Il faut encourager les femmes à se présenter à des postes de décideurs au sein du Gouvernement. Actuellement, plus de la moitié des fonctionnaires en Estonie sont des femmes; au Ministère des affaires étrangères, la moitié des sous-secrétaires, un quart des directeurs généraux et un quart des ambassadeurs sont des femmes. Les femmes sont bien représentées dans les organisations internationales, notamment dans les institutions européennes.

M me  Pikhof (Estonie) signale que le nombre de femmes députés est aujourd’hui de 22, alors qu’il était de 24, car deux parlementaires sont devenues ministres. Le nombre de femmes présidentes et vice-présidentes de commissions parlementaires augmente, mais n’est pas encore assez élevé.

M me  Hion (Estonie) dit que des femmes issues de minorités nationales sont entrées au Parlement, mais il n’est pas jugé convenable de recueillir des statistiques reposant sur l’origine nationale. Les partis politiques fondés sur la nationalité attirent moins qu’auparavant et les membres de minorités nationales ont tendance à rejoindre les partis politiques dominants qui ne recrutent pas en fonction de la nationalité.

M me  Kaljurand fait remarquer qu’en ce qui concerne les minorités linguistiques, il faut se rappeler que la langue officielle est l’estonien. Ceci dit, l’Estonie cherche à édifier une société multiculturelle dans laquelle les minorités seront intégrées plus qu’assimilées. Le fait d’être multilingue sera pour les individus un atout dans la société et dans le monde du travail.

Articles 10 à 14

M me  Zou Xiaoqiao note que les étudiantes continuent à choisir des disciplines traditionnelles et peuvent, par conséquent, être défavorisées sur le plan professionnel; elle se demande quelles mesures prend le Gouvernement pour promouvoir l’étude de matières non traditionnelles. Elle voudrait connaître les résultats de l’enquête commandée en 2004 pour déterminer les causes de l’abandon scolaire, et tout spécialement savoir si on a remarqué des différences entre écoles primaires et secondaires et entre zones rurales et urbaines. Elle souhaiterait également savoir ce qui est entrepris pour que la scolarité des étudiantes enceintes ne soit pas perturbée. Dans l’enseignement supérieur, les femmes sont peu représentées aux postes de rang élevé; c’est pourquoi l’intervenante apprécierait des informations sur les projets du Gouvernement pour remédier à cette situation à moyen et long terme. En dernier lieu, elle espère que le prochain rapport périodique fournira davantage de données ventilées par sexe.

M me  Tavares da Silva dit qu’elle aussi a été frappée par la forte présence de femmes dans l’éducation en général, mais leur petit nombre aux postes de professeurs et elle a été surprise de voir que, d’après ses réponses, le Gouvernement considère qu’il ne possède pas directement la capacité d’augmenter le nombre de femmes professeurs parce que les universités du pays ne sont pas des institutions d’état. Cela donne l’impression que le Gouvernement se sent peu concerné par le problème, bien que ce soit un exemple d’inégalité.

L’oratrice aimerait également que la délégation apporte des éclaircissements sur la suite donnée à l’étude de 2002 de Tartu University consacrée aux rôles assignés aux hommes et aux femmes dans les manuels scolaires, car on ignore si le Gouvernement a donné l’ordre de remanier les livres.

M me  Arocha Domínguez s’inquiète lorsqu’elle entend que le fait d’encourager les femmes à créer leur propre entreprise a peu contribué à accroître leurs revenus, et elle craint que si l’on explore les possibilités pour réconcilier le travail et la famille, on s’oriente trop vers le travail à temps partiel, qui, généralement, diminue les rémunérations. La seule façon de savoir si des changements positifs ont eu lieu est d’avoir des statistiques ventilées par sexe et donc, l’oratrice attend avec impatience ce genre de données dans le prochain rapport périodique.

M me  Coker-Appiah demande si on a mené des enquêtes sur les raisons de l’augmentation très inquiétante du taux d’infection par le VIH parmi les femmes. Alors que la délégation a mentionné dans son rapport oral la mise en place d’une nouvelle stratégie de lutte contre le VIH/sida pour la période 2006-2115, l’intervenante a bien peur qu’on cherche avant tout à ce que l’épidémie ne se propage pas des toxicomanes par voie intraveineuse à la population dans son ensemble, sans tenir compte d’autres éléments, comme celui qu’indique le quatrième rapport périodique, l’aveu que les hommes jeunes ont davantage de comportements sexuels à risques et qu’ils consomment des stupéfiants. Elle aimerait savoir quelles mesures le Gouvernement a prises pour s’attaquer au problème.

