Trente-deuxième session

Compte rendu analytique de la 670e séance

Tenue au Siège, à New York, le jeudi 13 janvier 2005, à 15 heures

Président :Mme Schöpp-Schilling (Vice-Présidente)

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties au titre de l’article 18de la Convention (suite)

Deuxième, troisième, quatrième et cinquième rapports périodiques combinés du Gabon (suite)

En l’absence de Mme Malo, Mme Schöpp-Schilling, Vice-Présidente, préside la session.

La séance est ouverte à 15 heures.

À l’ invitation de la Présidente, les membres de la délégation gabonaise s’installent à la table du Comité.

Examen des rapports présentés par les États parties au titre de l’article 18 de la Convention (suite)

Deuxième, troisième, quatrième et cinquième rapports combinés du Gabon (suite) (CEDAF/C/GAB/2 ‑5, CEDAW/PSWG/2005/I/ CRP.1/Add.3 et CEDAW/PSWG/2005/I/CRP.2/Add.2)

Articles 10 à 14

M me Dairiam déclare que même si le rapport (p. 20) ne signale pas de discrimination fondée sur le sexe en ce qui concerne l’accès au crédit et aux garanties, il existe néanmoins des critères rigoureux dont certains sont très subjectifs, comme l’exigence de bonne moralité; en réalité, peu de femmes ont pu remplir les conditions d’obtention d’un crédit. Si la situation réelle des femmes est négative, on peut en conclure qu’il y a effectivement discrimination, même si elle n’est pas intentionnelle. L’État partie doit réfléchir sérieusement à la nature de cette discrimination de fait dans le cadre de ses efforts visant à assurer l’égalité des hommes et des femmes.

Elle demande un supplément d’informations sur le nombre de femmes ayant bénéficié des initiatives qui sont évoquées dans le rapport (p. 20) et qui visent à garantir aux femmes l’accès aux ressources financières, ainsi que sur l’existence ou non d’un mécanisme de recours pour les femmes au cas où elles ont le sentiment d’avoir été traitées inéquitablement par les banques. Les dispositifs de microcrédit sont tous de bonne qualité, mais ils ne s’attaquent pas aux causes profondes de la pauvreté, et le Comité veut savoir si l’on a étudié l’impact des tendances macroéconomiques, des ajustements structurels, de la problématique hommes-femmes, de l’ethnicité et du niveau de compétence sur le degré de pauvreté chez les femmes, et s’il existe une approche ou une méthodologie coordonnée d’élimination de la pauvreté chez ces dernières.

M. Flinterman se réjouit de l’existence de dispositions constitutionnelles assurant l’égalité d’accès à l’éducation et la garantie de l’instruction primaire pour tous, y compris les filles, mais il se demande si cela s’applique également aux groupes minoritaires. Il se dit néanmoins préoccupé, car malgré la garantie théorique de l’instruction primaire pour tous, seulement 39,94 % des filles atteignent le premier cycle du secondaire, tandis que les taux de scolarisation au second cycle du secondaire et dans l’enseignement supérieur sont seulement de 7,2 % et 2,63 %, respectivement. Il est louable que des mesures de promotion de l’éducation des femmes soient envisagées, mais il se demande si l’État partie a prévu des mesures spéciales pour encourager les filles à poursuivre leurs études.

M me Saina se demande comment la délégation peut expliquer le fait qu’en dépit des mesures prises pour combattre les stéréotypes, mentionnées dans les réponses écrites de la délégation (p. 5), y compris les sanctions pénales contre les parents n’ayant pas envoyé à l’école les enfants de 6 à 16 ans, moins de 40 % des filles sont inscrites au premier cycle du secondaire. Par ailleurs, étant donné que l’âge minimum légal de mariage est de 15 ans et que les filles ont l’obligation d’aller à l’école jusqu’à 16 ans, Mme Sagna veut savoir s’il existe des crèches pour permettre aux jeunes mères de poursuivre leurs études. Il est également urgent de relever l’âge minimum légal de mariage chez les filles.

