Vingt-sixième session

Compte rendu analytique de la 548e séance

Tenue au Siège, à New York, le mardi 29 janvier 2002, à 15 heures

Président :Mme Abaja

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 18 de la Convention (suite)

Rapport initial, deuxième et troisième rapports combinés de l’Estonie (suite)

La séance est ouverte à 15 h 10

Examen des rapports soumis par les États partiesen application de l’article 18 de la Convention (suite)

Rapport initial, deuxième et troisième rapports combinés de l’Estonie (suite) (CEDAW/C/EST/1-3)

1.À l’invitation de la Présidente, les membres de la délégation de l’Estonie prennent place à la table du Comité.

2.M me Kaljurand (Estonie) dit que sa délégation accepte les remarques du Comité sur l’absence d’introduction au rapport, et c’est pourquoi elle remet le document de base déjà présenté à Genève en 2001, qui offre quelques informations générales supplémentaires sur le pays. Elle souligne que le rapport a pris du retard non seulement en raison des sous-effectifs et du manque d’expérience dans la rédaction de rapports sur la mise en œuvre des conventions relatives aux droits de l’homme, mais également en raison des réformes importantes requises pour conformer la législation du pays aux principes de l’économie de marché et de la primauté du droit. La traduction de la Convention a été publiée en langue estonienne dans un journal officiel soviétique avant l’indépendance et a donc été rendue accessible au grand public il y a quelque temps.

3.Le Gouvernement a établi un groupe de travail pour contribuer à la préparation du rapport et un projet a vu le jour pour former les fonctionnaires, les chercheurs et les organisations non gouvernementales (ONG) à la collecte des informations requises; la responsabilité globale du projet est assumée par le Ministère des affaires sociales. Le premier guide exhaustif des instruments relatifs aux droits de l’homme en Estonie a été publié en 2001. Le rapport national estonien peut être consulté en langue estonienne et russe sur le site Internet du Ministère des affaires étrangères.

4.Le rôle principal du Centre juridique international des droits de l’homme est d’offrir un conseil juridique gratuit, de recueillir et diffuser les informations relatives aux droits de l’homme, de développer les connaissances des juristes et des étudiants en droit en matière de droits de l’homme et d’aider les avocats à préparer des dossiers sur les droits de l’homme. Son rôle concerne davantage la situation des étrangers et la protection des minorités que les problèmes de l’égalité des sexes, bien qu’il ait présenté des observations sur le rapport. Aucun des projets d’éducation civique de l’Institut Jaan Tônisson ne concerne uniquement la question de l’égalité entre les sexes. En coopération avec l’Université de Tartu, le Centre a élaboré un programme de formation des enseignants qui inclut le sujet de la parité et propose une documentation sur la question de l’égalité entre les sexes, notamment sur Internet; il participe également à différentes activités dans lesquelles l’égalité des sexes revêt une importance particulière.

5.En réponse à la remarque sur la nécessité de revoir les catégories de statistiques, l’intervenante explique que c’est en 1997 que des statistiques sur l’égalité des sexes ont été réunies pour la première fois dans le cadre du programme de coopération entre les États baltiques et nordiques. Des modules de formation spéciaux ont été organisés à l’intention des fonctionnaires et par ailleurs des lignes directrices sur les indicateurs, les définitions et les mesures ont été préparés par le Bureau de l’égalité en étroite coopération avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD).

6.L’Estonie est en train de ratifier le Protocole no 12 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Elle n’est cependant pas en mesure de prévoir la date exacte à laquelle elle ratifiera le Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes ou bien encore l’amendement à l’article 20.

7.Alors qu’il n’existe aucune définition particulière de la "discrimination à l’égard des femmes" dans le droit estonien, c’est le droit international, y compris les traités internationaux, qui prévaut sur le droit interne. La Convention est dès lors directement applicable dans les tribunaux estoniens. La signification de la « discrimination fondée sur le sexe directe et indirecte » est clairement expliquée dans le Projet de loi sur l’égalité entre les sexes.

