Vingt-cinquième session

Compte rendu analytique de la 521e séance

Tenue au Siège, à New York, le jeudi 12 juillet 2001, à 15 heures

Présidente:Mme Abaka

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Rapport unique valant rapport initial et deuxième et troisième rapports périodiques de la Guinée (suite)

La séance est ouverte à 15 h 5.

Examen des rapports présentés par les États partiesconformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Rapport unique valant rapport initialet deuxième et troisième rapports périodiquesde la Guinée (suite) (CEDAW/C/GIN/1 à 3 et Corr.1)

À l’invitation de la Présidente, les membres de la délégation de la Guinée reprennent place à la table du Comité.

Article 2 (suite)

M me  Kwaku, rappelant qu’un projet de code du statut personnel et de la famille a été soumis pour adoption, s’interroge sur le degré de participation des femmes et des associations féminines à sa préparation.

Article 3

M me  Gabr dit qu’elle ne saurait trop insister sur l’importance des statistiques lorsqu’il s’agit de déterminer les décalages entre l’égalité des sexes de jure et de facto. Certaines lois doivent incontestablement être revues, mais l’article 3 de la Convention prescrit une mission, autrement audacieuse, de sensibilisation à la nécessité de surmonter les mentalités traditionnelles en vue, par exemple, de persuader les populations rurales de l’importance de l’alphabétisation des femmes, de l’emploi des contraceptifs et des pratiques visant à prévenir la propagation du VIH/sida. Les organisations non gouvernementales, les associations religieuses notamment, pourraient grandement contribuer à lutter contre l’analphabétisme et la propagation du VIH/sida, et à influer sur les mentalités des populations locales. L’oratrice se dit encouragée par les efforts décrits dans le rapport en faveur des femmes handicapées.

M me  Hazelle dit qu’elle aussi se félicite des efforts déployés par le Gouvernement pour résoudre le problème de l’insertion des femmes handicapées dans la société et salue l’exposé sincère des objectifs et problèmes. L’accent apparemment mis sur les adultes par les programmes décrits pousse l’oratrice à s’interroger sur l’existence d’éventuels programmes à l’intention des enfants handicapés dans la mesure où le problème serait plus efficacement traité à un stade précoce et ce, dans le cadre d’une approche holistique. Elle souhaiterait savoir en particulier s’il existe des programmes d’apprentissage à l’intention des enfants souffrant d’handicaps de l’ouïe et de la parole utilisant un langage gestuel, ou des enfants aveugles qui ont recours au braille. Elle se demande si la Direction nationale de la promotion féminine participe à la promotion des programmes en faveur des filles handicapées en collaboration avec le Département de l’éducation ou le propre Comité d’équités du Département.

Dans la mesure où les personnes handicapées représentent 10 % de la population, l’oratrice souhaiterait savoir si d’éventuels amendements sont envisagés pour remédier à l’absence dans la Constitution de dispositions les concernant en particulier. Elle apprécierait également un complément d’information sur les actions visant à encourager la participation des femmes handicapées aux mouvements politiques, y compris des statistiques sur leurs adhésions et niveaux de participation; sur le système de quotas à l’embauche des femmes handicapées; et sur d’éventuels programmes en faveur des femmes âgées handicapées. Elle sollicite de plus amples renseignements sur les cours de formation professionnelle dispensés par l’Association guinéenne des femmes pour la réinsertion des handicapés, ainsi que sur toute aide publique en leur faveur. La réinsertion fondée sur la communauté, décrite dans le rapport, est une approche rationnelle, mais les programmes devront faire prendre conscience aux populations locales que les personnes handicapées n’ont pas besoin de vivre de la charité mais qu’elles peuvent apporter leurs contributions dès lors qu’on leur en offre l’occasion. L’oratrice estime que de plus amples renseignements pourraient éventuellement être fournis sur la réinsertion fondée sur la communauté, notamment sur les aspects liés à l’éducation communautaire.

