Observations finales concernant le rapport valant quatrième à sixième rapports périodiques du Suriname *

Le Comité a examiné le rapport valant quatrième à sixième rapports périodiques du Suriname (CEDAW/C/SUR/4-6) à ses 1584e et 1585e séances, le 28 février 2018 (voir CEDAW/C/SR.1584 et 1585). La liste des points et questions soulevés par le Comité figure dans le document CEDAW/C/SUR/Q/4-6 et les réponses du Suriname dans le document CEDAW/C/SUR/Q/4-6/Add.1.

A.Introduction

Le Comité se félicite que l’État partie ait soumis son rapport valant quatrième à sixième rapports périodiques, tout en déplorant cependant qu’il l’ait fait avec huit ans de retard. Il le remercie de ses réponses écrites à la liste de points et de questions soulevés par le groupe de travail d’avant session et salue la présentation orale de la délégation et les éclaircissements supplémentaires donnés en réponse aux questions posées oralement par le Comité durant le dialogue. Le Comité regrette toutefois que la délégation n’ait pas été en mesure de fournir de réponses à un grand nombre des questions soulevées et que certaines des réponses fournies n’aient pas été suffisamment claires ou précises.

Le Comité félicite l’État partie de la composition multisectorielle de sa délégation, qui était dirigée par le Conseiller pour les politiques du Ministère de l’intérieur, Mohamed Nasier Eskak, et composée de représentants du Ministère de l’intérieur, du Ministère des affaires étrangères, du Ministère de la justice et de la police et du Ministère de la santé, dont quatre ont participé au dialogue par visioconférence depuis Paramaribo. Toutefois, le Comité déplore vivement que les responsables de haut niveau de l’État partie n’aient pas participé au dialogue avec le Comité.

B.Points positifs

Le Comité salue les progrès accomplis, depuis l’examen en 2007 du troisième rapport périodique de l’État partie (CEDAW/C/SUR/3), dans le domaine de la réforme législative, en particulier l’adoption des textes suivants :

a)Les lois portant modification du Code pénal, qui : définissent la notion de discrimination et ajoutent l’orientation sexuelle et l’identité de genre aux motifs de discrimination interdits ; interdisent la traite et élargissent la définition de celle-ci ; incriminent le viol conjugal, la violence obstétrique et les coups et blessures ayant entraîné la mort (fémicide) ; ont levé, en 2015 et 2009, les restrictions relatives à l’accès des adolescents à l’information en matière de vie sexuelle et aux contraceptifs ;

b)La modification apportée en 2014 à la loi de 1975 relative à la réglementation de la nationalité surinamaise et du permis de résidence, supprimant les dispositions discriminatoires ayant trait à l’acquisition et à la perte de la nationalité dans le cadre du mariage et du divorce ;

c)Les lois relatives aux prestations du régime national de retraite, au salaire horaire minimum et à l’assurance santé nationale de base (portant création d’un système national de sécurité sociale) promulguées en 2014, qui favorisent l’émancipation économique des femmes, en particulier des femmes chefs de famille, et améliorent leur accès aux soins de santé ;

d)La loi de 2012 sur le harcèlement criminel, qui interdit le harcèlement et autorise le ministère public à prendre des mesures préventives pour protéger les victimes éventuelles ;

e)La loi de 2009 sur la lutte contre la violence domestique (contenant des dispositions pénales), qui définit la violence familiale et prévoit la possibilité pour les victimes de violence familiale de demander des ordonnances de protection.

Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour améliorer son cadre institutionnel et politique en vue d’accélérer l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et de promouvoir l’égalité des sexes, notamment l’adoption ou la mise en place de ce qui suit :

a)Le Plan national de développement 2017-2021, selon lequel tous les projets élaborés par le Gouvernement doivent prévoir un volet consacré à la prise en compte de la problématique femmes-hommes ;

b)La Stratégie nationale et le Plan d’action national de lutte contre la traite des personnes, mis en place en 2014, qui comportent notamment des stratégies ciblant les femmes et les enfants vivant en zones rurales ;

c)Le Plan de travail en faveur de l’égalité des sexes, mis sur pied en 2013 et dont l’objet est d’améliorer la situation des femmes dans les domaines de la prise de décisions, de l’éducation, de la santé, du travail, des revenus, de la pauvreté et de la violence ;

d)Le Comité directeur national sur la violence domestique et la Plateforme nationale sur la violence domestique, mis en place en 2008 et 2010, respectivement.

Le Comité félicite l’État partie d’avoir, au cours de la période qui s’est écoulée depuis l’examen du précédent rapport, ratifié les instruments internationaux suivants, ou d’y avoir adhéré :

a)La Convention relative aux droits des personnes handicapées, en 2017 ;

b)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, en 2012 ;

c)La Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et les Protocoles additionnels y relatifs, en 2007.

C.Parlement

Le Comité souligne le rôle essentiel du pouvoir législatif dans la pleine application de la Convention (voir la Déclaration sur les liens entre le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et les parlementaires, adoptée à sa quarante-cinquième session, en 2010). Il invite l’Assemblée nationale à prendre, conformément à son mandat, les mesures nécessaires concernant la mise en œuvre des présentes observations finales, d’ici à la soumission du prochain rapport.

D.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Visibilité de la Convention

Le Comité note que la Convention, après avoir été ratifiée, a été inscrite à la législation nationale, au titre de l’article 106 de la Constitution. Le Comité est toutefois préoccupé par la faible mise en œuvre pratique des dispositions de la Convention, notant en effet qu’elle n’a jamais été invoquée directement devant les tribunaux nationaux. Il regrette également que les décideurs aient si peu conscience de l’importance des droits des femmes et de l’égalité des sexes.

Le Comité recommande à l ’ État partie de renforcer les capacités des juges, des procureurs et des avocats eu égard à la Convention, à son applicabilité directe et au concept d ’ égalité réelle. Il recommande en outre à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour sensibiliser les femmes à l ’ importance de leurs droits fondamentaux et de l ’ égalité des sexes ainsi qu’à l ’ ampleur de la discrimination dont elles sont victimes du fait de leur sexe, en particulier les femmes rurales, les femmes Marrons et les femmes autochtones.

