Trente-deuxième session

Compte rendu analytique de la 674e séance

Tenue au Siège, à New York, le mardi 18 janvier 2005, à 15 heures

Président :Mme Manalo

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties au titre de l’article 18 de la Convention (suite)

Deuxième et troisième rapports périodiques combinés de la Croatie

La séance est ouverte à 15 h 5.

Examen des rapports présentés par les États parties au titre de l’article 18 de la Convention (suite)

Deuxième et troisième rapports périodiques combinés de la Croatie (CEDAW/C/CRO/2-3; CEDAW/PSWG/2005/I/CRP.1/Add.2, CEDAW/PSWG/2005/I/CRP.2/Add.1)

À l’invitation de la Présidente, les membres de la délégation de la Croatie prennent place à la table du Comité.

Articles 10-14

M me Shin demande si les études relatives à la condition de la femme sont enseignées dans les universités de Croatie et si les programmes de formation des enseignants intègrent une sensibilisation aux questions d’égalité entre les sexes et une analyse du lien entre la sexualité et la violence exercée contre les femmes. Elle demande également si la participation des enseignants à des séminaires organisés, entre autres, par le ministère de l’éducation est un critère de promotion.

M me Gaspard constate que dans son propre pays, il y a eu une forte résistance à l’idée de cours sur le féminisme et la condition de la femme de la part des professeurs d’université des deux sexes et qu’il a fallu créer des postes spéciaux pour enseigner cette matière. Les statistiques fournies au Comité n’indiquent pas si la Croatie a également été obligée d’emprunter cette voie. Il est important de disposer d’un corps d’enseignants, hommes et femmes, formés et sensibilisés à l’importance des études sur la problématique hommes-femmes, tant au niveau national que local.

M. Flinterman fait observer que les statistiques mentionnées dans le rapport ne sont pas ventilées par groupes ethniques mais que le Comité a reçu des informations faisant état, à propos de la communauté rom, de taux élevés d’abandon scolaire chez les filles, dès l’école primaire, de taux élevés d’analphabétisme féminin, de classes distinctes constituées de Roms dans les écoles et du fait que très peu d’élèves, en particulier de filles, poursuivent leur scolarité à un niveau supérieur. Il se demande si des mesures sont prises pour traiter ce problème.

M me Popescu souhaite connaître les mesures prises par les pouvoirs publics pour traiter le problème de l’analphabétisme féminin. Elle se déclare également préoccupée par les stéréotypes qui apparaissent dans les choix réalisés à l’école secondaire, où il ressort clairement que seule une minorité de filles choisissent des filières scientifiques, et se demande quel rôle joue ce facteur dans le déséquilibre entre hommes et femmes sur le marché du travail et si le Gouvernement entend prendre des mesures pour remédier à cet état des choses. Concernant les classes séparées pour les enfants roms, elle demande si les cours leur sont donnés en romani ou en croate et souhaite savoir comment le Gouvernement entend réintégrer les élèves roms dans le système éducatif général. Enfin, elle demande comment la priorité nationale de formation et de sensibilisation des fonctionnaires locaux aux problèmes sexospécifiques va être appliquée avec un Office national pour l’égalité des sexes dont l’équipe se compose de trois personnes.

M me Khan constate que les lois croates ont été adaptées pour être conformes à la Convention, ainsi qu’aux Conventions de l’Organisation internationale du Travail (OIT) en matière de lutte contre la discrimination en matière d’emploi mais que le rapport apporte la preuve d’une discrimination continue contre les femmes dans le monde du travail, en dépit des résultats obtenus dans le domaine de l’éducation. Le pourcentage élevé de femmes au chômage est particulièrement inquiétant, surtout chez les jeunes. Elle se demande quels mécanismes sont mis en place, tels que des mesures spéciales temporaires ou un système de quota, afin de faciliter l’accès du marché du travail aux femmes, et si des plaintes ont déjà été déposées pour discrimination. Elle souhaite également savoir si le projet spécial d’habilitation économique des femmes améliore l’accès à l’emploi pour les femmes de la communauté rom, en particulier dans le secteur de l’emploi déclaré.