8.En guise de réponse aux questions et remarques concernant la section du rapport de l’Estonie ayant trait à l’article 2 de la Convention, elle déclare que l’objet de la Loi sur l’égalité entre les sexes qui s’applique au secteur public et privé est la promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes par le biais de l’interdiction la discrimination fondée sur le sexe et en déléguant aux secteurs public et privé, aux établissements éducatifs et aux employeurs le soin de contribuer à cette égalité. Aux termes de la Loi, un programme préférentiel n’est pas considéré comme une forme de discrimination, et les femmes bénéficient d’une protection durant leur grossesse, mais l’idée de quotas a soulevé une vive controverse. La Loi traite également la question du harcèlement sexuel. De nombreux séminaires et ateliers ont été organisés à l’intention de différents secteurs de la société au cours de l’élaboration de la loi.

9.Les normes publicitaires sont régies par un certain nombre de lois. Une commission d’experts a été constituée au sein du Ministère de la culture afin d’apprécier si des œuvres d’art ont un caractère pornographique ou véhiculent de la violence ou de la cruauté. La Commission a enquêté sur quelques plaintes relatives à l’image donnée des femmes et a prononcé une mise en garde sur la diffusion d’un film pouvant entraîner des sanctions administratives. Les publicités traitant les femmes comme des objets sexuels ont donné lieu à des vives discussions dans la société et à des appels à la suppression de certaines affiches. Les participants à une table ronde sur la violence dans les médias, organisée par le Ministère de la culture en 2001, ont conclu que bien que le cadre juridique soit satisfaisant, il reste encore beaucoup à faire pour renforcer l’application de la loi.

10.L’étude d’impact des projets de loi est réalisée par le Bureau de l’égalité des sexes. Comme il s’est avéré difficile d’obtenir des données et des informations fiables de sources autres que les sources traditionnelles, un groupe de travail a été constitué pour évaluer les projets de loi et les politiques égalitaires. Le Ministère des affaires sociales a cependant reçu des propositions de divers groupes et individus, pour incorporer des principes de parité dans les projets de loi. Le projet de Code de la famille a été rejeté après l’étude d’impact par sexe.

11.L’Article 141 du nouveau Code pénal contient une définition du viol qui couvre également le viol domestique. Le viol est qualifié de viol aggravé si la victime a moins de 18 ans, si le crime a été commis par deux personnes ou plus, ou s’il a entraîné le décès de la victime. Les relations sexuelles avec une personne de moins de 14 ans constituent un délit aux termes de l’article 145 du Code, tout comme les relations sexuelles avec une personne en situation de dépendance.

12.Bien que sa délégation comprenne les préoccupations exprimées par le Comité quant au manque d’engagement et de connaissances des magistrats estoniens en matière de sexospécificités, elle ne partage pas ces inquiétudes car les droits de l’homme, y compris les droits des femmes, font partie du programme de toutes les sections d’enseignement du droit. Le service de consultations juridiques est chargé d’offrir aux magistrats une formation continue en matière de sexospécificités. Tous les magistrats qui travaillent pour le Ministère des affaires sociales ont reçu une formation sur l’égalité entre les sexes, soit en Estonie soit à l’étranger.

13.Un nouveau Code de la famille est en cours d’élaboration, processus auquel prennent part la population et des ONG, et qui devrait aboutir à l’adoption de la Loi en 2002. Le nouveau Code est fondé sur les grands principes de la Convention.

14.Répondant à une question sur l’espérance de vie et les retraites, l’intervenante dit qu’en Estonie l’espérance de vie des hommes est passée à 65,1 ans par comparaison avec les 73,8 ans des femmes. L’assurance sociale estonienne est fondée sur un système de retraites individuelles. Le montant de la retraite dépend des cotisations versées à l’assurance sociale qui dépendent elles-mêmes du revenu. Les pensions des veuves reposent sur le principe que les femmes sont financièrement dépendantes des hommes car généralement leurs revenus sont inférieurs. Le Gouvernement estonien s’emploie à améliorer les rémunérations des femmes et ainsi accroître leurs retraites. Au lieu d’une pension de veuve, la Loi sur les cotisations sociales prévoit une pension de réversion dont peuvent bénéficier le conjoint survivant et les enfants.

