Trente-neuvième session

Compte rendu analytique provisoire de la 793e séance (Section B)

Tenue au Siège, à New York, le mardi 24 juillet 2007, à 10 heures

Présidente :MmeDairiam (Rapporteure)

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Quatrième rapport périodique de l ’ Estonie

En l’absence de MmeŠimonović, MmeDairiam, Rapporteure, prend la présidence.

La séance est ouverte à 10 h 5.

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Quatrième rapport périodique de l’Estonie (CEDAW/C/EST/4 ; CEDAW/C/EST/Q/4 et Add.1)

À l ’ invitation de la Présidente, les membres de la délégation estonienne prennent place à la table du Comité.

M me Kaljurand (Estonie), présentant le quatrième rapport périodique de l’Estonie (CEDAW/C/EST/4), dit que l’un des faits nouveaux les plus importants depuis la présentation des premier, deuxième et troisième rapports périodiques combinés (CEDAW/C/EST/1-3) a été l’entrée en vigueur, le 1er mai 2004, de la loi sur l’égalité des sexes. La loi interdit la discrimination fondée sur le sexe dans le secteur privé et le secteur public et permet aux victimes de porter plainte. Elle oblige aussi tous les organismes de l’État, au niveau central et au niveau local, à adopter des stratégies d’intégration de la problématique des sexes.

Le Gouvernement n’a pas élaboré de plan d’action unique pour la promotion de l’égalité des sexes, mais des mesures ont été incorporées à cet égard dans un certain nombre de documents directifs, y compris le plan stratégique d’action du Ministère des affaires sociales et la stratégie budgétaire de l’État. En outre, diverses activités ont été entreprises en vue de mettre en œuvre une stratégie de prise en compte de la problématique des sexes; les fonctionnaires et le personnel des administrations locales ont reçu une formation appropriée et une base de données d’expérience en ligne a été créée. Le Gouvernement a publié des bulletins statistiques annuels analysant la situation des femmes et des hommes dans divers domaines et il a fait faire une étude sur l’égalité des sexes, dont on peut trouver les conclusions sur Internet. Afin de sensibiliser le public aux questions d’égalité des sexes, des documents d’information sur la terminologie de base et les questions pertinentes ont été publiés et distribués.

Passant au mécanisme national de l’Estonie pour la promotion de la femme, MmeKaljurand dit que le Département de l’égalité des sexes ( anciennement Bureau de l’égalité des sexes) connaît de toutes les questions qui se rapportent à l’égalité des sexes. Son personnel se compose de sept fonctionnaires et est assisté par les départements d’information et d’analyse de la politique sociale et de la politique du travail du Ministère des affaires sociales. En réponse aux préoccupations exprimées par le Comité dans ses conclusions sur les premier, deuxième et troisième rapports périodiques combinés, de gros efforts ont été faits pour renforcer le mécanisme national, mais il reste beaucoup à faire. L’absence de compétences techniques en la matière pose des difficultés particulières.

En octobre 2005, une Commissaire de l’égalité des sexes a été nommée pour contrôler l’application de la loi sur l’égalité des sexes, connaître des plaintes et émettre des avis d’expert. En outre, les victimes de discrimination fondée sur le sexe ont le droit de porter plainte devant le Chancelier de la justice, lequel peut, le cas échéant, engager une procédure de conciliation, ce qui ne s’est pas encore produit. La loi sur l’égalité des sexes prévoit aussi l’établissement d’un Conseil de l’égalité des sexes, qui jouera le rôle d’organisme consultatif auprès du Gouvernement. Toutefois, ce conseil n’est pas encore opérationnel faute de personnel qualifié suffisant. Plusieurs institutions font des travaux sur les problèmes d’égalité des sexes et deux organisations non gouvernementales (ONG) s’emploient à promouvoir l’égalité des sexes. Dans le cadre d’un projet pilote relatif aux fonds structurels de l’Union européenne, le Ministère des affaires sociales prévoit de créer un centre d’information sur l’égalité des sexes.

Depuis 2002, l’Estonie a beaucoup progressé dans la lutte contre la traite des êtres humains. Avec la prospérité économique, les niveaux de la prostitution et de la traite ont baissé et les efforts déployés pour faire appliquer les lois ont été renforcés par l’adoption de dispositions législatives pénalisant les activités conçues pour promouvoir la prostitution. Plusieurs campagnes de sensibilisation ont été lancées et le Ministère des affaires sociales et les ONG ont organisé des stages de formation pour les travailleurs sociaux, les enseignants et les animateurs de groupes de jeunes. Le Gouvernement a adopté aussi un plan national de développement pour combattre la traite des êtres humains pour la période 2006 à 2009.

