Trente-troisième session

Compte rendu analytique de la 700e séance

Tenue au Siège, à New York, le 18 juillet 2005, à 15 heures

Présidente:Mme Schöpp-Schilling (Vice-Présidente)

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 18 de la Convention (suite)

Rapport initial de la Républqiue populaire démocratique de Corée

La séance est ouverte à 15 h 5.

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Rapport initial et deuxième et troisième rapports périodiques combinés du Bénin (suite) (CEDAW/C/BEN/1-3; CEDAW/PSWG/2005/II/ CRP.1/Add.1)

À l’invitation de la Présidente, la délégation du Bénin prend place à la table du Comité.

Article 10 (suite)

Mme Hounkpe-Ahougbenou (Bénin) dit qu’au Bénin, femmes ont accès à un enseignement non formel leur permettant de recevoir une formation en tant que coiffeuses, menuisiers, mécaniciens et électriciens. Les centres de formation professionnelle offrent également des programmes de recyclage grâce auxquels elles peuvent apprendre les nouvelles technologies. Les filles qui doivent abandonner l’école parce qu’elles sont enceintes ne sont certainement pas empêchées par la loi de retourner à l’école après l’accouchement; le fait que généralement elles ne retournaient pas à l’école est dû aux considérations socioculturelles de modestie. Dans les établissements d’enseignement, tous les cours sont dispensés en français et les diversités linguistiques ne représentent donc pas un problème au Bénin. Des campagnes de sensibilisation auxquelles participent de nombreuses organisations non gouvernementales encouragent les filles à fréquenter l’école.

M. Sossa (Bénin) dit que bien que l’enseignement ne soit dispensé qu’en français dans les écoles, les établissements secondaires et les universités, des campagnes d’alphabétisation, auxquelles participe largement la société civile, sont réalisées dans les langues locales appropriées. L’annulation de la dette est très récente; elle sera reflétée dans le budget annuel du pays l’année prochaine et les programmes sociaux du gouvernement en bénéficieront sans aucun doute.

Article 11

Mme Arocha Dominguez, notant qu’un membre de la délégation avait fait état de la difficulté de garantir des emplois, non seulement aux femmes mais également aux hommes du Bénin, dit que le gouvernement a la responsabilité d’assurer qu’il n’existe aucune discrimination dans l’embauche des femmes et de garantir les conditions nécessaires à leur rémunération adéquate. Elle aimerait avoir des statistiques à jour sur la participation des femmes aux divers secteurs du marché du travail et sur leurs rémunérations, particulièrement dans les secteurs où la participation des femmes employées est notablement plus élevée que celle des hommes et où le revenu des femmes tend à être faible. Elle demande également quelles mesures le gouvernement a pris, en coopération avec le secteur privé, pour assurer que les dispositions de la Convention sont appliquées.

Mme Patten dit que, malgré les progrès qui ont été enregistrés dans certains domaines de l’emploi, d’énormes inégalités persistent. Existe-t-il une politique nationale claire quant à la promotion de l’égalité des chances et de rémunération en ce qui concerne l’emploi? Les lois sont en place, mais le respect de leurs dispositions est très faible. Il y a peu de femmes dans la fonction publique. Quelles mesures le gouvernement a-t-il l’intention de prendre pour accroître leur représentation, particulièrement aux échelons élevés de la fonction publique où elles sont particulièrement sous-représentées? Elle se félicite du fait que le Bénin ait ratifié un certain nombre de conventions de l’OIT, mais note que vu la situation économique difficile qui prévaut dans le pays et le manque de pouvoir de négociation des femmes, celles-ci ont opté pour le secteur non formel. Quelles mesures sont prises pour promouvoir et appuyer le travail indépendant des femmes et la création de petites entreprises qui pourraient être gérées par des femmes? Ont-elles accès au crédit et au capital aux mêmes conditions que les hommes? Le gouvernement prend-il des mesures concrètes pour faciliter l’accès des femmes à toutes les ressources de production – terres, crédit, capital et programmes de développement – et leur contrôle de ces ressources? L’adoption du Code du travail du Bénin a représenté un grand pas en avant, mais quelles mesures ont été adoptées pour assurer le respect de ses dispositions? Le Bénin a-t-il mis en place un système d’inspections efficace, à quels recours les femmes ont-elles accès en cas de non-respect, les femmes ont-elles accès à la justice lorsque leurs droits sont violés et une aide juridique leur est-elle offerte? Le Ministère du travail a-t-il élaboré des politiques sur le lieu de travail afin de lutter contre la discrimination fondée sur le sexe en matière de recrutement et de promotion, particulièrement dans le cas des femmes plus âgées, qui sont plus vulnérables? Le Bénin n’a pas de texte juridique définissant le harcèlement sexuel sur les lieux de travail, bien qu’il y soit fait référence dans le Code pénal. Le Bénin a-t-il en fait une définition claire du harcèlement sexuel sur le lieu du travail et élabore-t-il des politiques pour y remédier?

