Vingt-cinquième session

Compte rendu analytique de la 513e séance

Tenue au Siège, à New York, le vendredi 6 juillet 2001, à 15 heures

Présidente :Mme Abaka

puis :Mme Acar (Vice-Présidente)

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties en vertu de l’article 18 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (suite)

Deuxième et troisième rapports périodiques des Pays-Bas (suite)

La séance est ouverte à 15 h 5.

Examen des rapports présentés par les États partiesen vertu de l’article 18 de la Conventionsur l’élimination de toutes les formesde discrimination à l’égard des femmes (suite)

Deuxième et troisième rapports périodiquesdes Pays-Bas (CEDAW/C/NET/2 et Add.1 et 2; CEDAW/C/NET/3 et Add.1 et 2; CEDAW/PSWG/2001/II/CRP.1/Add. 2 et CRP.2/Add.2)

À l’invitation de la Présidente, les membres de la délégation des Pays-Bas prennent place à la table du Comité.

M me  Verstand-Bogaert (Pays-Bas), déclare qu’elle est en mesure, en attendant un complément d’information, de donner deux exemples de la mise en œuvre des recommandations de l’étude de l’Université de Nimègue. La grossesse désormais n’est plus considérée comme une maladie et les femmes ne doivent plus attendre les 12 mois habituellement exigés par la loi sur l’invalidité pour bénéficier des prestations. En ce qui concerne le système fiscal aux Pays-Bas, elle confirme qu’il s’agit d’un système personnalisé. Elle confirme également que la pénurie de crèches exerce une incidence directe sur le nombre de femmes qui travaillent et le Gouvernement s’efforce de multiplier le nombre de garderies d’enfants. En ce qui concerne la législation sur les noms de famille, elle souligne que la nouvelle loi constitue un progrès par rapport à la situation antérieure. Aujourd’hui, lorsque le père reconnaît sa paternité, la mère peut insister pour que le nom de l’enfant soit débattu et décidé par les deux parents, bien qu’en pratique ce soit encore le plus souvent le désir exprimé par le père qui prévaut. La nouvelle loi a aussi pour effet d’encourager le père à reconnaître l’enfant et à en officialiser la relation, conformément aux objectifs de la politique d’émancipation. Pour ce qui est de la position des petites organisations non gouvernementales (ONG), elle relève que ces dernières bénéficient de subsides gouvernementaux de trois façons. Quelques ONG reçoivent un financement important du Gouvernement pendant quelques années. En outre, le Gouvernement choisit trois thèmes chaque année et les ONG peuvent introduire une demande de financement pour l’un ou l’autre de ces thèmes. Enfin, le Gouvernement octroie annuellement une assistance à de nombreuses petites initiatives lancées par des ONG.

M. Melander aimerait savoir, à propos des plaintes introduites devant la Commission pour l’égalité de traitement entre les sexes, si une personne peut saisir la justice pour obtenir une décision juridiquement contraignante, si elle ne s’estime pas satisfaite par l’avis non contraignant de la Commission. Il demande également si les femmes victimes de la traite, qui sont le plus souvent originaires des pays de l’Europe de l’Est, peuvent demander asile aux Pays-Bas en invoquant la crainte d’être persécutées pour des motifs fondés sur le sexe dans leur pays d’origine. Les ONG sont-elles en mesure d’intervenir dans les décisions d’expulsion en vue d’assurer que ces femmes, en cas d’expulsion, ne retombent pas aux mains des trafiquants d’êtres humains?

M me  Gabr exprime le vœu que les Pays-Bas, en tant que métropole, joueront un rôle actif dans la consolidation des droits des femmes dans les deux territoires d’outre-mer. Elle demande ce que fait le Gouvernement à propos d’un parti politique aux Pays-Bas qui exclut les femmes. Elle se déclare préoccupée par le faible pourcentage de femmes aux postes diplomatiques de haut rang ainsi que dans l’appareil judiciaire. Elle escompte que le Gouvernement redoublera d’efforts pour combattre les attitudes xénophobes au sein du pays à l’égard des femmes migrantes ainsi que des femmes requérantes d’asile en particulier, et qu’il veillera à appliquer pleinement les instruments pertinents des droits de l’homme, notamment la Convention internationale sur la protection des travailleurs migrants et des membres de leur famille.

