Trente-quatrième session

Compte rendu analytique de la 718e séance

Tenue au Siège, à New York, le mardi 31 janvier 2006, à 15 heures

Présidente:Mme Belmihoub-Zerdani (Vice-Présidente)

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Deuxième, troisième, quatrième et cinquième rapports périodiques combinés du Mali (suite)

En l’absence de M me  Manalo, M me  Belhimoub-Zerdani, Vice-Présidente, assume la présidence.

La séance est ouverte à 15 h 5.

Examen des rapports présentés par les États partiesconformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Deuxième, troisième, quatrième et cinquièmerapports périodiques combinés du Mali (suite) (CEDAW/C/MLI/2 à 5 et CEDAW/C/MLI/Q/2 à 5 et Add.1)

Articles 10 à 14 (suite)

M me  Dairiam dit que le rapport signale qu’il existe de nombreux programmes destinés à résoudre les problèmes de santé des femmes et décrit franchement les nombreuses difficultés existant à cet égard. Toutefois, il faut des détails supplémentaires concernant l’exécution pratique de ces programmes. L’oratrice se demande si l’État partie reconnaît qu’il est nécessaire de promouvoir une approche coopérative et coordonnée de la part des ministères du Gouvernement. Par exemple, le Gouvernement a déployé de gros efforts pour développer des programmes de promotion de la contraception et des soins prénataux et postnataux, mais seulement 8 % des femmes tirent parti des services de planification familiale et très peu d’entre elles des services postnataux. Malgré la disponibilité de services de planification familiale, l’avortement demeure fréquent. Il serait intéressant de savoir si l’on entend développer le profil d’une femme moyenne qui a recours à l’avortement et si elle est au courant des autres options. Le programme décennal de développement sociosanitaire n’est pas parvenu, comme on l’espérait, à réduire la mortalité maternelle, par exemple en renvoyant les femmes plus fréquemment à du personnel médical qualifié en cas d’urgence obstétrique. De même, malgré les efforts réels du Gouvernement, y compris la publication d’une circulaire du Ministère de la santé à l’intention du personnel sanitaire qui souligne que l’excision est interdite, la fréquence de cette pratique est demeurée plus ou moins inchangée. Il faut évaluer tous ces programmes afin d’identifier les raisons pour lesquelles ils n’atteignent pas les objectifs escomptés.

M me  Patten dit que, malgré les efforts du Gouvernement destinés à mettre fin à la discrimination à l’égard des femmes sur le marché du travail, y compris les garanties constitutionnelles et législatives et l’accession à des instruments internationaux, la situation des femmes en matière d’emploi demeure décourageante. Elle regrette l’absence de données qui rend difficile l’évaluation du succès des efforts du Gouvernement; par exemple, elle se demande s’il est encore possible d’incorporer les suggestions du Comité au plan d’action du Gouvernement. En outre, il paraît qu’il n’existe pas de politique manifeste destinée à incorporer une « dimension femmes » dans tous les politiques et programmes en matière d’emploi.

On s’est efforcé de soutenir les femmes dans le secteur non structuré, y compris celles qui exercent une activité indépendante, et à faciliter l’accès des femmes au crédit et à la propriété foncière. L’oratrice se demande s’il existe un mécanisme de surveillance qui garantit que les femmes ne doivent pas verser des intérêts ou fournir des gages. Elle se demande également si les femmes entrepreneurs ont un accès garanti aux marchés et s’il existe des politiques officielles destinées à aider ces dernières dans leur transition de l’économie non structurée à l’économie structurée.

L’oratrice apprécierait un supplément d’information concernant la raison d’être de l’ordonnance 92-024/CSTP qui réduit la fiscalité pour les travailleuses en fonction du nombre de leurs enfants et verse une prime de 10 % aux femmes ayant trois enfants vivants au moment de leur démission. Des informations sur les mesures destinées à promouvoir l’égalité des chances en matière d’emploi seraient également les bienvenues. L’oratrice souligne que l’État a une obligation à cet égard et le devoir de combattre les préjugés qui relèguent les femmes aux postes du bas de l’échelle, et de garantir un salaire égal pour un travail égal, conformément aux normes internationales.

