Vingt-sixième session

Compte rendu analytique de la 541e séance

Tenue au Siège, à New York, le jeudi 24 janvier 2002, à 10 h 30

Président :Mme Regazzoli(Vice-Présidente)

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties en vertu de l’article 18 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (suite)

Deuxième et troisième rapports périodiques combinés de l’ Uruguay

En l’absence de la Présidente, Mme Regazzoli, Vice-Présidente, assume la présidence .

La séance est ouverte à 10 h 30 .

Examen des rapports présentés par les États parties en vertu de l’article 18 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discriminationà l’égard des femmes (suite)

Deuxième et troisième rapports périodiques combinés de l’Uruguay (CEDAW/C/URY/2-3, CEDAW/PSWG/2002/I/CRP.2, CEDAW/PSWG/ 2002/I/CRP.1/Add.5)

À l’invitation de la Présidente, M. Paolillo et Mme Rivero (Uruguay) prennent place à la table du Comité.

M. Paolillo (Uruguay) dit que l’Uruguay a été un chef de file dans le domaine des droits de l’homme dans sa région et qu’il compte parmi les premiers États parties à signer le Protocole facultatif de la Convention. Il informe le Comité avec regret qu’en raison des mesures d’austérité nécessitées par les conséquences de la récente crise économique en Argentine, son gouvernement a décidé de ne pas envoyer de délégation en provenance de la capitale de son pays pour présenter le rapport. Ses collègues de la Mission permanente de l’Uruguay auprès des Nations Unies et lui-même se sentent toutefois honorés de participer au dialogue avec le Comité. Ils fourniront autant de renseignements complémentaires que possible.

M me  Rivero (Uruguay) dit que son gouvernement a créé un institut national de la femme et de la famille, ainsi qu’une législation relative aux chances égales d’emploi, à la violence à l’égard des femmes et à des domaines comme la santé génésique, les maladies sexuellement transmissibles et le VIH/sida. Le Parlement a aussi institué des comités relatifs aux droits de la femme et à l’égalité des sexes. Un certain nombre d’administrations provinciales ont pris l’initiative de mettre sur pied leurs propres mécanismes de surveillance des droits de la femme.

Deux questions ont récemment suscité de nombreux débats publics en Uruguay : la première a été l’instauration de l’office de l’Ombudsman ou défenseur du peuple; et la seconde, l’avortement et les réactions délicates qu’il entraîne des points de vue éthique, moral et religieux.

L’Uruguay a entériné les plans d’action adoptés par la Conférence internationale sur la population et le développement de même que par la quatrième Conférence mondiale sur les femmes. Il a aussi ratifié la Convention interaméricaine pour la prévention, la sanction et l’élimination de la violence contre les femmes et le Protocole facultatif de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.

Le manque de ressources constitue le principal obstacle à l’accélération des progrès dans la promotion des droits de la femme. C’est pourquoi il est essentiel d’obtenir l’aide d’organisations internationales et nationales ainsi que d’organisations internationales non gouvernementales qui collaborent directement avec le Gouvernement uruguayen pour l’aider à respecter ses engagements.

Par exemple, les crédits budgétaires accordés à l’Institut national de la femme et de la famille ne seraient pas suffisants pour lui permettre d’appliquer ses programmes sans le soutien appréciable d’organisations non gouvernementales. Les ONG ont aussi souvent contribué à l’exécution de programmes de base pour réduire la violence familiale en instaurant des services d’assistance téléphonique et en créant des abris à l’intention des femmes battues de même qu’en faisant de la recherche et en fournissant des données essentielles.

M me  Gonzalez se réjouit d’apprendre que l’Uruguay a ratifié le Protocole facultatif à la Convention, affirmant ainsi sa volonté politique de faire respecter les droits humains, notamment ceux des femmes. Elle regrette que le rapport de l’État partie ne contienne aucun renseignement sur l’application des articles 5 et 7 de la Convention ni aucun élément sur l’incidence des lois promulguées pour faire progresser la condition de la femme et la situation qui prévaut dans les faits.