M me  Hazelle, notant l’absence de membres des territoires d’outre-mer dans la délégation néerlandaise, formule le vœu que le Gouvernement de la métropole, dans le cadre de ses responsabilités pour les relations extérieures de ces territoires, redoublera d’efforts pour y assurer la pleine application des droits de l’homme. Il est très préoccupant de constater l’importante réduction du personnel chargé de veiller à la protection des droits des femmes dans les territoires d’outre-mer.

Elle appelle l’attention sur le fait que l’augmentation du nombre de femmes sur le marché de l’emploi n’entraîne pas automatiquement leur indépendance financière et politique. Les écarts de salaires persistent, et déclarer qu’ils sont imputables à des niveaux d’instruction moins élevés et à moins d’expérience démontre simplement l’inégalité des conditions de départ. En outre, la capacité de gagner davantage ne signifie pas nécessairement la possibilité de dépenser davantage : les pratiques culturelles traditionnelles, la dépendance affective, la piètre estime de soi, les croyances et les pratiques religieuses ainsi que les pressions familiales, notamment la crainte pour ses enfants, inhibent la liberté des femmes à dépenser pour elles-mêmes l’argent qu’elles ont gagné. Les femmes peuvent être maltraitées, même lorsqu’elles travaillent, même lorsqu’elles sont éduquées, et même si elles font partie de la classe moyenne ou de la bourgeoisie. Tant que l’un des deux sexes continue de se sentir supérieur, il continuera de recourir à la violence pour imposer ses sentiments. Davantage d’éducation et de formation sont indispensables pour assurer le plein respect de la loi, pour changer les modèles de socialisation, pour conseiller les victimes et aider ceux qui ont perpétré ces actes à se réhabiliter.

M me  Ferrer Gómez relève également de son côté l’absence de membres des territoires d’outre-mer au sein de la délégation néerlandaise. Elle se déclare préoccupée par les signes de discrimination notamment sur le marché du travail à l’égard des femmes appartenant à des minorités nationales, et plus spécialement à l’égard des femmes immigrées. Elle demande quelles sont les mesures prises pour lutter contre l’inquiétante tendance d’une augmentation du racisme et de la xénophobie aux Pays-Bas. De quelle manière le Gouvernement combat-il les organisations qui font l’apologie du racisme et de la xénophobie et qui y incitent? Suite aux politiques d’ajustement structurel, les femmes les plus pauvres, tout particulièrement dans les territoires autonomes, ont vu leurs possibilités se réduire au fur et à mesure de la diminution du budget de l’assistance sociale. À quel point ces groupes vulnérables bénéficient-ils de cette dernière, notamment en matière de santé et d’éducation? Et quelles sont les mesures prises par le Gouvernement face à la crise économique qui menace la situation des femmes dans les Antilles néerlandaises?

Elle se déclare alarmée par la position adoptée par le Gouvernement des Pays-Bas et par son peuple de tolérer les maisons closes. Les prostituées, qui sont souvent des femmes immigrées, se trouvent dans une situation dramatique et ont besoin d’aide. L’indifférence à l’égard de la prostitution est un signe de discrimination et de violences à l’encontre des femmes. Elle est également préoccupée par la diminution du personnel officiellement chargé de la protection des femmes dans les territoires d’outre-mer, ce qui rend leur tâche encore plus difficile. Les employées de maison dans les territoires d’outre-mer, souvent des étrangères, ne jouissent d’aucune protection de leurs droits : elles sont d’habitude contraintes de travailler durant cinq ans avant d’être autorisées à changer d’emploi. Notant que le rapport fait référence à un comité qui a pour mandat de conseiller le Gouvernement en matière de politiques de population et d’égalité des sexes, elle aimerait connaître l’articulation entre ce comité et le mécanisme institutionnel d’émancipation des femmes.

M me  Verstand-Bogaert, en réponse à la question posée sur les possibilités de saisir le tribunal dans des cas de discrimination en vue d’obtenir un jugement contraignant, dit que chaque personne y est habilitée.

