Session extraordinaire

Compte rendu analytique de la 582e séance

Tenue au Siège, à New York, le jeudi 15 août 2002, à 10 heures

Président :Mme Regazzoli (Vice-Présidente)

puis :Mme Manalo (Vice-Présidente)

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (suite)

Cinquième rapport périodique du Pérou

En l’absence de la Présidente, Mme Regazzoli,Vice-présidente, assume la présidence.

La séance est ouverte à 10 h 10.

Examen des rapports des États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Cinquième rapport périodique du Pérou CEDAW/C/PER/5, CEDAW/PSWG/2002/EXC/CRP.1/ Add.9 et CEDAW/PSWG/2002/EXC/CRP.2/Add.8)

Sur invitation de la Présidente, M. Balarezo et M me  Loli Espinoza (Pérou) prennent place à la table du Comité.

M. Balarezo (Pérou) dit que les priorités du Gouvernement péruvien sont l’élimination de la pauvreté, la promotion de l’emploi et le respect des droits de l’homme; l’intégration d’une perspective sexospécifique est essentielle à la coordination avec la société civile et les organisations internationales aux fins de la réalisation de ces objectifs.

M me Loli Espinoza (Pérou) dit qu’en mars 2002, on a modifié la Constitution en vue de l’établissement de quotas pour les élections régionales applicables à partir des élections de novembre 2002; précédemment, des quotas avaient déjà augmenté de 300 % le nombre de femmes élues à des fonctions municipales. S’agissant des élections au Congrès, le quota pour les femmes candidats a été porté de 25 % à 30 %.

Le Pérou a ratifié le Protocole facultatif se rapportant à la Convention le 9 avril 2005 et a conduit une campagne sous le slogan « Égalité des droits, égalité des chances »; on a distribué 2 000 exemplaires de la Convention. Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, ratifié le 9 octobre 2004, est également considéré comme un moyen important de promouvoir les droits des femmes. La Commission de la vérité et de la vérification a constaté que la vaste majorité de ses témoins étaient des femmes, mais que leurs témoignages tendaient à mettre l’accent sur les crimes commis contre d’autres, quoique beaucoup d’entre elles aient été violées au cours du conflit interne. Le 4 octobre 2001, le Pérou a également ratifié les protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant l’implication des enfants dans les conflits armés, la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.

Au cours de la révision de la Constitution, qui sera achevée durant l’année en cours, on y inclura des mesures préférentielles spéciales en vue de l’élimination de toutes les formes de discrimination. L’âge minimum du mariage a été fixé à 16 ans pour les deux sexes; toutefois des parents adolescents âgés de plus de 14 ans, qui sont nombreux, peuvent reconnaître leurs enfants, demander le remboursement des dépenses afférentes à la grossesse et à l’accouchement, et une pension alimentaire.

La loi relative au développement de l’éducation des filles et des adolescents ruraux du 22 novembre 2001 a pour but de redresser le déséquilibre marqué quant à l’accès à l’éducation des populations urbaines et rurales et des garçons et des filles. Elle interdit la discrimination à l’égard des filles fondées sur la race, la connaissance insuffisante de la langue espagnole et l’âge; et stipule qu’elles doivent recevoir en temps opportun des informations concernant les changements qui se produisent durant la puberté et leurs effets sur leur développement, et exige que les enseignants leur accordent une attention personnelle et les traitent avec respect. Le harcèlement sexuel des filles par leurs enseignants est un problème fréquent; la loi prévoit des sanctions contre les auteurs de tels actes. Elle prévoit également des incitations économiques pour les enseignants qui encouragent l’éducation des filles rurales.

Quelque 2 000 couples vivent séparément, mais ne peuvent pas divorcer ou se remarier; conformément à la loi nº 27495 adoptée le 6 juillet 2002, un divorce hors faute peut être accordé après quatre années de séparation de fait en présence d’enfants et après deux années dans les autres cas, ou s’il existe des preuves d’incompatibilité admissibles en droit. En outre, les femmes victimes de violence familiale répugnent souvent à témoigner contre leurs partenaires, peut-être parce qu’on leur dit que c’est de leur faute, par exemple pour être rentrées tardivement après le travail. Une loi interdisant le règlement à l’amiable des plaintes de violence familiale a été promulguée en février 2001; le Congrès est saisi d’un projet de loi analogue qui annulerait les dispositions relatives à la réconciliation de la loi relative à la protection contre la violence familiale.

