discrimination à l’égard des femmes

Vingt-huitième session

Compte rendu de la 601ème séance

Tenue au Siège, New York, le mercredi 22 janvier 2003, à 10 heures.

Présidente:Mme Açar

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États Parties en application de l’article 18 de la Convention (suite)

Quatrième rapport périodique du Luxembourg

La séance est ouverte à 10 h 10.

Examen des rapports présentés en application de l’article 18 de la Convention (suite)

Quatrième rapport périodique du Luxembourg (CEDAW/C/LUX/4)

1. À l’invitation de la Présidente du Comité, Mme Jacobs et Mme Mulheims (Luxembourg) prennent place à la table du Comité.

2.Mme Jacobs (Luxembourg) dit que le Ministère de la promotion féminine s’est toujours laissé guider par la Convention. Les recommandations du Comité concernant les rapports périodiques précédents ont été transmises aux ministres concernés, au Parlement et aux ONG de femmes. Elles ont également été incorporées dans le Plan d’action national Beijing +5.

3.Dans le droit fil des recommandations du Comité, un projet de loi visant la ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention et un projet de loi se rapportant au paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention vont prochainement être soumis au Parlement. La proposition de faire figurer l’égalité entre les hommes et les femmes dans la Constitution continue de faire l’objet d’un débat.

4.A également été soumise une proposition visant à supprimer la réserve à l’égard de l’article 7 de la Convention, motivée à l’origine par le fait que la succession à la couronne du Grand Duché est transmise par les hommes. Le Gouvernement a conclu que l’article de la Constitution ayant trait à la succession pouvait été modifié, et ce en dépit de la règle générale interdisant la modification de la Constitution durant un mandat législatif. Un projet de loi prévoyant la suppression de la réserve à l’égard de l’article 16 de la Convention, ayant trait au nom patronymique des enfants est en cours d’examen par le Conseil d’Etat.

5.Le Gouvernement est bien conscient que le harcèlement sexuel sur les lieux de travail constitue un problème constant, en dépit des lois visant à l’empêcher, et qu’il s’agit en outre d’un phénomène dont on parle peu. Étant donné que les délégués à l’égalité qui existent au sein des entreprises sont souvent les premiers à entendre parler de harcèlement, ils reçoivent actuellement une formation aux questions d’égalité entre les sexes, mais portant aussi sur la législation, la médiation et les plans pour la concrétisation de l’égalité dans les entreprises. La violence familiale fait l’objet d’un projet de loi intégral dont la mise en œuvre sera suivie par un certain nombre de ministres et l’ONG s’occupant de questions de femmes. Les agents de police reçoivent également une formation spécifique dans ce domaine.  Que ce projet devienne loi et le Gouvernement sera à même de remettre au Comité les statistiques demandées sur les cas de violence familiale. Un refuge supplémentaire va ouvrir dans le Nord du pays ; un film sur les victimes de violences conjugales est en cours de réalisation ; des brochures d’information sur les foyers d’accueil sont actuellement traduites en portugais. Toutes ces activités s’inscrivent dans un programme d’éducation continue pour lutter contre la violence et les stéréotypes sexuels. Un prix pour la meilleure pratique dans le domaine de l’égalité dans une ville ou commune va être décerné en 2003.

6.Les demandeurs d’asile sont protégés par un arsenal législatif prévoyant notamment le droit aux avantages sociaux jusqu’à l’examen de la demande d’asile. Une attention particulière est accordée aux femmes non accompagnées ou aux femmes chefs de famille. Les femmes enceintes sont logées près d’une maternité et, le cas échéant, peuvent bénéficier des services d’une interprète femme.