M me Shin déclare que l’on peut certes se réjouir du caractère obligatoire de l’éducation pour tous jusqu’à l’âge de 16 ans, mais la réalité est toute autre. Les filles sont souvent gardées à la maison pour s’occuper des tâches ménagères ou pour d’autres raisons; des mesures spéciales temporaires doivent être adoptées pour encourager les parents à envoyer leurs enfants à l’école. Bien qu’il n’existe pas, en général, de discrimination dans l’attribution des bourses, on peut instituer des bourses spéciales pour inciter les parents à inscrire leurs filles à l’école et celles-ci à y rester. Les filles et les femmes doivent être sensibilisées sur leurs droits en général; et, compte tenu du rôle primordial de l’éducation, il faut concevoir des solutions novatrices et créatives pour encourager les filles à poursuivre leurs études.

M me Patten déclare que même si la législation du travail proscrit toute discrimination à l’égard des femmes, le rapport reconnaît que parfois, les patrons préfèrent la main-d’œuvre masculine (p. 15). Elle demande comment l’État partie compte résoudre le problème de la discrimination à l’égard des femmes en matière d’emploi, s’il envisage d’interdire toute discrimination fondée sur le sexe, la grossesse et le statut matrimonial, et si les conventions de l’Organisation internationale du travail y afférentes ont été ratifiées. Elle demande également s’il existe des mécanismes de protection des droits sociaux des femmes dans le secteur informel et sollicite des données sur la représentation des femmes dans la fonction publique.

M me Belmihoub-Zerdani demande des informations sur la situation des femmes rurales, qui sont souvent analphabètes, qui vivent dans des conditions précaires, et qui ont un accès limité aux soins de santé. Elle veut savoir si elles reçoivent des informations sur le planning familial et si l’État partie envisage d’encourager les médecins à travailler en zone rurale ou de faciliter le déplacement des femmes rurales vers les centres de santé. Par ailleurs, elle demande si des données démographiques susceptibles d’indiquer la nécessité du planning familial sont disponibles.

Le Programme d’action de Beijing avait appelé à consacrer des ressources suffisantes aux pays en développement, surtout ceux d’Afrique, et avait encouragé les pays développés à consacrer 0,7 % de leur PIB à l’aide au développement. Elle demande si le Gabon a reçu une aide internationale conséquente de la part des pays du G-8 après la Conférence de Beijing.

M me Tavares da Silva voudrait savoir si des mesures ont été prises pour réduire les taux élevés de mortalité maternelle et infantile. S’agissant du planning familial, elle déclare que le rapport n’est pas explicite (p. 18); il fait état des besoins non satisfaits en matière de contraception et de la résistance culturelle au planning familial. Elle voudrait connaître la situation réelle et demande un surcroît d’informations sur les maladies touchant particulièrement les femmes, y compris le VIH/sida.

M me Ngoma (Gabon) regrette que malgré l’accent mis par le Programme d’action de Beijing sur la nécessité pour les pays développés d’aider les pays en développement à satisfaire les besoins des femmes, préoccupation qui avait été réitérée en 2000 à la session extraordinaire Beijing+5 de l’Assemblée générale, les ressources financières et humaines mises à la disposition du monde en développement (y compris le Gabon) à ces fins sont encore insuffisantes. Après la Conférence de Beijing, un séminaire avait été organisé au Gabon dans le but de concevoir un plan d’action national et, malgré la demande d’un appui financier auprès de plusieurs donateurs tels que le Programme des Nations Unies pour le développement et le Fonds des Nations Unies pour la population, le pays n’a toujours pas reçu assez de financement.

Elle note que ce sont souvent les femmes et les enfants qui souffrent le plus des difficultés résultant des programmes d’ajustement structurels adoptés depuis 1986. À la suite du Sommet mondial de 2002 sur le développement durable, qui avait souligné la nécessité de satisfaire les besoins de développement des femmes, le Ministère des mines a réalisé un projet d’eau potable dans les villages; des pompes ont été installées dans 80 % des villages et les 20 % restants en seront bientôt également équipés.