En ce qui concerne l’assistance aux victimes, un service de téléassistance a été mis en place et, avec le concours d’autres pays nordiques et baltiques, l’Estonie participe à un projet pilote sur le retour et la réintégration des femmes qui ont été victimes de trafic aux fins d’exploitation sexuelle. Trois foyers pour victimes féminines de la traite ont été établis en 2007. En 2004, l’Estonie a ratifié le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants.

Sur la question de la violence contre les femmes, MmeKaljurand souligne la nécessité de poursuivre les travaux, tant en qualité qu’en quantité, sur la prévalence, les causes et les conséquences de la violence domestique. Le premier foyer pour femmes a été créé en décembre 2002, mais il est urgent d’en créer d’autres. Il n’existe pas actuellement de services d’aide aux auteurs de violence. Une grande campagne de sensibilisation du public intitulée “ Si l’amour blesse » a été lancée en 2005 et le Centre estonien pour programmes sociaux organise toutes les semaines des groupes de soutien aux victimes. Un groupe pilote pour hommes violents a été mis sur pied en 2005. Un plan national d’action sur la violence domestique, qui comprend diverses activités dans un certain nombre de domaines, a été établi et entrera en vigueur en 2008. Dans le cadre des codes de procédure civile et pénale, les tribunaux sont maintenant habilités à prendre des ordonnances de contrainte contre les coupables.

Se référant à la question de la participation des femmes aux décisions, MmeKaljurand fait savoir que le nouveau Parlement a une présidente et une vice-présidente et que trois femmes détiennent actuellement un portefeuille ministériel au sein du Gouvernement. Toutefois, comme l’a montré une récente étude sur les femmes et la gouvernance, les femmes ont toujours moins de chances que les hommes d’être élues au niveau national comme au niveau local, Les médias continuent à renforcer les stéréotypes sexuels dans l’arène politique et les femmes haut placées dans la hiérarchie politique ont souvent l’impression d’être désavantagées par rapport à leurs homologues de sexe masculin. En vue d’améliorer les choses à cet égard, diverses ONG ont obtenu des fonds du Ministère des affaires sociales afin de mettre en œuvre des projets conçus pour accroître la part prise par les femmes à la politique.

La rapide croissance économique qu’a connue l’Estonie a sensiblement réduit le taux de chômage et, en fait, il y a, depuis 1995, davantage d’hommes au chômage que de femmes. Les récentes pénuries de main-d’œuvre ont fait que davantage de femmes, et en particulier des femmes âgées, se sont mises à travailler. Afin de faire prendre conscience de l’actuel écart de salaire entre les femmes et les hommes et pour tenter d’agir sur les mentalités populaires, les medias ont donné un grand retentissement à ce problème. État membre de l’Union européenne, l’Estonie a réalisé un certain nombre de projets dans l’optique de la stratégie-cadre de la Communauté européenne sur l’égalité des sexes (2001-2005), y compris une initiative tendant à venir en aide aux femmes qui font carrière dans le secteur privé.

Par ailleurs, un co-projet sur l’égalité des chances dans le secteur privé, intéressant l’Estonie et la France et co-financé par l’Union européenne, sera réalisé en 2007-2008 en vue de sensibiliser le secteur privé aux normes, politiques et meilleures pratiques à appliquer pour l’égalité des sexes dans le travail. Des documents d’information, et notamment un manuel intitulé “ ABC des droits des travailleuses et de l’égalité des sexes » publié par l’Organisation internationale du travail et un dictionnaire anglais-estonien sur les termes d’égalité, ont été diffusés.

La loi de 2004 sur les allocations parentales est conçue pour compenser la perte de revenus subie par les parents contraints de rester chez eux durant la première année de la vie de leur enfant. Les allocations sont payables sur le budget de l’État et les parents qui choisissent de se mettre en congé ont droit à une indemnité égale à 100 pour cent de leur salaire. Les parents qui n’étaient pas employés avant la naissance de leur enfant ont droit, eux aussi, à une allocation mensuelle fixe. Les pères ne représentent qu’1 pour cent de ceux qui revendiquent des allocations parentales et d’autres efforts sont donc nécessaires pour les amener à s’occuper davantage d’élever leurs enfants et de leur famille. Des mesures sont à prendre aussi pour changer les mentalités des employeurs à l’égard du congé parental.