Cadre législatif et définition de la discrimination

Le Comité a conscience que l’État partie est composé d’une diversité de cultures et d’ethnies ainsi que de différentes populations autochtones et tribales. S’il prend note de la position de l’État partie selon laquelle l’article 8 de sa Constitution garantit suffisamment une égalité réelle entre les femmes et les hommes, il reste préoccupé par le fait que ni la Constitution ni la législation nationale ne comportent de définition de la discrimination à l’égard des femmes au sens de l’article premier de la Convention, qui couvre la discrimination directe et indirecte dans les sphères publique et privée et la reconnaissance des formes croisées de discrimination. Il demeure également préoccupé par le fait que les groupes de femmes défavorisées, notamment les femmes rurales, les femmes Marrons et les femmes autochtones, ainsi que les femmes handicapées, les lesbiennes, les femmes bisexuelles et transgenres et les personnes intersexuées, continuent d’être victimes de formes croisées de discrimination et de violations de leurs droits fondamentaux. Il déplore en outre le manque de volonté politique de la part des décideurs s’agissant de l’adoption, à titre prioritaire, de dispositions juridiques visant à protéger les droits des femmes et constate que le projet de loi sur l’égalité de traitement des hommes et des femmes, le projet de loi sur le travail et les dispositions prévoyant la création d’un mécanisme d’examen des plaintes relatives à la discrimination sexiste sont en attente depuis 2002.

Le Comité recommande à l’État partie  :

a) D ’ adopter le projet de loi sur la création d ’ une cour constitutionnelle indépendante qui soit investie du pouvoir d ’ examiner la conformité des lois avec les traités internationaux relatifs aux droits de l ’ homme et de doter cette cour d ’ un personnel qualifié  ;

b) De modifier l ’ alinéa 2 de l ’ article 8 de la Constitution, de manière à reconnaître les formes croisées de discrimination à l ’ égard des femmes rurales, des femmes Marrons et des femmes autochtones, des femmes handicapées, des lesbiennes, des femmes bisexuelles et transgenres et des personnes intersexuées  ;

c) D ’ adopter le projet de loi sur l ’ égalité de traitement des hommes et des femmes et de veiller à ce qu ’ il comporte une définition de la discrimination à l ’ égard des femmes qui tienne notamment compte des formes croisées de discrimination et à ce qu ’ il interdise la discrimination directe et indirecte dans les sphères publique et privée, conformément à l ’ article premier de la Convention et des précédentes observations finales du Comité ( CEDAW/C/SUR/CO/3 , par.  12)  ;

d) De procéder, dans les prochains 24 mois, au renforcement obligatoire des capacités des parlementaires, des responsables politiques et des fonctionnaires pour qu ’ ils mesurent l ’ importance d ’ une réforme juridique complète, systématique et cohérente qui favorise l ’ égalité réelle entre femmes et hommes et parviennent à un consensus permettant l ’ adoption immédiate des divers projets de lois et de politiques en faveur de la promotion des droits des femmes.

Accès à la justice

Le Comité note que les femmes peuvent bénéficier de l’aide gratuite d’un conseiller juridique par l’intermédiaire de la Section de l’aide juridictionnelle (Bureau Rechtszorg) du Ministère de la justice et de la police. Néanmoins, il regrette qu’il n’existe pas dans l’État partie de mécanisme, de politique ou de procédure garantissant l’égalité d’accès à la justice pour toutes les femmes, en particulier celles qui appartiennent à des groupes défavorisés. Le Comité note également avec préoccupation avoir été informé que des pratiques discriminatoires à l’égard des femmes autochtones et des femmes tribales auraient toujours cours au sein du système judiciaire, en particulier en ce qui concerne leurs droits fonciers. Il est également préoccupé par le fait que peu d’information circule au sujet des mécanismes de plainte mis à la disposition des femmes victimes de discrimination et de violence sexiste.

Le Comité recommande à l’État partie  :

a) De mener une étude sur la façon dont la recommandation générale n° 33 (2015) du Comité sur l ’ accès des femmes à la justice peut servir à réformer la Section de l ’ aide juridictionnelle et à lutter contre les pratiques discriminatoires qui entravent l ’ accès des femmes à la justice dans l ’ État partie ;

b) De créer, sans délai, un mécanisme de plaintes confidentielles pour les femmes victimes de discrimination et de violence sexiste  ;

c) De fournir une aide judiciaire gratuite aux femmes et aux filles démunies, de mettre en place, à la Section de l ’ aide juridictionnelle, des procédures de demande d’assistance qui fassent place aux femmes, d ’ accroître le budget de la Section et d ’ offrir des services d ’ interprétation gratuits pour les femmes appartenant à des minorités ethniques.

Mécanismes nationaux pour la promotion de la femme

Le Comité salue les efforts faits par l’État partie pour renforcer le Bureau national des affaires féminines et pour fournir un appui financier aux organisations non gouvernementales qui œuvrent à la promotion des droits des femmes. Il est toutefois préoccupé par les faits suivants :

a)Les principaux organismes publics œuvrant en faveur de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes ont fait l’objet de nombreux remaniements et le projet de structure organisationnelle du Bureau national des affaires féminines n’a toujours pas été approuvé par le Ministre de l’intérieur ;

b)Aucune politique nationale sur l’égalité entre les sexes n’a été mise en place depuis l’adoption du Plan de travail de 2013 ;

c)Le système de gestion de la prise en compte de la problématique femmes-hommes, mis en place en 2001 et censé garantir l’intégration de ces questions dans tous les secteurs du Gouvernement, n’est pas pleinement opérationnel, en partie à cause d’un manque de clarté quant aux responsabilités qui incombent aux points de contact pour les questions d’égalité des sexes, dont les définitions d’emploi doivent être approuvées par le Ministre de l’intérieur depuis 2016 et dont le rôle est resté limité dans l’élaboration de politiques en la matière dans leurs ministères respectifs.

Le Comité recommande à l’État partie  :

a) De mettre au point, sans délai, la structure organisationnelle du Bureau national des affaires féminines, en veillant à ce que le Bureau soit doté d ’ un pouvoir de décision adapté et de ressources humaines, techniques et financières suffisantes pour promouvoir efficacement les droits des femmes et l ’ égalité des sexes dans l ’ État partie  ;

b) D ’ accélérer l ’ élaboration et l ’ adoption d ’ une politique nationale pour l ’ égalité des sexes couvrant la période 2018 - 2021, en définissant des cibles et des indicateurs précis et mesurables  ;

c) De créer, au sein du Bureau national des affaires féminines, un mécanisme de suivi permettant d ’ évaluer de façon régulière et systématique l ’ application de la politique nationale pour l ’ égalité des sexes  ;

d) De systématiquement prendre en compte la problématique femmes-hommes dans l ’ élaboration et l ’ application de l ’ ensemble des lois, politiques et programmes de tous ses ministères et organes législatifs ;

e) De mettre en place un mécanisme permanent de suivi de la mise en œuvre de la Convention, qui permette de surmonter les obstacles freinant l ’ adoption des textes législatifs y relatifs ;

f) D ’ approuver sans tarder les définitions d ’ emploi des points de contact pour les questions d ’ égalité des sexes, de confier cette fonction aux hauts responsables et de faire en sorte qu ’ ils aient un accès direct aux décideurs et au Bureau national des affaires féminines, conformément aux précédentes observations finales du Comité ( CEDAW/C/SUR/CO/3 , par.  24).

