Trente-troisième session

Compte rendu analytique de la 693e séance

Tenue au Siège, à New York, le mercredi 13 juillet 2005, à 10 heures

Président :Mme Manalo

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18de la Convention (suite)

Quatrième et cinquième rapports périodiques groupés de l’Irlande

La séance est ouverte à 10 h 5.

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Quatrième et cinquième rapports périodiquesde l’Irlande (CEDAW/C/IRL/4-5, CEDAW/PSWG/2005/II/CRP.1/Add.6 et CEDAW/PSWG/2005/II/CRP.2/Add.6)

À l’invitation de la Présidente, les représentants de l’Irlande prennent place à la table du Comité.

M. Fahey (Irlande), présentant les quatrième et cinquième rapports périodiques groupés de son pays, dit que l’Irlande vient en deuxième position pour le produit intérieur brut le plus élevé de l’Union européenne, connaît presque le plein emploi et a très fortement accru ses dépenses d’éducation, de santé et de protection sociale. L’impact que cette transformation a sur les femmes n’est nulle part plus visible que sur le marché du travail. Le taux d’emploi des femmes de 15 à 64 ans est passé de 40  % en 1994 à 56  % en 2004; leur taux de chômage est tombé à 3,6  % et à 0,8  % pour celles qui sont au chômage depuis plus d’un an. Les modifications apportées à la législation relative à la maternité, au congé pour adoption, au congé parental, à l’égalité, l’individualisation de l’impôt et l’allégement de la charge fiscale applicable au travail, la mise en place d’une infrastructure de soins aux enfants et les progrès de la femme en matière d’éducation, tout cela a contribué à ces résultats.

Dans le cadre du programme 2000-2006 d’égalité de chances en matière de soins aux enfants, l’État répond aux besoins des parents et des enfants. Il prévoit d’y consacrer plus de 725 millions d’euros pour la période 2000-2009. Il existe déjà 20 500 centres et il devrait y en avoir plus de 36 000 pour la fin du programme. Les allocations familiales versées directement à la mère ont plus que doublé en valeur réelle depuis 1997 et le Gouvernement entend poursuivre son action dans ce domaine.

L’écart de salaire entre les sexes a été ramené à 16  % – soit près de la moitie de la moyenne pour l’Union européenne – grâce à une augmentation du salaire minimum, à l’adoption d’un certain nombre de dispositions législatives, au programme d’égalité des chances en matière de soins aux enfants, à l’individualisation du régime fiscal, à l’augmentation des allocations familiales et à l’existence d’une forte demande de main-d’œuvre dans une économie florissante. Rien n’indique que l’écart de salaire entre les sexes en Irlande soit dû à des pratiques discriminatoires en la matière, une récente étude ayant montré que si les femmes choisissent de ne pas travailler, c’est essentiellement pour élever leurs enfants. Un groupe de travail présidé par le Ministère de la justice, de l’égalité et de la réforme des lois et composé de représentants du salariat et du patronat, de l’Office central de statistique et du Conseil national des femmes ont rédigé un rapport contenant des recommandations concernant le problème que représente l’écart de salaire.

Depuis les changements qui ont été apportés au système éducatif dans les années 60, l’attention s’est de plus en plus portée sur les filles. Les femmes représentent maintenant 52,5  % de tous les étudiants au niveau du troisième cycle et la majorité des diplômés dans de nombreuses matières, dont le droit (65 %), la santé (82 %), l’art vétérinaire (67 %) et la gestion et l’administration (60 %). Les filles réussissent mieux que les garçons à l’examen national du baccalauréat et à l’admission dans le troisième cycle. Par ailleurs, 75  % des filles de 18 ans font des études, alors que les garçons ne sont que 60 %. Un certain nombre d’initiatives ont été prises pour encourager les filles à étudier l’ingénierie et la technique. Le Ministre de l’éducation et de la science a mis sur pied un comité chargé d’examiner la situation et de faire des recommandations visant à faire en sorte que davantage de filles obtiennent un diplôme de fin d’études en sciences physiques au niveau du deuxième cycle et choisissent d’étudier les sciences, l’ingénierie et la technique au niveau du troisième cycle; son rapport sera remis au Ministre de l’éducation et de la science en automne. Le problème de la sous-représentation des femmes dans la direction du système éducatif fait l’objet d’un examen dans le cadre de l’initiative de promotion de la femme dans la direction de l’enseignement. Une étude entreprise à l’initiative du Groupe de l’égalité des sexes du Ministère de l’éducation et de la science concernant les pratiques de l’Administration en matière de nomination aux postes de direction dans l’enseignement porte déjà des fruits : le nouveau Secrétaire général du Ministère est une femme.

Pour ce qui est de la participation des femmes à la vie politique et à la direction des affaires, le Comité saura que l’État irlandais est présidé par une femme, Mary NcAleese, qui a succédé à Mary Robinson, laquelle est ensuite devenue Haute Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme. Une femme est adjointe du Premier Ministre et trois membres du Cabinet sont des femmes. Trois des huit juges de la Cour suprême sont des femmes et la première présidente d’un tribunal de grande instance a été nommée en mai. Le Président de la Commission de la réforme du droit, le Médiateur et le Commissaire aux demandes de statut de réfugié sont des femmes. Les femmes représentent actuellement 32  % des membres des offices et comités publics, alors qu’elles n’étaient que 15  % en 1992. Il a récemment été décidé que les organes de nomination doivent fournir au Gouvernement les noms des hommes et des femmes en question afin de veiller à ce que soit respecté un quota de 40  % pour l’un ou l’autre sexe. Dans la fonction publique, l’objectif de nomination de femmes au rang capital de directeur adjoint a été atteint et une nouvelle stratégie va être mise au point dans le courant de l’année. Il y a actuellement quatre femmes au niveau de Secrétaire général dans la fonction publique et il y en a un certain nombre à la tête d’organismes d’État.

Aux dernières élections, celles de 2004, il y a eu 19  % d’élues, contre 15  % en 1999, et il y en a eu la même année 38  % au Parlement européen. Dans l’ensemble, le rythme des progrès en politique électorale est lent : seuls 13  % des députés de l’Assemblée nationale sont des femmes. Paradoxalement, la présence notable des femmes en politique, y compris dans les instances décisionnelles, ne se retrouve pas encore au niveau des élections. En réponse aux observations finales faites par le Comité en 1999, l’Irlande a introduit un élément de vie politique dans la mesure en faveur de l’égalité pour les femmes. Dans le cadre de cette mesure, des fonds ont été attribués à trois partis politiques – Fianna Fáil, Fine Gael et Sinn Féin – dans le but d’accroître le nombre de femmes titulaires de postes de responsabilité ainsi que le nombre de candidates et de représentantes. Les partis se sont engagés à améliorer la position des femmes au moyen de plans d’action : le propre parti de M. Fahey, Fianna Fáil, s’est fixé des objectifs pour la participation des femmes à tous les niveaux.