Passant enfin à la question de la santé des femmes, MmeKaljurand rappelle que, dans ses observations finales sur les premier, deuxième et troisième rapports périodiques combinés, le Comité s’était dit préoccupé par l’aggravation de la prévalence du VIH/sida en Estonie. L’épidémie continue certes à poser des problèmes , mais le Gouvernement est résolu à l’empêcher de se propager et c’est pourquoi il a adopté une nouvelle stratégie nationale de lutte contre le VIH/sida pour la période 2006-2015 et un plan d’action correspondant pour la période 2006-2009. Un organisme consultatif multisectoriel de création récente coordonnera la mise en œuvre de la stratégie, qui consiste en une série de mesures ciblées conçues pour prévenir la propagation de la maladie dans la population en général, et en particulier dans les catégories de population qui y sont exposées comme les prostitués et les toxicomanes qui pratiquent l’injection intraveineuse.

Articles 1 à 6

M. Flinterman, se référant à la nouvelle loi sur l’égalité des sexes, demande s’il en existe une version anglaise, si cette loi décrit la discrimination d’une manière conforme au premier article de la Convention et si cette définition couvre le harcèlement sexuel et la violence contre les femmes. Bien que la Convention prime la législation interne de l’Estonie, elle n’a pas encore été invoquée par les juges en matière judiciaire. C’est pourquoi M. Flinterman voudrait savoir si le Gouvernement a pris des mesures quelconques pour faire connaître la Convention au personnel judiciaire. D’après le rapport, la Commissaire à l’égalité des sexes est tenue de prendre en compte la Convention dans les opinions qu’elle donne sur les cas éventuels de discrimination. Le Comité aimerait être informé d’exemples d’opinions faisant état de la Convention.

L’existence de voies de recours pour violation des droits des femmes est essentielle à l’application efficace des politiques d’égalité des sexes. Bien qu’il soit possible, en vertu de la loi sur l’égalité des sexes, de déposer plainte pour discrimination fondée sur le sexe, le rapport de l’État partie indique que toutes les femmes qui vivent en Estonie n’ont pas pu se prévaloir de cette possibilité. Par ailleurs, personne n’a encore eu recours à la procédure de conciliation établie par le Chancelier de justice. Que fait le Gouvernement pour faire que ces deux voies de recours soient effectivement utilisées? Enfin, M. Flinterman souligne l’importance du Protocole facultatif comme moyen de faire prendre conscience de la Convention par l’ordre judiciaire et il demande si l’État partie envisage de le ratifier.

M me Halperin-Kaddari se dit impressionnée par le cadre juridique et le mécanisme national mis en place pour assurer l’égalité des sexes, mais cela ne fonctionne pas aussi bien que cela devrait faute de personnel compétent. Les documents présentés décrivent les attributions et la tâche de la Commissaire à l’égalité des sexes, mais on ne dit rien sur ce que la Commissaire a fait ni sur l’effectif de son personnel. Le Comité aimerait savoir en particulier ce qu’a été la participation de la Commissaire à l’analyse des lois envisagées dans l’optique de l’égalité des sexes et connaître la date envisagée pour la création du Conseil de l’égalité des sexes. On aimerait aussi en savoir davantage concernant la proposition tendant à charger la Commissaire du contrôle de toutes les formes de discrimination et non pas seulement de celle qui est fondée sur le sexe; ce ne sera pas là nécessairement une évolution positive. Enfin, MmeHalperin-Kaddari demande si la procédure de conciliation volontaire est ouverte uniquement aux femmes ou à toutes les victimes de discrimination et elle demande copie de l’information statistique dont il a été fait état dans l’exposé liminaire.

M me Šimonović dit que le Protocole facultatif a été ratifié par la quasi-totalité des autres membres de l’Union européenne et elle se demande ce qui empêche l’Estonie d’en faire autant. Le Comité aimerait savoir aussi si le Parlement a eu part à l’établissement du rapport et si ses observations finales seront transmises aux fins de suivi aux ministères compétents. Les précédentes observations finales demandaient l’adoption de mesures de prise de conscience de la Convention pour les membres de l’appareil judiciaire, les avocats et les agents de police; a-t-on mis en place des programmes à cette fin? Eu égard aux critiques lancées par quelques ONG concernant le manque d’indépendance de la Commissaire à l’égalité des sexes, MmeSimonovic voudrait savoir quelle est la durée de son mandat et ci cela dépend d’une décision du ministre compétent. Il serait utile aussi de savoir quelle action a été engagée en réponse aux avis émis par la Commissaire et s’il y a eu des cas où réparation a été demandée.

M me Kaljurand (Estonie) dit qu’à tous les niveaux et dans tous les domaines sur lesquels porte la Convention, la situation des femmes, sans être idéale, s’est améliorée en Estonie depuis son dernier rapport périodique et que la tendance devrait se poursuivre.