M me  Livingstone Raday dit qu’elle souhaiterait obtenir des informations sur les parts en pourcentage du budget national allouées au développement de la condition féminine, en particulier à l’alphabétisation des femmes et aux soins de santé maternels. Le taux d’analphabétisme féminin de 82 % et le taux de scolarisation des fillettes dans le primaire de 33 % révèlent clairement que l’analphabétisme constitue un obstacle majeur à la promotion de la femme et n’ont d’égal que les graves problèmes sanitaires provoqués par le manque aigu de services de soins de santé. Le rapport signale par exemple qu’il y a seulement une sage-femme pour 74 610 habitants en Guinée moyenne. Dans la mesure où le plan de restructuration mené avec l’appui du Fonds monétaire international a bénéficié, semble-t-il, à peu d’habitants du pays et qu’il a en réalité aggravé les inégalités de traitement entre hommes et femmes, le Comité serait très intéressé de connaître les parts en pourcentage que le Gouvernement est disposé à investir dans la réduction de l’analphabétisme, l’incitation à la scolarisation des fillettes dans le primaire et l’amélioration des soins de maternité.

M me  Kwaku fait remarquer que le rapport signale que cinq centres d’aide juridique pour la défense des droits des femmes ont été mis en place à Conakry. Elle souhaiterait savoir s’il est prévu d’établir d’autres centres de ce genre en zones rurales.

Article 4

M me  Myakayaka-Manzini félicite la délégation pour ses rapports écrits et oraux détaillés et dit que la Guinée a, à l’évidence, tiré de nombreux enseignements sur ce que suppose la mise en œuvre de la Convention durant les années qui ont suivi sa ratification, même si le pays n’a jamais communiqué de rapports auparavant. En dépit des nombreuses difficultés qu’elle rencontre, la Guinée est un modèle pour les autres pays à forte population musulmane en ce qu’elle a ratifié la Convention sans formuler de réserve et s’est engagée à traiter les problèmes correspondants.

L’oratrice dit que le rapport ne fait état d’aucune mesure spéciale temporaire, comme l’instauration de quotas, introduite pour stimuler et accroître la participation des femmes à la prise de décisions politiques. Associer les femmes à la prise de décisions est essentiel pour avancer dans d’autres domaines de la promotion de la femme et offrir un nouvel et précieux éclairage de l’ensemble des problèmes posés. Selon l’oratrice, l’expérience a montré que les campagnes en faveur de l’instauration de quotas sur les listes des partis constituent l’un des mécanismes les plus efficaces d’élargissement de la représentation des femmes dans le corps législatif. Elle souhaiterait savoir si les partis politiques envisagent l’application de ces quotas ou si les groupes de pression de femmes au sein de ces mêmes partis militent pour leur instauration.

M me  Achmad dit que le rapport approfondi de la délégation a nécessité à l’évidence la collaboration de multiples administrations, ce qui l’amène à penser que cette même capacité de coordination pourrait être mise à profit pour appliquer la Convention. Elle estime qu’il importe de féliciter la Guinée d’avoir ratifié la Convention sans formuler de réserve. De nombreuses garanties constitutionnelles ont été mises en place en dépit des obstacles liés aux mentalités socioculturelles.

Elle souhaiterait obtenir des précisions sur plusieurs des mesures spéciales signalées concernant l’application du paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention. Elle demande ce qu’implique la mesure spéciale visant à assurer l’entrée à l’université de toutes les diplômées de l’enseignement secondaire dans la mesure où la Convention stipule que l’adoption de mesures spéciales temporaires ne saurait en aucune façon entraîner le maintien de normes inégales ou distinctes. Elle souhaiterait en savoir davantage sur les recommandations qui seraient mises en œuvre pour inciter les étudiantes à choisir des matières scientifiques et à suivre des cours de formation technique. Il conviendrait, de l’avis de l’oratrice, que les activités de formation mentionnées en matière de santé maternelle et infantile, de planification familiale et d’hygiène ne soient pas conçues comme des mesures spéciales temporaires mais comme des programmes complets et permanents, lesquels devraient également être l’occasion pour les hommes de changer d’attitudes et d’assumer plus pleinement leurs responsabilités en la matière. L’oratrice se demande si l’affirmation selon laquelle les programmes et manuels scolaires ont été expurgés de tout stéréotype discriminatoire signifie que de nouveaux manuels et programmes sont désormais obligatoires dans les écoles, notamment les écoles de village. Avec ou sans nouveaux manuels, il sera essentiel de former les enseignants à la prise en compte des sexospécificités.

