Trente-quatrième session

Compte rendu analytique de la 707e séance

Tenue au Siège, à New York, le vendredi 20 janvier 2006, à 10 heures

Présidente:Mme Manalo

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Quatrième et cinquième rapports périodiques de la Thaïlande

La séance est ouverte à 10 h 10.

Examen des rapports présentés par les États partiesconformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Quatrième et cinquième rapports périodiquesde la Thaïlande (CEDAW/C/THA/4 et 5, CEDAW/C/THA/Q/4 et 5 et Add.1)

À l’invitation de la Présidente, les membres de la délégation de la Thaïlande prennent place à la table du Comité.

M. Muangsook (Thaïlande), présentant les quatrième et cinquième rapports périodiques de la Thaïlande (CEDAW/C/THA/4 et 5), souligne que la Constitution thaïlandaise de 1997 fait de la société thaïlandaise l’une des plus libres de la région. Néanmoins, le Gouvernement attache une grande importance au respect des obligations que le pays a contractées en adhérant aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et, en particulier, à l’application de la Convention. En vertu de la Constitution de 1997, plusieurs mesures ont également été prises pour assurer la protection des droits de la femme.

Les femmes constituent une importante partie des ressources humaines de la Thaïlande et elles jouent un rôle essentiel dans la production et la croissance du pays. Aux mesures prises pour assurer à tous l’égalité des chances se sont jointes des initiatives visant à promouvoir la condition de la femme.

L’organisme principal du pays pour la promotion de la condition de la femme s’est vu récemment doté d’un statut administratif plus élevé ainsi que de plus larges attributions et des comités nationaux ont été mis en place pour promouvoir les droits des femmes, des enfants, des jeunes et des invalides; ces comités comprennent des membres d’organisations non gouvernementales et des experts. Par ailleurs, il a été demandé à chaque ministère de désigner un haut fonctionnaire pour diriger un service préposé à l’égalité des sexes et d’établir un groupe de contact pour l’égalité des sexes chargé d’assurer l’exécution du Plan pour la promotion de la condition de la femme.

À la suite des recommandations du Comité consécutives à l’examen du précédent rapport de la Thaïlande, le Gouvernement thaïlandais a levé sa réserve concernant l’alinéa g) de l’article 16 en 2003 et il a, en 2005, modifié sa législation de façon à autoriser les femmes mariées à conserver leur nom de jeune fille. Ce qu’il reste de dispositions apparemment discriminatoires dans le droit de la famille fait l’objet d’un large débat et il est envisagé d’apporter des modifications au Code civil et au Code du commerce concernant les fiançailles et le divorce. Tout en voulant préserver la richesse de la culture et des traditions thaïlandaises, on ne ménage aucun effort pour aligner le droit de la famille sur l’article 16.

En ce qui concerne la recommandation du Comité tendant à ce que l’État partie adopte une législation antidiscrimination, M. Muangsook indique que des projets de loi sur l’égalité des sexes sont en préparation dans le cadre d’un large processus participatif afin de donner une définition précise de la discrimination et de combattre la discrimination à l’égard des femmes.

Il décrit ensuite les différentes étapes de l’application de la Convention par la Thaïlande, en commençant par la question de la violence contre les femmes. Le Cabinet ministériel a déjà approuvé des mesures et actions de nature à prévenir et résoudre les affaires de violence domestique contre des femmes et des enfants et des mesures spéciales ont été mises en place pour venir en aide aux victimes. Un centre pour la protection et le bien-être de la famille exerce, au niveau de la communauté, un rôle de surveillance en vue de prévenir ce type de violence et les hôpitaux, un peu partout dans le pays, comportent des centres polyvalents de traitement des crises et des services de téléassistance fonctionnant 24 heures sur 24 pour conseiller et guider les victimes de violence. La Direction de la police offre de son côté une aide soucieuse de ménager les sensibilités des victimes et une campagne antiviolence a été lancée dans l’ensemble du pays en vue d’éveiller la conscience du public à cet égard.