M me Papp (Estonie) dit que la loi sur l’égalité des sexes contient une définition de l’égalité des sexes qui signifie égalité de droits, de devoirs et de chances entre hommes et femmes dans tous les compartiments de la vie sociale et reprend tous les articles de la Convention. Elle a été rédigée avant que l’Estonie devienne membre de l’Union européenne, dont elle a néanmoins suivi les directives. On envisage d’améliorer la définition juridique du harcèlement sexuel dans les situations de relations de subordination et de dépendance. En ce qui concerne la violence contre les femmes, dont il n’est pas question dans la loi sur l’égalité des sexes, on peut y voir de la discrimination et cela pourrait donner lieu à des poursuites judiciaires en vertu du code pénal et du code de procédure pénale.

M me Kaljurand (Estonie) dit que la non référence à la Convention dans les actions en justice fait partie d’un problème plus large : tous les traités internationaux sur les droits de l’homme que l’Estonie a ratifiés ont force loi devant les tribunaux. Les juges n’ignorent pas l’existence de la Convention, qui fait partie de leur formation, mais ils hésitent encore à invoquer les traités internationaux. La question fait l’objet d’une attention dans le cadre de campagnes de sensibilisation.

M me Hion (Estonie) dit que, depuis l’accession du pays à l’indépendance, beaucoup de textes législatifs ont été rédigés et promulgués, et ce processus est toujours en cours d’amélioration. Chaque fois que l’Estonie ratifie un traité international, de nouvelles dispositions doivent être adoptées pour couvrir toutes les nouvelles obligations contractées de ce fait, en particulier du fait que les juges préfèrent invoquer des lois nationales. Ils reçoivent certes la formation nécessaire, mais la sensibilisation est un processus continu. Il y a eu de bons rapports de coopération entre le Gouvernement et les ONG pour la préparation du rapport, à laquelle certaines ont contribué de manière active, d’autres préférant rédiger leur propre rapport fictif. Les observations finales formulées par le Comité en 2002 ont été traduites et transmises à tous les ministères et services compétents, y compris à la Commissaire de l’égalité des sexes et au Parlement. Il en sera fait de même pour les prochaines observations finales.

M me Kaljurand (Estonie) fait valoir que la Commissaire à l’égalité des sexes est un expert indépendant et impartial qui a son propre budget à l’intérieur du budget du Ministère des affaires sociales.

M me Viik (Estonie) dit que la Commissaire est nommée par le Ministre des affaires sociales pour un mandat de cinq ans, auquel il ne peut être mis fin que pour cause de décès, de démission ou d’incapacité. Au cours de sa première année d’exercice, l’actuelle Commissaire a traité un nombre considérable de plaintes pour discrimination et répondu à des demandes d’éclaircissements sur des points de droit, dont beaucoup lui ont été soumis par des employeurs, y compris par des administrations locales, ce qui fait apparaître un souci louable de respecter la législation en vigueur.

La Commissaire s’est également employée à faire des conférences, à prendre part à des ateliers et, d’une manière générale, à se faire connaître, elle et son bureau, du public en général. Elle a contribué à l’analyse du projet de loi sur la famille et du projet de loi sur l’assurance aux fins d’harmonisation avec la législation de l’Union européenne contre la discrimination dans ce domaine; elle a participé à la discussion sur l’impact de la loi sur l’égalité des sexes, dont le Parlement est actuellement saisi pour examen. Il est prévu une autre loi contre la discrimination, fondée non pas sur le sexe, mais la religion, l’âge et autres variables; sa mise en application sera confiée à la Commissaire car, comme l’Estonie ne compte que 1,3 million d’habitants, une seule institution suffit pour traiter tous les cas de discrimination, pour quelque motif que ce soit. En outre, en vertu de la nouvelle loi, qui devrait être votée d’ici fin 2007, les ressources humaines du bureau de la Commissaire seront suffisamment renforcées.

On n’utilise pas assez la procédure de conciliation volontaire; des campagnes de sensibilisation sont organisées pour inciter les gens à y avoir recours. Quant à la mise en place du Conseil de l’égalité des sexes, on a jugé qu’il était plus important de commencer par la création d’un mécanisme pour le traitement des plaintes; des préoccupations se sont fait jour aussi concernant la composition du Conseil, qui doit inclure non seulement des représentants des organisations intéressées, mais aussi des experts en problématique des sexes, dont il y a pénurie en Estonie. On espère toutefois qu’un dosage approprié pourra être trouvé et que le Conseil sera en place pour le début de l’année 1988.

