Observations finales concernant le sixième rapport périodique des Seychelles

Le Comité a examiné le sixième rapport périodique des Seychelles (CEDAW/C/SYC/6) à ses 1726e et 1727e séances, le 25 octobre 2019 (voir CEDAW/C/SR.1726 et 1727). La liste de points établie par le groupe de travail d’avant-session figure dans le document CEDAW/C/SYC/Q/6 et les réponses des Seychelles dans le document CEDAW/C/SYC/Q/6/Add.1.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le sixième rapport périodique de l’État partie mais regrette que ce rapport ait été soumis avec cinq ans de retard. Il remercie l’État partie des renseignements reçus au sujet de la suite donnée à ses précédentes observations finales (CEDAW/C/SYC/CO/1-5/Add.1), des réponses écrites apportées à la liste de points et des questions concernant le sixième rapport périodique, complétées oralement par la délégation, et des éclaircissements complémentaires donnés en réponse aux questions orales posées par le Comité pendant le dialogue.

Le Comité remercie l’État partie d’avoir envoyé une délégation de haut niveau, conduite par la Ministre des affaires familiales, Mitcy Larue, et composée de représentants du Ministère de l’emploi ainsi que de la Mission permanente des Seychelles auprès de l’Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève.

B.Aspects positifs

Le Comité salue les progrès accomplis depuis l’examen en 2013 du rapport valant premier à cinquième rapports périodiques de l’État partie (CEDAW/C/SYC/1‑5) dans la mise en œuvre de réformes législatives, en particulier :

a)l’adoption de la loi portant création de la Commission des droits de l’homme des Seychelles, en 2018 ;

* Adoptées par le Comité à sa soixante-quatorzième session (21 octobre - 8 novembre 2019) .

b)l’adoption des modifications de la loi relative à l’emploi, qui visent à porter la durée du congé de maternité à 16 semaines et celle du congé de paternité à 10 jours, en 2018 ;

c)l’abrogation des paragraphes a) et c) de l’article 151 du Code pénal, qui interdisaient les rapports sexuels contre nature, en 2016 ;

d)l’adoption de la loi relative à l’interdiction de la traite d’êtres humains, en 2014.

Le Comité se félicite de l’action menée par l’État partie pour améliorer son cadre institutionnel et normatif en vue d’accélérer l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et de promouvoir l’égalité des genres, en particulier :

a)l’adoption du Plan d’action national pour l’égalité des sexes pour la période 2019‑2023, en 2019 ;

b)l’adoption de la politique relative à la santé sexuelle et procréative des adolescents, en 2018 ;

c)la réalisation de l’enquête sur la violence fondée sur le genre et les relations femmes‑hommes sous la houlette du Département des affaires sociales, en collaboration avec le Bureau national des statistiques et l’organisation non gouvernementale sud‑africaine Gender Links, en 2016 ;

d)l’adoption de la Politique nationale d’égalité des sexes dans tous les domaines, en 2016 ;

e)la mise en place d’un dispositif d’aiguillage des victimes de la traite et d’un manuel de procédure opérationnelle standard, en 2015 ;

f)l’adoption du Plan national d’action et du Cadre stratégique de lutte contre la traite d’êtres humains pour la période 2014-2015 et la création du Comité national de coordination de la lutte contre la traite d’êtres humains, en 2014 ;

g)l’adoption de la Politique nationale de l’emploi, qui vise à promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes en matière d’emploi, en 2014.

Le Comité note avec satisfaction que, depuis l’examen des rapports précédents, l’État partie a adhéré à la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, en 2017.

C.Objectifs de développement durable

Le Comité se félicite de l’appui apporté par la communauté internationale aux objectifs de développement durable et invite l’État partie à réaliser l’égalité de jure (dans la loi) et de facto (effective) des femmes et des hommes, conformément aux dispositions de la Convention, dans tous les aspects de la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Il souligne l’importance de l’objectif 5 et de la prise en compte systématique des principes d’égalité et de non-discrimination dans la réalisation des 17 objectifs et exhorte l’État partie à reconnaître que les femmes sont la force motrice de son développement durable et à adopter des politiques et des stratégies à cet effet.