Passant à la question de la traite et de l’exploitation des femmes, M. Muangsook appelle l’attention sur le fait que le Premier Ministre a mis ce problème à l’ordre du jour en 2004 et des textes législatifs sont en préparation à ce sujet. Il s’agit principalement de préserver les droits humains des victimes et de sanctionner plus lourdement les délinquants. Des efforts sont engagés en vue de coordonner l’application des dispositions législatives, non seulement dans le pays d’origine, mais aussi dans les pays de destination, afin d’éviter de pénaliser les victimes. Les textes législatifs prévoient aussi d’utiliser l’argent et les biens confisqués pour la constitution d’un fonds de protection des victimes, de leurs familles et des témoins du trafic d’êtres humains.

M. Muangsook mentionne les politiques, comités et centres nationaux qui interviennent dans la constitution d’un réseau national et international de groupes de contact chargés de coordonner les procédures de traitement des victimes et d’assurer un traitement équitable de toutes les affaires. Mais, comme le trafic d’êtres humains est un problème transnational, le Gouvernement thaïlandais s’emploie, en étroite coopération avec les organisations non gouvernementales et les pays voisins, à surmonter les principaux obstacles au succès, à savoir la pauvreté, les mentalités et l’insuffisante application des lois. Des mesures à long terme sont également nécessaires, notamment pour réduire les écarts de développement entre hommes et femmes, entre zones urbaines et zones rurales et entre pays voisins.

En ce qui concerne la participation des femmes à la vie politique et publique, M. Muangsook appelle l’attention sur le nombre de femmes haut placées qui sont présentes dans sa délégation et indique que la Thaïlande a mis en place un grand nombre de mesures dans le but de doubler la proportion de femmes dans les emplois publics et en politique. De ce fait, le nombre de femmes qui occupent des postes de responsabilité au Parlement et dans la fonction publique a sensiblement augmenté.

Passant à la question des minorités, des montagnards et des groupes ethniques, et en particulier des montagnardes, M. Muangsook parle des services qui assurent la sécurité de tous les groupes de femmes, y compris soins de santé et éducation de base, ainsi que des mesures appliquées sans parti pris qui visent à déterminer le statut juridique approprié des personnes qui ont des problèmes de statut et à promouvoir une prise de conscience des droits fondamentaux. Il indique, à titre d’exemple, que la nationalité thaïlandaise a été accordée à près de 14 000 personnes déplacées.

Le Gouvernement thaïlandais est résolu à promouvoir l’égalité des sexes et à protéger les droits des travailleuses. Quelle que soit leur nationalité, les femmes qui travaillent jouissent de la protection spéciale des lois et les travailleuses migrantes déclarées ont droit à une protection de base en vertu des mêmes dispositions législatives.

Enfin, concernant les prestations sociales et économiques, M. Muangsook annonce que la Thaïlande est parvenue, atteignant ainsi l’objectif de développement du Millénaire, à éliminer la disparité dans l’enseignement primaire et secondaire. L’accès des femmes aux soins médicaux a été amélioré grâce à un système qui couvre les dépenses relatives à la maternité et aux maladies de femmes, et les femmes rurales ont plus aisément accès au crédit grâce à un projet qui leur permet d’obtenir des prêts sans caution.

M. Muangsook reconnaît qu’on pourrait faire plus pour changer ce qu’il reste d’idées reçues concernant le rôle et la dignité de la femme et il met l’accent sur le fait que la Convention restera au cœur des futurs efforts de la Thaïlande dans le domaine des droits de la femme.

Articles 1 à 4

M me  Dairiam demande si le projet de loi contre la discrimination comprendra la définition donnée dans l’article premier de la Convention et s’il concernera la discrimination involontaire. Elle demande s’il y a des décisions des tribunaux qui renvoient à cette définition et si la Thaïlande a inclus dans ses plans de développement des mesures de nature à promouvoir l’égalité de droits entre hommes et femmes. Elle voudrait des éclaircissements concernant l’article 30 de la Constitution, où il est dit qu’une discrimination injuste ne sera pas permise, faisant observer que cet article peut être interprété comme autorisant la discrimination à l’égard des femmes. Elle demande alors combien de temps il faudra attendre avant que le Parlement soit saisi de ce projet de loi, indiquant qu’une fois voté, il faudra le publier. Elle demande s’il est prévu d’assurer une formation aux juges et aux avocats, de pourvoir à l’éducation des femmes et de sensibiliser le public afin de faire accepter l’égalité des sexes par la société.