7.Le trafic des femmes, s’accompagnant d’exploitation sexuelle ou d’exploitation de la force de travail, fait l’objet de mesures tant législatives que concrètes. Le Luxembourg a consacré 0,7 pour cent de son produit intérieur brut à l’aide au développement, et une partie de cette aide vise à améliorer la sécurité économique des femmes dans leur pays d’origine, pour qu’elles deviennent moins vulnérables aux trafiquants. Les tribunaux ne sont saisis d’aucune affaire en vertu de la loi de 1999 prévoyant des efforts accrus contre le trafic et l’exploitation sexuelle des enfants. Le Gouvernement a publié une brochure contre le tourisme sexuel dont les enfants sont susceptibles d’être victimes ; cette brochure est distribuée par les agents de voyage et à l’aéroport de Luxembourg. Le Luxembourg est bien conscient que la procédure d’octroi de visas aux artistes de cabaret a fait l’objet de critiques, et serait reconnaissant si le Comité lui donnait des conseils sur les meilleures pratiques pour lutter contre les trafics.

8.Une lutte est engagée contre les stéréotypes sexuels dans le cadre de l’éducation des jeunes élèves pour qu’ils rejettent la violence, le sexisme et les stéréotypes sexuels inconscients. La formation dans les écoles est complétée par la formation des enseignants et la formation sur les lieux de travail. Les rôles traditionnels dévolus aux hommes et aux femmes ont évolué et le nombre de femmes qui s’occupent de leur maison à plein temps a chuté de 18 400 femmes entre 1991 et 2001. Le congé parental, rémunéré, est demandé par 13 pour cent des hommes, ce qui est une évolution positive, vu que la pratique n’a été introduite qu’en 1999. Des mesures vont être prises pour inciter un plus grand nombre d’hommes à demander à bénéficier du congé parental, dans le but de partager la responsabilité des soins aux enfants et à la maison. La modification de la législation a facilité la création de garderies d’enfants, et le Gouvernement subventionne les frais d’exploitation. Des structures de garde plus nombreuses sont prévues en dehors des heures d’école.

9.Une meilleure prise en charge des enfants et l’amélioration de l’éducation des adultes permettent de multiplier le nombre des femmes actives. En réponse à la demande du Comité de resserrer l’écart salarial entre hommes et femmes, un projet a été mis en place en janvier 2002. Il s’agit d’un effort conjoint du Gouvernement, du patronat et des salariés, des syndicats, des associations professionnelles, des villes et des communes, ainsi que du Conseil national des femmes. Au tout début du projet, la plupart des parties prenantes niaient l’écart salarial. En fin de projet, les chefs d’entreprise et les syndicats ont toutefois convenus d’un projet pour lutter contre le phénomène et mettre en place une formation en vue de l’évaluation sans distinction de sexe des descriptions de poste et du rendement professionnel. L’écart salarial moyen a été estimé à 28 pour cent, et une fois exclues les différences structurelles dans les tâches effectuées par les hommes et les femmes, il reste un écart de 12 pour cent, qui ne peut s’expliquer que par la différence des sexes.

10.Le Comité a demandé une information complémentaire sur la situation des femmes aux Luxembourg en ce qui concerne leur santé, et des études ont été lancées pour obtenir des données ventilées par sexe, sur la mortalité infantile et enfantine, les mères qui allaitent, la prise en charge avant et après l’accouchement et l’ostéoporose. De plus, sont prévues une campagne de lutte contre le cancer et une autre sur la santé des femmes en général.

11.Le Gouvernement a réitéré son engagement en faveur de la Convention et de la prise en compte de la question des femmes dans toutes les politiques. Le Gouvernement va continuer sa pratique de discrimination positive et va adopter des mesures temporaires spéciales pour assurer l’égalité de fait entre hommes et femmes, chaque fois qu’une discrimination reste évidente.

12.La Présidente félicite le Luxembourg d’avoir soumis un troisième rapport complet deux ans seulement après le deuxième rapport, et d’avoir diffusé les conclusions précédentes du Comité dans les milieux gouvernementaux et auprès de la société civile. Parlant en son nom propre, elle se dit déçue que bien que le Luxembourg ait été l’un des premiers signataires du Protocole facultatif se rapportant à la Convention, il ne l’ait pas encore ratifié. Les progrès en vue de la suppression des réserves émises à l’égard des articles 7 et 16 de la Convention devraient être concrétisés le plus rapidement possible.