M me Schöpp-Schilling dit qu’elle souhaite recevoir des réponses à ses questions sur les mesures spéciales temporaires dans la fonction publique et aux postes de directeur d’école, et demande si les questions sexospécifiques sont une matière obligatoire dans la formation des magistrats. Alors que les normes de 2003 concernant les manuels ont interdit toute présentation négative d’individus ou de groupes, rien n’a été fait pour éliminer les stéréotypes sexuels. Elle se demande si cette lacune joue un rôle dans les difficultés actuelles des femmes et, en particulier, des jeunes femmes, sur le marché du travail. Elle se demande si le Gouvernement et le secteur public suivent l’excellent exemple donné par Ericsson, entreprise privée qui a gagné un prix pour l’égalité au travail. Elle demande également ce qui a été entrepris en matière de comparaison entre les bas salaires dans les services publics où l’emploi féminin prédomine, tels que l’enseignement ou la médecine, et les salaires des services publics à fort emploi masculin. La différence qui apparaît pourrait bien être une discrimination indirecte aux termes de la Convention et des règles de la Cour européenne de Justice. Enfin, elle aimerait voir le texte exact de l’article de la Constitution croate qui dispose que les enfants doivent s’occuper de leurs parents âgés, afin de comprendre si cette disposition oblige la femme au chômage à se consacrer à ses parents âgés aux dépens de son droit à chercher un emploi.

M me Tavares da Silva s’interroge sur la garde des jeunes enfants des femmes qui souhaitent travailler ou doivent le faire, compte tenu du nombre réduit de places disponibles dans les crèches et les jardins d’enfants. La politique familiale exprimée en termes de conciliation, pour les femmes, des tâches familiales et de l’emploi a nié le principe du partage des responsabilités familiales, a donné lieu à une vision stéréotypée des femmes et les a défavorisées sur le marché du travail. Cette politique doit être conçue à la lumière des politiques d’égalité des chances, afin de renforcer la qualité de la vie de tous les membres de la famille.

M me Dairiam salue la Loi sur le travail, amendée en 2003, dont l’article 82 dispose qu’à travail égal, le salaire doit être égal, mais elle souhaite connaître les voies légales de recours dont disposent les femmes en cas d’infraction à cette disposition. Par exemple, existe-t-il des tribunaux spéciaux du travail ou les affaires sont-elles seulement traitées par les tribunaux de juridiction générale, comme semblent l’indiquer les réponses écrites de la Croatie? Elle demande quels sont les mécanismes permettant d’évaluer les différentes catégories professionnelles à cet égard, en particulier dans les entreprises employant moins de 20 personnes, où l’article 82 n’est pas d’application. Elle se demande si la déclaration de la Croatie selon laquelle il est trop tôt pour évaluer les effets de la Loi sur le travail signifie qu’aucune plainte n’a été déposée et déclare qu’il est regrettable qu’aucun effort n’ait apparemment été entrepris pour réunir de telles informations auprès des différents tribunaux du pays.

M me Patten salue la ratification par la Croatie des conventions de l’OIT mais souhaite connaître les actions du Gouvernement croate afin d’informer les femmes sur les nouvelles lois et sur les politiques nationales d’égalité des chances. Elle s’associe à l’intervenante précédente concernant la question relative à l’article 82 et déclare qu’elle espère que l’inspection du travail est capable de la faire respecter. Elle souhaite que dans le prochain rapport figurent des données sur le nombre de plaintes déposées, sur le fait de savoir si les plaignantes ont pu bénéficier d’une assistance juridique et si les femmes ont recours à ce système sans crainte de représailles. D’autres Comités des Nations Unies ont fait part de leur préoccupation suite à des informations selon lesquelles les autorités ne donnent pas toujours suite aux cas de discrimination dans le secteur privé en raison de l’âge, du sexe ou de l’origine ethnique; elle demande si c’est le cas et ce qui est fait afin de promouvoir la présence des femmes aux postes de direction et d’élargir l’éventail des carrières accessibles aux deux sexes.

M. Šetić (Croatie) déclare que le Ministère des sciences, de l’éducation et des sports n’a reçu aucune plainte pour discrimination sexuelle ou discrimination à l’emploi, et que la Loi sur l’enseignement est antidiscriminatoire à tous les niveaux, tout comme le système éducatif dans la pratique. Il peut illustrer ses propos avec des chiffres précis : 97 % des enseignants de l’école maternelle sont des femmes, y compris aux postes de direction, quelque 80 % des professeurs de l’école primaire sont des femmes ainsi que 40 % des directeurs d’établissement; dans l’enseignement secondaire, un tiers des postes de proviseur sont occupés par des femmes et, enfin, 56 % des professeurs d’université sont des femmes.

Le Gouvernement mène un combat actif contre les stéréotypes dans les programmes d’études relatives à la famille et a organisé récemment des conférences sur les femmes dans l’histoire. L’éducation sexuelle fait partie des cours de sciences de l’école secondaire mais son ministère a récemment mis sur pied une commission d’experts chargée d’étudier comment mieux intégrer l’éducation sexuelle dans le programme scolaire.