Indiquant que l’institution du Médiateur est un moyen d’assurer une véritable protection des femmes contre la discrimination, elle demande pour quel pourcentage des affaires dont il a été saisi le Médiateur a statué en faveur de la femme et quel dédommagement a été accordé. Elle demande aussi quelle proportion du budget et du personnel du nouveau Bureau de la condition de la femme et de la famille est consacrée à la question féminine, si une évaluation a été faite du nouvel arrangement institutionnel et s’il a été recueilli des données sur les résultats des indications fournies par la fonction publique concernant la formation, le recrutement et l’avancement des femmes.

M me  Arocha Domínguez note que le Gouvernement ne semble pas tirer pleinement parti des possibilités qu’offre la Convention, aux termes du premier paragraphe de son article 4, de prendre des mesures temporaires spéciales pour promouvoir l’égalité des sexes. Le rapport parle de la création de fonds communautaires dans les villages et les villes, disant qu’hommes et femmes doivent y être représentés à égalité (par. 44), et elle voudrait savoir quelles autres mesures sont envisagées pour assurer l’égalité de prestations entre les sexes. Elle souhaiterait aussi recevoir des éclaircissements concernant le faible pourcentage de femmes à la direction de ces fonds et elle recommande d’évaluer l’efficacité des mesures temporaires spéciales dont il est fait état au paragraphe 46 du rapport, renvoyant à cet égard à la recommandation générale 25 du Comité.

M. Pukditanakul (Thaïlande) dit que son pays s’apprête à adopter, en s’inspirant à cet effet de l’article premier de la Convention, une définition de la discrimination qui s’appliquera à la discrimination directe et à la discrimination involontaire. Il n’y a pas lieu d’incorporer mot pour mot les dispositions de la Convention dans la législation interne; il suffit de s’assurer qu’il n’y a pas de contradiction entre les deux. Quand on parle de discrimination injuste interdite par la Constitution, on veut simplement dire par là qu’une différence de traitement doit avoir une justification objective; il ne faut pas l’interpréter dans un sens contraire au sens et à l’esprit de la Convention. M. Pukditanakul ne peut donner qu’une idée approximative du temps que mettra l’adoption de la nouvelle loi. Cela demandera en moyenne environ deux ans, sauf retards. Quant aux tribunaux nationaux compétents dont il est fait état à l’alinéa c) de l’article 2, il existe plusieurs organisations indépendantes chargées de protéger les droits des femmes conformément à la Constitution. Le Tribunal constitutionnel offre aux victimes une voie de recours. On peut aussi saisir le Tribunal administratif d’affaires qui tombent sous le coup de l’article 30 de la Constitution ainsi que le Tribunal du travail auquel la nouvelle loi reconnaît compétence en matière de discrimination entre sexes au travail.

M me  Vajrabhaya (Thaïlande) dit que le Ministère de la justice a inclus dans ses plans de travail des programmes de formation pour sensibiliser les juges, les agents de police et les avocats aux droits de la femme et pour mieux faire connaître la Convention. En ce qui concerne l’égalité de représentation des femmes dans le Comité des fonds communautaires des villages et des villes, le Gouvernement a adopté cette mesure spéciale afin de veiller à ce que l’attribution des prêts soit décidée à égalité par les hommes et les femmes de manière équitable. Quant à l’efficacité du nouveau Bureau de la condition de la femme et de la famille, les deux vocations en sont complémentaires l’une de l’autre et elles ont été liées en vue de renforcer l’efficacité du Bureau. C’est le même but qui a été visé en le transférant au Ministère du développement social et de la sécurité humaine. Il jouit d’un statut plus élevé que dans le passé et son budget grossit d’année en année.