M me Kaljurand (Estonie) dit que l’Estonie reconnaît l’importance du Protocole facultatif et c’est pourquoi elle l’a fait traduire en 2006. Il fait actuellement l’objet de procédures juridiques internes et sera bientôt soumis au Gouvernement et ensuite au Parlement. On ne peut pas donner de date, mais il faut que le Comité sache que le Gouvernement y songe sérieusement et qu’il devrait pouvoir ratifier le Protocole facultatif dès que possible.

M me Pickhof (Estonie) dit, en réponse à la question concernant l’implication du Parlement dans la condition de la femme, qu’un groupe est traditionnellement constitué au sein du Parlement pour s’occuper des questions qui s’y rapportent. En 2002, il a réalisé une analyse des recommandations du Comité. À l’automne 2007, au début de la nouvelle session parlementaire, il en sera encore créé un.

M me Kaljurand (Estonie) informe le Comité que des copies de la documentation statistique dont elle a fait état dans son exposé liminaire seront mises à sa disposition. Elle souligne qu’on ne pourra pas faire une évaluation complète des travaux de la Commissaire à l’égalité des sexes avant que celle-ci ait présenté son premier rapport.

M me Saiga dit qu’il serait intéressant de savoir si la Commissaire à l’égalité des sexes conseille aux personnes qui ont été victimes de discrimination d’en saisir la justice et si les organismes d’État et autres instances pertinentes sont obligés d’accepter ses avis. Il serait intéressant en outre de savoir si le Chancelier de justice exerce les fonctions de médiateur. Il faudrait en savoir davantage sur la création et la convocation du Conseil de l’égalité des sexes ainsi que sur les programmes et les fonctions consultatives du Département de l’égalité des sexes du Ministère des affaires sociales.

M me Arocha Dominguez dit qu’on ne voit pas toujours très bien comment le Département de l’égalité des sexes peut coordonner des politiques sectorielles parce que ses fonctions paraissent être techniques plutôt qu’administratives. Par ailleurs, il serait intéressant d’en savoir davantage sur le rôle du Département dans la fourniture d’information au Gouvernement et sur son rôle d’exécuteur de la politique au niveau local. Il faudrait des éclaircissements pour savoir pourquoi la mise en place du Conseil de l’égalité des sexes a été retardée. L’État partie devrait expliquer quelles mesures ont été prises pour assurer la viabilité des projets financés par les Nations Unies et l’Union européenne.

M me Tavares da Silva dit qu’il serait intéressant de savoir quelles mesures ont été prises pour faire en sorte que les mécanismes d’égalité des sexes favorisent des changements d’ordre structurel et structurel en ce qui concerne les rôles et les stéréotypes . Il convient de noter que l’article 5 de la Convention demande aux États parties de prendre toutes les mesures appropriées pour modifier les comportements socioculturels. Il faudrait donner des précisions sur le point de savoir s’il est envisagé, en vertu de la loi sur l’égalité des sexes, de prendre des mesures temporaires spéciales pour changer les stéréotypes.

Le Comité aimerait en savoir davantage sur les rapports qui existent entre le Conseil de l’égalité des sexes et le comité interministériel qui a été établi pour promouvoir l’égalité des sexes et savoir si un plan d’ensemble a été établi. En ce qui concerne le contrôle de l’application de la loi sur l’égalité des sexes par la Commissaire à l’égalité des sexes, il faudrait préciser quels sont les effets de cette loi que l’on évalue.

La Présidente, prenant la parole en tant que membre du Comité, dit qu’il serait intéressant de savoir comment on assure cohérence dans la manière dont est définie l’égalité des sexes en l’absence d’un plan national d’action. Par ailleurs, il faudrait un complément d’information sur les mécanismes utilisés pour assurer la responsabilisation des institutions chargées de mettre en oeuvre les projets relatifs à l’égalité des sexes.

M me Kaljurand (Estonie) dit, à propos de la viabilité des projets financés par les Nations Unies et l’Union européenne, que l’État en assume la viabilité à long terme. Bien qu’il n’ait pas été établi de plan national d’action, l’égalité des sexes figure dans diverses stratégies et politiques gouvernementales.

M me Sander (Estonie) dit que la Commission de l’égalité des sexes joue un rôle consultatif et vient en aide aux personnes qui veulent saisir les tribunaux de leur affaire; il leur appartient de décider en la matière. En ce qui concerne le rôle du Chancelier de justice dans le règlement des affaires de discrimination, la procédure de conciliation est applicable aux personnes physiques et morales et ne concerne pas les organismes d’État. La solution proposée par le Chancelier est obligatoire si les deux parties étaient convenues de poursuivre la procédure.