Les résultats d’une étude lancée en 2000 sur la représentation des femmes dans la fonction publique ont été remis au Comité, raison pour laquelle ils n’ont pas été inclus dans le présent rapport. Cette étude montre que 34,2 % des postes dans la fonction publique sont occupés par des femmes, surtout des postes secondaires dont relativement peu sont de niveau décisionnel. Bien que d’autres études soient nécessaires, des recommandations ont été faites aussi bien à l’administration qu’à la société civile et au secteur privé afin qu’ils recrutent des femmes.

Elle reconnaît que pour certains emplois, qui nécessitent souvent de la force physique (la maçonnerie par exemple), les patrons ont tendance à recruter des hommes. Les femmes sont aussi parfois employées dans le secteur informel; le Ministère du travail est en train d’examiner l’étendue du problème du secteur informel en vue d’intégrer tous les travailleurs, y compris les femmes, dans le secteur formel réglementé où leurs droits peuvent être protégés, ce qui augmenterait du même coup les recettes de l’État. Elle informe le Comité que le Gabon a ratifié les conventions pertinentes de l’Organisation internationale du travail.

Malheureusement, à cause de conditions rigoureuses telles que la possession d’un compte bancaire ou d’un revenu minimum, il est difficile pour les femmes d’obtenir un crédit bancaire. Pour faciliter l’accès des femmes au crédit, le Gouvernement a créé des mécanismes tels que le Fonds d’aide et de garantie (FAGA) et le Fonds d’expansion économique (FODEX). Il s’agit de mettre à la disposition des femmes les ressources nécessaires pour renforcer leurs initiatives.

Le Gouvernement consacre beaucoup d’efforts à l’éducation; la loi lui impose d’assurer l’enseignement primaire obligatoire pour tous les enfants de 6 à 16 ans. Comme l’indique le rapport, il est néanmoins très conscient qu’il y a encore des progrès à faire, et il accorde la priorité à l’amélioration de l’éducation, de la formation et des soins de santé de base. Les garçons et les filles bénéficient d’un accès égal à l’école, mais les filles finissent, malheureusement, par interrompre leurs études; un plan d’action a donc été élaboré en vue de mettre en œuvre les mesures nécessaires pour accroître le taux de scolarisation des filles, les maintenir à l’école et les intéresser aux matières scientifiques. À ce jour, aucune évaluation de l’impact de ces mesures n’a cependant été réalisée.

Des programmes ont également été mis en œuvre pour satisfaire les besoins spécifiques de certains groupes. En zone rurale, les associations de la société civile ont entrepris des actions communautaires d’éducation en faveur des enfants de 3 à 5 ans. Il est aussi possible pour les jeunes mères qui n’ont pas pu poursuivre leurs études dans le cadre scolaire normal de bénéficier d’une formation technique ou professionnelle qui leur procure des aptitudes monnayables. Des crèches sont également en construction pour permettre aux mères célibataires d’aller à l’école, et un fonds a été constitué pour aider les jeunes mères économiquement défavorisées. Il a été recommandé que l’âge minimum du mariage chez les filles soit porté à 18 ans, ce qui aura pour effet de résoudre le problème des jeunes mères. Selon le Gouvernement, quelque 186 millions de francs CFA sont nécessaires pour accorder des bourses aux filles en vue de les encourager à poursuivre leurs études.

Le Gouvernement est en outre préoccupé par le problème du VIH/sida, et il a lancé le « Programme d’accès » pour combattre la pandémie. Il existe également un Fonds spécial présidentiel de lutte contre le VIH/sida, dont le montant sera porté à 1 milliard de francs CFA, contre 500 millions en 2005. Le coût du traitement du VIH/sida est de 2 500 francs CFA par personne. Afin de prodiguer des soins à ceux qui n’y ont pas accès ailleurs, un centre de traitement mobile a été créé dans la capitale pour offrir des soins ambulatoires, et des centres de traitement sont progressivement créés dans les capitales provinciales. Un plan national est également mis en œuvre pour aider les enfants vivant avec le VIH/sida ou rendus vulnérables par cette maladie, et prendre en charge les frais de scolarité, l’alimentation et les soins de santé des nouvelles familles engendrées par la mort des parents, lorsque les enfants risquent de se retrouver à la charge des grands-parents.