D.Parlement

Le Comité souligne le rôle essentiel du pouvoir législatif s’agissant de garantir la pleine mise en œuvre de la Convention (voir A/65/38 , deuxième partie, annexe VI). Il invite l’Assemblée nationale, dans le cadre de son mandat, à prendre les mesures nécessaires en vue de mettre en œuvre les présentes observations finales avant la soumission du prochain rapport périodique, en application de la Convention.

E.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Définition de la discrimination à l’égard des femmes

Le Comité constate que des modifications ont été apportées à la définition de la discrimination à l’égard des femmes dans la législation pertinente. Toutefois, il reste préoccupé par l’absence d’une définition complète de la discrimination à l’égard des femmes, qui soit conforme à l’article premier de la Convention.

Le Comité, eu égard à l’article premier et à l’article 2 de la Convention et à sa recommandation générale n o 28 (2010) concernant les obligations fondamentales des États parties découlant de l’article 2 de la Convention, recommande à l’État partie :

a) d’inscrire sans délai une définition complète de la discrimination à l’égard des femmes dans sa Constitution, qui couvre tous les motifs de discrimination interdits sur le plan international et qui vise la discrimination tant directe qu’indirecte, dans l’espace public comme dans la sphère privée, ainsi que les formes croisées de discrimination à l’égard des femmes ;

b) de faire en sorte que la législation interdisant la discrimination prévoie des mécanismes d’application efficaces et des sanctions appropriées.

Cadre législatif et institutionnel

Le Comité constate avec satisfaction que l’État partie a adopté un plan d’action national pour l’égalité des sexes pour la période 2019-2023, qui fixe pour objectif l’examen et la modification de toutes les lois discriminatoires d’ici à 2021 et l’organisation périodique d’ateliers de formation sur la question à l’intention des magistrats, des procureurs et des agents de la force publique. Cependant, il est préoccupé par le fait que la Convention n’a pas encore été pleinement incorporée dans le droit interne de l’État partie.

Le Comité recommande à l’État partie d’incorporer pleinement les dispositions de la Convention dans sa législation interne et de veiller à ce que les femmes et la société civile soient consultées dans le cadre de l’examen visant à abroger toutes les lois discriminatoires.

Visibilité de la Convention

Le Comité se félicite du fait que la Convention a été traduite en créole mais constate avec préoccupation que la Convention, ainsi que ses observations finales et recommandations générales, sont mal connues du grand public et des professionnels du droit de l’État partie, que ceux-ci y sont peu sensibilisés et qu’il n’y a pas d’exemples de cas où la Convention a été invoquée devant les tribunaux.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) de s’employer, en collaboration avec les médias et la société civile, à faire mieux connaître la Convention, en mettant l’accent sur la notion d’égalité réelle ;

b) d’améliorer les programmes de formation juridique et de renforcement des capacités des juges, des procureurs, des avocats et d’autres professionnels du droit et de veiller à ce que la Convention, le Protocole facultatif, les recommandations générales du Comité et les constatations du Comité sur les communications individuelles et les enquêtes fassent partie intégrante des programmes de formation à ces métiers, afin que les professionnels concernés puissent directement appliquer et invoquer les dispositions de la Convention ou s’y référer et interpréter la législation nationale à la lumière de cet instrument.

Accès à la justice

Le Comité se félicite des efforts déployés par l’État partie pour améliorer l’accès des femmes et des filles à la justice, notamment par la création d’un tribunal de la famille et la délivrance d’ordonnances de protection en vertu de la loi sur la violence familiale. Cependant, il demeure préoccupé par le fait que les femmes et les filles connaissent mal leurs droits, par les obstacles physiques et financiers qu’elles rencontrent pour accéder aux tribunaux et par le sous‑signalement des cas de violence à l’égard des femmes fondée sur le genre.

