Trente-sixième session

Compte rendu analytique de la 739e séance (Chambre B)

Tenue au Siège, à New York, le mardi 8 août 2006, à 10 heures

Présidente: Mme  Manalopuis: Mme  Belmihoub-Zerdani (Vice- Présidente ) puis: Mme  Manalo ( Présidente )

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Quatrième et cinquième rapports périodiques combinés de la République démocratique du Congo

La séance est ouverte à 10 h 5.

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Quatrième et cinquième rapports périodiques combinés de la République démocratique du Congo (CEDAW/C/COD/4-5; CEDAW/C/COD/Q/5 et Add.1)

1. À l ’ invitation de la Présidente, les membres de la délégation de la République démocratique du Congo prennent place à la table du Comité .

2.Mme  Vasika Pola Ngandu (République démocratique du Congo), présentant les quatrième et cinquième rapports périodiques combinés de son pays (CEDAW/C/COD/4-5), réitère l’attachement de son gouvernement aux principes consacrés dans la Convention ainsi que son désir de faire en sorte que, conformément à l’article 17 de la Constitution transitoire, les femmes et les hommes soient égaux devant la loi.

3.À la suite d’une longue période d’instabilité politique qui a entraîné de sérieuses difficultés économiques et sociales, la République démocratique du Congo a, le 17 décembre 2002, signé l’Accord global et inclusif qui a mis un terme à la guerre et lancé le processus de reconstruction. En vertu de cet accord, conformément à l’article 51 de la Constitution transitoire, le gouvernement est tenu de veiller à ce que les femmes soient représentées comme il convient à tous les niveaux et à ce qu’elles participent pleinement au développement de la nation. Toutefois, bien que des efforts aient été entrepris pour abolir la législation discriminatoire décrite dans les rapports périodiques précédents, il reste beaucoup à faire pour transformer la mentalité non seulement des dirigeants politiques mais aussi des femmes elles-mêmes.

4.La République démocratique du Congo a ratifié la Convention en 1985 et les textes adoptés à l’issue du Dialogue intercongolais reflètent la volonté du pays de mettre en œuvre ses dispositions. En particulier, le décret No. 03/027 de septembre 2003 a rehaussé le statut du service responsable de la promotion de la femme, qui n’était précédemment qu’un simple département, pour transformer celui-ci en Ministère de la condition de la femme et de la famille, institution autonome qui est chargée, entre autres, de veiller à la réalisation des objectifs spécifiques énoncés dans le Programme national de promotion de la femme congolaise (PNPFC) lancé en 2002. Dans le cadre de la stratégie qu’il a élaborée pour intégrer la promotion de l’égalité entre les sexes aux politiques et programmes de développement, le Ministère a lancé des campagnes de sensibilisation à l’échelle du pays tout entier et a désigné des points focaux et des réseaux chargés de la promotion de l’égalité entre les sexes au sein de divers ministères, organisations féminines et entreprises privées. Regrettablement, le Ministère ne dispose pas de ressources suffisantes pour pouvoir s’acquitter efficacement de son mandat, mais la plupart de ses activités sur le terrain sont appuyées par l’Organisation des Nations Unies ou d’autres partenaires bilatéraux, comme ONG et organisations féminines.

5.En ce qui concerne la législation, différentes mesures ont été adoptées pour éliminer la discrimination à l’égard des femmes, et c’est ainsi notamment qu’il a été introduit un nouveau Code du travail visant à garantir l’égalité des chances et de traitement pour les travailleurs de sexe masculin et de sexe féminin. Le Code de la famille adopté en 1987 a renforcé les droits des femmes en matière de consentement au mariage et de succession. Il contient néanmoins un certain nombre de dispositions qui vont à l’encontre de l’objet et du but de la Convention, et une commission permanente examine donc actuellement un projet de loi visant à l’aligner sur les articles pertinents de la Convention.

6.Le Code pénal, la Loi relative à la nationalité et la Loi relative aux partis politiques prévoient tous l’égalité de droits des femmes et des hommes. Cependant, bien que le Statut des fonctionnaires garantisse l’égalité dans presque tous les domaines, son article 25 ne reconnaît pas la maternité comme fonction sociale. Aux termes de la Loi sur les biens, tous les individus, sans considération de sexe, ont droit aux concessions foncières, mais les femmes mariées qui souhaitent exercer ce droit sont tenues d’obtenir le consentement préalable de leur mari.

7.Pour surmonter les obstacles qui entravent la participation des femmes au marché du travail, le gouvernement a adopté un Document de stratégie pour la réduction de la pauvreté (DSRP) afin de promouvoir le plein emploi en tant que moyen d’améliorer les conditions de vie. À cette fin, il a été organisé des campagnes pour susciter une prise de conscience accrue de l’importance de la scolarisation des filles, et il a été mis en œuvre un certain nombre de programmes de microcrédit axés spécifiquement sur les femmes.