M me Makaya Fayette (Gabon) déclare que les grossesses précoces sont l’une des causes principales d’aggravation de la déperdition scolaire chez les filles. En ce qui concerne le planning familial, on a relevé un très faible taux d’utilisation des contraceptifs : 11 % seulement. La Loi no 64/69 interdisant la contraception a été remplacée en 2000 par la Loi no 01/2000 libéralisant l’accès à la contraception. Les textes d’application de cette loi sont en cours d’élaboration. En 2004, le personnel médical a été formé aux techniques de contraception dans trois des régions les plus peuplées du pays, où sont concentrées environ 70 % de la population. Le Gouvernement, en partenariat avec le Fonds des nations unies pour la population (FNUAP), a mis des contraceptifs à la disposition des populations de ces trois grandes régions et les femmes ont été encouragées à fréquenter les centres de planning familial, installés dans des cliniques prénatales .

Le Ministère de la santé a déployé des efforts pour remédier à la pénurie de médecins dans les zones rurales. À cet égard, l’un des points à l’ordre du jour de la rencontre prévue à Libreville en février 2005, et réunissant tous les intervenants du secteur de la santé, sera la concentration des médecins dans les zones urbaines au détriment des zones rurales. Le taux de prévalence du VIH chez les femmes (8,5 %) préoccupe au plus haut point les autorités gabonaises, qui ont lancé un projet pilote à Libreville pour lutter contre la transmission de la mère à l’enfant. Ce projet, étendu au reste du pays en 2004, sera renforcé en 2005 et dans les années à venir, puisque le Gabon a maintenant accès au Fonds mondial de lutte contre la tuberculose et le paludisme. Parlant de la mortalité maternelle, elle déclare que 600 femmes environ meurent chaque année sur une population de 1 200 000 habitants, une proportion inacceptable. Une enquête nationale sur la question, réalisée en partenariat avec le FNUAP en 2002-2003, a révélé que les avortements clandestins en sont la principale cause. C’est pourquoi le Gouvernement focalise ses efforts de lutte contre la mortalité maternelle sur le planning familial.

M me Ngoma (Gabon) déclare que suite à la présentation du rapport, un recensement de la population a été réalisé en 2003 et ses résultats sont en cours d’analyse. Elle espère que les nouveaux chiffres sur la population gabonaise seront disponibles en 2005. Ils seront communiqués au Comité ultérieurement. Elle assure le Comité que sa délégation mettra ces recommandations en œuvre.

Articles 15 et 16

M me Gaspard déclare que dès son retour au pays, la délégation doit privilégier et appuyer les mesures axées sur la mise en œuvre de l’article 16 de la Convention. Tout en comprenant les résistances culturelles à certaines initiatives, le Gabon a ratifié la Convention sans réserve et se trouve maintenant dans l’obligation d’assurer que ses dispositions, y compris l’égalité des sexes dans le mariage, soient incorporées dans la législation. À cet effet, elle accueille favorablement l’annonce de l’alignement prochain par le Gabon de l’âge minimum de mariage des filles sur celui des garçons et espère que dans son prochain rapport, le Gabon informera le Comité sur les progrès réalisés dans ce domaine et sur toutes les questions relatives au statut de la personne.

M me Gnacadja se félicite de l’intention du Gouvernement de porter l’âge de mariage des femmes à 18 ans et de son désir de protéger et d’améliorer le statut des femmes en réalisant plusieurs enquêtes et études. L’idéal serait d’assurer le consensus social avant l’adoption des textes d’application, mais à un certain stade, il n’est plus nécessaire de procéder à des analyses. Il ne faut pas attendre les résultats d’une enquête avant de modifier la loi instituant la polygamie dans un article et empêchant les femmes d’hériter des biens de leur défunt mari dans un autre. Étant donné qu’il est presque impossible de rallier le soutien total de la famille étendue au remariage de la veuve, elle suggère que le Gabon adopte des lois qui permettent aux tribunaux de contraindre les familles à convoquer le conseil de famille. Elle appelle la délégation à accélérer la sensibilisation des femmes à la réforme juridique.