M me  Karreman (Pays-Bas) explique que les Pays-Bas disposent de procédures donnant asile aux femmes persécutées en raison de leur sexe ainsi qu’aux victimes de la traite. Ces dernières peuvent obtenir un permis de séjour temporaire durant la durée de l’enquête ouverte suite à leur plainte. Durant cette période, elles bénéficient d’un soutien psychologique ainsi que de services médicaux et de l’assistance juridique. En ce qui concerne les femmes requérantes d’asile, des instructions sexospécifiques ont été formulées quant à la procédure, invitant ceux qui prennent des décisions en matière d’asile de tenir dûment compte du contexte social du pays d’origine. Les pays diffèrent dans leurs définitions de ce qui ressort du domaine privé et de ce qui ressort du domaine public, de ce qui constitue une activité politique, du degré de violence acceptable de la part des autorités locales dans l’exercice de leurs fonctions, de la mesure dans laquelle les femmes sont confinées dans certains rôles généralement subordonnés, et de la mesure dans laquelle les autorités locales favorisent leur enfermement dans ces rôles sans intervenir pour protéger leurs droits. Prenant l’ensemble de ces facteurs en compte, les autorités néerlandaises déterminent si une requérante d’asile a des motifs valables de craindre d’être persécutée selon les critères énoncés dans la Convention relative au statut des réfugiés. Le problème continue d’être approfondi par un groupe de recherche dont le rapport devrait être déposé en novembre prochain.

M me  Verstand-Bogaert (Pays-Bas) dit qu’en ce qui concerne le parti politique qui exclut les femmes, la Commission pour l’égalité de traitement étudie à l’heure actuelle le cas d’une femme dont la candidature a été refusée. Le Gouvernement s’attend à ce que cette affaire finisse par être soumise aux tribunaux pour obtenir une décision contraignante. Pour ce qui est du nombre de femmes dans le système judiciaire et dans les postes diplomatiques de rang supérieur, les chiffres sont faibles, en particulier dans le deuxième cas. Des objectifs chiffrés ont été fixés dans ces deux secteurs dans la politique d’émancipation la plus récente. Quant à la question soulevée relative à l’emploi et la violence intrafamiliale, elle répond que si l’emploi et l’indépendance économique ne sont pas des garants de l’élimination totale de la violence conjugale, ils doivent être perçus en tant que mesures de pointe pour réaliser cet objectif. Toutes les ONG intéressées ont participé aux efforts entrepris pour tenter d’éliminer la violence sexuelle et la violence conjugale.

M. van den Berg (Pays-Bas) souligne qu’en vertu des traités en vigueur actuellement, les Pays-Bas, les Antilles néerlandaises et Aruba partagent le même chef d’État et ont des politiques communes dans les domaines de la défense et des affaires étrangères tandis que chacun est entièrement autonome pour les affaires intérieures. S’agissant de l’assistance fournie aux territoires d’outre-mer, la situation est toute différente. Les Pays-Bas fournissent une certaine assistance aux Antilles néerlandaises, principalement destinée au maintien de gardes-côtes. Aruba est plus prospère grâce au tourisme et, de ce fait, reçoit une moindre assistance. Pour ce qui est de l’application des différents instruments internationaux des droits de l’homme dans les territoires autonomes, le Gouvernement de la métropole n’a pas autorité pour imposer des politiques, mais il fournit une assistance et des avis consultatifs. D’autres questions relatives à la situation des territoires autonomes seront transmises aux autorités concernées d’Aruba et des Antilles néerlandaises.

M me  Verstand-Bogaert (Pays-Bas) dit que le Gouvernement accorde une attention spéciale à la question des groupes ethniques minoritaires. Il a demandé un rapport sur la situation de ces derniers afin notamment de favoriser leur insertion sur le marché de l’emploi, de réduire la violence et d’améliorer les soins de santé. Ce rapport a recommandé d’améliorer l’information et l’analyse à propos de ces groupes. Le Gouvernement a constitué à cette fin une commission composée de membres de ces minorités et d’ONG. En outre, un ministère chargé des politiques d’immigration et des minorités a été créé. Celui-ci coopère avec son bureau et consacre une attention toute particulière à la condition des femmes. Lorsque son ministère élabore un programme de lutte contre la violence sexuelle et la violence conjugale, le Ministère chargé des minorités ethniques en est saisi à son tour.

Bien que les Pays-Bas n’envisagent pas d’accéder à la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, les travailleurs migrants jouissent néanmoins de droits de la législation nationale et de la protection de la législation internationale dans le cadre de l’Union européenne, du Conseil de l’Europe et des Nations Unies. Les Pays-Bas ont signé le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants ainsi que le Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés et entend les ratifier tous deux.

