Comité pour l’élimination de la discriminationà l’égard des femmes

Trente-cinquième session

Compte rendu analytique de la 725e séance

Tenue au Siège, à New York, le jeudi 18 mai 2006, à 10 heures

Présidente :Mme Pimentel (Vice-Présidente)

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (suite)

Sixième rapport périodique du Guatemala

La séance est ouverte à 10 h 15.

Examen des rapports présentés par les États partiesconformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Sixième rapport périodique du Guatemala (CEDAW/C/GUA/6; CEDAW/C/GUA/Q/6 et Add.1)

Sur invitation de la Présidente, les membres de la délégation guatémaltèque prennent place à la table du Comité.

M me  Núñez (Guatemala), introduisant le sixième rapport périodique du Guatemala (CEDAW/C/GUA/6; CEDAW/C/GUA/Q/6), dit que des progrès considérables ont été accomplis en matière de développement humain pendant la décennie précédente, mais que les femmes, la population rurale et les autochtones vivent toujours dans la pauvreté. Certes, la participation économique des femmes s’est accrue pendant cette période, mais surtout dans les secteurs à faible productivité. Les femmes guatémaltèques deviennent également plus actives dans la vie politique et publique à tous les niveaux.

Le Guatemala a proclamé l’égalité de tous les êtres humains à l’article 4 de sa constitution. L’institution suprême chargée des affaires féminines est le Forum national des femmes composé de représentants des trois branches du Gouvernement et qui a pour mission de diriger et de coordonner l’application de la politique en faveur des femmes. Toutefois, en 2005, on a créé le Secrétariat présidentiel pour les femmes (SEPREM) et, par la suite, le Bureau de coordination interinstitutions pour le développement intégral des femmes guatémaltèques. Ce dernier est composé du Bureau pour la défense des droits des femmes autochtones, du Forum national des femmes et d’autres organisations.

La violence à l’encontre des femmes soulève de vives inquiétudes au Guatemala. On a élaboré un plan national pour la prévention et l’élimination de la violence familiale et de la violence à l’encontre des femmes qui comprend des éléments comme la recherche, l’analyse, les statistiques, des programmes de prévention, l’assistance aux victimes et la création de capacités institutionnelles dans l’État.

On a adopté une série de dispositions législatives qui contribueront au progrès des femmes et des filles; en particulier, la discrimination a été érigée en infraction, et l’égalité des sexes est consacrée par la loi. On vient également d’adopter des lois destinées à protéger les jeunes contre la traite et l’exploitation sexuelle, et une loi qui garantit l’accès universel aux services de planification familiale. Toutefois, malgré de nombreuses initiatives, la législation ne contient toujours pas de définition de la violence familiale, du viol, de l’exploitation sexuelle, de la traite et du tourisme sexuel.

Une disposition législative qui est toujours en vigueur et qui a suscité de nombreuses questions est l’article 200 du chapitre VII du Code pénal conformément à laquelle une personne qui commet un délit sexuel est innocentée si elle épouse la victime, à condition que cette dernière ait plus de 12 ans. Le Bureau de l’ombudsman a présenté un recours contre cet article et son application a été suspendue par la Cour constitutionnelle.

Dans le cadre d’une initiative destinée à identifier et à modifier les stéréotypes, on a entrepris un projet de réforme de l’éducation, on a soumis des recommandations au Ministère de l’éducation et on a introduit des changements dans les livres scolaires. En outre, la Commission présidentielle de lutte contre la discrimination et le racisme a lancé une campagne de sensibilisation aux problèmes de la discrimination fondée sur le sexe qui utilise des affiches, des supports éducationnels et les médias.

En 2005, on a approuvé un amendement au Code pénal qui aggrave les peines qui sanctionnent la traite des êtres humains. On a également conduit des campagnes de sensibilisation à cet égard.

Les dernières années, la participation politique des femmes s’est accrue et, lors des élections de 2003, le nombre de femmes qui ont voté a atteint un niveau sans précédent. Le nombre de femmes membres du Congrès a également augmenté, bien que seulement une femme autochtone soit membre. Pour la première fois dans l’histoire du pays, les présidents de la Cour suprême, du Conseil de la magistrature et du barreau sont des femmes.

