Vingt-septième session

Compte rendu analytique de la 565e séance

Tenue au Siège, à New York, le mercredi 14 juin 2002, à 10 heures

Présidente :Mme Abaka

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties en vertu de l’article 18 de la Convention (suite)

Troisième et quatrième rapports combinés de la Tunisie

La séance est ouverte à 10 h 10.

Examen des rapports présentés par les États parties en vertu de l’article 18 de la Convention (suite)

Troisième et quatrième rapports combinés de la Tunisie (CEDAW/C/TUN/3-4, CEDAW/PSWG/ 2002/II/CRP.1/Add.3, CEDAW/PSWG/2002/ II/CRP.2/Add.2)

À l’invitation de la Présidente, Mme Ben Romdhane, Mme Ben Yedder, M. Khemakhem, M. Mejdoub et Mme Zorai (Tunisie) prennent place à la table du Comité.

Mme Ben Yedder (Tunisie) dit que le changement de gouvernement du 7 novembre 1987 a introduit une nouvelle ère dans le domaine des droits de la femme en Tunisie du fait de la détermination du Président de faire cadrer ces droits avec une approche complète de développement. Depuis lors, la Tunisie a fait d’importants progrès en matière de promotion de la femme en appliquant toute une stratégie pionnière là où démocratie et développement sont étroitement liés et où solidarité et tolérance se révèlent des valeurs complémentaires. Son approche stratégique envers les droits de la femme est fondée sur le principe du partenariat efficace entre les femmes et les hommes dans la gestion des affaires familiales et de l’éducation des enfants, ainsi que dans les domaines de l’emploi, du travail, de la sécurité sociale et tous les aspects des relations civiles et économiques. Le système complet de mécanismes et de programmes en place comprend la Commission nationale « Femme et développement », une stratégie spécifique au sein du huitième plan national de développement (1992-1996) et le Conseil national « Femme et famille ».

La Tunisie a suivi les recommandations émises par le Comité après l’examen de son rapport initial et de son deuxième rapport périodique de 1995 en tentant de l’inclure ainsi que le Programme d’action de Beijing, dans sa stratégie pour la promotion de la femme figurant dans le neuvième plan national de développement (1996-2001). Les percées accomplies comprennent la création d’un comité sur l’égalité des chances chargé de surveiller le respect de la législation, une commission chargée de surveiller l’image de la femme dans les médias au sein du Conseil national « Femme et famille » et un comité de la promotion de la femme rurale.

Parmi la législation pionnière adoptée depuis 1995 figurent : la propriété mixte pour les couples afin de renforcer le principe du partenariat au sein de la famille; le fait d’accorder aux femmes le droit de donner leur nom patronymique aux enfants nés de pères inconnus ou d’exiger un test de recherche de paternité; le fait d’accorder aux Tunisiennes mariées à des non-Tunisiens le droit de transmettre la nationalité tunisienne à des enfants nés à l’étranger; le fait d’accorder aux enfants nés d’une mère tunisienne et d’un père non tunisien le droit de vote ainsi que d’ôter du Code des obligations et des contrats toutes les dispositions qui constituent une discrimination à l’égard des femmes.

La Tunisie est fière d’avoir réussi à instaurer des droits égaux pour les hommes et les femmes dans de nombreux secteurs, y compris celui de l’éducation. Le pourcentage des inscriptions à l’école des enfants de 6 ans, garçons et filles, est actuellement de 99 %; par ailleurs, 92,2 % des filles âgées de 6 à 12 ans vont à l’école, soit le même pourcentage que pour les garçons. Le taux des abandons de filles a aussi considérablement diminué. L’élimination de l’analphabétisme constitue l’un des principaux objectifs du programme de développement. Le taux d’analphabétisme féminin est tombé à 36,2 % en 1999, et l’on s’est fixé pour but de le réduire à 20 % en 2004.