Articles 1 à 6

13.Mme Schöpp-Schilling relève la mine d’informations qui figurent dans le rapport, provenant de nombreuses études, mais elle dit que les rapports à venir devraient faire valoir les mesures concrètes prises pour résoudre les problèmes identifiés dans le cadre de ces études. Elle rappelle également les consignes du Comité sur la longueur des rapports périodiques.

14.Les exemples de mesures provisoires spéciales indiquées dans le rapport sont de nature trop générales et ne sont pas le genre de mesures prévues au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention visant à accélérer l’égalité de fait. Mme Schöpp-Schilling se demande s’il existe des projets d’action positive en faveur de l’égalité des sexes dans les entreprises privées et si la Loi du 12 février 1999 oblige et les entreprises publiques et les entreprises privées à mettre au point de tels plans d’action, assortis de calendriers, d’objectifs et de procédures pour le suivi des responsabilités.

15.Mme Gaspard note que l’État Partie a tenu compte des conclusions du Comité et respecté le format prévu pour les rapports périodiques. Elle se félicite des efforts déployés par le Luxembourg pour faire connaître la Convention aux adolescents. En revanche, elle se dit soucieuse de la contradiction entre les objectifs et engagements déclarés du Gouvernement et la concrétisation de ces objectifs dans le domaine législatif. La plupart des exemples cités ayant trait à la révision de la Constitution, à la suppression de la réserve à l’égard de l’article 7 et de l’article 16, au recours aux mesures provisoires spéciales, au harcèlement sexuel et à d’autres questions restent au stade de l’examen, ou sont encore en cours. Il est impératif de donner effet à ces bonnes intentions dans un avenir proche.

16.M. Flinterman dit que bien que le Parlement ait approuvé le fait que les instruments internationaux soient d’application directe par les tribunaux à condition d’être en vigueur et que cette disposition ait fait l’objet d’une publication, il se demande à qui revient la décision quant à l’applicabilité des instruments : à l’exécutif ou au pouvoir judiciaire ? Par ailleurs, l’absence de précédent ou de jurisprudence dans le cadre desquels la Convention aurait été invoquée signifie-t-elle que le Gouvernement ou la magistrature ait décidé qu’elle n’était pas d’application directe ? M. Flinterman se demande également si la ratification imminente du Protocole facultatif, en vertu duquel il va de soi que les dispositions de la Convention sont déjà pleinement applicables, auraient un effet positif sur l’application de la Convention par les tribunaux. Enfin, s’agissant de l’article 3, il fait valoir que la Convention oblige à promouvoir la question de l’égalité des sexes non seulement à l’échelon national mais également dans le cadre de la politique étrangère de l’État Partie ; il demande si la politique du Luxembourg en matière de coopération pour le développement comporte un volet consacré aux femmes.

17.Mme Morvai se félicite de ce qui semble être un engagement véritablement sincère en faveur des droits des femmes, mais fait valoir que l’État Partie se doit d’être plus dynamique pour ce qui est de l’interdiction, ou tout au moins de la dissuasion de la prostitution. L’égalité entre les sexes reste impossible tant que les femmes sont traitées comme des objets. Mme Morvai aimerait des renseignements plus nombreux sur les efforts consentis pour éduquer et les clients et les prostituées et pour aider les prostituées à abandonner le commerce du sexe. Elle insiste sur la nécessité de lutter contre la traite d’êtres humains et se demande pourquoi, par exemple, un statut particulier est accordé aux danseuses de cabaret.

18.Mme Šimonović dit que bien qu’en principe la Convention soit d’application automatique, il ne semble pas y avoir de cas où la Convention ait été invoquée. Elle se demande donc si les juristes et les juges connaissent les dispositions de la Convention et demande à connaître le nombre de femmes juges au Luxembourg.