Le Ministère de l’éducation s’est employé à accroître la scolarisation des filles. L’écart entre les filles et garçons a été réduit, mais demeure encore assez élevé dans les zones autochtones. Les questions sexospécifiques ont été incorporées dans les programmes d’études.

Le Gouvernement a créé un mécanisme chargé d’enquêter sur les allégations de discrimination en matière d’emploi et de violation des dispositions de la législation du travail et du régime de sécurité sociale. En 2005, le nombre de plaintes déposées a été sensiblement inférieur à celui enregistré en 2004. Des syndicats ont été formés dans certaines entreprises où des violations répétées avaient été signalées.

Le Ministère de la santé a élargi la couverture de son programme de santé procréative dans les zones urbaines et rurales en vue, entre autres, de répondre aux urgences obstétricales et de fournir des services de planification familiale. On a organisé la formation des sages-femmes en tenant compte des traditions des femmes rurales et autochtones.

L’État s’efforce de faire appliquer le droit des femmes à posséder leurs propres biens. On a octroyé des prêts à des femmes aux fins de l’achat de terres, les femmes représentant 11 % des bénéficiaires de tels prêts. Le Gouvernement accorde également des prêts à des femmes en vue de leur participation aux affaires et de la gestion de leurs propres entreprises.

On s’est efforcé d’aligner la législation nationale existante sur les accords internationaux. On a proposé des amendements en vue de réglementer l’égalité dans les affaires familiales telles que le mariage et la garde des enfants, mais ces propositions sont toujours en train d’être examinées par le Congrès. Un projet de loi relatif au mariage et à la famille a été déposé, mais ne fait aucune référence à l’âge du mariage.

Les organes du Gouvernement ont conduit des campagnes d’information concernant la Convention, y compris l’élaboration d’une vidéo sur la Convention qui à été diffusée dans diverses régions du pays et incorporée dans des ateliers organisés dans différentes localités. Des juges, des procureurs, des agents de police et des avocats chargés de défendre les indigents ont participé à des activités de formation dans ce domaine.

Les principaux défis qui se posent au Guatemala à l’égard de la Convention consistent à harmoniser sa législation nationale avec les normes internationales, à confronter de manière plus directe le problème de la traite des êtres humains, à élargir la participation des femmes à la vie politique publique à tous les niveaux, à améliorer les soins de santé et l’éducation pour les femmes et les filles, à renforcer le système national chargé d’évaluer l’application de la Convention et des autres engagements concernant les droits des femmes, et à veiller à la participation des institutions de l’État et de la société civile à l’application de la Convention.

Articles 1 à 6

La Présidente, parlant à titre personnel, dit que le Guatemala à bien ratifié les principaux instruments internationaux des droits de l’homme, y compris la Convention et son protocole facultatif, mais que la législation nationale n’est toujours pas complètement harmonisée avec eux. Elle se demande si le Gouvernement actuel comprend bien les aspects conceptuels des questions en cause. Il serait intéressant de savoir s’il existe une stratégie destinée à assurer la cohérence entre les dispositions de la législation nationale et la Convention; l’oratrice se réfère en particulier à la nécessité qu’il y a à opérer des réformes concernant l’âge du mariage, les pensions alimentaires pour enfants après le divorce, la période d’attente pour les femmes divorcées qui souhaitent se remarier et la définition des actes de violence familiale et de harcèlement sexuel. Elle invite instamment le Guatemala à suivre l’exemple des autres pays d’Amérique latine et à adopter le plus rapidement possible une loi spéciale relative à la violence familiale et à la violence à l’encontre des femmes. Il faut également adopter des lois établissant des quotas en vue d’accélérer l’égalité de fait entre les sexes conformément à l’article 4. Parmi les autres problèmes, on peut citer la situation des femmes travaillant dans l’agriculture et l’élevage, le droit des femmes à la sécurité sociale et la réforme de la législation électorale. L’oratrice s’inquiète des déséquilibres apparents entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire et note en particulier la résistance du Congrès à des modifications de la législation destinées à promouvoir les droits fondamentaux des femmes. Elle voudrait savoir comment le sixième rapport périodique a été établi et s’il a bénéficié de la participation du pouvoir judiciaire, de l’exécutif et des organisations non gouvernementales (ONG). Le Comité apprécierait également des informations sur la suite donnée aux questions soulevées pendant le dialogue constructif, en particulier en ce qui concerne la manière dont elles seront présentées et examinées au Congrès et dans les autres branches du Gouvernement, ainsi que dans la société guatémaltèque. Elle insiste sur le caractère obligatoire de la Convention et voudrait savoir quelles sont les mesures prises pour familiariser les juges avec ses dispositions.

