Quarantième session

Compte rendu analytique de la 824e séance

Tenue au Palais des Nations, à Genève, le jeudi 24 janvier 2008, à 10 heures

Présidente :Mme Šimonović

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 18 de la Convention (suite)

Troisième et quatrième rapports périodiques groupés du Maroc

La séance est ouverte à 10 h 10.

Examen des rapports présentés par les États parties en application de l’article 18 de la Convention (suite)

Troisième et quatrième rapports périodiques groupés du Maroc (CEDAW/C/MAR/4 et CEDAW/C/MAR/Q/4 et Add.1)

À l’invitation de la Présidente, la délégation du Maroc prend place à la table du Comité.

M me Skalli (Maroc) déclare que les troisième et quatrième rapports périodiques groupés (CEDAW/C/MAR/4) ont été rédigés avec la participation du gouvernement, d’organisations non gouvernementales (ONG) et d’institutions spécialisées des Nations Unies. Ils ont été présentés au parlement, aux ONG et aux médias en janvier 2008. Au cours de la période examinée, le gouvernement a engagé un certain nombre de réformes institutionnelles, dont la restructuration du Conseil consultatif des droits de l’homme (CCDH) et l’intégration d’une approche genre dans les méthodes de travail de l’Instance équité et réconciliation (IER).

Le 18 mai 2005, S. M. le Roi Mohammed VI a lancé l’Initiative nationale pour le développement humain (INDH), élaborée avec l’aide du gouvernement, des pouvoirs locaux et des ONG. Cette Initiative vise à éliminer les disparités qui subsistent, entre les régions ainsi qu’entre les hommes et les femmes, en matière de droits économiques, sociaux et culturels. Le Ministère du développement social, de la famille et de la solidarité a pour mission de garantir les droits des femmes, de promouvoir leur pleine participation au développement et de les protéger contre la violence et la discrimination.

Lors du dernier conseil des ministres, le gouvernement a abordé la question de la levée de ses réserves à la Convention et de la ratification du Protocole facultatif. Il a levé les réserves émises sur le paragraphe 4 de l’article 15, sur le paragraphe 2 de l’article 9, sur l’alinéa e) du paragraphe 1 de l’article 16 et sur le paragraphe 2 de l’article 16. En outre, il est revenu sur ses déclarations relatives à certains articles. Il a maintenu la première partie de sa déclaration au sujet de l’article 2 et revu la deuxième partie de cette même déclaration. S’agissant du premier paragraphe de l’article 16, le gouvernement a substitué à sa réserve une déclaration interprétative concernant les alinéas a), b), c), d), f), g) et h).

Avec le soutien d’associations de femmes, de S. M. le Roi et de partenaires internationaux, le gouvernement a engagé un certain nombre de réformes législatives. Ainsi, le Code de la famille a fait l’objet d’une refonte globale afin d’y inclure les principes d’égalité et de coresponsabilité. Les amendements ont porté sur la suppression de l’obligation de tutelle, la fixation de l’âge minimum du mariage à 18 ans pour les hommes comme pour les femmes et la possibilité pour les femmes de demander un divorce judiciaire sous surveillance légale. En vertu du nouveau Code de la famille, les femmes peuvent demander le divorce pour mésentente. L’article 121 du Code de la famille amendé contient des dispositions visant à protéger les femmes et les enfants en cas de conflit juridique entre époux. Les modifications apportées au Code de la famille devraient contribuer à faire évoluer les comportements, mais il est clair que les mentalités et les pratiques sociales ne changeront pas dans l’immédiat. Parallèlement à ces modifications, les juges ont bénéficié d’une formation et se sont vus remettre un guide. Des tribunaux aux affaires familiales ont été créés au sein des cours de justice, et un certain nombre de femmes ont pu accédé à des postes de juges aux affaires familiales.

Le Code pénal, le Code de procédure pénale et le Code du travail ont été amendés en vue de supprimer les mesures discriminatoires à l’égard des femmes, d’introduire des mécanismes plus efficaces de protection des droits de l’homme, d’incriminer le harcèlement sexuel et d’assurer l’égalité des chances en matière professionnelle entre hommes et femmes. Aux termes de la loi de 2007 sur la nationalité, les femmes peuvent désormais transmettre leur nationalité d’origine à leurs enfants nés de pères étrangers (art : 6). Le gouvernement a poursuivi ses efforts en vue d’harmoniser la législation nationale avec les instruments internationaux de protection des droits de l’homme ratifiés par le Maroc.

Même si l’égalité entre hommes et femmes est clairement établie par la loi, il subsiste une culture de discrimination du fait que les médias ne jouent pas suffisamment le rôle qui est le leur de combattre les stéréotypes et que les femmes ne sont pas correctement informées, notamment dans les régions rurales, sur la législation relative à l’égalité des sexes. De plus, il convient de renforcer les réseaux de soutien destinés aux femmes victimes de violences. Eu égard à la participation des femmes à la vie publique et politique, celles-ci ont accès depuis 2002 à la Chambre des représentants par le biais de la liste nationale, et 10,8 %des députés sont des femmes. En 2007, sept femmes ont été nommées au gouvernement. Toutefois, aucune disposition n’a été adoptée en matière de discrimination positive.

