Trente-huitième session

Compte rendu analytique de la 786e séance

Tenue au Siège, à New York, le jeudi 24 mai 2007, à 15 heures

Présidente :Mme Šimonović

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États Parties conformément à l’article 18de la Convention (suite)

Rapport initial de la République arabe syrienne (suite)

La séance est ouverte à 15 heures.

Examen des rapports présentés par les États Parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Rapport initial de la République arabe syrienne(suite) (CEDAW/C/ SYR /1, CEDAW/C/ SYR / Q/1 et Add.1 )

À l’invitation de la Présidente, les membres de la délégation syrienne prennent place à la table du Comité.

Articles 7 et 8 (suite)

Mme Ghanem (République arabe syrienne) dit que le Gouvernement a décidé, il y a trois ans, de mettre à jour la loi sur les associations afin de renforcer sa relation avec la société civile. Dans ce but, la Commission syrienne des affaires familiales, agissant en partenariat avec les organisations non gouvernementales (ONG), les Gouvernements suédois et britannique et l’Union européenne, a entrepris de procéder à un examen de la loi en question. Un avant-projet du nouveau texte a été présenté au Cabinet du Premier Ministre, et un texte définitif en a été établi dernièrement. La transition actuelle de la Syrie vers une économie de marché et la décentralisation croissante ont suscité un débat public animé sur le rôle de la société civile. Elle a le sentiment que le mouvement de réforme l’emportera et souligne bien le fait que toute mesure de réforme correspondra aux normes internationales pertinentes.

Du fait de la persistance des stéréotypes sexistes, il est toujours difficile pour les femmes syriennes de participer à la vie politique. Le Gouvernement a certes pris un certain nombre de mesures visant à promouvoir la participation des femmes à la vie politique et publique. Il a notamment organisé une série d’ateliers portant en particulier sur les compétences en matière de direction et d’établissement de contacts et a augmenté le nombre des garderies d’enfants. De nouveaux efforts devront toutefois être déployés pour que soit mis en place un lobby de femmes solide. Les femmes ont le même droit que les hommes de se présenter comme candidates en vue d’une élection à des organes de prise de décisions, et le nombre de candidates a augmenté lors des élections parlementaires de 2007; en revanche, aucune femme n’a été élue. À son avis, toutefois, cette situation est liée plus à un financement insuffisant de la campagne électorale qu’à des attitudes discriminatoires de l’électorat. Elle espère que les récents amendements de la législation régissant les élections locales permettront de stimuler la participation des femmes.

Article 9

M. Flinterman se félicite du fait que la réserve au paragraphe 2 de l’article 9 de la Convention ait fait l’objet d’un aussi large débat au sein de la société civile et espère qu’elle sera retirée dans un proche avenir. Toutefois, la réserve n’exclut pas que les lois relatives à l’acquisition de la nationalité arabe syrienne qui à l’heure actuelle est fondée sur le système patrilinéaire soient amendées. Il souhaite savoir si la législation de l’État partie sur la nationalité est pleinement appliquée, du fait notamment que plusieurs de ses dispositions, par exemple les règles applicables à l’acquisition de la nationalité par mariage et naturalisation, sont manifestement discriminatoires à l’égard des femmes.

Se référant à la page 47 du rapport de l’État partie (CEDAW/C/SYR/1), Mme Coker-Appiah voudrait savoir si le mémorandum demandant la modification de l’article 3 a) de la loi sur la nationalité syrienne et le projet de loi relatif à la modification dudit article visent le même objectif et si les propositions pertinentes ont été adoptées.

Mme Saiga demande si le Gouvernement a effectué des enquêtes afin d’établir le nombre d’enfants affectés par les dispositions discriminatoires de la loi sur la nationalité.

Mme Belmihoub-Zerdani fait remarquer que dans d’autres pays musulmans, dont l’Algérie, le Maroc, la Tunisie et l’Égypte, les mères peuvent transmettre leur nationalité à leurs enfants. Elle prie instamment le Gouvernement de faire le nécessaire pour que les femmes syriennes puissent bénéficier du même droit. Le retrait par l’État partie de la réserve à l’article 2 de la Convention devrait avoir ouvert la voie au retrait de la réserve au paragraphe 2 de l’article 9.

Mme Asad (République arabe syrienne) dit que la Syrie a formulé une réserve au paragraphe 2 de l’article 9 au motif que cette disposition est incompatible avec la charia islamique. En vertu de la loi sur la nationalité, toute personne née sur le sol syrien a droit à la nationalité arabe syrienne. Cela étant, si une femme arabe syrienne épouse un étranger et acquiert la nationalité de son mari, elle ne peut conserver sa nationalité arabe syrienne que si elle en fait la demande aux autorités voulues dans l’année qui suit le mariage. Une étrangère mariée à un citoyen arabe syrien peut acquérir la nationalité de son mari après avoir vécu sur le territoire syrien pendant deux ans et si les autorités pertinentes y consentent.

