Vingt-cinquième session

Compte rendu analytique de la 525e séance

Tenue au Siège, à New York, le mardi 17 juillet 2001, à 10 heures

Présidente:Mme Regazzoli (Vice-Présidente)

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Quatrième et cinquième rapports périodiques du Nicaragua

M me  Regazzoli, Vice-Présidente, prend la présidence.

La séance est ouverte à 10 h 15.

Examen des rapports présentés par les États partiesconformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Quatrième et cinquième rapports périodiquesdu Nicaragua (CEDAW/C/NIC/4; CEDAW/PSWG/2000/II/CRP.1/Add.3 et CRP.2/Add.1)

À l’invitation de la Présidente, la délégation du Nicaragua prend place à la table du Comité.

M me  Frech de Alemán (Nicaragua) souligne le rôle important que la Convention peut jouer dans la défense des droits des Nicaraguayennes. Bien que 31 % des chefs de ménage nicaraguayens soient des femmes, l’application de la Convention se heurte à la résistance aux changements ancrée dans les attitudes traditionnelles à l’égard des femmes, considérées comme les subordonnées des hommes. La situation économique difficile du pays est également un obstacle, le Nicaragua étant l’un des pays les plus pauvres de l’Amérique latine. Son taux de chômage était de 41,6 % en 1996 et le PIB par habitant de 500 dollars. En 1998, près de 40 % de la population vivait dans la pauvreté, dont 17,3 % dans la pauvreté extrême. Pour s’attaquer à cette situation, le Gouvernement a mis en place une stratégie de réduction de la pauvreté qui s’est assigné des objectifs à l’horizon 2005, parallèlement à des objectifs de diminution de l’analphabétisme et de la malnutrition chronique des enfants âgés de moins de 5 ans à l’horizon 2015. Cette stratégie met l’accent sur les femmes et les enfants, et vise à améliorer leur éducation, leur santé et leur accès aux services publics correspondants. L’égalité des sexes dans ce contexte demeure difficile à atteindre, mais il existe un large consensus sur la nécessité de répondre aux problèmes des femmes et un dialogue ouvert a cours entre la société civile et l’institution compétente.

Certains progrès ont été réalisés. Outre la Constitution et la loi sur la protection des droits, il existe des organismes et pouvoirs publics habilités à recevoir les plaintes déposées par les individus pour violations des droits de l’homme. Les organisations non gouvernementales, comme la Commission permanente des droits de l’homme du Nicaragua, organisation civique fondée en 1977, et le Centre nicaraguayen des droits de l’homme, organisation humanitaire créée en 1990, dont le Directeur exécutif est une femme, jouent également un rôle important. La législation a progressé en matière de protection des droits civils, politiques, sociaux et économiques des femmes. L’application effective de ces nouvelles dispositions reste néanmoins difficile et l’ignorance de la loi chez les femmes, la lenteur des modalités d’application et les retards dans le traitement des demandes de pensions alimentaires pour les enfants, entre autres, aggravent la situation. Les projets de code pénal, de procédure pénale et de la famille, ainsi que la loi sur l’égalité des chances, en cours d’examen, fourniront un cadre juridique pour la défense des droits des femmes qui éliminera les dispositions discriminatoires à leur égard.

Les droits des enfants en matière de nationalité sont décrits dans le rapport (CEDAW/C/NIC/5, p.52 et 53). La déchéance de la nationalité nicaraguayenne ne peut s’appliquer que si l’intéressé(e) adopte librement une autre nationalité. Les accords de mariage, y compris de droit commun, sont reconnus par l’État et peuvent être dissous par l’une des deux parties ou par consentement mutuel.

Les institutions créées pour renforcer le rôle des femmes dans la société sont notamment l’Institut nicaraguayen de la femme (INIM), organisme public chargé de formuler des politiques appropriées et des stratégies efficaces, et le Ministère de la famille, qui met l’accent sur l’aide aux familles, enfants et adolescents vulnérables. Par ailleurs, les ministères intègrent une démarche soucieuse de l’égalité des sexes dans leur action en matière de protection sociale, de politique démographique, de participation des citoyens et d’éducation sexuelle. L’Institut nicaraguayen de la femme a commencé à élaborer une politique pour l’égalité des chances, processus qui atteindra son point culminant au début de l’année 2002. Les commissions interinstitutions, qui offrent un lien entre l’État et la société civile, ont été renforcées et un certain nombre d’organismes consultatifs ont été créés. Les organisations non gouvernementales, comme le réseau Femmes contre la violence et la confédération des organisations non gouvernementales intervenant auprès des enfants et adolescents, jouent également un rôle majeur. En outre, en juin 1999, dans le cadre du processus de démocratisation, un procureur et un procureur adjoint des droits de l’homme ont été nommés, ainsi que des procureurs spéciaux pour les enfants, les adolescents et les femmes.