Le Congrès a rejeté plusieurs projets de loi interdisant le harcèlement sexuel; toutefois, trois nouveaux projets de loi sont en cours d’examen et on espère qu’une disposition combinée sera adoptée dans un proche avenir. Une directive récente a créé un mécanisme de sanctions administratives contre des agents de police coupables de harcèlement sexuel de femmes et une commission concernant les droits fondamentaux des femmes agents de police a été créée en 2002. Des dispositions législatives instituant l’assurance maladie obligatoire pour les femmes appartenant à des organisations sociales de base et créant un plan d’éducation nationale en matière de droits de l’homme ont été adoptés en février et mai 2002 respectivement.

En juillet 2002, le Ministère pour la promotion des femmes et le développement humain (PROMUDEH) a été transformé en un nouveau Ministère des femmes et du développement social qui est doté d’un budget accru et d’un mandat élargi incluant la coordination entre l’exécutif et les organisations de femmes. La Commission des femmes et du développement humain du Congrès fonctionne depuis 1977 et le statut du défenseur adjoint des droits des femmes du bureau de l’ombudsman a été amélioré en avril 2002; il est passé du rang de défendeur spécialisé à celui de défenseur adjoint. Parmi les organismes intersectoriels et interinstitutions on peut citer le Conseil tripartite de la population et du développement, le Conseil national sur la violence familiale et sexuelle et le Conseil des femmes afro-péruviennes.

Un accord de gouvernance de 20 ans signé le 22 juillet 2002 incorpore une politique de promotion de l’égalité des chances, et le plan national de lutte contre la violence à l’encontre des femmes pour la période 2002-2007 garantit que tous les organismes de l’État qui traitent de la violence disposent d’un budget spécial pour la lutte contre la violence à l’encontre des femmes. Après quelques retards, le Comité de surveillance du plan a commencé à fonctionner en juillet 2002.

En avril 2002, on a adopté le plan national d’action en faveur des enfants qui porte, entre autres, sur la lutte contre la violence à l’encontre des enfants, contre le travail et la pauvreté des enfants, sur la réduction des taux de mortalité, de malnutrition, de toxicomanie et de maladies transmissibles sexuellement, y compris le virus de l’immunodéficience humaine/syndrome de l’immunodéficience acquise (VIH/sida); la promotion des droits et de l’éducation des enfants et des services sociaux pour enfants; l’amélioration de l’état civil et des systèmes d’information concernant les enfants et la prévention de la grossesse précoce. Le plan incorpore des mécanismes de suivi et de surveillance.

Le Plan national d’action en faveur des personnes âgées pour la période 2002-2006 adopté en juin 2000 prévoit des mesures spéciales pour les femmes urbaines et rurales. Le plan concernant l’égalité des chances pour la période 2002-2005, promulgué en février 2000, s’est avéré inefficace à mi-parcours et est en train d’être réexaminé. Dans le cadre de la Journée internationale des femmes, tous les ministres ont souscrit à un engagement en faveur de l’égalité des chances des femmes qui définit des objectifs concrets et fixe des délais pour leur réalisation.

En avril 2005, on a créé un programme national de lutte contre la violence familiale et sexuelle dans le cadre du PROMUDEH avec un budget de 2,5 millions de dollars; il compte 37 bureaux dans l’ensemble du pays et un programme pilote sera lancé prochainement dans les zones rurales en coopération avec le Gouvernement belge. Le programme Wawa Wasi de soins aux enfants parraine un programme préscolaire pour 37 000 enfants de mères qui travaillent; il fonctionne actuellement grâce à un don de la Banque interaméricaine de développement, mais sera financé pleinement par le Gouvernement à partir de 2003. Le programme national d’alphabétisation est passé en février 2002 de la responsabilité du PROMUDEH à celle du Ministère de l’éducation; 44 200 femmes ont bénéficié du programme entre février et décembre 2002. On a conduit des études sur la situation des femmes rurales et sur les stéréotypes sexistes et racistes existant dans la publicité et les médias.