Articles 5 et 6

M me  Coker-Appiah note que, d’après le rapport, les traditions et les coutumes sont préjudiciables aux femmes thaïlandaises dans tous les compartiments de la vie. En ce qui concerne leur rôle sexuel dans le mariage, par exemple, l’article 276 du Code pénal parle du viol comme de « l’acte sexuel avec une femme qui n’est pas son épouse », laissant entendre par là qu’il n’est pas possible qu’un Thaïlandais viole sa femme et faisant totalement abstraction du facteur consentement. Il ne faut pas protéger les traditions aux dépens d’une composante de la société. De même, l’action des pouvoirs publics pour combattre la persistance des stéréotypes par la réforme de l’éducation ne réussira que si elle vise toutes les composantes de la société. Mme Coker-Appiah voudrait, à cet égard, savoir quelles mesures on prend pour sensibiliser la société et pour faire changer les comportements à l’égard des femmes et s’il est prévu, dans le projet de loi sur la prévention et la résolution des cas de violence domestique, de revoir la définition du viol contenue dans le Code pénal.

Sur la question du trafic des personnes, elle souhaiterait savoir si la politique nationale d’action pour la prévention, la répression et l’éradication de l’exploitation sexuelle des femmes et des enfants à des fins commerciales est entrée en vigueur et, si elle l’est, ce qu’en a été l’impact. Elle serait aussi curieuse de connaître les mesures qui sont prises pour lutter contre la corruption de ceux qui sont chargés de faire appliquer les lois, corruption qui est l’une des raisons qui font que les mesures engagées ne donnent pas les résultats attendus. Ensuite, elle serait également curieuse de savoir si, en plus de l’importance qu’on attache à ce qu’elles font pour les victimes du trafic des êtres humains, les organisations non gouvernementales reçoivent pour cela une aide quelconque de l’État.

Enfin, s’il lui est agréable de savoir que l’État partie a pris des mesures en vue de trouver réponse aux problèmes de nationalité qui se posent en ce qui concerne les tribus de montagnards de la Thaïlande, elle l’engage vivement à résoudre la question aussi vite que possible. Le Comité serait heureux d’en être plus amplement informé dans le prochain rapport.

M me  Pimentel félicite l’État partie d’affirmer dans son rapport que la violence contre les femmes et les enfants pose un gros problème à la Thaïlande, d’avoir rédigé une nouvelle loi sur la violence domestique et d’avoir adopté une série d’indicateurs à l’aune desquels mesurer l’efficacité des actions de lutte contre la violence. Néanmoins, un certain nombre d’ONG thaïlandaises sont préoccupées par le fait que la rédaction du projet de loi ne procède pas d’une démarche fondée sur le droit. Notant que l’organisme de réconciliation est censé comprendre des parents des deux côtés de la famille, des travailleurs sociaux, des psychologues et telles autres personnes dont l’intéressée souhaite la présence, Mme Pimentel se demande si l’on se rend compte que ces dispositions pourraient porter atteinte à sa capacité de décision et que seule une démarche fondée sur le droit et le respect de l’autre pourra sortir les femmes de leur effacement et leur donnera les moyens de vaincre la violence dont elles sont victimes. Comme le projet de loi continue à être discuté, elle se demande s’il serait encore possible d’envisager d’y insérer la définition que donne l’ONU de la violence domestique dans sa Déclaration sur l’élimination de la violence contre les femmes. Enfin, le fait que la nouvelle loi prévoit une peine maximale de six mois de prison pour violence physique alors que le Code pénal prévoit une peine maximale de deux ans de prison pour le même délit pourrait conforter l’idée que la violence domestique est une affaire privée et moins grave que d’autres formes de violence.