19.Mme Shin trouve que les exemples donnés dans le rapport s’agissant des mesures provisoires spéciales ne font pas véritablement état de mesures concrètes pour accélérer l’égalité entre les sexes, mesures pourtant nécessaires. Elle se félicite du système des délégués à l’égalité dans les entreprises privées, mais s’étonne qu’au cours de la période 2001-2002, seules six plaintes aient été déposées. Elle note qu’apparemment seul un tiers des entreprises compte un délégué et que plus de la moitié des délégués sont des hommes. Elle se demande si les délégués sont nommés ou se portent volontaires. Si ce système présente effectivement des possibilités, malheureusement il ne fonctionne pas très efficacement, si l’on en juge le très petit nombre de plaintes déposées.

20.Mme Saiga s’étonne de l’absence de statistiques officielles sur la violence à l’égard des femmes, dont la violence conjugale, et se demande si cette information est disponible. En outre, elle note le très grand nombre de projets de loi et de projets dans le domaine des droits des femmes, mais constate qu’ils sont en cours ou encore à l’examen. Elle insiste sur la nécessité de concrétiser rapidement ces projets.

21.Mme Tavares da Silva se dit très contente de constater la forte augmentation du nombre de femmes actives, ainsi que du nombre d’hommes bénéficiant du congé parental. S’agissant de l’article 11, elle se demande dans quelle mesure le Luxembourg défend de manière dynamique l’égalité au travail et s’interroge sur les relations entre les efforts déployés et les normes qui existent dans l’Union européenne. Mme Tavares da Silva se félicite également de l’engagement clair du Gouvernement en faveur de l’intégration des travailleuses étrangères de pays voisins et de pays plus lointains.

22.Mme Tavares da Silva déplore la lenteur du processus de révision des lois et se demande, par exemple, si le Gouvernement a véritablement la volonté politique de supprimer la réserve émise à l’article 7 de la Convention. En ce qui concerne la prostitution et la traite d’êtres humains, Mme da Silva regrette l’absence d’informations dans les réponses de la délégation (CEDAW/PSWG/2003/I/CRP.2) à la liste des points et questions dressée par le Comité (CEDAW/PSWG/2003/I/CRP.1/Add.4). Elle demande si l’absence d’information et de programmes intégrés visant à éliminer la prostitution signifierait que le problème n’est pas considéré comme étant prioritaire.

23.Mme Jacobs (Luxembourg) dit qu’une partie du retard pris par la révision des lois est imputable à la structure politique du Luxembourg. Dans les gouvernements de coalition, tous les partis politiques doivent en effet donner leur accord aux mesures proposées ; des projets de loi doivent être rédigés en vue de leur examen par la Chambre des députés ou le Conseil d’État. Le Gouvernement, les comités pertinents ou les députés peuvent tous proposer des amendements, ce qui prend du temps. Une fois la nécessité d’une mesure admise, celle-ci deviendra à terme une loi.

24.On constate de gros progrès dans le secteur privé, où les partenaires sociaux sont tenus de négocier un plan en vue d’atteindre des objectifs en matière d’égalité. Bien qu’il n’y ait pas d’obligation de résultats, les questions de genre doivent au moins être examinées. De fait, le secteur privé semble soucieux de promouvoir les questions des femmes comme un moyen de s’assurer la loyauté des salariées.

25.Évoquant les réserves du Luxembourg à l’égard de la Convention, Mme Jacobs dit que le projet d’amendement à la Constitution prévoyant l’égalité des droits et des devoirs pour les hommes et les femmes devrait être adopté d’ici 2004 et que les normes de l’Union européenne devraient également être respectées rapidement. La nécessité de procéder à une réforme de la Constitution est largement admise dans la société luxembourgeoise, y compris par le Grand Duc et sa famille. Les questions relatives aux femmes, ainsi que l’éducation et l’environnement, constituent également des aspects importants de l’assistance accordée par le Luxembourg à la coopération, et ce en reconnaissance du rôle important qui incombe aux femmes dans les efforts de développement et dans le cadre de questions telles que la propagation du VIH/sida.