15.Elle reconnaît que le taux de divorces est de fait très élevé en Estonie. Le divorce est prononcé par le Bureau de l’état civil ou un tribunal; il s’agit d’une procédure relativement simple si les époux parviennent à un règlement amiable. Le divorce est prononcé au plus tôt un mois et au plus tard trois mois après la remise en main propre de la demande écrite des époux ou d’une demande notariée. Si l’un des époux est porté disparu ou ne dispose pas de sa capacité juridique, le divorce est prononcé sur la base de la demande de l’autre époux. Si les époux en font la demande, les litiges concernant la garde des enfants, la pension alimentaire ou la répartition des biens communs sont présentés à un tribunal ou à l’autorité de tutelle qui prend en considération la primauté du bien-être des enfants et tient compte des souhaits de chaque enfant d’au moins 10 ans ou plus jeune s’il présente une maturité suffisante. Aux termes du Code de la famille, les biens acquis par les époux durant le mariage sont considérés biens communs. Ils peuvent être déclarés biens propres si leur valeur s’est considérablement accrue au cours du mariage en raison du travail fourni ou des dépenses engagées par l’un des époux. Les biens propres sont définis comme des biens possédés par chacun des époux avant le mariage, acquis au cours du mariage à titre de cadeau ou à la suite d’une succession, ou acquis au terme de la relation conjugale. Chaque époux a le même droit de posséder, d’utiliser et de disposer des biens communs après le divorce; si les époux ne s’entendent pas sur un règlement à l’amiable à cet égard, le tribunal interviendra à leur demande. Il peut y avoir séparation des biens communs pendant le mariage, au moment du divorce ou après le divorce suivant accord passé entre les époux. Un accord éventuel sur la séparation des biens immobiliers devra être notarié. En principe, les biens communs sont divisés de manière égale entre les époux bien que le tribunal puisse déroger à ce principe pour un certain nombre de motifs, l’un d’eux étant que l’intérêt supérieur de l’enfant ou de l’un des époux se trouve sinon compromis.

16.À sa connaissance, la Cour suprême n’a pas encore invoqué la Convention, mais ses Chambres de contrôle administratif et constitutionnel ont déjà fait référence à des principes généraux de non discrimination et d’égalité de traitement. L’accent a été mis sur le fait de s’assurer que les juges et les procureurs se tiennent au courant des modifications qui interviennent dans la législation et le barreau estonien s’emploie à leur fournir une formation complémentaire.

17.Le rôle du Chancelier de justice a évolué en un rôle de médiateur défendant les droits et libertés individuels. Une nouvelle Loi octroie au Chancelier de justice le contrôle des autorités gouvernementales et établit les procédures détaillées pour traiter les plaintes impliquant les droits et libertés constitutionnels. Bien que le Chancelier de justice n’ait reçu aucune plainte spécifique de discrimination fondée sur le sexe à ce jour, cette situation est susceptible d’évoluer compte tenu de la nouvelle importance accordée à l’interdiction de cette forme de discrimination.

18.Répondant aux questions ayant trait à l’article 3 et s’agissant des mécanismes nationaux, l’intervenante indique qu’un Bureau de l’égalité entre hommes et femmes a été établi en 1996 au sein du Ministère des affaires sociales; il assume la responsabilité de l’égalité entre les sexes depuis l’année 2000. Ce Bureau coordonne les activités visant à intégrer la perspective de l’égalité des sexes des autres départements au Ministère des affaires sociales ainsi que d’autres ministères, afin de mettre en œuvre différentes programmes et plans d’action. Coordinateur de la question de l’égalité des sexes il joue le rôle d’un organe consultatif au service des législateurs, des politiciens, des chercheurs et des organisations non gouvernementales et est en charge de l’amélioration la sensibilisation de la population en général. Il compte deux salariés permanents et deux ou trois chefs de projet temporaires, tous étant formés à la question de l’égalité entre les sexes, un sociologue du département de l’intégration européenne et des fonctionnaires d’autres départements chargés de questions particulières ayant trait à l’égalité hommes-femmes. Le Bureau travaille en coopération avec un certain nombre de centres et la quasi-totalité des organisations et des personnes qui interviennent dans ce domaine. Son budget est inclus dans celui du Ministère des affaires sociales. Il est également soutenu par différents organismes des Nations Unies, des ambassades et des organes européens.

19.Aux termes du projet de loi sur l’égalité entre les sexes une commission et un conseil pour l’égalité entre les hommes et les femmes verront bientôt le jour. L’intervenante énumère les différentes fonctions de la commission, faisant observer que tout un chacun a le droit de se plaindre de discrimination devant elle, et que tout employeur qui viole les dispositions de la Loi sur l’égalité entre les sexes sera tenu de payer une indemnisation au titre du préjudice financier et moral équivalant à au moins 5 mois de salaire au taux mensuel minimum.