Il convient, de toute évidence, d’accroître les efforts d’éducation relatifs à la notion d’équité entre les sexes dans le secteur public. Les engagements pris aux conférences du Caire et de Beijing ont été des engagements politiques selon lesquels les États ont fait serment de faire respecter l’égalité des sexes. Il ne faut pas qu’ils restent confinés au secteur privé. Il est décevant de constater que si peu de progrès ont été faits en Uruguay, pays qui compte parmi les premiers d’Amérique latine à avoir institué un office chargé des questions féminines. Les Uruguayennes doivent prendre la parole pour conscientiser la population sur la nécessité d’une véritable égalité entre elles et les hommes.

L’énoncé qui figure dans le paragraphe 331 du rapport selon lequel, aux termes du Code civil, un enfant né hors mariage peut être enregistré comme « enfant naturel » semble indiquer que l’on fait une distinction entre les enfants qui naissent de parents mariés et ceux qui sont nés en dehors des liens du mariage. L’oratrice craint que cela entraîne une différence dans leurs droits. En outre, il faut que les activités destinées à lutter contre la violence à l’égard des femmes soient appuyées non seulement par les organisations non gouvernementales, mais encore par l’État. Une éducation est nécessaire pour changer les stéréotypes selon lesquels le rôle joué par les femmes serait moins utile à la société que celui des hommes et afin d’élaborer une politique d’équité entre les sexes.

M me  Corti se dit surprise que l’Uruguay, qui était en avance sur de nombreux pays européens quand il accorda le droit de vote aux femmes en 1932, et leur égalité civile complète avec le hommes en 1946, n’ait apparemment fait que peu de progrès depuis. Les réponses données par le Gouvernement uruguayen à la liste de questions du Comité signalent que de nombreux changements ont été apportés aux mécanismes nationaux qui ont trait aux femmes. L’intervenante aimerait savoir pourquoi il y a eu tant de changements. Elle serait heureuse qu’on lui donne des précisions quant à la structure, à la composition et au mandat de ces mécanismes.

Ni le rapport ni les réponses à la liste questions ne donnent une explication logique au sujet de la situation actuelle des femmes en Uruguay. L’oratrice note en particulier que l’on n’a fait aucune mention d’un plan national destiné à mettre en oeuvre le Programme d’action de Beijing ni de personnes chargées de son application. Y a-t-il un organisme national voué à la mise en oeuvre d’une politique de généralisation de l’équité entre les sexes? Malgré certains progrès réalisés pour accroître l’instruction des femmes, l’on n’a, semble-t-il, guère fait d’efforts pour éliminer les stéréotypes, aussi l’intervenante souligne-t-elle que le paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention convient particulièrement bien pour faire avancer la participation des femmes à la vie politique.

Il est aussi préoccupant de constater que l’on a proposé plus de 58 projets de loi relatifs aux droits de la femme ces dernières années, mais que seulement 13 d’entre eux ont été adoptés; il semble donc que l’on n’ait progressé que lentement pour édifier une législation favorable à la promotion des femmes. L’oratrice se demande, par exemple, si le nouveau projet de loi sur la violence familiale a été voté par la Chambre des représentants et par le Sénat et si, devenu loi, il a été promulgué. Il faut s’attaquer d’urgence au problème de la violence familiale, notamment à celle à l’égard des handicapés et des mineurs.

Le rapport ne fournit pas assez de renseignements sur la situation des femmes au travail. On sait que la discrimination est courante dans les sociétés patriarcales en général et qu’en période de crise économique, les femmes sont toujours les plus défavorisées. Il faudrait se pencher davantage sur les différences entre la situation des femmes dans les secteurs public et privé, ainsi que sur le rôle joué par les syndicats qui cherchent à éliminer la discrimination et les différences de rémunération. Certes, en théorie, la Constitution et la loi protègent le droit au travail des femmes; elles leur garantissent aussi des droits civils égaux à ceux des hommes, mais l’intervenante déplore que l’on continue à tolérer la violence à l’égard des femmes. Elle n’admet pas, par exemple, qu’un homme inculpé de viol puisse échapper aux poursuites judiciaires s’il se marie avec sa victime. Cela constitue, à son avis, une violation flagrante de la Convention.

M me  Ferrer Gomez note aussi que le Comité n’a pas obtenu les renseignements qu’il a demandés afin de bien comprendre la situation actuelle en Uruguay relative à l’application de la Convention. Malgré certaines mesures positives, comme la ratification du Protocole provisoire, une série de lois beaucoup plus complète prévoyant des sanctions en cas de viol des droits de la femme est nécessaire afin de permettre l’application intégrale de la Convention.