M me  Zhou Xiaoqiao aimerait être informée sur les campagnes que le Gouvernement a lancées depuis la promulgation de la loi sur la parité entre hommes et femmes et la législation sur l’égalité professionnelle et savoir si des plaintes ont été déposées, si certaines affaires ont été portées devant les organes chargés des conflits du travail et si des employeurs ont été sanctionnés pour manquement aux règles. Elle désire plus particulièrement savoir si la loi sur la parité s’attaque au harcèlement sexuel sur le lieu de travail.

Quoiqu’il y ait moins de femmes que d’hommes sans emploi, le quatrième rapport périodique annonce des taux de chômage supérieurs chez les femmes jeunes et vivant dans les zones rurales. L’oratrice veut savoir si on en a recherché les causes et tenté d’y remédier. Elle se demande aussi si les mesures visant à résoudre le problème de la disparité des salaires ont eu un impact sur l’écart salarial entre hommes et femmes. Bien que le Comité, dans ses conclusions au rapport périodique que lui a soumis précédemment l’Estonie (voir A/57/38 (Partie I)), ait demandé des informations sur la mise en œuvre des amendements à la loi sur les salaires, l’intervenante n’en a trouvé aucune trace dans le présent rapport périodique.

La Présidente, prenant la parole en tant que membre du Comité, dit que, même si le nombre d’avortements et de grossesses chez les adolescentes paraît avoir diminué, la collecte de données semble laissée au hasard. Alors que le quatrième rapport périodique fait état de l’absence de données précises et systématiques sur l’usage de contraceptifs en Estonie, les réponses aux questions suscitées par le rapport évoquent le recueil d’informations sur les interruptions de grossesse dans le but d’élaborer des directives sanitaires et la transmission de détails à l’Organisation mondiale de la santé permettant d’établir des comparaisons. Elle se demande pourquoi la collecte de données sur la situation sanitaire et sur les besoins des femmes semble être considérée comme une priorité secondaire, notamment au regard de la référence du Comité, dans ses conclusions sur le rapport périodique précédent, à la recommandation générale 24 relative aux femmes et à la santé, et à la recommandation suggérant d’effectuer des recherches approfondies sur les besoins spécifiques des femmes en matière de santé. Bien que des statistiques aient été fournies sur les principales causes de décès chez les femmes de plus de 48 ans, les informations sont insuffisantes en ce qui concerne la mortalité liée à la maternité et les besoins des femmes et leur accès aux soins médicaux. L’oratrice prie instamment le Gouvernement de prendre des mesures à ces fins.

M me  Tan signale que le rapport (p. 78) évoque la mise en œuvre du programme dit SAPARD, de pré-adhésion à l’Union européenne, conçu pour développer l’économie rurale et les secteurs ruraux qui emploient des femmes en nombre. Elle demande si on en a mesuré les effets depuis 2001 afin de juger de son efficacité. Elle se demande de quelle manière il a amélioré la vie des femmes de la campagne, combien de femmes ont tiré parti du programme, quel est le montant total des fonds disponibles et quelle somme a réellement été utilisée pour les femmes des zones rurales.

Comme les femmes sont sous-représentées dans le gouvernement local, elle se demande comment les femmes de la campagne ont accès au processus décisionnel et si le gouvernement a l’intention de promouvoir, seul ou avec les organisations à but non lucratif, la participation des femmes à la vie politique.

Rappelant que la loi sur le développement rural et la régulation du marché prévoit différents types d’aides de l’État (rapport, p. 83), elle demande quelle part de cette aide a été allouée aux femmes, que ce soit sous forme de prêts ou de subventions, et si la procédure de demande est compliquée. Elle aimerait aussi connaître la proportion de prêts octroyés par la Fondation du développement rural, en particulier pour l’achat de terres, aux femmes en agriculture. Enfin, rappelant que, selon le rapport (p. 84), une enquête sur le logement réalisée par le Centre-PRAXIS d’études politiques a montré que les conditions de logement de près d’un tiers des ménages étaient mauvaises ou inadéquates, elle se demande si ces recherches s’appliquent uniquement aux régions rurales ou à tout le pays et si des projets sont à l’étude pour améliorer le bien-être des habitants des campagnes.

