Trente-huitième session

14 mai-1er juin 2007

Observations finales du Comité pour l’éliminationde la discrimination à l’égard des femmes : Sierra Leone

Le Comité a examiné le rapport unique valant rapport initial et deuxième à cinquième rapports périodiques de la Sierra Leone (CEDAW/C/SLE/5) à ses 777e et 778e séances, le 17 mai 2007 (voir CEDAW/C/SR.777 et 778). La liste des questions suscitées par les rapports initiaux et périodiques est publiée sous la cote CEDAW/C/SLE/Q/5, et les réponses de la Sierra Leone sont publiées sous la cote CEDAW/C/SLE/Q/5/Add.1.

Introduction

Le Comité félicite l’État partie d’avoir ratifié la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, sans formuler de réserves. Il apprécie le fait que dans la présentation de ce rapport unique valant rapport initial et deuxième à cinquième rapports, l’État partie se soit conformé aux directives du Comité sur la présentation des rapports, et qu’il fournisse, bien qu’avec beaucoup de retard, des informations très détaillées donnant un aperçu fiable de la condition des femmes en Sierra Leone. Le Comité se déclare également satisfait des réponses écrites à la liste des questions soulevées par le Groupe de travail présession et des déclarations et réponses faites oralement à la suite des questions posées par le Comité.

Le Comité félicite l’État partie de la composition de sa délégation dirigée par le Ministre adjoint à l’aide sociale, à la condition féminine et à l’enfance, accompagné du Représentant permanent de la Sierra Leone auprès de l’Organisation des Nations Unies et des représentants de divers ministères compétents dans de nombreux domaines visés par la Convention. Le Comité se déclare satisfait du dialogue franc et constructif tenu entre les membres de la délégation et le Comité.

Le Comité félicite l’État partie d’avoir signé en 2000 le Protocole facultatif relatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, et espère que la ratification suivra.

Aspects positifs

Le Comité note avec satisfaction que le rapport unique valant rapport initial et deuxième à cinquième rapports périodiques a été établi en concertation avec des organes gouvernementaux et des organisations non gouvernementales.

Le Comité sait gré à l’État partie d’avoir examiné et révisé la législation discriminatoire à l’égard des femmes, et d’avoir élaboré trois projets de loi dont le Parlement est actuellement saisi, concernant notamment l’enregistrement des mariages coutumiers et des divorces, la succession de personnes décédées intestat et la violence dans la famille. Le Comité félicite aussi l’État partie de l’adoption de la loi de 2005 contre la traite des êtres humains.

Le Comité note avec approbation que la loi de 2004 sur le gouvernement local institue un quota de 50 % de femmes dans la composition des comités de quartier dans les districts et les zones urbaines.

Le Comité note en l’appréciant la collaboration régulière et le partenariat avec des organisations non gouvernementales dans les initiatives visant à la mise en œuvre de la Convention.

Principaux domaines de préoccupation et recommandations

Tout en rappelant les obligations de l’État partie d’appliquer systématiquement et constamment toutes les dispositions de la Convention, le Comité estime que les préoccupations et recommandations exprimées dans les présentes observations finales doivent retenir l’attention de l’État partie et qu’il doit les traiter en priorité d’ici à la présentation du prochain rapport périodique. En conséquence, l’État partie demande au Comité d’accorder une attention particulière à ces domaines lors de l’application, et de signaler dans son prochain rapport les mesures qu’il aura prises et les résultats obtenus. Il prie l’État partie de diffuser les présentes observations finales auprès de tous les ministères compétents ainsi que du Parlement afin d’en assurer l’application intégrale.

Le Comité constate avec regret que bien que la Sierra Leone ait ratifié la Convention en 1988, celle-ci n’est pas encore intégrée dans la législation sierra-léonaise. Il déplore le fait que faute d’une intégration complète, la pertinence de la Convention ne soit pas encore établie dans l’État partie. Tout en louant les efforts de l’État partie sur le plan des réformes législatives effectuées dans différents domaines tels que le mariage, le divorce, les successions et la violence dans la famille, il demeure perplexe devant le retard apporté à leur adoption par le Parlement, et devant le fait que d’autres lois, et le droit coutumier, discriminatoires à l’égard des femmes, restent en vigueur.