M. Pukditanakul (Thaïlande) dit que le projet de loi relatif à la violence domestique s’inspire d’un triple souci : mieux aider les victimes, aider les coupables à changer de conduite au lieu de se contenter de les punir (car ce sont le plus souvent eux qui pourvoient à la subsistance de la famille, de sorte qu’en les mettant en prison on risquerait de placer la victime et ses enfants dans une situation difficile) et sauvegarder la vie de famille de la victime (car si le coupable est mis en prison, la famille risque de se désintégrer, au grand dam de la société). Le projet de loi ne cherche nullement à priver la victime du droit de décider de porter plainte ou non, mais simplement à encourager la réconciliation, quand elle est possible, pour autant que la victime le désire. Il cherche donc à renforcer le pouvoir de décision des victimes, d’où le rôle, notamment, des psychologues. Les deux types de peines prévues concernent deux délits distincts. Le délit de coups et blessures, qui tombe sous le coup du droit pénal, existe toujours. Les délinquants seront maintenant sous le coup de deux accusations : une accusation de coups et blessures, pour laquelle la peine maximale est de deux ans de prison, et une accusation additionnelle de violence domestique, pour laquelle la peine maximale est de six mois.

Sur la question de l’aide aux victimes, M. Pukditanakul dit qu’un certain nombre d’ONG ont mis en place des foyers d’accueil à leur intention, mais il semble que l’opinion générale soit que ce devrait être le coupable, non la victime, qui devrait être obligé de quitter le foyer. C’est pourquoi le nouveau projet de loi dispose que la victime peut choisir de rester chez elle et de demander aux tribunaux de rendre une ordonnance de protection, interdisant ainsi l’accès du foyer au coupable.

Il y a quelques années, le Gouvernement a approuvé un projet de loi portant suppression de la définition restrictive du viol comme concernant uniquement un rapport sexuel avec une femme qui n’est pas la sienne dans le but de pénaliser le viol marital. Mais le Conseil d’État y a fait opposition au motif que cela porterait atteinte à la stabilité de la famille. Un groupe de travail s’efforce maintenant de sortir de l’impasse. En 2005, un compromis a été trouvé : la définition du viol demeure telle quelle, mais à ceci près qu’un mari qui contraint sa femme à un rapport sexuel quand elle a de bonnes raisons de ne pas y consentir (comme quand elle est malade ou que son mari a contracté une maladie) sera jugé coupable de viol marital. Un mari peut donc maintenant être accusé de viol marital, mais seulement dans certaines circonstances. M. Pukditanakul ne doute pas que les deux parties accepteront cette formulation et qu’elles seront disposées à revoir la question. Si cette formulation n’est pas conforme aux normes des Nations Unies, et en particulier à celles de la Convention, son gouvernement saurait gré au Comité de le guider sur la démarche à suivre.

M me  Sirorat (Thaïlande) dit que la Thaïlande a mis en place une large gamme de mesures en vue  de combattre la traite d’êtres humains dans tous ses aspects. En ce qui concerne le premier aspect – politique et coopération – une politique gouvernementale est en place; le Premier Ministre a fait de la lutte contre ce trafic une priorité nationale et le Gouvernement a un plan et une politique sur lesquels Mme Sirorat reviendra plus tard. En ce qui concerne le deuxième aspect – la prévention – des programmes sont en place en vue de faire reculer la pauvreté (une des causes profondes de la traite) et de sensibiliser l’opinion publique à cet égard. En ce qui concerne le troisième aspect – poursuite du coupable – le projet de loi sur la prévention et la répression du trafic d’êtres humains fait maintenant l’objet d’un examen de la part du Conseil d’État et devrait entrer en vigueur en 2006. La nouvelle loi abordera la question dans une optique globale, punissant plus durement les coupables et protégeant mieux les victimes. La Thaïlande envisage aussi de ratifier le Protocole relatif à la prévention et à la répression du trafic de personnes, en particulier des femmes et des enfants, protocole adjoint à la Convention des Nations Unies contre le crime transnational organisé. En ce qui concerne le quatrième aspect – la protection – le Gouvernement a en place un programme d’assistance, de recouvrement et de réintégration et des foyers ont été créés à l’intention des victimes de la traite venues des pays voisins. Au cours des quatre ou cinq dernières années, le Gouvernement a aidé et rapatrié quelque 2 000 victimes de trafic d’autres pays de la sous-région du Mékong. Il coopère aussi étroitement avec les organisations internationales dans le domaine de la migration.