Des difficultés budgétaires ont empêché l’organisation du recensement de la population de 2002. Par conséquent, on ne dispose pas de statistiques suffisantes concernant la violence à l’encontre des femmes, mais on est en train d’examiner la possibilité de mettre en place un mécanisme de surveillance et de suivi. Sous le gouvernement précédent, de nombreuses femmes ont été stérilisées par des moyens chirurgicaux sans leur plein consentement et une femme a été violée par son médecin. Ces cas ont été signalés à la Commission interaméricaine des droits de l’homme. Le Gouvernement actuel reconnaît que l’on n’a pas fait assez pour régler le problème et divers règlements à l’amiable sont en cours de négociation. On ne s’est pas encore mis d’accord sur une réponse politique au problème puisque le programme national de lutte contre la violence familiale et sexuelle existe depuis seulement une année. Dans le cas du viol, le Gouvernement a augmenté volontairement le montant de l’indemnité accordée par la Commission interaméricaine.

M me Ferrer Gómez dit que la véritable épreuve de la réforme législative péruvienne résidera dans l’application des nouvelles lois. Il est heureux que les questions concernant les femmes continuent à être examinées au niveau ministériel au lieu d’être reléguées à un organisme subsidiaire. Les ONG ont joué un rôle important dans cette décision.

Selon le Gouvernement péruvien, le PROMUDEH est chargé de contrôler l’application des engagements pris au titre des instruments internationaux des droits de l’homme, mais il n’a pas pour mandat explicite de veiller à ce que l’État encourage l’adoption de programmes en faveur de l’égalité des chances. L’orateur se demande si un tel mandat est nécessaire : la loi interdisant les actes discriminatoires consacre d’ores et déjà le principe de l’égalité dans le Code pénal, et les différents départements et entités de l’État se sont engagés en faveur du plan national en faveur de l’égalité des chances des hommes et des femmes.

Le rapport explique que les traités internationaux des droits de l’homme ont rang de norme constitutionnelle, alors que d’autres instruments, y compris la Convention sur élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, ont le rang de disposition législative nationale. L’orateur voudrait savoir si les tribunaux peuvent invoquer directement la Convention.

Elle voudrait également connaître les modalités de réexamen du plan national sur l’égalité des chances des hommes et des femmes, et savoir quelles étaient les consultations menées à cet égard et si le plan sera révisée en 2002.

Plus de 25 millions de Péruviens, dont 13 millions de femmes, vivent dans la pauvreté. Le Gouvernement a élaboré une stratégie nationale de réduction de la pauvreté développée autour d’un projet de production sociale d’urgence. L’orateur voudrait savoir quelles sont les mesures concrètes en matière d’emploi en faveur des femmes prévues par ce projet, notamment dans l’Amazone péruvien.

Il paraît que le programme Femmes, santé et développement géré en coopération avec l’Organisation panaméricaine de la santé et l’Organisation mondiale de la santé aurait été démantelé ou serait menacé pour la raison que le Ministère de la santé considère que l’introduction d’une perspective sexospécifique dans le domaine de la santé équivaudrait à un traitement sélectif. L’orateur souhaite obtenir des éclaircissements quant à ce raisonnement.

M me Shin se félicite de ce qui a été accompli en matière de réforme législative, mais espère que la réforme de la Constitution encore en cours sera bientôt achevée. Elle se réjouit de l’établissement de l’âge minimum du mariage à 16 ans pour les deux sexes, mais des adolescents âgés de 16 ans ne sont toujours pas mûrs sur le plan physique, social et psychologique. Cette situation a des incidences sur la santé, l’éducation et les responsabilités parentales, et l’orateur demande instamment au Gouvernement péruvien d’envisager la possibilité de porter cet âge à 18 ans.

L’orateur croit comprendre que le PROMUDEH est l’organisme chef de file pour les affaires féminines, mais qu’il existe également d’autres entités qui défendent les droits des femmes. Elle voudrait savoir comment fonctionne la coopération, l’intégration et les échanges entre les ministères, l’approche actuelle paraissant plutôt fragmentaire. Elle se demande également comment tous les ministères réussissent à intégrer une démarche axée sur l’égalité entre les sexes, et si leur budget est sexospécifique, ce qui constitue un préalable essentiel pour les programmes en faveur de l’égalité.