Le Comité prie instamment l’État partie de mener à bien en priorité le processus d’intégration complète de la Convention. Il enjoint l’État partie d’accélérer sa révision de la législation et de coopérer diligemment avec le Parlement pour modifier les lois discriminatoires ou les abroger de manière à ce que la législation soit conforme aux dispositions de la Convention et aux recommandations générales du Comité. Il insiste auprès de l’État partie pour qu’il accorde la priorité absolue à la promulgation, au cours de l’actuelle session parlementaire, de tous les projets de loi en souffrance pouvant faire avancer l’application de la Convention, s’agissant notamment des projets de loi relatifs à l’enregistrement des mariages et des divorces coutumiers, à la succession de personnes décédées intestat et à la violence dans la famille. Le Comité invite en outre l’État partie à adopter une approche globale à la réforme législative de manière à garantir aux femmes une égalité de droit et sa manifestation concrète dans les faits.

Le Comité s’interroge sur l’alinéa d) du paragraphe 4 du chapitre 27 de la Constitution, qui dispose que la garantie contre la non-discrimination ne s’applique pas pour ce qui est de l’adoption, du mariage, du divorce, de l’inhumation, de la transmission des biens après décès et autres aspects du droit des personnes, étant donné que cette disposition est discriminatoire à l’égard des femmes et vient en violation de la Convention. À cet égard, le Comité accueille favorablement la recommandation de la Commission de révision de la Constitution de supprimer l’alinéa d) du paragraphe 4 du chapitre 27 de la Constitution.

Le Comité demande expressément à l’État partie de prendre d’urgence toutes les mesures qui s’imposent pour abroger l’alinéa d) du paragraphe 4) du chapitre 27 de la Constitution afin de garantir des droits égaux aux femmes et aux hommes, conformément à l’article 2 a) de la Convention. Il encourage l’État partie à n’épargner aucun effort, y compris le recours à des campagnes de plaidoyer et de sensibilisation en faveur de la Convention qui doit être considérée comme un instrument des droits de l’homme, juridiquement contraignant, de manière à ce que l’abrogation de cet alinéa d) soit approuvée par référendum lors des prochaines élections prévues pour août 2007.

Le Comité se soucie de la faible capacité institutionnelle du Ministère de l’aide sociale, de la condition féminine et de l’enfance, mécanisme national de promotion de la femme. Il constate non sans inquiétude que le budget et le personnel de ce ministère sont en permanence insuffisants et qu’il n’a pas la capacité de travailler efficacement à la parfaite application de la Convention, ni de faciliter et de coordonner les opérations nécessaires à une stratégie visant à généraliser l’égalité des sexes à tous les échelons du Gouvernement, ainsi que dans les administrations provinciales et locales.

Le Comité appelle l’État partie à accorder de toute urgence priorité au renforcement des institutions nationales chargées d’assurer la promotion de la femme, et de leur donner l’autorité, le pouvoir de décision et les ressources humaines et financières dont elles ont besoin, notamment à l’échelon provincial et local, pour la coordination et le succès des efforts d’instauration de l’égalité des sexes, et l’application d’une stratégie d’intégration d’une dimension sexospécifique dans toutes les politiques et programmes de tous les secteurs et à tous les échelons du Gouvernement.

Examinant les politiques nationales de promotion de la femme et d’égalité des sexes, adoptée en 2000, le Comité regrette de constater l’absence d’un mécanisme de contrôle effectif de leur application à tous les niveaux et dans tous les secteurs du Gouvernement.