M me  Dairiam croit comprendre que, pour être invoquée devant les tribunaux, la Convention doit avoir été adoptée par le Congrès national. Comme elle suppose que tel est le cas, elle est perplexe devant le manque d’harmonisation. Elle voudrait savoir si le décret No 57-2002 du Congrès concernant la réforme du Code pénal incorpore la définition de la discrimination à l’égard des femmes énoncée à l’article premier de la Convention et si la définition incorpore à la fois ses formes directes et indirectes et sa pratique par des entités privées ou des particuliers. Il serait également utile d’avoir des renseignements sur les mesures prises pour faire appliquer le décret Nos 81-2002 portant promulgation de la loi encourageant l’éducation en matière de non-discrimination. Elle voudrait savoir si ce décret a été reflété dans des directives adressées aux ministères et s’il existe un organe chargé de contrôler l’action de ceux-ci. Elle voudrait également savoir quelles sont les activités conduites par le Bureau pour la défense des droits des enfants et des adolescents créé conformément au décret No 27-2003, en particulier en cas de mauvais traitements ou de délaissement de filles. Elle reconnaît que le SEPREM est engagé dans une lutte à long terme et se demande si une campagne axée sur les structures de l’État et visant à les encourager à assumer la responsabilité de l’application de la Convention fait partie de ses projets.

M me  Saiga dit qu’elle est assez perplexe devant la prolifération de bureaux et de services et n’est pas certaine de pouvoir identifier l’organisme central. Elle note que le SEPREM a des fonctions consultatives et de coordination, mais qu’il semble lui-même être coordonné par le Conseil de coordination interinstitutions. Elle souligne qu’il est souhaitable de rationaliser les organismes consultatifs et de coordination dans l’intérêt du Gouvernement, de la population en général et du Comité. Elle apprécierait des éclaircissements quant à la place du SEPREM dans l’appareil ministériel. Elle voudrait savoir si Mme Núñez, en tant que chef du SEPREM, a rang de ministre et si elle assiste aux réunions du Conseil des ministres. Il serait également intéressant de savoir quels sont les organismes qui sont conseillés par le SEPREM et si celui-ci publie un rapport annuel sur la situation des femmes dans les différents domaines. Elle note que le budget du SEPREM a été majoré de 50 % pour l’année en cours après avoir été réduit de 20 % l’année précédente et exprime l’espoir qu’il ne subira pas une nouvelle réduction.