Les orientations de la Charte nationale de l’éducation et de la formation ont été rédigées en 2002, qui visent à lutter contre les stéréotypes, à promouvoir l’éducation à l’égalité et à améliorer l’image de la femme dans les médias. L’égalité entre les sexes et l’égalité des chances ont été intégrées au cadre stratégique du système éducatif. Les politiques d’éducation et les commissions d’examen veillent à ce que la notion d’égalité des sexes soit respectée dans les manuels scolaires. Une perspective genre a été intégrée à toutes les politiques du gouvernement, y compris en matière de préparation et d’exécution du budget. Un processus de budgétisation sensible au genre (BSG) a été engagé en décembre 2002 et, pour la troisième année consécutive, un rapport genre a été publié par le Ministère des finances et de la privatisation qui évalue l’efficacité des politiques publiques et la promotion de la justice par le biais des dotations budgétaires.

À la suite de larges consultations, le gouvernement a adopté le 19 mai 2006 la Stratégie nationale pour l’équité et l’égalité entre les sexes dans les programmes de développement. Dans le cadre de sa politique d’intégration de la perspective genre, le gouvernement a produit un certain nombre de statistiques sexospécifiques et mis en en place des points focaux genre. Des plans d’action ont été préparés et un audit genre a été engagé au sein du Ministère du développement social, de la famille et de la solidarité, du Ministère de la communication et du Ministère chargé de la modernisation des secteurs publics. Le gouvernement a également pris des mesures pour relancer le Comité de coopération genre mis sur pied en juin 2007 avec des partenaires internationaux dans le but d’harmoniser les actions visant à promouvoir l’égalité des sexes. La création d’un Haut Conseil d’action en faveur des femmes est à l’étude.

Le gouvernement a mis en œuvre un certain nombre de mesures visant à compléter le plan opérationnel de la Stratégie nationale de lutte contre la violence à l’égard des femmes établie en 2004. Une ligne téléphonique dédiée et un système d’information standardisé ont été mis en place. Un projet de loi relatif à la lutte contre la violence envers les femmes et un observatoire national de la violence envers les femmes sont à l’étude. Des centres de conseil juridique et de soutien psychologique pour les femmes victimes ont été élargis. Deux cellules d’accueil consacrées aux femmes victimes de violence ont été créées aux niveaux des hôpitaux universitaires de Rabat et de Casablanca, de même que des cellules d’accueil sont en cours de mise en place au sein de tribunaux de première instance. La direction de la police judiciaire s’est dotée de « points focaux genre ». Les campagnes nationales de sensibilisation s’inscrivent dans le cadre de l’effort engagé en vue de promouvoir une culture d’égalité, de même qu’une enquête nationale sur la violence sexospécifique. Enfin, des centres de soins destinés aux femmes victimes de violences et aux personnes ayant commis des abus ont été aménagés.

Le degré d’égalité entre hommes et femmes en matière d’éducation s’est amélioré, même s’il subsiste des disparités entre régions rurales et régions urbaines. Au nombre des améliorations importantes au niveau de la législation en matière d’emploi, il convient de signaler la déclaration de politique générale sur la non-discrimination. Un plan d’action national 2006-2015 visant à lutter contre le travail des enfants a été mis en œuvre dans les 12 plus grandes villes du pays. Le gouvernement s’efforce par ailleurs de promouvoir la participation des femmes aux petites et moyennes industries. La principale évolution dans le domaine de la santé a été la mise en place de la gratuité des soins de santé pour tous.

En conclusion, le gouvernement compte se doter d’un plan d’action en vue de poursuivre sa stratégie d’intégration d’une perspective genre, continuer à lever ses réserves à la Convention et accéder au Protocole facultatif, poursuivre ses réformes législatives, adopter des mesures temporaires visant à promouvoir la participation des femmes à la vie publique et encourager une culture d’égalité au sein de la société.

Articles 1 à 6

M me Schöpp-Schilling demande à la délégation de préciser si la levée des réserves a été déposée auprès du Secrétaire général. Elle voudrait savoir à quel moment le gouvernement envisage d’amender la Constitution pour y inclure le principe d’égalité et de la suprématie de la Convention sur la législation nationale. Elle s’interroge sur le point de savoir si des mesures temporaires spéciales ont été mises en œuvre dans la pratique et si la Constitution sera modifiée en vue de permettre leur application. Il conviendrait de préciser la nature des violations des droits des femmes traitées par l’Instance équité et réconciliation et des réparations accordées aux femmes victimes.

M. Flinterman, s’exprimant au sujet du statut de la Convention par rapport à la législation nationale, souhaiterait bénéficier d’informations complémentaires quant aux conditions dans lesquelles la justice marocaine applique les dispositions de la Convention. Il serait intéressant de savoir s’il existe des lois spécifiques établissant la suprématie des accords internationaux, ou s’il est envisagé d’introduire une disposition en ce sens dans la Constitution. Il demande si le principe d’égalité figurant dans la Constitution correspond à la définition générale de la discrimination prévue dans la Convention. Il conviendrait par ailleurs de fournir un complément d’information sur l’applicabilité de la Convention au Sahara occidental.