Le Comité recommande que l’État partie fasse le point sur l’état d’avancement de l’application de ses politiques en faveur de la promotion de la femme et de l’égalité des sexes. Il l’encourage à tirer parti de l’impulsion donnée et des partenariats constitués durant la phase d’élaboration de son rapport, en application de l’article 18 de la Convention, ainsi que des présentes observations finales pour revoir son actuelle politique et poursuivre l’élaboration d’un plan opérationnel global sur la parité des sexes et la promotion de la femme. Cette entreprise engloberait les mesures juridiques, politiques et de programmation, assorties d’objectifs, de repères et de délais précis ainsi que de mécanismes de suivi et d’évaluation réguliers et systématiques des progrès de la mise en œuvre, y compris à l’aide d’indicateurs, et conformément à toutes les dispositions de la Convention. Le Comité encourage l’État partie à solliciter l’appui de la communauté internationale et des donateurs dans l’application de ce plan.

Le Comité s’étonne de ce que des mesures temporaires spéciales ne soient pas prévues par la loi ni prises par l’État partie pour accélérer l’instauration dans les faits, de l’égalité entre hommes et femmes dans tous les domaines visés par la Convention, notamment la participation des femmes à la vie politique et publique (art. 7 et 8 de la Convention), à l’éducation (art. 10 de la Convention) et à l’emploi dans l’économie institutionnalisée, domaines où le nombre de femmes et de filles demeure anormalement faible.

Le Comité encourage l’État partie à institutionnaliser le recours à des mesures temporaires spéciales, soit dans la Constitution ou d’autres textes appropriés, conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et de la recommandation générale 25 du Comité. Il appelle l’attention de l’État partie sur le fait que de telles mesures font partie intégrante d’une stratégie nécessaire en vue d’accélérer l’instauration d’une égalité de fait entre les hommes et les femmes dans tous les domaines visés dans la Convention. Il prie instamment l’État partie de fixer des objectifs concrets, tels que quotas et délais, pour diligenter l’instauration d’une réelle égalité entre hommes et femmes dans chaque domaine.

Le Comité est profondément préoccupé par la persistance de coutumes culturelles préjudiciables, qu’il s’agisse de pratiques et de traditions ou d’attitudes patriarcales ou de stéréotypes bien enracinés concernant les rôles, responsabilités et identité des femmes et des hommes dans tous les aspects de la vie. Le Comité s’inquiète de ce que ces normes, coutumes et pratiques justifient et perpétuent la discrimination à l’égard des femmes, notamment la violence contre les femmes, et que l’État ne prenne aucune mesure radicale ou systématique pour modifier ou éliminer des valeurs culturelles, des pratiques et des stéréotypes négatifs.

Le Comité invite l’État partie à considérer la culture comme un élément dynamique de la vie nationale et du tissu social, exposé à de nombreuses influences au fil du temps et donc au changement. Il engage l’État partie à mettre en place, sans tarder, une stratégie globale, assortie d’objectifs bien définis et de délais, en vue de modifier ou d’éliminer les pratiques culturelles et les stéréotypes préjudiciables et discriminatoires à l’égard des femmes, et de leur permettre de jouir de leurs droits, conformément aux articles 2 f) et 5 a) de la Convention. Une telle stratégie devrait prévoir des programmes visant spécialement à informer et faire mieux comprendre les questions de sexospécificité à tous les groupes de la société, notamment les chefs de tribus; elle devrait être élaborée avec le concours des organisations de la société civile et des organismes féminins, viser à créer et à favoriser un climat propice à la transformation et au changement des stéréotypes et des valeurs culturelles, comportements et coutumes discriminatoires. Le Comité engage également l’État partie à mettre en place des mécanismes de suivi de manière à pouvoir évaluer régulièrement les progrès accomplis dans la réalisation des objectifs fixés, avec la participation des chefs de tribus et des organismes féminins.

Tout en accueillant avec satisfaction les efforts entrepris par les pouvoirs publics en faveur de la promotion de la femme et pour mettre fin à la pratique de la mutilation génitale féminine, le Comité est manifestement inquiet de la persistance de la forte incidence de cette pratique nocive, qui constitue une grave violation des droits fondamentaux des femmes et des filles, ainsi que des obligations souscrites par l’État partie en vertu de la Convention. Le Comité note les graves complications que provoque sur la santé des filles et des femmes la mutilation génitale, sans compter le grand nombre de femmes affligées de douloureuses fistules vésico-vaginales.