Les mesures énumérées dans le rapport prises au titre du paragraphe 2 de l’article 4 de la Convention sont notamment la fourniture, par le Ministère de la santé, de services accessibles de soins de santé pré et postnatals, d’aide à l’accouchement, de vaccinations et de planification familiale; l’oratrice souhaiterait savoir si ces services sont offerts gratuitement aux femmes les plus nécessiteuses, avant tout au sein des populations rurales pauvres. Le rapport signale également que les femmes guinéennes ont influé sur le cours de l’histoire du pays en militant pour la suppression des barrières commerciales; elle dit qu’il serait intéressant d’obtenir des informations sur les suites de ce mouvement. Concernant l’importante contribution des médias, dont le rapport fait état, à l’organisation de campagnes d’information en langues nationales ainsi qu’à l’amélioration du statut du travail des femmes, l’oratrice souhaiterait savoir si les médias en question sont publics ou privés et s’enquiert de leur mode de collaboration avec le Gouvernement. Elle se dit impressionnée par les programmes organisés dans le cadre de la Journée nationale des femmes et souhaite savoir si les organisations non gouvernementales participent à leur planification.

M me  Schöpp-Schilling dit que les mesures spéciales temporaires constituent l’un des principaux instruments prévus par la Convention car elles permettent d’instituer une discrimination positive ou promotion temporaires en faveur des femmes afin d’accélérer leur avancement. La préférence sur les hommes accordée aux candidates à compétences égales dans l’accès aux places universitaires ou l’attribution de bourses d’études en est un bon exemple; s’il s’avère que les critères d’admission sont provisoirement assouplis, des cours de rattrapage seront nécessaires pour que cette mesure atteigne son but. La plupart des « mesures spéciales », énumérées dans le rapport, ne sont toutefois pas des mesures spéciales temporaires au sens du paragraphe 1 de l’article 4, mais traduisent tout simplement une approche réfléchie des pouvoirs publics. La disposition contenue dans l’article 4 de la Convention permet d’accélérer la concrétisation de l’égalité.

Étant donné l’handicap considérable dont souffrent les travailleuses guinéennes, femmes ou filles, l’action à mener au titre de l’article 4 nécessiterait la mise en œuvre de multiples programmes, à savoir, des campagnes de grande ampleur de promotion de l’alphabétisation des femmes, de leur santé, de leur représentation politique et de leur accès aux microcrédits. En dépit d’un analphabétisme élevé et d’une faible scolarisation, il serait certainement possible de trouver des femmes en Guinée pourvues des compétences nécessaires pour être nommées à des fonctions publiques. Des femmes instruites occupant ce type de fonctions pourraient servir de catalyseurs à la promotion de la femme et exemplifier l’utilité de l’éducation.

Article 5

M me  Myakayaka-Manzini se demande comment il est fait face aux violations de la législation contre la polygamie et les mutilations génitales féminines; s’il existe des instances de surveillance; et si d’éventuelles poursuites ont été intentées. Rappelant que le mariage par lévirat ou sororat est également proscrit comme violation des droits des femmes, elle s’enquiert des mesures prises pour traduire cette interdiction dans les faits.

M me  Gaspard dit que, si certaines femmes se déclarent satisfaites de leur situation d’épouses polygames, cette pratique n’attente pas moins à l’égalité des sexes et à la dignité des femmes. Elle demande si des campagnes d’information ont été menées pour informer le grand public sur le caractère illégal de la polygamie. De même, elle signale que les enquêtes de l’UNIFEM révèlent un recul de la pratique des mutilations génitales dans les régions où ont été menées des campagnes de sensibilisation publique, et elle demande si d’éventuelles campagnes ont été conduites en Guinée ou si elles sont envisagées.

M me  Ferrer Gómez reconnaît la difficulté de modifier les schémas culturels, en particulier dans un contexte de ressources limitées, mais elle estime qu’il est néanmoins urgent d’essayer. Elle se dit préoccupée en premier lieu par la banalité de la violence à l’égard des femmes ainsi que par l’impunité de la plus grande partie des agressions dont elles sont victimes. L’efficacité des lois, dit-elle, passe par une prise de conscience de la population. Elle s’inquiète également de ce que les activités éducatives et de sensibilisation ne sont pas explicitement prévues dans l’action du Ministère des affaires sociales, de la promotion féminine et de l’enfance, lequel doit par ailleurs remédier au manque de statistiques sur la violence à l’égard des femmes.