Promouvoir la capacité des femmes en matière de finances en facilitant leur accès à la formation professionnelle et les encourager à lancer de petites entreprises a constitué une de nos principales priorités. Le nombre de femmes qui ont pu bénéficier du microcrédit a triplé au cours des quatre dernières années. Les femmes ont accédé à toutes sortes d’emplois ainsi qu’à la vie publique, et le pourcentage de celles qui sont employées a atteint 25 % en l’an 2000. Afin de les protéger de la marginalisation, la stratégie nationale comprend des activités destinées à promouvoir la femme rurale. On remarque aussi une augmentation spectaculaire de femmes qui ont accédé à des postes de décision, ainsi qu’un accroissement de leur présence à la Chambre des députés et à des postes dans les administrations locales. Cela reflète la croyance profondément ancrée selon laquelle on ne peut parvenir à la démocratie sans elles.

Le Gouvernement attache une grande importance à la question de la violence tant verbale que physique à l’égard des femmes, même si ce phénomène n’est pas répandu en Tunisie. Le Code du statut personnel et le Code de procédure pénale ont été modifiés pour accroître la durée des peines pour violences conjugales. En outre, les services offerts aux femmes battues se sont améliorés, et des enquêtes ont été menées sur l’incidence de la violence sur la famille. Le nombre croissant d’associations féminines a joué un rôle important dans l’effort global de développement qui complète les mécanismes destinés à veiller sur le statut de la femme. Un programme national destiné à fournir des statistiques ventilées par sexe dans tous les domaines a été lancé.

La promotion des droits de la femme est un défi constant pour la Tunisie; aussi dans son ordre du jour de 1999 pour l’avenir, le Président a-t-il affirmé qu’obtenir l’égalité du statut des hommes et des femmes était l’un de ses principaux objectifs. Son gouvernement croit fermement en l’importance de la coopération internationale pour faire progresser le statut de la femme et il se réjouit donc du dialogue avec le Comité.

Articles 1 à 6

Mme Manalo félicite la Tunisie pour son rapport complet et substantiel. Il semble que le gouvernement de ce pays veuille vraiment appliquer la Convention par l’entremise de sa Constitution, de ses lois et de ses programmes. La définition de discrimination figurant dans la Constitution et le Code du statut personnel, qui a introduit la notion de partenariat dans le mariage, sont des réalisations majeures. L’oratrice est heureuse d’apprendre que le Gouvernement tunisien s’efforce de faire disparaître ses réserves à l’égard de la Convention, mais elle regrette de n’avoir aucun renseignement sur d’éventuelles mesures en vue de ratifier son Protocole facultatif. Le mécanisme national en œuvre, notamment le Ministère des affaires de la femme et de la famille, est très impressionnant.

Toutefois, l’oratrice a encore quelques inquiétudes en ce qui a trait au trafic des femmes et à la prostitution. La différence entre la prostitution autorisée et clandestine mérite d’être expliquée. Au sujet de la violence familiale, le Code pénal déclare que les voies de fait sur une femme ou un enfant sont punissables, mais aucune loi précise ne définit cette violence; l’intervenante aimerait donc avoir des éclaircissements sur les lois qui existent à ce sujet.

Mme Corti félicite la Tunisie pour son excellent rapport et pour ses nombreuses grandes réalisations dans le domaine des droits de la femme, qui comprennent l’intégration des femmes dans le processus de développement, la diminution de l’analphabétisme parmi les jeunes, le rehaussement du statut de la femme dans la famille, l’abaissement de la mortalité maternelle, l’amélioration de la santé des femmes, l’introduction de l’égalité dans le mariage, l’élimination des dispositions relatives à l’obéissance, l’abolition de la polygamie, le fait d’accorder des droits au divorce aux deux conjoints, celui d’accorder aux femmes le droit d’introduire une action en justice et celui de veiller à leurs droits successoraux. En outre, l’oratrice félicite l’État partie pour sa conception de l’avortement, qui prend en considération la santé et des préoccupations sociales comme l’infanticide et l’abandon des enfants.

Elle se demande cependant pourquoi la Tunisie n’a pas encore retiré ses nombreuses réserves envers la Convention.

Mme Shin dit qu’elle accueille, elle aussi, avec satisfaction les réformes juridiques introduites par la Tunisie, et elle regrette que ce pays n’ait pas retiré ses réserves à la Convention. Dans sa réponse à la question 4 de la liste de problèmes, le Gouvernement a déclaré que le droit tunisien n’admet pas les procès intentés par des femmes victimes de discrimination. Cela constitue un manquement à l’obligation de garantir aux femmes des droits égaux à ceux des hommes et contrevient aux termes de la Convention.