Dans le cadre de sa stratégie nationale de lutte contre la pauvreté, révisée en 2002, qu’il a intitulée « Pour une société intégrée », le Gouvernement irlandais s’emploie à répondre aux besoins de catégories de population particulièrement exposées à la pauvreté, dont font partie les femmes. Il s’agit, en gros, d’arriver à réduire ou d’éliminer, pour 2007, l’état de pauvreté permanente parmi les femmes et de leur faciliter l’accès aux soins de santé, à l’instruction et à l’emploi. On reconnaît les problèmes propres aux femmes réduites à la pauvreté et marginalisées des milieux urbains et ruraux et le rôle important que peuvent jouer à cet égard les associations de femmes et les collectivités. L’État accorde à cette fin des subventions pour favoriser les initiatives communautaires d’aide aux femmes désavantagées.

Les femmes du voyage (nomades) ont un taux de mortalité plus élevé, une moindre espérance de vie ainsi que des taux de mortalité intra-utérine et infantile presque trois fois plus élevés que ceux de l’ensemble de la population. La stratégie de lutte contre la pauvreté vise à améliorer l’instruction, la santé et le logement des gens du voyage et à écarter ce qui fait obstacle à leur participation à l’économie nationale et à la vie sociale. M. Fahey n’ignore rien de la situation des femmes du voyage dans la société irlandaise non plus que de la nécessité d’améliorer leurs conditions de vie. Son Ministère a joué un rôle capital dans le suivi de l’application de la recommandation du groupe de travail sur la communauté des gens du voyage. Pavee Point, organisation de la société civile pour les gens du voyage, était présente à la réunion et a pris part à l’établissement du rapport de l’Irlande.

La stratégie nationale en faveur des invalides et la loi de 2005 relative aux invalides prévoient la fourniture de services spéciaux aux personnes qui souffrent d’invalidités, dont les femmes, et l’amélioration de leur accès à l’ensemble des services publics. Dans le cadre du plan de 1997 pour la santé des femmes, d’importantes mesures ont été prises en vue de donner une dimension sexospécifique aux services de santé afin de les rendre sensibles aux besoins de santé des femmes. BreastCheck, programme national de dépistage du cancer du sein, a été lancé en mars 2000. Il a, dans sa première phase, été appliqué dans les zones de l’est, du centre et du nord-est du Ministère de la santé et devrait l’être à l’ensemble du pays pour 2007. Le programme national de dépistage du cancer du col de l’utérus, qui est appliqué depuis l’année 2000 dans la région médio-occidentale du Ministère de la santé, assure gratuitement aux femmes du groupe d’âge des 25 à 60 ans un examen médical tous les cinq ans. La nouvelle stratégie en matière de santé prévoit d’en étendre l’application au reste du pays. Ces dernières années, des fonds supplémentaires ont été débloqués pour le développement des services de planification familiale et de conseils aux femmes enceintes. Un service appelé « Crisis pregnancy Agency » a été ouvert en 2001 et les médecins généralistes assurent gratuitement des services de planification familiale aux personnes munies d’une carte donnant droit à la gratuité des services médicaux de type général.

En réponse aux recommandations du Comité concernant le troisième rapport périodique de l’Irlande, un large dialogue national sur l’avortement a été engagé. La position actuelle de la Constitution sur l’avortement a été établie par un referendum de 1983 et modifiée en 1992. L’Irlande a organisé cinq referendums séparés sur la question à trois occasions séparées et il n’est pas prévu d’avancer de nouvelles propositions à cet égard.

M. Fahey a lui-même présidé le Comité directeur sur la violence à l’égard des femmes, lequel, établi en 1997, s’est employé à favoriser la coopération entre institutions en vue de sensibiliser le public à ce problème, à réaliser des travaux sur la question et à veiller à l’application des recommandations du groupe de travail sur la violence contre les femmes. Des comités régionaux sur la violence contre les femmes ont également été établis dans chacune des 10 régions couvertes par le Ministère de la santé pour évaluer les services en place et élaborer des stratégies locales et des plans d’exécution. Un plan stratégique pour guider les travaux du Comité au cours des cinq années à venir devrait être achevé avant la fin de l’année.

L’Irlande a promulgué des textes législatifs très forts contre la violence domestique, le viol et la violence sexuelle, le harcèlement sexuel et autres formes de violence contre les femmes. Comme la violence contre les femmes est souvent un délit que l’on cache, le Ministère dont M. Fahey fait partie s’est efforcé de rendre le public conscient du problème, notamment par une campagne d’information sur les stations nationales de télévision et de radio avec le concours du Comité directeur sur la violence contre les femmes. La campagne a eu pour résultat une augmentation de 64  % du nombre d’appels adressés au service d’assistance aux femmes.

Au moins 7 des 15 membres de la Commission des droits de l’individu, de création récente, devront être des femmes. En outre, l’Irlande a ratifié le Protocole à la Convention en septembre 2000. Le Gouvernement est tout à fait conscient de la nécessité de lutter contre l’exploitation des femmes par la prostitution et de compléter son appareil législatif par la fourniture d’une assistance à ses victimes. En application de la mesure en faveur de l’égalité pour les femmes, des fonds ont été attribués ces dernières années aux organisations actives auprès des victimes de la prostitution.

Avec la transformation de l’économie irlandaise, le problème n’est plus d’émigration, mais d’immigration. Les immigrants comprennent les chercheurs d’asile et les chercheurs d’emploi. L’Irlande prend très au sérieux ses responsabilités à l’égard des chercheurs d’asile. Comme le prévoit la loi de 2003 relative à l’immigration, le processus s’appuie sur un cadre législatif simplifié qui vise à traiter de manière efficace le grand nombre de demandes et à protéger rapidement ceux qui répondent à la définition de réfugié. Des mesures spéciales ont été prises pour donner satisfaction aux femmes qui ont besoin d’un asile. La législation irlandaise en la matière accepte les demandes d’asile présentées par des personnes persécutées en raison de leur sexe. Les femmes qui demandent à être considérées comme réfugiées sont interrogées par des femmes et des interprètes femmes, en particulier si leur demande s’appuie sur des éléments qui ont trait à leur sexe, et elles sont, au besoin, entendues par des membres féminins du tribunal compétent en la matière.