8.Comme les attitudes et coutumes discriminatoires persistent au sein de la société congolaise, des efforts ont été entrepris pour faire en sorte que les médias présentent les femmes sous un jour positif. En particulier, la Haute Autorité des médias encourage la production de programmes et de documentaires de nature à promouvoir le respect de la dignité des femmes.

9.La traite de personnes n’est pas un problème généralisé en République démocratique du Congo. Néanmoins, sous les auspices de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et de la Communauté économique des États d’Afrique centrale (CEEAC), les autorités congolaises ont entrepris d’adopter un plan d’action conjoint en vue de combattre la traite de personnes, et en particulier de femmes et d’enfants. En juillet 2006, des représentants de la République démocratique du Congo ont participé à un atelier organisé à Abuja en vue de discuter de la conclusion d’un accord multilatéral de coopération à ce sujet. Bien qu’il n’existe presque pas de réseaux formels de prostitution en République démocratique du Congo, cette pratique existe. Afin de s’attaquer à ce problème, il a été créé un service d’hygiène publique chargé de fournir des avis et des conseils. En outre, des préservatifs sont distribués dans le cadre du Programme national de lutte contre le VIH/sida.

10.Il n’existe juridiquement aucun obstacle à la participation des femmes à la vie politique. En fait, des femmes ont pris une part active aux négociations qui ont débouché sur la constitution du Gouvernement transitoire. Néanmoins, les hommes continuent de jouer un rôle prédominant sur la scène politique et les femmes elles-mêmes hésitent fréquemment à se présenter aux élections. En outre, même les partis politiques dirigés par des femmes ont très peu d’adhérentes, et le manque de ressources et de matériel tend à entraver les progrès à cet égard. Du côté positif, des pressions sont actuellement exercées pour promouvoir le progrès des femmes, et c’est ainsi qu’un appui est fourni aux femmes qui se présentent aux élections, que des séminaires de formation sont organisés dans toutes les provinces pour perfectionner les compétences techniques des femmes, etc. Les femmes demeurent extrêmement sous-représentées dans la carrière diplomatique, au sein des organisations internationales et dans les conférences internationales.

11.La nouvelle Constitution consacre l’objectif d’une éducation primaire gratuite et obligatoire et de l’éradication de l’analphabétisme. Le gouvernement a réaffirmé son attachement aux principes consacrés dans la Convention en matière d’éducation. Il a été entrepris de reconstruire les écoles, et des crédits supplémentaires ont été alloués à l’éducation. Il a été lancé avec l’appui de l’UNICEF une campagne intitulée "Toutes les filles à l’école" ainsi qu’une campagne de sensibilisation qui est menée avec la participation de personnalités féminines en vue pour encourager les filles à fréquenter l’école.

12.Dans le secteur de la santé, les priorités du gouvernement consistent à réduire la mortalité maternelle et à combattre le sida. Dans ce dernier domaine, il est mené avec la participation d’ONG des campagnes de sensibilisation ainsi que des programmes d’éducation du public et de prévention.

13.Afin d’améliorer leur situation économique, les femmes reçoivent des microcrédits du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), une formation à la gestion qui leur est dispensée par différentes ONG et un financement pour la réalisation de microprojets au titre de l’Initiative pour la réduction de la dette des pays pauvres très endettés.

14.Dans les communautés rurales, le développement économique dépend des femmes, qui sont responsables de 75 pour cent de la production vivrière, dont 60 pour cent est commercialisée. Les efforts visant à améliorer la situation économique en milieu rural sont fondés principalement sur la relance de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche, l’octroi de terres à des groupes de femmes, la mise en valeur de sources d’eau potable et la promotion de stations de radio rurales afin de diffuser des programmes de promotion de l’hygiène et du développement en général.

15.En ce qui concerne la question des droits des femmes en général et des mères de famille en particulier, le Ministère de la condition de la femme et de la famille a, avec un appui de l’UNICEF, encouragé l’enregistrement des mariages civils depuis 2001 et a organisé avec l’appui de donateurs plusieurs campagnes de sensibilisation visant à promouvoir les droits des femmes et à faire mieux connaître la législation à cet égard.