Elle demande quelles mesures le Gouvernement tunisien a prises pour évaluer le neuvième plan de développement économique et social et s’il a élaboré un dixième plan. En outre, elle aimerait savoir si les groupes de femmes qui se montrent critiques envers les politiques et les programmes du Gouvernement sont libres d’agir, et si l’on a pris des mesures pour sanctionner les acteurs du Gouvernement qui interfèrent avec leurs activités.

Mme Açar félicite la Tunisie d’avoir adopté des méthodes créatives et efficaces pour émanciper les femmes, notamment d’avoir apporté des réformes au droit de la charia. Elle a été heureuse d’apprendre que l’État partie ne pense pas que le travail pour réaliser l’égalité des droits des hommes et des femmes soit fini. Des modifications supplémentaires au Code du statut personnel permettraient, par exemple, à la Tunisie de retirer ses réserves à l’égard de l’article 16 de la Convention.

La population féminine tunisienne est formée en partie de femmes très instruites qui ont entrepris des carrières de professionnelles et en partie de femmes illettrées qui ne sont pas au courant de leurs droits. Le Gouvernement devrait se prévaloir de l’énergie et des compétences des Tunisiennes instruites pour apporter des changements fondamentaux; ces femmes pourraient en outre servir de modèles aux autres. La Tunisie devrait s’efforcer de fournir un environnement habilitant pour les organisations non gouvernementales qui luttent pour les droits de la femme.

Mme Goonesekere dit que le Code tunisien du statut personnel a été une source d’inspiration pour d’autres pays musulmans depuis son adoption il y a près d’un demi-siècle. Elle félicite en particulier la Tunisie pour son approche holistique en matière de droit et de politique et pour les grands pas qu’elle a faits dans les domaines de l’éducation, de la santé et de la loi sur la nationalité.

Elle s’enquiert de savoir si le Gouvernement tunisien a envisagé de renforcer ses mécanismes et ses principes constitutionnels afin de faire progresser encore les droits de la femme. Elle aimerait aussi connaître le statut des instruments internationaux des droits de l’homme, en particulier de la Convention, selon le droit tunisien, de plus, si le Gouvernement tunisien envisage d’introduire une conception large de discrimination dans la Constitution ou le droit de son pays.

Elle voudrait aussi savoir si la Constitution tunisienne contient une interdiction précise concernant la torture et s’il existe des mécanismes constitutionnels dont on puisse se servir pour contrer l’excès de pouvoir de l’État. À cet égard, elle se demande si la Tunisie a instauré un système pour empêcher la violence des gardiens, s’il existe des limites à la durée de la détention et si des poursuites ont été intentées dans des cas de violence des gardiens. Enfin, elle aimerait savoir si le Gouvernement tunisien a institué une formation en matière de droits de la personne destinée aux membres de l’appareil judiciaire et s’il envisage de créer des mécanismes indépendants en matière de droits de l’homme.

M. Mejdoub (Tunisie) dit que la reconnaissance des droits de la femme est un rêve qui devient réalité dans de nombreuses parties du monde. La Tunisie a véritablement entrepris des réformes radicales et la société tunisienne a subi, en conséquence, des changements significatifs. Il n’est pas exagéré de dire que la nouvelle génération de Tunisiens est la plus libérée du monde musulman. Reconnaître dans les faits les droits de la femme suppose que l’on accomplisse la tâche difficile consistant à réinterpréter et à récrire la loi. Toutefois, le public appuie pleinement ces objectifs. Les attitudes et les vues des Tunisiens ont changé; aussi n’y aura-t-il pas de retour au passé.