Depuis 1990, le Ministère de l’éducation, de la culture et des sports s’est efforcé d’accroître la participation des femmes grâce à l’éducation et des progrès majeurs ont été accomplis quoique à un rythme lent (CEDAW/C/NIC/5, p. 53 à 56). Les mesures prises pour étendre la couverture du système scolaire à tout le pays, en particulier au niveau préscolaire et primaire et dans les zones rurales, l’accent étant mis sur les fillettes, ont entraîné une hausse des taux de persévérance et de réussite scolaires. De fait, les femmes et les filles scolarisées sont plus nombreuses que leurs homologues masculins. La fréquentation scolaire a augmenté dans toutes les régions tout en étant supérieure dans les zones urbaines.

Le taux d’analphabétisme est de 11,5 % en zones urbaines et de 33,1 % en zones rurales, le taux d’alphabétisation des femmes étant légèrement supérieur à celui des hommes. Le programme d’alphabétisation a été révisé, de nouveaux matériels élaborés, et des professionnels et enseignants municipaux formés. La Direction de l’éducation des adultes offre des possibilités d’éducation aux travailleurs jeunes et adultes, en donnant la priorité aux mères célibataires, aux femmes au foyer, aux travailleuses et aux femmes chefs de ménage; les femmes représentent aujourd’hui 48,3 % des étudiants adultes. Elles atteignent par ailleurs de meilleurs résultats et des taux supérieurs de persévérance scolaire et d’obtention de diplômes.

Un plan national d’éducation à été établi pour 2001-2015 et l’Institut national de technologie (INATEC) a créé un bureau de formation des femmes, chargé d’élaborer pour elles une formation professionnelle, en priorité dans les régions caractérisées par le plus grand nombre de chômeuses, cultivatrices, mères célibataires, femmes détenues et adolescentes dans une situation vulnérable. L’Institut propose des crédits et une formation à des métiers non traditionnels pour encourager les femmes à créer leurs propres microentreprises.

Un peu plus de la moitié des étudiants d’université sont des femmes, et de plus en plus de femmes étudient dans les filières dominées traditionnellement par les hommes. L’étude des sexospécificités a été intégrée dans le cursus universitaire en vue de sensibiliser aux questions féminines et d’inciter les étudiants à en faire un thème de recherche. Des causeries et séminaires sont organisés sur le thème de l’allaitement maternel à l’intention des enseignants et étudiants hommes et de l’ensemble du personnel universitaire masculin.

La santé et l’espérance de vie des femmes ont enregistré des progrès (CEDAW/C/NIC/5, p. 64 et 65). Toutefois, la mortalité maternelle, qui est passée de 98 à 106 pour 100 000 naissances vivantes entre 1993 et 1998, demeure un problème de santé publique majeur. Les cancers du col de l’utérus et du sein sont également à l’origine de nombreux décès. On réorganise les services de santé pour étendre leur couverture et y intégrer la planification familiale ainsi que la problématique hommes-femmes. Des campagnes de vaccination et la promotion de l’allaitement maternel, ainsi que l’amélioration des soins dispensés durant la grossesse et à la naissance de l’enfant, ont ramené les taux de mortalité infantile de 58,2 pour 1 000 naissances vivantes en 1990 à 40 pour 1 000 en 1998. Les succès remportés dans la lutte contre les maladies diarrhéiques, les affections aiguës des voies respiratoires et les maladies vaccinables, ainsi que les améliorations générales des soins de santé, ont réduit les taux de mortalité infantile. Le Ministère de la santé a fait des services complets de soins de santé pour la femme et l’enfant une de ses priorités.

Rappelant que le Nicaragua enregistre l’un des taux de fécondité les plus élevés d’Amérique latine, l’oratrice fait remarquer que le Code du travail de 1996 interdit toute discrimination à l’égard des femmes et protège les droits des femmes enceintes et des mères allaitantes. Les femmes toutefois tendent toujours à s’acquitter de travaux mal rémunérés et leurs salaires équivalent souvent au tiers de ceux des hommes. Le cinquième rapport périodique décrit la situation des femmes rurales (p. 66 à 68). En 1997, une Commission interinstitutions de la femme et du développement rural (CIMYDR) a été créée pour coordonner les initiatives du Gouvernement et des organisations non gouvernementales dans ce domaine. Cette commission a élaboré une politique axée sur l’égalité des chances ainsi qu’un plan d’action en faveur des femmes rurales. S’agissant de l’accès des femmes au crédit (CEDAW/NIC/5, p. 65 et 66), l’Institut nicaraguayen de la femme a élaboré à leur intention un projet Femmes et crédit pour les aider à la gestion des petites entreprises et exploitations agricoles, constituant un réseau de 12 banques de développement communautaire dans 14 des 17 départements du pays.