Le Comité enjoint l’État partie de promulguer sans plus tarder une loi interdisant la mutilation génitale féminine et disposant que les contrevenants seront poursuivis et punis en conséquence. Il insiste pour que l’État partie redouble d’efforts sur le plan de la sensibilisation et de l’éducation, axés sur les hommes autant que sur les femmes, avec l’appui de la société civile, pour éliminer la pratique de la mutilation génitale féminine, et les justifications culturelles qui s’y rapportent. Il encourage en outre l’État partie à organiser des programmes pour la reconversion professionnelle de ceux qui vivent de la mutilation génitale. Il invite l’État partie à faire le lien entre la mutilation génitale féminine et la prévalence de la fistule vésico-vaginale, afin de prendre des mesures pour réduire le nombre de cas et d’offrir un appui médical aux personnes qui en sont affectées.

Le Comité se félicite du projet de loi de 2006 sur la violence dans la famille, mais demeure inquiet devant le grand nombre d’actes de violence dont les femmes sont victimes, notamment les viols et autres agressions sexuelles. Le Comité est particulièrement troublé par la persistance du droit coutumier et de conventions culturelles qui justifient les châtiments corporels infligés aux membres de la famille, en particulier aux femmes. Il déplore le peu de progrès accomplis en matière de prévention et d’élimination de la violence à l’égard des femmes et les obstacles que rencontrent les victimes pour ester en justice, y compris l’absence d’assistance judiciaire, et l’impunité dont jouissent généralement les criminels. Le Comité regrette vivement que des données ne soient pas systématiquement collectées sur toutes les formes de violences contre les femmes.

Le Comité prie instamment l’État partie d’accorder la priorité absolue à l’adoption d’une approche globale à la violence contre les femmes, y compris la promulgation rapide et l’application intégrale du projet de loi relatif à la violence dans la famille. Il encourage l’État partie à tenir pleinement compte de sa recommandation générale 19 lorsqu’il s’efforce de lutter contre la violence à l’égard des femmes. Il engage l’État partie à sensibiliser davantage le public au moyen des médias et de programmes didactiques pour faire comprendre que toutes les formes de violence contre les femmes, y compris la violence dans la famille, sont inadmissibles. Le Comité invite l’État partie à donner aux magistrats, au personnel chargé de l’application des lois, aux juristes, aux travailleurs sociaux et au personnel soignant, des cours de formation sur la violence contre les femmes afin que ceux qui se rendent coupables de violence contre les femmes soient effectivement poursuivis et punis avec la rigueur et la diligence qui s’imposent, et que les victimes trouvent un appui efficace et approprié à leur cas. Le Comité appelle l’État partie à supprimer tous les obstacles qui peuvent empêcher les femmes de saisir les tribunaux à tous les niveaux, et recommande qu’une assistance judiciaire soit accessible aux victimes des zones urbaines et rurales. Il prie l’État partie de prévoir des mesures d’appui aux femmes victimes de violences, y compris l’ouverture de foyers d’accueil ainsi qu’un appui juridique, médical et psychologique. Le Comité engage l’État partie à présenter dans son prochain rapport des renseignements sur les lois et politiques en vigueur et les programmes en cours visant à lutter contre toutes les formes de violence à l’égard des femmes et sur les effets qu’ont pu avoir ces mesures, ainsi que sur les données et tendances relatives aux diverses formes de cette violence.

Le Comité regrette vivement qu’une attention insuffisante soit apportée aux conclusions de la Commission Vérité et réconciliation, qui a formulé des recommandations précises pour la réinsertion sociale, le rétablissement psychologique et la réintégration sociale des filles et des femmes victimes de violences et d’esclavage sexuel durant la guerre. Il craint que faute d’une attention soutenue à ces recommandations, les filles et les femmes touchées par la guerre, et les enfants nés des suites de viols pendant la guerre, resteront marginalisés et ne seront ni réadaptés ni réinsérés dans la société.