Le Comité rappelle sa recommandation générale n o 33 (2015) sur l’accès des femmes à la justice et recommande à l’État partie :

a) de redoubler d’efforts pour remédier aux obstacles physiques et financiers qui entravent l’accès des femmes et des filles à la justice, en investissant dans les technologies de l’information et des communications modernes et leur accessibilité en vue de sensibiliser davantage les femmes et les filles à leurs droits et aux recours qui leur sont ouverts et en faisant appel aux médias, à la messagerie textuelle et à d’autres canaux de communication, y compris en coopération avec les organisations de la société civile et les associations de femmes locales ;

b) de renforcer le système judiciaire, notamment en y affectant des ressources humaines, techniques et financières suffisantes et en menant régulièrement des activités de renforcement des capacités des juges, des procureurs, des avocats, des policiers et des autres agents des forces de l’ordre en matière de droits des femmes et d’égalité des genres.

Mécanisme national de promotion des femmes

Le Comité félicite l’État partie d’avoir adopté un plan d’action national pour l’égalité des sexes pour la période 2019-2023, qui définit des objectifs et des cibles en vue de suivre les progrès accomplis en matière d’égalité réelle des femmes et des hommes et d’accélérer le rythme auxquels ces progrès sont réalisés, et d’avoir nommé l’Équipe nationale de gestion des activités relatives à l’égalité des sexes comme agent de coordination pour la Convention. Toutefois, il relève avec préoccupation que le Secrétariat à l’égalité des sexes, qui s’emploie à promouvoir la mise en œuvre de la Convention et la prise en compte des questions de genre dans tous les secteurs, manque de ressources humaines, techniques et financières.

Le Comité recommande à l’État partie d’allouer des ressources humaines, techniques et financières suffisantes au Secrétariat à l’égalité des sexes en vue de mettre en œuvre efficacement la Convention et la politique nationale pertinente, et de renforcer la collaboration avec les partenaires des secteurs public et privé ainsi qu’avec la société civile.

Institution nationale pour la promotion et la protection des droits de l’homme

Le Comité accueille avec satisfaction l’établissement de la Commission seychelloise des droits de l’homme, en 2018, et le fait que celle-ci a demandé son accréditation auprès de l’Alliance globale des institutions nationales des droits de l’homme. Il s’inquiète, cependant, de ce que la Commission ne soit pas encore conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris) et que les questions de l’autonomisation des femmes et de l’égalité des genres n’entrent pas encore dans le champ de son mandat.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) de garantir l’indépendance de la Commission seychelloise des droits de l’homme, conformément aux Principes de Paris, et de la doter d’un mandat l’habilitant expressément à promouvoir et à protéger les droits des femmes ;

b) d’allouer à la Commission des ressources humaines, techniques et financières suffisantes pour lui permettre de surveiller efficacement le respect des droits des femmes et d’assurer la promotion et la protection de ces droits.

Mesures temporaires spéciales

Le Comité note avec préoccupation que la nature des mesures temporaires spéciales et l’importance de celles-ci pour accélérer l’instauration de l’égalité réelle entre les femmes et les hommes sont mal comprises dans l’État partie, et qu’il n’y a pas de stratégie pour formuler, adopter et appliquer de telles mesures.

Eu égard au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention, et rappelant sa recommandation générale n o 25 (2004) sur les mesures temporaires spéciales, le Comité rappelle la recommandation qu’il a faite précédemment (CEDAW/C/SYC/CO/1-5, par. 19) et recommande de nouveau à l’État partie :

a) d’adopter des mesures temporaires spéciales, comprenant l’instauration de quotas légaux de représentation des femmes, afin de parvenir à l’égalité réelle entre les femmes et les hommes aux niveaux tant national que local ;

b) d’intensifier ses efforts visant à sensibiliser les fonctionnaires, les parlementaires, les employeurs et le grand public au fait que les mesures temporaires spéciales ne sont pas discriminatoires et à l’importance de celles ‑ci pour instaurer l’égalité réelle entre les femmes et les hommes dans tous les domaines où les femmes sont sous-représentées ou défavorisées, notamment au Parlement et dans le service diplomatique ;

c) Instaure un quota minimum de 30 % de femmes au Parlement.