Passant au problème très répandu de la violence dans la famille (CEDAW/C/NIC/5, p. 30 à 38), l’oratrice fait remarquer qu’un plan national contre la violence familiale et sexuelle, 2001-2006, a été adopté. Le Plan comporte cinq volets – la détection, la prévention, les soins à apporter aux victimes, la répression et le renforcement des institutions – et 21 projets intersectoriels. Les dispositions du Code pénal sur la violence dans la famille ont été modifiées et d’autres amendements sont envisagés pour mieux définir la violence dans la famille et améliorer la capacité des victimes à obtenir réparation devant les tribunaux. L’Institut nicaraguayen de la femme participe également à la sensibilisation au problème de la violence dans la famille, ainsi qu’à la transformation des attitudes sociétales.

L’Institut nicaraguayen de la femme a fait de la formation une composante essentielle de son action de renforcement des programmes en faveur de la promotion de la femme, la coopération extérieure ayant constitué une source majeure de l’aide économique, financière et technique. L’action de l’Institut a concerné notamment la formation des dirigeantes politiques et la préparation d’animateurs à l’organisation d’ateliers sur la violence destinés au personnel de direction, l’application de la législation sur les femmes et les enfants, les nouveaux systèmes de crédit et l’adoption d’un point de vue tenant compte des sexospécificités. Une campagne de sensibilisation informe enseignants et adolescents sur les dispositions de la Convention, et la police nationale s’emploie à intégrer le souci d’égalité entre les sexes dans sa culture institutionnelle (CEDAW/C/NIC/5, p. 38).

En ce qui concerne l’exploitation sexuelle des femmes et des filles (CEDAW/C/NIC/5, p. 41 à 43), diverses organisations offrent une assistance, sous la forme de l’enseignement primaire, de la formation technique et d’une information sur la santé sexuelle et procréative, aux femmes qui ont été exploitées sexuellement et les aident à ne plus être de nouveau victimes de cette exploitation et de ses effets néfastes sur leur santé. Le Ministère de la santé et plusieurs ONG collaborent avec ces organisations à l’offre de services d’information et d’éducation sur les maladies sexuellement transmissibles et sur le VIH/sida. L’article 40 de la Constitution interdit expressément la traite des personnes sous toutes ses formes, réprimée par la loi No 150 sur les délits sexuels qui établit les sanctions prévues.

La participation des femmes à la vie politique a été grande dans les années 90. En 1995, le Président, le Vice-Président provisoire et les chefs de l’Assemblée nationale et du Conseil suprême électoral étaient des femmes. Les femmes fonctionnaires occupent en majorité les échelons inférieurs de l’administration; toutefois, la représentation des femmes à la Cour suprême s’est accrue. En 1996, les femmes de 10 partis politiques et représentant des idéologies et religions différentes ont formé la Coalition nationale des femmes. Le Programme minimum élaboré par la Coalition a attiré l’attention du pays et des médias sur un débat jusqu’alors circonscrit à des associations féminines isolées. Lors d’un rassemblement organisé la même année, les candidates signataires du Programme minimum ont pris l’engagement de défendre les consensus dégagés au sein de la Coalition nationale par-delà leurs différences idéologiques et politiques. Les autres tribunes politiques de femmes sont notamment le Forum des femmes du Nicaragua, qui a son origine dans les ateliers organisés par l’INIM sur la problématique hommes-femmes et le leadership; le Forum des femmes pour l’édification d’une nouvelle nation, regroupant des femmes représentant de multiples idéologies politiques, partis et secteurs sociaux; et l’Association des femmes maires et maires adjointes qui a organisé des ateliers pratiques de méthodologie.

Le cinquième rapport périodique contient des statistiques sur la participation des femmes aux affaires étrangères (p. 52) ainsi qu’aux élections et à la vie politique du pays (p. 45 et 46). Lors des élections de 1996, plus de 24 % des candidats aux élections législatives étaient des femmes et 17 % d’entre elles ont été élues. En outre, les femmes représentaient alors 51 % des votants inscrits. Au sein du pouvoir exécutif, elles occupent principalement des postes intermédiaires. Le rapport périodique signale la participation des femmes à un certain nombre de ministères durant la période 1993-1995 (p. 45 et 46). Aujourd’hui, elles sont six à être à la tête de directions de ministères ou d’entités autonomes, et quatre à occuper des postes de numéro 2.