La Présidente, intervenant à titre personnel, dit que, en matière de lutte contre la violence à l’égard des femmes, il importe grandement de former les magistrats, les membres des forces de police et les prestataires de soins de santé. La recommandation générale No 19 du Comité sur la violence à l’égard des femmes peut être très utile à cet égard.

M me  Schöpp-Schilling dit qu’il importe de remédier à l’inégalité entre les hommes et les femmes quant à l’âge légal du mariage. Elle s’enquiert également des mesures que le Gouvernement prévoit de prendre pour ce qui est des mariages forcés et demande s’il projette de mener des campagnes d’information sur les effets négatifs qu’ils produisent dans la société. Les mesures visant à encourager les praticiens des mutilations génitales à apprendre une autre activité révèlent une ouverture culturelle digne d’éloge; cette approche peut être étendue à la résolution d’autres problèmes sociaux.

Article 6

M me  Taya fait remarquer que la guerre civile en Guinée, aussitôt suivie par un ajustement structurel de l’économie, a été particulièrement catastrophique pour les femmes. Il en résulte, dit-elle, que nombre de femmes appauvries entassées dans les villes se prostituent pour survivre. Elle souhaiterait être informée de toute action des pouvoirs publics de lutte contre la prostitution, autre que la criminalisation qui ne s’attaque pas à sa cause profonde qu’est la pauvreté.

M me  Schöpp-Schilling demande quelle action le Gouvernement prévoit de mener en réponse au danger que constitue le taux élevé d’infection à VIH/sida parmi les prostituées.

Article 7

M me  Regazzoli dit qu’il convient de féliciter le Gouvernement de Guinée pour la clarté de sa présentation des problèmes que rencontrent les femmes, laquelle présentation fournit un cadre solide d’élaboration de l’action à mener. Il faut toutefois, selon elle, passer à l’étape suivante en établissant des plans et programmes de lutte contre ces problèmes et en échangeant l’information sur les résultats atteints. Étant donné les taux élevés d’analphabétisme, l’oratrice se demande comment le Gouvernement parvient à mener des programmes complets d’éducation et de sensibilisation.

M me  Gaspard dit que la Guinée peut certes s’enorgueillir de ce que l’une de ses ressortissantes a été la première femme à avoir présidé le Conseil de sécurité, mais que les femmes dans le pays n’en sont pas moins toujours sous-représentées dans la vie politique et les organes de prise de décisions. Le niveau élevé d’analphabétisme chez les femmes est souvent invoqué pour justifier cette situation; pourtant, les taux d’alphabétisation relativement faibles chez les hommes ne semblent pas empêcher ces derniers d’accéder aux instances de prise de décisions. Il apparaît nécessaire de prendre des mesures spéciales pour que les femmes puissent y participer.

Article 9

M me  Goonesekere dit que les politiques concernant la nationalité, examinées pages 63 et 64 du rapport, semblent contenir des dispositions discriminatoires et il conviendrait d’apporter des éclaircissements à leur sujet.

M me  Shin demande des précisions sur l’âge de la majorité.

Article 10

M me  Cui dit qu’il ressort du rapport que la Guinée se heurte à de graves difficultés en matière d’éducation des fillettes : taux très élevé d’analphabétisme, faible taux de scolarisation et taux élevé d’abandon scolaire. Elle demande quelles mesures sont prises par les membres du Gouvernement chargés de protéger les femmes, en coopération avec les autorités de l’éducation, pour éliminer l’analphabétisme chez les fillettes. Il semble nécessaire d’instituer d’urgence, sous une forme ou une autre, une approche prioritaire ou préférentielle, notamment par l’affectation de ressources supplémentaires, pour accroître la scolarisation des fillettes et faire baisser leur taux d’abandon. Ce régime préférentiel peut supposer par exemple d’instituer la gratuité de l’éducation pour les fillettes ou de leur attribuer des bourses. Les mutilations génitales féminines demeurent, semble-t-il, un problème grave en Guinée. Il conviendrait d’intégrer le plus tôt possible un enseignement opposé à ces pratiques dans les programmes scolaires pour que tous les enfants finissent par les rejeter.