16.Différentes mesures ont été adoptées pour combattre la violence contre les femmes. Il a notamment été constitué au sein du Ministère de la santé un comité chargé de la lutte contre la violence contre les femmes et les enfants, le Parlement a adopté un projet de loi sur les violences sexuelles et le gouvernement, conjointement avec des ONG et des organismes des Nations Unies, a pris l’initiative de mettre sur pied un programme multisectoriel visant à prévenir et combattre les violences sexuelles contre les femmes, les jeunes et les enfants. Ce programme comportera des éléments d’assistance médicale, psychosociale, juridique, économique et sécuritaire.

17.En dépit des progrès accomplis sur la voie de la protection des droits des femmes, ainsi que des mesures proposées dans plusieurs projets de loi déposés devant le Parlement pour aligner la législation nationale sur la Convention, les facteurs socioculturels qui ont un effet négatif sur les femmes persistent. L’on peut citer en particulier les pratiques coutumières, les préjugés, l’analphabétisme, la pauvreté et les séquelles du conflit armé, comme les sévices sexuels et les autres types de violence dirigée contre les femmes.

Articles premier à 6

18.M.  Flinterman souhaiterait savoir si la nouvelle Constitution garantit la primauté des conventions internationales sur le droit interne et quel est le pourcentage que les femmes représentent dans la magistrature. Il serait bon d’avoir des informations concernant les mesures adoptées pour familiariser les juges avec les obligations qui incombent au pays en vertu de la Convention ainsi que des exemples d’affaires dans lesquelles la Convention a été invoquée par les parties et utilisée par la magistrature comme base des décisions rendues. Comme la nouvelle Constitution ne comporte pas de définition de la discrimination, il serait utile de savoir si l’interprétation que le gouvernement donne de cette expression diffère de la définition figurant à l’article premier de la Convention. Il serait intéressant par ailleurs de savoir si le gouvernement a l’intention de promulguer une loi générale sur l’égalité entre les sexes, quels sont les recours que peuvent invoquer les femmes pour défendre leurs droits et si l’Observatoire des droits de l’homme constitue un mécanisme devant lequel les femmes puissent porter plainte. M. Flinterman se demande ce que fait le gouvernement pour rehausser le rôle des femmes dans le processus de reconstruction, eu égard à la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité et à l’article 7 de la Convention.

19.Mme  Shin souhaiterait savoir quel est le calendrier fixé par le gouvernement pour mener à bien la réforme des lois et notamment pour abolir les lois discriminatoires et promulguer des lois garantissant l’égalité de droits, et elle appelle l’attention sur la nécessité d’adopter des mesures spéciales temporaires à cet égard. Il a été lancé quatre ans auparavant un Programme national pour la promotion des femmes congolaises et il serait bon de savoir si ce programme a fait l’objet d’une évaluation pour déterminer s’il est véritablement efficace.

20.Mme  Dairiam est préoccupée par l’application des principes d’égalité et de non-discrimination. Aucun calendrier n’a été fourni pour la promulgation des nouvelles lois et la commission qui doit être chargée de la réforme des lois n’est pas encore opérationnelle. Il est préoccupant aussi de constater que des textes législatifs valables ne sont pas toujours accompagnés de dispositions visant à les mettre en application. L’on peut en citer comme exemples la Loi relative aux élections, qui prévoit l’égalité du nombre de candidats de sexe masculin et de sexe féminin mais qui ne frappe pas les élections de nullité si cette règle n’est pas respectée, ou bien la Loi relative aux harcèlements sexuels, qui ne contient aucune disposition sanctionnant leurs auteurs. De tels exemples semblent refléter une résistance aux échelons les plus élevés. Or, il importe au plus haut point que l’inégalité ne s’enracine pas pendant la période de transition. Mme Dairiam se demande si le gouvernement a l’intention d’inviter le Parlement à se pencher sur cette question et s’il pourrait être établi par l’entremise de réseaux corporatifs d’associations féminines un programme qui permettrait aux femmes de demander des comptes au gouvernement.

21.Mme  K a mwanya Biayi (République démocratique du Congo) fait observer que la Constitution en vigueur, comme la constitution précédente, garantit la primauté des conventions internationales sur le droit interne. Le gouvernement a entrepris de faire mieux connaître ces instruments juridiques importants. Le Ministère collabore depuis plusieurs années avec la magistrature et associe celle-ci à toutes les activités pertinentes. Une formation est dispensée aux magistrats. Les efforts entrepris pour familiariser la magistrature avec la Convention commencent à porter leurs fruits. Bien que la Convention soit appliquée par les tribunaux, Mme Kamwanya Biayi ne peut pas en citer d’exemples précis. Cette information sera communiquée ultérieurement.