Les enfants nés de parents inconnus sur le sol syrien acquièrent automatiquement la nationalité arabe syrienne. Les femmes arabes syriennes n’ont néanmoins pas le droit de transmettre leur nationalité à leurs enfants. Afin de remédier à cette situation discriminatoire et d’assurer le retrait de la réserve au paragraphe 2 de l’article 9, la Commission syrienne des affaires familiales, agissant en collaboration avec les organisations de la société civile, a mené des recherches et organisé des ateliers; ces efforts n’ont toutefois pas encore abouti. En réponse à la question posée par Mme Saiga, elle indique que le Gouvernement ne dispose pas de données sur le nombre d’enfants concernés

Tout en reconnaissant que plusieurs dispositions de la loi sur la nationalité sont discriminatoires, Mme Ghanem (République arabe syrienne) souligne que ces dispositions répondent à des impératifs politiques – soit les préoccupations liées au fait qu’un grand nombre de femmes palestiniennes ont épousé des arabes syriens – et ne doivent pas être vues comme un geste indiquant que le Gouvernement souhaite asservir les femmes. D’ailleurs, le Premier Ministre a récemment demandé à la Commission syrienne des affaires familiales de mettre au point une proposition visant à assurer que les demandes déposées en vue de l’obtention de la nationalité arabe syrienne soient traitées au cas par cas.

Répondant à la question posée par Mme Coker-Appiah, elle explique que le mémorandum et le projet de loi ont proposé une modification du libellé de l’article 3 a) de la loi sur la nationalité. Ces propositions n’ont pas encore été adoptées.

Article 10

Après avoir félicité l’État partie des efforts qu’il a déployés pour fournir au Comité des données détaillées et désagrégées sur les taux d’inscription scolaire et universitaires, Mme Arocha Dominguez demande pourquoi le taux d’analphabétisme chez les femmes s’est élevé entre 2002 et 2006. Par ailleurs, ces taux étant assez élevés chez les femmes de plus de 25 ans, elle souhaite savoir si le Gouvernement offre des programmes d’éducation pour adultes.

En dernier lieu, si le taux d’inscription d’ensemble des filles s’est amélioré, les chiffres indiqués pour l’enseignement primaire n’ont pour ainsi dire pas évolué depuis 1999. Afin de tirer au clair les raisons de cette situation, elle apprécierait de recevoir des informations plus détaillées sur les taux d’inscription dans les zones rurales et urbaines.

Mme Ghanem (République arabe syrienne) explique que l’augmentation apparente du taux d’analphabétisme des femmes entre 2002 et 2006 est probablement imputable aux progrès des techniques statistiques plutôt qu’à une augmentation en termes réels. Le Gouvernement a mis en place un certain nombre de programmes d’éducation à l’intention des adultes, mais il faudra quelque temps avant que de telles mesures commencent à porter fruit. Les ONG offrent de leur côté des cours d’alphabétisation dans les zones rurales.

Article 11

Mme Patten dit que s’il est vrai que l’État partie a déployé des efforts considérables pour éliminer la discrimination à l’égard des femmes en matière d’emploi, elle ne se préoccupe pas moins de la mise en œuvre de la loi relative à l’emploi dans le secteur privé. Elle souhaite savoir si l’Inspection du travail dispose du personnel voulu et si le Gouvernement a l’intention de revoir sa législation de l’emploi de manière que celle-ci prévoie des sanctions appropriées en cas d’infraction. La résolution des conflits du travail étant un long processus, elle se demande si des mesures ont été prises pour remédier à cette situation. Les juges chargés de traiter de ces conflits reçoivent-ils une formation spécialisée? Combien d’affaires ont-elles été portées devant les tribunaux/cours compétents? Les femmes faisant ainsi appel à la justice peuvent-elles bénéficier d’une assistance juridique?

Le rapport est muet sur la question de l’écart de salaire entre les femmes et les hommes. Il serait utile de savoir de quelle manière la question est suivie dans le secteur privé. Elle souhaiterait recevoir davantage d’informations sur les mesures prises pour protéger les travailleuses dans le secteur informel. Enfin, faisant observer qu’il semble y avoir un décalage entre le nombre de femmes inscrites dans un établissement d’enseignement et le nombre de femmes présentes sur le marché du travail, elle demande si le Gouvernement a élaboré une stratégie visant à accroître le nombre de femmes employées dans le secteur privé et lutter contre la ségrégation des emplois entre femmes et hommes sur le marché du travail. Des mesures temporaires spéciales ont-elles été envisagées?