M. Sossa (Bénin) dit que, bien que le Bénin n’ait pas de textes juridiques spéciaux sur le harcèlement sexuel dans l’emploi, les dispositions du Code pénal sont utilisées pour le combattre. Le nouveau Code pénal règlera certainement la question lorsqu’il entrera en vigueur dans quelques mois. Dans la fonction publique, le recrutement est soumis à une libre concurrence sur un pied d’égalité, bien qu’il soit peut-être regrettable qu’il n’y ait pas de quota pour les femmes. Dans certains domaines, la préférence est en fait accordée aux femmes, et des efforts sont déployés pour les recruter dans des domaines où elles sont sous-représentées. Si elles ont les mêmes qualifications que les hommes, elles reçoivent le même salaire. Au Bénin, les femmes contrôlent souvent le commerce et dans l’agriculture et le commerce elles sont souvent responsables de leurs propres entreprises; il convient de reconnaître que les femmes participent au commerce principalement dans les régions rurales et cela est un domaine qui demande parfois de grands sacrifices personnels et peut même être cause de souffrances. Le Ministère de la famille, de la protection sociale et de la solidarité s’efforce de trouver des solutions aux difficultés rencontrées par les femmes dans l’emploi. Il n’a pas actuellement de statistiques sur leur représentation dans la fonction publique, mais il les fournira au Comité à une date ultérieure.

Article 12

Mme Pimentel dit, que bien que le Bénin bénéficie d’un bon niveau d’égalité de jure, le défi est d’assurer l’égalité de fait. Le Bénin déploie un effort impressionnant, mais ce processus est très difficile et prend du temps. Le rapport se réfère au fait que les organisations non gouvernementales ont commencé à étudier les moyens de recycler les exciseuses dans d’autres métiers. Le gouvernement prend-il des mesures pour aider à cette initiative? Aux termes du paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention qui a trait à l’élimination de la mutilation génitale des femmes, le gouvernement a-t-il l’intention de prendre des mesures spéciales? À son avis, de telles mesures seraient fort utiles.

Mme Dairiam dit que le rapport mentionne toute une gamme de services et d’interventions dans le domaine de la santé, mais ne décrit pas le concept de la santé des femmes sur lequel ces services sanitaires sont fondés. Le Bénin a-t-il étudié la recommandation générale no 24 du Comité qui fournit une large définition de la santé des femmes allant bien au-delà de la santé en matière de reproduction et la santé maternelle? Quel est le fondement sur lequel repose le rapport qui prétend qu’il n’existe pas de discrimination s’agissant de la manière de traiter les problèmes de santé de la population? Existe-t-il des données ventilées par sexe afin de suivre l’accès des femmes et des hommes aux services de santé? Outre la distance entre le foyer et les centres de santé et les disparités locales, le Gouvernement béninois a-t-il identifié des obstacles particuliers empêchant les femmes d’avoir accès aux services de santé? Dans quelle mesure les femmes ont-elles vraiment accès aux services de santé et quelles mesures sont prises pour assurer un accès plus universel? Existe-t-il un plan et, le cas échéant, quel est le calendrier? Y a-t-il des informations sur l’accès à l’approvisionnement en eau salubre et à l’assainissement? Le rapport se réfère aux principales causes de morbidité des femmes, dont l’une est le « traumatisme ». Le traumatisme résulte-t-il de la violence domestique? De quelle manière les causes de morbidité des femmes diffèrent-elles de celles des hommes? S’il existe des différences, y a-t-il des services médicaux axés sur les femmes? Quels sont les taux de mortalité maternelle? Le rapport dit que les normes d’évaluation des soins de santé maternelle ont considérablement évolué, mais la délégation béninoise pourrait-elle fournir des statistiques montrant un déclin dans la mortalité et la morbidité maternelles résultant de l’amélioration des soins? Le rapport soutient que les activités de planification de la famille sont relativement bien développées; l’avortement est-il toujours illégal et, le cas échéant, quel est le taux d’avortements pratiqués dans des conditions dangereuses et quels services sont fournis pour gérer les suites et les complications de ces avortements?