M me Zou Xiaoqiao déclare qu’étant donné que les dispositions du Code civil font de l’homme le chef de famille et le gestionnaire des biens communs dans le mariage, ce qui est contraire à l’esprit de la Convention, elle voudrait savoir si le Ministère envisage de prendre des mesures à cet égard. En outre, elle demande à savoir si les femmes gabonaises ont le droit de demander le divorce.

M me Tan, parlant de la polygamie, demande si le Gouvernement, en tant que la seule autorité habilitée à effectuer des changements, envisage d’harmoniser le Code civil avec les dispositions de la Convention et d’abolir la polygamie. Elle pose la question de savoir pourquoi la loi n’est pas appliquée en ce qui concerne le paiement de la dot, qui est clairement incompatible avec la loi et discriminatoire à l’égard des femmes. S’agissant des droits des veuves à l’héritage, elle s’enquiert des mesures prises par le Gouvernement pour mettre un terme à la pratique discriminatoire, qui veut que la veuve épouse un membre de la famille de son mari si elle veut jouir des biens du défunt.

M me Morvai déclare qu’à en juger par la teneur du rapport, le Gouvernement lui-même ne semble pas convaincu par les articles 5 et 16 c) de la Convention aux termes desquels les hommes et les femmes ont les mêmes droits et devoirs dans le mariage et lors de sa dissolution. En effet, s’il fait croire dans le rapport que les femmes sont plus sensibles et attentives aux besoins des enfants, elle se demande comment il peut espérer que la société et les employeurs potentiels pensent autrement.

M me Belmihoub-Zerdani relève que tandis que les hommes et les femmes célibataires gèrent eux-mêmes leurs biens au Gabon, le mari est le gestionnaire des biens du couple, un exemple clair de discrimination. On peut également relever la discrimination dans les différentes manières de dissoudre un mariage. Selon le rapport, l’âge minimum de mariage pour les filles est de 15 ans contre 18 ans pour les garçons, tandis que l’âge de la majorité civile dans le pays est fixé à 21 ans. Il signale également que des efforts sont déployés en vue de fixer l’âge de mariage pour les deux sexes à 18 ans. Poursuivant son analyse, elle relève qu’aux termes de l’article 211, le mariage est soumis au consentement personnel de chacun des époux, et il n’est pas valable si ledit consentement est entaché d’actes illégaux, tandis que conformément à l’article 204 du Code civil, toute personne qui se marie en dessous de 21 ans a besoin du consentement d’une personne majeure. Quel est donc l’âge minimum réel de mariage, 18 ans ou 21 ans, se demande-t-elle? Il se pose également le problème de la dot qui, selon le rapport, est prohibé par la loi gabonaise, mais qui continue d’être pratiquée comme coutume à travers le pays. Le fait qu’elle soit payée, bien que n’étant pas prévue par le Code civil, en fait-il une partie intégrante des liens du mariage? Et si tel est le cas, un homme peut-il subordonner le divorce avec sa femme au remboursement de la dot?

En ce qui concerne le mariage polygame, elle relève qu’un mari ayant initialement contracté un mariage monogame a le droit de changer d’avis et d’opter pour la polygamie. Pour ce qui est de la séparation de corps, le fait pour une femme de quitter son mari est perçu comme de l’adultère, ce qui constitue une discrimination flagrante à l’égard des femmes. Le Gabon a ratifié diverses conventions sur les droits de l’homme, en plus de la présente Convention, sans réserves pouvant expliquer ces incohérences, et se montre lent à adapter ses pratiques à sa propre législation. Le Code civil est clair; l’âge minimum de mariage doit être de 21 ans, la dot est illégale et immorale, et le mariage requiert seulement le consentement des deux époux. Il y a de bonnes raisons de supprimer toutes ces anomalies en vue d’assurer l’égalité et la légalité des droits entre les hommes et les femmes au Gabon.

M me Šimonović souligne qu’étant donné que le Gabon a ratifié la Convention, sa population féminine est en droit de remettre le statu quo en cause. Comme la Ministre l’a elle-même déclaré, cette Convention a maintenant préséance sur le Code civil dans des cas comme celui des dispositions de l’article 22, qui stipule qu’une femme doit obéissance à son mari, et l’article 621, qui prévoit que le mari peut choisir la profession de sa femme et le domicile conjugal. Pour ce qui est du problème de l’inégalité des droits en matière de propriété et d’héritage, par exemple, l’article 16 de la Convention et le Protocole facultatif peuvent servir à abroger toutes les lois discriminatoires encore en vigueur dans le pays.