M me  Ling (Pays-Bas) dit que le public aux Pays-Bas est divisé sur la question de la prostitution et sur la façon dont le Gouvernement doit l’aborder. Il existe deux points de vue divergents : selon le premier, la prostitution constitue un affront à la dignité humaine et par conséquent est inacceptable; selon le second, le sexe contre de l’argent entre deux adultes consentants n’a rien à voir avec la dignité personnelle et constitue un service professionnel parfaitement acceptable. Ces deux points de vue ont fait l’objet de débats au Parlement. Le Gouvernement a promulgué une nouvelle législation pour prévenir l’exploitation des prostituées, en partant du principe que la prostitution et les maisons closes constituent un fait inévitable de la vie en société et que de les ériger en délit est inefficace, à la fois pour empêcher la prostitution et la criminalité qui y est associée. En autorisant la prostitution, le Gouvernement a la possibilité de rendre ce secteur sûr, transparent et sans crime. Simultanément, il adopte une position très ferme contre des pratiques inacceptables telles que la contrainte à la prostitution ou l’organisation de la prostitution de mineurs. L’objectif de cette nouvelle législation est de contrôler et de réglementer le secteur de la prostitution en y introduisant un système d’autorisation obligatoire, en luttant contre la prostitution forcée, en protégeant les mineurs ainsi qu’en améliorant les conditions de travail des prostituées et en cassant le lien entre prostitution et criminalité tout en réduisant le nombre de prostituées étrangères en situation illégale. Le but de cette politique est de prévenir la violence sexuelle et les sévices, et non point de protéger la moralité publique.

M me  Acar, Vice-Présidente, assume la présidence.

M me  Manalo, faisant remarquer que les pays européens deviennent des pays de destination, demande si le Gouvernement envisage des contacts avec les pays d’origine. La traite des femmes constitue, après tout, un crime transnational qui exige une réponse transnationale. Plus précisément, elle aimerait connaître les mesures prises par les Pays-Bas pour assurer que les femmes renvoyées dans leur pays d’origine ne retombent pas entre les mains des trafiquants. Il serait également intéressant de savoir si les Pays-Bas sont signataires du Protocole contre le trafic illicite des migrants par terre, mer et air, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et les mesures prises par le Gouvernement pour protéger les femmes immigrantes clandestines.

Vu que les Pays-Bas ont fait des progrès plus importants dans l’application de l’égalité des sexes que dans les Antilles néerlandaises et Aruba, elle aimerait savoir si le Gouvernement a lancé des programmes pour renforcer les capacités de ces pays en vue de leur permettre d’appliquer la Convention. En se référant à l’article 6 ainsi qu’à la recommandation générale No 19 du Comité, elle déclare que le système des jeunes filles au pair, conçu à l’origine pour des échanges intra-européens, est devenu un moyen de faire venir en Europe des jeunes filles d’autres régions du monde pour contourner les lois sur l’immigration. Les jeunes filles au pair ne bénéficient pas de la sécurité sociale de soins de santé ni de la réglementation sur les heures de travail et de loisirs, sur les relations interpersonnelles ou sur la rémunération. Elle demande si les Pays-Bas envisagent l’interdiction des travaux ménagers échappant à la protection de la loi et s’ils envisagent de porter cette question devant l’Union européenne.

M me  Shin, rappelant que l’article 6 dispose que l’État partie doit prendre toutes les mesures pour supprimer, sous toutes leurs formes, la traite des femmes et l’exploitation de la prostitution des femmes, demande comment les Pays-Bas définissent l’exploitation de la prostitution des femmes. Existe-t-il d’autres interdictions que l’usage de la force et la participation des mineurs? Elle aimerait également savoir quelles normes de travail sont applicables, si la réglementation sur l’âge minimal est prise en considération et quelles sont les conditions requises pour qu’il y ait exploitation. Il serait également utile de savoir combien de maisons closes ont été enregistrées depuis la promulgation de la nouvelle législation, le nombre de prostituées employées, s’il a été fait usage de contrats de travail et si les maisons closes sont soumises à l’impôt. Quelles sont les mesures prises pour veiller à ce que les maisons closes respectent les conditions de travail appropriées ainsi que les normes pertinentes?