M me  Schöpp-Schilling approuve les observations de Mme Cui sur la nécessité de lutter contre le taux élevé d’analphabétisme chez les fillettes et les femmes en Guinée.

M me  Taya se dit préoccupée par le grand nombre de fillettes guinéennes renvoyées de leurs établissements scolaires après être tombées enceintes. Les jeunes filles semblent très peu informées sur les moyens de contraception et l’hygiène de la procréation, les filles scolarisées peut-être moins encore que les non-scolarisées. L’accès aux services de conseils et techniques en matière de planification familiale semble insuffisant. L’oratrice a la certitude que les autorités guinéennes sont conscientes qu’une explosion démographique peut conduire à de graves tensions sociales. Elle estime urgent de dynamiser la campagne d’éducation sexuelle, en particulier en zones rurales, notamment par d’éventuelles émissions de radio diffusées en langues locales.

M me  Goonesekere dit que l’expérience des pays asiatiques en matière de lutte contre l’analphabétisme des femmes a révélé la nécessité de mobiliser des ressources considérables, notamment pour l’éducation des adultes femmes. Le développement social, en premier lieu l’éducation, est essentiel pour la croissance économique. Afin de ne pas borner leur existence au mariage ou à la vie familiale, il est nécessaire d’investir massivement dans l’éducation des filles et des femmes, non seulement dans le primaire mais également à tous les niveaux de l’éducation. L’oratrice s’enquiert du nombre de jeunes femmes qui ont poursuivi leurs études jusqu’à l’enseignement supérieur. La situation concernant les mesures de renvoi des filles enceintes de leurs établissements scolaires n’est pas claire. Certaines écoles en effet semblent poursuivre cette politique en dépit de son abrogation officielle et l’oratrice demande un complément d’information à ce sujet.

M me  Achmad se dit très troublée par l’information sur « l’éducation au niveau de la famille » contenue dans la section 10.1 du rapport car l’approche décrite réduit les possibilités pour les filles de recevoir l’éducation qui leur permettrait de participer activement à la vie de leur pays et perpétue l’exploitation des filles et des femmes. Rappelant que la Guinée a ratifié la Convention sans formuler de réserve, notamment l’article 10, l’oratrice signale qu’une campagne de grande ampleur y est nécessaire pour assurer une éducation satisfaisante à toutes les filles.

M me  Kwaku souligne que l’éducation est essentielle au développement et qu’elle devrait être gratuite et obligatoire aussi bien pour les filles que pour les garçons.

Article 12

M me  Corti exhorte la délégation de la Guinée à examiner la recommandation générale No 24 du Comité sur la santé. Seule la pleine égalité des sexes en matière de services de santé peut garantir la croissance vigoureuse d’un pays. Les statistiques sur la mortalité des femmes et des enfants en Guinée sont alarmantes et semblent traduire une inégalité ou, du moins, des disparités dans les services utilisés. Il semble, par exemple, que les hommes, qui touchent des revenus supérieurs, tendent à utiliser les hôpitaux, plus onéreux, alors que les femmes et les enfants qui disposent de ressources moindres, se rendent dans les cliniques, meilleur marché mais moins bien équipées. L’oratrice demande si tous les services de santé font payer leurs clients. Elle demande également si le budget de la santé augmente ou baisse et quelle est la contribution du secteur privé dans la fourniture des services de santé. En ce qui concerne l’avortement, officiellement illégal en Guinée, elle fait remarquer que les avortements clandestins sont toujours pratiqués, que le taux de mortalité maternelle est très élevé et qu’il existe des sanctions juridiques très sévères à l’encontre de quiconque reconnu y avoir participé, y compris les fournisseurs d’équipements médicaux et les infirmières. Elle encourage vivement le lancement d’une campagne de grande ampleur contre la pratique des mutilations génitales féminines, qui persiste dans le pays au mépris des interdictions juridiques et constitutionnelles. Le problème déjà grave du VIH/sida chez les Guinéennes empire à mesure qu’un nombre croissant de femmes sont infectées. Également dans ce domaine, l’oratrice préconise l’organisation d’une campagne vigoureuse et de grande ampleur bénéficiant dans la mesure du possible de l’aide internationale. L’oratrice conclut en s’enquerrant des services de santé fournis aux réfugiées.