M me Ngoma (Gabon) déclare que le problème ne se trouve pas dans le Code civil qui accorde également le droit à l’héritage aux femmes, mais selon les us et coutumes du pays. Le Comité s’est référé à l’Ordonnance no 63/69 sur la dot qui n’est pas appliquée. Mais la dot est considérée comme un geste sans lequel les parents hésiteraient à donner leur fille en mariage. Avec l’aide de la Communauté internationale, le Gabon essaie d’éliminer ceux des aspects de ses us et coutumes tels que le lévirat et le sororat, mais les habitudes sont tenaces. Même en tant que féministe, elle considère que la mère joue un rôle majeur lorsque les enfants ont leurs deux parents et ce rôle est deux fois plus important s’ils ont un seul parent. Pour ce qui est de l’absence des femmes à des postes de responsabilité, les femmes gabonaises doivent s’assurer que les décideurs, quels qu’ils soient, perçoivent les choses du point de vue des femmes. Le divorce est la solution la plus viable au cas où un mariage s’avère dangereux pour la vie d’une femme et de son enfant. Les statistiques sur le divorce seront mises à la disposition du Comité plus tard. En matière d’héritage, les femmes et les enfants peuvent hériter conformément au Code civil, mais l’environnement culturel gabonais l’a poussé à confier la prise de décisions dans ce domaine au conseil de famille. L’idéal serait que les deux aient chacun un rôle à jouer. Étant donné qu’il est impensable qu’une mère n’hérite rien de son défunt fils, on a décidé que l’héritage serait conjoint, en parallèle. Des recommandations ont été faites sur ce sujet au Comité ministériel.

M me Nzet-Bitégué (Gabon) signale que même si la législation nationale n’a pas encore adopté le principe du divorce par consentement mutuel, les femmes ont effectivement le droit de demander le divorce. En ce qui concerne la mort du père ou du mari, la convocation du conseil de famille est régie par la loi afin de prévenir tout abus. Une femme mariée est supposée siéger au conseil de famille et une veuve qui n’a pas été invitée par la famille à y prendre part peut attaquer les décisions dudit conseil en justice et en obtenir l’annulation. Au cas où la famille a empêché la convocation du conseil de famille, par exemple si tous les enfants ont plus de 21 ans et sont par conséquent co-héritiers, ces enfants ou la veuve peuvent saisir directement le tribunal. Quant à l’obligation de se remarier au sein de la famille du défunt mari, prévue à l’article 692 du Code civil, la fin de cet article stipule qu’on peut surseoir à cette obligation s’il y a des « raisons valables ». Une telle raison peut être que le frère du mari est atteint du VIH/sida. L’État protège les femmes à travers ses lois, mais elles doivent également user desdites lois pour se défendre elles-mêmes. Des efforts ont été faits pour mieux sensibiliser les ONG féminines et même les femmes juges, qui conseillent souvent les femmes qui n’ont pas les moyens de payer un avocat, sur le fait que le terme « raisons valables » signifie qu’elles ne sont pas obligées d’épouser un membre de la famille de leur défunt mari si elles ont le sentiment qu’il n’a pas d’autre ambition que de se saisir de l’héritage. De même, bien que la loi stipule que le mari administre les biens communs du ménage, s’il le fait mal, la femme a le droit de saisir le juge pour solliciter la séparation des biens et le prononcé du divorce. Quant à l’âge minimum de mariage chez les jeunes filles, l’adoption d’une nouvelle loi est un long processus, même si le Ministre de la justice a déclaré qu’il accorde la priorité au respect de la Convention et de l’article 2 de la Constitution.

En ce qui concerne l’abandon du foyer conjugal, qui est puni comme un adultère, elle déclare qu’il en est ainsi lorsqu’il n’est pas fondé sur une raison valable. Il suffit qu’une femme explique pourquoi elle a quitté le foyer et elle ne sera pas punie. Les ONG doivent l’expliquer aux femmes avec qui elles travaillent. Les femmes quittent rarement leur foyer sans de bonnes raisons.