Elle se demande si les Pays-Bas ont envisagé la possibilité que deux catégories de prostitution se développent à l’avenir, la prostitution organisée et la prostitution clandestine, vu que la prostitution a toujours comporté un élément clandestin. Le rapport indique que l’application de la nouvelle législation fera l’objet d’un examen tous les deux ans. Elle aimerait avoir des détails sur les résultats de l’évaluation menée au bout d’un an.

M me  Livingstone Raday rend hommage aux Pays-Bas pour leur politique d’émancipation et le projet de cycles de vie qui offre un grand potentiel pour améliorer le partage des droits et des responsabilités au sein de la famille. De façon surprenante, ce pays souffre de problèmes sociaux graves et est doté de normes sociales et légales ambivalentes. Le chiffre de la main-d’œuvre féminine qui est approximativement de 50 %, comprend des femmes qui ne travaillent que 12 heures par semaine, est particulièrement bas. Elle se demande si les normes existantes, telle que la courte journée scolaire, les deux jours de congé payé pour obligations familiales et la réduction d’impôt pour le compagnon ou la compagne (qui n’incite pas les femmes mariées à travailler) ne contribuent pas au faible pourcentage de femmes sur le marché du travail et si le financement tripartite des soins aux enfants (tel que le congé pour obligations familiales) ne décourage pas les employeurs à recruter des femmes avec enfants et des femmes en âge de procréer. À cet égard il serait intéressant de savoir si les soins à charge sont payés directement par l’employeur à l’employée ou s’ils s’inscrivent dans un cadre plus large.

Elle souhaiterait davantage de détails sur l’impact des politiques visant à prévenir la violence à l’encontre des femmes, notamment le nombre de cas de viols déclarés et de violence conjugale, le nombre de condamnations pour chacun de ces crimes et la nature des sanctions infligées. Elle aimerait également savoir si l’octroi d’un permis de séjour temporaire aux victimes reconnues de la traite qui se déclarent prêtes à témoigner, est obligatoire ainsi que le nombre de femmes qui ont reçu un permis de séjour après avoir témoigné devant les tribunaux. En outre, elle aimerait connaître la politique des Antilles néerlandaises et d’Aruba à l’égard de la traite des femmes, et si ces pays sont des pays d’origine, de transit ou de destination et la manière dont ils luttent contre la violence à l’encontre des femmes. L’État partie devrait fournir des données chiffrées sur l’incidence de la violence à l’encontre des femmes dans les Antilles néerlandaises et à Aruba.

M me  Aouij se félicite de la création par les Pays-Bas d’un rapporteur national sur la traite des êtres humains tout en encourageant d’autres pays européens à faire de même. Elle demande si le Rapporteur a déjà préparé un rapport et l’instance à laquelle ce rapport devrait être soumis. Les Pays-Bas sont à l’origine de deux importantes résolutions à la Troisième Commission de l’Assemblée générale, l’une réclamant l’abolition de la pratique des mutilations génitales des filles, l’autre dénonçant les « crimes d’honneur ». Elle aimerait savoir si l’on sait si l’une ou l’autre pratique existe aux Pays-Bas. Elle note que la Cour pénale internationale, sise à La Haye, a statué que le viol et l’esclavage sexuel sont des crimes contre l’humanité.

En dernier lieu, elle demande si les Pays-Bas offrent une coopération internationale aux pays pauvres, notamment africains, avec des objectifs tels que l’appui aux femmes, l’atténuation de la pauvreté et la lutte contre le sida.

M me  Verstand-Bogaert (Pays-Bas) dit que les jeunes filles au pair ainsi que d’autres personnels de maison jouissent d’une bonne protection aux Pays-Bas. Les heures de travail, les soins de santé et les frais de déplacement figurent parmi les conditions réglementées dans le cadre de la politique gouvernementale. En outre, les activités de promotion des échanges culturels, notamment l’apprentissage des langues, sont vivement encouragées.

La nomination d’un rapporteur national s’inscrit dans le cadre d’une initiative du Ministre pour la coordination de la politique d’émancipation pour lutter contre la traite des femmes et des enfants. On espère qu’une coopération plus étroite pourra être obtenue grâce à la nomination de rapporteurs nationaux dans d’autres États membres de l’Union, peut-être même d’un rapporteur européen auprès de la Commission. Les activités du Rapporteur national ont contribué à identifier des réseaux et des filières de traite et ont considérablement amélioré les échanges d’informations et la coordination entre les différentes instances chargées du respect de la loi en Europe ainsi qu’avec les pays d’origine des victimes.