En réponse aux questions de Mme Goonesekere au sujet de la possibilité que la Tunisie applique une conception large de la discrimination, il signale qu’une loi de 1997 a interdit l’instauration de partis politiques fondés sur la religion, le sexe, le niveau d’instruction ou la langue. L’article 8 de la Constitution est d’une portée obligatoire pour tous. Pour ce qui est des associations, la discrimination positive est autorisée dans la mesure où elle ne s’attaque pas à un groupe national. Quant à la violence des gardiens, un article du Code pénal tunisien la considère comme un crime et reprend la définition de la torture contenue dans la Convention de l’ONU contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. De plus, l’on a introduit en 1999 d’autres dispositions qui ont fait de la torture un crime. Il existe aussi d’autres mécanismes relatifs aux droits de l’homme. Ainsi, le pouvoir judiciaire est totalement indépendant. Il y a aussi en Tunisie un comité des droits de l’homme, qui est un organe consultatif formés de personnes très versées dans les questions de droits de la personne. Il a entre autres pour fonction de recevoir des plaintes de citoyens, notamment des plaintes de violence à l’égard des femmes détenues. Si cela se produit, le Ministère de la justice entreprendra des enquêtes.

En ce qui a trait à la détention, la Tunisie dispose de la garde à vue (accomplie par la police) et de la détention préventive (avant le procès). La garde à vue est en principe limitée à trois jours, mais sa durée peut être portée à six jours. En outre, on a établi une distinction entre les délits et les crimes. Dans le cas des délits, la détention est en principe limitée à six mois, mais sa durée peut être portée à neuf mois. Dans le cas des crimes, la détention est en principe limitée à six mois, mais il est possible de la prolonger à deux reprises de quatre mois, ce qui donne au total une détention maximale de 14 mois. Ces limites permettent d’avoir le temps de faire des enquêtes et elles sont compatibles avec les obligations internationales de la Tunisie.

Mme Ben Romdhane (Tunisie) remercie le Comité de son évaluation positive des progrès accomplis par la Tunisie dans l’application de la Convention. En réponse à la question de Mme Corti sur le rapport entre la volonté politique de la Tunisie de mettre en oeuvre la Convention et ses réserves au sujet de cet instrument, l’approche de la Tunisie consiste à combiner la promulgation d’une nouvelle législation enchâssant les droits de la femme et l’instauration d’un cadre institutionnel destiné à traduire dans les faits la jouissance de ces droits. Le Ministère des affaires de la femme et de la famille travaille en partenariat avec des organisation non gouvernementales afin de faire progresser les droits politiques, économiques et sociaux de la femme. Le Ministère s’appuie aussi sur trois autres organes : le Conseil national « Femme et famille », qui rassemble des représentants gouvernementaux et non gouvernementaux et constitue un forum en faveur du dialogue démocratique au sujet de tous les problèmes reliés à la promotion des droits de la femme; le Centre de recherche, de documentation et d’information sur la femme (CRÉDIF), qui se spécialise dans les analyses sur le « genre » (les sexospécificités); et la Commission nationale « Femme et développement », qui détermine les grandes lignes de la stratégie nationale en faveur des droits de la femme au sein des plans nationaux de développement. Il est en mesure de puiser dans le budget du Ministère des affaires de la femme et de la famille et les budgets d’autres ministères qui participent au développement. Le Ministère des affaires de la femme et de la famille dispose d’une stratégie en matière de communications conçue pour que les droits de la femme se concrétisent dans les faits, dans le dessein de changer les attitudes. Il pourra ainsi préparer le terrain pour le retrait des réserves du pays quant à la Convention. Le but premier de cette stratégie est de rendre plus visibles les droits de la femme. La Fête nationale de la femme, une fête célébrée le 13 août de chaque année, fournit une bonne occasion pour cela. De plus, la Tunisie célèbre aussi la Journée internationale de la femme, la Journée internationale de la femme rurale, la Journée internationale de la famille, enfin la Journée nationale de la famille. Le deuxième objectif de cette stratégie consiste à répandre une culture des droits de l’homme, en ciblant les familles (qui sont le berceau des droits de la femme en tant que citoyenne) et des jeunes (à titre d’hommes et de femmes adultes de l’avenir). Enfin, le troisième objectif de cette stratégie consiste à lutter contre les stéréotypes sexistes, surtout dans les médias. Un programme pour y parvenir a été lancé en 1999 dans le cadre du neuvième plan national de développement. Un prix présidentiel a été décerné à un lauréat qui a su faire un portrait équilibré de la femme dans les médias.