D’après la délégation, aucune ONG n’a participé à l’élaboration du rapport, le Gouvernement se considérant comme seul responsable et les ONG ayant tendance à formuler des critiques. Toutefois, le Comité recommande expressément que les ONG prennent part à l’élaboration des rapports : leur coopération est indispensable et leurs critiques servent à présenter un tableau plus équilibré de l’action des gouvernements.

La politique menée par le Gouvernement pour combattre la violence familiale et sexuelle est digne d’éloges, mais l’orateur se demande s’il existe des politiques pour lutter contre le harcèlement, la pornographie et l’exploitation en ligne, en particulier en ce qui concerne les mineurs.

M me Tavares da Silva dit qu’elle a été particulièrement impressionnée par la manière dont le Pérou aborde la question de la participation des femmes à la vie politique : conformément à sa politique, il faut un minimum de 30 % de candidats masculins ou féminins, et il n’impose pas de quotas pour les seules femmes. Cette démarche reflète l’équilibre entre les sexes indispensable dans une démocratie.

La législation générale en matière de santé exclurait des programmes incorporant une perspective sexospécifique sous prétexte que cela donnerait à certaines personnes la priorité dans le domaine des soins de santé. Pourtant, l’intégration d’une optique sexospécifique ne signifie pas prioritariser les soins, mais permet de prendre en considération les besoins et les problèmes spécifiques des femmes. Le taux élevé de mortalité maternelle du Pérou et la demande de services de planification familiale non satisfaite montre que ces besoins et ces problèmes doivent retenir l’attention.

C’est à juste titre que le rapport met l’accent sur la violence familiale, mais il ne donne que peu d’informations sur d’autres formes de violence à l’encontre des femmes, telles que la violence sexuelle. Pourtant, il est manifeste que ce phénomène existe, car des sources non officielles, citant des chiffres officiels, signalent que les viols représentent 44 % des crimes contre la liberté de la personne, ce qui en fait la troisième infraction la plus fréquente après l’agression et le trafic des drogues. L’orateur voudrait savoir quelles sont les mesures prises pour combattre ces infractions en plus de celles prévues par le Code pénal.

Comme les services de garde d’enfants institutionnalisés au lieu du travail ont été éliminés et comme un projet de loi visant à les rétablir n’a pas obtenu un soutient suffisant, l’orateur voudrait savoir si le programme Wawa Wasi répond de manière adéquate aux besoins des parents qui travaillent. Le Gouvernement a déclaré qu’il couvrait 37 000 enfants; elle voudrait connaître le pourcentage d’enfants préscolaires que ce chiffre représente. Comme les femmes sont de plus en plus nombreuses à avoir un emploi, des services de garde d’enfants font une contribution à l’égalité.

M me Gaspard, notant que la loi gouvernant les élections générales exige que les listes électorales pour le Congrès ne comptent pas moins de 30 % d’hommes ou de femmes, mais que dans certaines circonscriptions on n’a pas tenu compte de cette exigence, voudrait savoir si cela entraîne l’élimination des listes et bulletins de vote en question. Le Gouvernement n’a pas fourni de statistiques ventilées par sexe pour les élus et les personnes exerçant des fonctions de prise de décisions de haut niveau, et l’orateur espère que les futurs rapports remédieront à cette insuffisance afin de permettre une meilleure évaluation de la situation des femmes dans la vie publique.

L’orateur croit comprendre que la prostitution existe sous deux formes, autorisée et illégale. Elle voudrait être sûre que les femmes se livrant à la prostitution autorisée dans des maisons de prostitution ne sont pas exploitées. Le nombre total de prostituées dans le pays est élevé et elle voudrait savoir quelles sont les mesures prises pour les protéger, et non seulement leurs clients, contre le VIH/sida et d’autres maladies transmissibles sexuellement, et si elles sont aidées à abandonner cette activité si elles le souhaitent.

Le rapport n’indique par combien de femmes sont présentes dans l’enseignement supérieur, soit comme enseignantes, soit comme étudiantes. L’orateur voudrait savoir si le Gouvernement soutient l’enseignement des problèmes posés par la situation des femmes et l’égalité entre les sexes, puisqu’il est impossible de promouvoir l’égalité des femmes en l’absence d’un personnel qualifié.