Institution nationale de défense des droits de l’homme

Le Comité se félicite de la création, en 2016, de l’Institution nationale des droits de l’homme, mais regrette qu’elle ne soit pas encore opérationnelle.

Le Comité recommande à l’État partie de rendre l ’ Institution nationale de défense des droits de l’homme opérationnelle, conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme (Principes de Paris, résolution 48/134 de l ’ Assemblée générale , annexe ), et de la doter d’un mandat étendu prévoyant la promotion et la protection des droits des femmes et de l’égalité des sexes. Il recommande également à l ’ État partie d ’ allouer suffisamment de ressources humaines, techniques et financières à l ’ Institution et de former son personnel aux questions relatives à la problématique femmes-hommes et aux droits des femmes telles qu’elles sont abordées dans la Convention.

Corruption

Le Comité salue l’adoption, en 2017, de la loi anticorruption, mais estime que la généralisation de la corruption dans le secteur public continue de compromettre la promotion des droits fondamentaux des femmes dans l’État partie.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ élaborer une politique gouvernementale d ’ application de la loi anticorruption, de renforcer les moyens institutionnels de façon à ce que la corruption dans le secteur public puisse être détectée et que les allégations y relatives fassent l ’ objet d ’ enquêtes, de poursuivre les auteurs d ’ actes de corruption et de garantir la transparence du système de gestion des finances publiques afin d ’ éviter que des ressources allouées à la mise en œuvre de la Convention ne soient détournées.

Obligations extraterritoriales

Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour remédier aux conséquences des activités minières, notamment la pollution par le mercure, et pour intégrer la problématique femmes-hommes dans la conduite et le suivi de ces activités grâce à son plan d’action pour l’égalité des sexes. Cependant, il est préoccupé par les incidences préjudiciables pour les droits des femmes rurales, des femmes Marrons et des femmes autochtones des activités menées, dans l’État partie, par les sociétés étrangères d’exploitation aurifère, d’extraction de pétrole et d’exploitation agro-industrielles et des activités menées, à l’étranger, par les sociétés surinamaises. À cet égard, il s’inquiète du fait que le cadre juridique actuel ne permette pas d’engager la responsabilité des sociétés étrangères s’agissant des violations des droits des femmes (en particulier leurs droits fonciers et leur droit à la santé) et des normes en matière d’environnement et de travail.

Le Comité recommande à l’État partie  :

a) De renforcer les lois qui régissent les pratiques des sociétés enregistrées dans l ’ État partie, notamment le décret relatif aux activités minières, en vue d’établir des normes minimales en matière de protection de l ’ environnement, de qualité de l ’ eau, de travail et de santé, dans l’optique de protéger les droits des femmes rurales, des femmes Marrons et des femmes autochtones touchées ou risquant d ’ être touchées par leurs activités ;

b) De mettre en place un mécanisme ou un organe permettant de réglementer les activités des sociétés minières étrangères et de surveiller leur respect de la législation et de la promotion des droits fondamentaux des femmes.

Mesures temporaires spéciales

Le Comité note également avec préoccupation que la notion de mesures spéciales temporaires n’est pas complètement assimilée, notamment parmi les dirigeants politiques et les décideurs de l’État partie. Il constate avec préoccupation que l’État partie n’a adopté aucune mesure temporaire spéciale pour instaurer l’égalité réelle entre les femmes et les hommes dans tous les domaines couverts par la Convention dans lesquels les femmes sont sous-représentées ou défavorisées, notamment dans la vie politique et publique, l’éducation, l’emploi et la santé.

Conformément au paragraphe 1) de l’article 4 de la Convention et à la recommandation générale n° 25 (2004) du Comité sur les mesures temporaires spéciales, le Comité, réitérant sa recommandation précédente (voir CEDAW/C/SUR/CO/3 , par.  2 6 et A/57/38 , par.  56), recommande à l ’ État partie  :

a) De sensibiliser les fonctionnaires concernés au caractère non discriminatoire des mesures temporaires spéciales, en vue de réaliser l ’ égalité réelle entre femmes et hommes, et à la nécessité d ’ éliminer les formes croisées de discrimination dont sont victimes les femmes appartenant à des groupes défavorisés, en particulier les femmes rurales, les femmes Marrons et les femmes autochtones, ainsi que les femmes handicapées  ;

b) De fixer des objectifs assortis d’échéances et de consacrer des ressources suffisantes à la mise en œuvre de mesures temporaires spéciales, telles que des quotas et d’autres mesures dynamiques, afin de parvenir plus rapidement à une représentation égale entre les femmes et les hommes dans le secteur judiciaire, les services publics, les coopératives agricoles, les syndicats, les associations professionnelles, les conseils ruraux et les conseils d ’ administration des entreprises publiques et privées.

Stéréotypes

Le Comité se félicite des activités de formation que le Ministère de l’intérieur a organisées pour éliminer les stéréotypes discriminatoires. Néanmoins, il réitère ses préoccupations précédentes (CEDAW/C/SUR/CO/3, par. 17) quant à la persistance de stéréotypes discriminatoires profondément enracinés concernant les rôles et les responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et dans la société. Il est particulièrement préoccupé par les faits ci-après :

a)L’absence de programmes nationaux structurels sur le long terme et de stratégies visant à sensibiliser le public aux droits des femmes et aux stéréotypes ;

b)L’insuffisance des mesures prises pour éliminer les stéréotypes discriminatoires dans le système éducatif, notamment dans les programmes et manuels scolaires, et le fait que le programme pilote sur les compétences de base nécessaires dans la vie courante, introduit en 1997 pour adapter un système éducatif vieilli aux normes modernes et destiné en partie à sensibiliser les élèves à l’égalité des sexes, n’ait pas été intégré dans les programmes scolaires et soit toujours considéré comme un « projet pilote » censé être mis à l’essai dans sept écoles en 2018-2019 ;

c)L’absence de règlementation régissant le contenu des médias, qui renvoient souvent les femmes à leurs rôles traditionnels et ne dépeignent pas de manière équilibrée la multiplicité des rôles que jouent les femmes et leur contribution à la société.