26.Passant au problème de la prostitution, Mme Jacobs dit que celui-ci a fait l’objet de nombreux débats au Luxembourg et que le problème est aggravé du fait de la présence d’une forte population de travailleurs immigrés. Le proxénétisme et le racolage à des fins de prostitution sont illégaux et Mme Jacobs note que la ville de Luxembourg a pris une série de mesures pour réglementer le nombre de prostituées travaillant dans le quartier de la gare. La délégation luxembourgeoise serait contente si le Comité pouvait suggérer des moyens de lutter contre ce fléau qu’est la prostitution et la traite des êtres humains, par exemple sur la question de l’octroi de visas aux danseuses de cabaret. Les ambassades du Luxembourg situées à l’étranger font tout leur possible pour sensibiliser les immigrés et les travailleurs migrants aux problèmes qui peuvent surgir lorsqu’ils font trop facilement confiance aux trafiquants ou acceptent des propositions de travail douteuses. Les organisations non gouvernementales locales et étrangères assurent une aide médicale, juridique et sociale aux prostituées, et les aident à quitter la prostitution.

27.Mme Jacobs dit que les efforts se poursuivent pour éduquer les délégués à l’égalité, les syndicalistes et les cadres dirigeants au problème du harcèlement sexuel. Elle signale que les jours de travail, le Luxembourg compte sans doute plus d’étrangers que de Luxembourgeois et que peu de temps auparavant, les femmes luxembourgeoises étaient très peu nombreuses à travailler en dehors de chez elles ; l’accroissement phénoménal du nombre de femmes actives n’a d’ailleurs pas fait l’unanimité dans la société.

28.Mme Ecker (Luxembourg), en réponse aux questions sur le statut de la Convention en droit interne, précise que comme tous les instruments internationaux, celle-ci l’emporte sur le droit interne, notamment en cas de contradiction avec celui-ci. Les tribunaux sont habilités à décider si la Convention est applicable et dans deux ou trois cas où la Convention a été invoquée, ils ont décidé qu’elle l’était effectivement. Les tribunaux luxembourgeois s’inspirent souvent de la jurisprudence française ou belge dans de telles affaires.

29.Le Gouvernement a hésité à prendre des mesures provisoires spéciales en faveur des femmes, pensant que le fondement juridique justifiant ces mesures manquait, mais lorsque l’article 11 de Constitution aura été modifié pour y inclure une définition de la discrimination, ces mesures s’appuieront sur la Constitution.

30.Mme Mulheims (Luxembourg), abordant la question de l’emploi, dit qu’en vertu du plan national d’action pour l’emploi de 1998, toutes les entreprises sont tenues de nommer un délégué à l’égalité, qui bénéficie d’une formation concernant les questions de genre et l’égalité des chances. Le Gouvernement travaille de concert avec les syndicats et les chefs d’entreprise pour créer une culture propice à l’égalité et faciliter l’évolution des mentalités, condition sine qua non pour que les actions positives soient efficaces. Un débat a été entamé sur le travail et la famille et sur les écarts de salaire, et des recherches sont menées en vue de mieux comprendre les secteurs qui emploient le plus de femmes. Une formation est également assurée en vue de procéder à une évaluation des postes indépendamment du sexe.

Articles 7 à 9

31.Mme Achmad demande des précisions sur les efforts déployés par le Gouvernement pour faire progresser la participation des femmes à la vie politique, comme le veut la Convention. Le Gouvernement doit faire un gros effort pour appuyer et amplifier l’action menée par les partis politiques pour atteindre cet objectif. Mme Achmad aimerait également qu’on lui précise le rôle des femmes dans les organisations non gouvernementales ; leur contribution semble en effet se limiter aux secteurs social et culturel, alors que les femmes devraient être libres de s’intéresser aux questions politiques, économiques et de sécurité.

32.Le mentorat a été évoqué comme l’un des moyens susceptibles de modifier les mentalités, et Mme Achmad aimerait en savoir plus sur les mentors ; reçoivent-ils une formation tenant compte des spécificités hommes-femmes ?

33.Mme Belmihoub-Zerdani estime que la faible participation des femmes à la vie politique et à la prise de décision constitue une faiblesse certaine s’agissant de l’application de la Convention par le Luxembourg. C’est aux partis politiques qu’il incombe de consentir des efforts pour faire progresser la participation des femmes, mais la question des quotas n’est même pas inscrite à leur ordre du jour. Le Gouvernement doit se montrer dirigiste dans ce domaine et adopter des lois pour faciliter la participation des femmes à la vie politique. Ce serait bon de commencer par la nomination de femmes au Conseil d’État.