Le cinquième rapport périodique informe sur la présence des femmes dans les forces armées et la police nationale, dont la modernisation a notamment consisté dans la mise en place du Conseil consultatif pour l’égalité des sexes dans la police nationale en 1996, où siègent 35 femmes et 4 hommes (p. 46), ainsi que sur le pourcentage de femmes au sein du pouvoir judiciaire, notamment à la Cour suprême et parmi les magistrats du parquet et près les cours d’appel (p. 49 et 50). L’oratrice fait remarquer que les femmes représentent 20 % des membres du pouvoir électoral et que l’actuel Président du Conseil suprême électoral est une femme. L’oratrice attire l’attention sur certaines statistiques contenues dans le cinquième rapport périodique sur la participation des femmes au sein des municipalités en qualité de maires, d’adjointes au maire et de conseillères municipales (p. 49).

Les femmes représentent 50,4 % de la population totale du Nicaragua et 74,8 % d’entre elles vivent dans la pauvreté. Le dénuement économique demeure l’un des principaux obstacles à la concrétisation d’une pleine équité et égalité des sexes et, en outre, il diminue la capacité des femmes à jouer leur rôle d’acteurs économiques du développement national. La Convention est l’instrument international le plus indispensable pour mesurer les progrès et difficultés du pays dans le domaine des droits des femmes. La Constitution et la législation du pays garantissent certes les droits civils, économiques, politiques et sociaux des femmes, mais les mécanismes de mise en œuvre sont inappropriés. Les femmes députées qui siègent à la Commission permanente des femmes, de l’enfance, de l’adolescence et de la famille ont pris l’engagement de faire voter des lois en réponse aux besoins réels des différents secteurs dont les femmes sont issues. Néanmoins, la discrimination de facto persiste du fait de valeurs sociales profondément ancrées qui favorisent la discrimination fondée sur le sexe. L’oratrice conclut qu’un surcroît de ressources financières constitue un préalable à la pleine mise en œuvre des programmes et projets nationaux en faveur de la promotion de la femme.

La Présidente reconnaît les difficultés à encourager la promotion de la femme dans un pays qui se remet de la guerre et des ravages de l’ouragan Mitch. Elle se demande si la Convention peut être efficacement diffusée dans un pays où le taux d’analphabétisme est aussi élevé, en particulier parmi les femmes rurales. Mentionnant le bilan extrêmement positif de la ratification de la Convention dans la région de l’Amérique latine, elle demande si l’État partie a l’intention de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention. Il serait utile d’obtenir des informations sur les mesures spécifiques, prévues pour l’année électorale, visant à accroître la présence des femmes aux postes de décision. Enfin, l’État partie devrait communiquer des statistiques ventilées par sexe au Comité.

M me  Ferrer Gómez reconnaît que devoir surmonter les séquelles de la guerre et les ravages de l’ouragan Mitch a considérablement aggravé le problème de la pauvreté au Nicaragua, laquelle a pour sa part affecté la mise en œuvre de la Convention. Elle apprécierait de plus amples renseignements sur l’éventail des programmes mis en œuvre dans le cadre de la campagne d’atténuation de la pauvreté du Gouvernement et, en particulier, sur la manière dont ces programmes bénéficieraient aux femmes, par exemple, via la création d’emplois ou la réduction de l’écart des salaires entre les deux sexes qui varient du simple au triple. Faisant remarquer que les femmes doivent élaborer des stratégies de survie (CEDAW/C/NIC/5, p. 63) dans l’économie de marché, l’oratrice s’enquiert des mesures de protection des femmes dans le secteur informel, où leurs droits sont fréquemment violés. Elle serait heureuse d’obtenir, dans la mesure du possible, des statistiques sur le pourcentage des femmes qui travaillent dans le secteur informel ou à temps partiel. Il serait également utile, dit-elle, d’avoir des informations sur les conditions du secteur des maquilas où se concentre à présent le travail des femmes. L’oratrice pense que l’État partie devrait expliquer les causes profondes de la migration de grande ampleur des jeunes filles et adolescentes, dont elle craint qu’elles ne deviennent victimes de la traite, et proposer des solutions.

L’oratrice serait heureuse d’avoir un complément d’information sur la situation des femmes au sein des populations autochtones des départements de Masaya, de Granada et León, profondément imprégnés par les anciennes coutumes et traditions, ainsi que sur d’éventuels programmes du Gouvernement mis en œuvre pour améliorer la situation économique et sociale de ces femmes au sein de leurs communautés. Elle apprécierait également que l’État partie évalue l’action à entreprendre pour éliminer les stéréotypes sexuels et le rôle que les médias pourraient jouer à cet égard.

M me  Manalo dit qu’elle serait heureuse d’obtenir des statistiques sur l’inscription des jeunes filles dans les filières d’études traditionnellement dominées par les hommes. Il serait également intéressant d’obtenir des précisions sur le programme d’éducation informelle et à distance, et sur la mesure dans laquelle les technologies de l’information ont contribué à faire progresser l’éducation des jeunes filles et des femmes.

