Trente-huitième session

Compte rendu analytique de la 779e séance

Tenue au Siège, à New York, le vendredi 18 mai 2007, à 10 heures

Présidente :Mme Šimonović

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Premier, deuxième et troisième rapports périodiques de Vanuatu

La séance est ouverte à 10 h 5.

Examen des rapports présentés les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Premier, deuxième et troisième rapports périodiques de Vanuatu (CEDAW/C/VUT/1-3; CEDAW/C/VUT/Q/3 et CEDAW/C/VUT/Q/3/Add.1)

Sur l’invitation de la Présidente, les membres de la délégation vanuatuane prennent place à la table du Comité.

M me Sikawonuta (Vanuatu), présentant les premier, deuxième et troisième rapports périodiques, dit que son gouvernement s’attache à édifier la nation mais qu’il se trouve constamment en désaccord avec les systèmes politiques et culturels traditionnels dominés par les chefs mâles alors que les femmes apportent une contribution considérable à l’économie traditionnelle dont la majorité de la population dépend pour vivre. Le gouvernement est déterminé à renforcer la participation des femmes à la prise de décision mais les systèmes traditionnels ne peuvent simplement pas être éliminés du fait qu’ils apportent appui et protection aux femmes et aux enfants. Les priorités du gouvernement sont l’accès amélioré aux services de santé et à l’éducation, en particulier l’enseignement supérieur. La Constitution garantit l’égalité des droits aux hommes et aux femmes mais le gouvernement doit constamment encourager les institutions à assurer la promotion de la femme.

Vanuatu a ratifié sans réserve la Convention en 1995 et le Protocole facultatif en décembre 2006. Le Gouvernement vanuatuan a convoqué le premier Forum des femmes en août 2006 qui a examiné l’engagement du gouvernement en faveur de l’égalité des sexes, en particulier la mise en oeuvre du Programme d’action de Beijing et il a produit le plan national d’action pour les femmes pour 2007-2011. Malgré la lenteur des progrès dans l’octroi de rôles décisionnels aux femmes dans la vie publique, il y a eu récemment quelques nominations à des postes de responsabilité, notamment celui de procureur. En prévision des élections de 2008, le gouvernement organise des programmes d’éducation des électeurs, de formation de dirigeants et d’éducation civique pour renforcer la participation des femmes. En avril une femme a été élue maire aux élections municipales.

Le gouvernement appuie le Programme de développement des femmes de Vanuatu, qui est une institution de microfinancement ciblant les femmes. Le projet de loi sur la protection de la famille doit être adopté en 2007 lorsque que le comité parlementaire compétent aura fini d’examiner les observations du public à ce sujet. Le Conseil national des chefs a aboli en 2005 l’aspect monétaire du prix de la mariée bien que d’autres formes traditionnelles aient été maintenues. En 2006 le ministère de l’éducation a lancé un programme de formation de dirigeants à l’intention des femmes. Le Sommet national sur la terre de 2006 a recommandé que tous les propriétaires terriens, y compris les femmes, soient consultés pour toute décision concernant les questions foncières. La loi de 2006 relative à l’administration pénitentiaire prend en compte les besoins spéciaux des femmes détenues.

Les efforts visant à améliorer la condition des femmes sont une véritable gageure mais la représentante de Vanuatu assure les membres du Comité que Vanuatu finira par émanciper pleinement les femmes pour qu’elles puissent participer à tous les domaines de la vie publique sur un pied d’égalité avec les hommes. Le processus d’établissement de rapports qui a fait participer tant le gouvernement que la société civile a en lui-même contribué à sensibiliser la population de Vanuatu aux questions d’égalité des sexes.

Articles premier et 2

Mme Begum fait observer qu’en vertu de la Constitution, la propriété foncière est régie par le droit coutumier qui défavorise considérablement les femmes. Elle demande si le gouvernement prendra des mesures pour modifier la Constitution afin de s’acquitter des obligations qui lui incombent en vertu de la Convention et d’éliminer cette forme grave de discrimination à l’égard des femmes. Notant la nécessité d’une commission de la réforme du droit qui examinera et amendera la législation dans une perspective d’égalité des sexes ainsi que les conclusions d’une étude sur la discrimination fondée sur le sexe dans la législation, Mme Begum demande quand Vanuatu prendra des mesures à cet égard.