M me Goonesekere dit que le Pérou non seulement a adopté toute une série de nouvelles lois; il a également adopté des politiques pour garantir que cela ne représente non seulement une mesure symbolique. Toutefois, l’orateur constate des lacunes dans la législation. Premièrement, on ne dispose pas de renseignements sur les délits sexuels, y compris le viol. Deuxièmement, l’orateur s’inquiète du fait qu’il existe uniquement des directives de politique générale concernant le harcèlement sexuel. Elle voudrait savoir comment ces directives fonctionnent dans le domaine de l’emploi, si elles sont véritablement la seule norme à observer par les employeurs (ce qui signifie que le harcèlement n’est pas considéré comme un problème grave), ou si le harcèlement est également sanctionné par le Code pénal (c’est-à-dire qu’il constitue une infraction pénale). Elle voudrait savoir si la loi de mai 2000 interdisant les actes de discrimination permet de saisir la justice des cas de harcèlement sexuel du fait qu’ils constituent une forme de discrimination fondée sur le sexe.

L’orateur s’interroge sur le rapport entre la loi relative à la violence familiale de 1993 et le droit pénal en général. Il semble que la définition juridique du viol soit fonction de la violence employée. Elle craint que si le recours à la violence ne peut pas être démontré, on ne puisse pas entamer des poursuites pour viol. De même, elle voudrait savoir si la législation pénale sanctionne les violences sexuelles sans pénétration, ou l’inceste. Ce sont là toutes des atteintes à la sécurité de la personne et aux droits fondamentaux des femmes.

Le système de justice pénale n’arrive souvent pas à donner un recours aux femmes et à les protéger étant donné les insuffisances qui caractérisent les enquêtes policières : les médecins légistes et le personnel chargé des enquêtes ne sont souvent pas sensibles au problème des femmes. L’orateur voudrait savoir si la sensibilisation aux problèmes sexospécifiques fait partie de la formation des médecins, des juristes et de la police.

M me Kapalata félicite le Gouvernement péruvien d’avoir adopté de nouvelles lois en vue de l’observation des dispositions de la Convention, mais voudrait savoir si on a pris des mesures pour abroger des lois qui perpétuent des stéréotypes et des attitudes sexistes.

M me Saiga note que les divers plans et programmes nationaux sont de différente durée et se demande si cela est délibéré.

M me Regazzoli, parlant à titre personnel, évoque plusieurs questions. Premièrement, elle note que les ONG n’ont pas participé à l’élaboration du rapport. Elle reconnaît que le Gouvernement est responsable, conformément au droit international, de la concrétisation des engagements qu’il a pris, mais souligne qu’il faut également qu’il agisse de manière démocratique et qu’il associe la société civile à ses décisions. Deuxièmement, elle voudrait obtenir des explications concernant la différence entre la prostitution autorisée et la prostitution illégale, et la différence entre le nombre de prostituées (3 000) et de souteneurs (36) poursuivis.

M me Loli Espinoza (Pérou) dit que le rapport périodique reflète la situation existant à un moment où les institutions de la société civile n’avaient guère accès aux activités de l’État. La situation s’est améliorée et le Gouvernement actuel, s’inspirant du principe de la transparence, encourage activement la participation des ONG et des organismes locaux aux activités du secteur public. Les églises, les écoles et d’autres organisations sociales sur l’ensemble du territoire travaillent dans le cadre de toute une série de programmes, y compris des tables rondes et des groupes de travail sur l’élimination de la pauvreté et d’autres problèmes sociaux.

L’adoption de mesures en faveur de l’égalité entre les sexes représente une tâche complexe étant donnée la structure du Gouvernement péruvien, qui aborde les problèmes par secteurs et par groupes thématiques. Afin de créer des liens transversaux entre les programmes et d’éviter les doubles emplois, on envisage une restructuration complète de l’appareil de l’État. Il faut espérer que le processus de réforme améliorera la coordination entre les secteurs de l’État, facilitant ainsi l’application de mesures en faveur de l’égalité entre les sexes.

Dans le cadre de la restructuration, on est en train d’adopter de nouvelles règles concernant la planification et le fonctionnement des programmes en faveur des femmes. Le PROMUDEH s’est employé à résoudre plusieurs questions opérationnelles qui par le passé l’ont empêché de jouer son rôle d’établissements de normes et de coordination transversale; à l’avenir, le Gouvernement veillera à une coordination efficace avec les homologues dans d’autres ministères. Le développement social sera facilité grâce à une meilleure coordination des mesures en faveur de l’égalité entre les sexes dans tous les secteurs, et on s’attend à ce que les possibilités d’intégration d’une perspective sexospécifique soient élargies.

