Vingt-cinquième session

Compte rendu analytique de la 520e séance

Tenue au Siège, à New York, le jeudi 12 juillet 2001, à 10 heures

Présidente:Mme Abaka

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Rapport unique valant rapport initial et deuxième et troisième rapports périodiques de la Guinée

La séance est ouverte à 10 h 30.

Examen des rapports présentés par les États partiesconformément à l’article 18 de la Conventionsur l’élimination de toutes les formesde discrimination à l’égard des femmes (suite)

Rapport unique valant rapport initialet deuxième et troisième rapports périodiquesde la Guinée (CEDAW/C/GIN/1 à 3)

À l’invitation de la Présidente, les membres de la délégation de la Guinée prennent place à la table du Comité.

M me  Aribot (Guinée) appelle l’attention sur un additif au rapport, disponible seulement en français et distribué de manière informelle aux membres du Comité, ayant pour objet de fournir une information mise à jour, le rapport lui-même ayant été établi dans sa version définitive en 1998.

La Constitution énonce des dispositions et principes inspirés de la Déclaration universelle des droits de l’homme et d’autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. Elle institue notamment l’égalité des sexes et la non-rétroactivité de la loi, ainsi que les libertés publiques fondamentales comme la liberté de la presse et la liberté de conviction. Toute personne victime de la violation de ses droits fondamentaux peut saisir les tribunaux, allant des juridictions de première instance à la Cour suprême. La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes occupe une place primordiale dans le système juridique et institutionnel de protection des droits de l’homme. Les accords internationaux sont ratifiés par le Président avec l’autorisation expresse de l’Assemblée nationale. La Convention elle-même a été ratifiée le 9 août 1982, mais les administrations publiques chargées d’améliorer la condition de la femme ont été mises en place dès 1958.

Mme Aribot appelle une attention particulière sur l’action du Ministère des affaires sociales et de la promotion féminine et de l’enfance créé en 1996, que décrit le rapport (CEDAW/C/GIN/1 à 3, p. 28), ainsi que sur les activités organisées au titre du programme-cadre Genre et développement (p. 3) et sur les nombreuses dispositions juridiques qui garantissent les droits des femmes dans les domaines comme la famille, la santé et l’emploi. Dans la pratique, toutefois, l’exercice de ces droits est souvent entravé par des démarches administratives compliquées, l’ignorance des procédures juridiques, le manque d’information et la permanence de préjugés à l’encontre des femmes. Les formes de discrimination à l’égard des femmes héritées de pratiques traditionnelles fortement ancrées, souvent violentes, sont décrites dans le rapport (p. 43).

Les femmes assument une grande part des responsabilités pour ce qui est de l’éducation et des soins à apporter aux enfants, et elles assurent 80 % de l’ensemble de la production vivrière. Environ 85 % des femmes sont analphabètes, contre 62 % chez les hommes, et des mesures temporaires spéciales ont été mises en œuvre pour remédier à cette situation (CEDAW/C/GIN/1 à 3, p. 38 à 43). Une action a été lancée pour faire évoluer les comportements socioculturels des hommes et des femmes et pour promouvoir un partenariat établi sur un pied d’égalité entre les deux sexes en vue d’éliminer les stéréotypes et les préjugés à l’encontre des femmes.

Les violences physiques, sexuelles et psychologiques à l’égard des femmes, notamment la violence dans la famille, restent préoccupantes; malheureusement, les traditions culturelles et le droit coutumier admettent parfois ces violences. Pendant plus d’une décennie, les autorités et les dispositifs publics et privés de protection des droits des femmes ont entrepris des campagnes de sensibilisation pour éliminer toutes les formes de violence à leur égard. Dans ce contexte, Mme Aribot fait remarquer que la prostitution (CEDAW/C/GIN/1 à 3, p. 46 à 50), actuellement limitée aux zones urbaines, est un fléau pour la société qu’aggravent la pauvreté, la crise économique, le déclin des valeurs morales et la désagrégation de la cellule familiale. En dépit de son développement au cours des dernières années, la prostitution est encore l’objet d’une vive désapprobation et n’a pas été dépénalisée.