20.L’intégration d’une démarche soucieuse de l’égalité des sexes est assurée par différents groupes de travail chargés notamment d’élaborer des indicateurs, des définitions et des méthodes d’évaluation des évolutions; d’analyser les textes de loi ainsi que les efforts de la police et des autorités locales pour éliminer la violence à l’égard des femmes; de préparer de la documentation pour les fonctionnaires sur la mise en œuvre de l’intégration d’une démarche antisexiste et d’enquêter sur le harcèlement sexuel sur le lieu de travail (analyse de données issues d’études réalisées en décembre 2001 dans deux entreprises estoniennes). Comme il n’existe actuellement aucun institut de recherche spécifique aux femmes en Estonie, des instituts reçoivent des subventions de la Fondation estonienne pour la science afin de réaliser leurs travaux dans les universités. L’égalité des sexes est une composante du Plan d’action annuel du Gouvernement depuis 1999. Le Plan d’action de 2002 inclut des questions telles que l’égalité de salaire pour un travail de même valeur; la conciliation de la vie familiale et professionnelle; l’aide à l’initiative économique privée des femmes et la diffusion d’informations. Une enquête détaillée va être organisée en vue d’intégrer les activités des différentes autorités gouvernementales. Dans l’intervalle, le Bureau de l’égalité entre hommes et femmes a lancé et soutenu un programme de discrimination positive visant à éliminer l’inégalité entre les sexes. D’autres mesures ont inclus la formation des fonctionnaires ainsi qu’une campagne d’information énergique, avec la publication de huit livres en cinq ans sur le statut des hommes et des femmes en Estonie et l’organisation de quatre conférences et de nombreux séminaire et sessions de formation.

21.Selon un sondage, les deux tiers des hommes et femmes estoniens (comparés au chiffre de 10 % en 1993) reconnaissent l’existence d’une discrimination sur le marché du travail. La première étude nationale sur la violence à l’égard des femmes vient d’être réalisée, et une stratégie spéciale est en cours d’élaboration au Ministère des affaires sociales. L’étude a révélé que 21 % des femmes et 16 % des hommes ont déjà subi des actes de violence psychologique, sexuelle ou physique.

22.Compte tenu du fait que la notion d’inégalité, dans son sens traditionnel, n’était pas reconnue avant l’indépendance, la société estonienne a mis du temps à accepter l’idée de l’égalité entre les sexes et les mesures parfois impopulaires telles que les quotas pour y parvenir. Le projet de loi sur l’égalité des sexes contient toutefois un article correspondant aux dispositions du paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention sur les mesures spéciales temporaires.

23.Les manuels scolaires d’éducation familiale des établissements secondaires sont en cours de révision en vue de lutter contre les stéréotypes et des idées fondamentales sur la vie familiale et les rôles des deux sexes sont introduites dès la maternelle. Il existe deux centres d’études des sexospécificités, le département d’étude de la problématique hommes-femmes de l’Université de Tartu et le Centre d’études des femmes à l’Université pédagogique de Tallinn. Les cours facultatifs proposés dans le programme d’études sur la problématique hommes-femmes à l’Université de Tartu incluent les aspects sociologiques de la question, la prise en compte des sexospécificités dans la sociologie, les lettres classiques féministes, économiques et se rapportant à la problématique hommes-femmes (y compris la critique littéraire féministe enseignée par des maîtres de conférences à la Faculté de philosophie). L’Université pédagogique de Tallinn propose un cours d’introduction à l’étude des femmes. Au cours de la dernière décennie a été conduite une recherche sur les questions de la famille et des sexospécificités à l’Institut des études internationales et sociales.

24.Il n’y a aucun département dédié aux questions féminines dans les universités estoniennes mais il est possible d’obtenir des diplômes universitaires comportant une option sur la problématique hommes-femmes dans différentes facultés.