34.Dans un autre ordre d’idées, Mme Belmihoub-Zerdani félicite le Luxembourg, l’un des rares pays développés à atteindre l’objectif de 0,7 pour cent du produit intérieur brut consacré à l’aide officielle au développement.

35.Mme Jacobs (Luxembourg) fait savoir que le Gouvernement a proposé de subventionner les partis qui fixeraient des quotas pour les listes électorales, mais les partis ont rejeté cette proposition. Il est très difficile de changer les mentalités à l’égard des femmes dans la vie politique et, pour les femmes, de concilier leurs obligations familiales avec la vie politique et la vie professionnelle. Quatre des douze ministres que compte le Conseil d’État sont des femmes.

36.Mme Doerner (Luxembourg) dit que le Conseil national des femmes, qu’elle préside, a apporté une aide à la fois financière et technique aux femmes dans le monde politique. Son organisation fait office de pont entre les intérêts des femmes et le Gouvernement, mais il s’agit d’autre chose que d’un simple groupe de pression ; l’organisation est consultée à tous les niveaux de l’élaboration des politiques. Avec l’aide du Ministère, elle a favorisé la participation des femmes à la vie politique au niveau local et dans les communes. L’organisation a également fait en sorte qu’il soit obligatoire pour toute commune de plus de 1 000 habitants de créer une commission de l’égalité des chances. Au niveau national, ses activités ont donné aux femmes une plus grande visibilité. Le Conseil cherche à assurer un avenir fort au sein de l’Europe en déployant des efforts pour faire adopter une Convention européenne sur l’égalité des chances. Le Conseil compte une juriste en mesure de donner des avis juridiques sur l’ensemble de la législation relative à l’égalité. Le Conseil tient des réunions deux fois par an sur les questions intéressant les femmes et assure une formation aux femmes dans divers domaines, tels que l’art de parler en public.

Articles 10 à 16

37.Mme Khan, évoquant l’article 11 de la Convention, dit que bien que le Luxembourg ait connu une croissance économique et une croissance de l’emploi considérables, l’activité des femmes reste faible. Elle se demande donc si le développement économique du Luxembourg est intervenu sur le dos d’une main-d’oeuvre bon marché, compte tenu du fait que les travailleurs frontaliers représentent une part importante de la population active. Elle se demande également si ces frontaliers ont accès à des emplois à long terme assortis d’avantages et voudrait savoir le niveau de formation qu’ils reçoivent ainsi que les types d’emplois qu’ils occupent. Le rapport du Luxembourg donne un certain nombre de raisons pour expliquer la faible activité des femmes, telle l’absence de diplômes et l’absence d’un système correct de garde d’enfants. Cela étant, bien que le Gouvernement ait pris un certain nombre de mesures pour remédier à cette situation, la plupart des activités semblent être de l’ordre de la sensibilisation et de la prise de conscience ; le Comité aimerait donc un complément d’information sur les mesures concrètes prises par le Gouvernement.

38.Mme Kuenyehia dit avoir été très contente du quatrième rapport périodique du Luxembourg, dans lequel figurent d’importantes informations sur la santé des femmes, démontrant ainsi l’attention que le Gouvernement porte à cette question. Cela dit, elle a été intriguée par la quasi absence d’informations sur le VIH/sida, et se demande pourquoi aucune information sur ce point ne figure dans le rapport.

39.Mme Kwaku, évoquant l’article 14 de la Convention, dit que le Luxembourg a donné trop peu d’informations sur les femmes rurales de manière générale, et que le Comité aimerait des renseignements plus précis sur cette question. Elle demande si la Loi du 24 juillet 2001 concernant l’aide au développement rural, dont il est question dans le rapport au titre de l’article 14, est la même que celle évoquée précédemment dans le rapport au titre de l’article 9 de la Convention ; il s’agit de la loi sur la nationalité qui porte la même date. Elle demande également un complément d’information sur la loi relative au développement rural, notamment en ce qui concerne les dispositions de la loi, sa mise en œuvre et la mesure dans laquelle les femmes ont bénéficié de ses dispositions.