M. Peters (Pays-Bas) déclare que les questions concernant les Antilles néerlandaises et Aruba seront transmises à leurs gouvernements respectifs et les réponses écrites seront communiquées au Comité en temps voulu. Il informe le Comité que les Pays-Bas ont signé la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée ainsi que ses deux protocoles et qu’il est dans l’intention du Gouvernement de ratifier ces trois instruments.

M me  Verstand-Bogaert (Pays-Bas) fournit des statistiques détaillées fondées sur les rapports relatifs aux crimes avec violence commis à l’encontre des femmes en 1998 et en 1999 tout en signalant que leur prévalence est supérieure à ce qu’indiquent les statistiques.

M me  Karreman (Pays-Bas), en réponse à une question sur la protection des victimes de la traite, déclare que des permis de résidence sont octroyés à de telles victimes pour raisons humanitaires. Les statistiques spécifiques sur le nombre de permis de séjour temporaires seront présentées au Comité à une date ultérieure. Afin de prévenir l’exploitation des travailleuses, les autorités accordent des permis de séjour temporaire qui ne peuvent pas être prolongés.

M me  González souligne les aspects positifs de la stratégie gouvernementale pour mettre en œuvre l’article 12 dans le domaine des soins de santé et des services sociaux et demande si la délégation peut donner davantage d’informations sur le champ d’application de la recommandation générale No 24 ainsi que des précisions sur l’origine ethnique des bénéficiaires des soins médicaux.

Le Comité a accordé au cours de ces dernières années une attention toute spéciale à l’impact et à la propagation du VIH/sida, à la protection des femmes contre la discrimination ainsi qu’à la nécessité pour les États parties d’examiner la question de la toxicomanie. Tenant compte de la situation législative unique des Pays-Bas au regard de la dépénalisation des drogues, il serait utile d’obtenir davantage d’informations sur l’impact de cette mesure sur l’usage des drogues et la dépendance, en particulier auprès des très jeunes filles. Elle déclare que le Comité est également intéressé de savoir si le Gouvernement des Pays-Bas fournit aux territoires d’outre-mer une assistance spéciale et des conseils pour lutter contre le VIH/sida et la toxicomanie.

M me  Feng Cui aimerait savoir quel pourcentage de femmes immigrées se livrent à la prostitution et si elles sont vendues pour être prostituées? Quel est le rôle du Gouvernement central dans la réglementation de la prostitution? La nouvelle législation sur les maisons closes a-t-elle contribué au développement de la prostitution?

M me  Kwaku félicite la délégation des Pays-Bas pour son rapport tout en exprimant sa grande préoccupation à l’égard de la situation dans les Antilles néerlandaises et à Aruba. Notant que la Secrétaire d’État aux affaires sociales et à l’emploi a indiqué que des organisations non gouvernementales bénéficient d’un financement pour contribuer à mieux faire connaître la Convention, elle demande si des organisations non gouvernementales dans les Antilles et à Aruba ont également bénéficié de ce financement. La délégation des Pays-Bas devrait clarifier la déclaration selon laquelle les filles immigrées suivent parfois des filières relativement inefficaces pour progresser dans le système éducatif.

M me  Verstand-Bogaert (Pays-Bas), en réponse à la question posée par le Comité, dit que les jeunes filles immigrées ne suivent pas la voie la plus directe pour accéder à l’enseignement professionnel supérieur. Elles fréquentent habituellement une école de formation professionnelle du niveau inférieur, puis passent en général à une école technique pour ensuite accéder à l’enseignement professionnel supérieur. Bien qu’elle ne dispose pas de chiffres précis sur le pourcentage de prostituées parmi les femmes immigrées, elle est certaine que l’un des résultats de l’autorisation de réouverture des maisons closes est que le Gouvernement possède des données plus précises sur le nombre de prostituées, notamment sur le pourcentage d’immigrées. Le Gouvernement a transféré aux municipalités l’autorité sur la prostitution, mais il reste responsable de l’inspection du travail, du paiement des impôts ainsi que de l’évaluation de la situation. La période de deux ans fixée par la loi entre chaque évaluation n’est pas trop longue pour donner une image complète de la situation. Le Gouvernement est extrêmement préoccupé par les crimes d’honneur.