M me Patten souhaite savoir si un délai a été fixé pour la notification au Secrétaire général de la levée des réserves. L’État faisant rapport devrait également préciser si la nouvelle version de la déclaration relative à l’article 2 de la Convention et de la déclaration interprétative se substituant à la réserve aux alinéas a) à d) et f) à h) du premier paragraphe de l’article 16 a été finalisée, de même qu’il devrait fournir davantage d’informations quant à leur teneur et à leur champ d’application. Une définition de la discrimination englobant à la fois la discrimination directe et indirecte devrait également être incorporée à la Constitution.

Elle demande si les Ministères de la justice et des affaires étrangères ont présenté au conseil du gouvernement leurs recommandations s’agissant de l’accession du Maroc au Protocole facultatif et, dans l’affirmative, à quel moment débutera le processus d’accession.

Elle aimerait savoir si le Maroc a connu des affaires faisant intervenir la suprématie des instruments internationaux sur la législation nationale, au-delà des deux décisions de la Cour suprême mentionnées en page 3 de ses réponses, et si la justice et les professions juridiques ont bénéficié d’une quelconque formation sur ce point.

Enfin, elle demande à la délégation de préciser si la Convention ou le Code du travail s’appliquent dans le cas du règlement d’un conflit du travail.

M me Shin demande où les femmes peuvent déposer plainte si les juges en régions rurales rechignent à appliquer le nouveau Code de la famille.

Elle aimerait savoir si le projet de loi sur la lutte contre la violence envers les femmes englobe toutes les formes de violences contre les femmes ou uniquement la violence conjugale et s’il érige la violence contre les femmes en crime social. Elle apprécierait également davantage d’informations concernant le contenu du projet de loi et son calendrier.

Enfin, elle souhaiterait davantage d’informations sur la composition et les travaux du Conseil consultatif des droits de l’homme.

La Présidente, s’exprimant en sa qualité de membre du Comité, demande un éclaircissement concernant l’applicabilité de la Convention et s’interroge sur la question de savoir quelle est l’entité chargée d’assurer la compatibilité entre législation intérieure et conventions internationales. Elle apprécierait par ailleurs davantage d’informations sur les efforts du Maroc pour harmoniser sa législation nationale avec les traités internationaux de protection des droits de l’homme.

Elle se félicite du niveau de coopération constaté à ce jour avec les ONG, mais elle aimerait savoir comment le gouvernement compte associer les ONG à la mise en œuvre des commentaires de conclusion du Comité. Elle souhaiterait également savoir si ces commentaires seront transmis au Parlement.

Enfin, le Comité apprécierait une contribution du Conseil consultatif des droits de l’homme la prochaine fois que le Maroc fera rapport au Comité.

M me Skalli (Maroc) demande au Comité de garder à l’esprit le fait que le gouvernement est encore très récent. C’est la raison pour laquelle certaines mesures n’ont pas été prises aussi rapidement qu’elles auraient peut-être dû l’être. En réalité, toutefois, de nombreuses réserves ont été levées. Ainsi, le fait que la loi sur la nationalité autorise désormais les femmes à transmettre leur nationalité de naissance à leurs enfants nés de père étranger montre que la réserve du Maroc à l’article 9 a été levée. Il en va de même pour d’autres réserves. Le processus a donc été engagé; il ne manque que l’approbation du conseil du gouvernement et du Conseil des ministres, ainsi que le sceau royal. Elle estime que le processus devrait être achevé au cours des quelques semaines ou mois à venir. En sa qualité de Ministre du développement social, de la famille et de la solidarité, elle entend suivre de près la situation et veiller à ce que le Secrétaire général soit informé dès qu’une décision aura été prise.

Concernant la mise en œuvre du nouveau Code de la famille dans les zones rurales, elle déclare que les préjugés sont tenaces. Par exemple, même si l’âge minimum légal du mariage a été fixé à 18 ans, nombreux sont ceux qui estiment qu’une jeune fille de 15 ou 16 ans est en âge de se marier. Afin de contourner la loi, de nombreux couples se marient lors d’une simple cérémonie religieuse; c’est uniquement lorsque la fille tombe enceinte que l’on demande au juge de valider le mariage.

M me Mezdali (Maroc) déclare que divers textes législatifs marocains, dont la loi sur la nationalité et le Code pénal, disposent clairement que les traités et les conventions internationaux priment sur la législation intérieure. Elle cite un certain nombre de décisions de la Cour suprême prises allant dans ce sens.

M me Skalli (Maroc) déclare que le rapport contient déjà une masse considérable d’informations sur l’Instance équité et réconciliation et sur ses actions, ainsi que sur la mise en œuvre d’une approche genre concernant les violations des droits de l’homme perpétrées par le passé. En fait, des auditions publiques ont eu lieu pour des victimes des deux sexes.

Les lois et mécanismes en vigueur au Maroc en matière de droits de l’homme s’appliquent de la même manière à l’échelle du pays tout entier; il n’existe aucune forme de discrimination. Au contraire, l’Initiative nationale de développement humain a été mise sur pied pour aider les régions sous-développées à accéder à des fonds pour le développement. De plus, la liberté de la presse au Maroc est telle que toute violation des droits de l’homme fait l’objet d’une large publicité.