22.Il est vrai que la loi ne contient pas de définition de la discrimination, mais le fait que la législation se réfère à la discrimination contre les femmes est en soi une innovation. Une définition pourra être donnée. Le taux élevé d’analphabétisme qui prévaut parmi les femmes les empêche de former des recours en justice. Cependant, il existe des recours que peuvent invoquer les femmes qui considèrent n’avoir pas été traitées avec justice. Certains des avocats avec lesquels travaille le Ministère sont disponibles et fournissent des services aux femmes.

23.Mme  Vasika Pola Ngandu (République démocratique du Congo) fait savoir que le gouvernement a organisé des programmes d’aide juridique pour donner aux femmes des indications et des conseils concernant le recours à la justice. L’aide juridique informelle fournie dans le cadre de ces programmes a permis à beaucoup de femmes illettrées de saisir la justice de leurs affaires. Ces programmes d’assistance juridique ont été étendus à l’ensemble des provinces grâce à l’appui fourni par différents partenaires.

24.Mme  Kamwanya Biayi (République démocratique du Congo) déclare que l’Accord global et inclusif conclu le 4 avril 2003 a créé l’Observatoire des droits de l’homme, qui a pour mission de dénoncer toutes les violations des droits de l’homme et de fournir un appui aux victimes. L’Observatoire collabore étroitement avec les associations de défense des droits des femmes et avec le Réseau d’action féminine pour dénoncer les cas de violence contre les femmes. L’Observatoire et les programmes d’assistance juridique ont permis à un plus grand nombre de femmes d’introduire des actions en justice.

25.Les femmes ont beaucoup contribué à la réalisation des objectifs de réunification et de pacification de la période de transition. Les femmes ont participé aux négociations qui ont débouché sur la signature de l’Accord et la cessation des hostilités. À la suite des négociations, les femmes ont continué de participer aux différentes institutions qui défendent les valeurs démocratiques, et le gouvernement a veillé à assurer la parité entre hommes et femmes au sein des institutions. Des femmes ont pris part à la préparation de la nouvelle Constitution et ce sont des femmes qui ont fait en sorte que les concepts d’égalité et de parité entre les sexes soient reflétés dans la Constitution.

26.Les femmes participent à toutes les étapes du processus de formulation des politiques et de promulgation des textes législatifs. Le nombre de femmes qui participent à la vie politique n’est pas encore égal à celui des hommes mais le gouvernement s’emploie activement à renforcer la participation politique des femmes. En ce qui concerne le calendrier prévu pour l’harmonisation de la législation, les lois discriminatoires n’ont pas été modifiées pendant la période de transition pour les rendre conformes aux dispositions de la Convention, mais les femmes ont exercé une pression pour faire en sorte que la législation soit favorable aux femmes. Il est envisagé de fixer un calendrier après les élections de 2006, bien qu’il existe une commission qui travaille déjà à l’harmonisation des textes législatifs pour les aligner sur la Convention.

27.Le Programme national pour la promotion de la femme congolaise a été lancé en 1999 et, pendant la période qui s’est écoulée depuis lors, les objectifs primordiaux du gouvernement ont été la réunification et le rétablissement de la paix. Étant donné le montant des crédits affectés à la réalisation de ces deux objectifs, les ressources allouées au Ministère de la condition de la femme et de la famille ne représentent que 1 pour cent du budget. En dépit de l’assistance fournie par les partenaires et les donateurs, il a été difficile de lancer un programme d’une telle envergure avec des ressources aussi limitées. L’on a cependant pu mettre en œuvre trois sous-programmes visant à renforcer les institutions, à faciliter l’accès des femmes aux ressources et à renforcer les capacités des femmes. Il faut espérer que le programme pourra être relancé en 2006 dans un environnement politique plus stable. La Convention n’a pas été intégralement appliquée en raison des perturbations causées par le conflit, mais les femmes sont devenues plus conscientes de leurs droits. Il est probable que les préoccupations des femmes seront davantage prises en considération au cours des trois années suivantes et que la compétitivité des femmes sur le marché du travail se trouvera renforcée.

28.Mme  Vasika Pola Ngandu (République démocratique du Congo) reconnaît que les quatrième et cinquième rapports périodiques de son pays n’ont pas été établis selon la méthodologie recommandée par le Comité mais dit que le nécessaire sera fait pour que le prochain rapport soit conforme aux directives de celui-ci. Il y a lieu de préciser qu’il existe des mécanismes de recours adéquats pour les femmes qui sont victimes de harcèlements sexuels et que la législation permet aux femmes de porter plainte devant les tribunaux. L’égalité entre les sexes est un principe qui a été pris en considération dans toutes les lois qui ont été adoptées pendant la période de transition et il a été entrepris de diffuser le concept d’égalité entre hommes et femmes au stade de la formulation des politiques et des programmes car les femmes ont toujours été considérées comme inférieures aux hommes. Il importe de signaler à ce propos que des femmes chefs d’entreprise ont accompagné la délégation de la République démocratique du Congo à New York afin d’en apprendre davantage sur la compatibilité entre le souci d’égalité entre les sexes et la recherche du profit dans les entreprises.