Stéréotypes liés au genre et pratiques préjudiciables

Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption d’un plan d’action national pour l’égalité des sexes pour la période 2019-2023, qui porte sur l’égalité des genres dans tous les domaines, notamment sur les stéréotypes discriminatoires liés au genre dans l’éducation et sur la prise en compte des questions de genre dans les médias et dans la législation. Cependant, il est préoccupé par la persistance de stéréotypes discriminatoires liés au genre et de comportements patriarcaux concernant les rôles et responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et dans la société, qui peuvent attiser la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre, en particulier la violence familiale.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) de mettre en œuvre les mesures prévues par le Plan d’action national pour l’égalité des sexes pour la période 2019-2023, d’en suivre l’application et de les revoir régulièrement ;

b) de promouvoir le dialogue au sein de la population afin de favoriser une bonne compréhension des effets négatifs des stéréotypes sexistes discriminatoires, de favoriser et d’accélérer les changements sociétaux nécessaires et de créer des conditions propices à l’égalité des sexes.

Violence à l’égard des femmes fondée sur le genre

Le Comité félicite l’État partie d’avoir soumis à l’Assemblée nationale son projet de loi relatif à la violence familiale, comme il avait annoncé qu’il le ferait au cours du dialogue, d’y avoir inclus l’infraction de viol conjugal et d’avoir annoncé la construction d’un centre à guichet unique pour les femmes et les filles victimes de violence fondée sur le genre. Il accueille également avec satisfaction l’étude pilote sur les coûts économiques de la violence fondée sur le genre et les modifications qu’il est proposé d’apporter à la loi relative à l’enfance en vue d’interdire le recours aux châtiments corporels contre les filles et les garçons et d’éliminer les passages autorisant les parents à infliger des châtiments raisonnables. Le Comité constate néanmoins avec préoccupation que le nombre de cas de violence fondée sur le genre dans l’État partie continue d’être parmi les plus élevés de la région et que les coûts estimés de la violence à l’égard des femmes et des filles fondée sur le genre représentent 1,2 % du produit intérieur brut de l’État partie. Il prend également note avec préoccupation du sous-signalement des cas de violence à l’égard des femmes fondée sur le genre et du caractère limité des services d’aide aux femmes victimes de violence fondée sur le genre, y compris en matière de centres d’hébergement adaptés.

Le Comité rappelle sa recommandation générale n o 35 (2017) sur la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre, portant actualisation de sa recommandation générale n o  19, et recommande à l’État partie :

a) d’adopter rapidement le projet de loi relative à la violence familiale et des dispositions législatives incriminant d’autres formes de violence fondée sur le genre, y compris le harcèlement sexuel, et de dispenser une formation spécialisée aux juges, aux procureurs, aux avocats, aux policiers et aux autres agents de la force publique, ainsi qu’au personnel de santé, aux travailleurs sociaux et aux acteurs non étatiques, sur des protocoles de prise en charge des femmes et des filles victimes de violence fondée sur le genre adaptés aux besoins de celles-ci et fondés sur le principe de la confidentialité ;

b) de mettre à jour sa stratégie de lutte contre la violence fondée sur le genre afin de lutter contre toutes les formes de violence à l’égard des femmes fondée sur le genre et d’adopter un nouveau plan d’action national de lutte contre la violence fondée sur le genre et d’y affecter des fonds suffisants ;

c) de fournir un appui aux victimes et aux survivantes de violence fondée sur le genre, y compris de violence familiale, et de veiller à ce qu’elles aient un accès suffisant à des centres d’hébergement et à des services de soutien, et, à cette fin, de créer des centres d’hébergement publics, accessibles et dotés de ressources suffisantes et de soutenir les organisations de la société civile qui assurent le fonctionnement de centres d’hébergement et qui fournissent un appui aux victimes ;

d) de veiller à ce que les auteurs de toute forme de violence à l’égard d’une femme fondée sur le genre soient poursuivis et punis comme il se doit.