Concernant le domaine de la santé, l’oratrice s’enquiert de l’existence éventuelle de programmes de santé mentale aidant les femmes à gérer le traumatisme psychologique provoqué par la catastrophe naturelle, les troubles civils et la pauvreté extrême. Elle se demande si la recrudescence générale de la tuberculose et du paludisme dans les pays tropicaux pauvres a affecté le Nicaragua et, le cas échéant, s’il existe d’éventuels programmes adaptés à la lutte contre ces maladies. Elle apprécierait toute information détaillée sur le rôle des organisations non gouvernementales nationales ou internationales dans la rédaction des rapports de l’État partie et la mise en œuvre des programmes en faveur de l’égalité des sexes. Elle souhaiterait également obtenir des précisions sur la relation qu’entretiennent les organisations non gouvernementales avec l’Institut nicaraguayen de la femme (INIM) ainsi que sur le statut de l’Institut, par exemple, gouvernemental ou non.

Concernant la violence à l’égard des femmes, l’oratrice souhaiterait obtenir des informations sur l’action du Gouvernement concernant l’émigration et sur d’éventuelles mesures prises pour lutter contre la traite des émigrantes. Elle fait remarquer que le rapport ne propose aucune définition juridique du viol et ne décrit pas les programmes qui s’attaquent au problème. Elle souhaite connaître la définition que l’État partie donne de la prostitution et savoir qui les lois du pays punissent en la matière. Enfin, elle s’enquiert des programmes d’information et d’éducation qui visent en particulier à éliminer les représentations stéréotypées des rôles sexospécifiques.

M me  González se dit préoccupée par la forte dépendance de l’INIM, un des plus anciens instituts nationaux de la femme en Amérique latine, à la coopération et à l’aide internationales, et se demande ce qu’il adviendra de lui en cas de réduction ou de retrait de ce financement. Une contraction sensible des programmes de l’Institut peut affecter la capacité de l’État partie de mettre en œuvre le Programme d’action de Beijing et le document final de la vingt-troisième session extraordinaire de l’Assemblée générale. L’oratrice recommande fortement d’allouer régulièrement à l’Institut les ressources budgétaires voulues pour préserver son autonomie.

Rappelant le rôle remarquable du Nicaragua dans l’élaboration de la Convention interaméricaine pour la prévention, la sanction et l’élimination de la violence contre la femme, elle s’enquiert de toute action nationale récente de lutte contre la violence à l’égard des femmes, ainsi que des ressources à la disposition des programmes conduits à cet effet par l’Institut ou, entre autres, les ministères, les autorités judiciaires ou la police.

Se référant à la question 27 de la liste des questions, elle demande des informations sur le nombre de femmes assistées et le nombre d’agents de proximité, de sages-femmes et de chefs communautaires formés dans le cadre de l’action du Ministère de la santé sur la violence traitée comme problème de santé publique.

Elle souhaiterait également obtenir – s’il y a lieu, dans le rapport périodique suivant – des informations plus détaillées sur l’incidence de l’augmentation de la prostitution au Nicaragua, en particulier chez les enfants et les adolescents, ainsi que sur son impact sur la traite des femmes et des enfants. Il conviendrait, selon l’oratrice, d’indiquer les mesures spécifiques prises ou envisagées pour s’attaquer à cette situation. En conclusion, l’oratrice espère que le Nicaragua redoublera d’efforts pour venir à bout des stéréotypes sexuels qui entravent gravement la mise en œuvre de la Convention.

M me  Shin dit qu’elle souhaiterait obtenir les chiffres du budget national total afin de se faire une meilleure idée de l’importance des dépenses consacrées aux femmes et à leurs intérêts. Elle estime en outre que les chiffres devraient à l’avenir être ventilés par sexe.

L’Institut nicaraguayen de la femme est de fait, semble-t-il, le dispositif national de mise en œuvre des mesures et programmes en faveur des femmes. L’oratrice demande si la Directrice exécutive de l’Institut pense être dotée d’une influence suffisante sur les divers ministères concernés pour faire en sorte qu’ils intègrent une démarche soucieuse de l’égalité des sexes, la plus importante des composantes du Programme d’action de Beijing. Elle souhaiterait savoir si la Directrice exécutive estime que les ministères sont suffisamment sensibles aux intérêts des femmes et qu’ils y consacrent les financements voulus.

L’oratrice relève l’influence considérable de l’Église catholique au Nicaragua, où 73 % des habitants, selon ses informations, se disent catholiques. Elle s’enquiert de l’état des relations entre l’Institut nicaraguayen de la femme et les responsables religieux, le rapport ne faisant état d’aucun contact. Rappelant que les responsables religieux sont des guides de l’opinion et peuvent contribuer à lutter contre la violence et toute représentation stéréotypée, l’oratrice se demande s’ils ont aujourd’hui une attitude plus favorable à l’égard de l’avortement et des droits des femmes en matière de procréation.