40.Mme Saiga note, s’agissant de l’article 12, que la nouvelle loi sur les pensions va améliorer les pensions versées aux femmes, mais elle aimerait un complément d’information sur la manière dont cette nouvelle loi va aider les femmes et quels changements on peut attendre dans les chiffres donnés en réponse à la liste de points et questions à examiner dans le cadre des cinquième et sixième rapports périodiques.

41.Mme Gabr note que le Luxembourg parle très peu des personnes âgées dans son rapport, malgré l’importance de la question. On trouve dans le rapport des détails sur un certain nombre de projets pertinents mis en œuvre et sur des tables rondes qui ont été organisées, mais il faudrait davantage de détails sur l’impact de ces mesures.

42.Mme Gnacadja se dit déçue que le Luxembourg ait si peu évoqué les articles 15 et 16 de la Convention, et qu’aucune nouvelle mesure n’ait été prise en vertu de l’article 16. La Constitution du Luxembourg ne garantit pas l’égalité entre les sexes et, sauf dans certains cas, la législation interne n’a pas encore incorporé les dispositions de la Convention. L’État présentant son rapport doit donner des renseignements sur d’autres domaines relevant de l’article 16. Certains éléments figurant dans le rapport du Luxembourg semblent en effet indiquer qu’il existe une certaine inégalité entre les sexes en vertu de la loi. Par exemple, le Comité aimerait un complément d’information sur les cas auxquels s’applique la Loi du 28 juin 2001 sur la charge de la preuve en matière de discrimination sexuelle. De plus, il semblerait que les travailleuses non rémunérées, ou celles dont la rémunération n’est pas conforme aux dispositions juridiques pertinentes ne bénéficient pas de la Loi du 26 mai 2000 sur le harcèlement sexuel sur les lieux de travail. Cette faille permet également de conclure à certaines inégalités entre les sexes en droit. Le Comité aimerait également disposer de renseignements sur les mesures prévues pour résoudre la situation dans les prisons luxembourgeoises. Étant donné que des régimes différents s’appliquent en fonction du sexe des détenus et de la prison, et vu l’absence de personnel de sexe féminin, cette situation risque de durer longtemps.

43.La société luxembourgeoise ne semble guère pleinement apprécier les personnes qui effectuent un travail non rémunéré, et notamment les femmes au foyer. De plus, si les femmes enceintes, handicapées ou qui sont à la charge de leur agresseur, sans y être liées par des liens de famille, peuvent bénéficier des circonstances aggravantes dans la mesure où la sanction est alors plus grave, elles restent exclues des procédures sommaires dont peuvent bénéficier les victimes de violence conjugale. Cette exclusion semble également montrer qu’il y a inégalité en droit ; on peut même dire que les inégalités en droit tendent à amplifier les inégalités de fait. Le Comité aimerait un complément d’information sur les mesures envisagées pour remédier à cette situation ; dans la mesure où les procédures législatives au Luxembourg semblent être assez longues, des mesures provisoires pourraient être envisagées. Bien que le rapport ait également mentionné que les stéréotypes sexuels traditionnels étaient bien ancrés dans la société luxembourgeoise, il n’existe pas de données chiffrées. L’État Partie devrait également indiquer si les lois favorables aux femmes sont effectivement appliquées, comment les tribunaux traitent les questions de violence et de discrimination d’une manière générale et si les femmes jouissent de l’égalité de l’accès aux tribunaux. S’agissant de l’article 16, le Comité voudrait des renseignements plus complets sur les droits et obligations dans le mariage et au moment de la dissolution d’un mariage.