L’on n’a guère donné de renseignements sur le rôle, les attributions et l’indépendance de l’Institut national de la femme et de la famille; de plus, aucune mention n’a été faite d’un plan national chargé d’assurer le suivi du Programme d’action de Beijing, aussi l’oratrice se demande-t-elle si l’on adopte vraiment une perspective d’équité entre les sexes dans tous les secteurs et à tous les niveaux de la politique de l’État. L’on aimerait avoir plus d’éléments sur le rôle et le fonctionnement de la Commission des droits de la femme et sur le rôle du groupe des femmes parlementaires. Son travail a-t-il été coordonné avec celui de l’Institut national de la femme et de la famille?

L’on a besoin de plus de renseignements sur la participation des organisations non gouvernementales à la rédaction du rapport et sur les modes d’échange d’informations entre l’Institut national précité et la société civile. Il faudrait aussi avoir plus de données sur les mesures destinées à changer les attitudes traditionnelles et à éliminer les usages discriminatoires. Un programme visant à augmenter systématiquement la conscience des droits de la femme auprès des personnes des deux sexes, surtout au sein des groupes influents de professionnels tels que les enseignants et les juristes, pourrait être mis en oeuvre pour y parvenir.

Au sujet de l’article 19, l’oratrice souligne, d’une part, la nécessité de donner une formation aux personnes, comme les fonctionnaires, qui sont chargées d’appliquer la politique relative à l’équité entre les sexes et, d’autre part, d’apporter des changements draconiens aux matériels didactiques, aux programmes d’études et aux méthodes suivies pour éliminer les stéréotypes à tous les niveaux. Elle applaudit aux progrès accomplis, notamment les programmes pilotes d’éducation sexuelle bien qu’ils soient uniquement destinés aux groupes défavorisés, à la formation améliorée des enseignants, enfin aux efforts du recteur de l’Université nationale pour généraliser la conscience des sexospécificités dans toutes les facultés, mais elle ajoute qu’il semble n’y avoir guère eu de changements d’ensemble dans les faits.

Au sujet de l’article 11, l’intervenante fait remarquer que, malgré l’existence d’une législation appropriée et l’acceptation de normes internationales comme celles de l’Organisation internationale du Travail (OIT), la discrimination et les inégalités entre hommes et femmes sont encore répandues. Bien que les femmes soient généralement plus instruites et cultivées que les hommes, elles sont surreprésentées dans certaines professions traditionnelles comme l’enseignement, les sciences infirmières, le travail social ou certains métiers portant sur des prestations de services, notamment domestiques, mal rémunérés et dont les détenteurs n’ont souvent pas de protection sociale. Même quand les femmes font le même travail que les hommes, leur rémunération malgré la loi n’égale que 75 % de celle de ces derniers. Pire, elle est de 50 % seulement de celle des hommes dans les postes de gestionnaire et ceux occupés par des membres des professions libérales. L’oratrice a aussi remarqué l’absence de programmes visant à répondre aux besoins des femmes âgées, surtout à Montevideo où habitent la plupart d’entre elles.

M me  Kapalata constate que le rapport ne fait pas mention du paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et ne traite pas, par exemple, de la participation des femmes au Gouvernement ni de leur accès à une charge d’élu, cas pour lesquels il serait approprié d’adopter des mesures temporaires spéciales. Elle demande un complément d’information pour déterminer si le recours à de telles mesures est bien considéré comme une façon de promouvoir l’égalité de fait entre les hommes et les femmes. L’assertion contenue dans le paragraphe 144 du rapport, selon laquelle les propositions visant à corriger des situations d’inégalité fondées sur le sexe ne sont que des recommandations sans force obligatoire pour les autorités publiques, l’inquiète également. Si tel est le cas, comment pourra-t-on les inclure dans une loi dont l’application sera obligatoire pour les secteurs public et privé?

M me  Rivero (Uruguay) déclare que l’on n’a pas envisagé de prendre de mesures temporaires spéciales parce qu’elles n’apporteraient aucune solution réelle ni permanente aux problèmes actuels.