En ce qui a trait à l’évaluation des résultats de divers programmes, la Commission nationale « Femme et développement » et la stratégie des affaires de la femme des plans nationaux de développement permettent toutes deux d’évaluer régulièrement les progrès accomplis. La stratégie du huitième plan national de développement a servi de base pour élaborer celle du neuvième plan national de développement, pour laquelle on a aussi tenu compte du Programme d’action de Beijing et des recommandations du Comité. Elle a par la suite cédé la place au neuvième plan, qui a fixé deux priorités : celle de promouvoir le rôle de la femme dans la société de la connaissance et son accès aux nouvelles technologies; et celle de promouvoir le rôle de la femme dans le développement économique afin d’améliorer ses compétences professionnelles et de lui donner un meilleur accès au crédit et à l’entreprise. Une évaluation du neuvième plan a servi de base à l’élaboration d’un plan plus ambitieux, comprenant la création d’un Comité national en faveur de la femme rurale dans lequel figuraient des représentantes régionales de divers secteurs de l’économie ainsi que d’organisations non gouvernementales. L’on a beaucoup fait appel aux femmes des zones rurales pour s’assurer que les propositions correspondaient à leurs besoins et à leur environnement local. Les meilleurs projets et programmes destinés à promouvoir les intérêts des femmes rurales ont reçu un prix présidentiel. Le nouveau plan mettra aussi l’accent sur les femmes et les jeunes filles ayant des besoins spéciaux, comme les adolescentes qui risquent de tomber dans la délinquance, les jeunes mères, les femmes handicapées, les femmes migrantes et les femmes analphabètes victimes de violence. Les études commandées par le CRÉDIF et par le Gouvernement ont aidé à organiser des activités nouvelles et meilleures pour préparer ces programmes.

Au début de 2002, le Ministère des affaires de la femmes et de la famille a entrepris une grande enquête sur la violence contre les femmes au sein de la famille et de la société à la suite d’une autre enquête sur la socialisation des enfants qui avait déjà donné un aperçu du phénomène. Les chiffres ont certes confirmé que la violence familiale existe en Tunisie comme dans toutes les sociétés, mais qu’elle n’atteint pas des proportions alarmantes. Cela dit, la violence sous l’une de ces formes, verbale ou physique, est, bien sûr, inacceptable.

La présence des femmes dans la vie civique et politique est une préoccupation centrale de la stratégie de la communication du Ministère des affaires des femmes et de la famille; la volonté politique visant à la favoriser est très importante. Il y a cinq femmes au Gouvernement, et les efforts pour augmenter la participation des femmes se poursuivront. Par ailleurs, l’on s’efforce d’améliorer la communication au sein des familles afin de promouvoir l’égalité et l’interchangeabilité des rôles de l’homme et de la femme.

En réponse à l’observation faite par Mme Açar au sujet de l’existence de deux groupes de femmes en Tunisie, elle dit que les femmes des zones rurales ont prouvé qu’elles étaient à la fois combatives et modernes, car elles se caractérisent par leur dynamisme et leur adaptabilité. Il y a certes des différences entre elles quant à leur niveau d’instruction, mais cela ne les a pas toujours empêchées de mener une vie active. L’aide apportée par les médias pour promouvoir à titre d’alliés l’égalité a joué un rôle majeur dans l’action en faveur des droits de la femme dans les régions éloignées. Le but poursuivi consistait à faire en sorte qu’il y ait au moins deux femmes dans tout conseil de développement régional. Cependant, il importe aussi de se souvenir que, si la population de la Tunisie était à 30 % urbaine et à 70 % rurale au moment de l’indépendance, en 1994 cette proportion s’était inversée.

Mme Saiga déclare trouver encourageant d’entendre que la Tunisie s’est fortement engagée à mener une politique d’égalité. Elle note que les partis politiques de ce pays ne peuvent être fondés sur des critères de religion, de langue, de race ou de sexe et se demande donc s’il ne peut y avoir en conséquence de partis de femmes. Elle demande aussi de plus amples explications au sujet de la transition des familles d’une approche traditionnelle à une autre plus moderne, ainsi que sur le problème du droit tunisien qui ne reconnaît pas les actions en justice intentées par des femmes victimes de discrimination.