L’oratrice relève que le rapport ne donne aucune information sur l’incidence de la prostitution et/ou la traite des femmes, en dehors du fait que le Code pénal punit les souteneurs et les trafiquants. Elle rappelle que le Gouvernement sandiniste aurait intégré des ex-prostitués au sein des forces de police; elle demande ce qui leur est arrivé depuis. Elle estime que l’information sur la prostitution devrait à l’avenir être ventilée par âge; selon ses sources, il existe de nombreux enfants prostitués au Nicaragua, ce qui s’explique par l’importance de la pauvreté et la structure démographique du pays où près de la moitié de la population a moins de 15 ans.

M me  Frech de Alemán (Nicaragua) dit qu’elle s’entretiendra avec sa délégation pour préparer les meilleures réponses possibles aux questions soulevées et les communiquer à l’occasion de la séance suivante du Comité.

Elle fait observer que le Nicaragua a signé la Convention et le Protocole facultatif se rapportant à la Convention et que le pays les considère comme ayant un caractère contraignant et comme formant un cadre juridique approprié pour amender la législation du Nicaragua en vue de concrétiser l’égalité entre les hommes et les femmes. Des stages et des réunions sur la Convention et le Protocole facultatif se rapportant à la Convention sont organisés au niveau gouvernemental, entre autres, avec pour objectifs d’informer les responsables et le grand public, et de sensibiliser à la véritable signification de la Convention et du Protocole du point de vue juridique et de la population dans sa vie quotidienne. La Convention aussi bien que le Protocole facultatif sont examinés en vue d’être élevés au rang constitutionnel.

M me  Goonesekere se dit impressionnée par le degré d’engagement du Gouvernement du Nicaragua de mettre en place des lois, politiques et programmes de lutte contre la discrimination à l’égard des femmes, en particulier au regard des troubles et des catastrophes qui ont affecté le pays. Le Nicaragua a déjà appliqué nombre des lois, politiques et programmes dont le Comité demande souvent aux pays d’envisager l’adoption.

L’oratrice demande une explication de l’incompréhensible contradiction entre les taux élevés de fécondité et de mortalité maternelle, d’une part, et l’excellence des niveaux d’espérance de vie et de participation dans l’enseignement supérieur des femmes, d’autre part. Aussi déconcertant est le contraste entre ces indicateurs positifs et l’omniprésence d’un machisme solidement ancré. Elle propose que l’Institut cherche à résoudre ces contradictions, dans un premier temps en les étudiant; plusieurs des nombreuses universitaires pourraient peut-être se voir confier cette mission.

L’oratrice fait remarquer qu’une loi a été votée nommant un procureur spécial pour les femmes. Elle souhaite savoir si le procureur spécial mène déjà une action; s’il a été saisi d’éventuelles plaintes; et, le cas échéant, connaître la suite qui leur est donnée. Elle demande des informations précises pour savoir dans quelle mesure les programmes de formation aux droits de l’homme réussissent et dans quels domaines.

M me  Corti développe l’idée exprimée par l’oratrice précédente sur les contradictions manifestes qui ressortent des statistiques relatives aux femmes et s’enquiert de leur cause profonde. Saisissant difficilement le lien existant entre l’Église et l’État du Nicaragua à partir de la description qui en a été faite, elle demande si le Nicaragua est oui ou non un État laïc. Elle fait remarquer que le machisme a été perçu comme le principal obstacle à l’instauration d’une action sociale progressiste et s’enquiert de son origine et des acteurs responsables de sa persistance alors que de nombreuses femmes nicaraguayennes sont instruites et que le droit international en la matière est transposé dans la législation nationale. Elle relève également une contradiction entre l’approche traditionnellement progressiste du Nicaragua face à la violence dans la famille, d’une part, et le caractère ordinaire du machisme, d’autre part. L’oratrice considère en outre que la législation et l’action du Nicaragua en matière de violence dans la famille insistent trop sur les victimes adolescentes et enfants, et insuffisamment sur les femmes. À cet égard, elle demande à qui font rapport les organes responsables des femmes et des enfants au sein des différents ministères, et auprès de quel niveau de l’État ces mêmes organes obtiennent leur financement.

L’oratrice fait remarquer que le « droit à la vie » est consacré par la Constitution et demande si le moment où la vie est censée commencer y est précisé. Le « patrimoine familial » est décrit comme un concept qui a favorisé les femmes et les enfants. Elle demande un complément d’explications sur ce concept et sur ce qu’il entraîne pour les femmes. Elle rappelle que la Convention relative aux droits de l’enfant a été élevée au rang constitutionnel. Elle demande pourquoi il n’en a pas été de même de la Convention et souhaite connaître les mesures prises dans ce sens.