Il faut revoir la structure salariale dans les métiers à prédominance féminine et mettre fin à la ségrégation en matière d’emploi en faisant avancer les femmes à des travaux qualifiés et aux postes d’encadrement et en leur garantissant l’accès à des métiers non traditionnels et à la possibilité de développer leurs qualifications et d’avancer quand elles sont employées dans la fonction publique. Il faudrait également fournir des données concernant l’incidence du harcèlement sexuel au lieu de travail et concernant toute loi destinée à combattre ce problème, y compris les mécanismes chargés de l’application des dispositions existantes en la matière. Enfin, l’oratrice dit que les enfants et les femmes handicapés devraient bénéficier de possibilités spéciales en matière d’éducation et d’emploi.

M me  Diallo Sene (Mali) dit qu’on a fait de gros efforts pour accroître le taux de scolarisation des filles, qui est passé de 19 à 60 % pendant les 10 dernières années. Les filles qui ont abandonné l’école ou ne l’ont jamais fréquentée ont également eu la possibilité de recevoir une instruction grâce au centre pour l’éducation à l’appui du développement.

M me  Soumano (Mali) dit que son gouvernement est tout à fait conscient de l’importance qu’il y a à promouvoir l’éducation générale et l’éducation des filles en particulier. La première phase du programme d’éducation décennal (PRODEC), commencé en 2001, prendra fin en 2006, et la deuxième phase en est au stade de la planification. Le programme est financé partiellement par le Gouvernement, qui contribue 30 %, et partiellement par des partenaires internationaux, qui contribuent 70 %. Les objectifs du programme ont été réexaminés eu égard de l’initiative « Éducation pour tous » de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) et des objectifs du Millénaire pour le développement en vue de parvenir à l’éducation universelle et à l’égalité des hommes et des femmes dans ce domaine d’ici à 2015.

On a adopté un plan d’action destiné à porter le taux de scolarisation des filles à 80 % au niveau primaire et à 50 % au niveau secondaire. Pendant la première phase, en mettra l’accent sur l’éducation primaire en accordant une attention spéciale à l’amélioration de l’éducation des filles. On s’emploiera également à accroître le taux de participation des filles au niveau secondaire et aux études supérieures. Le Gouvernement veillera à ce que tous les enfants reçoivent neuf années d’instruction primaire et fondamentale. Le nombre d’écoles augmente chaque année et il existe actuellement quelque 15 000 écoles dispensant un enseignement de base. Les écoles, et les écoles rurales en particulier, sont aidées à améliorer leurs programmes, une attention particulière étant accordée aux filles. En outre, 210 écoles recevront chacune 1,5 million de francs CFA provenant de fonds alloués par la Banque africaine de développement à des projets gérés par les conseils scolaires, dont certains pourraient avoir pour but de réduire le taux d’abandon des filles en offrant des cours de rattrapage et des cours complémentaires. Il existe également des projets destinés à promouvoir la scolarisation et l’alphabétisation, en particulier pour des filles et des femmes provenant de régions défavorisées comme le nord du pays.

La réussite des filles est affectée non seulement par leurs obligations ménagères, mais également par la faible attente des enseignants à leur égard; on est donc en train de sensibiliser les enseignants à la nécessité d’être aussi exigeants à l’égard des filles qu’à l’égard des garçons. Tant les garçons que les filles sont éligibles pour des bourses leur permettant de poursuivre des études secondaires et supérieures dans le pays ou à l’étranger. Les bourses sont accordées sur la base d’un système de points et les filles reçoivent automatiquement un des cinq points nécessaires pour obtenir une bourse. Un pourcentage élevé des boursières de l’enseignement secondaire obtient un diplôme. Le taux d’abandon des filles est également influencé, entre autres, par des facteurs comme la condition de la femme, le mariage précoce, la distance à parcourir pour aller à l’école et la répugnance des parents à permettre aux filles de se rendre à l’école non accompagnées.

Pour surmonter les problèmes posés par les stéréotypes sexistes, on révisera les livres scolaires de l’enseignement primaire en vue d’éliminer les stéréotypes quant au rôle des femmes, et on est en train d’élaborer un nouveau programme d’études pour mettre en relief la contribution potentielle des femmes. On mettra également à la disposition des écoles primaires et secondaires du matériel didactique pour aider les enseignants à éduquer les enfants en ce qui concerne le problème de l’égalité entre les sexes.

M me  Diallo Sene (Mali), répondant à la question concernant l’évaluation des initiatives en matière de santé, dit que dans le cas du programme VIH/sida, on n’a pas encore procédé à une évaluation puisqu’il existe seulement depuis une année.