M me  Núñez (Guatemala) reconnaît l’existence de quelques incompatibilités entre la législation nationale et les instruments internationaux; on a déployé des efforts en faveur de l’harmonisation et continuera à le faire. Il faut effectivement une stratégie en faveur de l’adoption de réformes, ce qui exige la coopération du Congrès aussi bien que les compétences apportées par des organisations de femmes, en particulier grâce au recours qu’elles présentent contre la constitutionnalité de certaines lois. S’agissant de la violence familiale, l’oratrice dit qu’on a élaboré un projet de loi qui en est à la première lecture; malheureusement, le harcèlement sexuel n’y est pas inclus. Il existe également une proposition non encore approuvée tendant à adopter de nouvelles dispositions concernant le travail agricole. L’oratrice reconnaît que l’action des trois branches du Gouvernement n’est pas toujours cohérente et souligne qu’il faut renforcer encore le pouvoir judiciaire. Les juges et les fonctionnaires chargés du maintien de l’ordre ont reçu une formation, mais celle-ci ne couvre pas tous les aspects. S’agissant du sixième rapport, celui-ci a été achevé en septembre 2003 avant l’installation du Gouvernement actuel en mars 2004 avec la participation de divers ministères, de juges et du mouvement féministe. Toutefois, l’oratrice ignore l’importance de cette contribution. Elle est consciente de la nature obligatoire de la Convention : pendant l’année précédente, la Cour suprême, présidée par une femme, a fait beaucoup pour sensibiliser les autres membres du personnel de la justice à la question des droits des femmes. Les tribunaux ont effectivement été saisis par des particuliers de cas de discrimination et ont pris plusieurs décisions à cet égard l’année précédente. Le suivi est assuré par des mécanismes comme la Commission présidentielle de lutte contre la discrimination et le racisme. Plusieurs sentences rendues récemment par la justice reflètent des changements en cours qui profitent aux femmes guatémaltèques. Parmi les autres mécanismes institutionnels créés par décision législative, on peut citer le programme du secrétariat pour la protection sociale qui vise à protéger les jeunes filles contre l’exploitation sexuelle. Les travaux du SEPREM comptent sur un soutien croissant, comme le montre la composition de la délégation guatémaltèque à la réunion; mais il faut une coopération plus étroite, non seulement avec des organisations de femmes, mais aussi avec les différents mécanismes de l’État. Le SEPREM constitue effectivement l’institution la plus haut placée chargée des affaires féminines et l’oratrice assiste elle-même à toutes les réunions du Conseil des ministres avec rang de ministre. La coordination des politiques de promotion et de développement en faveur des femmes est donc assurée au niveau le plus élevé du Gouvernement. Il est vrai qu’il existe de nombreux mécanismes traitant de domaines spécifiques et différents : le Bureau pour la défense des droits des femmes autochtones, le Bureau national des affaires féminines et le Forum national des femmes, et il faut coordonner leur action afin d’éviter les chevauchements tant dans leur action que dans leurs propositions en faveur du progrès des femmes. S’agissant du Conseil consultatif du SEPREM, celui-ci fait partie intégrante du SEPREM. La réduction du budget du SEPREM est survenue en 2004; en 2005, son budget n’a pas été réduit. En fait, en 2005, il a réussi à mener 98 % de ses activités sans aucune assistance de la part des autres organes du Gouvernement et s’accommode parfaitement de son budget accru.

M me  Montenegro (Guatemala) dit que la Commission des affaires féminines du Congrès est un organisme diversifié qui fonctionne indépendamment du Gouvernement central. À l’heure actuelle, seulement 14 femmes exercent des fonctions officielles, mais avec la nomination de l’oratrice en tant que Présidente, la Commission est dirigée par une femme pour la première fois. Saisissant l’occasion de décrire les réalisations en matière de législation et de réformes globales destinées à réprimer la violence à l’encontre des femmes et la traite des personnes sous toutes ses formes, à améliorer l’accès à la planification familiale, à renforcer la participation des femmes à la vie politique et à régler les problèmes de l’emploi, l’oratrice souligne qu’il faudra un surcroît de volonté politique et d’investissement.

M me  Aceña (Guatemala) dit que, depuis 2005, les programmes scolaires à tous les niveaux ont été adaptés afin de promouvoir le civisme et les valeurs sociales, de souligner l’harmonie raciale, l’équité et le respect des différences ethniques et culturelles. Avec le soutien d’institutions allemandes, un groupe d’ONG a entrepris une étude destinée à aboutir à une évaluation quantitative des changements d’attitude et à développer des critères permettant de déterminer dans quelle mesure les nouveaux programmes scolaires ont amélioré le civisme. L’oratrice souligne également que l’engagement du Ministère de l’éducation qu’elle dirige, et qui est le plus important du Gouvernement central, ressort clairement de l’importance qu’il attache à la sensibilisation de son personnel et de la priorité qu’il accorde aux activités destinées à influencer l’attitude des fonctionnaires à l’égard de la discrimination fondée sur la race ou le sexe.

M me  Zapeta (Guatemala) dit qu’en sa qualité de défendeur national des femmes autochtones elle dirige le Bureau pour la défense des droits des femmes autochtones, organisme créé conformément à l’accord de paix de 1999 sur l’initiative des femmes autochtones. Parmi ses fonctions, on peut citer la promotion de la politique des pouvoirs publics en faveur des droits des femmes autochtones, et il entretient une coordination constante avec le SEPREM. Il est chargé de promouvoir la coexistence harmonieuse des cultures. En outre, il est attentif au problème des femmes autochtones victimes de violences et leur apporte un soutien juridique et social. En 2005, on a enregistré 2006 cas de violences, dont 85 % des cas de violence familiale, suivis par ordre d’importance par les agressions sexuelles et les violences liées à la discrimination ethnique et à des conflits fonciers.