Mme Ghanem (République arabe syrienne), répond à la question posée touchant l’éducation et explique que les taux d’inscription des filles et des femmes dans les établissements scolaires et universitaires ont été donnés dans la réponse de son pays au questionnaire établi à l’occasion de l’examen décennal de la mise en œuvre du Programme d’action de Beijing.

Mme Asad (République arabe syrienne) dit que la Constitution syrienne garantit le droit de tous à l’emploi. La loi sur le travail et les autres lois pertinentes relatives au travail assurent une égalité absolue entre les hommes et les femmes en ce qui concerne l’emploi. Cette législation contient en outre des dispositions prévoyant une « discrimination positive » en vertu de laquelle il est interdit d’affecter des femmes enceintes à des tâches préjudiciables à leur santé. Les lois sur le travail en vigueur garantissent un congé de maternité rémunéré d’une durée de 90 à 120 jours. S’agissant des accidents liés au travail, tous les travailleurs, y compris les femmes, font appel aux voies de recours juridiques lorsqu’il s’agit de faire valoir leurs doléances liées au travail.

Mme Ghanem (République arabe syrienne) dit que le nombre de femmes qui travaillent dans le secteur privé va en augmentant. Toutefois, l’application de la loi à ce secteur est problématique du fait que la loi est relativement nouvelle dans ce pays. Le Ministère du travail et des affaires sociales a lancé un certain nombre d’initiatives pour que la loi soit véritablement appliquée au secteur privé. Afin de réduire l’écart entre les sexes dans ce domaine, le Ministère des affaires étrangères, agissant en coopération avec le Fonds de développement des Nations Unies pour la femme (UNIFEM) a effectué une étude sexospécifique et a coopéré avec l’Organisation internationale du Travail en matière de renforcement des capacités. De nombreuses questions liées au travail devront être traitées au cours de la transition d’une économie centralisée à une économie de marché et font l’objet d’une attention prioritaire de la part du Gouvernement. Dans ce contexte, le système de sécurité sociale et les programmes de protection sociale sont des questions qui préoccupent particulièrement le Gouvernement. Des initiatives ont été lancées pour assurer l’accès des femmes à l’enseignement professionnel et les aider à abandonner leur domaine de travail traditionnel. Les femmes commencent à s’organiser professionnellement et occuper des postes dans les chambres de commerce et d’industrie de chaque gouvernorat. Des personnalités éminentes du pays, y compris la Première Dame, encouragent activement les femmes à s’impliquer davantage dans les affaires. De nombreuses pépinières d’entreprises ont été mises en place pour aider les femmes à créer des entreprises à domicile. En outre, le Ministre de l’économie et du commerce a pris des mesures visant à l’intégration d’une perspective sexospécifique.

Article 12

M me Begum note que la loi syrienne interdit l’avortement. Des sanctions sont imposées aux femmes qui mettent délibérément fin à une grossesse non souhaitée comme aux personnes qui ont procédé à un tel avortement alors que l’homme qui a provoqué la grossesse jouit de l’impunité. La loi est discriminatoire et doit être amendée de manière à ce que les hommes auteurs d’une grossesse non souhaitée soient punis et qu’un appui juridique soit fourni aux femmes qui souhaitent mettre fin à une grossesse qu’elles n’ont pas désirée.

Elle se demande si des campagnes de sensibilisation ont été menées touchant le VIH/sida. Elle souhaite également savoir si la République arabe syrienne a défini les difficultés et problèmes auxquels se heurtent la répartition des services de santé entre les zones rurales et urbaines et quelles mesures sont prises pour assurer une répartition plus équitable.

Mme Zou Xiaoqiao s’enquiert de l’écart entre les zones rurales et urbaines concernant la fourniture de services prénatals et postnatals. Tous les citoyens syriens bénéficiant de soins médicaux gratuits, elle s’enquiert des mesures que le Gouvernement a l’intention de prendre pour que les femmes rurales reçoivent des soins de même qualité que les femmes des zones urbaines

S’il est vrai que la législation syrienne punit toute personne qui fait connaître, vend, possède des moyens de planification familiale ou en facilite l’utilisation et interdit l’avortement, le rapport n’en précise pas moins que la République arabe syrienne encourage le recours à la planification familiale. Elle demande donc comment se présente actuellement la situation à cet égard.