M. Flinterman accueille avec satisfaction la ratification du Protocole facultatif par Vanuatu. Il souhaiterait des informations supplémentaires sur le statut de la Convention dans la législation interne, plus particulièrement il voudrait savoir si les dispositions de la Convention peuvent être invoquées directement et si elles prennent le pas sur la législation interne. En ce qui concerne le Protocole facultatif, il demande quels recours internes existent et comment les femmes peuvent s’en prévaloir. Il voudrait savoir ce qui se passe lorsque la Constitution contredit le droit coutumier ou même la Convention.

M me Tavares da Silva fait observer, en ce qui concerne la question 3 de la liste des questions, que la Convention insiste sur l’égalité des droits qui est objective et mesurable et pas seulement sur l’équité ou la justice qui sont des notions subjectives et relativement vagues. Les rapports périodiques mentionnent un certain nombre de mesures qui ont été prises mais ils n’indiquent pas si leurs effets ont été évalués, ce qui ne permet pas d’élaborer efficacement de nouvelles politiques. Mme Tavares da Silva prie instamment le gouvernement de prendre davantage d’initiatives dans ce domaine.

M me Shin, notant que l’élaboration du rapport a dû inévitablement sensibiliser la population aux questions d’égalité des sexes, demande comment les divers groupes ont réagi à ces questions, par exemple les hommes, les femmes, les entités gouvernementales, les entités non gouvernementales. L’examen des lois est important mais ne doit pas se limiter à l’absence de discrimination fondée sur le sexe du fait que la discrimination indirecte peut se produire même lorsque les lois ne semblent pas discriminatoires.

M me Saiga, revenant au problème des contradictions entre la Convention, la Constitution et le droit coutumier, dit que la Convention fait obligation aux États parties de modifier leurs lois et coutumes afin d’éliminer la discrimination à l’égard des femmes. Ainsi par exemple Vanuatu devra amender ses lois sur la propriété foncière pour éliminer cette forme de discrimination. Mme Saiga demande instamment que le mécanisme national qui cherche à améliorer la condition de la femme prenne l’initiative et exige que les lois discriminatoires soient amendées.

La Présidente, prenant la parole en tant que membre du Comité, demande davantage d’informations sur la position juridique de la Convention à Vanuatu. Elle souhaite savoir si la Convention peut être invoquée directement ou si elle doit être incorporée à la législation interne. Elle prie instamment la délégation vanuatuane de veiller à ce que tous les départements gouvernementaux et le parlement participent au suivi du respect de la Convention et à l’élaboration du rapport. Les questions d’égalité des sexes doivent revêtir une importance primordiale.

M. Aru (Vanuatu) dit que divers amendements à la Constitution ont été proposés et présentés aux comités parlementaires pour examen mais qu’aucun rapport n’a été encore reçu à ce sujet. Un organe chargé de la réforme du droit a été mis en place mais ses membres n’ont pas encore été nommés. Des amendements proposés à la loi sur la citoyenneté ont été examinés mais jusqu’ici aucune mesure n’a été prise. La Convention a été ratifiée mais ses dispositions doivent être incorporées dans la législation interne avant de pouvoir être invoquées. En ce qui concerne les recours juridiques, le représentant de Vanuatu dit que les personnes qui estiment que leurs droits ont été violés peuvent s’adresser aux tribunaux et en dernier recours à la Cour suprême. La Constitution est la loi suprême et prend le pas sur toutes les lois, même celles qui pourraient donner effet aux dispositions de la Convention. La Constitution ne définit pas la discrimination mais elle interdit la discrimination fondée sur le sexe, la race ou la religion.

M me Taleo (Vanuatu) dit qu’en ce qui concerne les progrès réalisés dans la promotion de la condition de la femme, le Forum national des femmes de 2006 a examiné des questions importantes qui ont débouché sur un deuxième plan d’action. Tous les ministères sont tenus d’élaborer des rapports annuels, bien que des améliorations puissent être apportées dans ce domaine. S’agissant des lois discriminatoires, des mesures ont été prises concernant 12 lois qui ont été identifiées. Des efforts sont actuellement déployés pour encourager un changement d’attitude parmi les acteurs étatiques et non-étatiques et portent particulièrement sur l’éducation civique et le système d’enseignement classique en général.

M. Aru (Vanuatu) dit que le processus d’amendement des lois à Vanuatu comprend plusieurs étapes. Lorsqu’une loi doit être amendée, les politiques sous-jacentes doivent être examinées par le ministère compétent puis envoyées au conseil des ministres pour approbation. Ensuite des instructions sont données au Procureur général pour qu’il commence la rédaction. Le projet de loi est ensuite renvoyé au conseil des ministres pour approbation puis au parlement pour débat. Si le projet de loi est adopté il entre en vigueur au moment de sa publication dans le Journal officiel.