Le Comité prie instamment l’État partie de consacrer des ressources à l’application des recommandations prioritaires de la Commission Vérité et réconciliation qui traite des conséquences de la guerre sur les filles et les femmes et leurs enfants, de manière à assurer leur réadaptation et leur réinsertion sociales. Le Comité demande à l’État partie d’œuvrer de concert avec la société civile et la communauté des donateurs internationaux dans cet effort.

Tout en accueillant favorablement l’adoption de la loi de 2005 contre la traite des êtres humains, le Comité s’inquiète de la persistance de la traite dans le pays et du peu d’efficacité des mesures prises pour faire appliquer la loi.

Le Comité invite l’État partie à accélérer ses efforts en vue de la mise en œuvre effective et de la pleine application de la loi de 2005 contre la traite des êtres humains. Dans ce contexte, il conviendrait de prévoir la réelle possibilité d’engager des poursuites contre les trafiquants et de les punir. Il recommande en outre que l’État partie prenne des mesures d’assistance et d’appui à l’égard des victimes et des mesures de prévention en s’attaquant aux causes profondes de la traite, par l’amélioration de la situation économique des femmes afin d’atténuer leur vulnérabilité à l’exploitation et aux proxénètes.

Le Comité s’inquiète des effets néfastes de la guerre sur l’infrastructure de l’enseignement, ce qui constitue un obstacle évident à l’éducation des filles et des jeunes femmes. Le Comité est particulièrement déçu du taux élevé d’analphabétisme qui, en 2004, touchait 71 % des filles et des femmes en Sierra Leone, et qui illustre nettement la tendance à la discrimination visée à l’article 10. Le Comité souligne que l’éducation est la clef de la promotion de la femme et que le faible niveau d’éducation des femmes et des filles constitue l’obstacle le plus sérieux à l’exercice de leurs droits fondamentaux et à leur autonomisation. Il constate avec regret le fort taux d’abandon scolaire parmi les filles inscrites dans le secondaire, dont les raisons sont notamment la grossesse et le mariage forcé précoce.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre des dispositions pour améliorer l’infrastructure de l’enseignement, en particulier dans les zones rurales, et de sensibiliser le public à l’importance de l’éducation en tant que droit de l’homme et fondement de l’émancipation des femmes. Il recommande à l’État partie de prendre des mesures pour permettre aux filles et aux femmes d’accéder à l’éducation, sur un pied d’égalité avec les hommes, à tous les niveaux, et de ne pas quitter l’école, même au moyen de mesures temporaires spéciales, conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et à la recommandation générale 25 du Comité. Il encourage l’État partie à prendre des mesures pour venir à bout des comportements traditionnels qui font obstacle à l’éducation des filles et des femmes. Il appelle l’État partie à n’épargner aucun effort pour élever le niveau d’alphabétisation des filles et des femmes par l’adoption de programmes généraux d’enseignement scolaire et non scolaire, de même que par des cours de formation et d’enseignement pour adultes. Il encourage l’État partie à renforcer sa collaboration avec la société civile et à rechercher l’appui de la communauté internationale et des bailleurs de fonds, en vue d’accélérer l’application de l’article 10 de la Convention. Il invite l’État partie à n’épargner aucun effort pour relever le niveau d’alphabétisation des filles et des femmes en organisant des programmes généraux de type scolaire et non scolaire ainsi que des cours de formation pour adultes. Il encourage l’État partie à resserrer sa collaboration avec la société civile et à rechercher un surcroît d’aide auprès de la communauté internationale et des bailleurs de fonds pour accélérer l’application de l’article 10 de la Convention.

Le Comité constate que le rapport ne fournit pas suffisamment de renseignements ni de données ventilées par sexe au sujet des dispositions de l’article 11 de la Convention. Par exemple, le Comité n’a pas d’indications précises sur la participation des femmes à la vie active dans les zones rurales et urbaines, sur leur taux d’emploi, sur la ségrégation verticale et horizontale des emplois, ni sur les possibilités offertes aux femmes de bénéficier de nouveaux avantages économiques. Le Comité regrette de n’avoir pas de renseignements suffisants sur la situation des femmes dans le secteur parallèle des zones rurales et urbaines dans lequel travaillent la plupart des femmes, ou sur les initiatives qu’a prises l’État partie pour remédier à leur situation précaire.