Traite des êtres humains et exploitation de la prostitution

Le Comité prend note avec satisfaction de l’adoption de la loi sur l’interdiction de la traite des êtres humains (2014) et de la création du Comité national de coordination de la lutte contre la traite d’êtres humains. Néanmoins, il note avec une vive préoccupation que le repérage des victimes est inefficace, en particulier dans les cas de traite des femmes et des filles à des fins d’exploitation sexuelle et en ce qui concerne les travailleuses migrantes, dont les employées de maison.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) de mettre en place un mécanisme adéquat, doté de ressources suffisantes, ainsi que d’outils et de protocoles permettant de repérer rapidement les victimes de la traite et de les aiguiller vers les services compétents ;

b) de mettre en place, à l’intention des juges, des procureurs, des agents de police, des agents de l’immigration, des agents de la police des frontières et des avocats, ainsi que des inspecteurs du travail, des inspecteurs de la santé et des travailleurs sociaux, des programmes de formation sur le rôle qui est le leur de prévenir et de combattre la traite des femmes et des filles ;

c) de renforcer les compétences des organisations de la société civile en matière d’aide aux victimes de la traite et de renforcer les capacités des médias de rendre compte de la traite des êtres humains d’une manière qui tienne compte des questions de genre ;

d) de réaliser un état des lieux au niveau national afin de recueillir des données sur les tendances, les formes et les manifestations de la traite, et ses causes et conséquences.

Le Comité note que, selon le Code pénal, le racolage et l’exploitation de la prostitution sont érigés en infraction pénale et se déclare préoccupé par le fait que les dispositions relatives aux femmes qui pratiquent la prostitution utilisent un langage dénigrant. Il est préoccupé par le manque d’informations sur le lien entre l’ampleur du phénomène de la traite des femmes et des filles et l’augmentation du tourisme sexuel dans l’État partie. Il est également préoccupé par l’absence de programmes visant à aider les femmes qui le souhaitent à sortir de la prostitution et à exercer d’autres types d’activités rémunératrices.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) de modifier l’article 154 du Code pénal afin d’exonérer les femmes et les filles prostituées de toute responsabilité pénale pour les actes de prostitution et d’abroger les articles 138 a) et b) et 139 b), qui utilisent un langage dénigrant ;

b) d’entreprendre une étude sur le lien entre la traite des femmes et des filles et le développement du tourisme sexuel dans l’État partie ;

c) de proposer des programmes visant à aider les femmes qui le souhaitent à sortir de la prostitution et à exercer d’autres types d’activités rémunératrices, ainsi que des services de protection et de réinsertion adaptés pour les femmes et les filles victimes de l’exploitation de la prostitution.

Participation à la vie politique et publique

Le Comité accueille avec satisfaction la représentation accrue des femmes dans la haute fonction publique de l’État partie, en particulier au Conseil des ministres, où cinq des 10 ministres sont des femmes, et le fait que les fonctions de Ministre responsable, de Président de la Cour suprême et de Gouverneur de la Banque centrale sont occupés par des femmes. Il demeure toutefois préoccupé par le fait que les femmes demeurent sous‑représentées dans la vie politique au niveau de la prise de décisions, notamment au Parlement, dans le service diplomatique de l’État partie et aux postes de direction des universités.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) d’adopter des mesures temporaires spéciales, y compris un système de quota et de nombre minimal de sièges réservés aux femmes, pour assurer la parité femmes-hommes dans les postes pourvus par élection ou par désignation ;

b) de sensibiliser les responsables politiques, les dirigeants communautaires, les médias et le grand public au fait que la participation pleine, libre et démocratique des femmes, dans des conditions d’égalité avec les hommes, à la vie politique et publique est indispensable à la pleine réalisation de leurs droits fondamentaux ;

c) de renforcer les capacités des femmes candidates pour les préparer à l’exercice des responsabilités, à la négociation et aux campagnes politiques, y compris en sollicitant l’assistance technique d’organismes internationaux, en particulier l’Union interparlementaire, afin qu’elles aient les mêmes chances que les hommes en politique, et d’offrir des mesures d’incitation aux partis politiques qui présentent les candidatures de femmes aux élections.