M me Mboga (Gabon) déclare qu’en dépit de quelques difficultés dues aux traditions, le droit à l’héritage est garanti aux femmes et aux enfants. Selon elle, plutôt que de se précipiter dans une réforme de la loi, il vaut mieux adopter les règles d’héritage les plus adaptées à la culture du pays et en conformité avec les traités internationaux. L’âge légal de la majorité civile et du mariage pour les garçons et les filles est fixé à 21 ans. Permettre aux filles de se marier à 15 ans et aux garçons de le faire à 18 ans sont des exceptions à la règle et nécessitent l’autorisation du Président de la République. La responsabilité pénale commence à 18 ans : les enfants de moins de 13 ans ne sont pas considérés comme pénalement responsables; entre 13 et 18 ans, ils peuvent être poursuivis en justice, mais avec indulgence, et les condamnations à des peines de prison sont rares; après l’âge de 18 ans, ils sont poursuivis comme des adultes.

M me Ngoma (Gabon) déclare que des écoles maternelles publiques et privées sont disponibles pour les enfants de toutes les femmes qui travaillent. Il existe également des crèches publiques pour les mères célibataires économiquement dépendantes, les étudiantes, ou toute femme qui traverse une crise familiale. Le Gabon a ratifié la Convention no 138 de l’Organisation internationale du travail (OIT) sur l’âge minimum, qui fixe l’âge minimum d’emploi à 14 ans, mais sa propre législation l’a améliorée en le portant à 16 ans.

M me Šimonović fait remarquer que les réponses de la délégation aux questions relatives à l’article 16 sur l’héritage et le divorce indiquent que les femmes ont des droits, mais dans des conditions qui ne s’appliquent pas aux hommes. On doit octroyer l’égalité totale aux femmes, et le Gabon doit trouver les moyens de la réaliser. Une possibilité serait de réviser chaque disposition de la Convention, de concert avec ses propres lois en la matière à la lumière de la Convention.

M me Gnacadja demande des éclaircissements sur la manière dont l’Observatoire des droits des femmes et de la parité (ODEFPA) peut devenir un organisme non gouvernemental indépendant, tel que suggéré dans les réponses aux questions 3 et 4 de la liste des questions et problèmes, au cas où ses personnes ressources travaillent sous la supervision du Ministère de la famille, de la protection des enfants et de la promotion de la femme.

M me Simms relève que lorsque la délégation déclare, comme elle l’a fait à la dernière session, que les mères qui ont elles-mêmes été violées réagiraient énergiquement si leurs enfants sont violés ou encore que les pères ne permettraient jamais que l’on batte leurs filles bien qu’ils puissent battre leurs épouses, cela indique l’existence d’un système de valeurs qui mérite d’être changé. Elle aimerait voir les chiffres de la violence conjugale ventilées par sexe, car elle doute que beaucoup de femmes soient assez téméraires pour battre leur mari. Le taux élevé de mortalité due aux avortements clandestins constitue un argument pour la non-suppression des avortements légaux par le Gouvernement. Le prochain rapport doit clairement traiter des mutilations sexuelles féminines, au cas où elle est pratiquée au Gabon. Par ailleurs, tout effort visant à décourager une activité sexuelle précoce est sapé par un âge minimum légal de mariage permissif fixé à 15 ans, et le Gouvernement doit régler ces questions d’âge. Il doit surtout élaborer un programme d’éducation du public pour lutter contre les handicaps d’ordre culturel et les stéréotypes, ainsi que des pratiques comme la polygamie. Il revient aux femmes de déconstruire la culture de leur pays.

M me Saiga déclare que le plaidoyer et les campagnes médiatiques sur les lois ne suffisent pas. Les lois sont souvent mal comprises ou mal interprétées, ou encore appliqués sans rigueur par les tribunaux. Il faut apprendre aux autorités de maintien de l’ordre à appliquer la loi à la lettre.