Concernant les Roms, il est un fait que de nombreux enfants de cette communauté abandonnent l’école dès les premières années et qu’ils disparaissent tout à fait du système scolaire, en grande part à cause des habitudes migratoires de leurs familles. Afin d’aider ces enfants, les classes de maternelle sont prolongées de deux ans, solution qui donne d’excellents résultats au début de l’école élémentaire. Par ailleurs, des assistants pédagogiques roms salariés, provenant de leurs communautés, ont été intégrés dans le système scolaire. M. Šetić rejette l’argument selon lequel la ségrégation existe en Croatie : dans certaines zones, les Roms constituent la grande majorité de la population et leurs enfants fréquentent, bien sûr, les écoles de proximité. Il s’agit là d’un problème insoluble. En tant que Secrétaire d’état aux sciences, à l’éducation et aux sports, il s’est lui-même rendu dans certaines de ces écoles et son ministère accorde une attention particulière à l’amélioration de la qualité de l’enseignement qui y est donné. Le problème de la langue est compliqué car les Roms parlent deux langues différentes et n’arrivent pas eux-mêmes à décider laquelle devrait être la langue officielle de leur communauté. Ceci dit, la plupart sont d’accord d’apprendre également le croate.

L’analphabétisme en Croatie est passé de 3 % en 1991 à 1,8 % en 2001; il touche principalement des personnes de plus de 65 ans. Une campagne d’alphabétisation soutenue par une publicité active a été lancée récemment; elle s’étale sur la période 2002-2013 et vise l’éradication totale de ce problème, objectif dont on se rapproche rapidement.

Le Ministère a défini des orientations visant l’élimination des stéréotypes dans les manuels scolaires et fixé des mesures réglementaires et administratives en ce sens, afin d’œuvrer en faveur de l’égalité entre hommes et femmes. Il se trouve face à un problème hérité d’une époque antérieure dont il souhaite éliminer les dernier vestiges, grâce à une refonte complète du programme.

M me Štimac-Radin (Croatie) déclare qu’il existe des cours consacrés spécifiquement à la problématique de la condition de la femme. La Faculté de philosophie, par exemple, propose un cours sur les tendances théoriques du féminisme contemporain. Une introduction générale aux études sur le sexisme est actuellement débattue et des institutions de recherche s’y intéressent activement.

Il existe bien des stéréotypes de filières universitaires plus féminines, qui sont un reflet de la situation qui prévaut sur le marché du travail : les femmes choisissent majoritairement les humanités, tandis que les garçons s’orientent davantage vers les sciences et les domaines techniques; on constate cependant un fléchissement de cette tendance parmi les jeunes femmes. L’Office pour l’égalité des sexes a commencé à former des fonctionnaires locaux, grâce au concours d’organisations non gouvernementales, en leur proposant de suivre des séminaires qui les familiarisent avec les textes des Nations Unies et de l’Union européenne sur les questions d’égalité entre les sexes. Le Ministère des sciences, de l’éducation et des sports et l’Institut des Ecoles étudient actuellement l’établissement d’un programme de sensibilisation des enseignants à l’égalité des sexes, et ont déjà organisé plusieurs séminaires sur l’égalité et la tolérance.

M me Kerovec (Croatie) constate que la Croatie n’est pas le seul pays où les femmes sont défavorisées sur le marché du travail. La situation est de fait pire aujourd’hui qu’en 1998 même si la situation des hommes s’est également détériorée. Les femmes plus âgées sont les plus touchées car lorsqu’elles perdent leur travail, elles n’en retrouvent généralement pas tandis que les jeunes, plus flexibles, tendent à revenir sur le marché du travail. L’État finance généreusement des programmes d’aide aux femmes de plus de 40 ans, et aux hommes et aux femmes de plus de 50 ans, en versant 100 % de leurs salaires aux employeurs qui les embauchent. Cinq mille personnes, dont 64 % de femmes, ont ainsi trouvé du travail. Selon les secteurs, le salaire des femmes est souvent inférieur – quoique acceptable. L’Office pour l’égalité des sexes a organisé une conférence sur la situation des femmes sur le marché du travail afin de débattre des données récentes avec des organisations non gouvernementales, également conscientes de ce problème. L’élément féminin est clairement concentré dans les secteurs de la santé, de la sécurité sociale, de l’enseignement, des finances et de la restauration, et on ne mettra pas fin à cette ségrégation sans passer par l’adoption de mesures radicales. Le Gouvernement a lancé des programmes spécifiques pour les femmes, tel que le programme pour les chômeuses de plus de 40 ans, et un autre pour les femmes entrepreneurs qui apporte dans ces certains cas une aide totale, des taux de crédit et d’intérêt favorables, la formation à l’informatique et une assistance à la recherche de débouchés. Il existe également des programmes auxquels nombre de jeunes femmes sont inscrites. Comme tous les chômeurs enregistrés doivent fournir la preuve qu’ils recherchent un emploi, il est clair que des chômeuses ne peuvent se limiter à s’occuper de leurs parents âgés. L’un des programmes établis à l’intention des personnes handicapées par le Ministère des affaires familiales a fourni, en collaboration avec une organisation non gouvernementale, une formation à des sourdes qui souhaitent monter leur entreprise, et leur apprend les techniques modernes ainsi que des notions de fiscalité.