Éducation

Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour améliorer l’éducation des femmes et des filles dans le domaine de la santé sexuelle et procréative et des droits qui s’y rapportent, dans le cadre duprogramme d’initiation à l’épanouissement personnel, à la vie sociale et au civisme qui est dispensé dans les écoles secondaires et primaires. Il salue également l’annonce faite durant le dialogue de la création d’une nouvelle école technique en 2021. Il est toutefois préoccupé par :

a)la concentration des femmes et des filles dans des domaines d’études traditionnellement dominés par les femmes et leur sous-représentation dans les domaines des sciences, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques aux niveaux secondaire et supérieur ;

b)l’absence de données, ventilées par âge et autres facteurs pertinents, sur le taux d’abandon scolaire parmi les filles enceintes et le taux de rescolarisation après l’accouchement.

À la lumière de sa recommandation générale n o 36 (2017) sur le droit des filles et des femmes à l’éducation, le Comité recommande à l’État partie :

a) de s’attaquer aux stéréotypes de genre et aux obstacles structurels qui peuvent dissuader les filles de s’inscrire dans des domaines d’études traditionnellement dominés par les hommes, et de prendre les mesures nécessaires, y compris l’octroi de bourses et d’autres mesures d’incitation, pour encourager les filles à choisir des disciplines non traditionnelles, y compris les sciences, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques ;

b) de veiller à ce que les filles enceintes et les jeunes mères soient effectivement gardées et réintégrées dans le système scolaire, y compris en réexaminant la politique relative à la grossesse chez les adolescentes afin d’intégrer un soutien éducatif extrascolaire pour ces jeunes mères ;

c) de faire figurer dans son prochain rapport périodique des données ventilées par âge et autres facteurs pertinents sur le taux d’abandon scolaire imputable aux grossesses précoces chez les adolescentes et les jeunes femmes et sur le taux de rescolarisation après l’accouchement.

Emploi

Le Comité accueille favorablement les modifications apportées à la loi sur l’emploi, qui visent à porter la durée du congé de maternité à seize semaines et du congé de paternité à dix jours, ainsi que l’annonce faite par la délégation de l’État partie au cours du dialogue concernant la présentation d’un nouveau projet de loi sur l’emploi à l’Assemblée nationale en 2020, qui portera sur la discrimination et le harcèlement au travail et contiendra des dispositions visant à garantir l’application aux hommes et aux femmes du principe du salaire égal pour un travail d’une valeur égale. Le Comité demeure toutefois préoccupé par le fait que les femmes sont souvent en butte à la ségrégation professionnelle et à l’inégalité de rémunération et que la performance élevée des filles dans le domaine de l’éducation ne se traduise pas par des débouchés professionnels, en particulier dans le secteur privé. Il est en outre préoccupé par l’absence de mesures visant à favoriser la participation des femmes handicapées au monde du travail.

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter et de mettre en œuvre des politiques visant à éliminer la ségrégation professionnelle et à réaliser l’égalité réelle des femmes et des hommes sur le marché du travail, telles que des mesures d’incitation à l’embauche ou des subventions salariales, afin d’encourager les femmes à choisir des parcours professionnels non traditionnels, et d’éliminer la ségrégation professionnelle horizontale et verticale. Il lui recommande également d’élaborer des politiques nationales visant à garantir que la progression des filles dans le domaine de l’éducation se traduise par une amélioration de leurs perspectives professionnelles. Il recommande en outre que des mesures soient prises, par exemple un système de quota, pour promouvoir l’intégration des femmes handicapées dans l’emploi dans les secteurs public et privé.