Le Comité recommande à l’État partie  :

a) D ’ identifier et de surmonter les obstacles à l ’ élaboration de programmes nationaux structurels sur le long terme visant à faire évoluer les modèles sociaux et culturels qui favorisent et renforcent les stéréotypes discriminatoires concernant les rôles et les responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et dans la société  ;

b) D ’ intégrer dans son système éducatif, selon un calendrier précis, le programme pilote sur les compétences de base nécessaires dans la vie courante et de veiller à ce que les manuels élaborés au titre du programme soient utilisés dans toutes les écoles primaires et secondaires  ;

c) De sensibiliser les responsables des médias à la nécessité d ’ éliminer les stéréotypes sexistes, et de mettre en place, au sein du Bureau national des affaires féminines, un mécanisme qui permette d’analyser de façon systématique le contenu des médias afin de repérer les contenus véhiculant des stéréotypes et de promouvoir leur suppression d’une part et d’autre part la diffusion d ’ images positives des femmes et des filles  ;

d) D ’ élaborer et de mettre en œuvre, au moyen des médias, des mesures ciblées pour sensibiliser le public aux droits des femmes, représenter les femmes de manière positive et comme participant activement à la vie sociale, économique et politique, et les hommes comme participant activement aux tâches ménagères et à l’éducation des enfants .

Violence sexiste contre les femmes

Le Comité exprime de nouveau sa préoccupation quant à la forte prévalence de la violence sexiste, notamment la violence familiale, contre les femmes dans l’État partie, et quant au retard pris dans l’adoption du projet de politique nationale sur la violence familiale pour 2014-2017. Il déplore également les faits suivants :

a)Le peu d’information disponible sur l’application de la loi sur la lutte contre la violence familiale, depuis son adoption en 2009 ;

b)Le peu d’information disponible sur les mécanismes de coordination interinstitutionnelle mis en place pour lutter contre la violence sexiste, notamment la violence familiale et le harcèlement sexuel, et le fait qu’il n’existe qu’un seul centre d’accueil pour les victimes de violence domestique, qui ne peut prendre en charge que 30 femmes et leurs enfants ;

c)La persistance de la pratique des châtiments corporels infligés aux filles et l’absence de loi les interdisant expressément quel que soit le contexte ;

d)Le peu d’information disponible sur la prévalence, les causes et les conséquences de la violence sexiste à l’égard des femmes, malgré la précédente recommandation du Comité (CEDAW/C/SUR/CO/3, par. 20).

Rappelant sa recommandation générale n° 35 (2017) sur la violence sexiste à l’égard des femmes, portant actualisation de la recommandation générale n° 19, le Comité recommande à l’État partie  :

a) D ’ approuver sans tarder le plan de politique nationale en matière de violence familiale et de poursuivre ses efforts pour faire appliquer la loi sur la lutte contre la violence familiale  ;

b) D ’ ouvrir des foyers supplémentaires à l ’ intention des victimes de violence sexiste et de les rendre accessibles à toutes les femmes et les filles, en particulier celles qui vivent dans les zones rurales, et de veiller à ce que les victimes bénéficient d ’ une aide juridictionnelle, soient accompagnées dans leur réinsertion et reçoivent un soutien psychosocial  ;

c) D ’ adopter une législation interdisant expressément les châtiments corporels quel que soit le contexte  ;

d) De recueillir systématiquement des données sur la violence sexiste à l ’ égard des femmes et des filles, ventilées par âge, ethnicité, géographie et lien entre la victime et l ’ auteur, et de faire en sorte que les travaux de recherche dans ce domaine servent de base à des interventions globales et ciblées.

Traite et exploitation aux fins de prostitution

Le Comité salue la révision du Code Pénal visant à interdire la traite, ainsi que la mise en place, au sein du ministère public, d’une antenne spéciale chargée de la traite des êtres humains, la création, au sein des forces de police, d’une unité spéciale chargée d’enquêter sur les affaires de traite des êtres humains, et l’établissement, au sein du Ministère de la justice et de la police, d’un groupe de travail contre la traite des êtres humains, qui a pour tâche d’élaborer la stratégie nationale et le plan d’action national. Cependant, le Comité est préoccupé par les éléments suivants :

a)Le manque de moyens et de réactivité des institutions qui ont été créées pour faire respecter les lois de lutte contre la traite, en particulier à l’intérieur du pays ;

b)L’absence de données fiables sur la traite des femmes et des filles, notamment sur son ampleur, ainsi que le nombre limité d’enquêtes ouvertes, de poursuites engagées, de condamnations prononcées et de peines infligées aux auteurs ;

c)L’absence d’information sur les foyers d’accueil mis à disposition des femmes et des filles victimes de la traite et sur les types de programmes et de services de santé offerts par ces foyers.

Le Comité recommande à l’État partie  :

a) D ’ allouer suffisamment de ressources humaines, techniques et financières à la nouvelle infrastructure gouvernementale mise en place pour lutter contre la traite des personnes ( Schakelketting 2.0 ), de façon à faciliter la mise en œuvre de la stratégie nationale et le plan d ’ action national de lutte contre la traite des personnes, et d ’ ouvrir, dans différentes régions de l’État partie, un nombre suffisant de refuges convenablement équipés pour accueillir les victimes de la traite ;

b) D’enquêter sur les auteurs de la traite, de les poursuivre et de les sanctionner comme il se doit, de faire en sorte que les victimes de la traite et de la prostitution soient exemptées de toute responsabilité pénale, bénéficient d’une protection et de voies de recours et obtiennent réparation, notamment en leur octroyant des permis de séjour temporaires, en leur offrant des soins médicaux, un appui psychosocial et un appui à la réadaptation et à la réinsertion, et en leur versant une indemnisation  ;

c) D ’ adopter une politique garantissant aux victimes de la traite ayant besoin de protection l’accès à la procédure d ’ asile en vigueur dans l ’ État partie et garantissant la mise en place, aux points d ’ entrée et dans les centres de détention, des mécanismes d ’ identification et d ’ orientation tenant compte de la problématique femmes-hommes  ;

d) De continuer de renforcer les capacités des juges, des procureurs, de la police des frontières, des autorités de l ’ immigration et autres agents des forces de l’ordre concernant les protocoles d’identification précoce et de prise en charge des victimes qui tiennent compte de la problématique femmes-hommes.