Le docteur Samake (Mali) dit que les statistiques sanitaires présentées dans le rapport sont dérivées de l’enquête sur la population et la santé de 2002 et ne reflètent pas exactement la situation actuelle. Des progrès importants ont été accomplis pour plusieurs indicateurs, et la plupart des objectifs fixés dans le cadre de la stratégie de lutte contre la pauvreté ont été atteints ou dépassés. Par exemple, le taux de couverture des soins prénataux a atteint 71 %, nettement supérieur à l’objectif de 57 %. Une nouvelle enquête sur la population et la santé est en cours d’exécution et des chiffres à jour sur la situation sanitaire des femmes devraient être disponibles pendant le deuxième trimestre de 2006.

Passant à la question concernant le faible taux d’utilisation des services et la lenteur des progrès accomplis quant à l’amélioration de la situation sanitaire des femmes, l’orateur signale que le Gouvernement s’efforce toujours d’accroître la couverture des services de santé, mais au-delà d’un certain point, les fonds affectés aux services de santé ne produisent plus de résultats significatifs. La raison, c’est que de nombreux problèmes de santé ne sont pas vraiment des problèmes médicaux; ils tiennent plutôt aux comportements et aux pratiques des familles et des communautés. Le deuxième programme national de développement sociosanitaire, PRODESS 2, met donc l’accent sur des interventions en matière de promotion de la santé qui ciblent les familles et les communautés.

Le Mali adopte effectivement une approche multisectorielle aux problèmes sanitaires des femmes, précisément parce que le Gouvernement reconnaît que la santé subit l’influence de facteurs extérieurs au secteur de santé. Le cadre stratégique de lutte contre la pauvreté prévoit des actions coordonnées de tous les secteurs pour améliorer les conditions de vie, en particulier des groupes les plus vulnérables de la population, ce qui ne manquera pas d’améliorer la situation sanitaire. Le Gouvernement encourage également des mesures multisectorielles pour combattre le VIH/sida, conformément aux « Trois Principes » gouvernant la coordination de la réponse nationale à l’épidémie. Tous les départements ministériels au Mali disposent désormais de plans sectoriels gouvernant la lutte contre la maladie.

Il est vrai qu’au Mali, le taux d’infection par le VIH est plus élevé chez les femmes que chez les hommes. L’orateur ignore si le Mali diffère sensiblement des autres pays à cet égard, mais il sait que des études ont montré une tendance mondiale à la féminisation de cette infection. L’introduction du dépistage volontaire gratuit, la distribution gratuite de médicaments antirétroviraux et des soins gratuits pour les femmes séropositives, destinés à prévenir la transmission de la mère à l’enfant, devraient améliorer la situation des femmes à cet égard.

S’agissant de la planification familiale, le taux de prévalence réelle de la contraception est sans doute supérieur aux chiffres figurant dans le rapport, car ce dernier ne tient pas compte des services de planification familiale fournis par le secteur privé ou de l’achat de contraceptifs dans des pharmacies privées. Néanmoins, le Ministère de la santé vient de lancer une campagne destinée encourager l’utilisation des services de planification familiale, car il reconnaît qu’une meilleure planification familiale aiderait à réduire la mortalité maternelle. La gratuité de la césarienne fera également une énorme contribution à la réduction de la mortalité maternelle, car elle éliminera l’un des principaux obstacles qui ont empêché les femmes à obtenir des soins, à savoir leur incapacité à payer pour les services médicaux.

M me  Kante Toure (Mali) dit que la surveillance a été la conséquence automatique de la lettre circulaire interdisant formellement au personnel médical travaillant dans les établissements sanitaires de pratiquer l’excision.

S’agissant de la planification familiale, une autre raison qui peut expliquer la faible demande est l’éventail limité des produits disponibles sur le marché. Le coût ne constitue pas normalement une contrainte, puisque la plupart des produits sont vendus à des prix subventionnés dans le cadre de programmes de commercialisation sociale, mais les Maliennes n’ont que peu de choix en matière de méthodes de contraception.

M me  Diallo Sene (Mali), répondant aux questions concernant l’emploi et l’accès des femmes au crédit, dit qu’il n’existe aucune discrimination juridique à l’égard des femmes en matière d’emploi. Conformément à la législation, les femmes et les hommes réunissant les mêmes qualifications ont accès aux mêmes emplois. Toutefois, dans la pratique, les femmes souffrent de discrimination, ce qui tient souvent aux stéréotypes concernant le rôle des sexes. Par exemple, les femmes qui reprennent le travail après la maternité sont peut-être défavorisées par rapport aux hommes lorsqu’elles briguent un poste ou de l’avancement.