En ce qui a trait aux faibles pourcentages de femmes dans les postes de responsabilité des partis politiques, de l’Administration et des syndicats (art. 7), l’oratrice souligne qu’il n’y a pas eu de tentative délibérée de reléguer les femmes dans des rôles mineurs. Toutefois, il est, à son avis, difficile en pratique de faire appliquer les principes enchâssés dans la Constitution et la législation parce qu’ils ne correspondent pas aux attitudes traditionnelles. Le besoin souvent pour les personnes de sexe féminin de trouver un équilibre entre leur vie professionnelle et leurs responsabilités de mères et de femmes d’intérieur, ainsi que leurs possibilités relativement faibles de bien gagner leur vie les empêchent de jouer un rôle plus actif dans la société. Cependant, les membres de la jeune génération sont plus disposés à accepter l’égalité de l’homme et de la femme et à partager leurs rôles, mais la situation est encore loin d’être parfaite. Dans l’arène politique, les femmes ont souvent du mal à percer dans un monde traditionnellement axé sur les hommes, même si des progrès ont été accomplis à cet égard et si la Constitution garantit à tous les citoyens le droit de vote et celui d’occuper une charge d’élu au sein du gouvernement et de la fonction publique. Le Ministère des affaires étrangères a récemment recruté neuf femmes mais aucun homme. Le niveau d’instruction des femmes, généralement supérieur à celui de leurs homologues masculins, devrait aider les premières à jouer un plus grand rôle qu’auparavant dans les postes de direction.

L’oratrice admet qu’il n’existe pas de plan précis pour donner suite au Programme d’action de Beijing. Toutefois, il faudrait inclure ce dernier dans le vaste mandat de l’Institut national de la femme et de la famille, qui reprend en grande partie les principales dispositions de ce programme d’action. Cet institut fonctionne indépendamment, même si c’est un organe affilié au Ministère de l’éducation et de la culture. Sa composition est multidisciplinaire puisqu’il comprend des représentants du Ministère de l’éducation, d’autres ministères, des sénatrices et des députés ainsi que des délégués d’organisations non gouvernementales. La personne qui en assure la présidence est nommée par le Ministère de l’éducation et de la culture en consultation avec le cabinet du Président. Quant à ses autres membres, ils sont nommés par les ministères ou les groupes qu’ils représentent.

La première mouture de la loi sur la violence familiale a été adoptée par l’Assemblée et elle devrait l’être par le Sénat en 2002. L’important reliquat de projets de loi déposés mais non adoptés est habituel dans tous les domaines, pas seulement dans celui des droits de la femme. L’aspect positif à retenir de cette situation, c’est qu’une législation a été proposée lorsqu’un besoin s’est fait sentir à son égard; de plus, l’on a amendé les lois existantes en tenant compte des leçons tirées de leur application.

L’écart entre la rémunération des hommes et celle des femmes n’a nullement été institué. En effet, dans le secteur public, il n’y a absolument aucune différence entre les traitements des hommes et des femmes; la discrimination ne s’est produite que dans le secteur privé, sous l’influence de la coutume et de la tradition.

Les organisations non gouvernementales ont offert une aide et un savoir-faire qui ont complété les activités déployées par le gouvernement pour appliquer la Convention en Uruguay. Leurs idées et leurs initiatives ont eu de grandes répercussions sur la société uruguayenne car, grâce à leurs compétences et à leurs connaissances, elles ont apporté une contribution importante pour favoriser l’équité entre les sexes.

Le fait que seuls 13 des 58 projets de lois relatifs aux femmes aient été votés par le Parlement reflète bien la tendance qui se manifeste habituellement en Uruguay : l’on y rejette beaucoup d’entre eux parce qu’ils sont incompatibles avec la législation actuelle.

M. Paolillo (Uruguay) dit que le tirage au sort des noms a été institué il y a plusieurs décennies pour empêcher la stigmatisation des enfants dits illégitimes. Il est désormais généralement considéré comme absurde de faire une distinction entre un enfant né de parents mariés et un autre dont les parents n’ont pas contracté mariage. [Dans les pays de langue espagnole], un enfant qui a deux parents a un prénom et deux noms de famille, un pour chacun de ses parents. Toutefois, celui qui n’a qu’un parent n’a qu’un seul nom de famille. Afin de rendre impossible de déterminer qu’il est illégitime, l’on a décidé de lui assigner de façon aléatoire un second nom de famille si son parent ne lui en a pas choisi un, même si cet autre nom est rarement utilisé.