29.Mme  Patten, appuyée par Mme  Popescu et Mme  Arocha Domínguez, déclare que les efforts déployés par le Ministère de la condition de la femme et de la famille sont louables si l’on considère le contexte des difficultés suscitées par le conflit. Le principal problème à résoudre consiste à créer des conditions telles que le Ministère puisse influencer la formulation des politiques gouvernementales. Étant donné que ce qui n’était précédemment qu’un département est devenu un ministère, il serait intéressant de savoir si une formation a été dispensée à ses fonctionnaires et si des démarches ont été faites auprès des dirigeants politiques pour obtenir un soutien financier accru. Il serait bon que l’État partie fournisse un complément d’informations sur les mesures qui ont été adoptées pour promouvoir l’intégration de la parité entre hommes et femmes à la formulation ou à la mise en œuvre de toutes les politiques et de tous les programmes. Il serait utile de savoir si ces mesures ont été coordonnées avec les activités de formulation des politiques du gouvernement central, et d’avoir des informations plus détaillées sur la structure de coordination qui a été mise en place au niveau interministériel.

30.Le rapport ne comporte pas de données ventilées par sexe, et il serait utile que le service national de statistique sollicite des indications des institutions multilatérales et des donateurs à cet égard. En ce qui concerne l’article 4 de la Convention, il conviendrait de savoir si des mesures spéciales ont été adoptées. Les États parties sont tenus d’appliquer des mesures spéciales pour accélérer les progrès accomplis sur la voie de l’égalité entre les sexes car la promulgation de lois ne suffit pas à garantir cette égalité. La Recommandation générale No. 25 a été formulée précisément pour aider les États parties à appliquer l’article 4. Les mesures spéciales temporaires peuvent être particulièrement utiles pour remédier à la discrimination en matière de participation à la vie politique, aux différences qui existent dans le domaine de l’éducation et aux inégalités sur le marché du travail.

31.Mme  Popescu dit qu’il serait intéressant de savoir si le gouvernement a l’intention de ratifier le Protocole facultatif étant donné que la République démocratique du Congo a été l’un des premiers pays à ratifier la Convention, en 1980. Le Protocole facultatif constituerait un instrument extrêmement important pour les femmes, les associations féminines et les ONG congolaises. Il serait bon de faire connaître plus largement encore les dispositions de la Convention et de la faire traduire dans les langues parlées dans les provinces. Étant donné le taux élevé d’alphabétisme, il convient de présenter les dispositions de la Convention sous une forme simple de sorte que les femmes analphabètes puissent apprendre quels sont les droits que leur garantit la Convention. Il importe de suivre la méthodologie recommandée par le Comité, de prendre au sérieux les recommandations formulées par celui-ci et d’en discuter avec le gouvernement et les ONG pour décider des mesures et des programmes à mettre en œuvre. En ce qui concerne le Programme national pour la promotion de la femme congolaise, il faut revoir le programme et en redéfinir les priorités car certaines de ses dispositions ont été formulées dans le contexte spécifique du conflit. Enfin, il faut mettre en œuvre des mesures pour aider les femmes victimes du conflit et mettre à leur disposition des programmes de réhabilitation.

32.Mme  Arocha Domínguez regrette que le rapport n’ait pas été rédigé conformément à l’ordre méthodologique suggéré par le Comité. Néanmoins, il est clair que le gouvernement s’est efforcé de remettre sur pied les institutions nationales, et la création du Ministère de la condition de la femme et de la famille, en 2003, a constitué un pas en avant à cet égard. Il serait bon d’avoir un complément d’informations sur les attributions et les responsabilités du Ministère et du Conseil national des femmes ainsi que sur la relation entre ces deux organes.

33.Il importe de coordonner la formulation des politiques au plan interministériel, et il serait bon que l’État partie indique quel est l’organe du suivi de cette coordination. En outre, il conviendrait d’avoir un complément d’information sur les mécanismes qui ont été mis en place pour garantir l’obligation redditionnelle des ministères et le respect des droits des femmes. Enfin, il serait intéressant d’en savoir plus sur la façon dont les ministères collaborent avec les organes provinciaux et les municipalités.

34.Mme  Belmihoub-Zerdani (Vice- Présidente ) prend la présidence.