S’agissant du système financier décentralisé, on peut citer l’exemple d’un fonds du Ministère de promotion de la femme, de l’enfant et de la famille géré au niveau des régions. Le fonds fournit des crédits aux femmes en vue de la création d’activités génératrices de revenus à petite échelle.

M me  Diarra Samoura (Mali) dit que l’on a déployé de gros efforts pour décentraliser le crédit et le rendre accessible aux Maliennes au niveau des villages à des conditions plus favorables que celles offertes par le système bancaire traditionnel. En plus du fonds mentionné par l’oratrice précédente, il existe des mutuelles de crédit de village dans toutes les régions du pays. Les femmes peuvent également obtenir du crédit par le biais des différentes initiatives de développement rural en cours, qui tous ont une composante ciblant les femmes. À titre d’exemple, on fournit du crédit et de l’équipement dans le cadre d’un projet négocié par le Ministère de la promotion de la femme, de l’enfant et de la famille et financé par la Banque africaine de développement, qui vise à alléger la charge de travail des femmes rurales.

Les prêts ne sont pas gratuits, mais les taux perçus dans le cadre du système financier décentralisé sont sensiblement inférieurs à ceux des banques commerciales traditionnelles. Les femmes ne sont généralement pas obligées à donner des gages ou des garanties financières; le crédit est accordé sur la base d’un cautionnement commun. S’agissant du service des prêts, un manuel définit les procédures gouvernant l’octroi et le contrôle du crédit. Le personnel des bureaux décentralisés du Ministère de la promotion de la femme, de l’enfant et de la famille a procédé à des évaluations pour déterminer l’incidence du crédit sur la vie des femmes.

En ce qui concerne l’accès des femmes rurales à la terre, comme le signale le rapport, les femmes et les hommes ont le même accès aux terres gérées par le Gouvernement, et un projet de loi agricole en cours d’examen leur facilitera plus avant l’accès à ces terres. Le problème affronté par les femmes à cet égard n’est pas un problème d’accès, mais de conservation. Pour conserver leurs terres, les femmes sont obligées à payer des redevances et manquent souvent des fonds nécessaires à cet égard. Par conséquent, le problème réel consiste à garantir que les femmes aient une source de revenus stable de manière à ne pas perdre leur terre.

S’agissant de l’appui au microcrédit, le Gouvernement a offert une formation, à la fois technique et en matière de gestion, aux femmes microentrepreneurs. En outre, les productrices forment de plus en plus souvent des réseaux locaux d’entraide mutuelle afin de s’aider les unes les autres. La Fédération nationale des femmes rurales constitue une autre source de soutien.

Pour ce qui est de l’accès au marché, dans le contexte de l’intégration croissante du commerce sous-régional, les produits du Mali se heurtent à une forte concurrence sur les marchés intérieur et étranger. Le Gouvernement met l’accent sur les moyens d’aider les femmes à améliorer la qualité de leurs produits afin de les rendre plus compétitifs, objectif visé par plusieurs projets en cours d’exécution.

M me  Coker-Appiah rend hommage au Gouvernement pour son engagement en faveur de la réduction de la pauvreté. Toutefois, il ressort clairement du rapport que les taux de pauvreté se situent toujours à un niveau déplorable, notamment parmi les femmes. L’oratrice se demande quelles sont les mesures prises par le Gouvernement pour garantir aux femmes l’accès aux fonds destinés aux populations vulnérables et exclues dans le contexte du cadre stratégique de lutte contre la pauvreté. Elle souhaiterait également obtenir des informations concernant l’impact des politiques et programmes de réduction de la pauvreté actuels.

Notant que le rapport énumère une série de mesures à prendre pour garantir que le soutien apporté aux femmes est efficace et aboutit à des résultats durables, l’oratrice voudrait savoir quelles sont les mesures prises pour promouvoir la petite et moyenne entreprise et pour aider les femmes entrepreneurs à développer leur commerce. Elle voudrait également savoir si le Gouvernement organise des cours de formation à la gestion financière afin de garantir que les crédits accordés aux femmes sont utilisés à bon escient.

L’oratrice signale que des études conduites dans d’autres régions de l’Afrique ont montré que quand les femmes reçoivent du crédit pour des activités génératrices de revenus, leurs maris renoncent parfois à jouer leur rôle de soutien de famille. Cela oblige les femmes à utiliser le crédit pour couvrir les dépenses du ménage, ce qui entraîne l’effondrement de leur entreprise et les empêche de rembourser le prêt. Le Gouvernement a-t-il pris des mesures pour prévenir ce problème?