Le Rapporteur national sur la traite des êtres humains fera en premier lieu rapport au Conseil des ministres, en particulier au Ministre de la justice qui transmettra ensuite le rapport au Parlement qui est très intéressé par les résultats de la recherche menée par le Rapporteur. Pour ce qui est du rôle des partis politiques, une formation leur est offerte par le biais du Ministère de l’intérieur en vue de les sensibiliser aux questions d’égalité entre les sexes et à encourager la participation des femmes. Quant aux médias, elle note qu’un plan pluriannuel a été élaboré pour renforcer la sensibilisation des journalistes aux questions d’égalité entre les sexes et favoriser la participation des femmes dans les programmes de télévision par le biais de subsides gouvernementaux. Grâce à ce programme, on trouve maintenant à la télévision des journalistes féminines spécialisées qui font des reportages sur le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie.

Son optimisme concernant la réalisation des objectifs nationaux à l’égard de l’égalité entre les sexes se fonde sur l’évolution de la situation des femmes au cours de ces trois dernières années. La politique du Gouvernement visant à accroître la participation des femmes dans la main-d’œuvre a comporté des investissements dans les crèches ainsi qu’une loi sur le travail et les obligations familiales qui donne tant aux hommes qu’aux femmes la possibilité de prendre soin d’autres personnes, notamment les enfants. Cette loi comporte un droit non transmissible de congé parental d’une durée de trois mois pour les pères à la naissance de leurs enfants. Plusieurs années seront sans doute nécessaires pour réaliser tous ces objectifs. La politique du Gouvernement repose sur le partage des responsabilités entre employeurs et employés qui sont invités à trouver un accord. En ce qui concerne l’émancipation des lesbiennes et des homosexuels, le Parlement vient d’adopter la semaine passée un programme pluriannuel permettant le mariage de deux personnes du même sexe.

M me  Tiems (Pays-Bas) dit que la politique concernant les soins de santé en faveur des femmes est renouvelée afin d’élaborer notamment une stratégie nationale sanitaire axée sur l’égalité dans une perspective multiculturelle. En 1999, la dimension sexospécifique a été établie dans le programme de santé en se fondant sur les recommandations du rapport final du Comité consultatif sur la santé des femmes. Par la suite, au mois de mars de cette année, le Ministre de la santé a créé un comité d’experts sur l’égalité des sexes et les groupes ethniques en vue d’élaborer un programme d’action visant à intégrer les femmes dans la politique nationale de santé. Toutefois, les conclusions d’un projet pilote ont indiqué que des directives sur la mise en œuvre d’une perspective sexospécifique et ethnique dans la politique de santé s’avéraient indispensables. Par conséquent, un comité d’experts aidera à élaborer une méthodologie d’évaluation d’impact dans le domaine de la santé dans une perspective multiculturelle qui pourra être utilisée pour la formation des fonctionnaires. Quant à la dépendance à l’égard des drogues, elle explique que de nombreuses femmes deviennent dépendantes de psychotropes prescrits par leur médecin pour le traitement de la dépression. Elle assure le Comité que les statistiques sur l’usage des psychotropes et des drogues figureront dans le prochain rapport. La dépendance à l’égard du tabac et de l’alcool constituent également une grave préoccupation pour le Gouvernement.

M me  Verstand-Bogaert (Pays-Bas) remercie le Comité pour ses commentaires en disant que le Gouvernement n’a ménagé aucun effort pour appliquer les recommandations du Comité. S’il n’a pas été possible d’aboutir à un accord sur tous les points, ce dialogue constructif s’est avéré important.

La Présidente exprime ses remerciements à la délégation néerlandaise pour ses efforts sincères de répondre à toutes les questions posées par le Comité. Elle espère que dans le prochain rapport des Pays-Bas, des données seront incorporées à propos des questions soulevées par le Comité, en particulier en ce qui concerne les minorités, la violence sexuelle et la prostitution. En outre, le Comité aurait aimé la présence de membres des Antilles néerlandaises et d’Aruba dans la délégation néerlandaise. Finalement, elle espère que les Pays-Bas ratifieront le Protocole facultatif d’ici un an.

La séance est levée à 17 h 15.