35.Mme  Kamwanya Biayi (République démocratique du Congo) fait savoir qu’une perspective soucieuse de l’égalité entre les sexes a été intégrée à toutes les politiques et à tous les programmes du gouvernement. En conséquence, tous les ministres, de même que le Président et les Vice-Présidents, ont reçu une formation concernant les questions liées à la problématique hommes-femmes et sont conscients de la nécessité de faire en sorte que les droits des femmes soient pris en considération à l’étape de la formulation des politiques. Le Ministère de la santé, en particulier, a adopté des politiques pour satisfaire les besoins des femmes enceintes et, dans le cadre du Programme national de lutte contre le VIH/sida, a collaboré avec des organisations féminines, des ONG et d’autres donateurs pour veiller à ce qu’une attention spéciale soit accordée à la situation des femmes qui vivent avec le virus. En outre, le Ministère de la condition de la femme et de la famille a été consulté lors de l’élaboration du Document de stratégie pour la réduction de la pauvreté pour que celui-ci reflète les sérieuses difficultés auxquelles sont confrontés les femmes et les enfants.

36.Comme l’égalité entre les sexes et la promotion de la femme sont des questions qui touchent tous les secteurs, l’on s’est efforcé de désigner des points focaux pour l’équité entre les sexes au sein de tous les ministères. Ces points focaux ont reçu une formation spécifique et se réunissent périodiquement pour faire le bilan des progrès accomplis sur la voie de l’intégration du concept de parité entre les sexes à toutes les activités.

37.L’on s’emploie actuellement, en collaboration avec le Ministère du plan, à remédier au manque de données statistiques. Les services du Département de statistique de ce Ministère ont reçu une formation à la problématique hommes-femmes et il sera possible, à l’avenir, de fournir des statistiques ventilées par sexe. Les donateurs d’aide au développement ont eux aussi besoin de données statistiques détaillées, et le Ministère de la condition de la femme et de la famille a invoqué cette exigence pour demander, pour sa part, que les données pertinentes soient ventilées par sexe.

38.Le programme national a été actualisé et redéfini. Il a été élaboré initialement pendant la période du conflit mais, au cours de l’année écoulée, il a été révisé et il doit être maintenant largement diffusé et mis en pratique sur la base des nouvelles données. L’un des nouveaux éléments qui y a été ajouté a été la question de la violence. L’"Initiative conjointe pour la lutte contre la violence sexuelle contre les femmes" comporte quatre aspects: aide juridique, services de santé, soins aux victimes et redressement économique, et tous ont été incorporés au nouveau programme.

39.En ce qui concerne les attributions confiées au Conseil national des femmes, c’est le Ministère de la condition de la femme et de la famille qui assume la responsabilité d’ensemble de tous les aspects de la protection et de la promotion des droits des femmes, et il a mis en place des structures pour l’aider à s’acquitter de cette tâche, parmi lesquelles le Conseil national des femmes joue un rôle consultatif. Le Conseil est composé de membres de la société civile, en particulier d’organisations féminines, d’une part, ainsi que de représentants de divers ministères, comme ceux de l’éducation, de la justice, du plan, des affaires sociales et des droits de l’homme, de l’autre. Il a essentiellement pour mission de délibérer sur toutes les grandes questions liées à la promotion de la femme ainsi que de donner des indications aux ministères intéressés sur les mesures à prendre pour promouvoir cet objectif. Au niveau des provinces, il a été créé des organes semblables présidés par les gouverneurs de province.

40.Dans le cadre de la phase de transition, il a été mis sur pied un certain nombre de commissions chargées de superviser l’action des divers ministères. Le Ministère de la condition de la femme et de la famille est placé sous l’autorité de la Commission des affaires politiques, de la défense et de la sécurité et fait rapport à cette commission sur toutes les activités qu’il entreprend dans l’accomplissement de sa tâche. C’est cette commission, en consultation avec les autres commissions, qui évalue les activités réalisées et qui oriente l’action du Ministère, lequel adopte alors les mesures concrètes correspondantes. Le même processus de décision et d’information en retour est suivi au niveau des provinces, des districts et des communes.

41.Mme  Vasika Pola Ngandu (République démocratique du Congo) ajoute que le Ministère a désigné des points focaux qui ont pour rôle de suivre, dans leurs domaines de compétences respectifs, les mesures adoptées pour promouvoir l’égalité et la parité. En outre, au début de chaque année, le Ministère élabore un plan d’action et, à la fin de l’année, évalue la mesure dans laquelle celui-ci a été exécuté. Toutefois, il arrive fréquemment que le taux de réalisation du plan d’action n’atteigne même pas 50 pour cent, ce qui se traduit par un manque de visibilité regrettable, mais il faut espérer qu’au cours des années à venir, le taux d’exécution du programme augmentera.

42.Mme  Manalo reprend la présidence.