En 1996, le groupe de travail sur la révision de la Constitution avait recommandé de faire dire explicitement au premier paragraphe de l’article 40 relatif à l’égalité en droit de tous les citoyens que la discrimination est interdite pour diverses raisons, y compris pour appartenance à l’un ou à l’autre sexe. Le Parlement, ou « All-Party Oireachtas) sera saisi de la question sur la base d’exposés et d’auditions tenues au début de l’année lors d’une consultation publique sur la famille. L’ambitieuse législation de l’Irlande en matière d’égalité comprend la loi de 1998 sur l’égalité dans l’emploi et celle de 2000 sur l’égalité de statut. Les dispositions modifiées du Traité de Rome relatives à l’égalité des sexes ont force de loi. Les atteintes à ces dispositions peuvent être soumises au jugement des tribunaux nationaux et être, le cas échéant, renvoyées à la Cour européenne de justice.

L’Irlande aborde la question de l’égalité des sexes selon un triple angle d’approche : par la législation, par l’intégration systématique de la problématique des sexes et par la discrimination positive. En plus de la loi sur l’égalité dans l’emploi et de la loi sur l’égalité de statut, il y a aussi, pour promouvoir l’égalité, un Office de l’égalité. Les décisions du tribunal de l’égalité, qui connaît des plaintes pour discrimination, sont exécutoires et il ne peut en être interjeté appel que sur un point de droit. En 1999, il a été décidé que la majorité des mesures inscrites dans le plan national de développement pour 2000-2006 devraient être assorties d’une prise en compte systématique du souci de l’égalité des sexes. Un service a été créé dans le ministère dont M. Fahey est membre avec pour mission de fournir assistance, conseils et formation en prise en compte systématique de l’égalité des sexes aux autres administrations et un autre a été mis en place dans le même but au Ministère de l’éducation et de la science. Le troisième angle d’approche, la discrimination positive, a pour origine la recommandation du Comité en 1999. Dans le cadre de la première phase de la Mesure en faveur de l’égalité pour les femmes, 70 projets visant à améliorer la vie économique, sociale, culturelle et politique des femmes ont été mis en route. Dans la deuxième phase, il en est financé 58 autres dans des zones urbaines économiquement désavantagées. La Mesure a fourni aussi les ressources nécessaires pour soumettre à un test d’égalité, administré par l’Office de l’égalité, les politiques de l’emploi et les organisations professionnelles et de réaliser des travaux sur les femmes qui recommencent à travailler et à se former ainsi que sur celles qui sont chefs d’entreprises. À ce jour, plus 7 000 femmes ont bénéficié de la Mesure, et les leçons à en retenir sont automatiquement intégrées à la politique suivie en la matière.

En ce qui concerne l’infrastructure mise en place pour l’égalité en Irlande, l’élaboration des lois en la matière a toujours souffert d’un manque de données. Le Groupe de l’égalité des sexes créé dans le cadre du plan de développement national travaille avec les différents ministères à l’établissement d’indicateurs de performance ventilées par sexe. Il a fait paraître un livre intitulé « Women and men in Ireland – Fact and Figures » (« Les femmes et les hommes en Irlande – faits et chiffres ») et un rapport sur la problématique des sexes, publié pour la première fois en décembre 2004 par l’Office central de statistique, paraîtra chaque année. Le Gouvernement est résolu à établir un cadre pour les statistiques d’ordre social et d’égalité et les travaux ont commencé concernant la formulation de stratégies en matière de données et de statistiques dans chaque branche de l’Administration.

Les réserves de l’Irlande sur la Convention sont régulièrement maintenues à l’étude. À la suite de la promulgation de la loi de 2004 sur l’égalité des sexes, M. Fahey a demandé l’avis de juristes concernant la réserve émise sur le premier paragraphe de l’article 11, réserve qui est maintenue en raison du très petit nombre d’exclusions dont est assortie la loi de 1998 sur l’égalité dans l’emploi. Les réserves émises sur l’alinéa a) de l’article 13 ainsi que sur les alinéas d) et f) du premier paragraphe de l’article 16 sont maintenues en raison du fait que les femmes font l’objet d’un traitement plus favorable dans la législation nationale.

L’Irlande met actuellement au point, sur les femmes, une stratégie nationale recommandée par le comité qui a rédigé le plan national de 2002 sur les femmes concernant l’application du Programme d’action de Beijing. La stratégie établie pour 2006-2015 portera sur des questions d’importance capitale pour les femmes d’Irlande. Elle comprendra des indicateurs de performance, définira des actions et des objectifs et dira qui sera chargé de l’application des diverses actions envisagées.

En conclusion, M. Fahey appelle l’attention du Comité sur la part prise par les ONG à l’établissement du rapport de l’Irlande, pour lequel six rapports en forme d’essais ont été rédigés par elles. Il mentionne en particulier celui de l’Alliance des femmes pour les droits de l’individu, que son Ministère a financé dans le cadre de la Mesure en faveur de l’égalité pour les femmes.

Articles 1 à 6

La Présidente invite les membres du groupe d’étude sur l’Irlande à poser des questions.

M me Šimonović demande comment, du fait qu’elles ne sont pas directement applicables, les dispositions de la Convention sont incorporées dans le système juridique « dualiste » de l’Irlande. Notant qu’en 2003 l’État partie a adopté une loi reprenant les dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme, elle demande s’il adoptera la même démarche dans le cas de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Pour que le Protocole facultatif devienne applicable en Irlande, il faudrait qu’il existe des possibilités de recours au niveau national.

Il semble, en ce qui concerne les dispositions du premier paragraphe de l’article 40 de la Constitution irlandaise, qu’il y a malentendu. L’égalité devant la loi n’est pas la même chose que le principe de l’égalité des hommes et des femmes qu’en application de l’article 2 de la Convention les États parties s’engagent à inscrire dans leur constitution nationale ou toute autre disposition législative appropriée. Par ailleurs, les dispositions de l’État partie concernant la discrimination directe et indirecte doivent être conformes à celles du premier article de la Convention et devraient être également applicables aux autres acteurs que ceux qui servent l’État. Enfin, Mme Šimonović se félicite de la formulation de la stratégie nationale sur les femmes et elle demande si elle s’inspirera des observations et recommandations finales du Comité.