Avantages économiques et sociaux

Le Comité accueille favorablement l’octroi de prêts aux petites et moyennes entreprises par la Banque de développement des Seychelles. Il observe toutefois que les femmes continuent de se heurter à des obstacles factuels pour ce qui est de l’accès aux prêts et aux autres formes de crédit financier et qu’elles restent dominantes dans l’industrie artisanale et dans l’industrie à domicile.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) d’élaborer une stratégie volontariste visant à promouvoir le passage des femmes des microentreprises aux moyennes et grandes entreprises ;

b) de promouvoir l’accès des femmes aux prêts et aux autres formes de crédit financier, y compris les fonds d’amorçage, les systèmes de garantie et l’éducation financière, et promouvoir la création et le développement des petites entreprises ;

c) d’élaborer une politique nationale sur la base de la Déclaration conjointe sur le commerce et l’autonomisation économique des femmes dans le contexte de l’Accord portant création de la Zone de libre ‑échange continentale africaine.

Santé

Le Comité prend note de la loi sur l’interruption de grossesse (1994), qui autorise l’interruption de grossesse en cas notamment de viol, d’inceste, de viol sur mineure, de troubles mentaux ou de menaces pour la vie ou la santé de la femme enceinte et de grave malformation fœtale. Il relève que le Conseil des ministres a approuvé une politique relative à la santé sexuelle et procréative des adolescents, que l’État partie revoit actuellement sa politique nationale de santé procréative avec l’appui de l’Organisation internationale du Travail et que les méthodes contraceptives modernes sont disponibles gratuitement dans tous les centres de santé. Il est toutefois préoccupé de constater que :

a)l’État partie n’a adopté aucune politique nationale sur la santé sexuelle et procréative ;

b)les filles âgées de 16 à 18 ans ont besoin du consentement parental pour se procurer des contraceptifs ou faire un test de dépistage du VIH, ce qui contribue aux grossesses précoces ;

c)le Conseil du Ministère de la santé a rejeté 33,8 % des demandes d’interruption de grossesse présentées par des femmes en 2016 et 34,1 % des demandes présentées en 2017 ;

d)le nombre de bébés nés avec un syndrome de sevrage néonatal est élevé chez les mères héroïnomanes ;

e)le taux de suicide reste élevé chez les femmes.

Conformément à sa recommandation générale n o 24 (1999) sur les femmes et la santé, le Comité recommande à l’État partie :

a) d’accélérer l’adoption de la Politique nationale relative à la santé sexuelle et procréative ainsi que du Plan d’action relatif à la santé procréative et d’établir un organe permanent chargé de coordonner et de suivre leur application ;

b) de veiller à ce que les adolescents aient accès en toute confidentialité aux contraceptifs modernes et à l’information sur la santé sexuelle et procréative et sur les droits qui s’y rapportent, et d’éliminer les stéréotypes liés au genre et les comportements discriminatoires en ce qui concerne la sexualité des femmes et des filles ;

c) d’abroger les articles 147 à 149 du Code pénal en vue de dépénaliser l’avortement dans tous les cas, et de garantir l’accès à des services d’avortement sans risques et à des soins en cas d’avortement ;

d) de mettre à disposition des ressources humaines, des infrastructures et des cours de formation qui permettront d’offrir une meilleure prise en charge des mères héroïnomanes et d’aider ces dernières à se libérer de leur dépendance à la drogue ;

e) d’entreprendre une étude sur les causes profondes du taux élevé de suicide chez les femmes.

Groupes défavorisés de femmes

Le Comité est préoccupé par l’insuffisance des informations sur la situation des femmes qui font face à des formes croisées de discrimination, dont les femmes chefs de famille, les femmes handicapées et les femmes âgées.

Le Comité recommande à l’État partie de fournir, dans son prochain rapport périodique, des informations sur les femmes qui font face à des formes croisées de discrimination, dont les femmes et les filles handicapées, les femmes chefs de famille et les femmes âgées, et sur les mesures prises pour surmonter les obstacles auxquels elles se heurtent.

Lesbiennes, bisexuelles et femmes transgenres

Le Comité prend note de la dépénalisation des relations homosexuelles entre personnes consentantes. Il est toutefois préoccupé par les actes de violence fondée sur le genre et par la discrimination sociale persistante contre les lesbiennes, les bisexuelles et les femmes transgenres.