43.Mme  Gabr rappelle que, lorsque la délégation de l’État partie a présenté oralement le rapport, elle a fait allusion à la difficulté qu’il y avait à transformer les idées préconçues et les idées stéréotypées, malgré toute l’importance que cela revêtait. À son avis, de tels changements sont essentiels si l’on veut que les femmes africaines puissent jouer un rôle dans le développement de leur société et de leurs pays. À cette fin, il faudra intervenir dans les domaines de l’éducation, de la planification et des médias. Il va de soi que certaines coutumes et certaines traditions sont positives et méritent d’être préservées. Les difficultés surgissent lorsqu’elles ont un impact négatif sur le rôle et l’image des femmes ainsi que sur la possibilité qu’ont les femmes d’assumer la place qui leur revient au sein de la société. Mme Gabr souhaiterait savoir s’il a été élaboré un programme et un plan spécifiques pour transformer les stéréotypes et les idées préconçues et s’il existe une coopération dans ce domaine aux échelons régional et sous-régional. Dans les réponses à la liste des questions, le rapport se réfère, à son paragraphe 17, à un projet de plaidoyer et de sensibilisation soumis à l’UNESCO mais auquel il n’a pas encore été donné suite, et Mme Gabr souhaiterait savoir pour quelles raisons ce projet n’a pas encore été entrepris.

44.Comme il a été fait mention de la coopération avec la société civile, il serait bon d’avoir de plus amples détails à ce sujet. Il semble qu’en transformant les stéréotypes et les idées préconçues, il devrait être possible de modifier le Code de la famille, qui appelle incontestablement des changements sur divers points spécifiques si l’on veut que les femmes aient le pouvoir de jouer leur rôle au sein de la société dans les domaines économique, social et politique. Le fait même que les femmes font partie de la délégation nationale reflète une conception nouvelle du rôle des femmes au plan international, mais il serait bon que le taux de participation des femmes soit aussi élevé dans les domaines autres que les affaires féminines.

45.Mme  Shin s’associe à ce qui vient d’être dit au sujet de l’élimination de l’image stéréotypée des femmes en tant qu’êtres inférieurs. En outre, se référant à ce qu’a dit la délégation de l’État partie concernant la nécessité de diffuser des informations au sujet des droits des femmes, et en particulier des droits que leur reconnaît la loi, Mme Shin suggère que le Ministère de la condition de la femme et de la famille organise un forum public avec la participation des organisations féminines, des médias et des membres du Parlement (après les prochaines élections) ainsi que des représentants des différents ministères qui s’occupent des politiques concernant les femmes. Le Ministère pourrait parler aux participants à ce forum des droits que la Convention garantit aux femmes et les informer des recommandations formulées par le Comité au sujet de la mise en œuvre de la Convention et en particulier des types de réformes des lois qu’il juge nécessaires.

46.Rappelant que Mme Popescu a déjà souligné la nécessité de fournir une assistance aux victimes de la guerre qui a ravagé le pays, Mme Shin se réfère à sa propre expérience et à son travail avec les femmes dont on sait aujourd’hui qu’elles avaient pour mission de "réconforter les soldats" pendant la seconde guerre mondiale. Ce travail lui a enseigné qu’il importe de donner à ces femmes la possibilité de rappeler ce qu’elles ont vécu et de punir les auteurs des violences dont elles ont été victimes pour aider à panser leurs blessures, en l’absence de quoi celles-ci risquent de saigner très longtemps.

47.M.  Flinterman, se référant plus particulièrement à la question de la violence contre les femmes, liée à l’article 6 de la Convention, croit savoir qu’un certain nombre de mesures tendant à combattre cette violence sont sur le point d’être adoptées ou le seront à l’avenir, par exemple l’Initiative conjointe pour la lutte contre les violences sexuelles. Cependant, il n’a pas entendu parler de mesures visant à combattre l’impunité, et il souhaiterait savoir exactement ce que fait le gouvernement pour poursuivre les auteurs de tels crimes et veilleur à ce qu’ils n’échappent pas à la justice, et quelle est l’importance que le gouvernement attache à la lutte contre l’impunité.