Mme Dairiam dit que le rapport fait état de tensions entre le secteur privé et le secteur public en matière de prestation des services de santé, liées aux coûts tant pour les personnes que pour l’État. Elle se demande quelles mesures ont été prises pour que chacun ait accès aux services de santé quel qu’en soit le coût et si des enquêtes ont été menées pour évaluer l’impact de la privatisation des services de santé en définissant les personnes qui n’ont pas les moyens de payer des services privatisés. En outre, elle souhaite savoir quels services ont été privatisés et fait observer que dans de nombreux pays les services les plus lucratifs l’ont été, laissant au Gouvernement le soin de fournir les services qui exigent l’investissement en capital le plus élevé.

Abordant la question des facteurs sociaux et culturels qui entravent l’accès aux services de santé, elle relève qu’une femme doit toujours obtenir l’autorisation de son mari pour sortir de la maison et qu’elle doit être accompagnée de son mari lorsqu’elle désire être soignée. Elle s’enquiert des mesures prises pour remédier à cette situation, renforcer la responsabilité et améliorer les compétences du personnel chargé des soins obstétriques notamment dans les situations d’urgence.

Mme Ghanem (République arabe syrienne) fait observer que l’avortement est interdit dans son pays. Selon une étude réalisée conjointement avec le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), il est pratiqué près de 3 000 avortements illégaux chaque année. Pour la plupart, les grossesses non souhaitées sont dues au fait que les femmes ne connaissaient pas les méthodes de planification familiale ou n’avaient pas bénéficié d’informations valables. Diverses initiatives ont été adoptées pour faire face à cette situation. En réalité, l’interdiction juridique touchant la planification familiale n’est pas opérante et les moyens de contraception peuvent être facilement obtenus. Le problème qui se pose est de mettre au point des programmes de communication qui visent les idées fausses touchant les moyens contraceptifs et encouragent la population à les utiliser.

Jusqu’à présent, le VIH/sida n’a pas posé de problème particulier dans son pays. Néanmoins, un certain nombre de programmes ont été mis au point pour faire œuvre de sensibilisation en la matière et offrir des services de dépistage précoce gratuits, particulièrement à l’intention des prostituées. La question de l’éducation sexuelle est extrêmement délicate mais on s’emploie à sensibiliser les jeunes au VIH/sida. Des programmes d’éducation ont également été établis à l’intention des militaires.

S’agissant de l’inégalité en matière de soins de santé entre les zones rurales et urbaines, tous les centres de santé du pays sont en mesure de fournir des services obstétriques lors d’accouchement normaux. Les centres disposent d’ambulances qui transportent les femmes nécessitant des services spécialisés à l’hôpital le plus proche. L’accès aux services obstétriques d’urgence est entravé non par les attitudes du personnel mais par les insuffisances de l’infrastructure, mauvais état des routes par exemple, et des efforts sont déployés à l’heure actuelle pour remédier à cette situation. En outre, de nombreux ateliers de formation ont été organisés pour élever la qualité du personnel des centres de santé et renforcer ses compétences. De nombreuses femmes ne reçoivent pas de services prénatals parce qu’elles ne savent pas que de tels services sont nécessaires; une action de sensibilisation a été lancée dans ce domaine. Il existe également un programme de visites à domicile qui fournit des services prénatals aux femmes des zones rurales. Des trousses d’accouchement ont été distribuées aux accoucheuses traditionnelles et une formation leur a été fournie en matière de principes fondamentaux d’hygiène.

En ce qui concerne le secteur privé, le Gouvernement a lancé une initiative visant à placer la pratique de l’obstétrique et la gynécologie sous le titre de la santé génésique. À cette fin, le Ministère de la santé a noué un partenariat avec l’Association syrienne des obstétriciens et gynécologues dans le but de promouvoir la maternité sans risques et la santé génésique. La privatisation des services de santé n’est pas à l’ordre du jour, et le Gouvernement insiste toujours sur le fait que les soins de santé, y compris les soins en matière de santé de la procréation, seront tous fournis gratuitement, à tous les citoyens.

L’autonomie personnelle des femmes touchant l’accès aux services de santé dépend de leur statut social. C’est là une question de grande importante pour le Gouvernement, qui a pris diverses mesures pour que les services de santé génésique soient mis à la portée de tous. Un programme pilote d’homologation visant à ce que tous les centres de santé satisfassent aux normes internationales a été lancé dans l’un des gouvernorats.

M. Hasan (République arabe syrienne) souligne que le programme du Gouvernement destiné à fournir des soins de santé aux zones rurales a été créé avec l’assistance du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). Il s’étend à près de 3 000 villages, dont le nombre s’élève chaque jour.

Mme Ghanem (République arabe syrienne) fait remarquer que la santé génésique est un problème important certes mais non le seul auquel les femmes se heurtent en matière de santé. Une étude qualitative de l’autonomisation des femmes dans le domaine de la santé a été effectuée car de nombreuses autres questions sont à régler à cet égard en dehors de la question de l’accès à des soins abordables.