M me Tahi (Vanuatu) dit que le système judiciaire de Vanuatu a commencé à tenir des réunions sur les droits de propriété des femmes.

Article 3

M me Dairiam dit qu’un plan d’action global concernant la Convention est nécessaire et qu’il doit comprendre des critères normatifs et un cadre permettant de parvenir à l’égalité des droits pour les femmes. Après avoir adopté son plan d’action en 1996 pour les 12 domaines critiques énoncés dans le Programme d’action de Beijing, pourquoi l’État partie a-t-il éprouvé le besoin d’établir en 1997 les neuf critères et cibles pour proposer une politique claire de parité entre les sexes? Les plans conformes au Programme d’action de Beijing, les plans visant la réalisation des objectifs de développement du Millénaire et les plans d’application de la Convention apparaissent tous dans les rapports périodiques comme des engagements parallèles et non comme des engagements faisant partie d’un cadre unifié des droits de l’homme fondé sur les normes juridiques prévues dans la Convention. Mme Dairiam se déclare préoccupée par le fait que les informations fournies dans les rapports périodiques sont formulées en termes très généraux tels que « parité » et « absence de différenciation selon le sexe » et non en termes qui reflètent les principes et le cadre de la Convention et les critères et cibles très spécifiques que l’État partie s’est imposé. Mme Dairiam espère que ces objectifs seront atteints en vue de promouvoir l’égalité, d’éliminer la discrimination et de réformer les structures discriminatoires.

M me Neubauer dit que, malgré la volonté politique de Vanuatu d’assurer la participation intégrale des femmes, sur un pied d’égalité, aux questions nationales et intérieures et l’adoption des neuf critères pour évaluer les progrès, il est évident que ce pays ne dispose pas des ressources et capacités nécessaires pour prendre les mesures appropriées. Elle demande comment Vanuatu peut surmonter sa dépendance vis-à-vis des contributions volontaires afin de s’acquitter des obligations financières énoncées dans le Programme d’action de Beijing.

M me Chutikul prie instamment l’État partie d’incorporer le suivi et l’évaluation systématiques des progrès dans les neuf critères, ce qu’il n’a pas apparemment fait dans son plan national d’action pour 2007-2011. Elle souhaite davantage d’informations sur les questions de fond du Plan national d’action. Des détails sur la proposition visant à mettre en place un ministère de la condition féminine autonome seraient également les bienvenus. Accueillant avec satisfaction le projet de l’État partie de créer un comité consultatif pour les femmes et un poste de spécialiste de l’égalité des sexes, Mme Chutikul voudrait savoir si les ressources nécessaires seront disponibles à cette fin. Elle demande également quels sont les recours locaux qui doivent être épuisés avant que les femmes puissent s’adresser au Médiateur.

M me Arocha Dominguez dit que si le financement du mécanisme national a augmenté au cours des trois dernières années, la participation d’autres pays a été importante. Ce financement est-il conforme aux accords de coopération équitable soucieux des besoins et priorités du pays? Cette dépendance vis-à-vis des donateurs ne nuit-t-elle pas à la viabilité de certains programmes? Mme Arocha Dominguez craint que l’appui des pays développés ne coïncide pas toujours avec les priorités nationales et elle pose les questions suivantes sur la situation à Vanuatu : quelles sont les perspectives véritables pour le plan d’action pour 2007-2011? Que se passe-t-il dans différents régions du pays en ce qui concerne les 12 domaines critiques du Programme d’action de Beijing?

M me Shin pose des questions sur le contenu du Plan national d’action et sur sa mise en œuvre. Les comités interinstitutions ou interministériels ne se sont pas révélés efficaces dans le passé. Le bureau du Médiateur doit être encouragé à fournir des données ventilées par sexe et des données doivent être sollicitées des autres ministères. Quel est la part du budget ordinaire qui est allouée au Plan d’action et quel pourcentage représente-t-elle? Les ressources pour les dépenses opérationnelles sont-elles demandées aux organismes donateurs tous les ans ou est-il possible d’obtenir un financement pour des projets étalés sur plusieurs années?

M me Taleo (Vanuatu) dit que le Plan national d’action est issu d’un forum rassemblant toutes les femmes du pays. Bien qu’il soit achevé, le matériel de formation ne sera pas prêt avant juin, lorsqu’il sera distribué aux ministères, aux acteurs non étatiques et aux administrations provinciales pour demander leur assistance pour la mise en oeuvre du plan, qui contient quelque 400 recommandations. Les différents ministères qui auront examiné le Plan d’action auront l’occasion de faire connaître leurs besoins en ressources financières.

