Quarantième session

Compte rendu analytique de la 811e séance

Tenue au Palais des Nations, à Genève, le mardi 15 janvier 2008, à 10 heures

Présidente :Mme Šimonović

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties en application de l’article 18 de la Convention (suite)

Deuxième, troisième et quatrième rapports combinés de la Bolivie

La séance est ouverte à 10 h 10.

Examen des rapports présentés par les États partiesen application de l’article 18 de la Convention (suite)

Deuxième, troisième et quatrième rapportscombinés de la Bolivie (CEDAW/C/BOL/4, CEDAW/C/BOL/Q/4 et Add.1)

À l’invitation de la Présidente, la délégation bolivienne prend place à la table du Comité.

M me  Torrico (Bolivie) dit que jusqu’à une date récente, il était difficile pour les Boliviennes de participer aux décisions à tous les niveaux de l’administration, qu’elle soit locale, régionale ou internationale. En la nommant, elle, qui est une femme autochtone, au poste de ministre de la justice, le Président de la République, M. Evo Morales, a montré que la situation évoluait en Bolivie et elle espère voir la participation de ses sœurs autochtones d’autres pays progresser dans des enceintes comme le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes. Il faut reconnaître que les femmes sont victimes de discrimination de la part d’autres femmes et non pas seulement de la part d’hommes; les difficultés que les Boliviennes rencontrent dans leur pays ne sont dues seulement au machisme. Le Comité offre un cadre approprié pour l’examen de ces questions.

La Bolivie a adopté un certain nombre d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et a ratifié la Convention en 1989 mais, récemment encore, le Gouvernement ne se montrait guère résolu à les appliquer. Pendant toute la transition de la dictature à la démocratie, le rôle des femmes est resté quasiment invisible mais la situation commence à changer. Les femmes autochtones, citadines ou rurales, sont maintenant plus nombreuses dans des organes comme l’Assemblée constituante de 2006. La nouvelle structure de pouvoir valorise la diversité culturelle ainsi que la reconnaissance et l’exercice des droits de chaque groupe dans l’intérêt d’une société harmonieuse. En fait, la Bolivie a été le premier pays à ratifier la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples en 2007. Néanmoins d’énormes inégalités socioéconomiques subsistent, y compris entre les hommes et les femmes. En établissant une république, le Gouvernement a voulu répondre aux attentes des femmes en matière d’équité, de qualité de vie, d’autonomie et de liberté à l’abri de la violence et de la discrimination.

Les conflits ethniques ont parfois servi à masquer les inégalités héritées du système colonial. La délégation bolivienne accueille avec intérêt l’occasion d’apprendre des membres du Comité l’expérience qu’ils ont acquise, du point de vue de l’égalité entre les sexes, au sujet des questions de justice sociale qui se posent à son pays.

M me  Agreda (Bolivie) dit que, depuis la ratification de la Convention en 1989 et la mise en place d’un mécanisme national pour la promotion des femmes en 1993, le Gouvernement a progressé sur la voie de l’égalité entre les hommes et les femmes, bien que les femmes autochtones et rurales restent défavorisées. La politique d’égalité entre les sexes s’est limitée à la sphère sociale et les programmes d’atténuation de la pauvreté n’ont pas établi de relation entre la pauvreté, la condition féminine et le climat macroéconomique. Le Gouvernement s’attaque maintenant à la question de la discrimination à l’égard des femmes sous l’angle des droits de la personne humaine, en tenant compte du point de vue des femmes dans le Plan de développement national. La nouvelle Constitution, adoptée en décembre 2007, reconnaît les doits des femmes, tient compte de l’égalité entre les sexes dans toutes ses dispositions et garantit les droits sexuels et génésiques, l’accès à la terre, l’égalité de rémunération pour un travail égal et le droit de vivre à l’abri de toute violence.

Une série de lois nouvelles a été adoptée récemment, au nombre desquelles la loi sur la réforme électorale et la loi sur les quotas, qui oblige les partis à inscrire au moins 30 % de femmes sur leurs listes pour les élections parlementaires, ainsi que la loi no 1674, la loi sur la violence familiale et domestique. Dans le cadre de la politique gouvernementale concernant la redistribution de la richesse et le financement de la protection sociale des groupes marginalisés, un certain nombre de lois nouvelles ont créé la Pension de dignité, qui assure des prestations de sécurité sociale et des soins de santé aux personnes âgées.