Mme Morvai dit qu’il est absolument fondamental du point de vue de l’égalité des sexes et des droits des femmes que la planification de la famille soit considérée comme la responsabilité conjointe des deux partenaires. Le rapport dit que l’autorisation préalable de l’homme est généralement requise avant qu’une femme puisse recevoir une aide en matière de planification de la famille. Au Bénin, la loi requiert-elle l’autorisation préalable de la femme avant qu’un homme puisse utiliser des contraceptifs ou décide de se faire stériliser? Le droit d’une femme aux services de santé ne se limite pas à ses capacités de reproduction : quelle est la pratique au Bénin en ce qui concerne la prestation de services de santé aux femmes âgées?

Mme Hounkpe-Ahougbenou (Bénin) dit que, à la suite d’une campagne contre la mutilation génitale des femmes menée par le gouvernement et des ONG, une cérémonie officielle a été tenue en avril 2005 déclarant la fin de cette pratique. Depuis qu’elle est illégale, ceux qui désirent poursuivre cette pratique doivent le faire clandestinement. Le gouvernement a aidé les exciseuses à se recycler dans d’autres activités. La Loi sur la répression de la mutilation génitale des femmes est dorénavant respectée. Au Bénin, le concept de la santé des femmes va bien au-delà de la santé en matière de procréation; il comprend la santé des femmes dans son ensemble, notamment l’éducation des filles en matière de santé, la lutte contre le VIH/sida et les problèmes que pose le cancer chez les femmes âgées. Il n’y a aucune discrimination dans la prestation des soins de santé : les hommes et les femmes sont également traités, les centres de santé sont dorénavant largement répandus et le gouvernement a entrepris de sensibiliser la population à la nécessité de consulter un médecin en cas de maladie. Les statistiques sur la mortalité maternelle seront fournies ultérieurement au Comité. L’avortement est maintenant autorisé dans certains cas, mais les deux partenaires doivent y consentir; il en va de même pour la contraception.

M. Sossa (Bénin) dit que l’avortement est autorisé lorsque la santé de la mère est en danger ou lorsque la grossesse est le résultat d’un viol ou de l’inceste. La loi a été réformée en 2003 et sera modifiée dans les mois suivants après ce qui devrait être un débat parlementaire animé auquel s’intéressent activement les ONG. Il n’est pas vraiment possible de contrôler la manière dont chaque couple aborde la question de la contraception, mais il n’a pas connaissance de cas où un partenaire serait opposé à ce que l’autre utilise des contraceptifs; généralement, la femme obtient l’autorisation de l’homme.

Articles 13 et 14

Mme Schöpp-Schilling demande si le gouvernement a l’intention de poursuivre le projet d’énergie solaire et les autres programmes louables de développement rural qu’il a entrepris conformément à l’article 14. Toutefois, elle n’a pas encore une idée claire de la situation réelle des femmes rurales. Bien que plus de femmes que d’hommes vivent dans les régions rurales et que 54 % des femmes travaillent dans l’agriculture, apparemment elles ne sont pas propriétaires des terres. On peut donc présumer qu’elles travaillent dans le secteur non formel ou en tant que main-d’oeuvre salariée dans les plantations. Si l’agriculture autonome est leur source de revenus, il n’est pas clair si elles ont un accès adéquat à l’eau et peuvent vendre leurs produits. Elle se demande également combien de femmes vivent dans des mariages polygames et comment ces mariages affectent leurs revenus. Il serait intéressant de savoir quel est le pourcentage du budget national alloué à la réduction de la pauvreté, la proportion de ce pourcentage allouée aux programmes en faveur des femmes et si les ressources nécessaires pour ces derniers seront assurées.