On a élaboré un projet de loi qui vise à créer des conditions décentes pour les femmes autochtones employées en tant que travailleuses domestiques qui est en cours d’adoption. La promulgation du décret No 57-2002 du Congrès représente un grand pas en avant. Il définit le délit de discrimination, y compris la discrimination fondée sur le sexe. Deux condamnations ont déjà été prononcées au titre de ce décret et plusieurs poursuites ont été intentées contre des entités privées.

L’oratrice mentionne avec plaisir que le budget de son bureau a été augmenté de 131 % en 2006 par rapport à l’année précédente. Cet accroissement des ressources a permis de faciliter le recrutement de professionnels qualifiés plus nombreux et de renforcer l’efficacité des opérations du Bureau.

M me  Simms signale que, sauf dans des cas symboliques, l’application de mesures spéciales a été plutôt limitée au Guatemala. L’adoption de telles mesures représente un engagement au titre de la Convention et de ce fait, le Gouvernement est tenu de les prendre. Des femmes appartenant à tous les secteurs doivent bénéficier de mesures spéciales, et il faut cibler spécialement les femmes autochtones qui sont particulièrement vulnérables aux pratiques discriminatoires.

Au Guatemala, les femmes ont dû mener un dur combat pour accéder aux postes d’influence et il est donc d’autant plus urgent d’accorder de l’attention à des mesures spéciales. Il faut faire face directement et ouvertement à des problèmes tels que le racisme afin de s’éloigner des attitudes condescendantes à l’égard des différences autochtones et ethniques. Demandant au Gouvernement d’adopter des mesures mieux ciblées, elle voudrait savoir si quiconque a été condamné à une peine de prison pour avoir commis des crimes ouvertement racistes.

Passant au problème de la traite des femmes et de l’exploitation de la prostitution des femmes visé à l’article 6 de la Convention, l’oratrice voudrait savoir si le Guatemala a établi une base de données lui permettant d’évaluer l’ampleur de la traite des femmes aux fins de l’exploitation à l’intérieur du pays, y compris leur recrutement en tant qu’employées domestiques travaillant dans de mauvaises conditions. Elle est également curieuse de savoir si l’on s’est intéressé aux hommes qui se sont livrés à la traite des femmes et des enfants à l’intérieur du pays.

M me  Coker-Appiah se félicite des efforts déployés par le Guatemala pour éliminer les rôles et les stéréotypes sexistes, qui sont décrits aux paragraphes 82 à 86 du sixième rapport périodique, et voudrait savoir quels ont été les résultats des travaux menés par le Gouvernement dans ce domaine. Elle s’intéresse en particulier à la diffusion de documents didactiques destinés à influencer la perception des rôles des sexes et aux moyens de garantir un approvisionnement adéquat à cet égard.

La violence à l’encontre des femmes et le nombre de meurtres ont atteint des niveaux alarmants; pourtant il est manifeste que les forces de l’ordre ne sont pas en mesure d’enquêter efficacement sur ces crimes et de traduire leurs auteurs en justice. L’État a le devoir de protéger ses ressortissants et dans ce contexte, l’oratrice demande à la délégation de fournir au Comité des statistiques concernant le nombre de meurtres ayant fait l’objet d’une enquête complète et de condamnations, et d’expliquer quelles sont les mesures prises pour garantir que les familles des victimes ont accès au système judiciaire. En outre, elle voudrait savoir de quelle manière les familles des victimes et des témoins clefs sont protégés, et quelles sont les procédures employées pour identifier et inculper des représentants des institutions de l’État liés à la criminalité organisée. L’oratrice apprécierait des données additionnelles concernant les meurtres ventilées par âge et appartenance ethnique de la victime et précisant si les meurtres ont été commis en zone rurale ou urbaine. L’augmentation des ressources budgétaires allouées aux forces de l’ordre est digne d’éloges et l’oratrice invite le Gouvernement à maintenir ces ressources à un niveau élevé.

M me  Arocha Domínguez note que le Gouvernement a reconnu que l’influence des femmes et leur capacité à parvenir à l’égalité des chances se heurtent à des limites. Elle voudrait savoir quelles sont les mesures et activités spéciales mises au point pour combattre la persistance de stéréotypes, étant donné en particulier que le Guatemala compte une forte population de femmes qui ne savent ni lire, ni parler l’espagnol et qui n’ont donc aucun accès aux médias.