Dans le cadre de la politique nationale de la famille, les femmes qui reviennent sur le marché du travail après une année de congé de maternité ont droit à un recyclage. Légalement, le deuxième semestre de congé parental peut être pris par le père, qui reçoit également une période complémentaire de deux mois : l’objectif de cette mesure est d’intégrer davantage les hommes dans les tâches familiales.

La Croatie dispose de statistiques nationales ventilées. L’Office pour l’égalité des sexes coopère avec le Bureau des Statistiques; il suit les tendances statistiques et, tout particulièrement, les indicateurs de l’emploi, tels que les taux de chômage et d’activité, et applique les normes et les définitions de l’Organisation internationale du Travail. Le Gouvernement fournit également des données sur la pauvreté ventilées par sexe dans ses rapports sur l’emploi.

M me Štimac-Radin (Croatie) déclare qu’en effet, l’usine Ericsson de Croatie a gagné le prix européen de l’égalité des sexes : 25 % de l’équipe de direction est constituée de femmes; une vice-présidente est considérée comme la meilleure chef d’entreprise de Croatie et l’opinion publique sait désormais qu’une entreprise privée, de sa propre initiative, a pu obtenir ces résultats exceptionnels, apportant ainsi la preuve que des femmes peuvent être très efficaces à des postes de direction. Dans un autre cas d’initiative du secteur privé, c’est un portail Web privé influent, utilisé par des dizaines de milliers de chercheurs d’emplois, qui signale systématiquement aux employeurs leur obligation d’appliquer la loi sur l’égalité des chances dans le secteur privé. Mais dans la pratique, le problème subsiste. Lors des entretiens d’embauche, on continue à demander aux femmes si elles ont l’intention d’être enceinte; cette pratique est illégale et inadmissible mais elle est courante. Compte tenu du taux élevé de chômage, il est difficile de progresser dans ce domaine.

L’Office pour l’égalité des sexes a lancé un projet pluridisciplinaire avec le Ministère de l’économie, les syndicats et l’Union des Employeurs de Croatie, afin d’identifier des domaines de discrimination et de créer des normes qui puissent servir de code de conduite aux employeurs. Il est par ailleurs demandé aux employeurs de faire figurer dans les offres d’emploi que les descriptions de postes s’appliquent aux hommes et aux femmes.

M me Stažnik (Croatie) explique que tous les tribunaux ordinaires sont dotés de divisions spécialisées dans des domaines différents du droit et que certains juges ne traitent donc que le droit du travail. Les tribunaux gardent des archives de toutes les affaires traitées et des conflits du travail qui se sont produits antérieurement, mais le Ministère de la Justice prépare actuellement un programme informatique de collection centralisée des affaires traitées, dans le cadre de ses obligations nationales et internationales. La réforme de la loi sur les tribunaux dont l’adoption est prévue pour l’été 2005 prévoit la formation continue des juges, et fait des études complémentaires un critère d’avancement pour les juges qui suivent des programmes d’études universitaires. La participation à l’école judiciaire devient une condition de nomination à toute poste judiciaire et cette règle s’applique également aux procureurs de l’État. Un programme de formation de formateurs a déjà permis de constituer une réserve de juges formateurs.

La Loi sur la famille stipule que les parents doivent assurer la subsistance de tous leurs enfants mineurs ou jusqu’à un an après la majorité, jusqu’à l’obtention du diplôme de l’enseignement secondaire. À leur tour, les enfants majeurs doivent assurer la subsistance de leurs parents si ceux-ci ne peuvent pas travailler et sont sans revenu. Toutefois, dans la pratique, les tribunaux libèrent les enfants de cette obligation s’ils n’en ont pas les moyens. La politique nationale de la famille, adoptée en 2002, prévoit un certain nombre de mesures visant à concilier vie familiale et vie professionnelle. Aujourd’hui, la situation économique est telle que les deux parents doivent travailler pour fournir un revenu suffisant pour la famille mais il ressort des chiffres de l’emploi qu’en moyenne, les familles n’ont qu’un seul gagne-pain. L’emploi des femmes est donc une priorité de premier plan pour le Gouvernement.