M. Flinterman dit que la Conférence mondiale de 1993 sur les droits de l’homme demande à tous les pays de lever leurs réserves sur les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. Il a étudié les raisons de la décision prise par l’Irlande de ne pas lever les siennes et n’est pas arrivé à les comprendre. Celle qui a été émise sur l’article 11 s’appuie sur l’idée que cet article n’autorise pas les exclusions; M. Flinterman ne partage pas cette idée. La loi irlandaise sur l’égalité comporte moins d’exclusions sous sa forme révisée de 2004 qu’il n’y en avait dans la législation antérieure. La réserve ne se justifie pas, à son avis, sauf à dire qu’il y a excès d’exclusions.

En ce qui concerne l’alinéa a) de l’article 13, l’Irlande s’est réservé le droit de maintenir les dispositions de sa législation en matière de sécurité sociale, lesquelles sont plus favorables aux femmes, comme le droit d’une mère à des allocations pour enfant. La question se pose de savoir s’il s’agit là d’une réserve étant donné que, par définition, l’objet d’une réserve est de restreindre ou de rejeter les obligations de l’État partie. La réserve émise sur l’alinéa a) de l’article 13 doit donc reposer sur un malentendu. La Convention veut une égalité de fait; il ne suffit pas d’assurer aux deux sexes un traitement identique. Il faut tenir compte des différences entre les femmes et les hommes pour réaliser une égalité de fait. Il n’est rien dans la Convention qui interdise à l’État partie de mieux traiter les femmes que les hommes, ce qui devient même parfois une obligation, comme dans le cas de l’article 4.

De même, M. Flinterman croit comprendre que la réserve émise sur les alinéas d) et f) du premier paragraphe de l’article 16 ont été maintenues parce que l’Irlande ne veut pas que les pères d’enfants nés hors mariage aient des droits égaux à ceux des mères. Les pères qui ne sont pas mariés doivent acquérir le statut de tuteur pour se voir reconnaître ces mêmes droits. Mais, ici encore, peut-on parler d’une réserve sur cet article? La Convention dispose que, dans toutes les affaires relatives à l’égalité des droits entre les hommes et les femmes, c’est l’intérêt bien compris de l’enfant qui doit primer. Le Comité espère que l’Irlande ne tardera pas à lever toutes ses réserves.

M me Popescu dit que le rapport abonde en informations, mais qu’il ne donne pas l’impression de traiter les droits selon une approche holistique. Elle voudrait savoir quel mécanisme national est chargé de coordonner les dispositions législatives relatives aux droits des femmes, ainsi que la prise en compte correspondante de la nécessaire égalité des sexes, et en particulier si le Groupe de l’égalité des sexes du Ministère de la justice, de l’égalité et de la réforme des lois joue ce rôle, s’il intervient dans la conception des stratégies en faveur des femmes, s’il suit de près les progrès que le plan de développement national fait faire à la condition de la femme, comment il est structuré, équipé en personnel et financé et comment il se rattache aux autres services qui poursuivent les mêmes buts dans les autres administrations.

Faisant observer que l’Office de l’égalité et le Tribunal de l’égalité fonctionnent l’un et l’autre sur la base de neuf motifs de discrimination, dont un seul a trait au sexe, elle voudrait savoir comment sont traitées les affaires de discrimination multiple.

M me Pimentel dit qu’il faut féliciter le Gouvernement pour les diverses mesures qu’il a adoptées pour combattre la violence contre les femmes, dont il a été fait état dans le rapport, non pas à propos des articles 1 et 2 ou de la recommandation générale no 19, mais à propos de l’article 16. Elle voudrait savoir ce que sont, de l’avis de la délégation, les rapports entre la violence contre les femmes et la réalisation de la plénitude des droits humains des femmes. Elle voudrait savoir aussi ce que fait l’Irlande pour remédier au sous-financement des services chargés des problèmes de violence contre les femmes, en particulier des foyers pour femmes battues, et quelles mesures sont prises pour protéger les femmes fragilisées, comme celles qui sont invalides et celles de la communauté des gens du voyage, ajoutant qu’il faudrait que l’Irlande dise quels progrès ont été faits en ce qui concerne l’application des recommandations du rapport sur la violence contre les femmes qui a paru en 1999. Elle demande ce qui est fait pour remédier aux lenteurs de mise en route de l’appareil judiciaire dans les affaires de violence domestique et comment sont traitées, à cet égard, les questions de garde des enfants et de visite. Il serait bon aussi de savoir ce que fait le Gouvernement pour veiller à ce que les magistrats soient convenablement formés aux questions de violence contre les femmes, comment il contrôle et assure l’application du plan stratégique en cinq ans pour le Comité directeur sur la violence contre les femmes et comment progresse l’application du récent rapport sur le viol et les sévices sexuels en Irlande.

L’étude des sévices sexuels comporte trois dimensions essentielles : la fréquence et la répétition des sévices, le silence des victimes et la conscience qu’en ont les mères des victimes. Il est fondamental de veiller à ce que les personnes chargées de la définition des politiques publiques soient suffisamment équipées pour le faire étant donné que la violence sexuelle est préjudiciable au développement social et psychologique des filles et des femmes.

M me Tavares da Silva se demande si la discrimination à l’égard des femmes devrait être traitée comme une des neuf catégories de discrimination du fait qu’elle peut conduire à prendre conscience de la nature de la discrimination entre sexes, laquelle est structurelle et concerne toutes les sociétés et toutes les cultures, ce qui n’empêche pas les femmes de subir tous les autres types de discrimination.

Le rapport ne dit rien au sujet des mesures de nature à prévenir ou réprimer le trafic de femmes, et il ressort des réponses apportées à la liste des questions qui lui étaient posées que le Gouvernement n’a pas connaissance de faits établissant l’existence d’une telle pratique en Irlande. Les ONG, par contre, suivent la croissance de ce phénomène depuis des années, de sorte qu’on aimerait savoir si des textes législatifs sont en préparation à cet égard et quelles mesures sont prises éventuellement pour soutenir et protéger ces femmes. Il ne faut pas voir dans les victimes de ce trafic de simples immigrantes en situation illégale.

Le rapport indique que des mesures temporaires spéciales sont prises en Irlande afin de promouvoir l’égalité des chances pour tous, en particulier par l’élimination de certaines inégalités qui touchent les femmes. C’est là une vue restrictive des choses. Les mesures temporaires spéciales, au sens de l’article 4, visent à faire plus qu’éliminer les inégalités qui existent; elles ont également pour but de promouvoir et d’accélérer la réalisation de l’égalité. Il ne s’agit pas seulement d’en appliquer, par exemple, en matière d’emploi, mais aussi en matière de participation et de représentation.