44.Mme Jacobs (Luxembourg), répondant aux questions du Comité, précise que le rapport traite de certaines questions de manière sommaire car aucun fait nouveau n’est intervenu depuis les rapports précédents. Le Luxembourg n’exploite pas les travailleurs frontaliers, qui jouissent des mêmes droits que les ressortissants luxembourgeois, notamment en ce qui concerne la rémunération et les avantages (notamment les indemnités familiales). Les frontaliers sont généralement mieux payés au Luxembourg qu’ils ne le sont dans leur propre pays, et les lois protègent les travailleurs nationaux et étrangers de la même manière. De plus, en vertu de la législation de l’Union européenne, il serait absolument interdit au Luxembourg d’appliquer des lois discriminatoires qui défavoriseraient cette catégorie de travailleurs. Tous les travailleurs au Luxembourg travaillent 40 heures par semaine, qu’ils soient ou non ressortissants luxembourgeois. Dans l’ensemble, les travailleurs venus de l’étrangers ont reçu leur formation avant d’arriver au Luxembourg. Les Luxembourgeoises, par tradition, sont toujours restées au foyer à s’occuper de leurs enfants pendant que leur mari allait travailler. Il est donc très difficile pour les femmes de devenir actives ou de redevenir actives par la suite, notamment si elles n’ont pas de formation. L’absence d’un système de garde d’enfants constitue également un problème. En réponse aux questions du Comité sur le VIH/sida, Mme Jacobs dit que les chiffres seront communiqués au Comité.

45.S’agissant de la question des femmes rurales, la Loi du 24 juillet 2001 concernant l’appui au développement rural n’est pas la même que la Loi sur la nationalité dont il est question à l’article 9 de la Convention. Pour bénéficier de l’aide rurale, un agriculteur n’a pas à justifier de la citoyenneté luxembourgeoise. Tous les agriculteurs travaillant au Luxembourg ont une vie difficile. Les exploitations sont de moins en moins nombreuses ; le Gouvernement s’efforce d’aider le plus possible les agriculteurs, et, dans cette optique, collabore avec l’Union européenne. Des subventions de démarrage sont à la disposition des agricultrices, ainsi qu’au nombre croissant de femmes travaillant dans des secteurs tels que le développement rural, le tourisme rural et les parcs nationaux.

46.Étant donné que les femmes sont très nombreuses à cesser de travailler durant plusieurs années, elles n’ont pas, dans le passé, bénéficié d’une pension complète au moment de leur retraite. Cette situation est toutefois en train d’évoluer. Le Gouvernement a versé les cotisation à la sécurité sociale au nom de femmes devant s’occuper d’une personne à charge. L’État prend également à sa charge les soins de santé des personnes à charge âgées, et les soins d’hébergement des personnes à charge vivant dans une maison de retraite. Le Luxembourg a pris un certain nombre de mesures de cet ordre, permettant aux femmes d’être actives et faisant en sorte que les personnes âgées ne soient pas exclues de la société.

47.Mme Ecker (Luxembourg), évoquant la brièveté des réponses données par le Luxembourg au titre des articles 15 et 16, fait valoir que les rapports périodiques précédents traitaient ces questions de manière exhaustive. De plus, l’égalité en droit était en grande partie complète dès les années 1970. Durant cette période, de nombreuses nouvelles lois ont été adoptées, concernant notamment la capacité juridique des femmes et leurs droits dans le mariage et au moment du divorce ; la Convention a été adoptée et intégrée dans la législation nationale du Luxembourg. L’absence de renseignements supplémentaires sur ces questions dans le rapport du Luxembourg s’explique par le fait qu’à l’exception de la Loi sur le nom patronymique, en cours, le Gouvernement ne juge pas nécessaire de modifier sensiblement une situation qui existe depuis 1980. Les femmes ont le même accès que les hommes aux tribunaux, et cette question a elle aussi été traitée de manière exhaustive dans le rapport initial du Luxembourg. Il existe deux mécanismes pour protéger les femmes s’agissant de ces questions : un service d’informations juridiques que les tribunaux mettent spécifiquement à la disposition des femmes, ainsi qu’un programme d’aide judiciaire pour les femmes ayant de faibles revenus, garantissant les services d’un avocat commis d’office. Les femmes ont été nombreuses à bénéficier de ces mécanismes.

La séance est levée à 13 heures.