M me  Kaljurand (Estonie), répondant aux questions posées à la session précédente, dit qu’environ 40 femmes sont assassinées chaque année, dont la moitié à la suite de violences familiales, et que trois victimes de trafic ont demandé de l’aide à des centres d’accueil.

Il est difficile de dire ce qu’on peut faire pour inciter les étudiantes à étudier des matières non traditionnelles; un facteur encourageant, cependant, est le changement d’attitude dans la société. À la fin des années 1990, les parents voulaient une carrière professionnelle pour leur fils et souhaitaient que leurs filles restent à la maison; aujourd’hui, ils ne font plus ce genre de distinction.

Le Gouvernement est préoccupé par le petit nombre, quoique en augmentation, de femmes professeurs. Il est question de se pencher sur le problème et d’introduire des mesures pour inciter les femmes possédant des doctorats à poursuivre leur carrière à l’université. Une fois que l’étude sera terminée, l’intervenante espère donner des informations sur les mesures concrètes qui seront prises.

Pour répondre aux questions posées par Mme Zou Xiaoqiao, elle affirme que les filles enceintes sont traitées de la même façon que les autres étudiants, et sont libres de rester dans leur école habituelle ou d’opter pour des cours du soir. Les écoles coopèrent, en n’exigeant pas leur présence à tous les cours et en leur permettant de passer leurs examens à des périodes favorables.

Pour finir, suite aux nouvelles instructions ordonnant aux écoles d’attacher plus d’importance à la problématique de l’égalité des sexes dans les manuels scolaires, on est en train de concevoir de nouveaux livres. Tous les manuels et programmes scolaires doivent être approuvés par le Ministère de l’Éducation et ses spécialistes.

M me  Hion (Estonie) dit que le fort taux d’abandon scolaire inquiète le Gouvernement. Les étudiants abandonnent pour des raisons variées, dont le manque de confiance en soi dû à l’échec, l’attirance pour d’autres activités et le désir de travailler et de gagner de l’argent; la grossesse ne compte pas parmi ces raisons. On a pris des mesures particulières pour encourager les étudiants qui ont perdu confiance, de façon à ce qu’ils poursuivent leurs études.

M me  Sander (Estonie), se reportant aux questions posées par Mme Zou Xiaoqiao, dit que les efforts déployés pour réduire les écarts de rémunérations n’ont pas vraiment abouti. On est sur le point de lancer un programme d’un an, avec l’aide d’experts français, dans le cadre duquel on mènera une enquête sur la sensibilisation des employeurs et leur attitude vis-à-vis de l’égalité entre les sexes et la nécessité de règles qui imposeraient l’égalité de traitement entre hommes et femmes. L’un des objectifs est d’élaborer des directives pour les employeurs du secteur privé reposant sur les principes de base de calcul des salaires et d’évaluation de la valeur du travail, qui réduiraient les disparités salariales.

M me  Kaljurand (Estonie) ajoute que la loi sur les salaires comporte bel et bien le principe “à travail égal, salaire égal”. Si une employée croit que le calcul de son salaire est inexact ou de caractère discriminatoire en raison de son sexe, elle est en droit d’exiger de son employeur une explication qu’il doit fournir dans un délai de 15 jours. L’inspection du travail a été saisie de quelques cas et, en l’occurrence, les employeurs ont corrigé leurs calculs. Les médias s’intéressent au problème, ce qui a contribué à une prise de conscience dans la société.

M me  Viik (Estonie) fait observer que les résultats d’une enquête récente ont montré que bon nombre de femmes préféreraient travailler à temps partiel si elles le pouvaient, ce qui laisse entendre qu’il leur est difficile de concilier travail et vie de famille. Étant donné qu’il y a une pénurie de main-d’œuvre en Estonie, le Gouvernement cherche, par divers moyens, à encourager les hommes à participer plus activement à l’éducation des enfants et aux tâches ménagères.

M me  Papp (Estonie), répondant à Mme Tan, dit que, bien qu’il n’y ait pas de statistiques sur le nombre de femmes qui ont bénéficié du programme dit SAPARD, environ un cinquième des fonds a été versé à des femmes chefs d’entreprise et à des entreprises appartenant à des femmes. De plus, un grand nombre de femmes ont assisté régulièrement à des séminaires de formation organisés par le Ministère des finances pour apprendre à constituer un dossier de demande de financement.