Mme Tan dit que le nouveau Code sur les personnes et la famille adopté en 2004 a largement amélioré la situation de jure des femmes, mais trop peu d’informations ont été fournies sur la situation de fait et sur ce que le gouvernement avait entrepris pour lutter contre l’héritage socioculturel des lois coutumières dans les familles qui sont essentiellement patrilinéaires, particulièrement pour ce qui est de l’accès aux terres et de la participation aux comités de gestion de l’eau.

Mme Zou Xiaoquiao fait observer que le rapport ne donne pas suffisamment de détails sur la condition des femmes rurales – leur niveau de pauvreté ou leur accès à l’éducation, à la sécurité sociale, aux soins de santé etc.; le prochain rapport devrait fournir des données sur la population rurale ventilées par sexe. Le rapport passe également sous silence la violence au foyer, même dans le cadre de l’article 6, et elle se demande si cela veut dire qu’elle n’existe pas ou que le gouvernement n’a pris aucune mesure à cet égard. Elle demande également à la délégation béninoise d’éclaircir la raison pour laquelle le rapport (CEDAW/C/BEN/1-3, par. 70, sect. 14.1) déclare que l’un des principaux problèmes des femmes rurales est leur manque d’accès au crédit agricole, mais dans les sections suivantes fait état des divers types de crédits qui sont mis à leur disposition.

Mme Ogoussan (Bénin) dit que les femmes rurales ont accès au crédit, mais pas de manière égale. Les femmes pauvres ou celles qui ne remplissent pas les conditions nécessaires à l’obtention d’un microcrédit peuvent avoir accès à un crédit non garanti; les autres ont accès aux types de crédit mentionnés dans le rapport. Nombre de femmes rurales, particulièrement dans le nord et le centre du pays, travaillent avec leurs maris sur les terres familiales et cela explique l’absence de référence aux femmes employées dans les plantations. En fait, dans certains cas, les femmes emploient même des hommes pour les aider aux travaux de récolte et elles sont certainement capables de vendre leurs produits sur un pied d’égalité.

Mme Boko Nadjo (Bénin) fait observer qu’il est grand temps d’évaluer dans quelle mesure la population s’est familiarisée avec le nouveau Code de la famille, adopté seulement six mois auparavant, et d’évaluer l’impact qu’il aura sur les femmes. La situation de fait des femmes demeure essentiellement la même bien que, depuis la démocratisation du pays, elles soient mieux informées de leurs droits grâce à la campagne d’information lancée par le gouvernement par l’intermédiaire des médias et grâce aux activités réalisées par des organisations de la société civile, qui s’adressaient aussi bien aux hommes qu’aux femmes.

Au Bénin, comme ailleurs, la violence domestique est un sujet tabou et les problèmes sont résolus au sein de la famille immédiate elle-même ou avec l’assistance des autorités morales ou locales. Les plaintes ne parviennent que très rarement devant les tribunaux et il n’existe pas de statistiques.

Mme Hounkpe-Ahougbenou (Bénin) dit que le gouvernement avait certainement l’intention de poursuivre ses programmes en cours en faveur de la promotion de la femme. Il convient de noter que les agricultrices vendent leurs produits aux mêmes prix que les hommes et ont le même niveau de revenu. Le programme d’approvisionnement en eau des villages est encore à son maximum et chaque village bénéficiera éventuellement d’une pompe à eau. Comme il n’a pas été procédé à un recensement, il n’existe pas de données sur la polygamie dans les régions rurales. Toutefois, le prochain rapport fournira certainement des statistiques montrant la répartition entre les populations rurales et urbaines.