Passant au domaine de la vie politique et publique, (CEDAW/C/GIN/1 à 3, p. 51 à 56), l’oratrice fait observer que la Guinée a signé et ratifié la Convention sur les droits politiques de la femme et que la Constitution accorde aux femmes toutes les garanties contre la discrimination dans la scène politique. Toutefois, les femmes ne sont pas encore bien représentées dans l’appareil exécutif, législatif et judiciaire non plus qu’au sein de la société civile. Par exemple, elles représentent seulement 9 % des membres de l’Assemblée nationale. Il n’existe actuellement aucune ambassadrice au niveau international en dépit d’une égalité des chances théorique entre hommes et femmes.

Le Code civil régit toutes les questions relevant de la nationalité (CEDAW/C/GIN/1 à 3, p. 57 à 63) et reconnaît aux femmes et aux hommes des droits égaux en ce qui concerne l’acquisition, le changement ou la conservation de leur nationalité. Une femme n’est pas tenue de changer de nationalité si elle se marie avec un étranger ou si son époux change de nationalité. Un étranger qui se marie avec une Guinéenne n’acquiert pas automatiquement la nationalité guinéenne mais doit suivre une procédure de naturalisation.

Passant à l’éducation, l’oratrice dit que la Constitution garantit les droits des femmes dans ce domaine (CEDAW/C/GIN/1 à 3, p. 67 à 75) et institue l’enseignement primaire obligatoire. Toutefois, la tradition et la coutume sont préjudiciables à l’éducation des filles. Des mesures ont alors été prises pour encourager l’éducation des filles et des femmes et réduire leurs taux élevés d’analphabétisme si bien qu’un nombre croissant de filles se lancent dans des disciplines dominées traditionnellement par les garçons. Néanmoins, la situation de l’éducation reste préoccupante et des programmes de développement de long terme prévoient notamment des mesures correctives dans ce domaine.

En ce qui concerne l’accès à l’emploi, (CEDAW/C/GIN/1 à 3, p. à 86 à 97), elle dit que le recrutement se fait au mérite, sans aucune discrimination fondée sur le sexe, et que plusieurs organismes ont été mis en place pour promouvoir l’emploi et tirer le meilleur profit des ressources humaines. En dépit de certaines avancées, toutefois, des problèmes majeurs persistent comme le manque de qualifications et les hauts niveaux de chômage des femmes résultant d’une réduction des effectifs de la fonction publique et des réticences implicites de nombreux hommes à favoriser l’épanouissement personnel des femmes. Le Code du travail garantit les droits des travailleuses, notamment leur droit à une rémunération égale à celle des hommes. De même, le Code de sécurité sociale garantit les droits des femmes durant leur congé de maternité. Toutefois, les revenus des femmes proviennent en majeure partie du secteur informel. Elles ne représentent que 22,2 % des fonctionnaires, 9,7 % des employés du privé et 11,3 % des chefs d’entreprise.

Dans le domaine de la santé (CEDAW/C/GIN/1 à 3, p. 101 à 116), la priorité a été donnée à la médecine préventive, à la nécessité d’adapter les services de soins de santé primaires aux contextes régionaux, ainsi qu’à la vaccination des enfants et à la réduction de la morbidité et mortalité maternelles et infantiles. Le taux de mortalité maternelle a ainsi baissé entre 1982 et 1996 pour s’établir à 500 pour 100 000 naissances vivantes à Conakry et à 900 en zones rurales. Le taux de mortalité infantile est de 137 pour 1 000, le taux de mortalité infantile et juvénile est de 232 pour 1 000, et l’espérance de vie est passée de 47 à 52 ans. La couverture vaccinale des mères et des enfants, la situation sanitaire et nutritive des femmes, ainsi que la promotion des méthodes modernes de planification familiale enregistrent des progrès. Le sida est un problème de plus en plus préoccupant, le nombre d’hommes atteints par rapport au nombre de femmes atteintes étant passé de 8 pour 1 en 1987 à 2 pour 1 en 1997. Il n’existe en principe aucune discrimination fondée sur le sexe en matière de soins de santé, mais des disparités persistent dues pour une large part aux obstacles culturels à la planification familiale. Les populations rurales recourent d’abord aux praticiens traditionnels car le faible pouvoir d’achat des 40 % de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté ne leur permet pas de payer les soins de santé en dépit du faible coût des médicaments génériques.