Elle exprime de l’inquiétude à l’égard du nombre troublant de meurtres de femmes et voudrait savoir quelles mesures urgentes ont été prises en vue d’en réduire l’incidence. Elle souhaiterait également obtenir de plus amples informations concernant la Commission sur le meurtre de femmes qui a été créée à cet effet et invite la délégation à fournir des informations spécifiques sur les ressources dont la Commission est dotée pour exercer son mandat et sur son programme de travail.

M me  Núñez (Guatemala) reconnaît qu’il existe un vaste champ pour l’application de mesures spéciales additionnelles au Guatemala. La récente croisade contre la discrimination et le racisme représente une initiative courageuse vers la reconnaissance officielle d’un énorme problème. Elle espère que, bien que les résultats ne soient pas encore manifestes, son gouvernement se trouve sur la bonne voie en relevant les défis grâce à l’adoption de lois appropriées, à la mise en place des mécanismes institutionnels chargés du suivi et à la reconnaissance de l’importance qu’il y a à faire participer la population autochtone du Guatemala à l’édification de la nation. La population autochtone doit avoir la possibilité d’accéder aux postes de décisions du pouvoir exécutif.

Le Comité ne devrait pas interpréter l’absence de données plus complètes sur la violence à l’encontre des femmes comme signifiant que le Gouvernement ne prend pas ce problème au sérieux. Au contraire, en 2006, 14 hommes ont été condamnés et emprisonnés pour avoir assassiné des femmes, mais les moyens d’enquête de l’État sont très limités et il se heurte au problème de l’impunité et de l’absence de preuves dignes de confiance. Pour surmonter ces difficultés, il faudra renforcer la coopération entre la police civile nationale et le Ministère public. On s’emploie également à harmoniser l’enregistrement de données statistiques par les différents organismes chargés de l’application de la loi.

Quelque 2 170 femmes ont été assassinées au Guatemala durant les cinq dernières années et conformément aux statistiques disponibles, ce sont les femmes âgées de 14 à 35 ans ainsi que les habitantes de Guatemala City, d’Izabal et d’Escuitla, où la criminalité organisée et le trafic des drogues sont très répandus, qui sont les plus vulnérables. La Commission sur le meurtre de femmes, composée de représentants des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, est en train d’élaborer des profils des victimes et d’identifier les tendances. Elle s’emploie également à identifier les lacunes en matière d’information et à garantir que l’État aborde le problème de manière systématique et coordonnée. S’agissant des mesures de protection, le Bureau du Procureur général a pris une série de mesures destinées à protéger les victimes de la violence, mais le système judiciaire guatémaltèque ne prévoit pas des programmes de protection de témoins adéquats.

Comme la Commission sur le meurtre de femmes est un organisme temporaire, elle ne dispose pas de son propre budget. Toutefois, les institutions travaillant dans ce domaine ont contribué à des ressources financières et humaines. La Commission est censée achever sa stratégie et son plan d’action avant la fin de 2006 et a déjà créé plusieurs groupes de travail.

M me  Altolaguirre (Guatemala) dit que la lutte contre la traite des êtres humains constitue une priorité pour le Gouvernement actuel. À cette fin, on a modifié l’article 194 du Code pénal en y incluant la traite des personnes, et le Gouvernement a ratifié le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité organisée transnationale visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants. On a créé un groupe interinstitutions de lutte contre la traite des personnes chargé d’aborder le problème de manière intégrée et ce dernier a élaboré, avec le soutien des ONG et des organisations internationales, un projet de loi concernant la traite des personnes et le trafic illégal des migrants destiné à prévenir la traite et à protéger les victimes.

On s’efforce actuellement d’harmoniser la législation nationale avec les normes internationales pertinentes, et la police civile nationale et le Ministère public ont créé des groupes antitraite chargés d’enquêter sur les cas de traite et de poursuivre les responsables. On a accordé beaucoup d’attention aux activités de formation et de sensibilisation, à plus forte raison que le Guatemala est un pays de transit pour des migrants qui sont particulièrement vulnérables à l’exploitation sexuelle et commerciale. Le Gouvernement collabore avec le Mexique, El Salvador et le Honduras dans la mise au point de stratégies communes de lutte contre la traite.