Pour éclaircir la question de l’accès au crédit, il convient d’expliquer que certaines femmes, n’ayant pas de documents officiels, ne remplissent pas les conditions voulues pour obtenir des prêts bancaires mais par contre reçoivent des fonds alloués par le gouvernement à un faible taux d’intérêt de 5 %. De tels programmes de crédit existent dans au moins 25 villages et les femmes bénéficient d’un système de fonds de crédit autorenouvelable, remboursable qui sera maintenu en place jusqu’à ce que leurs vies soient suffisamment structurées pour qu’elles puissent demander des crédits officiels aux termes du système ordinaire.

Articles 15 et 16

Mme Saiga, se référant à l’article 16, note que le gouvernement, en coopération avec les ONG, s’est donné deux ans pour faire connaître le nouveau Code sur les personnes et la famille. Elle se demande toutefois si le nouveau code pourra résoudre les problèmes créés par les nombreuses coutumes discriminatoires en matière de mariage, d’héritage etc., qui se poursuivent. Le prochain rapport devrait fournir des informations plus détaillées sur les dispositions du code et rendre compte de son impact.

Mme Belmihoub-Zerdani doute que le nouveau code pourra réaliser entièrement l’objectif qu’il s’est fixé. Le rapport lui-même déclare (p. 16), par exemple, que la famille et les droits de succession sont régis aussi bien par le Code civil que par le droit coutumier du Dahomey; et il vraisemblablement difficile de comprendre quelle loi prévaut réellement. Le nouveau code a révoqué les aspects discriminatoires de l’héritage qui figurent dans le droit coutumier, mais cela dans le cadre des structures traditionnelles du mariage qui sont toujours en place. Elle aimerait que la délégation explique comment l’abrogation de l’ancien code par le nouveau code fonctionne en réalité. Il conviendrait peut-être d’adopter des lois pour aider à la transition du système discriminatoire au nouveau système.

Mme Tan demande quelle est la position du nouveau code en ce qui concerne le droit religieux, vu la claire distinction faite par le rapport entre le droit religieux, le droit coutumier et le droit civil dans le pays. Elle aimerait savoir si le code est conforme à la Convention et si la Convention prévaudra sur le droit national en cas de discordance; et également si le code comprend des dispositions sur la violence contre les femmes et le châtiment et la réadaptation des auteurs de la violence.

M. Sossa (Bénin) fait observer que la première partie du rapport a été rédigée en 2002, bien avant l’adoption du Code sur les personnes et la famille et ne reflète pas la situation actuelle. Le droit coutumier du Dahomey, hérité de l’ancienne puissance coloniale, date des années 30 et a lui-même évolué. De plus, des constitutions nationales successives ont proclamé l’égalité entre les hommes et les femmes, et les tribunaux ont régulièrement maintenu les dispositions constitutionnelles. Par conséquent, les femmes ont un droit d’hériter et ne sont pas de simples objets aux yeux des tribunaux. Le nouveau code a abrogé le droit coutumier avec effet immédiat et aucune des anciennes dispositions coutumières concernant le mariage, la séparation des biens dans le mariage, les enfants etc., ne sont donc valides. Le code est devenu applicable immédiatement, bien que les autres types de mariage n’aient pas été abolis en tant que tels. Dans tous les cas, les femmes peuvent contester par voie légale toute tentative d’appliquer les anciens règlements.

Le délit de violence contre les femmes n’est pas réglementé par le Code sur les personnes et la famille, mais par le Code civil qui l’interdit. Le Code pénal révisé traitera de la violence domestique également.

Mme Hounkpe-Ahougbenou (Bénin) dit, comme Mme Belmihoub-Zerdani, qu’il serait difficile pour les femmes rurales de passer d’un système polygame au nouveau type de mariage prévu par le nouveau code.