M me Jelavić (Croatie) dit qu’en vertu de la Loi sur la Famille, les parents doivent subvenir aux besoins de leurs enfants mineurs jusqu’à la fin de l’école secondaire et, si nécessaire, durant une période supplémentaire maximum d’un an. Les enfants majeurs doivent entretenir leurs parents incapables de travailler ou leur apporter une aide, à moins de pouvoir prouver que ceux-ci ne les ont pas entretenus, malgré leurs capacités. Lorsqu’un enfant majeur déclare ne pas être capable de subvenir aux besoins de ses parents, il peut faire appel aux tribunaux pour être déchargé de cette obligation. Le Gouvernement croate est attaché à la politique nationale de la Famille, adoptée en 2002, qui vise la conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle. Malheureusement, du fait des taux élevés de chômage, particulièrement parmi les femmes, les mesures concernant l’emploi ont la priorité, car les statistiques démontrent qu’en moyenne, il n’y a qu’un emploi par famille et que dans bien des ménages, le revenu est insuffisant.

M me Gabr se réjouit de constater que le taux de VIH/sida de la Croatie est le plus bas d’Europe. Le rapport écrit de la Croatie indique que le programme national doit être revu en 2003 (p. 64) et elle demande des informations sur la période 2003-2005, y compris les difficultés rencontrées et les mesures prises afin de répondre aux besoins des immigrants et des minorités. Il serait également intéressant de disposer d’une information plus fournie dans le point consacré aux femmes et à l’environnement dans le cadre de la politique de protection de l’environnement mentionnée dans le rapport (p. 65) ainsi que sur les mesures relatives au traitement du cancer du sein, y compris chez les femmes issues des minorités et de l’immigration.

M me Arocha Dominguez, au sujet de la planification familiale et de la santé génésique des femmes, demande des informations sur la disponibilité des moyens de contraception et sur leur niveau d’utilisation. Elle aimerait également recevoir plus d’information sur les taux actuels d’interruptions de grossesse, dont le nombre a diminué de 50 % entre 1991 et 1995. Elle se demande si cette importante réduction s’explique par une amélioration de l’éducation sexuelle et par la disponibilité de moyens de contraception ou s’il faut plutôt l’attribuer à des obstacles culturels et à une difficulté d’accès aux services de santé. Elle se dit préoccupée par le fait que, même si l’interruption de grossesse est prévu par la loi, une résistance d’ordre culturel de la part de la communauté médicale rend souvent difficile l’obtention de services officiels et professionnels.

M me Morvai rappelle la terrible épreuve, à la fois physique et émotionnelle, que constitue l’interruption de grossesse pour les femmes et, en particulier, pour les adolescentes et se demande si des études ont été entreprises afin de déterminer la raison pour laquelle les taux d’avortement restent encore élevés malgré les mesures d’éducation sexuelle et génésique prévues dans le Plan national d’action pour les jeunes adopté en janvier 2003. Anciennement, dans les pays du bloc de l’est, l’interruption de grossesse était une forme de contraception et elle souligne que cette pratique peut être éliminée si les femmes ont accès à des services de santé génésique appropriés. Quelle que soit la rhétorique féministe sur l’avortement et la liberté de choix, si les femmes ont vraiment le contrôle de leur corps, elles ne devraient jamais en arriver à cette solution.

Concernant la question de la violence familiale, elle constate que, selon le rapport, dans le cadre des mesures décidées par le Gouvernement, des actions sont entreprises afin d’aider les auteurs d’actes de violence. Il existe deux approches différentes du problème de la violence familiale : une approche non sexuée, qui voit l’auteur de la violence comme un malade qui a besoin d’une thérapie, et qui envisage le problème comme un conflit à résoudre et non comme de la violence, et l’approche qui se fonde sur la notion de l’égalité des sexes, qui détermine un problème de pouvoir et de domination des hommes sur les femmes et qui considère que l’homme doit être mis face à ses attitudes sexistes. Elle espère que cette approche est celle qui est adoptée par la Croatie.

M me Tan déclare que même si les zones rurales contribuent relativement peu au PIB de la Croatie, il n’en est pas moins important de s’occuper des problèmes des femmes qui y vivent. Elle se demande si les femmes ont profité de la redistribution des terres et souhaite connaître le pourcentage de femmes possédant des terres en leur nom propre ainsi que la proportion de femmes travaillant en milieu rural comparée à celle des hommes. Elle souhaite également obtenir des éclaircissements sur les activités du ministère de l’agriculture et des forêts, et des autres administrations compétentes vers l’amélioration de la condition des femmes vivant en milieu rural, mentionnées dans le rapport (p. 73).