M me  Kwaku demande des explications sur l’expression « système de recouvrement de coût » mentionnée à la section 12.2 du rapport sur les soins de santé dispensés aux femmes enceintes.

M me  Abaka, intervenant à titre individuel et en sa qualité d’expert, souligne l’importance de la médecine traditionnelle en Afrique, ce d’autant plus qu’elle constitue l’unique source de soins de santé pour de nombreuses femmes. Il conviendrait d’encourager les recherches dans le domaine de la pharmacopée et de la posologie traditionnelles. Le développement de l’éducation sanitaire, en particulier en matière de régimes et tabous alimentaires, pourrait aider à lutter contre la malnutrition et les maladies.

Article 13

M me  Kwaku demande des précisions sur l’expression « pension de réversion » (p. 118 du rapport). Elle sollicite également un complément d’information sur le programme-cadre Genre et développement mentionné à la page 119. Elle s’enquiert du pourcentage de femmes parmi les participants au Programme intégré pour le développement de l’entreprise (PRIDE) décrit à la page 22.

M me  Corti fait remarquer que les femmes guinéennes en zones rurales sont gravement marginalisées et ont peu accès aux services de santé. Le taux d’analphabétisme chez les femmes est beaucoup plus élevé en zones rurales qu’urbaines. Rappelant que les femmes rurales travaillent parfois 17 à 18 heures par jour, l’oratrice demande pourquoi les femmes sont beaucoup plus nombreuses que les hommes à travailler dans le secteur rural et quelles mesures le Gouvernement prend pour corriger ce déséquilibre. La situation évolue via, par exemple, l’organisation de coopératives rurales et l’ouverture de l’accès des femmes rurales au crédit, mais il reste beaucoup à faire. Le Ministère des affaires sociales, de la promotion féminine et de l’enfance devrait centrer son action sur l’amélioration du sort des femmes rurales qui forment le secteur le plus exploité de Guinée.

M me  González dit, s’agissant de l’article 16, que de nombreuses dispositions du Code civil guinéen contreviennent aux termes de la Convention, la rendant sans effet. Le Gouvernement guinéen doit prendre des initiatives pour remédier à cette contradiction juridique; il doit éliminer aussi bien la discrimination de jure que de facto. Il devrait en particulier examiner attentivement la recommandation générale No 21 du Comité sur l’égalité dans le mariage et les rapports familiaux, et s’employer à mettre un terme à la discrimination manifeste à l’égard des femmes dans la famille.

M me  Achmad dit qu’elle approuve vivement les avis exprimés par Mme González. En outre, elle estime que l’État partie devrait chercher à diffuser l’information sur la Convention car de nombreuses personnes censées être responsables de sa mise en œuvre ignorent son existence, notamment les avocats, les législateurs, les professeurs de droit, les forces de police, les juges et les administrateurs. Il importe également d’étendre l’information à la communauté plus large, en particulier les chefs traditionnels, souvent plus influents que les parlementaires. En outre, dans son application de la recommandation générale No 21, l’État partie devrait cibler des groupes précis de la population.

M me  Acar, manifestant son soutien aux avis exprimés par Mme González, demande ce qu’entend le rapport lorsqu’il signale que les familles peuvent invoquer la religion comme motif de rejet d’une proposition de mariage (p. 145). Elle souhaite en particulier savoir si les familles sont juridiquement habilitées à rejeter un mariage; qui représente juridiquement la famille pour ce faire; et si cette disposition est jugée compatible avec le droit des femmes à donner leur assentiment au mariage. Elle demande si une femme, dans l’hypothèse où le rejet de son prétendant par la famille a force de loi, peut contester cette décision devant un tribunal.