M me Hion (Estonie) dit que le droit estonien prévoit diverses procédures de règlement des différends et que la procédure de conciliation est volontaire; elle exige que les deux parties s’engagent à en accepter l’issue. En ce qui concerne le rôle du Chancelier comme médiateur, elle dit que le Chancelier peut étudier les plaintes et faire des recommandations aux organismes publics. Ceux-ci se sont volontairement conformés à ces propositions.

M me Viik (Estonie) dit qu’en janvier 2004, le Bureau de l’égalité des sexes a été réorganisé et est devenu le Département de l’égalité des sexes. Cinq des membres de son personnel s’occupent de l’égalité des sexes et deux autres s’occupent des politiques de la famille. D’autres sont affectés au Département pour certains projets lorsque la nécessité s’en fait sentir. Le Département joue un rôle consultatif et les ministères le consultent durant la préparation des projets de loi. Il est consulté également par les médias parce qu’il s’est produit un grand changement dans l’appréhension culturelle de l’égalité des sexes et que les médias portent une plus grande attention à ces questions.

M me Kaljurand (Estonie) dit que les mentalités concernant les rôles de l’un et de l’autre sexe sont en train de changer et que le Gouvernement a entrepris de s’attaquer résolument au problème des stéréotypes en la matière.

M me Papp (Estonie) dit que les mentalités concernant les rôles de l’un et de l’autre sexe évoluent rapidement dans un contexte de passage d’une économie socialiste à une économie de marché. Il est important aussi d’entreprendre des projets concernant les nouveaux stéréotypes qui font leur apparition et le Gouvernement a pris l’initiative de prévoir des activités impliquant les organisations non gouvernementales et les syndicats dans l’information du public sur les stéréotypes, ceux qui existent déjà et ceux qui font leur apparition. En ce qui concerne les rapports entre le comité interministériel et le Conseil de l’égalité des sexes, il faut noter que le comité est un groupe de travail qui porte son attention sur des sujets donnés.

Afin d’assurer la viabilité des projets relatifs à l’égalité des sexes, le Gouvernement a défini une stratégie budgétaire jusqu’à 2013 qui comprend des indicateurs pour assurer l’égalité de participation des femmes à la politique et à la vie économique, s’attaquer aux inégalités de salaire, assurer leur indépendance économique, prévenir la violence à leur égard et intégrer, dans toutes les politiques ministérielles, une sensibilité à la problématique des sexes. Une formation aux politiques d’égalité des sexes a été assurée aux autorités locales et des débats sont en cours concernant la ratification éventuelle de la charte européenne de l’égalité des femmes et des hommes dans la vie locale. Aux termes de la charte, les autorités locales seraient tenues d’inclure l’égalité des sexes dans leurs plans d’action et cela garantirait la viabilité des politiques d’égalité des sexes au niveau local.

M me Kaljurand (Estonie) dit que le Ministère de l’éducation a, en mars 2007, adopté une disposition réglementaire qui interdit les stéréotypes fondés sur le sexe, l’origine nationale, la culture, la race et autres préjugés.

M. Flinterman, notant que le rapport mentionne les résultats d’un sondage d’opinion indiquant que la majorité des Estoniens est opposée à l’institution d’un système de quota pour accroître la proportion de femmes au Parlement et dans les conseils des administrations locales, dit que les sondages d’opinion, pour utiles qu’ils soient, ne devraient pas servir d’argument pour se soustraire à l’obligation que la Convention fait aux États parties d’adopter des mesures temporaires spéciales pour vaincre des modes de comportement discriminatoires à l’égard des femmes profondément ancrés dans l’histoire. Le rapport dit aussi que la loi sur l’égalité des sexes prévoit l’application de mesures tendant à accorder des avantages spéciaux au sexe sous représenté et à contribuer à réduire l’inégalité. M. Flinterman se demande s’il y a eu application de ce type de mesures et, sinon, si cela est envisagé. Il voudrait aussi des exemples concrets concernant les mesures temporaires spéciales dont il est fait état dans la réponse à la question 6 de la liste des points et questions établie par le Comité (CEDAW/C/EST/Q/4/Add.1).

M me Kaljurand (Estonie), répondant à l’observation de M. Flinterman sur les sondages d’opinion, dit que les lois et les actions politiques gouvernementales doivent traduire l’évolution de la société dans laquelle elles ont été instituées et c’est pourquoi il est important de présenter les problèmes en public. Les quotas ne sont pas le seul point de divergence d’opinion en Estonie. La prostitution en est un autre.