Des procédures encombrantes empêchent parfois les femmes d’enregistrer leur entreprise et de sortir du secteur non structuré. L’oratrice voudrait savoir si le Gouvernement envisage de simplifier les procédures d’enregistrement des entreprises afin de permettre à des femmes plus nombreuses de tirer parti des avantages qui découlent de l’enregistrement officiel des entreprises, en particulier l’accès à la sécurité sociale. Elle voudrait également savoir si le Gouvernement entend étendre les prestations de la sécurité sociale aux femmes travaillant dans le secteur non structuré.

M me  Tan se rend compte qu’il est difficile de communiquer des informations aux femmes rurales étant donné leur faible taux d’alphabétisation, situation que le rapport attribue à des facteurs comme l’inadaptation des programmes d’études aux besoins des femmes, les contraintes socioculturelles, y compris le refus des maris à permettre aux femmes de suivre des cours et la division sociale du travail, l’absence de matériels didactiques et leur coût, qui est inabordable pour les femmes, ou le fait que les femmes ne sont pas à même de suivre des cours en raison de grossesses survenant à de faibles intervalles. L’oratrice souhaite également obtenir des renseignements détaillés concernant les mesures prises par le Gouvernement pour tenir compte de ces facteurs concrets.

L’oratrice croit comprendre que les diverses initiatives conjointes du Gouvernement et d’autres organisations ont abouti à une augmentation considérable de la scolarisation des filles dans les zones rurales, alors que les abandons scolaires ont diminué. Notant que cette évolution est digne d’éloges, elle voudrait savoir si l’on pourrait fournir des statistiques un jour pour illustrer les tendances actuelles. Elle voudrait également connaître le calendrier adopté par le Mali en ce qui concerne la réalisation des objectifs de la politique nationale concernant l’éducation des filles élaborée par la Cellule nationale de scolarisation des filles.

Notant que l’incidence de la pauvreté est de 75,9 % dans les zones rurales, et que les possibilités d’emploi des femmes sont très limitées dans les villages, l’oratrice souhaite obtenir des informations sur les progrès accomplis à cet égard, et en particulier l’évaluation de l’impact du cadre stratégique de lutte contre la pauvreté et du schéma directeur de développement rural. Elle souhaite également obtenir des informations détaillées sur les programmes destinés à alléger le fardeau des travaux ménagers pour les femmes et les filles rurales, qui sont mentionnés dans le rapport.

L’oratrice croit comprendre que la législation malienne donne aux femmes accès à la propriété foncière sans aucune discrimination, mais note que le droit coutumier continue à entraver l’exercice de ce droit. Il faut une éducation juridique à long terme et la participation des femmes à l’élaboration de plans à l’échelle du pays ou des communautés pour surmonter cet obstacle au développement des femmes. Elle voudrait savoir si le Gouvernement a entrepris des initiatives spéciales, y compris en collaboration avec des ONG et avec la participation de femmes et d’hommes en vue d’éliminer les pratiques coutumières qui limitent l’accès des femmes à la propriété foncière.

M me  Gaspard voit une contradiction entre la manière dont le rapport décrit le problème épineux de l’accès des femmes à la terre qui résulte du droit coutumier et les réponses fournies aux questions du Comité conformément auxquelles le problème est en train d’être réglé. La situation a-t-elle changé entre le moment de la rédaction du rapport et la période actuelle? Il n’est pas clair si la loi relative aux droits sur la propriété foncière a été réformée en vue d’assurer l’égalité entre les femmes et les hommes, ou si elle le sera à une date ultérieure.

M me  Diallo Sene (Mali), répondant à la question de savoir si l’on a vraiment garanti l’accès des femmes au crédit, dit que ce but peut être atteint grâce à l’évaluation des politiques et des programmes, au soutien accordé aux femmes et aux mesures de promotion de la petite et moyenne entreprise. Elle considère que le rapport présente suffisamment de détail à cet égard.

M me  Soumare Diallo (Mali), répondant aux questions concernant la sécurité sociale pour femmes rurales, explique qu’il y a eu des tentatives d’inciter les femmes, urbaines et rurales, à s’affilier à des mutuelles d’assurance couvrant à la fois la santé et l’éducation. Des contacts prometteurs ont été établis avec des associations maliennes et françaises. Rien n’est encore réglé en définitive, mais l’oratrice espère que l’idée sera poursuivie plus avant.