Article 14

Mme Simms note que, selon le rapport, les femmes rurales sont occupées à des travaux physiques alors que de plus en plus les hommes dans les zones rurales s’impliquent dans la mécanisation de l’agriculture. Les nombreux programmes d’assistance en place qui visent les femmes rurales ne font que renforcer les stéréotypes liés aux rôles dévolus aux femmes. Il importe de veiller à ne pas glorifier ces rôles de manière à ne pas perpétuer la situation des femmes rurales. Comme toutes les femmes du monde, les femmes syriennes doivent être instruites pour avoir la possibilité de choisir et être en mesure de définir leur propre rôle au lieu de laisser les hommes le faire pour elles.

Mme Patten dit que le rapport contient de nombreuses données sur les activités économiques des femmes rurales et se pose la question des mesures qui sont prises pour intégrer ces données dans les chiffres de l’économie nationale. Nombre des programmes de formation évoqués dans le rapport sont utiles mais le rapport ne dit pas combien de femmes en ont véritablement bénéficié. Elle se demande également si des données se rapportant à ces programmes pourraient figurer dans le prochain rapport du pays. Elle souhaite également savoir si des actions de communication ont été menées en vue d’informer les femmes rurales analphabètes des programmes auxquels elles peuvent faire appel et quelle assistance leur est offerte de manière qu’elles puissent en bénéficier.

L’égalité en matière de prise de décisions est essentielle à l’autonomisation des femmes. Selon le rapport, le Gouvernement ne compte parmi ses membres aucune femme rurale. Elle voudrait savoir quelles sont les actions menées par le Gouvernement pour faire participer les femmes rurales à la prise de décisions à tous les niveaux, y compris au sein du Gouvernement, et si des mesures temporaires spéciales peuvent être adoptées à cette fin.

Le rapport ne fournit aucune information sur les travailleuses indépendantes. Elle se demande quelles actions ont été menées pour promouvoir et appuyer le travail indépendant des femmes comme le développement des petites entreprises et quelles mesures concrètes ont été prises pour offrir aux femmes rurales l’accès aux prêts et au crédit.

Mme Tan dit que le rapport met à jour un taux élevé et alarmant d’analphabétisme chez les femmes rurales. Elle se demande si des mesures on été prises pour encourager les hommes et les garçons à contribuer aux tâches domestiques de sorte que les femmes et les filles puissent consacrer davantage de temps à leur éducation et développement.

Le mariage précoce est l’un des grands problèmes auxquels sont confrontées les femmes rurales. Elle juge encourageant que l’Assemblée du peuple ait convenu que la réserve au paragraphe 2 de l’article 16 de la Convention, qui évoquait le mariage des enfants, doive être levée. À cet égard, elle demande s’il existe des statistiques sur le mariage des enfants dans les zones rurales et si des mesures ont été prises pour sensibiliser les collectivités rurales aux effets délétères de tels mariages sur le développement des filles.

Notant que le rapport ne fournit aucune information sur les crimes commis contre les femmes rurales, elle s’enquiert des mesures qui auraient pu être prises pour faire spécifiquement face à cette situation. Elle souhaite également savoir si la question de la violence dans les foyers est un problème dans les collectivités rurales et, dans l’affirmative, l’action menée à cet égard. S’agissant de la propriété foncière des femmes, elle demande des chiffres sur le nombre de femmes propriétaires terriennes. Elle demande également si les femmes retiennent les droits qu’elles possèdent sur des terres après le mariage, si elles ont le droit d’hériter de terres par voie de succession à la mort d’un parent et si elles ont des droits sur les terres possédées par leur mari au décès de celui-ci.

Mme Patten s’enquiert des efforts entrepris pour qu’il soit fait état des activités économiques et de la contribution économique des femmes rurales dans les chiffres nationaux. Il convient certes de féliciter le Ministère de l’agriculture pour offrir, en partenariat avec les organismes des Nations Unies, des cours de formation et des ateliers mais il serait utile d’inclure des données sur le nombre de femmes mettant véritablement ces projets à profit. Elle demande si des programmes de sensibilisation ont été mis en place pour permettre aux femmes pauvres et analphabètes des zones rurales de connaître les possibilités d’améliorer leur sort. À la lumière de l’article 14 de la Convention, lequel exige que les femmes rurales participent à l’élaboration et à la mise en œuvre de la planification du développement à tous les niveaux, elle demande si le Gouvernement envisage de lancer des initiatives, notamment des mesures temporaires spéciales, qui élargiraient la participation des femmes à la prise de décisions, et si des mesures ont été prises pour appuyer le travail indépendant des femmes et l’esprit d’entreprise chez les femmes et leur ouvrir l’accès à la terre et au crédit.