Bien que des progrès aient été accomplis en ce qui concerne la législation relative aux délits sexuels, beaucoup reste encore à faire. Parmi les principaux progrès, on peut citer l’introduction de la notion de violence sexuelle en tant que forme de violence familiale dans la loi relative à la violence familiale de 1993, et la modification d’une série de règles et de lois discriminatoires et inconstitutionnelles. Par exemple, les victimes de viol ne font plus face à la possibilité d’avoir à épouser l’auteur du viol. De même, on a éliminé la réconciliation obligatoire des parties en cas de violence familiale. Toutefois, malgré les programmes de formation et les tentatives de modifier l’administration de la justice, il reste un noyau des juges réfractaires qui portent des jugements discriminatoires, situation que le Gouvernement s’est engagé à corriger à titre prioritaire.

Il ne fait aucun doute que la caractérisation de l’inceste en tant qu’infraction devrait fait partie de la réforme du Code pénal, et il faut améliorer sensiblement la collecte de données et l’analyse des statistiques en matière de délits sexuels. On a demandé instamment au Bureau national de statistique de fournir des données ventilées par sexe pour ces infractions afin de disposer d’une base plus précise pour l’élaboration des politiques.

Répondant à une question concernant les modalités d’examen des cas de discrimination par le défendeur adjoint des droits des femmes, elle dit que certaines difficultés ont été constatées dans les enquêtes menées par les spécialistes de la médecine légale. On s’efforce d’améliorer le contrôle de l’application des dispositions anti-discrimination.

S’agissant de l’abolition du programme Femmes, santé et développement, l’orateur dit que la restructuration sectorielle n’est toujours pas achevée. L’ajustement des programmes n’est pas toujours optimal, mais on déploie des efforts concertés pour maintenir des liens avec les organismes de chaque secteur, afin que les activités conduites précédemment dans le cadre du programme soit reprises ailleurs de la manière la plus efficace possible.

Tous les traités des droits de l’homme sont considérés comme faisant partie de la législation nationale et peuvent être directement appliqués et les traités internationaux sont subordonnés à la seule Constitution. Toutefois, dans le cadre de la réforme constitutionnelle, on envisage d’y incorporer des dispositions spécifiques qui accorderaient le rang de norme constitutionnelle à tous les instruments des droits de l’homme, y compris la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. On a longuement débattu de la meilleure manière de préciser l’application des traités, l’observation de leurs dispositions et la formation du personnel judiciaire.

La prostitution est réglementée par les municipalités et les activités des prostituées qui ne sont pas conformes à ses règlements sont considérées comme clandestines. Les femmes travaillant dans l’industrie du sexe sont protégées grâce à des soins préventifs disponibles dans le cadre du programme de lutte contre les maladies transmissibles sexuellement et le sida, qui est géré par le Ministère de la santé, et qui comprend des éléments d’évaluation réciproque et de développement personnel. En outre, le Gouvernement est en train d’examiner les moyens supplémentaires de protéger les travailleurs du sexe contre les abus de la part des autorités publiques et locales.

L’élimination de la pauvreté et le développement social intégral constituent une mission fondamentale du Gouvernement. Le Ministère responsable pour les questions de travail a lancé une série de programmes qui ciblent en particulier les femmes rurales en vue d’encourager le développement économique. En temps utile, le Comité recevra des détails supplémentaires concernant les progrès accomplis en matière d’élimination de la pauvreté.

L’orateur décrit également les efforts destinés à donner aux femmes autochtones un meilleur accès aux ressources, à améliorer la proportion des femmes dans la vie publique et à influencer les attitudes culturelles concernant la maternité et le mariage précoces. En outre, elle fournit des détails concernant les tentatives de mettre à disposition des garderies pour les femmes qui travaillent, les difficultés logistiques rencontrées à cet égard et la décision de régler le problème grâce à l’initiative locale.

M me Manalo (Vice-présidente) assume la présidence.

M me Corti félicite la délégation des réformes entreprises par le Gouvernement péruvien et des progrès très satisfaisants accomplis. Elle est impressionnée par l’introduction d’un système de quotas pour la participation à la vie publique et l’inclusion des femmes rurales dans ce processus. Bien que la solution des nombreux problèmes restants soit tributaire de la disponibilité de ressources économiques, plusieurs d’entre eux peuvent être réglés sans investissement économique important.