La politique et le plan national d’action pour la prévention, la répression et l’éradication de l’exploitation sexuelle des enfants et des femmes à des fins sexuelles ont entre-temps été approuvés en 2003. La politique porte sur la prévention, la répression, l’assistance et la protection, le recouvrement et la réintégration, la mise en place de structures pour une bonne application de la politique et le renforcement des moyens d’intervention. Le plan est en cours d’exécution. Des indicateurs de trafic d’êtres humains ont également été mis au point pour suivre et évaluer la situation en la matière. Une fois approuvés, ces indicateurs guideront l’action des divers organismes appelés à intervenir.

En ce qui concerne l’aide aux ONG qui interviennent auprès des victimes, Mme Sirorat dit que le Premier Ministre a donné son approbation à la création d’un fonds spécial de 12,5 millions de dollars pour lutter contre la traite des êtres humains et pour venir en aide aux victimes. On a invité les ONG a présenter des propositions au Ministère du développement social et de la sécurité humaine, qui approuve les projets en fonction d’un ensemble de critères.

M me  Iamsudha (Thaïlande), rappelant ce quelle a déjà dit, à savoir que le trafic appelle une coopération internationale, dit que la Thaïlande a signé des mémorandums d’accord avec le Cambodge (2003) et la République démocratique populaire lao (2005) et qu’elle en négocie actuellement un autre avec le Vietnam. La Thaïlande envisage d’organiser des projets nationaux ainsi que des projets communs et, en 2005, les deux gouvernements ont établi des principes directeurs concernant le rapatriement et la réintégration des victimes de la traite. Ces principes directeurs ont maintenant été communiqués aux services compétents des autres pays, y compris au niveau des provinces. Entre-temps, en ce qui concerne la République démocratique populaire lao, un groupe d’action de lutte contre le trafic des êtres humains a été mis sur pied dans les deux pays. Ce groupe d’action doit se réunir en février 2006 afin de mettre la dernière main à son plan d’action.

Au niveau sous-régional, il y a aussi coopération dans le cadre de l’Initiative ministérielle coordonnée du Mékong contre le trafic (COMMIT). Un certain nombre de pays ont signé le mémorandum d’accord sous-régional et collaborent à la mise en place de mesures préventives, à la coordination de leurs politiques et au renforcement de leur appareil législatif. Le plan d’action du COMMIT est actuellement en cours d’exécution. Fin 2005, un séminaire national a eu lieu pour former les agents de l’État aux questions relatives à la traite des êtres humains. Un certain nombre d’initiatives ont également été prises concernant les disparités économiques qui existent dans la région, disparités dont il est reconnu quelles sont une des causes profondes du trafic.

M. Flinterman demande si le Gouvernement a communiqué aux ONG de femmes les procédures relatives au recours au Protocole facultatif et si les femmes ont la possibilité d’invoquer les dispositions de la Convention directement devant les tribunaux.

M me  Schöpp-Schilling voudrait savoir si les mesures temporaires spéciales ont été intégrées dans le projet de loi sur la problématique des sexes. Si l’on peut comprendre qu’il faut lier les problèmes de la femme à ceux des enfants et de la famille, il ne faudrait pas que le Gouvernement perde de vue le danger qu’il y a à alimenter les stéréotypes en réorganisant sa structure ministérielle dans ce sens.

M me  Tavares da Silva s’interroge sur le changement de statut de l’organisme préposé à la protection des droits de la femme; s’il ne relève plus du Cabinet du Premier Ministre, il risque de se fragmenter, perdant ainsi les moyens de recentrer et de coordonner comme avant les questions liées aux différences entre sexes.

M me  Morvai se demande ce que pense la population de savoir la Thaïlande considérée comme la capitale mondiale du sexe et elle demande à quel point l’économie serait mise à mal par la fin du tourisme sexuel.