Pour Mme Tan, le taux élevé d’analphabétisme chez les femmes rurales tient probablement au fait que ces femmes doivent concilier les tâches agricoles et les tâches domestiques. Si les hommes et les garçons apprenaient à participer équitablement aux travaux domestiques, les femmes et les filles pourraient se consacrer davantage à leur éducation et leur développement. Elle demande si une action a été menée dans ce sens. S’agissant du mariage précoce des filles dans les zones rurales, elle note avec satisfaction que l’Assemblée du peuple a convenu de retirer les réserves au paragraphe 2 de l’article 16 de la Convention. Elle demande si l’on dispose de chiffres sur le nombre de mariages précoces dans les zones rurales et si l’Unité de promotion des femmes rurales prend des mesures pour faire connaître aux parents et tuteurs l’effet désastreux de tels mariages sur la fillette. Elle demande par ailleurs si l’on dispose de chiffres sur les crimes contre les femmes rurales, si la violence domestique est un problème dans les zones rurales et, dans l’affirmative, quelles mesures sont prises pour y faire face. Enfin, elle s’enquiert du nombre de femmes qui possèdent des terres dans les zones rurales et de leurs droits en matière de succession.

Mme Ghanem (République arabe syrienne) dit qu’un atelier régional a été organisé en 2005 pour trouver des moyens d’autonomiser les femmes et de leur donner l’accès dans des conditions d’égalité à la technologie. De nombreux projets ont été entrepris pour prêter assistance aux femmes rurales, notamment un projet visant à fournir à ces femmes des garanties de prêts, dont 34 000 femmes ont bénéficié, un projet entrepris par le Fonds international de développement agricole, dont 12 000 femmes ont tiré parti, ainsi que des projets parrainés par le Gouvernement de l’Italie et le Programme des Nations Unies pour le développement, entre autres. Des centres professionnels ont également été mis en place dans les zones rurales pour offrir aux femmes un appui technologique, administratif, juridique et financier (microfinance), avec l’assistance d’organisations internationales, notamment l’Union européenne. Enfin, un projet de cartographie de la pauvreté rurale a été mis en route et une stratégie a été élaborée en vue d’un audit de l’intégration sexospécifique dans les zones rurales pour identifier les écarts entre les sexes et prendre des mesures en conséquence.

En ce qui concerne les droits fonciers, les femmes héritent de la moitié de ce que les hommes reçoivent pour des raisons tenant en partie à la tradition et parce qu’elles manquent souvent des connaissances voulues pour faire valoir leurs droits. On s’efforce par des feuilletons télévisés, dans le cadre des théâtres communaux et par d’autres moyens, de sensibiliser le public en la matière. En dernier lieu, le rapport étroit entre le mariage précoce et l’analphabétisme a été clairement établi car de nombreuses filles abandonnent l’école et choisissent le mariage. Une action est menée pour mettre en place des écoles plus respectueuses des cultures et même imposer des sanctions aux parents qui laissent leurs enfants abandonner l’école.

M. Hasan (République arabe syrienne) dit que le mariage précoce n’est pas répandu. Il ressort d’une étude que l’âge moyen du mariage en 1992 était de 16 ans pour les filles et de 19 ans pour les garçons; de plus, une étude effectuée quelques années plus tard a montré que ces chiffres s’étaient élevés à 21 pour les filles et 24 pour les garçons, ce qui indique une tendance positive.

Articles 15 et 16

M me  Halperin-Kaddari demande si la délégation syrienne pourrait présenter le texte du projet de loi sur la famille proposé pour refondre la loi sur le statut personnel. Elle espère que les dispositions discriminatoires de la loi seront éliminées, spécifiquement celles qui ont trait à la transmission par héritage et à la moukhalaa(divorce par consentement mutuel moyennant indemnisation du mari par la femme). Elle souhaite savoir si les femmes participent aux débats concernant l’article 16 et son incompatibilité avec la charia islamique et s’il est envisagé d’introduire des dispositions civiles relatives au divorce. Elle se demande par ailleurs si le processus d’arbitrage par des membres de la famille intervenant lors d’une séparation peut être modifié de sorte que les femmes puissent être arbitres, ceux-ci étant dans pratiquement dans tous les cas des hommes.