M me  Soumano (Mali), répondant aux questions concernant l’éducation des filles, attire l’attention sur les chiffres relatifs à la scolarisation figurant dans le rapport. En ce qui concerne la communication de l’information aux femmes analphabètes, la réponse réside dans la radio locale qui constitue une source d’information très précieuse pour les femmes. En outre, les femmes qui suivent des cours d’alphabétisation reçoivent tous les messages concernant la santé ou d’autres aspects du développement.

M me  Diallo (Mali), répondant à la question concernant l’incidence des politiques et programmes sur la pauvreté des femmes, explique que malgré l’absence de données statistiques détaillées, on a conduit plusieurs études, par exemple pour obtenir des données macroéconomiques sur la création de richesse dans le secteur agricole et le secteur non structuré. Dans le cas des deux principaux programmes nationaux, PRODEC et PRODESS, on a conduit des analyses sexospécifiques après la première phase pour en déterminer l’impact et les limites, en vue d’améliorer la deuxième phase. Tous les programmes nationaux ont pour mandat d’adopter une approche transversale à la dimension « femmes », en d’autres termes, ils sont censés tenir compte des disparités entre hommes et femmes existant dans les divers secteurs.

S’agissant de la formation en matière de gestion, l’oratrice ajoute que chaque fois que des microprojets sont financés, on prévoit des cours d’alphabétisation et une formation en matière de gestion pour les femmes concernées. On fournit également une formation concernant la gestion financière et la création de revenus. En ce qui concerne la nécessité de garantir que les hommes jouent leur rôle même si la femme est le soutien de famille, ce qu’il faut, ce sont des programmes de sensibilisation continus. En outre, on s’emploie explicitement à associer les femmes à la conception des projets de développement locaux.

M me  Diarra Samoura (Mali) dit qu’elle ne voit pas de contradiction entre les informations figurant dans le rapport en ce qui concerne l’accès des femmes à la propriété foncière et celles présentées dans le document contenant les réponses. Conformément à une étude conduite en 2000 par le Ministère, le droit des femmes à la propriété foncière est appliqué effectivement sans discrimination. Le problème que l’oratrice a évoqué se pose par la suite : comment assurer que les femmes peuvent garder leurs terres. Il faut payer les redevances et rembourser le crédit et les femmes n’ont souvent pas les ressources nécessaires à cet effet.

Conformément au droit coutumier applicable aux terres non gérées par le Gouvernement, les femmes n’ont pas accès à de bonnes terres. Bien que la terre soit indispensable à la survie des familles, ce sont souvent des sols peu fertiles qui sont alloués aux femmes.

Articles 10 à 14 : questions complémentaires

M me  Saiga revient sur la question de l’accès à la terre. Elle comprend parfaitement que l’accès aux terres gérées par le Gouvernement est non discriminatoire, mais suppose que toutes les terres au Mali n’appartiennent pas à l’État. Elle souhaite obtenir des explications plus précises concernant le régime foncier malien, y compris son incidence sur les successions : si la terre appartient au mari et s’il meurt, que se passe-t-il avec la terre? Est-ce qu’elle est retournée à l’État? Elle voudrait également obtenir des éclaircissements additionnels concernant les redevances. Est-ce que ces dernières sont versées pour acquérir la terre? Elle se demande s’il y a également un problème en ce qui concerne l’entretien et la culture des terres.

M me  Morvai voudrait savoir ce que le Gouvernement est disposé à faire pour éliminer les disparités entre la rémunération des hommes et des femmes qui existent même au sein de la fonction publique. Deuxièmement, elle se demande jusqu’à quel point on se rend compte de la situation et des problèmes spéciaux qui se posent aux femmes handicapées. La troisième question concerne le harcèlement sexuel au lieu de travail : l’oratrice croit comprendre qu’il n’existe pas de loi sanctionnant ce phénomène, mais voudrait savoir s’il existe une politique ou des études en la matière.

M. Konfourou (Mali) explique qu’au Mali, toutes les terres appartiennent à l’État. Toutefois, conformément au Code foncier, il existe deux types de terre, les terres enregistrées et les terres non enregistrées. Les terres enregistrées ont fait l’objet de levés conduits par l’État et le Gouvernement est autorisé à les distribuer à des particuliers. En revanche, les terres non enregistrées sont allouées aux communautés.