M me Khamlichi (Maroc) déclare que, dans certains cas, l’Instance équité et réconciliation a indemnisé les victimes de violations des droits de l’homme par une décision à l’échelon régional, par exemple en mettant sur pied des programmes de développement dans leur région. Une approche sensible au genre permet de veiller à ce qu’hommes et femmes bénéficient également de ces programmes. Depuis 2007, les victimes de violations perpétrées par le passé et de violations actuelles bénéficient d’une meilleure prise en charge de leurs soins de santé. En outre, un Plan d’action national pour la promotion de la culture des droits de l’homme a été rédigé. Ce Plan d’action, qui a été rendu public en 2007 et qui est actuellement en cours de mise en œuvre, vise à sensibiliser aux droits de l’homme afin qu’ils deviennent une réalité dans le pays.

M. Bastaoui (Maroc) déclare que l’Instance équité et réconciliation a constaté que les femmes avaient été victimes par le passé de violations de leurs droits telles que la disparition forcée, la détention arbitraire et les violences sexuelles. Les indemnisations proposées par l’Instance ont pris diverses formes : dédommagement financier; réhabilitation médicale et psychologique; et réparation communautaire. Les recommandations de l’Instance ont été communiquées au Conseil consultatif des droits de l’homme, qui est chargé de leur application. Le Conseil consultatif – institution nationale fondée sur les Principes concernant le statut et le fonctionnement des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (« Principes de Paris ») – a rendu des avis consultatifs sur la protection et la promotion des droits de l’homme et des libertés fondamentales, publié des rapports annuels sur la situation des droits de l’homme au Maroc, fait paraître des recommandations sur l’harmonisation de la législation nationale et des engagements internationaux, incité le Maroc à ratifier divers instruments internationaux, étudié les violations des droits de l’homme et formulé des recommandations à cet égard. Le Conseil est un membre très actif du Comité international de coordination des institutions nationales.

L’une des recommandations de l’Instance équité et réconciliation a consisté à dire que le gouvernement devrait engager une réforme constitutionnelle et institutionnelle afin d’introduire dans la Constitution des mécanismes de sauvegarde des droits de l’homme. Le Conseil consultatif a donc créé un comité tripartite composé de représentants du gouvernement et de la société civile, ainsi que d’experts, qu’il a chargé de se pencher sur la question.

M me Skalli (Maroc) déclare que tous les organismes marocains de protection des droits de l’homme sont dirigés par d’anciennes victimes de violations des droits de l’homme. L’ancien président de l’Instance équité et réconciliation et l’actuel président du Conseil consultatif des droits de l’hommes sont tous deux d’anciens détenus politiques. De plus, la plupart des membres du Conseil consultatif sont bien connus pour leur adhésion à la cause des droits de l’homme. Enfin, le Conseil consultatif des droits de l’homme compte neuf femmes.

M me Gaspard fait remarquer que le Maroc n’a plus de ministère spécifiquement chargé des droits de la femme, mais plutôt un Ministère du développement social, de la famille et de la solidarité. Elle serait intéressée à connaître la part des ressources du Ministère affectées à la promotion de l’égalité et à la coordination avec d’autres ministères, en particulier au vu de son portefeuille considérable.

Au sujet de la déclaration faite par la délégation selon laquelle le rapport a été soumis au Parlement au début de ce mois, elle indique que le gouvernement n’est pas tenu de consulter le parlement. Il devrait néanmoins transmettre les commentaires de conclusion du Comité au Parlement, étant donné qu’ils appellent souvent des modifications législatives.

M me Chutikul se félicite de l’engagement pris par le Maroc de mettre en œuvre un budget sensible au genre, mais elle souhaiterait connaître le montant du budget consacré à l’égalité des sexes en pourcentage du budget national total.

Elle aimerait par ailleurs obtenir davantage d’informations sur la question des indicateurs sensibles au genre, en particulier ceux élaborés par l’Agence pour le développement social (ADS).

Compte tenu de l’intégration d’une perspective genre au sein de deux ministères, elle souhaiterait savoir si les points focaux genre sont encore opérationnels. Elle sollicite par ailleurs un complément d’information sur la Stratégie nationale pour l’équité et l’égalité.

Enfin, elle aimerait en savoir davantage sur le Centre marocain d’information, de documentation et des études sur la femme (CMIDEF) et sur le Haut Conseil pour les femmes.

M me Dairiam a relevé dans le rapport que, si la pauvreté générale a reculé, celle des femmes n’a pas diminué au même rythme; en fait, les femmes sont toujours plus exposées à la pauvreté, à la vulnérabilité et à l’exclusion sociale que les hommes. Elle demande s’il existe des mesures spécifiques visant les femmes pauvres et des exemples concrets de l’introduction dans ce domaine d’une approche genre.