M me  Vichit-vadakan (Thaïlande) répond que ni le Gouvernement ni la population ne sont heureux de la réputation de « capitale mondiale du sexe » que l’on fait au pays. La Thaïlande a bien d’autres choses à offrir et elle s’emploie à attirer les touristes qu’intéressent la beauté de la nature, l’écotourisme et la culture thaïlandaise.

M. Pukditanakul (Thaïlande) répond que l’on ne peut pas invoquer automatiquement les dispositions de la Convention devant les tribunaux thaïlandais. C’est pourquoi le Gouvernement a entrepris d’aligner le droit interne sur la Convention afin de pouvoir satisfaire à ses obligations internationales.

M me  Sangkhakrishna (Thaïlande) ajoute que la publication du Protocole facultatif a déjà été assurée par le Bureau de la condition de la femme et de la famille du Ministère du développement social et de la dignité humaine.

M me  Laohaphan (Thaïlande) voit dans l’absence de recours au Protocole facultatif le signe que toutes les affaires de discrimination peuvent en fait trouver réponse dans le système judiciaire du pays. Bien que les questions relatives à la femme et celles qui concernent la famille fassent maintenant partie d’un même organisme, elles relèvent d’administrations différentes, de sorte que le dispositif de mise en œuvre de la Convention ne s’en trouvera pas affaibli. Il y a aussi dans chaque direction un directeur de l’égalité des sexes, haut fonctionnaire chargé de veiller à la démarginalisation de la femme.

Articles 7 à 9

M me  Shin dit qu’il reste beaucoup de travail à faire dans le domaine de la politique et de la vie publique. Beaucoup des données du rapport sont incorrectes ou incomplètes et donnent une image de la situation qui est fausse, comme dans le cas des données sur les pourcentages de femmes qui exercent leur droit de vote. Dans certains cas (tableau 4), les chiffres du tableau ne correspondent pas à ceux du texte. Il faut absolument procéder à la collecte systématique des données. Le pourcentage de femmes en politique est moindre que ce à quoi on aurait pu s’attendre et Mme Shin voudrait savoir ce que la Thaïlande entend faire pour augmenter le pourcentage de femmes qui sont membre du Sénat (10 %). Étant donné que les élections à la Chambre des représentants se font en partie au moyen des listes établies par les parties, il faut convaincre ceux-ci d’avoir à modifier leurs règles pour que 50 % des candidats inscrits sur leurs listes soient des femmes. De toute évidence, les partis politiques n’ont pas de politique des sexes.

M me  Zou dit, à propos de l’article 9, que les procédures relatives à l’acquisition de la nationalité thaïlandaise concernant les membres des tribus montagnardes sont extrêmement complexes et se prêtent à la corruption des fonctionnaires. Elle aimerait en savoir davantage sur les mesures que le Gouvernement envisage de prendre pour simplifier cette procédure et combattre cette corruption.

M me  Vichit-vadakan (Thaïlande) dit que de nombreux facteurs, tels que le lieu de naissance et la date de la migration, interviennent dans l’accession des membres des tribus montagnardes à la nationalité thaïlandaise. Les responsables de la sécurité doivent prendre garde au trafic de drogues et d’armes par des migrants, ce qui a des incidences sur la longueur du processus d’acquisition de la nationalité thaïlandaise. On s’efforce toutefois de faciliter et d’accélérer le processus. En ce qui concerne la corruption, le Premier Ministre a récemment fait une déclaration indiquant les mesures qui seront prises pour la combattre, ce qui se fera sous sa responsabilité directe.

M me  Vajrabhaya (Thaïlande) dit qu’il sera tenu compte, dans la préparation du prochain rapport, des observations qui ont été faites au sujet des statistiques et des données.