M me Pimentel s’associe aux remarques de l’oratrice précédente concernant les problèmes auxquels sont confrontées les femmes en milieu rural et sur la nécessité de mettre fin aux discriminations qu’elles subissent. Elle se demande si leur situation a vraiment fait l’objet d’une analyse et si l’État partie a l’intention d’adopter des mesures particulières en réponse à leur vulnérabilité particulière.

M me Belmihoub-Zerdani déclare que, même s’il existe une égalité des chances théorique entre hommes et femmes sur le marché du travail, dans la pratique, la situation est bien différente car seulement 37,1 % des femmes ont un emploi, contre 50,7 % des hommes, et qu’elles représentent 59 % du nombre total des chômeurs. Malgré le fait que plus de 60 % des étudiants de l’école secondaire et des facultés universitaires non techniques sont des femmes, leur niveau d’enseignement plus élevé ne semble pas avoir porté ses fruits au niveau de l’accès au travail; en général, les femmes gagnent également moins que les hommes. Elle demande des informations complémentaires sur la situation économique et sociale des femmes, ventilées par groupes, y compris dans les minorités, et sur les mesures prévues afin d’améliorer cette situation, conformément à la demande exprimée par le Comité lors de l’examen du rapport précédent de l’État partie.

Des informations complémentaires seraient également les bienvenues sur les ressources que le Gouvernement a allouées pour assurer la protection des droits des femmes en matière de santé génésique, telles que le niveau des services, ainsi que la disponibilité de moyens contraceptifs et de services de planning familial, y compris pour les minorités. Elle demande également des informations sur le nombre et la fréquence des interventions du médiateur pour l’égalité des sexes, visant la protection des droits des femmes. Des précisions sont souhaitées sur les efforts consentis, par exemple à travers les moyens de communication, pour promouvoir la diversité des rôles des hommes et des femmes et sur le partage des responsabilités familiales, y compris dans l’éducation des enfants, ainsi que sur la satisfaction des besoins des femmes pauvres, âgées et handicapées.

Il est bien sûr très positif que les organisations non gouvernementales s’occupant de la condition des femmes jouent un rôle important mais elle souligne que c’est le rôle du Gouvernement d’appliquer la Convention ainsi que le programme d’action de Beijing et d’affecter les ressources suffisantes à cet objectif. L’État partie devrait fournir davantage de statistiques sur les progrès réalisés en matière d’égalité entre hommes et femmes et sur les conséquences pour les femmes de la loi relative à la citoyenneté croate. Des informations complémentaires sont attendues au sujet de la situation des femmes en milieu rural, dans le contexte particulier de la chute considérable de population totale vivant en milieu rural.

M me Simms constate que l’Office de l’égalité des sexes n’a été mis sur pied qu’en mars 2004 et déclare qu’il est important que l’État partie établisse une stratégie visant une intégration de la dimension sexospécifique dans tout le corps de l’administration croate et que cette stratégie soit mise en œuvre. Elle se demande si la direction de l’Office de l’égalité des sexes dispose d’un personnel en nombre suffisant et est investi de l’autorité suffisante pour exercer une réelle influence sur la volonté politique du Gouvernement de s’occuper de la condition des femmes ainsi que pour garantir la coordination entre les institutions publiques et non gouvernementales afin de créer un véritable mécanisme national de protection des droits des femmes.

M me Ivanda (Croatie) déclare que, malgré les taux relativement bas d’infection par le VIH/sida de Croatie, son gouvernement est conscient que les adolescents ont des comportements à risque et qu’ils sont très inconscients des risques de VIH/sida, de maladies sexuellement transmissibles, de grossesse et d’avortement. Afin d’éduquer les adolescents sur ces questions, des programmes ont été établis et des brochures et dépliants de sensibilisation leur ont été distribués, dans le cadre d’un programme de coopération entre le Fonds des Nations Unies pour l’enfance, le ministère de la santé, et le ministère des sciences et de l’éducation, qui a débuté en 1996. Le programme national de prévention du VIH/sida, créé en 1993 et revu en 2003, joue également un rôle important dans ce domaine.

Concernant la question du cancer et en particulier du cancer du sein, elle déclare qu’une commission sur la radiothérapie et l’oncologie a été constituée au ministère de la santé afin d’améliorer la qualité des services de cancérologie, l’objectif étant de réduire de 15 % la mortalité totale due au cancer. Un programme a été mis sur pied afin de promouvoir une détection précoce des types de cancer les plus fréquents, y compris le cancer du sein, et un projet pilote a été créé dans le comté de Primorsko-Goranska, destiné à encourager la détection précoce dans le cadre du Programme national de détection précoce du cancer du sein. Une Commission a été établie à cet effet et des financements prévus afin de sensibiliser à ces programmes. Une étude a été menée sur l’équipement nécessaire pour le traitement du cancer et des ressources ont été affectées pour leur renouvellement. Un équipement moderne sera installé dans la clinique des tumeurs au début de l’année 2006, dans le cadre d’un projet commun de l’agence internationale d l’énergie atomique et du Ministère de la Santé. On espère que tous les centres de santé seront bientôt à même de proposer les meilleurs soins possibles à la population.