Le paragraphe 66 du rapport décrit la démarche globale et participative de l’Initiative nationale pour le développement humain (INDH); mais au vu du paragraphe 63 du rapport, la multiplicité des intervenants est l’une des entraves à l’efficacité des politiques publiques. Mme Dairiam aimerait savoir ce que fait le gouvernement pour veiller à ce que les femmes soient représentées dans le processus de décision lié à l’INDH. La délégation pourrait-elle par ailleurs préciser la nature de la relation existant entre l’INDH et la Stratégie nationale pour l’égalité des sexes et la justice et expliquer quelle institution est chargée de veiller à ce que les femmes contribuent à et bénéficient de l’Initiative nationale pour le développement humain? Elle s’interroge enfin sur la question de savoir si le Ministère du développement social, de la famille et de la solidarité dispose de l’autorité et des moyens nécessaires pour introduire une perspective genre.

Il serait intéressant de savoir quelle entité est responsable du contenu du rapport et de la mise en application des commentaires de conclusion du Comité, afin de veiller à ce qu’ils s’imposent à tous les secteurs.

M me Neubauer déclare qu’une référence aux femmes ou à l’égalité des sexes dans l’intitulé du Ministère pourrait aider les femmes à reconnaître la principale structure gouvernementale responsable de la promotion de leurs droits. Elle aimerait savoir combien d’agents du ministère sont des experts en matière d’égalité entre hommes et femmes et de protection des droits de la femme et ont des responsabilités dans ce domaine, notamment eu égard à la Convention. Il serait également intéressant de savoir comment le Ministère remplit son rôle de coordination et si des points focaux existent au niveau régional et local ou uniquement au niveau national et ministériel.

M me Gabr demande comment le gouvernement compte s’attaquer à la difficile tâche consister à lutter contre les stéréotypes qui empêchent une mise en œuvre effective de la nouvelle législation pour l’avancement des femmes. Elle demande aussi quelles mesures ont été prises pour sensibiliser à l’éducation et aux médias et s’il existe un quelconque plan global de lutte contre les stéréotypes. Il faudrait également des formations, non seulement pour les juges, mais aussi pour les avocats, les personnels des organismes chargés de l’application de la loi et les parlementaires. Il est très important de renforcer l’image des femmes en tant que décideurs responsables au sein de la famille comme dans la société civile.

M me Pimentel s’interroge sur les efforts déployés en vue de lutter contre les dispositions discriminatoires encore en vigueur, telles que l’article 418 du Code pénal, qui concerne les crimes d’honneur. Elle aimerait savoir si les lois existantes bannissent expressément la violence conjugale, s’il existe une quelconque jurisprudence nationale sur le sujet, en particulier s’agissant du viol et autres formes de violence sexuelle, et comment la question du consentement est traitée. Elle demande également si des mesures juridiques ou éducatives quelconques ont été prises pour combattre la pratique courante consistant à contraindre la victime d’un viol à épouser son violeur.

Il serait également intéressant de connaître l’état d’avancement du nouveau projet de loi visant à combattre la violence envers les femmes et de savoir s’il érige en infraction la violence au sein de la famille, notamment le viol conjugal. Elle demande également si des résultats ont été enregistrés eu égard à l’amélioration de l’image des femmes dans les médias.

M me Ara Begum fait remarquer que les chiffres relatifs aux crimes avec violence physique et sexuelle semblent progresser de manière alarmante. Elle demande à connaître les plans du gouvernement en vue d’abroger les dernières lois discriminatoires, ainsi que les mesures prises pour offrir refuge et soutien aux femmes battues.

M me Chutikul demande une explication des chiffres très élevés concernant le nombre de cas de trafic et le nombre de personnes arrêtées pour trafic en 2005. Elle demande comment est définie la notion de trafic, de quelle manière les affaires sont classées et si les termes de « prostitution » et de « trafic » sont utilisés de manière interchangeable. Si le Maroc n’a pas encore ratifié le Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (« Protocole de Palerme »), elle souhaiterait savoir si le pays envisage de le faire, et si le Maroc compte se doter d’une législation quelconque sur la traite des personnes. En tant que pays d’origine, de transit et de destination de la traite, le Maroc pourrait bénéficier des principes et directives du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme concernant les droits de l’homme et la traite des êtres humains en tant que document de travail à cette fin. Elle demande si des dispositions existent déjà visant à incriminer les trafiquants, en particulier tout responsable gouvernemental impliqué.

La Présidente, s’exprimant en sa qualité de membre du Comité, demande un complément d’informations sur la manière dont le gouvernement entend procéder pour l’adoption de la nouvelle loi sur la lutte contre la violence envers les femmes et s’il envisage d’utiliser à cet égard les orientations formulées par le Comité dans la Recommandation générale no 19. Alors que les pays commencent à assimiler la violence conjugale à une violation des droits de l’homme, la question n’est plus taboue désormais, et le nombre de cas signalés augmente souvent. Il est donc très important de disposer de statistiques claires. Elle demande s’il existe des chiffres quelconques sur le nombre de femmes assassinées par leur mari, leur ex-mari ou un proche lors d’un crime d’honneur. De telles données pourraient servir à analyser la situation et voir quelles mesures et services sont nécessaires.