M me   Iamsudha (Thaïlande) dit que les chiffres les plus récents pour le service diplomatique font état de 501 diplomates femmes contre 541 diplomates hommes. Les tendances pour l’avenir sont positives : il entre actuellement plus de femmes que d’hommes dans le service diplomatique. Il est vrai que leur nombre aux échelons les plus élevés est encore faible, mais l’écart ne devrait pas tarder à se combler. Voilà plusieurs années que l’affectation de femmes à des postes du service diplomatique à l’étranger ne suscite plus les mêmes réactions, ce qui est dû en partie au fait que le monde s’ouvre davantage aux femmes et que les mentalités ont changé parmi les hommes. De plus, le Ministère encourage les femmes à mener de front carrière diplomatique et obligations familiales par la mise en place d’une garderie d’enfants.

M me  Vichit-vadakan (Thaïlande) dit qu’une publication commune, établie avec la coopération du PNUD et des ONG et contenant les statistiques les plus récentes sur la représentation des femmes, paraîtra en avril 2006 et sera communiquée au Comité.

M me  Gaspard demande s’il est prévu de modifier les dispositions législatives selon lesquelles la nationalité thaïlandaise est refusée à l’étranger qui épouse une femme thaïlandaise et de quelle nationalité seront leurs enfants.

M. Pukditanakul (Thaïlande) dit qu’une proposition tendant à modifier la législation sur la naturalisation des conjoints étrangers afin de la rendre applicable aux maris comme aux femmes – proposition jusqu’alors combattue par divers organismes de sécurité – est en instance d’application. Le droit thaïlandais dit clairement que les enfants reçoivent la nationalité thaïlandaise.

Articles 10 à 14

M me  Arocha Domínguez dit que les efforts que fait la Thaïlande pour devenir une puissance qui compte en Asie et dans le monde ne peuvent pas s’appuyer sur ses seules ressources économiques : il y faut aussi des ressources humaines préparées pour le développement et c’est pourquoi les articles 10 et 12, qui concernent l’éducation et la santé, ont une importance particulière.

Au sujet de l’article 10, on voudrait en savoir davantage sur la situation de l’enseignement primaire des filles et des garçons depuis 2002. On aimerait connaître l’analyse que fait la délégation des raisons de l’augmentation des taux de décrochage scolaire en 2001 et en 2002 et quelle a été la proportion des filles dans ces décrochages.

En ce qui concerne l’article 12, il serait utile de savoir quelles mesures spéciales sont prévues éventuellement pour permettre aux minorités et aux non-citoyens de bénéficier des programmes de santé publique. On voudrait aussi en savoir davantage sur la place qui est faite à la santé sexuelle et génésique dans le plan de santé pour la période 2002-2006. Il semblerait que l’actuel programme d’éducation sexuelle – qui date de 20 ans – n’est pas très efficace. Comme l’existence de taux élevés d’avortement induit se conjugue à la faiblesse des taux de disponibilité et d’utilisation de contraceptifs, on aimerait savoir quelles mesures sont prévues pour inverser cette tendance en plus des mesures destinées à assurer une éducation en santé sexuelle et génésique dans des zones rurales où une grande partie de la population n’est pas scolarisée.

M me  Khan demande, à propos de l’article 11, si la loi de 1998 sur la protection des travailleurs contient des dispositions concernant leurs conditions de travail et les risques que cela peut représenter pour leur santé et, si tel est le cas, comment elles sont appliquées. Les femmes qui travaillent représentent 78 % dans le secteur non structuré – ce sont les employées de maison – et on voudrait en savoir davantage sur toutes dispositions tendant à leur garantir un salaire minimum ou des heures de travail normales.

Mme Khan note que le projet de loi sur la santé génésique n’autorise pas la pratique d’un avortement sûr et légal et elle aimerait savoir quels autres dispositifs donnent accès à la contraception. Il serait important de savoir si les mesures prises pour combattre la propagation du VIH/sida tiennent compte des préoccupations de l’un et de l’autre sexe et comment le Gouvernement entend agir pour tenter de réduire des taux de mortalité maternelle actuellement élevés. Enfin, Mme Khan aimerait savoir si des mesures ont été prises pour fournir un logement et de la terre aux femmes de minorités auxquelles le tsunami a fait perdre leurs moyens de subsistance et si une place spéciale est faite aux ménages dirigés par une femme dans les plans de réhabilitation à long terme.

La séance est levée à 12 h 55.