Le Comité recommande à l’État partie d’apporter à la législation les modifications nécessaires et d’appliquer une politique visant à éliminer la discrimination et la violence fondées sur le genre contre les lesbiennes, les bisexuelles et les femmes transsexuelles, y compris en poursuivant et en punissant comme il convient les responsables, et de mener des activités de sensibilisation pour faire disparaître la stigmatisation sociale dont ces femmes sont victimes.

Réduction des risques de catastrophe et changements climatiques

Le Comité prend note des mesures prises par l’État partie, notamment l’adoption de la loi relative à la gestion des risques de catastrophe en 2014 et la création du Comité national d’évaluation des vulnérabilités, pour remédier aux effets néfastes des changements climatiques et des catastrophes sur l’exercice des droits des femmes dans l’État partie. Néanmoins, il s’inquiète de ce que les politiques et programmes en matière de lutte contre les changements climatiques, d’intervention en cas de catastrophe et de réduction des risques de catastrophe ne prennent pas suffisamment en compte les questions de genre.

Conformément à sa recommandation générale n o 37 (2018) relative aux aspects liés au genre de la réduction des risques de catastrophe dans le contexte des changements climatiques, le Comité recommande à l’État partie de prendre en compte les questions de genre dans les politiques et programmes nationaux en matière de lutte contre les changements climatiques, d’intervention en cas de catastrophe et de réduction des risques de catastrophe, de sorte que les besoins et les préoccupations des femmes soient pleinement pris en considération afin que les femmes participent à l’élaboration et à l’exécution de ces politiques et programmes. Il lui recommande également d’évaluer l’incidence de ces politiques et programmes sur les droits des femmes et sur leur bien ‑être général.

Mariage et relations familiales

Le Comité a pris connaissance avec intérêt, au cours du dialogue, de la nouvelle selon laquelle le projet de loi relative au Code civil des Seychelles, qui est à l’examen depuis longtemps et qui notamment porterait l’âge minimum légal du mariage à 18 ans pour les filles et les garçons, a été présenté à l’Assemblée nationale. Il est toutefois préoccupé par le fait que le projet de loi ne prévoit aucune disposition visant à protéger les droits successoraux des femmes non mariées et de leurs enfants.

Dans le cadre de la révision en cours du Code civil, le Comité recommande à l’État partie :

a) de prévoir, dans le projet de loi relative au Code civil des Seychelles, des dispositions visant à protéger les droits successoraux des femmes non mariées et de leurs enfants à la mort de leur partenaire ou de leur père, selon le cas ;

b) de veiller à ce que la version révisée du projet de loi relative au Code civil des Seychelles soit adopté et appliqué dans les meilleurs délais.

Modification du paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention

Le Comité invite l’État partie à accepter dans les meilleurs délais la modification apportée au paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention concernant le temps de réunion du Comité.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité invite l’État partie à s’appuyer sur la Déclaration et le Programme d’action de Beijing et de poursuivre l’évaluation du respect des droits consacrés par la Convention dans le cadre de l’examen, après 25 ans, de la mise en œuvre de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing afin de parvenir à l’égalité effective des femmes et des hommes.

Diffusion

Le Comité prie l’État partie de veiller à diffuser rapidement les présentes observations finales, dans les langues officielles de l’État partie, aux institutions publiques concernées à tous les niveaux (national, régional et local), en particulier au Gouvernement, aux ministères, au Parlement et au corps judiciaire, afin d’en permettre la pleine application.

Suite donnée aux observations finales

Le Comité prie l’État partie de lui communiquer par écrit, dans un délai de deux ans, des informations sur les mesures qu’il aura prises pour appliquer les recommandations énoncées aux paragraphes 18, 28 a) et 40 a) ci ‑dessus.

Établissement du prochain rapport

Le Comité invite l’État partie à soumettre son septième rapport périodique en novembre 2023. Le rapport devra être présenté dans les délais et couvrir toute la période écoulée, jusqu’à la dat e à laquelle il sera soumis.

Le Comité invite l’État partie à se conformer aux directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, dont le document de base commun et les rapports correspondant à chaque instrument (voir HRI/GEN/2/Rev.6, chap. I).