La Caisse nationale de sécurité sociale verse des prestations aux employés, et un mécanisme d’assurances sociales intégré et efficace est en place depuis 1984 (CEDAW/C/GIN/1 à 3, p. 117). Les femmes toutefois n’ont pas droit aux allocations familiales car la législation en vigueur en prévoit le versement uniquement au mari en sa qualité de chef de famille. Un problème similaire se pose concernant les pensions de réversion des femmes.

Pour ce qui est du crédit financier (CEDAW/C/GIN/1 à 3, p. 120 à 122), le secteur bancaire traditionnel ne souhaite pas consentir d’emprunts pour financer les activités agricoles et les autres types d’activités rémunératrices des femmes. Des instruments de crédit ont été introduits mais ont peu profité aux femmes à ce jour. Dans la réalité, la majeure partie des femmes ont recours aux tontines et représentent 41 % des consommateurs de cette forme de crédit. Le Gouvernement, en collaboration avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), a créé le programme-cadre Genre et développement pour améliorer le niveau de revenus et les conditions d’existence des femmes. Il n’existe aucune barrière juridique ou institutionnelle à la participation des femmes aux activités culturelles et récréatives, mais très peu d’activités sportives sont disponibles pour les femmes (CEDAW/C/GIN/1 à 3, p. 123). L’importante charge de travail qui pèse sur elles constitue l’obstacle majeur à leur participation aux activités de loisirs, en particulier en zones rurales.

Environ 80 % de la population tire ses moyens de subsistance de l’agriculture qui représente 87 % de l’ensemble des emplois féminins. Les femmes rurales produisent approximativement 80 % de l’ensemble des denrées alimentaires mais leur situation est précaire (CEDAW/C/GIN/1 à 3, p. 123 à 139). Les crises économiques et les programmes d’ajustement structurel successifs ainsi que d’autres mesures restrictives ont accru les difficultés que connaissent les secteurs les plus vulnérables de la société, et accéléré la dégradation des conditions d’existence, en particulier en zones rurales. Les programmes actuels d’élimination de la pauvreté privilégient la création de coopératives de femmes ainsi qu’une approche participative du développement. L’accès à l’eau potable constitue un sujet de préoccupation particulier qui a entraîné la création en 1980 d’un Service national d’aménagement de points d’eau en zones rurales. De nombreux autres programmes et projets ont été mis en œuvre pour aider les femmes rurales dans les domaines de la santé, du crédit, de l’éducation et de la productivité, mais leur situation reste dans l’ensemble peu satisfaisante.

Les Guinéennes jouissent des mêmes droits juridiques que les Guinéens, et les lois et dispositions en vigueur confirment leur dignité et la justice sociale pour les deux sexes (CEDAW/C/GIN/1 à 3, p. 139 à 144). Dans la pratique, toutefois, les droits des femmes ne sont pas toujours respectés et il faut continuer de s’attacher à leur garantir une réelle égalité avec les hommes. Par exemple, au sein du mariage, les droits du père prévalent pour ce qui est des enfants et de leur garde. Un projet de code de la famille modernisant les relations entre époux est actuellement soumis à l’examen de l’Assemblée nationale (CEDAW/C/GIN/1 à 3, p. 144 à 157).

L’oratrice dit que les efforts considérables déployés pour éliminer la discrimination à l’égard des femmes ont été mis à mal par le déclenchement de la guerre sur les frontières de la Guinée en 1989 ainsi que par les attaques des rebelles en septembre 2000, qui ont très lourdement pesé sur la situation des femmes et des enfants. Néanmoins, la promotion de la femme reste une priorité pour son gouvernement.