S’agissant de la deuxième question de Mme Saiga, en cas de décès du père, il existe deux situations distinctes : si la terre est enregistrée, la propriété passe immédiatement aux successeurs. Si elle n’est pas enregistrée, elle passe également aux successeurs, mais seulement jusqu’au moment où l’État a besoin de la terre.

M me  Diallo Sene (Mali) dit que la question des disparités salariales a été examinée à la séance du matin, et elle est également traitée dans la documentation. Par le passé, aux fins de la fiscalité, une femme qui travaillait était toujours traitée comme si elle était célibataire et n’avait pas d’enfants; de ce fait, elle payait trop d’impôts. Pour corriger cette injustice, on a pris des mesures pour garantir qu’une femme mariée qui travaille et qui a des enfants paie les mêmes impôts qu’un homme se trouvant dans la même situation.

M me  Maiga (Mali) dit qu’il n’existe pas de loi relative à la discrimination positive (traitement préférentiel) en faveur des femmes handicapées; mais ces dernières ont formé une association dûment enregistrée qui collabore avec plusieurs ministères comme le Ministère du développement social, de la solidarité et des personnes âgées et le Ministère de la santé. L’association a pris plusieurs initiatives destinées en premier lieu à identifier les problèmes qui se posent aux femmes handicapées, puis à les aider à trouver des solutions, par exemple en matière d’accès à l’université ou d’adaptation des salles de classe.

Il est vrai que le problème du harcèlement sexuel commence à se poser. Quand les femmes se heurtent à ce phénomène, elles portent plainte auprès du service d’assistance juridique, qui cherche à déterminer s’il y a effectivement harcèlement, car ce dernier est souvent déguisé en blâme ou en avertissement, voire en licenciement. De plus en plus souvent, les femmes saisissent la justice en cas de licenciement injustifié dû au fait qu’elles ont repoussé les avances de leur supérieur. Par conséquent, la démarche consiste à identifier le harcèlement sexuel en tant que problème de violence à l’encontre des femmes, et, à partir de là, à passer à l’élaboration d’une loi relative au harcèlement sexuel.

Articles 15 et 16

M me  Gnacadja dit qu’elle a vivement apprécié que le Gouvernement ait reconnu franchement que certaines lois maliennes étaient discriminatoires. En outre, le dialogue constructif avec le Comité a précisé plus avant les intentions du Gouvernement à l’égard de la réforme législative. La situation des femmes au Mali ne manque pas de soulever des préoccupations, et l’oratrice espère donc que le projet de code de la personne et de la famille sera promulgué pendant le premier trimestre de 2006. Il est également crucial d’abroger les dispositions discriminatoires du Code du mariage et de la tutelle en ce qui concerne l’âge du mariage, le statut juridique des conjoints, l’autorité parentale, la polygamie et le divorce.

L’oratrice n’ignore pas que de telles réformes législatives se heurtent souvent à de fortes résistances, mais il est essentiel de progresser constamment. Bien qu’il soit manifeste que la religion joue un rôle excessif dans des domaines comme les droits des femmes, la famille et les relations conjugales, la tendance à justifier la polygamie en se réclamant de la religion musulmane reflète une tentative de dissimuler un attachement à des attitudes patriarcales dépassées. L’oratrice engage l’État partie à ouvrir un débat public sur la polygamie, comme il l’a déjà fait pour la pratique de l’excision.

M me  Tan dit que, conformément au rapport de l’État partie, il existe trois types de lois gouvernant les relations familiales au Mali : le droit civil, la charia islamique et le droit coutumier. À ce propos, elle apprécierait des éclaircissements en ce qui concerne la répartition du patrimoine du mari entre la veuve et les enfants en cas de décès de celui-ci, la garde des enfants et d’éventuelles mesures prises par le Gouvernement pour éliminer les pratiques discriminatoires à l’égard des femmes, telles que le lévirat ou la tonte des cheveux.

Elle voudrait également savoir si le projet de code de la personne et de la famille prévoit l’abolition de la polygamie. Elle n’ignore pas que la question est extrêmement difficile, mais elle est importante, car la polygamie est une forme explicite de stéréotype sexiste. Le projet de code de la personne et de la famille constitue manifestement une amélioration par rapport au Code du mariage et de la tutelle. Toutefois, en préservant la disposition conformément à laquelle l’homme est le chef de la famille, il est contraire à la fois à la Convention et à l’article 2 de la Constitution du Mali, qui interdit toute discrimination fondée sur le sexe.