M me  Rivero (Uruguay) dit que la loi qui disculpe le violeur s’il se marie avec sa victime est aussi un vestige d’une époque révolue. Traditionnellement, si les parents d’une jeune femme refusent de lui permettre de se marier, son prétendant peut l’enlever pour forcer ses parents à consentir à son mariage. L’assentiment de ladite victime est nécessaire, un homme ne pouvant faire un rapt de son seul gré. Selon la loi en vigueur, le juge doit se pencher sur une accusation de viol afin de déterminer si la relation entre les intéressés peut disculper la victime. En fait, l’on ne recourt plus à cette solution anachronique, et personne ne s’est donc donné la peine de faire abroger la disposition législative pertinente.

Les nouveaux manuels scolaires publiés avaient adopté une manière novatrice d’aborder l’éducation sexuelle. Toutefois, ils ont provoqué un tel tollé dans la société qu’il a fallu les retirer de la circulation. La controverse relative à la façon d’aborder la sexualité avec les adolescents se poursuit et il faudra peut-être un certain temps avant que l’on puisse diffuser une autre série de manuels pertinents dans les écoles.

Le Gouvernement uruguayen s’efforcera de produire son prochain rapport en respectant strictement les directives de l’ONU. Le rapport actuel est mal construit parce que trop de personne ont mis la main à la pâte et que certains renseignements, parvenus trop tard, n’ont pu y être inclus.

La concentration de la population dans la ville de Montevideo est depuis longtemps un problème pour l’Uruguay. Le Gouvernement uruguayen a donc fait des tentatives de décentralisation, en construisant notamment sans grand succès des universités à l’intérieur de son pays. L’on a recouru à des mesures appliquées dans tout le pays pour résoudre les problèmes sociaux reliés à cette concentration d’habitants dans la capitale. Les femmes ont été au chômage en plus grand nombre que les hommes, en partie parce qu’elle se sont jointes relativement récemment à la population active; elles ne sont toujours pas parvenues au même taux d’activité que les hommes.

M. Paolillo (Uruguay) dit que le problème présenté par la population féminine âgée n’est pas propre à l’Uruguay. Les membres du comité préparatoire de la seconde Assemblée mondiale sur le vieillissement prévue à Madrid en 2002, dont il est le président, ont beaucoup de mal à s’accorder sur un plan d’action dont bien des parties ont trait aux problèmes propres aux femmes âgées vivant dans des zones rurales ou urbaines. À son avis, les problèmes du vieillissement sont différents pour les hommes et pour les femmes. Quand les femmes prennent leur retraite, elles ont tendance à chercher des moyens de s’occuper à la maison alors que les hommes souffrent souvent d’un sentiment d’inutilité.

M me  Rivero (Uruguay) dit que l’Institut national de la femme et de la famille, qui dépend du Ministère de l’éducation et de la culture, a réalisé un rapport sur les campagnes de sensibilisation menées en Uruguay depuis 1995 sur le sujet de la violence à l’égard des femmes. Ce rapport est parvenu trop tard pour que l’on puisse le traduire, mais Mme Sereno fournira de plus amples renseignements à son sujet.

M me  Sereno (Uruguay) déclare, que depuis le début des années 90, l’Institut national de la femme et de la famille a organisé, avec l’appui d’administrations locales ainsi que des ministères de la santé publique et de l’intérieur, des ateliers de sensibilisation sur la violence familiale et sur les droits de la femme à l’intention de hauts fonctionnaires de la police, de travailleurs sociaux, d’avocats, de juges et de représentants des médias. Ces ateliers visaient à éliminer la discrimination dans les attitudes et les décisions culturelles et à modifier des opinions non compatibles avec de nouvelles clauses interprétatives ou avec des engagements internationaux de l’Uruguay.