M. Aru (Vanuatu) dit que le Médiateur reçoit les plaintes à la fois d’hommes et de femmes contre les mesures gouvernementales qui les affectent et il a le pouvoir d’examiner ces plaintes et d’établir des rapports à ce sujet. Le représentant de Vanuatu ne dispose pas actuellement de données sur le nombre de plaintes reçues de femmes et celles qui émanent des hommes. Il n’existe pas de commission nationale des droits de l’homme à Vanuatu, seulement un Médiateur.

Article 4

M me Schopp-Schilling dit qu’il faut féliciter Vanuatu de sa disposition constitutionnelle sur les mesures temporaires spéciales; cependant il semble qu’il y ait des malentendus sur la nature de ces mesures. Vanuatu doit examiner la recommandation générale 25 qui porte plus sur la façon dont les mesures temporaires spéciales peuvent être employées pour remédier à la discrimination passée et la surmonter que sur les politiques ou programmes généraux. À cet égard Mme Schopp-Schilling demande si les partis politiques nomment davantage de candidates. Des chiffres précis peuvent-ils être fournis concernant les bourses dans le domaine de l’enseignement? Les mesures temporaires spéciales doivent également s’appliquer aux filles dans les écoles techniques et professionnelles et les centres de formation ruraux.

M me Taleo (Vanuatu) dit que l’introduction de quotas volontaires a été examinée officieusement avec les dirigeants des partis politiques, qu’un atelier de sensibilisation aux quotas a été organisé en 2006 et qu’un comité a été mis en place pour étudier la question et qu’il recueille des informations. À plus long terme la promulgation d’une loi est envisagée.

M. Nirua (Vanuatu) dit que les comparaisons indiquent que tous les boursiers n’ont pas fini leurs études. En 2004, 26 boursiers et 17 boursières ont terminé leurs études. En 2005 les chiffres sont respectivement 29 et 27. Lorsque les nombreuses données recueillies en avril seront disponibles, l’évolution des tendances sera plus claire. Dans le cadre d’un programme visant à accroître le nombre de femmes dans les domaines techniques, quelque 28 bourses par an ont été offertes aux femmes qui suivent une formation technique et professionnelle à l’Institut de technologie de Vanuatu. Conformément à la stratégie dans le secteur de l’éducation de Vanuatu, toutes les politiques du ministère de l’éducation dans toutes les provinces doivent promouvoir l’équité entre les sexes. Cette stratégie comprend des mesures visant à aider les étudiants ayant des besoins spéciaux et les étudiantes. Le ministère de l’éducation surveille l’équité d’accès, supprime les pratiques qui favorisent l’inégalité et prend d’autres mesures appropriées à cette fin.

La Présidente rappelle la position du Comité concernant les termes « équité du statut des deux sexes » et « égalité des sexes », la Convention étant axée sur l’égalité des sexes, à savoir l’égalité des droits et des chances pour les femmes dans tous les domaines. Elle prie la délégation vanuatuane d’envisager d’employer l’expression « égalité des sexes ».

Article 5

M me Simms dit qu’il faut féliciter Vanuatu des nombreux changements progressifs qui se sont produits. En ratifiant la Convention Vanuatu a entrepris de modifier des schémas de comportement culturels et sociaux en vue d’éliminer les préjugés contre les femmes qui se fondent sur des notions d’infériorité. Bien que l’État partie ait souligné la nécessité constante de concilier tradition et progrès dans sa déclaration liminaire, Mme Simms dit que la plupart des pratiques traditionnelles dans le monde ont été établies par les hommes pour servir leurs intérêts, et il est donc extrêmement important d’identifier les pratiques traditionnelles qui visent à promouvoir les droits des femmes. Ainsi par exemple la pratique du prix de la mariée, à savoir le paiement en espèces en échange d’une femme, a été abrogée mais les formes traditionnelles que revêt cette pratique, par exemple l’échange de bétail contre une femme, ont été maintenues. Les femmes de Vanuatu doivent décider si une telle pratique renforce réellement leur dignité. Mme Simms suggère respectueusement qu’il est nécessaire d’aller plus loin et d’abolir non seulement le paiement en espèces mais également toute autre forme de paiement. Les ONG ont un rôle important à jouer dans ce processus. Mme Simms voudrait savoir si le gouvernement leur offre des subventions pour les efforts qu’elles déploient en vue de sensibiliser la société civile à cette question.