25.Le Ministère de l’éducation est responsable de la mise en œuvre de la politique de la jeunesse et de l’élaboration des textes de loi dans ce domaine. Le nombre de garçons et de filles siégeant à l’Association estonienne des conseils scolaires est équilibré. Globalement, les filles sont plus actives dans l’administration scolaire que les garçons, et il convient d’encourager la participation des garçons dans les conseils, mais on peut toutefois affirmer que l’activité politique n’est plus influencée par les stéréotypes sexospécifiques.

26.Abordant la question des mesures de protection des victimes de la traite des êtres humains, elle dit qu’en 1999 et 2000 l’Estonie a coopéré à des projets régionaux mais qu’elle n’a pas encore créé d’unités spéciales chargées de la traite des êtres humains. On estime à plusieurs douzaines le nombre de femmes victimes mais seules quelques procédures criminelles afférentes au trafic des êtres humains ont été engagées. On espère que les campagnes d’information, les séminaires et les projets lancés en coopération avec les pays nordiques et baltiques règleront le problème ainsi que la question plus vaste de la criminalité organisée; il convient de s’intéresser davantage à la protection des témoins.

27.S’agissant de la participation des femmes à la politique, une étude de 1999 a montré que les femmes de plus de 25 ans ayant reçu une éducation supérieure montrent le plus d’intérêt pour la politique. On a enregistré une évolution significative des comportements ces dernières années, en cela que les deux tiers de la population sont maintenant disposés à voter pour des femmes, par rapport au tiers enregistré auparavant. Dans un effort visant à stimuler la participation des femmes, des programmes spécifiques ont été élaborés pour préparer les jeunes femmes à la vie politique à l’échelon national et local. Aux élections municipales de 1999, 35,6 % des candidats étaient des femmes, aboutissant à l’élection de 952 femmes; les femmes représentent maintenant 23,38 % des conseillers municipaux. Cinq conseils municipaux de villes importantes sont présidés par des femmes ainsi que 25 municipalités locales; on compte également 21 femmes parmi les maires. La promotion des candidates dépend pour l’essentiel de leur position sur les listes électorales des partis politiques. Aux élections de 1999, quelques partis ont adopté des règles internes pour assurer qu’au moins trois candidats sur dix soient des femmes.

28.Les organisations de femmes participent de manière informelle à l’élaboration des textes de loi car les projets de loi sont accessibles au public sur Internet. Les propositions et les points de vue qui recueillent un soutien suffisant du public sont acceptés par les Ministères concernés pour délibération. Au cours du processus de ratification de la Charte sociale européenne, les organisations de femmes ont joué un rôle-clé dans l’adoption de certains articles concernant l’égalité de traitement des hommes et des femmes. En 2001, le Gouvernement estonien a commencé à affecter des fonds spéciaux aux organisations de femmes; des subventions sont également mises à la disposition d’organisations non gouvernementales par le biais de différentes sources nationales et internationales. En outre un mémorandum de coopération a été conclu avec le Gouvernement afin de renforcer le développement de la société civile.

29.L’un des objectifs de la troisième Conférence des femmes de la mer baltique qui se tiendra en 2003 est la sensibilisation aux questions liées à l’égalité des sexes, y compris à la Convention.

30.En réponse aux questions soulevées sur l’article 9, elle dit que la Loi sur la citoyenneté stipule notamment la procédure d’acquisition de la citoyenneté estonienne (par la naissance ou la naturalisation) et les conditions à remplir par les étrangers qui souhaitent l’acquérir. Pour les mineurs la procédure d’acquisition de la citoyenneté estonienne a été considérablement simplifiée en 1998. Aux termes de la Loi sur les étrangers, tous les étrangers résidents en situation régulière ont un statut juridique clair, et des dispositions de la Constitution stipulent que la vie familiale est fondamentale au maintien de la croissance de la nation et qu’à ce titre elle mérite la protection de l’État.

31.Répondant aux préoccupations liées aux mariages mixtes, elle dit que les problèmes qui viennent de ces unions doivent être considérés à l’échelon individuel dans le contexte des différences culturelles. Des séminaires ont été organisés afin de sensibiliser au rôle de chaque sexe dans les différentes cultures.