Enfin, Mme Tavares da Silva espère que l’Irlande reverra sa Constitution en faisant disparaître les stéréotypes défavorables aux femmes et l’orientation masculine de son libellé.

M me Khan félicite l’Irlande pour l’excellente qualité de son rapport et pour le niveau de prospérité qu’elle a atteint, ce qui n’empêche pas, cependant, que le nombre de femmes qui vivent dans la pauvreté est en augmentation, en particulier celui des femmes âgées et des femmes du voyage, et qu’il y en davantage en Irlande que dans aucun autre pays d’Europe. Elle voudrait savoir si l’on s’est efforcé de trouver la cause de cette pauvreté et d’y porter remède. A-t-on envisagé d’adopter, pour permettre aux femmes d’échapper au piège de la pauvreté, une démarche de prise en compte de l’égalité des sexes et de leurs droits? Mme Khan voudrait savoir si le Comité de la parité des sexes couvre tous les ministères et départements, de quel organisme il relève et quel est le rôle de la Commission de la condition de la femme dans l’élimination de la pauvreté. Elle voudrait en outre savoir si des mesures ont été prises en vue de ralentir l’aggravation de la pauvreté relative de revenu étant donné que les fruits du développement économique devraient être répartis également entre les membres d’une société. Enfin, elle demande si l’Irlande a envisagé de créer des mesures temporaires spéciales pour améliorer l’instruction des femmes atteintes d’invalidité, des femmes du voyage ainsi que des parents célibataires afin de les rendre mieux à même de prendre part à la vie de la société.

M me Gabr, notant que l’afflux croissant d’immigrants en Irlande est le résultat de l’essor économique du pays, demande si des mesures de protection spéciales sont prévues pour les immigrantes, qui sont particulièrement fragilisées de par leur situation. Elle aimerait aussi savoir si la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté comprend des mesures spéciales de protection des immigrantes et si le plan national d’action contre la pauvreté et l’exclusion sociale aborde le problème du racisme et contribue à faire respecter et comprendre la culture des immigrantes, notamment par les médias. Elle demande si des mesures sont prises en faveur de l’identité culturelle, si, par exemple, une aide financière est attribuée aux ONG qui travaillent à protéger ces femmes. Elle voudrait aussi savoir comment la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté vient en aide aux immigrantes dans des domaines comme le logement et l’accueil. Enfin, elle demande si l’Irlande envisage de ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

M. Fahey (Irlande) dit que sa délégation accueille avec satisfaction les questions excellentes et précises du Comité. L’Irlande a beaucoup fait en matière d’égalité de droits pour les femmes, même s’il reste encore beaucoup à faire. Le pays devrait peut-être se montrer plus volontariste dans sa recherche de l’égalité de fait. Il y a en effet des dispositions de la Convention qui ne cadrent pas bien avec la Constitution irlandaise. Celle-ci a toutefois été rédigée en 1942 et elle a, d’une manière générale, bien résisté à l’épreuve du temps. Il est exact de dire que, dans le domaine de la violence contre les femmes, l’État n’accorde pas de ressources suffisantes pour remédier au problème que représente la lenteur de l’action des tribunaux et pour la création de foyers d’accueil. En ce qui concerne le trafic des femmes, les statistiques laissent à désirer; il y a, à cet égard, du travail à faire. Il semble, toutefois, que les migrantes sont assez bien traitées et qu’elles le sont, de toute manière, mieux que les hommes.

Il est vrai qu’il y a encore, malgré la très forte croissance économique du pays ces dernières années, de la pauvreté en Irlande et que certaines catégories de population, comme les gens du voyage, en souffrent plus que d’autres. Le Gouvernement prend toute sorte d’initiatives pour faire reculer la pauvreté, et même pour la faire disparaître complètement. Il n’y a pas plus de 10 ans, il n’y avait pas d’étrangers à demander asile en Irlande; seul un petit service y était préposé. Le pays n’a pas tardé à faire le nécessaire face à l’afflux de demandeurs d’asile et il n’y a pas eu de gros problèmes de racisme à leur égard, ce qui est dû pour une large part aux efforts fournis par les ONG. L’Irlande étudie l’expérience de la Grande Bretagne à cet égard. Cela dit, le niveau de racisme à l’encontre des gens du voyage est absolument inacceptable et il faut le combattre.

M. O’Callaghan (Irlande) dit que la stratégie nationale en faveur de la femme, qui est en préparation, s’inspire des recommandations du plan national pour les femmes que le Gouvernement a présenté à l’Organisation des nations Unies conformément aux obligations que lui en fait le Programme d’action de Beijing. Un comité interdépartemental est chargé de la rédiger en consultation avec les représentants du patronat, du salariat, du Conseil national des femmes ainsi que d’autres groupes. Elle portera sur un grand nombre de questions – économie, emploi, pauvreté et violence contre les femmes, par exemple – et définira des objectifs à atteindre et des actions à réaliser dans un laps de temps donné. M. O’Callaghan donne au Comité l’assurance que les femmes désavantagées, comme les migrantes, ne seront pas oubliées et qu’il sera dûment tenu compte des observations finales du Comité.

Les raisons des réserves émises par l’Irlande sur la Convention ont été précisées dans le rapport et leur justification est constamment soumise à examen. Il n’y a rien à redire aux arguments avancés par le Comité en faveur de leur retrait, mais le Procureur général n’a cessé de conseiller au Gouvernement de les maintenir.

Il est vrai que la variété des organes préposés à l’égalité des sexes fait qu’on ne s’y retrouve pas très bien. Ils ont beau avoir le même nom ou un nom semblable, ils jouent des rôles différents. M. O’Calaghan lui-même dirige, au Ministère de la justice, de l’égalité et de la réforme du droit, un service de ce type composé de 10 personnes qui a pour mission de donner suite aux engagements internationaux de l’Irlande en matière d’égalité des sexes. À l’intérieur de ce service, un autre groupe est chargé d’intégrer la prise en compte de la nécessaire égalité des sexes dans le plan de développement national. Celui du Ministère de l’éducation et de la science s’occupe de questions d’éducation et celui du Ministère des finances veille à l’application de la politique d’égalité des sexes dans la fonction publique.