Mme Myakayaka-Manzini se réjouit des progrès faits par la Tunisie pour garantir l’égalité entre les hommes et les femmes, notamment au moyen de modifications législatives dans des domaines comme la polygamie, le divorce et l’âge minimum du mariage. Toutefois, modifier les lois ne change pas automatiquement le comportement. Cela peut même entraîner en fait certains phénomènes dans la clandestinité, ce qui les rend plus difficiles à surveiller. Les réponses de la Tunisie prouvent que les femmes ne peuvent intenter d’action en justice pour discrimination, mais que, comme toutes les victimes, elles ont le droit d’interjeter appel auprès de diverses juridictions et d’administrations publiques non judiciaires. L’intervenante demande si, dans les faits, cette possibilité est accessible aux femmes et si ces appels ont donné lieu à des indemnisations ou des réparations. Vu le petit nombre de femmes qui occupent des postes de prise de décisions, elle demande si le Gouvernement a envisagé de prendre de nouvelles mesures telles que d’introduire des quotas. En ce qui concerne la violence à l’égard des femmes, un problème dont la solution demande du temps dans toutes les sociétés, elle se réjouit que l’on ait entrepris une enquête à ce sujet. Elle voudrait savoir si la Tunisie prévoit introduire une loi exhaustive fondée sur les recommandations du Comité et de la Déclaration de Vienne des Nations Unies pour faire face à la violence familiale, au harcèlement sexuel, au viol conjugal et à d’autres phénomènes pour protéger les femmes et faire en sorte qu’elles déclarent de tels faits.

Mme Tavares da Silva, après avoir félicité le Gouvernement tunisien d’avoir fait apporter des modifications législatives pour alourdir les peines contre la violence familiale, fait allusion aux paragraphes 261 et 285 du rapport, qui font état du silence et de la conciliation comme moyens de préserver la cohésion au sein de la famille. Cette façon de penser sous-estime les implications de la violence, aussi l’intervenante met-elle en cause la valeur du silence en cas de voies de fait et le principe selon lequel il faut accorder un plus haut degré de priorité à la protection de la société qu’à celle des femmes contre la violence.

En ce qui a trait à l’article 6, le rapport ne contient aucun renseignement au sujet du trafic des femmes. Or, il ne suffit pas que le Gouvernement signe et ratifie des instruments internationaux, sans élaborer une stratégie nationale visant à réadapter et à soutenir les victimes de la traite et de la prostitution.

Mme Gaspard déclare être impressionnée par l’engagement pris de longue date par les femmes et les hommes tunisiens de lutter pour éliminer la discrimination, aussi félicite-t-elle la Tunisie pour la position unique qu’elle a prise dans le monde arabe afin de promouvoir l’égalité des sexes et les droits de la femme. Toutefois, elle partage les inquiétudes exprimées par d’autres experts au sujet des réserves qui ont été faites par ce pays quant aux articles 2, 15 et 16 et demande s’il est possible de les retirer afin de faire avancer la solution de problèmes comme ceux de l’égalité et des droits de succession. En effet, ces problèmes ont des incidences tant économiques que sur le développement susceptibles d’intéresser aussi bien les hommes que les femmes. Se référant au paragraphe 298 du rapport, elle dit que l’approche adoptée par la Tunisie semble à la fois autoriser et pénaliser la prostitution. Elle demande donc à la délégation de s’expliquer au sujet des activités du Gouvernement destinées à empêcher la prostitution et à réfréner le trafic des femmes.

M. Khemakhem (Tunisie) déclare que l’article 8 de la Constitution tunisienne interdit expressément la création d’un parti politique fondé sur la langue, la religion, le caractère ethnique ou des critères de ce genre. En outre, tous les partis sont tenus de s’engager à rejeter toutes les formes de violence, d’extrémisme ou autres pratiques discriminatoires. De plus, selon les dispositions de la législation nationale, les femmes ont le droit de déposer des plaintes pour discrimination auprès des pouvoir publics. Outre la médiatrice, il y a plusieurs femmes haut placées au sein de l’appareil judiciaire tunisien, et plusieurs mécanismes bien établis destinés à dispenser la justice et à accorder des réparations légales. Il fait ensuite allusion à l’étude exhaustive accomplie sur la violence familiale, dont Mme Ben Romdhane a fait mention précédemment, et donne l’assurance au Comité que son gouvernement prendra toutes les mesures appropriées pour réfréner cette violence.