M me Papp (Estonie) dit qu’il a été débattu des quotas dans diverses enceintes et les Estoniens sont maintenant plus conscients du fait que les quotas envisagés ne sont pas ceux qui ont été appliqués du temps des Soviétiques. La législation ne prévoit certes pas de quotas, mais la représentation des femmes dans les organes décisionnels tant au niveau national qu’au niveau local augmente. Il n’y a actuellement, par exemple, pas de commission parlementaire qui ne compte pas de membres féminins. En ce qui concerne l’adoption de mesures spéciales à l’égard de certains problèmes, un exemple en est l’action engagée pour combattre la violence contre les femmes et pour porter assistance aux victimes. Quant à l’application de mesures pour remédier à l’impact disproportionné que la situation économique actuelle a sur les femmes, des actions sont menées dans le domaine de la politique du travail.

M me Coker-Appiah demande si la révision des livres de classe mentionnée plus tôt par la délégation a commencé. En ce qui concerne la violence domestique, la déclaration liminaire a fait état de l’existence de certains travaux sur la question, mais en indiquant qu’il en fallait davantage. Quand seront-ils entrepris? Au sujet des trois foyers pour victimes de violence domestique, MmeCoker-Appiah aimerait savoir si l’État vient en aide aux ONG qui s’en occupent, spécialement pour leur permettre d’en ouvrir d’autres dans d’autres régions du pays et, sinon, si on envisage de le faire.

Elle se dit réconfortée de voir que, bien que la traite des femmes ait sensiblement diminué, l’Estonie possède toujours un certain nombre de programmes sur la question. Voilà qui montre que le Gouvernement est vraiment résolu à s’attaquer au problème. Toutefois, beaucoup de ces programmes sont actuellement soutenus par des pays membres de l’Union européenne. MmeCoker-Appiah demande si le Gouvernement est prêt à assumer le financement de ces programmes quand l’aide extérieure prendra fin et elle voudrait aussi connaître le nombre de victimes féminines de la traite que l’on a aidées à se réinsérer sans danger dans la société.

M me Šimonović rappelle qu’en 2002 le Comité avait recommandé à l’Estonie d’adopter une loi interdisant la violence domestique contre les femmes, loi prévoyant des ordonnances de protection et d’exclusion ainsi que la possibilité d’aide judiciaire. Le rapport indique que l’Estonie a choisi de ne pas adopter une telle loi, mais que les cas de violence domestique peuvent faire l’objet de poursuites en vertu du code pénal. Toutefois, il n’y a pas de statistiques concernant le nombre d’affaires qui ont fait l’objet de poursuites. MmeŠimonović demande comment l’État partie envisage d’améliorer la collecte de données sur les cas de violence domestique et si l’on connaît le nombre annuel de femmes qui en sont mortes.

Il a été dit dans l’exposé liminaire de la délégation que le Gouvernement prépare, sur la violence domestique, un plan national d’action qui entrera en vigueur en 2008. MmeSimonovic se demande pourquoi il a fallu tant d’années pour rédiger le plan et qui sera chargé d’en coordonner et suivre l’exécution. En outre, le Comité voudrait savoir quels services existent pour les femmes qui vivent dans des foyers pour victimes de violence domestique et si ces services comprennent la possibilité d’une assistance judiciaire gratuite. Enfin, MmeŠimonović aimerait qu’on lui précise ce qu’est la différence entre les ordonnances de contrainte qui peuvent être délivrées en vertu du code de procédure civile et du code de procédure pénale et elle demande quelles procédures existent pour protéger une femme qui refuse de consentir à l’imposition d’une ordonnance de contrainte.

M. Flinterman partage la préoccupation de MmeSimonovic concernant l’absence de dispositions législatives sur la violence contre les femmes et il émet l’idée que l’État partie devrait peut-être reconsidérer la nécessité éventuelle d’adopter ce type de dispositions. En ce qui concerne le projet pilote pour la réinsertion sociale des femmes qui ont été victimes de la traite des personnes aux fins d’exploitation sociale, dont il est fait état dans les réponses à la liste des points et questions soulevés par le Comité dans sa liste, il demande si l’assistance prévue par ce projet prend la place de celle que prévoit la loi sur l’aide aux victimes ou si elle lui est complémentaire. Il voudrait aussi savoir combien de victimes de la traite ont demandé à recevoir l’assistance prévue par cette loi et ce qu’obtiennent en général les victimes en fait de réparation.

M me Hion (Estonie) dit que la révision des manuels scolaires visant à éliminer les stéréotypes relatifs aux deux sexes a en fait commencé. En ce qui concerne la question de la poursuite du financement des programmes de lutte contre la traite des personnes et d’aide aux victimes, le budget du plan national d’action contre la traite des êtres humains prévoit des crédits pour ces activités. L’État est également prêt à assumer la responsabilité financière pour les foyers qui accueillent des victimes de la traite et de la violence domestique.