Il est vrai aussi que les avis diffèrent quant à la meilleure démarche à suivre dans la lutte contre la discrimination. L’existence d’un organisme unique chargé des questions relatives au sexe peut présenter des avantages, mais la démarche de l’Office de l’égalité ne manque pas d’intérêt non plus. Du fait qu’il traite des neuf motifs de discrimination couverts par la législation irlandaise, il peut appliquer les leçons d’un grand nombre d’années d’expérience de la discrimination fondée sur le sexe à d’autres formes de discrimination. De plus, quand il s’en crée de semblables dans d’autres pays de l’Union européenne, ils traitent en général des multiples formes de la discrimination.

M me O’Rourke (Irlande) dit que le rapport de l’Irlande décrit les dispositions de la Constitution et les textes législatifs qui donnent effet à la Convention. Comme la Constitution est un document bref, lui adjoindre la Convention en annexe en détruirait l’équilibre. De plus, comme la Constitution ne peut être modifiée que par referendum, y adjoindre la Convention aurait pour effet de « fossiliser » la Convention elle-même, ce qui serait une mesure dommageable du fait que les droits des femmes évoluent, qu’elles n’ont rien de statique.

Il ne serait pas pratique non plus de promulguer un texte de loi unique portant application de la Convention en raison des risques de conflit que cela pourrait présenter avec la législation en vigueur, eu égard notamment aux diverses lois qui traitent en termes très spécifiques des diverses formes de discrimination. L’Irlande, avec sa tradition de droit coutumier, diffère des pays de droit civil précisément en raison de la très grande spécificité de ses lois.

M. O’Sullivan (Irlande) dit que le Comité directeur sur la violence contre les femmes, qui a été crée en 1997, s’est inspiré des vues exprimées par de nombreux groupes, et notamment par les ONG. La lutte contre ce phénomène a marqué des progrès, mais il reste beaucoup à faire. Une large consultation a été engagée, notamment avec les représentants des invalides, des migrants et des gens du voyage, en vue de définir une stratégie sur cinq ans pour les travaux du comité directeur.

Cette stratégie s’inscrira dans la stratégie nationale pour les femmes. Les premiers services aux victimes sont assurés principalement par les ONG, qui seront consultées pour qu’elles fassent part des faiblesses qu’elles pourront y avoir relevées. Ces services sont notoirement sous-financés. Pour ce qui est d’engager des poursuites contre les auteurs de violence, l’action de la justice pénale en réponse aux comportements de violence contre les femmes est compliquée par le fait que le coupable et la victime sont souvent apparentés, ce qui empêche l’action d’aboutir. Cela dit, des ordonnances d’interdiction et de sécurité peuvent être rendues, l’action des tribunaux pourra être accélérée et le rôle de la police élargi. La politique en vigueur favorise l’arrestation de l’auteur de violence et la protection de la victime.

Passée de pays à émigration à un pays d’immigration, l’Irlande doit faire face au problème de trafic d’êtres humains. Actuellement, la loi de 2000 relative aux immigrants illégaux (trafic d’êtres humains), conçue pour poursuivre en justice ceux qui facilitent l’entrée illégale d’individus en Irlande, peut être invoquée pour poursuivre en justice ceux qui pratiquent le trafic d’êtres humains aux fins d’exploitation. Toutefois, le Ministère de la justice, de l’égalité et de la réforme des lois envisage de proposer une loi spécialement conçue pour combattre cette forme de trafic afin d’aider l’Irlande à satisfaire aux obligations que lui feront la décision cadre du Conseil de l’Union européenne sur la lutte contre le trafic d’êtres humains, la Convention du Conseil de l’Europe concernant l’action à engager contre la traite d’êtres humains et le Protocole de Palerme.

Bien qu’il n’y ait pas de disposition législative qui l’y oblige, la Garda Síochána (Police irlandaise) a reçu pour instructions de traiter avec bienveillance toutes les victimes de trafic. L’actuelle révision de la législation relative à l’immigration et la consultation des ONG sur l’insuffisance des mesures actuelles pourront conduire à l’adoption de textes officiels en la matière. Le Bureau de l’immigration Garda National a enquêté sur toutes les affaires de trafic qui ont été portées à sa connaissance, la plupart par des ONG comme Ruhama.

M me Faughnan (Irlande) dit que les données issues des plus récentes enquêtes statistiques sur la vie en Irlande ainsi que des statistiques de l’Union européenne sur le revenu et les conditions de vie ont confirmé que les catégories de population les plus exposées au risque de pauvreté sont les familles avec enfants, les parents célibataires ainsi que les invalides et les personnes âgées qui vivent seules, mais elles ont montré aussi qu’il y a moins de femmes à vivre dans un état habituel de pauvreté. Il est certes possible qu’il y ait des catégories de population pauvres dont l’absence de données sectorielles spécifiques masque l’existence. D’une manière générale, les dépenses de lutte contre la pauvreté se sont accrues, avec des allocations sociales qui ont augmenté près de trois fois plus que le taux escompté de l’inflation ainsi que des pensions et des allocations familiales elles aussi substantiellement en hausse.

Reconnaissant que la voie à suivre pour sortir de la pauvreté les parents célibataires – dont la plupart sont des femmes –, un groupe de travail présidé par un membre du Cabinet du Premier Ministre étudie la question de savoir comment améliorer leurs conditions de vie et comment faciliter leur accès à l’emploi, comme en assurant la garde de leurs enfants. Les mesures mises en place pour les personnes relativement âgées comprennent un système de rémunération du temps qu’elles prennent sur leur travail afin de pourvoir aux soins de la famille.

M. Dowling (Irlande) dit que les droits des travailleurs migrants sont protégés par la Constitution, les lois en vigueur et les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels l’Irlande est partie. Comme les autres États qui sont membres de l’Union européenne, l’Irlande n’a pas signé la Convention internationale relative à la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. Le Gouvernement a estimé que l’adhésion à la Convention obligerait à introduire beaucoup de changements dans la législation du pays et que cela aurait de fâcheuses incidences sur le phénomène migratoire à l’intérieur de l’Union européenne ainsi que sur la bonne marche de l’arrangement Irlande-Grande Bretagne de zone commune de déplacement.

Le Cabinet du Commissaire aux demandes de statut de réfugié et le Tribunal d’appel des jugements rendus en la matière s’emploient à protéger les droits des demandeuses d’asile, qui se trouvent de ce fait fragilisées, et il semblerait que leurs efforts portent des fruits.