M me  Abaka parlant à titre individuel, dit que, selon les réponses données à la liste de questions du Comité (CEDAW/PSWG/2002/I/CRP.1/Add.5), des préservatifs sont distribués gratuitement. Et pourtant, ce document indique aussi que les taux de grossesse d’adolescentes ont considérablement augmenté parmi les personnes du sexe féminin âgées de 10 à 19 ans, et que plus de 63 % des mères adolescentes sont célibataires. Elle a du mal à comprendre comment l’Uruguay, en tant qu’État partie à la Convention relative aux droits de l’enfant, puisse tolérer que des enfants procréent. Elle voudrait trouver les causes de ce phénomène, en particulier le rôle que jouent la religion et la culture dans cette situation.

Elle a aussi été troublée d’apprendre qu’en Uruguay, 80 % des femmes noires (qui constituent environ 3 % de la population) n’avaient pas terminé [à un moment donné] leurs études primaires. Même s’il a été indiqué dans les réponses que ce premier pourcentage avait baissé au cours des générations ultérieures, il est clair que l’on n’a pas accordé aux minorités ethniques des droits égaux à ceux du reste de la population. Notant qu’il n’est nullement fait mention dans le rapport du paragraphe 1 de l’article 4, l’oratrice prie instamment le Gouvernement uruguayen d’envisager de recourir à des mesures spéciales pour améliorer la situation des minorités de son pays.

M me  Gaspard dit que le plan du rapport de l’Uruguay n’étant pas clair, il est difficile pour le Comité de déterminer le degré d’application de la Convention. La faiblesse du rapport semble refléter la nature des mécanismes chargés de mettre en oeuvre la Convention. Selon la délégation uruguayenne, cette faiblesse découlerait d’un manque de ressources. Et pourtant, l’oratrice dit que l’on pourrait instaurer de nombreux mécanismes sans que cela entraîne des coûts importants. Elle félicite le Gouvernement uruguayen d’avoir institué une commission parlementaire de l’égalité des sexes qui pourrait donner aux hommes l’occasion d’aider à l’atteinte de ce but, puis elle demande des renseignements sur la composition et les attributions de cette commission.

Une politique efficace est nécessaire pour empêcher les écarts de salaires entre les hommes et les femmes et pour assurer que leur égalité de rémunération aille de pair avec leurs responsabilités communes à la maison, comme l’exige l’article 5 de la Convention. Le Gouvernement uruguayen doit aussi envisager sérieusement de recourir à des mesures temporaires spéciales pour accroître la participation des femmes à la vie publique, conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention. Aussi l’oratrice demande-t-elle que le Gouvernement uruguayen fournisse de plus amples renseignements sur cette question dans son prochain rapport.

M me  Kwaku se réjouit que l’Uruguay ait vite ratifié la Convention et le Protocole facultatif. Elle demande en outre que, s’il ne l’a pas déjà fait, le gouvernement de ce pays prenne des dispositions pour conscientiser, notamment les femmes, à l’égard des droits enchâssés dans ces deux instruments.

M me  Goonesekere dit que le Gouvernement uruguayen doit faire en sorte que le haut niveau d’instruction des femmes se traduise par leur participation aux décisions prises à tous les échelons de la société. Il y a de nombreuses avocates, mais pas de juges de sexe féminin à la Cour suprême et très peu à la Cour d’appel. On pourrait recourir à des mesures temporaires spéciales pour augmenter le nombre de femmes aux niveaux les plus élevés de la magistrature.

Même si la Convention et les autres instruments juridiques internationaux font, une fois ratifiés, automatiquement partie du droit interne, aucun élément n’a été fourni sur les cas où l’on a vraiment invoqué la Convention pour faire respecter des droits. La Constitution ne contient aucune référence explicite quant au statut qu’elle revêt dans le droit interne; de plus, elle ne contient aucune définition du mot discrimination ni de dispositions spécifiques sur l’égalité des sexes. Le recours dit d’amparo semble être un moyen efficace d’obtenir réparation dans les cas de discrimination, aussi l’intervenante voudrait-elle savoir pourquoi les femmes n’en font pas un plus grand usage. On ne pourrait intenter d’action en vertu du Protocole facultatif qu’après avoir épuisé tous les recours internes possibles. Il importe donc de renforcer ces recours et de faire en sorte que les femmes sachent s’en servir.

Quoique l’âge légal du mariage permette de se marier jeune en Uruguay, l’oratrice suppose qu’il y a peu de mariages d’enfants dans ce pays: en effet, les femmes y ayant un niveau d’instruction élevé, cela veut généralement dire qu’elles se marient assez tard. Si c’est le cas, il faudrait augmenter l’âge du mariage pour faire cadrer la loi avec la situation réelle dans le pays.