Les services médicaux scolaires sont habilités à mettre en œuvre des programmes de sensibilisation des jeunes à la nécessité de se protéger. Le système de la médecine scolaire compte 156 médecins, qui fournissent des soins et éduquent à la santé en tenant compte des dernières recherches. Ces services de santé sont accessibles aux jeunes, aux enseignants et aux adolescents et sont destinés à promouvoir tout type de mesures en faveur de la santé, y compris la prévention du tabagisme.

M me Ivanda se réjouit du déclin du nombre d’interruptions de grossesse; les derniers chiffres indiquent qu’en 2003, leur nombre était d’à peu près 10 000, chiffre inférieur à celui de 2002. Les interruptions volontaires de grossesse officielles représentent 53 pour cent du total; on recense 1 900 avortements spontanés et un faible nombre d’avortements clandestins. Le nombre de filles de moins de 19 ans ayant subi une interruption de grossesse en 2003, bien qu’en légère progression, ne représente que quelque 6 % du nombre total pour la catégorie des femmes de moins de 34 ans. Un tiers des femmes adultes ayant avorté avaient déjà deux enfants, ce qui reflète le fait que, malheureusement, cette pratique reste un moyen de contraception. Son Gouvernement tente toutefois de corriger cette situation par une meilleure information et de meilleurs soins de santé à travers les centres de guidance, la formation des gynécologues ainsi qu’à travers la sensibilisation et l’éducation de l’ensemble de la population.

M me Jelavić (Croatie), déclare que les handicapés ont un statut spécial dans le cadre de la sécurité sociale. D’après le recensement de 2001, la Croatie comptait 429 000 handicapés, dont 183 000 femmes. Ils ont droit à des consultations gratuites; les aveugles et les mal entendants ont droit à des interprètes au cours de toutes les procédures concernant leurs droits. En outre, les handicapés reçoivent une assistance de l’État, y compris une allocation de logement afin de leur permettre de travailler et de mener une vie indépendante. Les soins sont fournis à travers les institutions et les homes pour handicapés de la sécurité sociale, principalement gérés par l’État, encore qu’un nombre considérable d’institutions privées ont vu le jour récemment. Les seniors ont les mêmes droits que les handicapés. En Croatie, la longévité des femmes est supérieure à celle des hommes d’après les données de 2003; sur les 9 000 personnes âgées vivant en home, 7 000 sont des femmes.

M me Kerovec (Croatie) déclare que les employeurs reçoivent des primes de l’État pour la formation de handicapés et pour l’adaptation des lieux de travail. C’est ainsi que 80 % des frais de formation sont absorbés par l’État, qui paie également une allocation de 2 000 euros pour l’adaptation de postes de travail aux handicapés.

M me Štimac-Radin (Croatie) dit que seulement 5,3 % des femmes de Croatie vivent en milieu rural. Le Ministère de l’agriculture a entamé une réforme des terres privées et certaines associations de femmes de milieu rural s’investissent dans la défense des intérêts des femmes. Les rôles traditionnels y connaissent une évolution. Nombreuses sont les femmes qui réussissent très bien dans la production d’aliments bio, tandis que d’autres sont également très actives dans d’autres domaines, y compris la politique et la protection de l’environnement. Elle rappelle que le poste de ministre de l’environnement est actuellement occupé par une femme et explique que le Gouvernement a lancé un débat public sur le rôle des femmes sur le marché du travail et propose des programmes particuliers aux entrepreneurs. L’intégration de la dimension sexospécifique dans tous les aspects de la politique nationale est une priorité de premier plan. En ce qui concerne le Programme d’action de Beijing, la Croatie a présenté son rapport national et sa politique nationale est structurée selon le modèle des différentes parties de ce Programme.

Articles 15 et 16

M me Tan félicite le Gouvernement croate au sujet de la Loi sur la famille adoptée récemment, demande des éclaircissements sur le statut de l’union de fait et sur les droits des femmes non mariées en matière de propriété et se demande si les droits de l’épouse sont comparables à ceux de la femme non mariée vivant dans l’union de fait.