L’Office d’accueil et d’intégration vient en aide uniquement aux personnes qui se sont vu octroyer le statut de réfugié ou qui sont autorisées à rester en Irlande, mais le Gouvernement reconnaît que le besoin d’aide à l’intégration concerne beaucoup d’autres personnes que celles-là, et c’est la raison du projet de loi sur l’immigration et la résidence, qui prévoit la création d’un service de naturalisation et d’immigration comprenant une cellule chargée d’aider tous les résidents de pays tiers en situation légale à s’intégrer à la vie économique et culturelle de l’Irlande. En tant qu’organisme de coordination, l’Office n’intervient pas directement au niveau de l’application. Il adopte un programme de travail commun avec des ONG, lesquelles sont subventionnées par l’État et bénéficieront d’une aide financière que l’Union européenne accorde aux fins d’intégration pour la période 2007-2013.

M. Fahey (Irlande) dit que les membres du groupe d’experts ont peut-être raison de penser que son Gouvernement a manqué de clairvoyance dans son analyse de la Convention, mais il ne doute pas que la stratégie nationale pour la femme y remédiera. Il est certain que des mesures plus volontaristes s’imposent pour améliorer la situation des femmes et leur assurer une égalité de fait. Sans aller jusqu’à en appliquer tous les détails, il sera tenu compte, dans leurs grandes lignes, des observations finales du Comité.

M me Schöpp-Schilling, revenant à la question des réserves émises par l’Irlande, appelle l’attention de la délégation sur l’article 23 de la Convention, où il est dit que la Convention ne porte pas atteinte aux dispositions de la législation nationale ou d’accords internationaux « plus propices à la réalisation de l’égalité de l’homme et de la femme ». Elle se demande si le Gouvernement a entrepris une analyse approfondie de la législation nationale pour s’assurer qu’elle couvre toutes les parties de la Convention. Elle voudrait savoir aussi si un calendrier a été fixé pour les changements à apporter à la Constitution et, du fait que l’issue d’un referendum dépend pour une large part des questions qui sont posées, elle engage le Gouvernement à présenter ces changements sous un jour positif.

Les efforts que fait l’Irlande pour combattre la pauvreté et le chômage des femmes sont fructueux, mais il faut prendre garde aux statistiques. Il y a beaucoup plus de femmes que d’hommes à travailler à temps partiel. Il faut donc, quand on considère le nombre de femmes qui travaillent, tenir compte du nombre d’heures de travail qu’elles font. Mme Schopp-Schilling voudrait savoir si le Gouvernement envisage de donner un effet rétroactif au Plan pour la ménagère, comme l’a fait avec le sien le Gouvernement de son pays, l’Allemagne, de façon à le faire porter sur des périodes antérieures à 1994.

M me Simms craint que l’afflux d’immigrants en Irlande ne provoque des réactions de racisme. Elle demande si des mesures ont été prises pour intégrer ces immigrants dans la société irlandaise et pour veiller à ce que ne viennent pas avec eux des pratiques discriminatoires inhérentes à leurs cultures d’origine.

Elle voudrait savoir sur quoi se fondent les comportements de racisme à l’égard des gens du voyage et elle appelle l’attention sur l’intersection entre sexe et race, faisant valoir que les femmes des minorités ethniques négligent souvent de porter plainte pour discrimination à l’égard de leur sexe à l’intérieur de leur communauté. Enfin, elle s’est laissé dire qu’il arrive souvent en Irlande que les banques exigent des femmes de race noire qu’elles se soumettent à un test de VIH/sida avant de leur accorder des prêts et elle voudrait savoir si cela est exact.

M me Gaspard demande si le rapport a été soumis au Parlement irlandais et si une sous-commission parlementaire spéciale a été créée pour s’occuper du problème de l’égalité de l’homme et de la femme.

M. Fahey (Irlande) dit que, tout en reconnaissant que les gens du voyage ont une identité culturelle qui leur est propre, le Gouvernement ne les considère pas comme une ethnie à part. Lui-même n’est pas convaincu que les gens du voyage souhaitent être considérés comme tels. En réponse à la question de Mme Gaspard, il dit que le rapport a été soumis à la commission parlementaire pour la justice, l’égalité et les questions relatives aux femmes, qui a été établie en novembre 2003 pour s’occuper de la question de l’égalité des sexes sous tous ses aspects.

M. O’Callaghan (Irlande) a pris note de ce qui a été dit concernant les réserves et il en fera part au Cabinet du Ministre de la justice pour suite à donner. Pour ce qui est de la réforme de la Constitution, il n’est pas possible d’établir un calendrier précis tant que le Comité All-Party Oireachtas n’aura pas présenté son rapport. Il ne fait pas de doute que toutes les parties intéressées veulent aller de l’avant, mais le processus réformateur est un processus compliqué et complexe qui demande du temps.

M. O’Callaghan souligne que la législation irlandaise relative à l’emploi et à la fourniture de biens et de services interdit de manière expresse la discrimination à l’égard des gens du voyage et que, de ce fait, ceux-ci peuvent saisir la justice de toute violation de leurs droits. Il n’a pas été porté à sa connaissance que les banques exigent des migrantes qu’elles se soumettent à un test de VIH/sida et il doute de la légalité de telles pratiques.

M me O’Higgins (Irlande) dit que, comme dans les autres pays d’Europe, la part des femmes dans la population active se mesure au nombre de celles qui ont un emploi plutôt qu’au nombre d’heures de travail qu’elles font. D’après les statistiques les plus récentes, parmi les femmes qui travaillent, 68  % le font à temps complet et 32  % à temps partiel. Ces chiffres sont demeurés à peu près stables depuis le décollage de l’économie en 1999.

M me Faughnan (Irlande) dit que le Plan pour la ménagère permet aux personnes dont les cotisations de sécurité sociale ont été réduites ou interrompues de choisir de décompter jusqu’à 20 années de cotisations. Toutefois, le Plan, qui a été créé en 1994, fait actuellement l’objet d’une révision et un certain nombre de réformes, y compris la modification de sa date d’entrée en vigueur et le remplacement du système de décompte par un système à base de cotisations effectives, sont envisagées.

Articles 7 à 9

La Présidente invite les membres du Groupe de travail pour l’Irlande à poser des questions.

M me Šimonović (Rapporteure) dit, parlant en son nom propre, qu’il faut que la nouvelle stratégie nationale pour la femme porte sur toutes les dispositions de la Convention et qu’elle prévoie des sanctions appropriées pour les violations. Elle indique que la Convention européenne des droits de l’homme a été pleinement incorporée dans la législation irlandaise et elle demande, à cet égard, quelles sont les principales différences entre ses dispositions et celles de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.