M me  Rivero (Uruguay) dit que des mesures temporaires spéciales pourraient être un moyen efficace d’améliorer la situation des femmes, aussi propose-t-elle au Gouvernement uruguayen d’envisager d’en prendre. En réponse à une question de Mme Abaka, elle dit que les jeunes ayant des relations sexuelles plus tôt qu’auparavant, le Ministère de la santé publique et le Ministère de l’éducation et de la culture ont introduit des programmes d’éducation sexuelle pour les adolescents dans lesquels l’on met particulièrement l’accent sur la contraception. Toutefois, beaucoup de travail reste à faire dans ce domaine.

Jusqu’à récemment, il n’y avait aucune statistique digne de foi sur les minorités ethniques et raciales, et l’on n’était guère conscient de leurs problèmes. Le niveau d’instruction et le revenu des groupes minoritaires est généralement bas et ces groupes sont aussi sous-représentées dans les partis politiques et les syndicats. Cependant, des progrès sont en cours dans ce domaine, sur lesquels l’Uruguay donnera de plus amples renseignements dans son prochain rapport.

Un nombre croissant d’institutions s’intéressent à la condition de la femme en Uruguay; d’ailleurs, l’Institut national de la femme et de la famille est chargé de mieux coordonner leurs actions. En outre, la Commission des droits de la femme a été mise sur pied pour conseiller les législateurs en matière de condition féminine et appuyer le travail de l’Institut national précité. Lorsque des lois sont adoptées, elles sont publiées dans le journal officiel; ensuite, divers organes font de la publicité à leur sujet. La Commission des droits de la femme est notamment chargée de mieux faire connaître les droits enchâssés dans la Convention et le Protocole facultatif.

L’une des raisons de la sous-représentation des femmes aux échelons supérieurs de la magistrature découle de ce qu’elles n’ont commencé, à la différence des hommes, à entrer dans ce corps que récemment. Cependant, aucun obstacle n’empêche les femmes d’accéder à des postes supérieurs; d’ailleurs, il y a maintenant une femme parmi les juges de la Cour suprême. L’on s’attend à ce que le nombre de femmes appelées à détenir des postes de haut niveau augmente à mesure qu’elles termineront leur cycle d’enseignement supérieur.

M. Paolillo (Uruguay) déclare que beaucoup de femmes qui embrassent une carrière juridique n’y progressent pas autant qu’elles le pourraient; en effet, leur travail exigeant un gros investissement sous forme de temps, elles abandonnent souvent tôt cette carrière pour se consacrer davantage à leurs préoccupations domestiques. Néanmoins, certaines d’entre elles travaillent parfois comme avocates ou comme conseillères juridiques au sein d’organismes publics.

M me  Rivero (Uruguay) dit que le Gouvernement uruguayen estime avec le Comité que l’âge légal du mariage est trop bas, ajoutant que l’on a déposé un projet de loi au Parlement pour le hausser. Toutefois, le nombre d’adolescentes qui deviennent enceintes a récemment augmenté; or il importe que ces jeunes filles puissent se marier si elles le désirent. Le Gouvernement redouble d’efforts pour réduire le nombre des grossesses d’adolescentes et améliorer les programmes d’éducation sexuelle.

M me  Myakayaka-Manzini demande si certains usages culturels ou traditionnels entravent l’avancement des femmes en Uruguay et quelles dispositions l’on prend, en vertu de l’article 5 de la Convention, pour modifier les modèles de comportement socioculturel qui renforcent les stéréotypes sur l’un ou l’autre sexe. Elle aimerait aussi savoir si les manuels scolaires perpétuent ces stéréotypes et, si tel est le cas, ce que l’on peut faire pour s’attaquer à ce problème. Qu’entendent faire le Gouvernement uruguayen, les partis politiques et les organisations non gouvernementales pour accroître la participation des femmes à la politique? Il faut que la représentation des femmes atteigne une « masse critique » (généralement considérée comme étant d’environ 30 %) si l’on veut que leurs vues aient une incidence réelle sur les débats et les décisions politiques.

La séance est levée à 13 heures.