M me Coker-Appiah, faisant observer que l’adoption du projet de loi sur la protection de la famille a déjà été retardée depuis un certain nombre d’années, voudrait être certaine que ce projet de loi sera finalement adopté en 2007, étant donné en particulier le climat de scepticisme public mentionné dans le rapport. Elle souhaite également savoir si la procédure de demande d’une ordonnance de protection en vertu de ce projet de loi est aisément accessible aux femmes ordinaires et si une assistance judiciaire gratuite est disponible aux personnes qui en ont besoin. Enfin elle s’associe aux observations faites par les deux oratrices précédentes sur la nécessité de réexaminer le recours aux formes coutumières du prix de la mariée. Toute forme de paiement d’une épouse vise à renforcer la position d’infériorité des femmes.

M me Tavares da Silva se déclare profondément préoccupée par le fait que la notion d’infériorité des femmes est profondément enracinée dans la société vanuatuane comme le montrent l’opinion bien ancrée selon laquelle les femmes doivent s’en prendre à elles-mêmes pour la violence sexiste, le fait que le viol et les agressions sexuelles sont considérés comme des « délits contre les bonnes mœurs », la légèreté des condamnations imposées aux auteurs de tels délits et les retards dans l’adoption du projet de loi sur la protection de la famille. Une stratégie globale, comprenant un système d’éducation familiale et des campagnes de sensibilisation faisant participer les médias, est nécessaire de toute urgence afin d’accélérer les changements culturels. Mme Tavares da Silva souhaite savoir quelles mesures le gouvernement envisage de prendre à cette fin.

M me Gaspard s’associe aux préoccupations exprimées à propos des stéréotypes négatifs concernant les femmes, qui visent à perpétuer la discrimination. Elle a entendu dire qu’il est difficile, voire impossible, pour une femme de critiquer un homme dans la société vanuatuane et elle demande si la chef de la délégation de l’État partie, en tant que ministre du gouvernement, critique ses collègues masculins s’ils sont en faute. Notant qu’aucune étude n’a été effectuée sur les conséquences de l’image négative des femmes dans les médias, Mme Gaspard dit qu’il est crucial de prendre des mesures pour mettre un terme à une représentation qui est dégradante pour 50 % de la population.

M. Aru (Vanuatu) dit que la Constitution de Vanuatu reconnaît que les valeurs mélanésiennes traditionnelles existaient en tant que mode de vie et système de gouvernement avant l’indépendance du pays en 1980. Il est inévitable qu’il y ait des conflits entre les valeurs traditionnelles et le nouveau système de gouvernement introduit depuis l’indépendance. Bien que la pratique du prix de la mariée en espèces ait été abolie, l’échange de cadeaux entre les familles est une coutume qui persiste car elle fait partie de la culture de Vanuatu. Il reste à voir si cette pratique sera elle aussi abolie.

M me Tahi (Vanuatu) dit qu’une campagne active est en cours pour accroître l’appui du public au projet de loi sur la protection de la famille en vue d’assurer son adoption par le Parlement en 2007. Les ordonnances de protection sont délivrées par les tribunaux d’instance, la demande de telles ordonnances est donc plus facile pour les femmes des zones urbaines que pour celles qui vivent dans les zones reculées du fait que les tribunaux d’instance n’existent pas dans toutes les provinces ou toutes les îles. Il est vrai également que l’alphabétisation pourrait être un obstacle à l’accès pour certaines femmes. Les femmes peuvent demander, par l’intermédiaire de groupes de femmes, une assistance judiciaire qui leur permettra de payer les frais judiciaires afférents aux demandes d’ordonnances du tribunal.

M me Sikawonuta (Vanuatu) dit qu’elle est certaine que le projet de loi sur la protection de la famille sera adopté en 2007. Répondant à une question posée par Mme Gaspard, elle dit que les femmes à Vanuatu doivent critiquer les hommes si elles veulent progresser dans la politique.

Article 6

M me Chutikul demande si une étude a été effectuée sur la situation de la traite des êtres humains, en particulier des femmes. Dans le cas contraire il faut espérer qu’une telle étude sera menée à bien dans un avenir proche. Si l’État partie n’a pas encore accédé au Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, il devrait envisager de le faire. L’État partie doit également envisager d’utiliser les directives publiées par le Haut Commissariat aux droits de l’homme concernant la traite des êtres humains, en particulier la nécessité de veiller à ce que les victimes soient protégées et placées dans des refuges spéciaux. La traite des êtres humains est liée à de nombreux autres problèmes de droits de l’homme qui affectent les femmes, comme la pauvreté, la violence, la santé et la discrimination sexiste, qui doivent tous être réglés pour résoudre efficacement le problème de la traite des êtres humains. Le gouvernement doit également envisager de collaborer avec les organisations locales pour s’attaquer à ce problème.