En dépit des difficultés rencontrées, une lourde dette extérieure notamment, la Guinée a progressé sur la voie de l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes dans un certain nombre de domaines. Le document stratégique de 1996 du Gouvernement guinéen propose une vision prospective du développement du pays pour les années à venir. Certains programmes ont été conçus pour concrétiser cette vision, notamment le programme d’aide aux initiatives locales et le programme d’appui à la décentralisation et au renforcement de la société civile. Diverses autres initiatives de renforcement des capacités ont également été lancées à l’échelon local pour renforcer le rôle d’acteurs du développement joué par les habitants. En outre, le projet de stratégie du Gouvernement pour la réduction de la pauvreté cherche à mobiliser des ressources internes et externes pour atténuer la pauvreté en suscitant des synergies entre les politiques nationales et sectorielles. Dans le domaine de la santé procréative, l’accent est mis en particulier sur l’arrêt des mutilations génitales féminines.

La promotion de la femme en Guinée a enregistré des progrès considérables, mais ces avancées ont été irrégulières, l’inégalité entre les hommes et les femmes étant très enracinée dans toutes les sociétés. La communauté internationale, les gouvernements et la société civile doivent alors redoubler d’efforts pour garantir aux femmes l’exercice de leurs droits fondamentaux.

Observations générales

La Présidente dit que la taille de la délégation de la Guinée témoigne de la volonté politique du pays d’appliquer la Convention. Elle se félicite en particulier de la primauté des textes internationaux ratifiés par la Guinée sur sa législation nationale et de la promulgation par le Gouvernement guinéen de textes de loi garantissant les droits de nombreux réfugiés des États voisins, dont beaucoup sont des femmes. Originaire elle-même de l’Afrique de l’Ouest, elle connaît bien l’hospitalité du peuple guinéen. Il conviendrait toutefois de prendre des mesures, dit-elle, pour soustraire les femmes accueillies dans les camps de réfugiés aux violences sexuelles. La signature par la Guinée de la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie est une preuve de plus de la détermination du Gouvernement guinéen à répondre aux problèmes soulevés par l’arrivée des réfugiés.

M me  Gabr dit que le rapport de la Guinée témoigne de la volonté politique du Gouvernement guinéen de protéger les droits des femmes en Guinée en dépit des difficultés que le pays rencontre. Toutefois, l’existence de stéréotypes très répandus concernant les femmes, ainsi que les mutilations génitales féminines, la situation des femmes dans le secteur informel et la piètre qualité des services sanitaires et éducatifs, entre autres, sont toujours des sujets de préoccupation. Elle apprécierait un complément d’information sur la présence des réfugiés en Guinée et souhaiterait savoir si d’autres ministères, services et organisations non gouvernementales présentes en Guinée ont participé à la rédaction du rapport.

M me  Gaspard dit que les indicateurs comme la forte mortalité infantile et maternelle, la faible espérance de vie et les taux élevés d’analphabétisme traduisent la situation de pays pauvre en développement de la Guinée. Elle se félicite de la création d’un ministère chargé de promouvoir l’égalité des sexes en Guinée et du rôle vigoureux joué dans les affaires du pays par la société civile à laquelle les femmes contribuent activement.

Elle souhaiterait savoir plus précisément si la majorité des réfugiés en Guinée sont des femmes et des filles, et obtenir de plus amples renseignements sur leurs conditions d’existence. Elle estime également utile de savoir si des organisations non gouvernementales et d’autres entités ont participé à la rédaction du rapport.

M me  Acar dit que le rapport traduit l’engagement du Gouvernement d’appliquer la Convention. Elle salue la mise en place d’un ministère chargé de promouvoir l’égalité des sexes en Guinée ainsi que les mesures législatives prises pour interdire la discrimination à l’égard des femmes. Elle signale que l’application de la loi se heurte toutefois à certains problèmes, en particulier dans les domaines de l’éducation, du mariage, du divorce et de la violence à l’égard des femmes. Elle rappelle que l’égalité de facto compte autant que l’égalité de jure. Elle fait remarquer la coexistence en Guinée du droit islamique, de la législation nationale et du droit coutumier, et se demande si chaque type de droit régit certains domaines clairement définis. Elle estime qu’un système juridique multiple comme celui de la Guinée constitue un obstacle de taille à la pleine application de la Convention.