M me Morbai demande à la délégation de reconnaître que toute référence en public par le Gouvernement à une hiérarchie de responsabilité entre les époux, une chose que le rapport semble également soutenir, constitue une violation de l’article 16.

M me Tan déclare qu’elle aimerait obtenir des réponses à ses questions précédentes concernant l’eau potable dans les zones rurales et les mesures prises en vue de médiatiser la Convention.

M me Belmihoub-Zerdani relève que les membres de la délégation font preuve de détermination et de courage dans leur combat contre les stéoréotypes. En travaillant main dans la main, les femmes finiront par avoir gain de cause.

M me Ngoma (Gabon) déclare que le Code civil reconnaît que l’homme est le chef de famille parce que la gestion, la sécurité, l’éducation et la santé de la famille lui incombent au premier chef, responsabilité qu’il partage à tous égards avec la femme; peut-être que la loi a été mal formulée. Assurément, les stéréotypes ont engendré une situation où les attentes et les opportunités des filles en matière d’éducation sont différentes de celles des garçons, mais progressivement, la perspective de la parité est en train d’être introduite dans le système éducatif et dans les schémas de réflexion des familles.

Lors du séminaire de Libreville organisé en vue de mettre en œuvre le Programme d’action de Beijing, l’égalité des sexes a été l’une des principales préoccupations et l’une des priorités a été de mettre sur pied l’Observatoire des droits des femmes et de la parité qui, aux termes de la loi no 1/2000, devait bénéficier d’un financement adéquat de la part du Gouvernement pour lui permettre de travailler de façon indépendante. Les membres de l’ODEFPA ont d’ailleurs sillonné constamment le pays pour sensibiliser aux problèmes des femmes et organiser des campagnes de prise de sensibilisation, pour lesquelles des brochures avaient été préparées, portant immédiatement tout manquement constaté à l’attention du ministère concerné. L’ODEFPA a été assurément une ONG qui a reçu des financements de divers partenaires nationaux et étrangers, mais il devait dans le même temps trouver un ministère correspondant auquel il devait soumettre ses préoccupations, d’où son lien avec le Ministère de la famille, de la protection des enfants et de la promotion de la femme.

Les statistiques du Gouvernement sur la violence ont été réparties en six catégories, et en matière de violence conjugale, on a relevé avec étonnement des cas de violence physique des femmes contre leurs maris, ce qui en fait certainement l’un des problèmes auxquels il faut s’attaquer.

Même avant les recommandations concernant l’eau, qui ont été faites à l’issue du Sommet mondial de 2002 sur le développement durable, le Gouvernement savait que toutes les régions du pays ne disposaient pas d’eau potable. Le Ministère des mines a, dans ce cadre, lancé un programme d’adduction d’eau dans les villages, ce qui a maintenant porté le taux de couverture du pays à 80 %, et on espère qu’il aura atteint même les régions montagneuses de l’arrière- pays dans deux ans.

En 1983, le Secrétaire d’État à l’émancipation des femmes a effectué une tournée dans le pays pour familiariser les populations aux dispositions de la Convention, distribuant des supports y afférents dans les diverses langues vernaculaires. Certaines organisations non gouvernementales ont aussi publié et distribué des brochures sur le sujet. Par ailleurs, au cours des cinq ou six journées nationales consacrées aux problèmes des femmes chaque année, la Convention a régulièrement été à l’honneur. Le rapport périodique a bénéficié de beaucoup d’attention de la part des médias nationaux et a fait l’objet de débats avec les organisations de la société civile et les partenaires de développement, avant sa présentation aux femmes du pays.

Elle assure le Comité que son gouvernement est résolument engagé dans la promotion de la femme et a même reconnu officiellement le rôle de la mère dans la famille. Pour tous les membres de la délégation, il s’agit d’un combat quotidien qu’ils ont l’intention de poursuivre. Ils ont beaucoup appris de cet entretien avec le Comité et remercient ses membres pour leurs nombreux commentaires et recommandations positifs, qu’ils comptent transmettre au Gouvernement.

La Présidente déclare que l’entretien avec la délégation, qui a mis un accent particulier sur les questions cruciales pour les femmes du Gabon, a été intense et constructif.

La séance est levée à 17 heures.