M. Flinterman dit qu’il est regrettable que les rapports périodiques de Vanuatu contiennent peu d’informations sur l’ampleur de la prostitution, la santé des prostituées et le nombre de poursuites judiciaires pour racolage et proxénétisme. Il est également déçu qu’aucune étude n’ait été effectuée sur les difficultés économiques frappant les femmes qui les forcent à se prostituer. Il souhaite savoir si le gouvernement prend des mesures dans ce domaine, par exemple s’il envisage de recueillir des données en vue d’élaborer une politique de lutte contre l’exploitation de la prostitution.

M me Taleo (Vanuatu) dit que le gouvernement envisage de s’attaquer au problème de la traite des êtres humains à l’avenir mais que ses ressources sont actuellement consacrées à d’autres priorités. Aucune mesure spécifique n’est actuellement en place en ce qui concerne la prostitution mais une stratégie d’émancipation économique des femmes par le microfinancement a été mise en place pour aider les femmes défavorisées en général. Il faut espérer qu’il sera possible un jour de s’occuper de groupes spécifiques de femme comme les prostituées.

Articles 7 et 8

M me Zou Xiaoqiao, se félicitant des progrès réalisés dans le renforcement de la participation des femmes à la vie politique, fait observer que certains plans et politiques n’ont pas encore été pleinement mis en oeuvre et elle demande quelles sont les mesures prises pour évaluer les moyens d’application et les adapter le cas échéant. Elle souhaite également savoir si le gouvernement envisage de dispenser aux fonctionnaires une formation aux questions d’égalité des sexes et de prendre des mesures pour encourager les femmes à participer davantage à la vie politique. Notant que la discrimination empêche encore les femmes d’occuper des postes de responsabilité dans la politique, Mme Zou Xiaoqiao demande quelles sont les mesures prises pour éliminer une telle discrimination et pour créer un environnement où les femmes se sentent capables de participer.

M me Belmihoub-Zerdani dit qu’il reste encore beaucoup à faire à Vanuatu pour donner aux femmes la place qui leur revient dans la société conformément à la Convention. La principale richesse du pays est la terre, or en droit coutumier, l’accès des femmes à la terre est extrêmement limité. Il est donc impératif que davantage de femmes siègent au Parlement pour qu’elles puissent changer les lois qui sont discriminatoires à leur endroit. À cette fin des quotas doivent être établis pour veiller à ce qu’un minimum de 30 % des parlementaires soient des femmes. Il faut espérer que des progrès sensibles seront réalisés dans ce domaine lorsque l’État partie présentera son prochain rapport périodique.

M me Taleo (Vanuatu), se référant à la formation des fonctionnaires gouvernementaux à l’égalité des sexes, dit que l’accent est mis actuellement sur la sensibilisation des femmes à leurs droits en vue de créer une demande de changement émanant des femmes elles-mêmes.

À Vanuatu la terre appartient traditionnellement à la communauté. Lorsque des biens fonciers sont vendus à des particuliers, ce sont les hommes en général qui acquièrent le droit de propriété. Cependant en 2006 le Sommet national sur la terre a recommandé que toutes les parties prenantes, y compris les femmes, soient consultées lorsqu’une terre est mise en vente.

En ce qui concerne la participation à la vie politique, le Forum sur les quotas tenu en novembre 2006 a conclu qu’il n’était pas approprié culturellement de promulguer une loi sur les quotas à l’heure actuelle. La politique actuelle est d’encourager les partis politiques à établir volontairement des quotas et d’inciter les femmes à occuper des postes de responsabilité. La question de la promulgation de lois sera examinée lorsque l’approche volontaire aura été pleinement mise en oeuvre.

Article 9

M me Saiga demande davantage d’informations sur les amendements envisagés à la loi sur la citoyenneté. Les rapports périodiques mentionnent quatre aspects de cette loi que le Médiateur considère comme discriminatoires, or les amendements mentionnés dans les réponses à la liste des questions semblent ne porter que sur trois aspects qui concernent les droits des hommes en matière de nationalité. Mme Saiga souhaite savoir si les dispositions discriminatoires à l’égard des femmes feront également l’objet d’amendements.