M me Skalli (Maroc) déclare que le Ministère du développement social, de la famille et de la solidarité est l’instance chargée de promouvoir les droits des femmes. Il a été précédé du Secrétariat d’État chargé de la famille, de l’enfance et des personnes handicapées, mais les deux entités ont été regroupées au sein d’un seul et unique ministère. Cette fusion résulte d’une vision nouvelle du développement social qui a placé les femmes, les enfants, les personnes handicapées et les personnes âgées au centre du développement social et des efforts pour parvenir à une plus grande égalité entre hommes et femmes. Il existe par ailleurs deux autres organismes publics, l’Entraide nationale et l’Agence pour le développement social, qui ont suivi les lignes directrices du Ministère dans leurs activités pour mettre en œuvre l’égalité des sexes et combattre la pauvreté.

L’Initiative nationale de développement humain est complémentaire des actions sectorielles du gouvernement. Le développement social est un objectif transversal, faisant intervenir de nombreux autres ministères, et le Ministère du développement social, de la famille et de la solidarité est le coordonnateur de la politique sociale. L’Initiative inclut une perspective genre, donnant la priorité aux actions menées au sein des communes où les taux de pauvreté sont supérieurs à la moyenne nationale. C’est la population féminine qui bénéficie le plus de ses activités génératrices de revenus.

M me Benyahya (Maroc) déclare que la Convention a constitué une référence décisive pour l’élaboration de la Stratégie nationale pour l’équité et l’égalité entre les sexes, qui a été soumise au Comité. La première mouture, ratifiée au terme de dix-huit mois de préparation, a reçu le soutien de toutes les parties concernées, dont les représentants de la société civile et les associations de femmes. La version définitive du texte a été diffusée à l’échelle de toutes les institutions publiques et a été utilisée pour soutenir des stratégies effectives de promotion d’une approche sensible au genre. Les centres de coordination de toutes les institutions gouvernementales et à l’échelle du pays jouent un rôle essentiel dans la conception de plans d’action axés sur des thèmes précis. L’éducation civique est un facteur clé de l’évolution des mentalités et de la sensibilisation; les enseignantes ont été formées à l’importance des droits de l’homme.

M. Snoussi (Maroc) déclare que le budget affecté au Ministère du développement social, de la famille et de la solidarité pour la promotion nationale des droits des femmes a été de 395,96 millions de dirhams en 2007 et de 460,678 millions de dirhams en 2008, soit environ 0,3 %du budget de l’État, en progression de plus de 16 %.

M me Jalal (Maroc) déclare que la budgétisation sensible au genre ne suppose pas nécessairement un budget séparé pour les questions relatives aux hommes et aux femmes, mais introduit un nouveau concept de budgétisation qui vise à prendre en compte les différences de besoins entre hommes et femmes, garçons et filles, en régions rurales et urbaines, afin de concevoir une politique en matière de dépense publique qui favorise égalité et équité.

Le Maroc a introduit un projet de budgétisation sensible au genre (BSG), en 2002 dans le cadre d’une réforme budgétaire visant à introduire un processus d’adoption d’un mode de budgétisation axé sur les résultats. Des engagements ont été pris en vue de parvenir à des résultats concrets grâce à une coordination entre tous les départements. L’objectif consiste à réduire la pression qui pèse sur l’emploi du temps des femmes pour leur permettre de jouir de leurs droits économiques, politiques et humains.

Depuis 2005, un total de 17 ministères accompagnent leur budget d’un rapport genre. Ce document, disponible en arabe, en français et en anglais, contient une analyse genre de la dépense publique, sur la base surtout d’indicateurs de performance. Des incidences positives sur l’éducation ont été enregistrées, avec une baisse du taux d’illettrisme et un recul des disparités connexes entre hommes et femmes. Deux millions d’adultes, dont 80 %de femmes, ont bénéficié des efforts d’alphabétisation engagés entre 2002 et 2006. L’accès à l’eau potable a été étendu à 92 %de la population, ce qui a contribué à réduire la pression sur les femmes et les fillettes, généralement chargées de porter l’eau. L’électricité, qui a éliminé la nécessité de ramasser du bois, bénéficie désormais à 84 %de la population rurale (l’accès en régions urbaines est déjà de 99 pour cent), et la couverture devrait être totale d’ici la fin 2008. Le réseau routier, synonyme d’accès aux marchés et à l’éducation, à la santé et à d’autres services, a également été étendu. Le niveau de couverture qui était en 2003 de 49 %a été porté à 61,5 %en 2007. Le budget sensible au genre est un nouveau moyen de considérer la dépense publique de manière globale.

M. Bouazza (Maroc) fait observer que l’indicateur de pauvreté s’est amélioré, passant de 14,2 %en 2004 à 11,7 %en juillet 2007 et que l’Initiative nationale pour le développement humain a profité aux femmes à de nombreux égards. Bien que le nombre de femmes participant à la gestion de l’Initiative aux niveaux national, régional, provincial et local reste limité, la volonté politique de renforcer ce taux de participation est importante. La dimension genre, principe majeur de l’Initiative, a été prise en compte dans toutes les activités et dans la sélection des projets. L’Initiative comprend un programme de lutte contre la pauvreté en zones rurales, un programme de lutte contre l’exclusion en zones urbaines, un programme de lutte contre l’insécurité et un programme transversal.