48.Mme  Vasika Pola Ngandu (République démocratique du Congo) remercie les membres du Comité des suggestions spécifiques qu’ils ont formulées jusqu’à présent, que le gouvernement essaiera d’appliquer après que la délégation de République démocratique du Congo sera rentrée dans son pays. En ce qui concerne l’infléchissement des attitudes négatives, il convient de préciser qu’il n’a pas été élaboré de plan d’ensemble: comme les coutumes traditionnelles affectent la vie des femmes à d’innombrables égards, de l’école au mariage et au-delà, il est mené des programmes et des campagnes dans nombre de domaines différents. Lorsque les coutumes affectent la scolarisation, par exemple, il incombe au Ministère de l’éducation d’essayer de combattre la discrimination contre les filles de la part des parents qui pensent que l’éducation n’est importante que pour les garçons. Pour éliminer ce stéréotype dû aux traditions, le Ministère mène des campagnes s’adressant aussi bien aux filles qui fréquentent l’école qu’aux parents en présentant comme modèles les femmes qui ont aussi bien réussi que les hommes. Les résultats sont satisfaisants: les parents commencent à envoyer de plus en plus de filles à l’école, même dans les provinces où l’idée de l’infériorité des femmes est solidement enracinée. Au plan régional, il est fréquemment organisé des échanges de données d’expérience avec d’autres pays pour apprendre ce qui se passe ailleurs et comment la situation dans le pays pourrait être améliorée. Il pourra être nécessaire de placer de tels échanges sur une base plus institutionnalisée ou plus formelle.

49.Des efforts ont été entrepris pour identifier les coutumes traditionnelles qui sont positives et celles qui sont négatives. L’étape suivante, dans le cadre de la diffusion de l’ensemble du concept de droits des femmes consistera à combattre l’idée selon laquelle, du seul fait que quelque chose dure depuis très longtemps, la situation doit perdurer. Il faudra pour cela faire comprendre que la société qui a créé les coutumes peut tout aussi bien les éliminer lorsque leur effet est négatif.

50.Il n’a pas encore été reçu de réponse de l’UNESCO concernant le projet de sensibilisation. Le gouvernement a élaboré et soumis beaucoup de projets aux donateurs en vue d’un financement à propos desquels il n’a été reçu aucune réponse. Il se peut que les partenaires de développement du pays ne répondent pas parce que tel ou tel projet ne correspond pas à leurs priorités. Du point de vue de la République démocratique du Congo, il importe qu’un tel programme continue d’avancer et, dans tous les cas où cela sera possible, le gouvernement lui-même s’emploiera à mobiliser les ressources nécessaires pour le mener à bien.

51.Mme  Kamwanya Biayi (République démocratique du Congo), se référant aux mesures adoptées pour combattre l’impunité, déclare que la première démarche du gouvernement consistera à entreprendre une réforme de la justice qui sera menée à bien avec l’aide de la Banque mondiale et de l’Union européenne, l’objectif étant de veiller à ce que le système d’administration de la justice fonctionne correctement et que les auteurs de crimes odieux ne jouissent plus de l’impunité.

52.L’un des éléments de cette réforme est la formation des juges et des magistrats de tous les niveaux, l’idée étant notamment de les familiariser avec les concepts juridiques qui ont cours dans d’autres pays. Un autre consiste à accélérer le processus judiciaire. En conséquence, le Ministère de la condition de la femme et de la famille a envoyé une délégation dans une ville où étaient détenus des hommes soupçonnés d’avoir violé des mineures pour exiger que l’affaire soit portée devant la justice et que les coupables soient condamnés. Il a été donné suite à cette demande, ce qui a beaucoup soulagé les victimes.

53.De telles initiatives, dont certaines sont entreprises conjointement avec le Ministère des droits de l’homme, revêtent une grande importance pour encourager les victimes à s’identifier et à accuser leurs tortionnaires, rassurées par la certitude que des mesures seront prises à l’endroit des auteurs de tels agissements. Le Ministère de la condition de la femme et de la famille publie, sous forme imprimée et sous forme de bandes vidéo, les comptes rendus de femmes qui ont été victimes d’actes de violence et qui ont décidé d’élever la voix plutôt que de souffrir dans le silence traditionnel. De tels comptes rendus ont un effet de libération sur les autres victimes. Ce projet est appuyé par le FNUAP et d’autres institutions des Nations Unies.

54.Mme  Vasika Pola Ngandu (République démocratique du Congo) confirme que le Code de la famille est en cours de révision. Beaucoup d’articles discriminatoires ont été abrogés et d’autres doivent être modifiés. Il convient de relever toutefois que, parfois, ce n’est pas le Code lui-même à blâmer, mais plutôt les attitudes des hommes et des femmes, qui ploient sous le poids des usages et des traditions. Par exemple, une femme qui est en droit d’hériter de son mari disparu peut recevoir des menaces ou bien voir ses enfants menacés, et risque de préférer renoncer à l’héritage plutôt que de courir le risque que supposerait le fait d’insister sur ses droits. L’important, par conséquent, est non seulement de faire connaître aux femmes les droits qui sont les leurs, mais aussi de les encourager à les faire valoir.

La séance est levée à 13 heures.