Participation à la vie politique et publique

Le Comité prend note avec satisfaction des efforts déployés par l’État partie pour promouvoir la participation des femmes à la vie politique, ainsi que de la légère augmentation de la participation des femmes à la vie politique au niveau des districts, au niveau local et dans le secteur diplomatique. Néanmoins, le Comité exprime une nouvelle fois sa préoccupation (CEDAW/C/SUR/CO/3, par. 25) quant à la sous-représentation significative des femmes dans la vie politique et publique, en particulier dans les postes de décision, notamment à l’Assemblée nationale et au Conseil des ministres.

Rappelant que les droits des femmes ne seront véritablement respectés que lorsqu’elles pourront participer pleinement, librement et démocratiquement, sur un pied d’égalité avec les hommes, à la vie politique et à la vie publique, le Comité recommande à l’État partie  :

a) D ’ adopter une stratégie globale visant à promouvoir la participation des femmes à la vie politique et publique à tous les niveaux, notamment par l ’ adoption de quotas présidant aux nominations politiques, l’intensification du recrutement de femmes aux postes de prise de décisions et des mesures d’incitation financière à l’intention des partis politiques qui comptent autant de femmes et que d ’ hommes sur leurs listes électorales  ;

b) De résolument soutenir les femmes qui se présentent aux élections et leurs campagnes électorales, en mettant en place des mesures de sensibilisation auprès des responsables politiques et du grand public, en renforçant les capacités des intéressés et en finançant les campagnes  ;

c) D ’ adopter des mesures temporaires spéciales pour accroître la représentation des femmes rurales, des femmes Marrons et des femmes autochtones à l ’ Assemblée nationale, au Conseil des ministres, dans les organes législatifs, aux conseils de districts et locaux, aux postes de direction des partis politiques et aux conseils consultatifs du Gouvernement (dans les organes les plus élevés de l ’ État).

Nationalité

Le Comité se réjouit de la modification, en 2014, de la loi de 1975 relative à la réglementation de la nationalité surinamaise et du permis de résidence, qui vise à promouvoir l’égalité des sexes dans la transmission de la nationalité et à introduire des garanties pour prévenir l’apatridie. Néanmoins, il est préoccupé par le fait qu’il est difficile pour les femmes vivant à l’intérieur du pays d’enregistrer la naissance de leurs enfants.

Rappelant l ’ article 9 de la Convention et sa recommandation générale n° 32 (2014) sur les femmes et les situations de réfugiés, d’asile, de nationalité et d’apatridie, le Comité recommande à l’État partie  :

a) De prendre des mesures législatives et d ’ autres mesures, par exemple en déployant des services mobiles de l ’ état civil et en réduisant les coûts et les obstacles administratifs, afin de faciliter l ’ enregistrement des naissances pour les enfants nés à l ’ intérieur du pays  ;

b) D ’ éliminer tous les obstacles administratifs à l ’ enregistrement des enfants nés de parents étrangers et toutes les pratiques discriminatoires en la matière.

Éducation

Le Comité se félicite des efforts déployés par l’État partie pour améliorer l’accès des femmes et des filles à l’éducation, notamment grâce à la suppression des droits d’inscription et à l’amélioration de l’accessibilité pour les filles handicapées. Il prend également note de l’important taux net de scolarisation des filles dans l’enseignement primaire et de la forte représentation des filles dans l’enseignement supérieur. Il reste toutefois préoccupé par les points suivants :

a)Le faible taux d’achèvement des études dans l’enseignement primaire, secondaire et tertiaire chez les femmes et les filles, comme l’a signalé l’État partie au paragraphe 110 de son rapport (CEDAW/C/SUR/4-6) ;

b)L’accès limité à l’éducation pour les filles appartenant à des groupes défavorisés, notamment les filles handicapées, et les disparités considérables qui existent entre les taux de scolarisation des zones rurales et des zones urbaines, ainsi que le niveau médiocre des écoles élémentaires et l’absence d’écoles secondaires dans les zones rurales ;

c)L’absence de programmes d’éducation bilingue pour les enfants Marrons et autochtones ;

d)Le taux élevé d’abandon scolaire, sans compter les taux d’expulsion dus aux grossesses précoces, et la tendance chez les jeunes mères à poursuivre une formation professionnelle plutôt que de retourner à l’école ;

e)L’absence, dans les écoles, de programmes d’éducation obligatoires, complets et adaptés à l’âge, qui traient de la santé et des droits en matière de sexualité et de procréation ;

f)Le fait que la scolarité n’est obligatoire que jusqu’à l’âge de 12 ans.

35. Conformément à la recommandation générale n° 36 (2017) sur le droit des filles et des femmes à l ’ éducation, et rappelant ses précédentes observations finales ( CEDAW/CO/SUR/CO/3 , par.  18), le Co mité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ augmenter le taux d ’ inscription des femmes et des filles à tous les niveaux d ’ éducation, en tenant dûment compte de la relation qui existe entre leurs choix éducatifs et les exigences du marché du travail  ;

b) D ’ améliorer la qualité et l ’ accessibilité des écoles dans les zones rurales et d ’ offrir un programme d ’ enseignement des langues autochtones et tribales dans les écoles, en vue d ’ améliorer l ’ accès à l ’ éducation des filles Marrons, des filles autochtones et des filles handicapées  ;

c) De créer des mécanismes de surveillance et d ’ introduire des sanctions pour faire appliquer les lois gouvernementales interdisant l ’ expulsion des filles enceintes des écoles et pour faciliter la réinsertion des jeunes mères dans le système scolaire  ;

d) D ’ institutionnaliser des programmes obligatoires d ’ éducation sexuelle complète qui soient adaptés à l ’ âge et axés notamment sur les comportements sexuels responsables et la prévention des grossesses précoces  ;

e) De relever l ’ âge de la scolarité obligatoire à 16 ans pour les filles et les garçons.