L’Estonie s’apprête aussi à mettre en œuvre un programme qui s’appuie sur l’initiative Leader de l’Union européenne en matière de développement rural (liens entre les plans de développement rural). Deux tiers de tous les fonds perçus dans le cadre de ce programme seront dévolus au développement de la vie et de l’habitat rural. Alors que le tourisme est une priorité pour le Gouvernement estonien, les entreprises dirigées par des femmes opèrent dans des secteurs variés, pas simplement dans le tourisme. Qui plus est, les entreprises créées par des femmes sont généralement plus viables à long terme que celles créées par des hommes.

M me  Viik (Estonie) fait remarquer que les tribunaux estoniens n’ont pas encore jugé d’affaire de harcèlement sexuel. Tandis que l’étude sur le suivi de la parité entre les sexes révèle que 31 % des femmes et 19 % des hommes ont subi le harcèlement sexuel, elle montre aussi que la plupart des incidents se produisent dans des contextes sociaux ou autres.

Faisant allusion aux questions de Mme Coker-Appiah, l’oratrice dit que les programmes du Gouvernement ne sont pas uniquement axés sur les toxicomanes par voie intraveineuse, mais ciblent également les groupes vulnérables, comme les jeunes, les prostituées et les femmes incarcérées. Aux jeunes, on offre des préservatifs et des conseils gratuits dans des centres de consultation financés par le Gouvernement, mais gérés par une organisation non gouvernementale. De surcroît, des traitements antirétroviraux sont mis gracieusement à la disposition de toutes les personnes séropositives. On propose à toutes les femmes enceintes un dépistage du VIH.

Des programmes d’éducation mutuelle pour les jeunes ont été minutieusement élaborés afin de ne pas renforcer les stéréotypes sexistes et les rôles traditionnels sexosociaux, en particulier dans le domaine de la sexualité.

En Estonie, les normes en matière de santé maternelle et procréative sont très sévères et il n’y a qu’un ou deux cas par an de mortalité liée à la maternité. Le problème est le refus des hommes de recourir aux services de médecine de la procréation et de se rendre aux centres de consultation.

M me  Kaljurand (Estonie), revenant sur les commentaires de la Présidente, dit que la collecte de données sur l’usage des contraceptifs est un problème délicat. On établit des statistiques en utilisant des données rassemblées à partir de sources différentes, comme les médecins et les centres pratiquant des avortements, mais la précision de ces données est compromise par le devoir de protéger les informations personnelles. Quoi qu’il en soit, on envisage plusieurs mesures qui permettraient d’améliorer le recueil de données.

Articles 15 et 16

M me  Halperin-Kaddari demande si les femmes non mariées peuvent bénéficier des nouvelles technologies génésiques offertes aux femmes mariées, si la régulation des naissances est couverte par l’assurance maladie et si la durée de cette couverture comporte des restrictions.

Rappelant que le Parlement estonien étudie une nouvelle loi sur la famille, l’oratrice demande à la délégation de fournir un aperçu des modifications envisagées par rapport à l’ancienne loi et d’expliquer pourquoi une nouvelle loi est nécessaire. Elle demande également des données sur le nombre de personnes non mariées vivant en concubinage, et aimerait savoir si les principes qui s’appliquent aux couples mariés en matière de droits patrimoniaux s’appliquent aux couples non mariés et si la définition des biens dans le cadre du mariage couvre les biens immatériels, comme les droits à pension et les gains à venir.

M me  Tan note qu’en vertu de la loi actuelle, les biens acquis pendant le mariage sont considérés comme biens communs et partagés équitablement entre les époux en cas de divorce. Si l’intervenante a bien compris, en vertu de la nouvelle loi proposée, il faudrait qu’une femme ait participé financièrement à l’acquisition d’un bien afin d’en recevoir une partie au moment du divorce. Elle demande si les autorités ont anticipé l’impact qu’un tel changement aurait sur les femmes.

Relevant l’insuffisance d’informations dans le rapport sur les relations de facto, elle se demande si les personnes ont des relations protégées de la même manière que dans le cadre du mariage. Si tel n’est pas le cas, elle veut savoir si les couples sont informés des problèmes qu’entraîne une relation de fait.