De l’avis de l’oratrice, les chiffres du budget communiqués ne permettent pas de dire si des crédits suffisants sont alloués au fonctionnement des institutions publiques chargées des questions relatives aux femmes, notamment les tribunaux des affaires familiales. À cet égard, elle s’enquiert de l’état d’avancement de la réforme de ces tribunaux et demande si les tribunaux civils appuient leurs décisions sur l’autorité des parents, ou bien si ce système également a été réformé.

L’oratrice demande s’il existe des statistiques sur l’avortement – interdit depuis peu au Nicaragua – indiquant si le nombre des avortements a baissé après la promulgation de la nouvelle législation ou s’ils ont disparu. La législation ayant pour objectif d’abolir entièrement la pratique de l’avortement, elle demande également si d’éventuelles recherches sont en cours sur les avortements clandestins, notamment pour identifier les personnes qui les pratiquent et les femmes qui y ont recours.

Elle fait remarquer que l’éducation sexuelle dans les établissements scolaires est obligatoire depuis 1997 et, en particulier, que les jeunes femmes et les adolescentes sont encouragées à vivre leur sexualité de manière responsable (« asumir su sexualidad de forma responsable »). Elle s’interroge sur la signification de cette expression et sur le contenu de l’éducation sexuelle dispensée dans les écoles.

Concernant la participation des femmes à la vie politique, il semble à l’oratrice que des progrès ont été accomplis dans ce domaine après la guerre civile, mais que la situation a régressé depuis lors. Elle demande une explication de ce phénomène.

Les services médicaux constituent l’un des principaux sujets de préoccupation. À cet égard, le programme et le plan d’action qui ont été décrits semblent remarquables, mais l’oratrice s’interroge sur le mode de financement de l’ensemble de leurs objectifs. Le Comité apprécierait toute information concernant le mode de budgétisation des crédits requis.

M me  Gaspard dit que les rapports du Nicaragua, en particulier le cinquième rapport, contiennent un certain nombre de chiffres, mais qu’ils sont difficiles à interpréter faute de tableaux statistiques sur les femmes, que ce soit dans la prise de décision, l’éducation, la violence ou la santé. Le Nicaragua est doté d’un Institut des statistiques et du recensement, mais l’oratrice se demande si les statistiques sont systématiquement ventilées par sexe. Elle dit qu’il est impossible, faute de chiffres ventilés, de procéder à des mesures comparatives de la situation des hommes et des femmes, d’analyser les schémas de discrimination et d’aviser aux moyens d’y remédier.

Elle souhaite savoir si les dispositions du projet de Code de la famille ont été établies en coopération avec les organisations non gouvernementales féminines et demande quand le Code sera prêt pour examen.

Sur la question de l’émigration des jeunes adolescentes, elle demande si les raisons de cette émigration sont connues et ce qu’il advient de ces jeunes filles.

Dans le domaine de l’emploi, des mesures de discrimination positive seraient envisagées. L’oratrice souhaite savoir si ces mesures s’appliqueraient au secteur privé ainsi qu’au secteur public et s’enquiert des mesures de coercition prévues le cas échéant. Elle demande comment se situent les salaires des femmes travaillant dans les zones franches par rapport à ceux des femmes travaillant ailleurs et des hommes. Elle souhaite également savoir s’il existe des textes réglementaires sur la situation des femmes qui travaillent sans rémunération dans les boutiques de leurs maris ou dans leurs fermes.

Le fait que 31 % des chefs de famille au Nicaragua sont des femmes révèle que de nombreuses femmes, divorcées ou abandonnées, se retrouvent seules avec leurs enfants à élever. Elle s’enquiert des dispositions régissant les pensions alimentaires pour les femmes et les enfants dues par les pères absents, et demande si ces dispositions sont appliquées.

Concernant le VIH/sida, elle souhaite savoir si des tests de dépistage du VIH sont offerts aux femmes enceintes.

M me  Achmad se dit à son tour préoccupée par l’écart entre les résultats scolaires des femmes nicaraguayennes et l’état anormalement mauvais de leur santé. En outre, elle se joint aux oratrices précédentes pour enjoindre au Nicaragua d’élever la Convention au rang constitutionnel, comme il l’a fait pour la Convention relative aux droits de l’enfant; elle dit que la priorité accordée aux enfants ne doit pas compromettre celle des femmes.

Elle est profondément préoccupée par l’absence de loi générale sur l’éducation. L’éducation est un outil majeur pour inculquer l’égalité et atteindre les objectifs de la Convention. Elle peut permettre au Gouvernement d’éliminer les stéréotypes sexuels et entraîner l’adhésion des hommes au principe d’égalité des sexes dans la vie de tous les jours, que ce soit dans la famille, sur le lieu de travail ou dans l’arène politique. Il conviendrait que le Nicaragua s’inspire de la Convention, où sont précisées les différentes composantes indispensables de l’éducation, lors de la rédaction d’une loi générale sur l’éducation et l’établissement de la version définitive du Code de la famille.