Emploi

Le Comité note que la garantie d’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes énoncée à l’article 28 de la Constitution n’est pas conforme au principe de rémunération égale pour un travail de valeur égale. Il est par ailleurs préoccupé par les faits suivants :

a)Le retard enregistré dans l’adoption de plusieurs instruments législatifs nécessaires à l’accélération de la participation des femmes au marché du travail sur un pied d’égalité avec les hommes, parmi lesquels: a) le projet de loi sur le harcèlement sexuel au travail, qui avait été formulé entre 2008 et 2011 ; b) le projet de loi sur la protection de la maternité ; c) l’amendement de la loi sur les fonctionnaires, qui vise à abroger les dispositions discriminatoires limitant le droit des femmes à un congé annuel de maternité et autorisant à mettre fin au contrat de travail d’une fonctionnaire en cas de mariage ;

b)L’absence de législation, dans l’État partie, sur le principe de l’égalité de rémunération pour un travail de valeur égale, malgré la ratification en 2016 de la Convention de 1951 concernant l’égalité de rémunération entre la main-d’œuvre masculine et la main-d’œuvre féminine pour un travail de valeur égale (n° 100) de l’Organisation internationale du Travail ;

c)L’inégalité devant l’accès aux débouchés économiques, en dépit du fait que les taux de participation et d’achèvement des femmes sont plus élevés que ceux des hommes à tous les niveaux d’enseignement, et le taux de chômage excessivement élevé parmi les femmes, en particulier celles qui vivent en milieu rural, les femmes Marrons et les femmes autochtones ;

d)La persistance de la ségrégation des emplois sur le marché du travail, la concentration des femmes dans les emplois faiblement rémunérés du secteur informel et la sous-représentation des femmes aux postes de direction et dans les professions non traditionnelles ;

e)L’absence de réglementation sur les horaires de travail des filles âgées de 14 à 17 ans, facteur qui accroît le risque d’exploitation, de harcèlement ou de maltraitance de la part de leurs employeurs ;

f)L’absence de données statistiques fiables concernant les écarts de rémunération dans les secteurs public et privé.

Rappelant ses recommandations antérieures (voir CEDAW/C/ SUR /CO/3 , par.  28), le Comité demande à l’État partie  :

a) D ’ adopter sans délai le Code civil révisé, le projet de loi sur la protection de la maternité et l ’ amendement de la loi sur les fonctionnaires, et d ’ étendre aux secteurs public et informel la portée de la loi sur le salaire horaire minimum  ;

b) D ’ identifier et de résoudre les problèmes qui retardent l ’ adoption du projet de loi sur le harcèlement sexuel au travail et de faire appliquer la loi dans les secteurs public et privé  ;

c) De modifier l ’ article 28 de la Constitution en y incorporant le principe de l ’ égalité de rémunération pour un travail de valeur égale, et d ’ adopter des mesures permettant d ’ appliquer efficacement ce principe  ;

d) De mener une étude sur la ségrégation des emplois sur le marché du travail et sur l ’ écart de rémunération entre les sexes, notamment en recueillant des données statistiques ventilées par sexe et en les analysant, afin de lutter contre les stéréotypes sexistes discriminatoires qui empêchent les femmes d ’ exercer certaines professions et afin de promouvoir des pratiques de recrutement et d ’ emploi non-discriminatoires dans tous les secteurs  ;

e) De mettre en œuvre des mesures ciblées de lutte contre la ségrégation des emplois et de promouvoir l ’ accès des femmes à l ’ emploi formel, notamment aux postes de direction ou de prise de décisions et aux professions non traditionnelles, notamment la construction, l ’ exploitation minière et forestière, en garantissant un congé de maternité rémunéré et en fournissant des services de garderie suffisants et adaptés  ;

f) De promouvoir un partage équitable des responsabilités entre les femmes et les hommes au sein de la famille et du foyer, notamment en instituant un congé de paternité.

Santé

Le Comité se félicite de l’amélioration de la couverture de l’assurance maladie pour les femmes dans l’État partie, notamment pour les femmes handicapées et les femmes appartenant à des groupes défavorisés. Il reste toutefois préoccupé par :

a)L’insuffisance du financement du secteur de la santé, qui se traduit par un accès très limité des femmes aux services de santé de base, en particulier les femmes rurales, les femmes Marrons et les femmes autochtones, souvent contraintes de se rendre à Paramaribo pour recevoir un traitement médical spécialisé ;

b)L’insuffisance des services de soins cardiovasculaires et de dépistage du cancer hors de Paramaribo, malgré le taux élevé de troubles cardiovasculaires et de cancers du sein et de l’appareil reproducteur, notamment de l’utérus et du col de l’utérus ;

c)Le taux élevé des avortements non médicalisés et l’absence de mesures d’application de la recommandation que le Comité avait formulée en vue de réviser les lois incriminant l’avortement (CEDAW/C/SUR/CO/3, par. 30) ;

d)Les lacunes de l’offre éducative en matière de santé sexuelle et procréative, des droits y relatifs et des services de planification de la famille, ainsi que la persistance d’un faible taux d’utilisation de contraceptifs modernes, en particulier parmi les femmes rurales, les femmes Marrons et les femmes autochtones.

Rappelant sa recommandation générale n ° 24 (1999) sur les femmes et la santé, le Comité appelle l ’ attention sur les objectifs de développement durable 3.1 et 3.7 et recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ accroître ses dépenses de santé pour améliorer la couverture et la qualité des services de santé ainsi que l ’ accès à ceux-ci des femmes vivant dans les régions intérieures de l ’ État partie et de rendre accessibles les services de santé cardiovasculaire et de dépistage du cancer  ;

b) De mener une étude sur les incidences des avortements non médicalisés sur la mortalité maternelle et les autres complications obstétriques  ;

c) De modifier les articles 355 à 357 du Code pénal qui interdisent l ’ avortement, afin qu ’ ils prévoient de le légaliser en cas de viol, d ’ inceste, de danger pour la vie ou la santé de la mère ou en cas de déficience fœtale grave, de le dépénaliser dans tous les autres cas, et de supprimer les mesures punitives visant les femmes recourant à l’avortement  ;

d) De garantir aux femmes l’accès à des soins de qualité après l’avortement, surtout en cas de complications résultant d’avortements non médicalisés  ;

e) De fournir l ’ accès à des contraceptifs sûrs et bon marché, à des services de planification de la famille et à des informations relatives à la santé sexuelle et procréative qui soient adaptées.

Vie économique et sociale

Le Comité salue la réforme législative engagée par l’État partie, qui consiste à mettre en place un système de sécurité sociale et à fournir des prestations sociales aux femmes, notamment des indemnités pour enfant à charge et des transferts monétaires assortis de conditions. Cependant, le Comité reste préoccupé par le fait que les mesures d’austérité prises par l’État partie, notamment les coupes budgétaires et l’introduction, en 2014, d’une taxe sur la valeur ajoutée à taux fixe, ont eu des conséquences disproportionnées sur les femmes vivant dans la pauvreté.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ entreprendre une évaluation de l ’ incidence des mesures d ’ austérité sur les femmes, en particulier sur les groupes de femmes défavorisées, et de veiller à la redistribution interne de ses ressources nationales, de façon à surmonter les conséquences des réductions budgétaires et à garantir l ’ accès des femmes aux prestations sociales et à des programmes de microfinancement et de microcrédit dont les taux d ’ intérêt sont faibles.