Mme Tan prend note de la disposition figurant à l’alinéa e) de l’article 307 de la loi sur le statut personnel, qui permet à un mari de divorcer de sa femme si celle-ci est convaincue d’adultère et de recouvrer toute dot qu’il aurait versée, et qui autorise par ailleurs l’épouse à demander la séparation et à reprendre l’intégralité de sa dot différée dans le seul cas où le mari est coupable d’adultère. Cette disposition signifie-t-elle que l’épouse a besoin de l’autorisation de son mari si elle souhaite divorcer? De plus, et alors même que la polygamie est interdite aux termes de l’alinéa h) de l’article 307 de la loi, certaines indications montrent qu’elle existe toujours en République arabe syrienne. Elle demande si l’on dispose de chiffres confirmant ou réfutant cette affirmation et si les femmes impliquées dans un mariage polygame bénéficient toutes des mêmes droits. Faisant remarquer que les dispositions de la loi relative à l’héritage sont par définition discriminatoires à l’égard des femmes, elle souhaite savoir si le Gouvernement a l’intention de la revoir de manière à offrir aux femmes un traitement équitable et si la loi en cours de rédaction se conformera aux articles 15 et 16 de la Convention.

Mme Belmihoub-Zerdani s’enquiert du cadre juridique qui s’applique aux femmes musulmanes : existe-t-il différents registres des mariages pour les musulmans et les non-musulmans? Le même juge peut-il se prononcer dans les affaires de divorce concernant des musulmans et des non-musulmans ou existe-t-il des tribunaux spécialisés pour les différents mariages et de quelle manière le principe de l’égalité de tous les citoyens devant la loi est-il appliqué?

Mme Asad (République arabe syrienne) dit que la loi sur le statut personnel contient certaines dispositions discriminatoires et que le nouveau projet de loi correspond aux conventions internationales et aux obligations de son pays aux termes de ces accords. La loi est toujours en cours d’élaboration et il n’est donc pas possible d’en fournir le texte. La moukhalaa est un divorce par consentement mutuel, qui requiert le consentement des deux époux. L’introduction d’une disposition civile applicable au divorce n’est pas une éventualité qui soit même envisagée. Cela étant, le nouveau droit de la famille visera tous les segments de la société. Des proches sont désignés comme arbitres lors des différends matrimoniaux, l’objectif étant de réconcilier les époux et de ne pas briser la famille. Si aucun proche ne convient pour cette fonction, le juge désigne un nouvel arbitre. En cas d’échec, le juge peut simplement valider le divorce.

S’agissant de la loi sur les successions, certaines de ses dispositions, bien que discriminatoires, ne peuvent être abolies ou même amendées car elles découlent de la charia islamique. L’article 306 de la loi sur le statut personnel s’applique à tous les citoyens, à l’exception des citoyens appartenant aux communautés druze et chrétienne, qui disposent de leurs propres tribunaux, ceux-ci traitant à titre prioritaire de toutes les questions qui affectent leur congrégation. Dans le cas d’affaires ne relevant pas de la compétence de ces tribunaux, les plaignants peuvent s’adresser à un tribunal ordinaire et ce en tant que citoyens syriens et non en tant que musulmans, sinon la charia leur serait applicable.

Mme Ghanem (République arabe syrienne) explique que, en vertu de la charia islamique, c’est le mari qui prend à sa charge toutes les dépenses encourues durant le mariage et ce quels que soient le montant de la dot de l’épouse, le montant d’un héritage qu’aurait fait l’épouse ou les rémunérations provenant d’un emploi de celle-ci. Une femme célibataire est prise en charge par son père ou un frère. Cette situation évolue au fur et à mesure que les femmes commencent à gagner davantage d’argent. Néanmoins, la règle de la charia selon laquelle elles n’ont droit qu’à la moitié de la succession ne peut être comprise que si l’on se réfère aux relations financières entre les hommes et les femmes.

En vertu de la charia, la femme a le droit d’insérer dans le contrat de mariage des conditions qui lui donnent le droit de divorcer ou d’empêcher son mari de prendre une autre épouse. Toutefois, de nombreuses femmes sont dans l’ignorance de ce droit tandis que de nombreux hommes ont le sentiment que le fait de permettre à une femme de prévoir de telles conditions porte atteinte à leur masculinité. De toute manière, la polygamie n’est pas répandue en République arabe syrienne. Lorsqu’elle existe, la charia islamique exige des hommes qu’ils soient financièrement et physiquement capables de prendre en charge une deuxième épouse. Ces règles sont évidemment difficiles à appliquer en pratique car la population a tendance à mêler la tradition et la religion comme il ressort du fait que les pays islamiques n’ont pas tous la même position à l’égard des divers articles de la Convention. Il serait peut-être souhaitable que toutes les autorités religieuses islamiques s’entendent sur ce qui est loi religieuse et simples pratiques traditionnelles, lesquelles en sont venues à être considérées comme sacrées avec le temps. Pour toutes ces questions, l’objectif est de progresser petit à petit en faisant appel à des hommes de religion à l’esprit ouvert pour qu’ils adoptent des interprétations éclairées de la charia de manière à autonomiser la femme au sein de la famille – condition préalable de leur autonomisation au sein de la société. Plusieurs femmes expertes en matière de charia apportent une contribution à cet égard.