32.L’Estonie a invariablement poursuivi une politique ouverte d’intégration, notamment par un programme intitulé "Intégration dans la société estonienne 2000-2007" dont le contenu est disponible en ligne en estonien, en russe et en anglais, et par une campagne médiatique d’envergure. La politique d’intégration se fonde sur les intérêts nationaux et sociaux de l’Estonie et sur le maintien de la stabilité. La mission de l’État est de soutenir le développement de la culture estonienne et de garantir aux minorités la possibilité d’un développement culturel. Plutôt que de chercher à changer l’identité ethnique des étrangers, l’intégration cherche à leur offrir le moyen de s’adapter à la culture du pays d’accueil et de participer pleinement à la société estonienne.

33.Aux fins d’accélérer le processus de naturalisation, les autorités ont incorporé dans les examens scolaires les divers tests servant à évaluer si les candidats à la citoyenneté ont la connaissance requise de la langue estonienne et de la Constitution. Pour encourager la population à passer le test linguistique, un projet de formation intitulé "InterEst" a été mis en œuvre, assorti d’un plan de remboursement à hauteur de 50 % des dépenses de cours pour ceux qui passent le test tardivement. Les dépenses sont totalement prises en charge pour les personnes au chômage, à la retraite et handicapées. Conséquence de cette mesure, le nombre de personnes qui ont passé le test linguistique a sensiblement augmenté, atteignant la barre des 11 000 en 2000.

34.Faisant référence à l’article 10, elle fait observer que l’Estonie fait partie du réseau WITEC (réseau européen de femmes expertes en science, ingénierie et technologie) et que la branche estonienne appelée "eWITEC", fondée en 2000, met actuellement en place un réseau et développe plusieurs programmes visant à améliorer le nombre de femmes étudiantes en sciences et impliquées dans la recherche. En 2000, 51 % des étudiants diplômés dans des disciplines telles que les sciences naturelles, les mathématiques ou l’informatique étaient des femmes. Les filles représentent 46 % des étudiants des écoles professionnelles, un pourcentage bien supérieur à celui qui avait été enregistré les années passées.

35.La médicine et l’éducation ont longtemps été des disciplines essentiellement féminines, prestigieuses malgré des niveaux de salaire relativement faibles. Le salaire minimum des médecins est au moins équivalent au salaire moyen en Estonie, bien qu’il varie selon la spécialité, la région et l’hôpital. Grâce à des augmentations récentes, les salaires des enseignants sont finalement supérieurs à la moyenne.

36.Passant à l’article 11, l’intervenante dit que les femmes continuent de travailler pour une grande part dans les secteurs des services et de la vente. Un nombre croissant de femmes possède leur propre affaire. Par le passé, les femmes ont été exclues des métiers de l’armée et de l’aviation, mais ce n’est plus le cas. En conséquence, l’Estonie compte ses premières femmes commandants d’avion.

37.L’ancien système de pension favorisait les femmes en termes d’âge de la retraite et de niveau de prestations qui ne tenait aucun compte du salaire ou du revenu précédent. Les réformes mises en place en 2001 visent l’égalité entre les hommes et les femmes et la conciliation de la vie professionnelle et familiale pour tous. Chaque parent peut maintenant bénéficier des années ouvrant droit aux allocations vieillisse pour chaque enfant élevé, et le parent qui s’occupe des enfants a droit aux allocations de garde d’enfants, indépendamment du fait qu’il soit salarié ou non. Grâce à ses réformes législatives en matière de retraite et de travail, l’Estonie espère augmenter la valeur du travail domestique et le rôle des pères.

38.Abordant les questions de la santé, elle dit que le Gouvernement partage les préoccupations du comité quant au taux élevé d’IVG et qu’il a fait de sa diminution l’un des principaux objectifs de son programme de santé de la procréation, l’autre étant la sensibilisation aux moyens contraceptifs et à la planification familiale. Des moyens contraceptifs et des conseils gratuits sont disponibles dans des centres spéciaux qui offrent des consultations sur la planification familiale notamment aux jeunes gens.

39.Souhaitant clarifier le malentendu sur les IVG légales ou illégales, elle dit que 14 % des IVG mentionnées dans le rapport sont en fait des fausses couches. Aux termes de la loi estonienne, les IVG légales sont celles qui sont effectuées avec le consentement de la femme et sur les recommandations d’un médecin. On relève très peu de cas d’avortements clandestins.

40.En Estonie le taux de suicide est effectivement élevé, bien qu’il soit en baisse depuis 1994. Les hommes âgés de 35 à 54 ans représentent le groupe le plus vulnérable. Il existe une permanence téléphonique "Life line" spécialisée dans le suicide, qui compte 40 conseillers formés tout spécialement à cet effet.