Questions de suivi

Mme Schöpp-Schilling demande, en ce qui concerne la traite des enfants, quel est le pourcentage de filles parmi ces enfants. Elle se félicite de la création d’un organe national des droits de l’homme chargé de faire rapport et d’assurer le suivi et demande quels sont les plans du gouvernement quant à la dissémination du rapport du pays et des conclusions du Comité afin d’atteindre une large audience. Des mesures temporaires spéciales sont l’instrument le mieux approprié pour parvenir à l’égalité de fait, et elle recommande un examen approfondi de la recommandation générale no 25 du Comité concernant de telles mesures. Pour ce qui est des problèmes constitutionnels quant aux quotas, elle recommande d’examiner la pratique des autres pays, notamment de certains pays d’Afrique qui ont introduit avec succès un système de quota. Il pourrait également être utile de réexaminer la Constitution pour déterminer si le libellé qui semble interdire les quotas pourrait être modifié.

Mme Shin regrette le manque général de statistiques ventilées par sexe dans le rapport. De telles données sont nécessaires pour la formulation et l’évaluation des politiques et des programmes si l’on veut éliminer effectivement la discrimination. Elle demande quels mécanismes existent pour rassembler des statistiques, comment l’information est collectée et qui décide quelle sorte de données doivent être collectées. Quelles que soient les entités chargées de ce travail, elles devraient avoir des coordonnateurs des questions de parité des sexes. Des statistiques sont nécessaires dans tous les domaines couverts par la Convention, notamment sur les cas de violence contre les femmes et le budget-temps et la répartition des tâches des femmes et des hommes dans les foyers.

Mme Morvai note qu’en ce qui concerne l’intention du Bénin de légaliser l’avortement, l’expérience de son propre pays a montré qu’une telle mesure devait être prise prudemment et faire partie intégrante d’un programme d’éducation à la planification familiale qui établit la responsabilité conjointe des hommes et des femmes en matière de contraception. L’avortement ne peut pas être traité simplement comme une méthode de contraception aisément disponible après le fait. Les femmes ont droit à un meilleur traitement que cela et doivent exercer un contrôle réel sur leur corps et leur sexualité.

Mme Simonovic rappelle sa question précédente sur l’applicabilité directe de la Convention par les tribunaux. Elle note que le droit national ne contient aucune disposition de protection explicite des droits de la Convention. Elle demande si la Convention peut être invoquée devant le tribunal constitutionnel ou tout autre tribunal.

M. Flinterman demande si les cas de violation des droits de la Convention peuvent être soumis aux tribunaux administratifs ou autres tribunaux, et si ces tribunaux peuvent se prononcer sur la compatibilité des lois affectant les droits de la Convention avec la Constitution. Notant que des recours devant les tribunaux tendent à coûter cher, il demande s’il existe un système d’aide juridique et des mécanismes de règlement à l’amiable et s’ils sont utilisés.

Mme Dairiam dit que le fait que la discrimination soit interdite n’apaise pas les préoccupations du Comité, car il doit s’assurer que la réalisation de fait des droits de la Convention prévaut dans tout État partie. Elle demande, par exemple, s’il existe un mécanisme pour déterminer si les hommes et les femmes ont réellement accès aux soins de santé sur un pied d’égalité et s’il a été réellement mis fin à la mutilation génitale des femmes. Le débat sur les soins de santé a été axé sur la santé en matière de reproduction, mais il y a d’autres aspects importants de la santé inquiétant les femmes. Elle demande ce que le terme « traumatisme » signifie dans la partie du rapport sur la morbidité.

Mme Belmihoub-Zerdani note qu’il semble que le projet de code pénal révisé ne mentionne pas de châtiment en cas de violence contre les femmes, ce qui est une grave omission. Dans les systèmes juridiques comme le sien et celui du Bénin, les traités internationaux, tels que la Convention, sont considérés comme ayant préséance sur les lois nationales. Toutefois, si les lois nationales faisaient directement référence aux droits protégés par la Convention, cela pourrait accélérer l’élimination de la discrimination.

Mme Kpongnonhou (Bénin) dit que des centres pour la protection sociale ont été créés afin de poursuivre au niveau local les efforts déployés par le gouvernement pour assurer que les droits sont protégés et qu’il est mis fin aux pratiques telles que la mutilation génitale des femmes. Les centres traitent également de la santé familiale, qui comprend plus que la simple santé en matière de reproduction.