L’ensemble des programmes de formation de l’Initiative comporte un module important sur la perspective genre; les efforts de lutte contre la pauvreté sont axés sur le développement des débouchés, y compris pour les petites entreprises et par le microcrédit. Plus de 70 %des bénéficiaires de microcrédit sont des femmes, et quatre des 13 institutions marocaines de microcrédit ont récemment figuré parmi les 50 meilleures institutions d’un classement international. Le Ministère s’apprête à lancer une stratégie nationale contre la pauvreté, qui inclura une perspective genre.

M me Skalli (Maroc) déclare que la dégradation des chiffres concernant la violence envers les femmes reflète d’une amélioration des mécanismes de signalement plutôt qu’une réelle progression de l’incidence de la violence.

M me Tahiri (Maroc) déclare que la Stratégie nationale de lutte contre la violence à l’égard des femmes se traduit par plusieurs actions, dont le recueil de statistiques; le projet de loi soumis en octobre 2006 en vue d’amender le Code pénal, qui prend en compte les recommandations du Comité et la déclaration sur la violence envers les femmes; l’ouverture d’un service national d’accueil téléphonique pour les femmes et adolescentes victimes de violences; et des centres d’orientation tenus par des ONG, qui ont indiqué que 80 %des femmes ayant consulté sont victimes de violence conjugale. La future enquête nationale sur la violence fait partie du Plan d’action 2008-2009; au cours de cette période, les services d’aide aux victimes seront également étendus au Ministère de la justice, au Ministère de la santé et au sein de la police. D’autres initiatives incluent la mise en place d’un observatoire chargé d’évaluer l’ensemble des efforts publics et non gouvernementaux, le développement de la coopération et les mécanismes de recueil de données.

M. Zirari (Maroc) déclare que la violence envers les femmes est d’abord et avant tout une question de santé, ayant une incidence sur le bien-être psychologique de la victime. La Stratégie nationale prévoit non seulement l’ouverture de centres où les femmes pourront trouver conseils et orientations, mais aussi de 16 cliniques au sein de centres de santé régionaux. Le but est d’intégrer la prise en charge de la violence contre les femmes une partie intégrante du système de soins de santé primaires afin que ceux-ci soient disponibles à l’échelle du pays tout entier; il faut également que les victimes se voient délivrer un certificat médial qu’elles puissent utilisent lorsqu’elles porteront leur affaire devant la justice.

M me Mezdali (Maroc) explique que le Code pénal couvre toutes les infractions à caractère sexuel et prévoit des sanctions pour les contrevenants. Toutefois, le Code ne mentionne pas le viol conjugal dans la mesure où il existe une certaine controverse sur la question de savoir s’il s’agit ou non d’un crime; le mariage est une relation légale qui donne lieu à un devoir conjugal.

L’aide juridictionnelle existe pour les victimes, qui reçoivent un guide des services disponibles. Les décisions de justice sont alors publiées dans les médias et incluses dans la formation dispensée aux juges. Un document recensant toutes les dispositions pertinentes de la législation nationale a également été publié. La stratégie nationale prévoit une coopération entre les organes nationaux d’une part, et entre organes nationaux et internationaux, d’autre part, dans la lutte contre la violence envers les femmes.

M me Skalli (Maroc) déclare que la Charte nationale pour l’amélioration de l’image de la femme dans les médias incarne la stratégie du gouvernement pour lutter contre les stéréotypes sexistes. Le Ministère des habous et des affaires islamiques a mené des campagnes nationales de lutte contre la violence envers les femmes et dans les mosquées, de même que le clergé a diffusé une image positive de la femme et insisté sur le fait qu’elles ont la possibilité de faire valoir leurs droits.

M. Ouassara (Maroc) déclare que chacun des conseils supérieurs d’oulémas, jadis réservés aux hommes, comprennent désormais un certain nombre de théologiennes qui s’occupent des questions de femmes; le conseil des fatwas compte aussi des femmes. Depuis 2003, le Ministère a préparé des guides à l’intention des femmes musulmanes qu’il a fait distribuer dans les mosquées.

M me Skalli (Maroc) déclare que le rapport actuel a déjà été soumis aux deux chambres du Parlement et qu’elle entend transmettre les commentaires de conclusion du comité, qui constituent une perspective extérieure des plus utiles, au conseil du gouvernement et au parlement dès son retour. Aucun effort ne sera ménagé pour que les activités futures visant à promouvoir l’égalité des sexes soient le fruit d’un consensus entre les ministères et les organismes de la société civile concernés.

Articles 7 à 9

M me Gaspard déclare que la situation au Maroc s’agissant du nombre de femmes occupant des postes de décision est tout simplement inacceptable; le premier paragraphe de l’article 4 de la Convention prévoit l’adoption de mesures temporaires spéciales afin d’accélérer l’égalité entre les sexes. Dans ses réponses à la liste de questions, le gouvernement a déclaré que, en 2002, les partis politiques s’étaient engagés à réserver 30 sièges sur une liste nationale exclusivement aux femmes afin que 30 femmes puissent entrer à la Chambre des représentants lors des élections de 2002. Elle se demande si cette initiative a porté ses fruits lors des élections de 2007 et si l’une quelconque des commissions parlementaires est actuellement présidée par une femme. Il est également important pour les femmes d’être représentées au niveau municipal; en Inde, par exemple, un quota de 30 %de femmes au sein des conseils municipaux a été instauré depuis longtemps, qui a conduit à des réformes dans des domaines qui auraient par ailleurs été négligés, tels que l’accès à l’eau, autrement portée par les femmes et, de ce fait, de peu d’intérêt pour les hommes.