Réduction des risques de catastrophe et changements climatiques

Le Comité félicite l’État partie de sa détermination à lutter contre les changements climatiques au moyen de stratégies de réduction des risques. Il reste néanmoins préoccupé par le fait que les stratégies de prévention des catastrophes mises en place par l’État partie ne tiennent pas expressément compte de la problématique femmes-hommes. Le Comité regrette également que la deuxième communication nationale, présentée en 2016 en vertu de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, n’ait pas pris en considération la vulnérabilité particulière des femmes face aux catastrophes naturelles ni leurs capacités en tant qu’agents de changement.

Appelant l ’ attention sur sa recommandation générale n o 37 (2018) sur les femmes et la réduction des risques de catastrophes dans le contexte des changements climatiques, le Comité recommande à l ’ État partie de garantir que les femmes, en particulier des femmes rurales, des femmes Marrons et des femmes autochtones, participent réellement à l ’ élaboration et à la mise en œuvre des politiques et des plans d ’ action en la matière, non seulement parce qu ’ elles sont excessivement touchées par les effets des changements climatiques et des catastrophes, mais également parce qu ’ elles sont des agents de changement privilégiés. Il recommande également que ces politiques et ces plans, y compris la troisième communication nationale, tiennent expressément compte de la problématique femmes-hommes et des besoins spécifiques des femmes.

Femmes rurales, femmes Marrons et femmes autochtones vivant dans les régions intérieures

Le Comité note avec satisfaction la politique du Ministère du développement régional visant à autonomiser les femmes et à les faire participer à la planification des activités agricoles dans les régions intérieures du pays et se félicite de la création, en 2016, de deux directions chargées de venir en aide aux communautés Marrons et autochtones. Toutefois, il note avec préoccupation le taux très élevé de pauvreté chez les femmes rurales, les femmes Marrons et les femmes autochtones de l’État partie, et leur accès limité aux services de base, notamment à la santé, à l’éducation, à l’eau potable, à des installations sanitaires adéquates, à l’énergie et aux technologies de la communication. Il est également préoccupé par les violations des droits fonciers que subissent les femmes autochtones et les femmes tribales, malgré trois arrêts de la Cour interaméricaine des droits de l’homme prononcés en 2005, 2007 et 2015, tenant l’État partie pour responsable de violations des droits des populations autochtones à la terre et à l’accès à la justice. Le Comité regrette en outre que les femmes rurales, les femmes Marrons et les femmes autochtones soient exclues de la prise de décision, en particulier en ce qui concerne l’exploitation des terres.

Le Comité recommande à l’État partie  :

a) D ’ élaborer et de mettre en œuvre une politique visant à appuyer le développement économique et social des femmes rurales, des femmes Marrons et des femmes autochtones et à surmonter les inégalités persistantes entre les sexes s ’ agissant de l ’ accès à la terre, aux services sociaux, aux débouchés économiques, aux installations sanitaires et aux technologies de la communication  ;

b) De prendre des mesures favorisant la pleine participation des femmes rurales, des femmes Marrons et des femmes autochtones aux prises de décision les concernant, notamment s ’ agissant des concessions minières et forestières et des plans nationaux et ruraux de développement, conformément à la recommandation générale n o 34 (2016) du Comité sur les droits des femmes rurales  ;

c) De ratifier la Convention de 1989 relative aux peuples indigènes et tribaux (n° 169) de l ’ Organisation internationale du Travail .

Femmes handicapées

Le Comité s’inquiète du peu d’informations fournies sur la situation des femmes et des filles handicapées vivant dans l’État partie et sur les services qui sont mis à leur disposition. Il déplore également qu’il n’existe pas de mesures permettant d’améliorer l’accès à l’éducation, à l’emploi et aux services de santé pour les femmes rurales, les femmes Marrons, les femmes autochtones et les filles handicapées.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures permettant de recueillir et d’analyser des informations sur la situation des femmes et des filles handicapées, en particulier sur leur accès à l’éducation, à l’emploi et aux soins de santé, et sur la qualité des services existants. Il demande également à l ’ État partie que des mesures visant à accroître l ’ accessibilité de ces services soient appliquées, en particulier pour les femmes rurales, les femmes Marrons, les femmes autochtones et les filles handicapées.

Réfugiées et demandeuses d’asile

Le Comité note l’augmentation sensible du nombre de demandeurs d’asile enregistrés en 2016 et 2017 dans l’État partie et s’inquiète de l’absence de politique nationale en matière de protection des réfugiés et de procédure d’asile, ainsi que de l’absence de mesures de protection à long terme pour les réfugiées et demandeuses d’asile qui sont victimes de la traite ou de la violence sexiste. Il est en outre préoccupé par le fait que les réfugiées et demandeuses d’asile se trouvant dans l’État partie font face à des difficultés d’accès à l’éducation, à la santé, à l’emploi, aux activités génératrices de revenus et aux services financiers.

Le Comité recommande à l’État partie  :

a) D ’ élaborer et d ’ adopter une politique qui régisse la protection des réfugiés et la procédure d ’ asile en tenant compte des disparités entre les sexes, et qui protège les droits économiques et sociaux des femmes et des filles réfugiées et demandeuses d’asile  ;

b) De mettre en place des procédures de sélection et d’évaluation individuelles en vue d’assurer l’identification systématique et précoce des réfugiés et des demandeurs d’asile, en particulier les femmes et les filles qui ont été victimes de violence sexiste ou qui y sont exposées .

Lesbiennes, bisexuelles, femmes transgenres et personnes intersexuées

Le Comité note que le Code pénal a été révisé de manière à inclure, entre autres, la protection des lesbiennes, des bisexuelles, des femmes transgenres et des personnes intersexuées et à interdire la discrimination et les discours haineux à leur encontre. Toutefois, il est préoccupé par le fait que les lesbiennes, les bisexuelles, les femmes transgenres et les personnes intersexuées continuent d’être victimes de discrimination et de harcèlement, en particulier en ce qui concerne leurs droits à l’éducation, à l’emploi et à la santé.