M. Sossa (Bénin) dit que seul le Tribunal constitutionnel peut statuer sur la constitutionnalité des lois, mais tous les citoyens peuvent saisir le Tribunal de ces questions. La procédure n’est pas chère et ne requiert pas les services d’un avocat. Toute décision sur les cas concernant des questions de constitutionnalité dont sont saisis les autres tribunaux est suspendue jusqu’à ce que ces questions soient réglées par le Tribunal constitutionnel. Il tient à assurer le Comité que le rapport du pays et le dialogue avec le Comité seront largement distribués aux bureaux gouvernementaux, à la législature, aux ONG et à la presse. L’Institut national pour les statistiques et l’analyse économique est chargé de rassembler les statistiques. Il assure le Comité que le prochain rapport périodique contiendra plus de statistiques couvrant les domaines auxquels se sont référés les membres.

Mme Hounkpe-Ahougbenou (Bénin) dit que le gouvernement est préoccupé par la traite des enfants. Elle fait observer que les enfants en question ne sont pas vendus mais sont envoyés, généralement par leur famille, dans d’autres villes ou même dans des pays voisins, qu’ils vivent généralement avec des parents afin de tirer profit des possibilités d’emploi. Certaines statistiques sur la question sont disponibles, particulièrement dans le cas où le gouvernement s’efforce de recouvrer ou de rapatrier certains enfants. En ce qui concerne l’avortement, elle souligne qu’aux termes de la nouvelle loi, il ne sera légal que dans des circonstances spécifiques, telles que le viol ou une condition médicale dangereuse. Le gouvernement continue sa campagne en vue d’éliminer la mutilation génitale des femmes par l’intermédiaire des collectivités afin de faire prendre conscience du problème. Elle dit que sa délégation apprécie les nombreux commentaires utiles faits par le Comité, qui aideront le gouvernement à renforcer ses efforts et à améliorer le prochain rapport.

La Présidente remercie la délégation béninoise de son dialogue franc et constructif avec le Comité en ce qui concerne la situation dans le pays. L’approche sérieuse du gouvernement quant à l’égalité entre les sexes est reflétée par la ratification du Protocole facultatif, l’adoption de lois importantes telles que le Code sur les personnes et la famille et la loi sur la répression de la mutilation génitale des femmes, et plus généralement dans le cadre constitutionnel mis en place afin de protéger les femmes contre la discrimination. Toutefois, certains domaines demeurent problématiques. Il n’existe aucune définition claire de la discrimination, telle qu’elle figure à l’article premier de la Convention, et il devrait exister des mécanismes plus efficaces pour traiter des cas de plaintes de discrimination. Le programme d’enseignement tendant à éliminer les stéréotypes sexospécifiques a souffert d’un manque de ressources et d’enseignants. Une législation plus solide et une plus large participation des ONG et des médias sont nécessaires pour éliminer entièrement les mariages forcés, le paiement d’une dot, la mutilation génitale des femmes et la traite des enfants, particulièrement des filles. Le Bénin pourrait ratifier tous les instruments internationaux contre la traite des êtres humains. À cette fin, il faudrait encourager une plus grande coopération dans la sous-région. La participation des femmes à la vie politique et à la prise de décisions devait être renforcée et, à cet égard, des mesures temporaires spéciales telles que décrites dans la recommandation no 25 seraient utiles. Comme il n’y a aucune ambassadrice au Bénin, un programme devrait être mis sur pied pour encourager les femmes à entrer dans le service diplomatique. L’égalité dans l’enseignement paraît être entravée par des taux élevés d’abandon scolaire des filles, les stéréotypes traditionnels et un manque d’enseignants. Il faudrait adopter des mesures plus strictes pour assurer un traitement égal pour les femmes et pour lutter contre le harcèlement sexuel sur le lieu de travail. D’autres obstacles traditionnels et culturels à l’égalité des femmes, tels que les mariages forcés, les mariages d’enfants et la polygamie, devaient être examinés plus attentivement.

La séance est levée à 17 h 10.