41.Des réformes sont engagées dans le secteur de la santé afin d’améliorer de manière significative l’accès des populations à des services efficaces en termes de coût et de grande qualité. D’ici à fin 2015, au lieu de 60 hôpitaux l’Estonie comptera 13 centres hospitaliers et les autres seront transformés en centres médicosociaux, hôpitaux de réadaptation ou établissements de protection sociale. Selon la politique du pays concernant les personnes âgées, les femmes bénéficient de services à domicile fournis par les autorités locales et celles qui ne peuvent pas prendre soin d’elles-mêmes reçoivent une aide à domicile quotidienne. Il existe également des centres de jour où elles peuvent se rendre pour dialoguer.

42.L’intervenante assure aux membres du Comité qu’ils trouveront des réponses aux autres questions qu’ils ont posées dans le document qui a été distribué. Toutefois bien des questions nécessiteraient un examen approfondi et il y sera répondu de manière détaillée dans le prochain rapport.

43.En conclusion, elle rappelle au Comité que l’Estonie n’a pas commencé à s’attaquer de manière systématique aux problèmes de parité avant 1994-1995. Beaucoup de choses ont déjà été réalisées et son Gouvernement est fermement disposé à poursuivre ses efforts.

44.La Présidente remercie Mme Kaljurand de ses réponses détaillées [et prend note qu’il sera répondu aux questions restées en suspens dans le prochain rapport de l’Estonie].

45.M me Goonesekere appelle l’attention sur les dispositions de l’Estonie concernant le détournement de mineur (viol sur mineure de moins de 14 ans) et la possibilité de se marier entre 15 et 18 ans en cas de grossesse précoce. Elle prie instamment le Gouvernement de concilier les contradictions entre ces dispositions et ses obligations au titre du paragraphe 2 de l’article 16 de la Convention et au titre de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant.

46.M me Kaljurand (Estonie) souligne que le choix de se marier entre 15 et 18 ans est vraiment exceptionnel et ne vise qu’à réduire le nombre d’enfants nés hors mariage et qui sont défavorisés. Une jeune fille de moins de 18 ans qui souhaite se marier doit avoir le consentement de ses parents, tuteurs ou de l’autorité des services sociaux. Les demandes sont examinées avec beaucoup de soin et ne sont pas toutes acceptées.

47.M me Tavares da Silva dit que le rapport donne l’impression que les Estoniens n’ont pas un accès absolu aux moyens contraceptifs, alors que Mme Kaljurand vient d’indiquer que les moyens contraceptifs sont disponibles pour tout le monde à un prix raisonnable. L’accessibilité s’est-elle améliorée depuis la rédaction du rapport?

48.M me Kaljurand (Estonie) dit que sa réponse orale est fondée sur les dernières données disponibles.

49.La Présidente dit que la préoccupation quant aux enfants nés hors mariage ne doit pas servir à justifier les mariages précoces; au contraire, la solution est de donner à ces enfants les mêmes droits qu’aux autres. Elle sait par expérience dans son pays, le Ghana, que tant qu’existe un vide juridique, les gens en tirent parti. Il conviendrait que l’Estonie comble ce vide juridique.

50.Elle a été heureuse d’entendre que des avocats dispensaient une éducation en matière de droits de l’homme et demande instamment que cette éducation soit étendue à tout le système d’application de la Loi et aux fournisseurs de soins de santé. Partout où existe une violence à l’égard des femmes, il est essentiel de former le personnel à respecter la confidentialité et à apporter aux femmes maltraitées les conseils nécessaires pour engager une procédure.

51.Elle exprime l’espoir que les observations et recommandations finales du Comité seront diffusées autant que le rapport l’a été, y compris au Parlement, et elle prie instamment le Gouvernement d’appliquer pleinement les recommandations générales du Comité, en particulier celles qui ont trait à la violence. Une raison qui peut expliquer pourquoi les femmes victimes de violence n’en parlent pas est qu’elles n’ont pas conscience que leurs droits fondamentaux sont alors violés.

52.En conclusion, elle espère que l’Estonie acceptera bientôt l’article 21 et entamera le processus de ratification du Protocole facultatif.

La séance est levée à 17 h 10.