M me  Belmihoub-Zerdani, rappelant que dans la Constitution estonienne la loi internationale prévaut sur la loi nationale et que l’Estonie a ratifié sans réserve à la fois la Convention et la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant, elle exhorte le Gouvernement à élever l’âge légal du mariage à 18 ans.

Évoquant les modifications présentées dans le dernier paragraphe du rapport, elle pense qu’il est dangereux d’accorder de tels pouvoirs à une entité religieuse et qu’il conviendrait d’éviter cela; elle demande aux membres de la délégation s’ils sont d’accord avec à son analyse.

M me  Kaljurand (Estonie) dit que la décision d’autoriser les instances religieuses à enregistrer les mariages a été prise après de nombreux débats publics; seul un petit nombre de personnes se voient conférer cette prérogative. Le nombre de mariages de mineurs en Estonie est infime, et on constate une tendance à retarder le mariage. Elle assure le Comité que des mesures appropriées seraient prises si le nombre de mariages de mineurs augmentait.

M me  Viik (Estonie) dit que l’actuelle loi sur la famille, promulguée sous l’ère soviétique, est maintenant dépassée. Le concubinage a beaucoup d’adeptes en Estonie et le plus souvent les couples ne se marient qu’après la naissance du premier enfant. Au regard de la loi actuelle, les biens accumulés par un couple pendant son mariage sont considérés comme biens communs. En vertu de la nouvelle loi, il n’y aurait plus de biens communs en tant que tels. Bien qu’aucune analyse n’ait été réalisée jusqu’à présent sur l’impact qu’aurait la loi proposée, on a passé commande d’une étude dernièrement.

Mme Sander (Estonie), soulignant que la nouvelle loi est encore à l’étude, dit que cela changerait radicalement la manière dont sont partagés les biens. Les biens acquis avant le mariage reviendraient à leur propriétaire originel après divorce, tandis que les biens acquis pendant le mariage seraient divisés entre les anciens époux après calcul de la différence entre la valeur des biens acquis pendant le mariage et la valeur des biens que possédait chaque époux avant son mariage. Des précisions seront données dans le prochain rapport.

M me  Hion (Estonie), répondant aux questions de Mme Halperin-Kaddari, dit que l’insémination artificielle est accessible à toutes les femmes – mariées ou non – et que toutes les femmes enceintes sont couvertes par l’assurance maladie. L’assurance règle 50 % des frais de contraception, et même jusqu’à 100 %, en fonction des besoins médicaux du patient.

M me  Halperin-Kaddari se demande si la nouvelle loi sur la famille s’applique également aux couples vivant en union libre et demande si les gains postérieurs au divorce seraient divisés de même.

M me  Tan compte bien obtenir davantage d’informations sur le nouveau projet de loi. Constatant que le taux de divortialité en Estonie a chuté et s’est stabilisé à partir de 2002, elle se demande s’il existe des statistiques plus récentes et si on a tenté de savoir pourquoi ce taux avait baissé.

M me  Viik (Estonie) dit que, bien que les droits de propriété des couples en union libre ne soient pas soumis à la loi estonienne, même si on incite ces couples à signer des contrats qui préciseraient leurs droits, le Ministère de la justice a annoncé des projets visant à réglementer les droits de propriété de ces couples.

L’intervenante devra s’entretenir avec les autorités de la capitale de son pays avant de pouvoir fournir au Comité des informations à propos des gains réalisés après le divorce. Pour ce qui est du taux de divortialité, on ne sait pas pourquoi il a chuté et aucune étude n’a été effectuée à ce sujet.

La Présidente invite instamment la délégation à suivre de près les effets du nouveau projet de loi et à prendre les mesures nécessaires. Cependant, elle trouve regrettable que la discrimination, telle que définie par la Convention, soit toujours mal comprise. Rappelant que le rapport ne contient aucune allusion à la discrimination indirecte, elle dit que l’égalité des chances et de traitement n’entraîne pas forcément l’égalité. Un traitement différencié est parfois nécessaire pour parvenir à l’égalité entre les sexes.

M me  Kaljurand (Estonie) déclare que le dialogue avec le Comité a permis à sa délégation de mieux saisir les problèmes auxquels devra s’atteler son pays. Elle confirme au Comité qu’il n’existe aucun obstacle à la ratification du Protocole facultatif à la Convention.

La séance est levée à 17 h 20 .