En dépit du caractère illégal de la polygamie en Guinée, la moitié des Guinéennes vivent au sein de mariages polygames. Eu égard à son ampleur, le phénomène de la polygamie ne peut se justifier par la simple incapacité à appliquer la loi. L’oratrice pense que le Gouvernement est réticent à lutter contre la polygamie. Le rapport semble indiquer, dit-elle, que les femmes considèrent la polygamie comme une division utile du travail domestique et que c’est un fait sociologique bien connu que les femmes favorisent souvent les mentalités patriarcales.

L’oratrice recommande instamment au Gouvernement de s’employer à faire évoluer les mentalités afin d’améliorer la vie quotidienne des femmes; de prendre des mesures novatrices pour favoriser le répartition des responsabilités domestiques entre époux, et non entre épouses; et de communiquer tout progrès réalisé dans le rapport suivant. Il pourrait s’agir notamment d’organiser une campagne d’éducation pour informer le public des effets négatifs de la polygamie : augmentation de la violence dans la famille, entre le mari et les épouses aussi bien qu’entre épouses; conséquences néfastes sur les enfants; et atteinte à la dignité des femmes. Enfin, l’oratrice s’étonne, à en croire le rapport (p. 146), que le Code civil ouvre certaines issues aux hommes pour leur permettre de se remarier. Elle demande comment cette situation est possible dans un pays qui interdit la polygamie et elle apprécierait tout éclaircissement à ce sujet.

M me  Abaka demande s’il est arrivé qu’une femme guinéenne dont le mari a pris une seconde épouse conteste la licéité de ce mariage devant les tribunaux.

M me  Goonesekere se demande comment se combinent les systèmes juridiques, le droit coutumier et la coutume dans la société guinéenne. Le rapport indique que la législation guinéenne garantit les droits des femmes, mais la description des dispositions législatives en vigueur montre le contraire. Selon le rapport, le Code civil restreint le droit d’une veuve à se remarier (p. 146) et révèle l’existence de cas de mariages forcés et de mariages d’enfants. La Guinée devrait revoir ses systèmes juridiques pour déterminer les domaines auxquels s’appliquent le droit civil et le droit coutumier, et amender toutes les dispositions discriminatoires à l’égard des femmes. Il conviendrait en particulier de faire une large place à la réforme du droit de la famille, lequel entrave la marche vers le progrès de la Guinée en faveur des femmes dans le domaine de l’action publique et de l’éducation.

M me  Kwaku, faisant remarquer que le Code civil autorise un mari à demander le divorce pour cause d’adultère de son épouse mais qu’il reconnaît ce droit à l’épouse seulement lorsque l’autre femme vit dans la maison familiale comme concubine, s’enquiert des mesures prises par le Gouvernement pour remédier à cette situation.

M me  Livingstone Raday encourage la Guinée à instituer l’égalité de jure et de facto dans la famille, et fait remarquer que l’inégalité sociale des femmes découle en grande partie de leur inégalité au sein de la famille. Elle dit qu’il est intéressant de constater que cette inégalité est partiellement autorisée par le système juridique et partiellement rendue possible par le non-respect de celui-ci. Les problèmes auxquels ne s’attaque pas pleinement le pouvoir judiciaire, en dépit de la volonté politique apparente, concernent notamment le pouvoir des hommes chefs de famille, les mutilations génitales féminines, le non-respect des lois interdisant la polygamie ainsi que le taux de scolarisation moindre des filles. Rappelant que ces réalités limitent la capacité des femmes et des filles de jouer leur rôle dans la société, l’oratrice recommande instamment au Gouvernement d’y remédier via des approches éducatives, des méthodes de formation professionnelle et des mesures budgétaires. Il serait en outre possible, dit-elle, de procéder à des réformes juridiques sans avoir à dépenser d’importantes ressources. L’application de l’article 16 est cruciale pour l’avenir de la Guinée car la subordination des femmes au sein de la famille les empêche de contribuer pleinement au développement de la société.

M me  Aribot (Guinée) exprime ses sincères remerciements pour toutes les propositions mises en avant et les questions posées. Le dialogue en cours, ambitieux et instructif, guidera son gouvernement dans sa lutte en faveur des femmes et contre la discrimination dans la société guinéenne. Sa délégation répondra aux questions soulevées de la manière la plus complète possible et communiquera d’autres réponses à une date ultérieure.

La séance est levée à 17 h 40.