Concernant l’article 7 de la Convention, elle demande si le Gouvernement irlandais a l’intention de prendre d’autres mesures pour que davantage de femmes se fassent élire au Parlement. Plusieurs des principaux partis politiques ont sans doute mis en place des systèmes de quotas par sexe, mais il y a plus à faire pour l’égalité des hommes et des femmes. Enfin, Mme Šimonović fait remarquer que l’Irlande n’a pas d’ambassadrices de première classe ni de deuxièmes Secrétaires et elle demande pourquoi il n’a été institué de quotas que pour certains postes du Ministère des affaires étrangères.

M me Popescu dit que les femmes sont sérieusement sous-représentées dans les administrations nationale et locales. Elle demande si la Commission parlementaire pour la justice, l’égalité et les questions relatives aux femmes a entrepris une étude sur les causes de cet état de choses et les mesures qui pourraient être prises pour y remédier et, si tel n’est pas le cas, elle recommande que cela soit fait. Comme un certain nombre de partis politiques d’Irlande ont pris des mesures volontaristes pour accroître la participation des femmes, elle se demande s’il ne serait pas possible de s’inspirer de ces bonnes pratiques pour en faire la base d’un ensemble de principes directeurs. Elle voudrait aussi un complément d’informations sur la manière dont le Gouvernement entend s’y prendre pour atteindre son objectif de 40  % de femmes dans l’administration des organismes d’État.

Enfin, elle voudrait savoir si le Gouvernement envisage d’adopter des mesures temporaires spéciales pour faire en sorte que les catégories de population vulnérables, comme les gens du voyage, les invalides et les membres des autres minorités, soient convenablement représentées dans les administrations locales.

M. Fahey (Irlande) reconnaît que le Gouvernement irlandais n’a pas réussi à atteindre ses objectifs de participation accrue des femmes à la vie politique, mais il fait remarquer que des initiatives ont été prises visant à encourager les trois principaux partis politiques à adopter une démarche plus volontariste dans le choix et la nomination de candidates. À cet égard, il ne manquera pas d’envisager sérieusement l’idée avancée par Mme Popescu concernant l’établissement d’un ensemble de principes directeurs. Pour ce qui est de l’objectif de 40  % d’effectifs féminins, tous les organes chargés de présenter des candidats doivent maintenant proposer la candidature d’hommes et de femmes pour les postes à pourvoir. Dans le choix qu’il fait parmi les candidats élus, le Gouvernement s’assure que l’objectif de 40  % est atteint et il fait remettre deux fois par an un rapport d’activité au Cabinet.

Au niveau des administrations locales, les dernières années ont vu croître les effectifs de femmes. Les représentantes de catégories de population vulnérables et de minorités ont également obtenu quelques bons résultats aux élections locales, mais d’autres efforts restent à faire pour faciliter la présentation de leur candidature. Enfin, M. Fahey fait remarquer que les Irlandaises ne prennent pas part à la politique nationale avec autant d’énergie qu’elles pourraient. Pour réussir dans ce domaine, il leur faut avoir davantage confiance en soi et s’assurer le soutien des autres femmes.

M. O’Callaghan (Irlande) dit que le Ministère de la justice, de l’égalité et de la réforme des lois a financé un certain nombre d’initiatives visant à promouvoir la présentation de candidates par les minorités, ajoutant que l’administration locale peut mener à l’administration centrale en Irlande et indiquant que l’élection de femmes à la mairie de trois grandes villes traduit le fait que davantage de femmes accèdent à des postes électifs au niveau local.

Il assure le Comité qu’il a été tenu compte, dans l’élaboration de la Stratégie nationale pour la femme, des engagements que l’Irlande a pris au regard de la Convention ainsi que d’autres instruments internationaux et il prend note de la recommandation de faire une étude des raisons de la sous-représentation des femmes dans la vie politique.

M. Gibbons (Irlande) dit que, d’après les statistiques les plus récentes que l’on possède sur le personnel diplomatique du Ministère des affaires étrangères, les femmes représentent 34,6  % des Premiers Secrétaires/Administrateurs adjoints de première classe, 21  % des Conseillers et 25  % des Ambassadeurs de seconde classe. Le rapport des effectifs masculins et féminins a radicalement changé depuis quelques années, comme le montre le fait que près de 60  % des nouveaux promus au rang de Troisième Secrétaire sont des femmes. Les objectifs étaient de 35  % de nominations de femmes au rang de Premier Secrétaire/Administrateur adjoint de première classe et de 30  % au rang de Conseiller.

La Présidente invite les membres du Comité à poser d’autres questions.

M me Tavares da Silva se félicite des mesures prises pour faire en sorte que davantage de femmes puissent présenter leur candidature à l’exercice d’emplois publics. Cela dit, elle voudrait en savoir davantage sur les raisons profondes de leur réticence à se faire élire. À son avis, cette réticence provient du fait que l’on considère que les femmes jouent principalement leur rôle dans la sphère privée, ce qui veut dire qu’il faudrait, pour y remédier, un changement de mentalités. Il faudrait en outre que la vie politique de l’Irlande, caractérisée comme elle l’est par la domination de l’homme, se fasse plus accueillante aux femmes.

Le Parlement irlandais lui-même a noté le tropisme masculin de la Constitution, disant notamment qu’elle est le produit de temps patriarcaux. Il est important d’y prendre garde, d’autant que la lettre de la loi doit en traduire l’esprit.

M me Belmihoub-Zerdani se demande pourquoi l’évolution sociale de l’Irlande n’a pas suivi son évolution économique et pourquoi, en particulier, les femmes ne prennent toujours pas une part égale à celle des hommes dans tous les domaines de la vie publique. Elle pense, à cet égard, qu’il faudrait s’assurer, par voie législative, que les partis politiques respectent le principe de non-discrimination et elle demande s’il serait possible d’instituer un système de liste électorale qui donnerait aux femmes et aux hommes des chances égales d’être élus.

M. Fahey (Irlande) dit qu’il est très difficile pour les femmes de réussir dans l’arène politique irlandaise, l’une des plus dures d’Europe, outre que le régime électoral du pays ne se prête pas à l’institution de quotas ou à l’établissement de listes. Le plus gros obstacle à la participation des femmes à la vie politique du pays, c’est l’attitude du public en général, attitude qui évolue peu à peu, certes, mais il y a encore beaucoup à faire à cet égard. Il ne fait pas de doute que la Constitution, qui date du début des années 30, a une orientation masculine, mais M. Fahey espère qu’elle la perdra avec le temps.

La séance est levée à 13 heures.