Par conséquent, elle demande des renseignements additionnels concernant les mesures adoptées pour protéger les travailleurs du sexe, pour instruire les autorités judiciaires concernant l’application judicieuse des obligations découlant des traités, pour protéger les femmes péruviennes qui ont émigré en tant qu’employés domestiques, et pour introduire la réforme du secteur de santé.

M me Feng Cui ne voit pas comment la Commission électorale nationale a pu prendre les mesures décrites dans les réponses du Gouvernement aux questions du Comité qui ont abouti à un pourcentage de candidats féminins inférieur au quota de 30 % lors des élections parlementaires de 2001, toutes les demandes de réexamen de la question ayant été rejetées comme non fondées.

M me Schöpp-Schilling félicite de Gouvernement d’avoir ratifié le Protocole facultatif à la Convention, mais l’invite à prendre également les mesures nécessaires à la ratification de l’amendement au paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention.

M me Espinoza (Pérou) dit que pour commencer, des quotas en faveur de la participation des femmes à l’activité politique ont été introduits au niveau municipal, et ont obtenu un succès considérable. La participation des femmes a été la plus élevée dans les régions les plus pauvres du pays. Toutefois, s’agissant de l’action de la Commission électorale nationale, elle a noté que les juges ne sont pas encore suffisamment sensibilisés aux problèmes concernant les femmes. Des programmes destinés à éliminer les stéréotypes sexistes au sein du personnel judiciaire et à promouvoir une prise de conscience quant aux droits des femmes ont été créés dans plusieurs zones rurales et urbaines au cours des trois dernières années. Ces mesures se heurtent à une résistance considérable dans les secteurs conservateurs de la société, mais le PROMUDEH a élaboré un document énumérant les normes juridiques et les accords internationaux relatifs à l’égalité entre les sexes qui ont été ratifiés par le Pérou en tant que référence à laquelle les juges peuvent se reporter en arrêtant leur jugements. On espère que dans son prochain rapport, le Gouvernement pourra signaler des progrès découlant de ces premières mesures.

Il est difficile d’aborder la question de l’avortement au Pérou. Les peines connexes ont été sensiblement réduites dans le dernier Code pénal, parfois à seulement trois mois d’emprisonnement avec sursis, mais cela ne semble pas avoir satisfait les partisans et les opposants les plus militants du droit à l’avortement. Dans le secteur de santé, on a amélioré la qualité des services fournis dans les principaux hôpitaux aux femmes soupçonnées d’avoir subi des avortements clandestins, mais un projet de loi déposé récemment obligerait le personnel sanitaire à signaler les cas avortement soupçonnées à la police. Certains médecins refusent d’effectuer des avortements pour des raisons de conscience.

S’agissant des quotas pour la participation des femmes à la vie politique, et bien que le recours du PROMUDEH contre la décision de la Commission électorale nationale ait échoué, le Ministère continue de s’occuper du problème. L’inclusion de femmes plus nombreuses dans les diverses organismes de négociation aboutira en fin de compte une issue plus favorable à des problèmes de cette nature. L’incident en question doit être envisagé dans le contexte du fait que le quota vient être porté à 30 % à partir des 25 % précédents, niveau que la Commission a considéré, dans une esprit sexiste, comme une approximation suffisants, alors que 30 % représente une exigence minimum et non un objectif vague. Des discussions et des négociations intenses se poursuivent à tous les niveaux politiques du pays, et l’avis d’un organisme international sur la question pourrait apporter un soutien majeur à l’application des quotas.

Le Gouvernement péruvien fournit l’assurance maladie à tous les enfants d’âge scolaire. En plus, des soins de santé gratuits sont fournis aux filles enceintes et aux nourrissons jusqu’à l’âge d’un an. Les problèmes des femmes migrantes soulèvent de vives préoccupations; dans l’ensemble, la migration ne manquera pas de baisser à mesure de l’atténuation de la pauvreté, mais à l’heure actuelle, plus du cinquième de la population vit dans une extrême pauvreté qui ne laisse guère d’autre choix que l’émigration pour survivre. Les femmes migrantes sont vulnérables à l’exploitation et à la traite; le Gouvernement aborde le problème au cas par cas, mais n’ignore pas qu’il faut formuler une politique globale.