Elle espère que le prochain rapport comportera un tableau montrant les progrès eu égard au nombre de femmes au sein du système judiciaire et autres organes décisionnaires. Enfin, 20 %des membres du Conseil consultatif des droits de l’homme (CCDH) sont des femmes; le Conseil devrait compter autant d’hommes que de femmes.

M me Neubauer déclare espérer que des mesures temporaires spéciales visant à accélérer l’égalité entre les sexes, surtout s’agissant des postes de décision, figureront dans les prochains plans d’action nationaux du Maroc. Elle demande quelles mesures spécifiques ont été prises pour donner suite à la déclaration par laquelle le gouvernement s’est engagé à promouvoir l’accès des femmes aux institutions élues et aux postes de décision par la discrimination positive.

Dans ses réponses à la liste de questions, le gouvernement a déclaré que la participation des femmes aux prochaines élections de 2009 serait renforcée par des mesures législatives et réglementaires qui restent à formuler; le temps passe, et elle se demande ce qui est fait pour augmenter le nombre de femmes, à la fois dans les postes élus et désignés, y compris dans le service diplomatique.

M. Flinterman félicite le gouvernement sur la levée de sa réserve au paragraphe 2 de l’article 9 de la Convention, incompatible avec deux articles du Code de la nationalité : l’article 10 rend l’acquisition de la nationalité marocaine plus difficile pour les maris étrangers de femmes marocaines que pour les femmes étrangères de maris marocains, alors que l’article 19 donne à penser que les Marocaines pourraient perdre leur nationalité si elles se marient dans certaines conditions. La délégation déclare que les instruments internationaux dûment ratifiés priment sur le droit national; M. Flinterman demande si les femmes seront désormais en mesure d’invoquer la Convention devant les tribunaux pour contourner les dispositions discriminatoires du Code.

M me Belmihoub-Zerdani déclare que, si elle se félicite de ce que les maris étrangers puissent désormais acquérir la nationalité de leur épouse marocaine, elle croit savoir qu’ils avaient déjà cette possibilité en vertu du Code de la nationalité de 1958 et que la discrimination consacrée par l’article 10 du nouveau Code ne figurait pas dans le précédent.

Aux termes de l’article 6 du nouveau Code, une Marocaine, qu’elle réside au Maroc ou à l’étranger, peut transmettre sa nationalité à tous ses enfants, y compris à ceux nés avant le mois d’avril 2007, date à laquelle le Code est entré en vigueur. Elle se demande

toutefois si les enfants d’une Marocaine ayant perdu sa nationalité par mariage dans les circonstances évoquées à l’article 19 du Code perdent leur droit de prétendre à la citoyenneté marocaine.

M me Skalli (Maroc) déclare qu’elle était députée pendant l’élaboration du Code de la nationalité et qu’elle en connaît les dispositions. L’article 19 donne aux femmes la possibilité de renoncer à leur nationalité marocaine au moment du mariage avec un étranger, mais elles ne sont en rien tenues de le faire; ainsi, cette disposition pourrait être interprétée comme conférant aux femmes un droit que les hommes n’ont pas.

Pendant le processus d’élaboration du Code, elle avait proposé que l’article 10 donne aux Marocains et aux Marocaines le droit de transmettre leur nationalité à leur conjoint étranger dans les mêmes conditions; dans sa forme actuelle, l’article constitue néanmoins une amélioration par rapport au Code de la nationalité précédent. Il convient de noter que le nouveau Code rend plus difficile pour les conjoints étrangers, hommes ou femmes, l’acquisition de la nationalité marocaine; la période d’attente a été portée à cinq ans, dans le droit fil d’une tendance mondiale visant à resserrer les obligations en matière d’acquisition de la citoyenneté.

Malheureusement, le gouvernement a semblé s’en remettre plutôt aux partis politiques pour faire figurer des femmes sur leurs listes de candidats au lieu de les y obliger à le faire par la loi. Les 30 sièges réservés à des femmes ont fait l’objet d’une âpre concurrence lors des élections de 2002 et, de ce fait, les femmes élues représentent l’élite de chaque parti politique. Dans la mesure où les autorités nationales et les organisations non gouvernementales (ONG) ont activement poursuivi leurs campagnes de sensibilisation au cours des cinq années qui ont suivi, on avait espéré que les élections de 2007 se traduiraient par une nouvelle augmentation du nombre de femmes élues; toutefois, tel n’a pas été le cas. Le gouvernement a désormais pris conscience du fait que sans mesures de discrimination positive, il n’y aura pas de progrès dans de domaine. Le Code électoral est en cours d’examen, et des efforts seront déployés en vue d’introduire des mesures de discrimination positive visant à augmenter le nombre de femmes élues à l’occasion des élections municipales de 2009;

La séance est levée à 13 h 5.