M me  Kwaku regrette de ne pas être en mesure de donner lecture de l’additif en langue française au rapport initial (CEDAW/C/GIN/1 à 3). Elle se joint à la Présidente pour féliciter la Guinée des mesures prises en faveur des réfugiés et craint même qu’elles ne soient par trop libérales. En accord avec Mme Acar, elle relève une certaine disparité dans les Codes civil et pénal, dont certaines dispositions semblent se fonder sur le droit islamique quand d’autres ne s’en inspirent pas. Il vaudrait mieux selon elle que le Gouvernement procède à un examen critique de ces dispositions. Elle souhaiterait obtenir des précisions sur la disposition du Code civil relative aux veuves sans enfant.

M me  Schöpp-Schilling se félicite de la taille et des compétences de la délégation de la Guinée, de son rapport impressionnant et transparent, de la volonté politique du pays déterminant un certain nombre d’activités, et de la ratification sans réserve de la Convention par la Guinée. Elle salue la présentation de statistiques ventilées par sexe et demande si elles ont été compilées par un institut national de statistique ou si la ventilation résulte d’une directive du Gouvernement. Il importe de recueillir des statistiques portant sur chaque aspect de l’existence car elles seules permettent d’établir une discrimination de facto. Cependant, l’oratrice exprime les mêmes préoccupations que ses collègues du Comité, en particulier pour ce qui concerne l’article 2 et la coexistence de systèmes juridiques distincts. De manière générale, elle est frappée par l’étendue des problèmes que rencontrent les femmes guinéennes. Elle estime que seule une action conjointe de grande ampleur de tous les intéressés pourrait être efficace et se dit ainsi encouragée par l’adoption d’un plan d’action.

M me  Shin se dit quelque peu déçue que tant de problèmes persistent en dépit de la ratification précoce de la Convention par la Guinée et de l’absence de réserve formulée par le pays. Quatre types de contradictions ressortent du rapport (CEDAW/C/GIN/1 à 3). Premièrement, des disparités existent entre la Convention et la législation nationale de la Guinée concernant, par exemple, le régime de succession et le mariage. Deuxièmement, la discrimination juridique est manifeste dans les domaines comme le Code de la nationalité alors que le rapport soutient qu’il n’en est rien. Troisièmement, le rapport signale l’existence d’inégalités devant la loi mais le Gouvernement ne semble envisager aucune action pour les éliminer. Quatrièmement, le rapport admet, certes, la persistance d’une discrimination fondée sur le sexe découlant de traditions sociales et culturelles, mais aucun plan d’action ne vise à éliminer les stéréotypes sociaux et les pratiques discriminatoires comme la polygamie. Enfin, l’oratrice s’enquiert du rang de priorité accordé à l’égalité des sexes dans les plans de développement de la Guinée.

M me  Livingstone Raday félicite la Guinée pour la transparence de son rapport en dépit des contradictions qui viennent d’être soulevées. Du point de vue constitutionnel, il est encourageant que la Guinée ait ratifié la Convention sans formuler de réserve et que la Constitution consacre l’égalité entre les hommes et les femmes. Toutefois, de profondes contradictions persistent, en particulier au niveau de la famille, fondement de toute éducation. Elle demande si des mesures, législatives notamment, sont prises pour amender les lois patriarcales culturelles et religieuses, s’il existe une résistance à toute réforme législative et, le cas échéant, de quels milieux elle émane.