Le Comité invite l’État partie à fournir dans son prochain rapport des informations détaillées sur la situation des femmes en matière d’emploi, ainsi que sur l’évolution de la situation au fil du temps, tant dans le secteur structuré que dans le secteur parallèle, et sur les mesures prises pour assurer aux femmes l’égalité des chances s’agissant des activités rémunératrices, et sur les effets de telles mesures. Le Comité recommande par ailleurs que l’État partie s’intéresse particulièrement à la condition des travailleuses du secteur parallèle et lui demande de fournir, dans son prochain rapport, des informations concernant l’accès au crédit, à la formation, à la technologie et aux marchés, de même que les services d’action et de protection sociales.

Le Comité loue les efforts déployés par l’État partie et l’appui de la communauté internationale pour réduire l’incidence des taux de mortalité maternelle et infantile. En revanche, il constate avec inquiétude que les taux de mortalité maternelle et infantile en Sierra Leone sont parmi les plus élevés de la planète. Il est par ailleurs préoccupé de constater que les femmes n’ont pas accès à des services adéquats de soins prénatals et postnatals, qu’elles n’ont pas non plus accès à l’information sur la planification de la famille, notamment dans les zones rurales, et que le taux d’utilisation des contraceptifs est très bas parmi les femmes comme parmi les hommes.

Le Comité recommande que l’État partie redouble d’efforts pour réduire les taux de mortalité maternelle et infantile. Il suggère que l’État partie détermine les causes de la mortalité maternelle et qu’en vue de sa réduction, il fixe des objectifs et des critères assortis de délais de réalisation. Il prie instamment l’État partie de n’épargner aucun effort pour informer davantage les femmes des possibilités qui leur sont offertes d’accéder à des services de soins de santé et à une assistance médicale dispensée par du personnel spécialisé, et pour accroître ces possibilités, surtout dans les zones rurales et spécialement dans le domaine des soins postnatals. Le Comité recommande en outre que l’État partie mette en œuvre des programmes et des politiques visant à faciliter l’accès aux contraceptifs et aux services de planification de la famille.

Le Comité s’inquiète en particulier de la situation précaire des femmes des zones rurales, qui constituent la majorité des femmes de Sierra Leone, et qui sont anormalement touchées par la pauvreté, le manque de services de santé adéquats, d’éducation, de perspectives économiques y compris les facilités de crédit, et d’accès à la justice. Le Comité déplore la généralisation de pratiques traditionnelles nocives, telles que les mariages précoces, et se déclare particulièrement préoccupé de la persistance de coutumes et traditions relatives au droit de propriété foncière et au droit successoral qui portent préjudice aux femmes sur le plan de l’égalité et de l’avancement.

Le Comité encourage l’État partie à intégrer formellement l’application de la Convention et la promotion de l’égalité des sexes dans ses politiques et plans nationaux de développement, en particulier ceux qui sont consacrés à l’atténuation de la pauvreté et au développement durable. Le Comité prie instamment l’État partie de se pencher particulièrement sur les besoins des femmes des zones rurales et de veiller à ce qu’elles participent au processus de prise de décisions et aient accès, sur un pied d’égalité avec les hommes, aux services de santé, à l’éducation, aux perspectives économiques, y compris les projets d’activités rémunératrices, et aux mécanismes de crédit, ainsi qu’à la justice. De plus, le Comité enjoint l’État partie de prendre des mesures appropriées pour éliminer toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes des zones rurales en ce qui concerne la propriété foncière et le droit successoral.

Le Comité déplore les dispositions discriminatoires qui persistent dans le droit coutumier et la loi sur le mariage musulman. Le Comité note, par exemple, que la polygamie est autorisée, que la disposition des biens d’une personne décédée intestat se fait au détriment des femmes, que les justifications du divorce sont différentes pour les femmes et pour les hommes et qu’il n’est pas accordé aux hommes et aux femmes le même degré d’autorité ni de tutelle sur les enfants. Le Comité constate également avec préoccupation que les tribunaux locaux, qui appliquent le droit coutumier, ne font pas partie du système judiciaire et que par conséquent il ne peut être fait appel de leurs décisions.