Passant à la question des meurtres de femmes, l’oratrice dit qu’il s’agit d’un phénomène régional en Amérique centrale où les attitudes misogynes sont en augmentation et où les femmes sont considérées de plus en plus fréquemment comme des citoyens de deuxième classe. Alors que le Bureau national de coordination pour la prévention de la violence familiale et de la violence à l’encontre des femmes fait tout son possible pour combattre la violence à l’encontre les femmes sous toutes ses formes, il se heurte au problème de l’impunité. Les organes judiciaires du Guatemala ont été affaiblis et fragmentés pendant la guerre qui a duré 34 ans, et bien que l’on s’emploie actuellement à consolider le système judiciaire, les ressources financières sont rares.

M me  Aceña (Guatemala) dit qu’en 2003, on a créé le Vice-Ministère de l’éducation bilingue interculturelle. À l’heure actuelle, il existe entre 10 000 et 85 000 enseignants autochtones bilingues au Guatemala, et l’éducation bilingue, qui couvre les quatre principales langues autochtones, est d’ores et déjà disponible de la première à la troisième année. Un programme d’études de la quatrième à la sixième année est en cours d’élaboration. Bien que des livres scolaires nouveaux aient été distribués dans tout le pays en 2003, il s’est avéré difficile de garantir que tous les enseignants les utilisent. Toutefois, leur emploi est passé de 20 % en 2004 à 40 % en 2005. Les enseignants ont besoin de temps pour se familiariser avec les nouveaux éléments du programme d’études et auront peut-être besoin d’une formation additionnelle.

Le nombre d’analphabètes est extrêmement élevé parmi les femmes rurales autochtones âgées de plus de 40 ans. Toutefois, le Gouvernement a mis en place un programme d’alphabétisation qui cible spécifiquement ces femmes et qui se sert de programmes radio pour diffuser des informations pertinentes. En outre, le SEPREM a lancé un projet intitulé « Creciendo bien » destiné à améliorer l’image de soi des femmes et à renforcer leur autonomie.

M me  Zapeta (Guatemala), répondant aux observations formulées par Mme Simms, cite trois affaires récentes dans lesquelles les tribunaux ont rendu un jugement en faveur de personnes qui ont porté plainte contre des restaurants et des sociétés privées. Bien que ces affaires ne se soient pas soldées par l’emprisonnement des coupables, elles ont valeur de symbole au Guatemala, car elles montrent que la discrimination à l’égard de la population autochtone est inacceptable.

S’agissant de mesures préférentielles, on en a pris plusieurs pour faciliter la participation des hommes et des femmes autochtones à la prise de décisions. En outre, l’État a lancé une politique nationale qui vise à mettre fin à la discrimination à l’égard des femmes et on a fait exécuter une étude destinée à déterminer l’impact économique de cette discrimination à l’échelle du pays.

M me  Shin voudrait savoir si le problème des meurtres de femmes est examiné régulièrement par le Conseil des ministres et si le Président du Guatemala a annoncé publiquement sa volonté d’éliminer ce fléau.

M. Flinterman dit que le système judiciaire peut jouer un rôle vital dans la protection des droits de l’homme. L’État partie devrait donc indiquer si les séminaires de formation sur les droits des femmes organisés à l’intention des juges et des procureurs mettent l’accent exclusivement sur la législation nationale ou s’ils couvrent également les normes internationales pertinentes. L’orateur voudrait également savoir si les juges sont désormais à même d’interpréter et d’appliquer directement les dispositions de la Convention, puisque les procédures envisagées dans le Protocole facultatif reposent sur cette hypothèse.

M me  Gaspard signale que le rapport ne tient pas compte de toutes les recommandations précédentes du Comité. Elle s’inquiète en particulier du fait que l’État partie se soit trompé en interprétant le paragraphe 20 de l’article 4 de la Convention et, à ce propos, attire l’attention sur la recommandation générale 25.

M me  Šimonović voudrait savoir si la Convention a été incorporée dans la législation nationale et, dans l’affirmative, si elle est directement applicable. Dans cet ordre d’idées, elle s’intéresse en particulier à la question de savoir si l’on s’est réclamé de la Convention pour abroger l’article 200 du Code pénal.

Elle rappelle que, conformément à l’article 8 du Protocole facultatif, le Comité a entrepris une enquête sur le meurtre de femmes à Ciudad Juarez (Mexique). Les observations et recommandations formulées par le Comité en cette occasion pourraient présenter de l’intérêt pour le Gouvernement guatémaltèque.

La séance est levée à 13 heures.