Article 2

M me  Goonesekere salue la primauté du droit international sur la législation nationale de la Guinée et se félicite de la garantie constitutionnelle contre toute discrimination. Rejoignant les préoccupations de Mme Acar, elle propose que la Guinée fasse de son pouvoir judiciaire indépendant un outil de concrétisation des principes énoncés par la Constitution. Les tribunaux ailleurs en Afrique et en Asie examinent les lois en vigueur, repèrent les dispositions allant à l’encontre de la Constitution nationale de leurs pays en vue de les faire amender par leurs assemblées législatives et viennent en aide aux citoyens lésés par ces mêmes dispositions. Elle estime qu’il serait bénéfique pour la Guinée de consulter la doctrine du droit sur la question des autres pays africains.

M me  Schöpp-Schilling se joint aux préoccupations soulevées par la coexistence de différents systèmes juridiques. Elle se demande comment la Convention est prise en compte dans la vie de tous les jours; si le Conseil des anciens – vraisemblablement instance de premier recours pour les femmes – fonde ses décisions sur le droit islamique ou le droit coutumier; si le Conseil est familiarisé avec la Convention; et dans quelle mesure il en applique les dispositions. Elle s’enquiert de la formation dispensée aux nouveaux parajuristes qui travaillent dans les centres d’aide juridique et de l’ampleur de la sensibilisation du grand public à la Convention assurée, par exemple, par les stations de radio ou les matériels élaborés par l’UNESCO dans le domaine de l’éducation en matière de droits de l’homme. Elle souhaiterait savoir si la Guinée prévoit de signer et de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention.

M me  Kwaku, signalant les taux élevés de pauvreté et d’analphabétisme féminin, demande quel est le degré d’efficacité avéré des mesures correctives énumérées dans le rapport.

M me  Gaspard déplore les vestiges du Code Napoléon hérités de la période coloniale du XIXe siècle. Elle se demande si la Guinée projette d’harmoniser les dispositions, par exemple, de son régime matrimonial et de son régime de succession avec la Convention. À la lecture du rapport (CEDAW/C/GIN/1 à 3), elle a été étonnée de constater que la répression de l’avortement (prévue par l’article 307 du Code pénal) y est mentionnée comme une mesure législative interdisant la discrimination à l’égard des femmes au titre de l’article 2 b) de la Convention. Cependant, c’est en raison du caractère inapproprié des moyens contraceptifs et des autres mesures de soutien à leur disposition que les femmes ont généralement recours à l’avortement. Elle demande si l’État partie est en mesure de fournir des statistiques sur les avortements clandestins pratiqués en Guinée.

M me  Schöpp-Schilling, se référant à l’additif au rapport, exprime l’intérêt avec lequel elle a pris connaissance des informations relatives aux cinq programmes-cadres prioritaires. Elle demande si les programmes se sont fixés des points de référence, des objectifs et des délais; comment les responsabilités seront établies si les objectifs ne sont pas atteints; et quelle part du budget total de la Guinée est allouée à chacun de ces cinq programmes. La Guinée pourrait envisager d’introduire dans son prochain rapport une rubrique « budget consacré aux femmes » où serait signalé le pourcentage du budget national alloué aux activités en faveur des femmes. Il importe de saluer l’augmentation de l’allocation budgétaire au Ministère des affaires sociales et de la promotion féminine et de l’enfance. Le rapport fait état de discrimination à l’égard des femmes dans les activités de développement mais ne précise pas s’il s’agit d’activités du Gouvernement ou de donateurs. Il est bien connu que, dans l’agriculture, la majeure partie des ressources sont réservées aux hommes qui les mobilisent pour la production de cultures marchandes. L’oratrice se demande si le Ministère ci-dessus est habilité à examiner les projets de développement prévus en vue d’anticiper toute incidence négative sur les femmes.

M me  Ferrer Gómez salue le rapport et souligne l’importance du Ministère des affaires sociales et de la promotion féminine et de l’enfance. Elle sollicite de plus amples renseignements sur les groupes vulnérables, sur d’éventuels projets d’amélioration de la condition de la femme dans la famille et sur d’éventuelles mesures spécifiques prévues pour les femmes réfugiées. Elle préconise d’accorder une plus grande attention aux femmes handicapées.

La séance est levée à 13 h 5.