Le rapport signale que les mariages entre enfants ne sont pas valables, mais qu’ils sont néanmoins fréquents. L’oratrice voudrait donc savoir si le Code de protection sociale générale contient des dispositions concernant les mariages précoces forcés, et s’il a été promulgué. Elle se demande également si le projet de code de la personne et de la famille ou toute autre loi condamne le viol conjugal. Comme certains groupes ethniques éprouvent, d’après le rapport, des difficultés à accepter des lois non discriminatoires à l’égard des femmes et des filles, l’oratrice se demande quels sont les efforts déployés en matière d’éducation pour garantir que les lois relatives au mariage sont acceptées et appliquées dans la société à la fois par les femmes et les hommes.

M me  Diallo Sene (Mali) dit qu’elle partage les observations du Comité concernant la polygamie, mais qu’il n’est pas possible d’éliminer la pratique en un jour. Du moins le projet de code de la personne et de la famille représente-t-il un progrès et améliore la situation difficile des Maliennes.

M me  Maiga (Mali) dit que certaines des questions soulevées par Mme Gnacadja sont très délicates. La réforme législative au Mali est un processus lent qui exige une volonté politique soutenue. Si les différents groupes de la population ne sont pas consultés comme il se doit et invités à participer à la réforme, les projets de loi risquent d’être rejetés. En fait, c’est la société civile qui a été le moteur des réformes introduites dans la législation gouvernant les relations familiales.

La persistance de la polygamie tient non seulement à la résistance des hommes, mais aussi à la tolérance des femmes qui ne sont pas suffisamment indépendantes pour pouvoir prendre leur propre décision. Toutefois, le projet de code de la personne et de la famille stipule, entre autres, que les couples qui choisissent le mariage monogame ne peuvent plus le transformer en une union polygame; il fixe l’âge du mariage à 18 ans tant pour les hommes que pour les femmes, et établit le principe de la réciprocité en ce qui concerne la restitution de la dot et des autres cadeaux en cas de divorce.

La réforme législative a également éliminé toutes les dispositions qui limitent la capacité civile des femmes, a introduit l’égalité en matière d’autorité parentale et a donné aux mères le plein droit à l’exercice de la tutelle sur leurs enfants en cas de décès du mari. S’agissant de la législation en matière de succession, le Mali introduira des lois qui reconnaissent l’égalité de tous les citoyens devant la loi, conformément à la Constitution et les engagements pris par le Mali au titre des traités internationaux. Toutefois, bien que de telles lois soient nécessaires, la polygamie ne disparaîtra pas en l’absence de mesures visant à former et à éduquer le public et à assurer l’indépendance économique des femmes. En outre, les hommes demeureront les chefs de ménage en attendant que les femmes aient la capacité et les ressources nécessaires pour gérer leur propre ménage.

Articles 15 et 16 : questions complémentaires

M me  Simms souhaite remercier l’État partie de la franchise de son rapport et de sa capacité à décrire honnêtement la situation des femmes au Mali. Elle est persuadée que les femmes qui sont à l’avant-plan des efforts destinés à promouvoir l’égalité entre les sexes au Mali devront devenir subversives si elles entendent détruire la culture patriarcale en vigueur. La question décisive, c’est la maîtrise de leur sexualité par les femmes elles-mêmes. Si elles ne recouvrent pas la maîtrise de leur sexualité, le développement sera impossible.

M me  Diallo Sene (Mali) remercie le Comité de ses questions pertinentes et de l’honnêteté du dialogue.

La Présidente rappelle que le Mali a été l’un des premiers États africains à ratifier la Convention. Il l’a fait sans réserve et a également ratifié le Protocole facultatif se rapportant à la Convention. Toutefois, la Convention doit avoir le même rang que la Constitution et primer les lois nationales.

Après une longue période de domination coloniale, les Maliens, à l’instar de nombreux autres peuples africains, se sont rabattus sur leur religion et leurs coutumes en vue de survivre et de protéger leur identité. Dans l’intérêt des générations futures, il est grand temps que les peuples de l’Afrique avancent et rattrapent le retard subi. En plus des activités conduites au niveau international, dans le cadre de l’ONU, les pays de l’Afrique doivent trouver des solutions communes à leurs problèmes communs au niveau régional, dans le cadre de l’Union africaine. Les Maliennes et les Maliens, animés du même esprit, doivent cesser d’accepter des compromis. Le projet de code de la personne et de la famille représente un progrès significatif, notamment en matière de polygamie, et le Mali doit aller encore plus loin en assurant l’application intégrale de la Convention et en éliminant toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.

La séance est levée à 17 h 30.