M me Gnacadja se demande si le droit familial a deux composantes, l’une religieuse ou coutumière et l’autre civile. Si cela n’était pas le cas, elle souhaite savoir si certaines des conditions acceptées par le droit religieux ou coutumier concernant le mariage vont à l’encontre des dispositions de la Loi sur la famille. Quelle est la règle qui prévaut en matière de divorce? La délégation croate devrait préciser s’il existe une sorte de tribunal coutumier dans les communautés roms concernant les questions qui relèvent normalement de la loi sur la famille et si l’existence de tribunaux ecclésiastiques d’autres religions ne constitue pas une concurrence pour le droit civil et, plus particulièrement, le droit matrimonial et familial.

M me Coker-Appiah souhaite connaître les raisons justifiant l’abaissement de l’âge du mariage de 18 à 16 ans, les critères déterminant la capacité mentale et physique des jeunes âgés de 16 ans, qui entame la procédure judiciaire et le nombre de jeunes, filles et garçons, qui ont recours à cette procédure. Elle aimerait en outre disposer de statistiques sur l’impact de cette procédure sur la scolarité des filles.

M me Jelavić (Croatie) déclare que la loi sur la famille définit l’union de fait comme l’union d’un homme non marié et d’une femme non mariée. Par conséquent, une femme célibataire ayant une relation avec un homme marié ne peut jouir d’aucun des droits de cette situation. En règle générale, en droit croate, le mariage doit être conclu par procédure civile. Cependant, certaines cérémonies religieuses sont également permises pour les communautés religieuses ayant conclu un contrat avec l’État. Comme la Croatie est un pays à prédominance catholique, la plupart de ces cérémonies se font dans le rite catholique. Les mariages religieux sont vérifiés par l’État, qui veille à ce qu’ils répondent bien aux conditions du mariage civil, et n’ont pas les effets du mariage civil. L’âge minimum du mariage est 18 ans, mais il peut être avancé jusqu’à 16 ans pour des raisons exceptionnelles, en fonction de l’évaluation de la maturité et du contexte. Ce sont généralement les filles qui se marient avant l’âge de 18 ans et de fait, il n’y a aucune demande enregistrée de garçons de moins de 18 ans. D’après les données de 2003, seulement 6 des 217 demandes ont été refusées. L’autorisation est fournie par le tribunal ou par une juridiction générale et la preuve que les conditions sont remplies revient aux personnes désireuses de conclure le mariage, sur approbation du centre de protection sociale, qui émet un avis sur la maturité de la mineure. À cet égard, si les assistants sociaux ne sont pas absolument certains de la maturité de la jeune mineure, ils ont pour consigne d’émettre un avis défavorable. Mais le tribunal n’est pas tenu par les évaluations du centre de protection sociale.

M me Staznik (Croatie) explique que la procédure civile précède nécessairement la cérémonie religieuse. Les dispositions de la Loi sur la famille sont les seules valides en matière de mariage. Dans le cas d’un mariage conclu dans une église ou dans une institution religieuse, le prêtre doit soumettre un certificat aux autorités civiles compétentes dans les huit jours, aux fins de l’enregistrement du mariage.

M. Šetić (Croatie), s’exprimant au sujet de l’éducation des filles qui se marient très jeunes et qui ont abandonné l’école du fait de leur grossesse, déclare que le système éducatif croate offre diverses possibilités éducatives à un stade ultérieur. Le système éducatif croate s’inscrit de fait dans le processus de Bologne.

M me Klajner (Croatie) évoque la question de l’union de fait de mineurs dans la population rom. En 2004, on a dénombré 16 Roms adultes vivant avec des mineurs d’âge. Les Roms se marient très jeunes mais, en règle générale, l’union est d’abord extra-conjugale. Ils vivent en familles étendues et les aînés de ces grandes familles président des cérémonies et dirigent les procédures de conciliation. Mais il est clair que cette institution n’est d’aucune façon une institution judiciaire.

La Présidente remercie les membres de la délégation de la Croatie pour leur dialogue constructif et fructueux avec le Comité. Celui-ci fera part de ses observations, conclusions et recommandations à la Croatie.

M me Štimac-Radin (Croatie) rappelle qu’il est très important de fournir des rapports réguliers au Comité; elle considère que tous les pays devraient en faire une procédure normale. À cet égard, la Croatie s’efforcera de présenter son prochain rapport à temps, conformément aux dispositions de la Convention. Il est essentiel que le rapport soit adopté par le Gouvernement et débattu au Parlement. L’échange d’expérience lui paraît vraiment également fondamental; la Croatie tirera en effet profit de l’expérience d’autres pays plus avancés sur la question de l’égalité des sexes, qui est une question d’intérêt mondial.

La séance est levée à 17 h 30.