Le Comité recommande à l ’ État partie de garantir l ’ égalité des droits et des chances aux lesbiennes, aux bisexuelles, aux femmes transgenres et aux personnes intersexuées et de sensibiliser la population en vue de mettre fin à la discrimination et à la stigmatisation sociale dont elles sont victimes. Il lui recommande également d’appliquer une politique de tolérance zéro concernant les actes de discrimination et de violence à l’égard des lesbiennes, des bisexuelles, des femmes transgenres et des personnes intersexuées, notamment en poursuivant en justice les auteurs de tels actes et en les punissant comme il se doit.

Mariage et relations familiales

Le Comité note avec satisfaction que l’égalité des époux devant la loi et la valeur extraordinaire de la maternité sont reconnus dans l’article 35 de la Constitution, qui prévoit en outre la protection des enfants sans discrimination. Néanmoins, le Comité est préoccupé par le fait que, dans la pratique, les femmes n’ont pas les mêmes droits au sein du mariage. Il est particulièrement préoccupé par les faits ci-après :

a)Le retard pris depuis 2011 dans la révision du Code civil prévoyant la suppression des dispositions qui désignent le père comme seul gardien légal des enfants, imposent que les enfants prennent le nom du père et définissent l’incapacité juridique des femmes mariées ;

b)L’âge minimum du mariage, qui est de 15 ans pour les filles, le nombre excessivement élevé de femmes mariées parmi les femmes rurales, les femmes Marrons et les femmes autochtones âgées de 15 à 17 ans et l’absence de stratégie nationale visant à combattre et à prévenir les mariages d’enfants ;

c)L’absence d’un cadre juridique régissant les mariages intertribaux ;

d)Le fait que les femmes vivant en union libre ne peuvent hériter des biens d’un partenaire décédé ou demander une pension.

Le Comité recommande à l’État partie  :

a) D ’ adopter la version révisée du Code civil de façon à en supprimer les dispositions discriminatoires, notamment celles des articles 18, 24, 56 a), 217, 221, 234 et 353, de relever l ’ âge minimum du mariage à 18 ans et de garantir la capacité juridique et l ’ égalité des droits pour les femmes mariées, ainsi que l ’ égalité des femmes et des hommes en matière d ’ autorité parentale et de garde des enfants  ;

b) De prendre des mesures pour prévenir les mariages précoces et les mariages d ’ enfants, notamment en élaborant une stratégie nationale de prévention et d ’ élimination du mariage d ’ enfants et en mettant en place un mécanisme de plainte pour les victimes de mariages d ’ enfants ou forcés  ;

c) D ’ assurer la protection juridique des droits des femmes au sein des mariages tribaux et de mener des activités de sensibilisation ciblées sur les droits que leur reconnaît la Convention et les voies de recours correspondantes  ;

d) D ’ envisager d ’ étendre la protection économique et sociale aux femmes vivant en union libre.

Recueil et analyse de données

Le Comité salue les efforts que l’État partie a faits pour renforcer les systèmes de collecte de données, notamment en pilotant le modèle d’indicateurs d’égalité des sexes de la Communauté des Caraïbes, afin de recueillir des données sur la participation des femmes à la vie publique, de produire un rapport national sur la situation des femmes et des hommes dans l’État partie et de créer une base de données en permettant le suivi. Le Comité réitère cependant les préoccupations qu’il a déjà formulées sur l’absence générale de données d’accès public, régulièrement mises à jour, ventilées par sexe, âge et situation géographique (zones rurales, intérieures et urbaines) (CEDAW/C/SUR/CO/3, par. 13), pareilles données étant en effet indispensables pour évaluer l’incidence et l’efficacité des politiques mises en place concernant tous les domaines couverts par la Convention, en particulier en ce qui concerne l’assurance santé, les prestations sociales, l’accès foncier, l’autonomisation économique, la formation professionnelle, les sports et loisirs.

Le Comité recommande à l’État partie de renforcer la collecte, l’analyse et la diffusion de données exhaustives, ventilées par sexe, âge et situation géographique, et d ’ élaborer de manière prioritaire une base de données nationale utilisant des indicateurs mesurables pour évaluer les tendances concernant la situation des femmes et les progrès accomplis par les femmes vers la réalisation d’une égalité réelle dans tous les domaines couverts par la Convention. À cet égard, le Comité appelle l’attention de l’État partie sur sa recommandation générale n° 9 (1989) sur les données statistiques concernant la situation des femmes et l ’ encourage à continuer de collaborer avec les organismes des Nations Unies pour recueillir, de manière systématique, des données exactes.

Protocole facultatif à la Convention et modification du paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention

Le Comité engage l’État partie à ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention et à approuver, dès que possible, la modification du paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention, relatif à son nombre de jours de réunion.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité invite l ’ État partie à s ’ appuyer sur la Déclaration et le Programme d ’ action de Beijing dans l ’ action qu ’ il mène pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention.

Programme de développement durable à l’horizon 2030

Le Comité invite l’État partie à réaliser l’égalité réelle des femmes et des hommes, énoncée dans les dispositions de la Convention, en tirant parti de la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030.

Diffusion

Le Comité demande à l’État partie de veiller à la diffusion rapide des présentes observations finales, dans les langues officielles de l’État partie, auprès des institutions pertinentes de l’État à tous les niveaux (national, régional et local), en particulier auprès du Gouvernement, des ministères, du Congrès national et du pouvoir judiciaire, pour permettre leur mise en œuvre intégrale.

Assistance technique

Le Comité recommande à l’État partie de lier la mise en œuvre de la Convention à ses efforts de développement et d’avoir recours à l’assistance technique régionale ou internationale à cet égard.

Ratification d’autres traités

Le Comité note que l’adhésion de l’État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme contribuerait à favoriser l’exercice effectif par les femmes de leurs droits individuels et de leurs libertés fondamentales dans tous les aspects de la vie. Le Comité encourage dès lors l’État partie à ratifier les instruments auxquels il n’est pas encore partie, à savoir la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

Suite donnée aux observations finales

Le Comité prie l’État partie de lui communiquer par écrit, dans un délai de deux ans, des informations sur les mesures qu’il aura prises pour appliquer les recommandations énoncées aux paragraphes 11 c), 11 d), 15 a) et 15 b) ci-dessus.

Établissement du prochain rapport

Le Comité invite l’État partie à soumettre son septième rapport périodique en mars 2022. Le rapport doit être soumis dans les délais prescrits et, en cas de retard, couvrir toute la période allant jusqu’à la date de sa soumission.

Le Comité invite l’État partie à se conformer aux Directives harmonisées pour l ’ établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, englobant le document de base commun et les rapports pour chaque instrument (voir HRI/GEN/2/Rev.6 , chap. I).