Quant à l’adoption de mesures de conciliation pour régler les différends familiaux, l’orateur dit que de nombreux pays, notamment européens, estiment que la conciliation est une solution préférable à l’imposition de mesures pénale classiques. À son avis, il faut respecter les victimes de violence familiale et protéger leur bien-être, mais il ne faut pas que les intérêts de la société et de la famille aient préséance sur ceux de la femme. Les politiques et la législation du Gouvernement tunisien à cet égard visent à trouver un équilibre dans l’administration des peines, tout en admettant une certaine tolérance en faveur de la conciliation en cas de consentement et de volonté délibérée des victimes.

La Tunisie a ratifié la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et sa législation nationale contient un certain nombre de dispositions qui font un crime du trafic et de l’exploitation des femmes. Au sujet de la réadaptation des victimes de la prostitution et de la traite, il dit que son gouvernement reconnaît qu’il ne suffit pas de s’appuyer sur les programmes de réadaptation des prisons; la société civile et l’Administration collaborent donc de façon constructive pour soutenir les victimes de cette exploitation. Les organismes non gouvernementaux sont libres de s’opposer au Gouvernement et de formuler des critiques positives lorsque c’est nécessaire.

Mme Ben Romdhane (Tunisie) dit, en réponse à une question posée par Mme Saiga sur le passage des familles du modèle traditionnel au modèle moderne, que, selon des recherches récentes, 21 % seulement des ménages adhèrent à la structure traditionnelle. Un pourcentage plus fort d’entre elles est, de fait, en transition vers un modèle moderne et démocratique selon lequel la famille, guidée par certaines conceptions en matière de droits de l’homme, joue un rôle prépondérant.

Pour ce qui est de l’accès des femmes à des postes de décision, la Tunisie recourt à un système de quotas en ce qui a trait aux postes qui sont attribués à la suite d’élections. Quant au pouvoir de décision des femmes dans l’Administration, d’importants progrès ont été faits ces dernières années : elles étaient 5 % en 1994, et l’on s’attend à ce qu’en 2002 leur pourcentage dépasse celui de 1998, qui était de 14 %. Le Gouvernement a poursuivi une politique consistant à inciter le secteur public à recruter et à promouvoir des femmes dans toute la fonction publique chaque fois que c’était possible.

Passant aux inquiétudes suscitées par le paragraphe 298 du rapport, l’intervenante dit que les activités visant à conscientiser les jeunes femmes qui s’adonnent à la prostitution clandestine sont axées sur des problèmes de santé, surtout à la prévention de l’infection par le VIH/sida et d’autres maladies sexuellement transmissibles.

Mme Zorai (Tunisie) dit, en réponse à la demande de Mme Myakayaka-Manzini relative aux réformes et aux modes de comportement profondément ancrés, que la Tunisie s’est efforcée de mettre au point des politiques efficaces pour éliminer toutes les formes de discrimination. Prenant en considération la base culturelle et religieuse des types de comportement profondément ancrés pour élaborer ses réformes législatives et autres, le Gouvernement tunisien a adopté une approche pour contrer ces comportements afin d’assurer la mise en oeuvre efficace de ses lois.

Mme Ben Yedder (Tunisie) confirme que les femmes tunisiennes sont bien représentées au Gouvernement. Le fait que des portefeuilles qui avaient traditionnellement été réservés à des hommes soient désormais confiés à des femmes constitue une autre preuve de l’évolution des attitudes envers ces dernières.

En ce qui a trait aux structures familiales, les études ont montré qu’entre 47 et 50 % des familles tunisiennes effectuent actuellement une transition vers le modèle moderne. Le Gouvernement est favorable au respect mutuel au sein des familles. Il applique des lois destinées à promouvoir l’égalité et il essaie de modifier des attitudes préalablement discriminatoires.

L’intervenante prend note de la suggestion selon laquelle son gouvernement devrait retirer ses réserves à la Convention et elle donne au Comité l’assurance que la Tunisie a la volonté politique de mettre en oeuvre cet instrument sous tous ses aspects.

La séance est levée à 13 h 5 .