Mme Saiga dit que la réserve à l’article 9 relatif à la nationalité est une violation non seulement des droits de la mère mais aussi de ceux de l’enfant qu’il prive du droit à la nationalité syrienne lorsque le père n’est pas syrien. La question se rapportant aux efforts que le Comité national pour le droit international humanitaire a déployés en vue d’harmoniser la législation nationale avec les conventions internationales doit également être éclaircie.

Mme Schöpp-Schilling dit qu’il important de s’appuyer à la fois sur la Convention, dont les dispositions sont juridiquement contraignantes, et les résultats de Beijing, qui sont à caractère programmatique. Il serait utile de savoir s’il sera procédé à une évaluation d’impact sexospécifique avant la mise en œuvre des politiques visant à la décentralisation et à l’économie de marché, si le projet de loi sur l’égalité entre les sexes contient une disposition prévoyant des mesures temporaires spéciales et quelles sont les conditions exactes de l’immatriculation des associations de femmes conformément à la nouvelle loi sur les associations.

Mme Dairiam fait observer que des mesures doivent être adoptées pour traiter de la question du bien-être des femmes victimes de la violence dans les foyers qui ont décidé de se rendre dans des centres d’accueil. Le fait qu’aucune plainte n’ait été déposée au titre de la législation relative au système de santé ou de l’emploi ne doit pas nécessairement donner à entendre que la loi est appliquée correctement dans la pratique. De même, il serait utile de savoir si l’étude sur la violence à l’encontre des femmes s’étend aux femmes réfugiées, et si on peut se la procurer.

Mme Chutikul demande si des mesures ont été prises pour améliorer la situation des femmes dans les centres d’accueil gérés par le Ministère des affaires sociales et du travail et si l’action de diffusion de l’information sur la Convention s’étend aux femmes et aux filles apatrides ou appartenant à des minorités ethniques. Il semble par ailleurs qu’il ne serait pas difficile d’éliminer les mots « autres que son conjoint » de l’article 489 du Code pénal, qui vise la violence sexuelle.

Mme Ghanem (République arabe syrienne) dit que si l’article 9 est bien envisagé du point de vue de l’enfant comme de celui de la mère, la réserve émise à son endroit est en définitive de nature politique et ne peut être abordée avant que les questions politiques qui la sous-tendent ne soient résolues. Il ne fait aucun doute que le Comité national pour le droit international humanitaire n’a pas été aussi efficace qu’il aurait dû l’être et qu’il faudrait faire appel au Programme d’action de Beijing parallèlement à la Convention. La Commission syrienne des affaires familiales effectue actuellement une étude de l’effet de la nouvelle économie sur les femmes. Il n’existe pas de loi sur l’égalité entre les sexes mais un projet de loi sur la famille qui ne contient pas de disposition prévoyant des mesures temporaires spéciales. La question des effets potentiels sur les femmes qui se sont rendues dans des centres d’accueil sûrs est traitée dans le cadre de programmes de consultations familiales et d’appui juridique. L’objectif n’est pas de tenir les femmes à l’écart de leur famille mais de résoudre le problème qui se pose au sein de la famille. La question des femmes qui ne se sentent pas habilitées à porter plainte sur le plan juridique est examinée au moyen de programmes de formation. Les études menées par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés sur la violence à l’égard des femmes réfugiées et le texte intégral de toutes les études effectuées par la Syrie sont disponibles sur demande. Des services sont également offerts aux minorités ethniques et aux populations apatrides avec l’appui du Programme des Nations Unies pour le développement et de l’UNICEF, notamment dans le nord-est du pays, où réside le gros de ces populations. L’élimination des mots « autres que son conjoint » de l’article 489 du Code pénal est facile à proposer mais malaisée à effectuer. La solution consiste à faire évoluer la question de l’équilibre des forces dans le mariage, traditionnellement dominé par les hommes. On ne peut pas tout faire à la fois, et la réforme doit être graduelle.

La Présidente dit qu’il convient de féliciter la République arabe syrienne pour son retrait de l’intégralité de la réserve formulée à l’égard de l’article 2, des réserves formulées à l’égard du paragraphe 4 de l’article 15, et des paragraphes 1 g) et 2 de l’article 16. Cela étant, il est important de procéder par étapes en ce qui concerne le retrait des réserves qui subsistent, la ratification du Protocole facultatif et l’harmonisation de la législation nationale avec les dispositions de la Convention.

La séance est levée à 1 7 h 15.