M me  Hazelle dit qu’elle prend toute la mesure des difficultés de la reconstruction du Nicaragua, étant elle-même originaire d’un petit pays qui a payé sa part du tribut prélevé par les catastrophes naturelles. Son pays compte également une proportion élevée de femmes chefs de famille. À cet égard, elle s’enquiert des dispositifs mis à la disposition des femmes pour les aider à concilier leurs responsabilités familiales et professionnelles, tels les centres de garderie et les programmes de prise en charge des enfants après l’école. Elle souhaiterait savoir si les travailleuses des zones franches bénéficient de ce genre de programmes et si le Ministère du travail a commencé à coopérer à cette fin.

Concernant la violence à l’égard des femmes, elle sollicite des informations détaillées sur les peines en vigueur; des statistiques sur les poursuites et condamnations en la matière; des précisions sur le lien que la Commission nationale de lutte contre la violence à l’égard des femmes, des enfants et des adolescents entretient avec le cadre juridique existant; de plus amples renseignements sur l’aide disponible aux familles; et une présentation détaillée de la formation des officiers de police, en particulier à la gestion des conflits domestiques. Elle estime utile de connaître les types de comportements au sein de la famille qui ne sont pas considérés comme relevant de la violence familiale.

M me  Schöpp-Schilling fait remarquer qu’il est difficile pour le Comité d’apprécier l’incidence réelle des programmes et mécanismes du Nicaragua, d’où le grand nombre de questions posées par ses membres. Il serait utile que le prochain rapport du Nicaragua soit plus concret et qu’il produise davantage de statistiques. L’oratrice demande si un calendrier est arrêté pour amender les lois discriminatoires toujours en vigueur, comme le prévoit l’article 2 de la Convention. Elle souhaiterait également savoir si le projet de loi sur l’égalité des chances sera promulgué avant les prochaines élections et, dans le cas contraire, connaître ses chances de réintroduction.

M me  Livingstone Raday se joint aux autres oratrices pour féliciter le Nicaragua des progrès accomplis en dépit des circonstances difficiles. Elle se dit profondément préoccupée par les problèmes éducatifs et psychologiques rencontrés chez les jeunes filles des zones rurales, âgées de 14 à 17 ans, qui auraient eu des relations sexuelles avec des hommes plus âgés, souvent pères eux-mêmes. Elle demande si des mesures sont prises pour s’attaquer à ce problème, notamment des poursuites à l’encontre de ces hommes pour corruption sexuelle de mineurs ou viol commis sur un mineur. Elle souhaite savoir si le programme d’éducation sexuelle du Nicaragua dissuade de ce type de comportements.

Faisant observer que la mortalité spécifiquement féminine est la première cause de mortalité chez les femmes, l’oratrice s’enquiert de l’action menée pour fournir des services de dépistage du cancer et améliorer les soins de maternité. Elle demande s’il existe des informations sur la prévalence du VIH/sida dans la population, si des programmes de prévention sont en cours et si les préservatifs sont aisément accessibles, en particulier au sein des populations vulnérables. Elle demande également si l’Église catholique s’oppose à ces programmes.

Elle souhaite savoir si la loi sur l’égalité des chances s’appliquera uniquement aux emplois du secteur public ou bien si elle s’étendra aux employés du privé. Enfin, elle dit avoir été surprise de lire la constatation très générale rendue par la Cour suprême de justice selon laquelle la législation du Nicaragua ne présente aucune forme de discrimination à l’égard des femmes. L’oratrice demande à connaître l’affaire sur laquelle se prononçait la Cour suprême lorsqu’elle a formulé cette constatation; qui l’a saisie de l’affaire; et les éléments sur lesquels cette constatation s’est appuyée.

M. Melander appelle l’attention sur une contradiction manifeste dans le cinquième rapport périodique qui, d’une part, indique (p. 71) que des progrès importants ont été réalisés en droit positif en matière de protection de la femme, bien qu’ils n’ont été accompagnés d’aucune modification du droit procédural, et qui, d’autre part, signale (p. 72) que la plupart des lois du Nicaragua ne tiennent pas compte des droits des femmes. L’orateur demande que la lumière soit faite sur cette contradiction. Il croit comprendre que les étudiantes sont plus nombreuses que leurs homologues masculins dans l’enseignement supérieur; il souhaiterait connaître les proportions respectives des hommes et des femmes au sein du personnel enseignant universitaire du Nicaragua. Enfin, il demande si le Nicaragua adhérera à l’amendement à l’article 20 de la Convention.

La séance est levée à 12 h 40.