M me Kaljurand (Estonie) ajoute que le Ministère des affaires sociales recevra des fonds pour ces foyers. Il est vrai que la traite des femmes n’est pas un gros problème en Estonie, mais l’Estonie n’en est pas moins un pays d’origine, de transit et de destination pour la traite et le Gouvernement considère qu’il est très important de coopérer avec les pays nordiques et avec ses voisins de l’Est dans la lutte contre ce problème.

M me Viik (Estonie), répondant à la question concernant les travaux d’étude sur la violence domestique, dit qu’une étude qualitative sur les auteurs de violence a été réalisée il y a quelque temps en 2007 et que les résultats pourront en être connus pour la fin de l’année. Le but de l’étude était de comprendre pourquoi certaines personnes ont un comportement violent et de définir l’action que l’on pourrait prendre pour rompre le cycle de la violence. Par ailleurs, il y aura des questions sur la violence domestique dans l’enquête nationale sur les victimes d’actes délictueux que réalise périodiquement l’office national de la statistique, ce pour quoi la formation du personnel statistique est en cours. Une enquête pilote aura lieu en 2008 et l’enquête proprement dite aura lieu peu après.

Comme l’enquête sur les victimes est une enquête périodique, on devrait ainsi pouvoir accroître la disponibilité de données fiables sur la violence domestique. Le projet de plan national d’action sur la violence domestique prévoit aussi des travaux de recherche, notamment une étude sur le coût de la violence domestique. Le plan national d’action pourvoit aussi à la nécessité d’améliorer la collecte des données sur la violence domestique. C’est ainsi qu’il préconise l’adoption de la méthode utilisée par l’une des quatre administrations de la police d’Estonie pour recueillir des données et instruire les affaires. Les données de police indiquent qu’environ 40 femmes sont tuées chaque année et que la moitié des meurtres est liée à la violence domestique.

L’État vient en aide aux ONG qui s’occupent des foyers pour victimes de violence domestique. Tel est le cas actuellement pour le foyer de Tallinn et, à partir de 2008, le plan d’action sur la violence domestique prévoit d’en faire autant pour tous les foyers. L’idée est de faire venir cette aide en partie des administrations locales et en partie du Gouvernement. Il faut toutefois sensibiliser le personnel des administrations locales au fait qu’il est important d’aider les victimes de violence domestique et de réunir des fonds pour pouvoir le faire.

On compte, à ce jour, trois femmes qui ont demandé l’aide des foyers pour victimes de la traite. C’est peu, en partie parce que c’est tout récemment seulement que se sont ouverts des foyers pour victimes de la traite (un fin 2006 et deux en 2007). Ces foyers sont aussi foyers pour victimes de violence domestique, mais les victimes de la traite sont logées séparément. Quant à la question de savoir pourquoi l’établissement du plan d’action contre la traite a pris plus de temps que prévu, la raison en est en partie que l’on s’est efforcé d’y faire intervenir un grand nombre de parties prenantes. L’achèvement du plan est prévu pour très bientôt. Le Ministère des affaires sociales sera chargé d’en coordonner et suivre la mise en place.

M me Kaljurand (Estonie), répondant à la question sur l’assistance aux victimes de la traite, indique que l’Estonie participe au projet de l’Union européenne EQUAL relatif à l’intégration dans le marché du travail des femmes impliquées dans la prostitution, projet dans le cadre duquel des centres de réinsertion ont été créés à l’intention aussi bien des femmes impliquées dans la prostitution que de celles qui ont été victimes de la traite. Ces centres proposent gratuitement une assistance et des conseils, y compris, au besoin, un rétablissement physique, ainsi que des services de santé mentale. Le but est d’aider ces femmes à trouver un emploi et d’assurer leur réintégration sociale. En ce qui concerne le montant de l’indemnité que prévoit la loi sur l’assistance aux victimes, le maximum en est 50 000 couronnes estoniennes (environ 4 400 dollars), mais le montant varie évidemment dans chaque cas selon les circonstances.

M me Sander (Estonie), répondant à la question sur les ordonnances de contrainte, explique qu’en vertu du code de procédure pénale, le ministère public peut demander à un tribunal de prendre une ordonnance de contrainte pour protéger la vie ou sauvegarder les autres droits d’une victime. En vertu du code de procédure civile, on ne peut demander une ordonnance de contrainte qu’après qu’un délinquant a été reconnu coupable.

La séance est levée à 13 heures.