Le Comité engage l’État partie, conformément à la recommandation générale 21, d’accélérer sa réforme de la loi sur le mariage et les relations familiales afin d’éliminer toutes les dispositions discriminatoires contenues dans le droit coutumier et la loi sur le mariage musulman, en particulier en ce qui concerne le mariage, le divorce et la transmission du patrimoine, de manière à ce que les femmes et les hommes aient les mêmes droits et obligations. Le Comité prie instamment l’État partie de réexaminer le statut des tribunaux locaux et de s’assurer que toutes leurs décisions peuvent être renvoyées en appel devant une instance supérieure.

Le Comité regrette que le rapport ne fournisse pas suffisamment de données statistiques sur la condition des femmes dans tous les domaines visés par la Convention. Il déplore aussi le manque d’informations sur l’effet des mesures prises et les résultats obtenus en ce qui concerne divers domaines couverts par la Convention.

Le Comité demande à l’État partie de mettre en place un système de collecte de données avec des indicateurs mesurables pour suivre l’évolution de la situation des femmes et les progrès réalisés dans l’instauration d’une égalité de fait pour les femmes, et d’allouer les ressources nécessaires à cet effet. Il invite l’État partie à solliciter, le cas échéant, l’aide internationale pour entreprendre la collecte des données et les analyses. Le Comité demande en outre à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport des données et analyses statistiques, ventilées par sexe et par zone urbaine ou rurale, en indiquant l’effet des politiques et mesures pratiques et les résultats obtenus.

Le Comité encourage l’État partie à ratifier le Protocole facultatif relatif à la Convention et à accepter dès que possible la révision apportée au paragraphe 1 de l’article 30 de la Convention concernant les réunions du Comité.

Le Comité demande expressément à l’État partie d’intégrer en totalité, dans son application des obligations souscrites au titre de la Convention, la Déclaration et le Programme d’action de Beijing, qui renforcent les dispositions de la Convention, et le prie de présenter dans son prochain rapport des informations à ce sujet.

Le Comité insiste sur le fait que la pleine et effective application de la Convention est indispensable à la réalisation des objectifs du Millénaire. Il insiste en outre sur l’intégration d’une perspective sexospécifique et sur l’incorporation systématique des dispositions de la Convention dans toutes les initiatives visant à la réalisation des objectifs, et demande à l’État partie de présenter des informations sur ce sujet dans son prochain rapport périodique.

Le Comité souligne que l’adhésion des États aux sept principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme contribue à promouvoir l’exercice effectif des droits individuels et libertés fondamentales des femmes dans tous les aspects de la vie. Il encourage donc le Gouvernement sierra-léonais à envisager de ratifier l’instrument auquel il n’est pas encore partie, à savoir la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

Le Comité demande que les présentes observations finales soient largement diffusées en Sierra Leone afin de faire prendre conscience au public, y compris les dirigeants, les politiciens, parlementaires et les organisations se consacrant à la condition féminine et aux droits de l’homme, des démarches accomplies pour assurer l’égalité de droit et de fait des femmes et des mesures qui doivent encore être prises à cet égard. Le Comité prie l’État partie de continuer à diffuser largement, surtout auprès des organisations s’occupant de la condition féminine et de défense des droits de l’homme, le texte de la Convention, de son protocole facultatif, des recommandations générales du Comité, de la Déclaration de Beijing et de son programme d’action ainsi que des textes issus de la vingt-troisième session extraordinaire de l’Assemblée générale, intitulée : « Les femmes 2000 : égalité entre les sexes, développement et paix pour le XXI e siècle ».

Le Comité prie l’État partie de répondre aux préoccupations exprimées dans les présentes observations finales dans son prochain rapport périodique qu’il établira en application de l’article 18 de la Convention, qu’il doit soumettre en décembre 2009.