M me Gaspard dit que la question de l’autonomie des femmes en ce qui concerne l’acquisition, le changement et la conservation de la nationalité et la transmission de celle-ci aux enfants est un problème de longue date dans de nombreux pays. Les dispositions discriminatoires de la loi sur la citoyenneté ont été identifiées dès 1999, or cette loi n’a pas encore fait l’objet d’amendements. Mme Gaspard souhaite savoir quels sont les obstacles qui s’opposent à l’adoption d’amendements et elle voudrait être certaine que le projet actuellement à l’examen est tout à fait compatible avec l’article 9 de la Convention.

M. Nirua (Vanuatu) dit que les amendements proposés à la loi sur la citoyenneté nécessiteront l’approbation du conseil des ministres, comme tous les amendements aux lois existantes, avant d’être soumis au Parlement. Cependant le gouvernement a son propre programme législatif et tend à accorder une priorité plus grande aux questions de développement.

Article 10

M me Simms souligne qu’il est important pour la réalisation des objectifs de développement que les filles aient l’occasion, grâce à l’éducation, d’atteindre pleinement leur potentiel. Il faut faire davantage cependant pour éviter de les confiner dans des rôles traditionnels en leur présentant notamment en modèles des femmes qui ont brisé le moule traditionnel. Il faut faire connaître aux enfants pauvres tout particulièrement l’exemple de telles femmes en chair et en os et pas seulement des modèles théoriques.

M me Arocha Dominguez dit qu’elle comprend tout à fait les difficultés d’assurer l’éducation pour tous à des populations dispersées. Cependant comme l’éducation est un moyen essentiel d’améliorer la condition des femmes il est impératif d’intensifier les mesures en ce sens. Notant que l’État partie envisage de mettre en place des internats pour filles pour leur permettre d’être scolarisées, Mme Arocha Dominguez demande pourquoi des écoles destinées à un seul sexe sont également envisagées du fait que cela ne ferait que renforcer les stéréotypes. Elle voudrait savoir quelles mesures concrètes sont actuellement prises pour augmenter le nombre d’enseignantes, notamment dans le domaine de la formation. Le Comité souhaite également savoir si des mesures sont prises pour encourager le personnel enseignant à incorporer une perspective non sexiste dans l’enseignement.

M me Zou Xiaoqiao fait observer que d’après les rapports périodiques, l’un des objectifs du Plan national d’action dans le domaine de l’éducation lancé en 2001 est de fournir un enseignement primaire gratuit et obligatoire à tous d’ici à 2015 et d’améliorer de 50 % le niveau d’alphabétisation des adultes à la même date (CEDAW/C/VUT/1-3, par. 10.48 et 10.49). Elle demande quelles sont les mesures concrètes déjà prises ou envisagées pour atteindre ces objectifs, si les progrès réalisés jusqu’ici ont été évalués et si un système de suivi est en place. Malheureusement les rapports périodiques ne donnent aucune information sur la réforme des programmes scolaires pour éliminer les stéréotypes sexistes dans l’enseignement. Mme Zou Xiaoqiao demande si le gouvernement envisage d’effectuer un examen détaillé des manuels et programmes scolaires à cette fin ou d’élaborer des politiques et du matériel pédagogique non sexistes dans le domaine de l’éducation.

M me Pimentel pose des questions sur les programmes d’éducation pour les jeunes dans les questions de santé de la procréation et du VIH/sida, étant donné en particulier les changements spectaculaires dans leur comportement sexuel noté dans les rapports périodiques. Elle se demande si une stratégie incorporant une perspective non sexiste est élaborée à cette fin. Le Comité souhaiterait également des informations sur la formation professionnelle des filles dans les zones rurales en dehors du système d’enseignement classique et les mesures prévues par le gouvernement pour assurer l’accès de tous à l’enseignement gratuit.

M. Nirua (Vanuatu) dit qu’un rapport est actuellement élaboré sur les écoles destinées à un seul sexe, mais qu’aucune discussion de fond sur cette question n’a été encore tenue. Jusqu’ici aucune mesure concrète n’a été prise sur cette question ni sur celles des filles vivant dans les zones reculées; ces deux questions sont abordées dans le Plan d’action. Quant à la recommandation concernant l’augmentation du nombre d’enseignantes, il y a eu des améliorations, en particulier au niveau primaire; mais des efforts supplémentaires sont encore nécessaires. Une équipe de travail sur la réforme du programme scolaire a été récemment mise en place et ses conclusions seront incorporées au Plan d’action. L’insuffisance de ressources financières et humaines ne permet pas à Vanuatu de produire ses propres manuels scolaires, qui est un autre domaine abordé par le Plan d’action. Il faut espérer que les donateurs et les parties prenantes collaboreront pour résoudre cette question. L’élaboration d’un programme scolaire approprié sera également une préoccupation importante. Quant à la question de l’enseignement gratuit et obligatoire pour tous, y compris les filles, des progrès ont été enregistrés : en 2006 l’enseignement de base qui s’arrêtait auparavant à la sixième année d’études a été prolongé de deux ans; à l’heure actuelle l’État partie n’est pas en mesure de consentir des efforts supplémentaires pour des raisons financières, étant donné en particulier le coût élevé de l’enseignement secondaire. Un plan stratégique sur cette question est prévu pour la fin de 2007.