Articles 10 à 14

M me Gonzalez s’inquiète vivement de la situation sanitaire des femmes résultant de la réduction de programmes officiels importants en la matière, étant donné en particulier l’accès limité des femmes rurales aux soins de santé en général. Elle note qu’il faut renforcer les programmes destinés à prévenir les maladies transmissibles sexuellement et le VIH/sida, et promouvoir l’emploi de préservatifs à l’intérieur et à l’extérieur du mariage. Les mesures d’éducation et d’information ne devraient pas se limiter aux seules personnes qui se livrent à la prostitution, mais cibler la population dans son ensemble. Elle s’inquiète également des cas de stérilisation chirurgicale de femmes qui ont été signalées, alors que les hommes en situation analogue ne subissent pas cette procédure. Enfin, tout en reconnaissant que la question de l’avortement mérite être débattue plus avant, elle note que l’avortement ne doit pas être considéré comme une méthode de planification familiale, et souligne qu’il faut améliorer les connaissances des femmes en matière de méthodes de contraception et leur accès connexe, et renforcer l’éducation sexuelle de tous les citoyens.

M me Livingston Raday fait observer que la législation du travail actuelle prévoit des sanctions pénales en cas de discrimination en matière de recrutement, mais ne semble pas couvrir la discrimination en matière d’avancement, de licenciement et de salaire, et voudrait savoir comment les cas de discrimination à l’égard des femmes dans ces domaines sont réglées. Étant donné les inconvénients qu’il y a à miser sur les sanctions pénales en tant que moyen de combattre la discrimination en matière d’emploi, par exemple le fardeau de la preuve, elle voudrait savoir si le Gouvernement envisage des lois additionnelles plus générales en la matière, sous forme d’une loi relative à l’égalité des chances en matière d’emploi ou à l’égalité de salaire, qui permettraient aux femmes et aux ONG féminines de saisir les tribunaux du travail.

L’orateur se félicite du plan national en faveur des personnes âgées, et des mesures concrètes qu’il prévoit pour les femmes adultes plus âgées, et souhaite obtenir des détails supplémentaires concernant ces mesures. Elle voudrait également savoir si le défendeur adjoint des droits des femmes a envisagé la possibilité d’inviter des femmes à poser leur candidature dans le cadre des quotas prévus au titre du Protocole facultatif à la Convention. Enfin, s’agissant du problème des avortements clandestins et leur contribution au taux de mortalité des femmes, elle se demande si la contraception d’urgence ne devrait pas recevoir un rang priorité plus élevé, notamment du fait qu’elle réduit le risque pour les femmes.

M me Regazzoli reprend la présidence.

M me Abaka s’inquiète du fait que les avortements provoqués doivent être signalés à la police, car cela réduit sensiblement la probabilité de voir les femmes se faire hospitaliser si cela est nécessaire à la suite de tels avortements. Elle se félicite de l’introduction d’un âge du mariage égal pour les hommes et les femmes, mais s’inquiète toujours de l’existence de dispositions qui permettent le mariage dès l’âge de 16 ans, ce qui suppose que des mineurs âgés de 14 ans et plus soient capables d’assumer certaines responsabilités juridiques lors de la naissance d’un enfant, et qui autorisent ces mineurs à reconnaître leurs enfants une fois qu’ils sont âgés de 14 ans révolus. De telles dispositions paraissent encourager le mariage de mineurs; la contribution indiscutable des mariages précoces à des taux de mortalité maternelle déjà élevés soulève les plus vives préoccupations et l’orateur demande instamment que la loi soit réexaminée dans cette optique. Pour terminer, elle exprime des inquiétudes à l’égard de la situation des demandeurs d’asile parlant arabe au Pérou, en particulier des femmes, à la suite des attaques terroristes du 11 septembre 2001, et voudrait savoir quelles sont les mesures prises par le Gouvernement pour assurer la sécurité de ce groupe vulnérable.

M me Achmad voudrait savoir quelles sont les mesures prises pour combattre la pauvreté urbaine, et quelles sont les causes de cette pauvreté dans le contexte du développement des villes et de ses incidences sur le déplacement des populations.

La séance est levée à 13 heures.