M me Abel (Vanuatu), répondant à la question sur la sensibilisation au VIH/sida dans les écoles, dit que le ministère de la santé coopère avec le ministère de l’éducation et les partenaires de développement dans ce domaine et qu’il a entrepris un certain nombre d’activités de sensibilisation à cette fin. Des discussions sont également tenues sur l’introduction de l’éducation sexuelle et de la formation aux droits en matière de procréation dans les écoles.

Article 11

M me Patten demande des détails sur les modifications à apporter à la loi sur l’emploi en 2007 (CEDAW/C/VUT/Q/3/Add.1, p. 18) pour sanctionner les employeurs qui prennent des mesures discriminatoires à l’égard des femmes enceintes ou des mères allaitantes. Il serait également intéressant de connaître les dispositions de la loi actuellement en vigueur qui interdisent la discrimination fondée sur l’état civil et les responsabilités familiales. Il sera également utile de disposer d’informations ou de précisions sur les mesures prises pour sensibiliser les employés à leurs droits, les mécanismes assurant le respect de la loi par le secteur privé, la fourniture de l’assistance judiciaire ou de recours juridiques aux femmes victimes de discrimination, l’accès des femmes à l’emploi et leurs conditions de travail ainsi que la protection contre le harcèlement sexuel. Mme Patten prie l’État partie d’amender cette loi si nécessaire pour assurer une réglementation adéquate dans ce domaine. En conclusion elle demande quelles sont les mesures prises pour promouvoir l’avancement des femmes dans leur carrière.

M me Halperin-Kaddari dit qu’il n’est pas clair, à la lecture des conclusions présentées par écrit par l’État partie, s’il existe une protection efficace contre la discrimination sexiste sur le lieu de travail, dans les secteurs tant public que privé. Le Comité souhaiterait des informations sur toutes les dispositions concernant l’égalité de rémunération pour un travail égal. Il sera également utile de savoir si le programme d’inspection des lieux de travail mentionné dans les réponses dans le cadre de l’article 11 a commencé. Enfin Mme Halperin-Kaddari demande si le projet de loi relatif aux indemnités pour accident du travail couvre également le secteur parallèle et si des mesures temporaires spéciales sont prévues pour améliorer le classement et la situation des femmes dans le secteur gouvernemental.

M. Aru (Vanuatu) souligne que la loi sur l’emploi aborde toutes les questions d’emploi dans le pays. Elle interdit la discrimination sexiste sur le lieu de travail et prévoit un congé de maternité, y compris une indemnité pendant ce congé. Le représentant de Vanuatu a pris note de toutes les préoccupations exprimées à propos de cette loi et des amendements proposés à celle-ci et il répondra à ces questions de façon détaillée après la session.

M me Taleo (Vanuatu) dit qu’un certain nombre d’organisations participent aux programmes d’alphabétisation des adultes, des hommes comme des femmes, dans le pays. Quant à la question de la situation relative des femmes dans le secteur public, des spécialistes des ressources humaines ont été nommés dans les divers ministères pour suivre et améliorer la situation dans ce domaine. Un tiers des fonctionnaires gouvernementaux à l’heure actuelle sont des femmes. Des procédures internes sont actuellement élaborées pour les protéger contre le harcèlement sexuel et des efforts sont déployés pour les aider à avancer dans leur carrière.

M. Aru (Vanuatu) dit que le projet de loi relatif aux indemnités pour accident du travail se trouve encore au stade des discussions et une fois que toutes les questions en suspens auront été résolues, le projet sera finalisé pour être adopté par le Parlement. On espère qu’il sera adopté au début de 2008. Le bureau du Commissaire au travail a été créé pour veiller à ce que tous les employeurs, y compris ceux du secteur privé, respectent les dispositions de la loi sur l’emploi. Toute plainte des employés est présentée à ce bureau qui est en mesure de résoudre la plupart des cas par la médiation avec les employeurs.

La séance est levée à 13 heures.