Au sujet de la participation des femmes à la vie politique, Mme Agreda note que les élections de 2006 à l’Assemblée constituante ont attribué 34 % des postes à des femmes. Ces femmes font aussi partie d’un mouvement visant à faire cesser la marginalisation des groupes autochtones dans les campagnes et dans les villes. L’élection de Silvia Lazarte, figure de la population autochtone à la présidence de l’Assemblée, et l’appartenance de 60 % des députés à des communautés rurales et autochtones sont une preuve que la scène politique nationale est en train de changer. Le mécanisme national pour l’égalité des sexes a œuvré pour accroître la participation des femmes autochtones, entre autres par des campagnes pour leur distribuer des cartes nationales d’identité, la diffusion d’informations sur leurs droits dans leurs langues nationales et des encouragements pour que les femmes se présentent aux élections à l’Assemblée constituante. Les femmes ont nettement accru leur représentation au sein de l’exécutif puisque 42,4 % des postes de celui-ci, dont cinq portefeuilles ministériels, sont détenus par des femmes.

La violence à l’endroit des femmes est maintenant l’objet d’une politique de l’État et a été inscrite au programme de gouvernement, à tous les niveaux. On a fait progresser l’application de la loi sur la violence domestique et familiale, de la loi qui protège les victimes de violence sexuelle, ainsi que d’un programme pour prévenir et éliminer la violence dans les écoles. À ce jour, 128 unités dépendant des administrations municipales fournissent des services juridiques aux victimes et 28 brigades ont été créées pour prévenir la violence domestique et y riposter.

L’écart entre les sexes dans l’enseignement a été réduit et c’est au niveau secondaire, en zone rurale, qu’il reste le plus prononcé. Le programme d’alphabétisation « Oui, je sais » (« Yo si puedo ») vise à faire disparaître l’analphabétisme au plus tard à la fin de 2008. Les bourses Juancito Pinto, accordées depuis 2006, aident aussi les élèves des écoles primaires publiques à rester scolarisées. Le Gouvernement donne la priorité à l’éducation des femmes et des fillettes en zone rurale, notamment par la création d’internats et la fourniture de moyens de transports.

L’exigence d’égalité entre les sexes fait partie intégrante des programmes de développement rural qui favorisent l’égalité dans l’accès aux ressources de production, leur utilisation et leur maîtrise, l’égalité de participation des femmes aux décisions et des occasions d’exercer des activités génératrices de revenu. Les chiffres montrent que 46 % des titres de propriété foncière établis entre 1997 et 2005 ont été délivrés à des femmes.

Enfin, une nouvelle législation garantit aux femmes une meilleure couverture de santé et un meilleur accès aux soins, mais surtout pendant leur vie procréatrice. La politique de santé est principalement axée sur la santé maternelle mais des programmes de santé étendus concernant la santé sexuelle et génésique, ainsi que la prévention et le traitement du VIH/sida, ont été mis en place pour les femmes et les adolescents.

Article 1 à 6

M. Flinterman salue l’inclusion dans la nouvelle Constitution de dispositions contre la discrimination sexuelle mais regrette que les femmes ayant peu de revenus ne puissent quasiment pas saisir la justice. Il demande quelles sont les mesures ou règles dans ce domaine et si une aide judiciaire gratuite existe et voudrait savoir ce que font les pouvoirs publics pour faire connaître le Protocole facultatif ainsi que les protections qui sont accordées aux réfugiées qui sont extrêmement vulnérables.

M me  Gaspard demande comment la Bolivie a préparé son rapport (CEDAW/C/BOL/4) et si les ministères intéressés ont été consultés. Elle voudrait savoir quelle place le mécanisme national pour l’égalité des femmes occupe dans la hiérarchie de l’État, quelles ressources humaines et financières lui sont allouées et si les ministères compétents ont établi des points focaux chargés de la pleine prise en compte des sexospécificités. Elle invite aussi la délégation à revoir la partie consacrée à l’article 4 qu’elle n’a pas semblé saisir pleinement, et rappelle à son attention la recommandation no 25 sur les mesures temporaires spéciales.

M me  Shin demande pourquoi l’État partie a présenté si tardivement le document regroupant ses deuxième, troisième et quatrième rapports et, à ce sujet, si sont toujours poursuivies les activités du Conseil interinstitutions et de la Commission interministérielle des droits de l’homme, qui sont chargés d’appliquer la stratégie nationale de promotion et de protection des droits de l’homme et de rédiger les rapports que la Bolivie présente aux organes chargés de surveiller l’application des traités relatifs aux droits de l’homme.

Le dernier recensement remonte à 2001 et, en 2003, le nombre d’habitants dépassait tout juste 9 millions. Il serait bon de savoir si ce chiffre inclut toutes les catégories de femmes, y compris les femmes autochtones et les femmes rurales, celles qui appartiennent à des minorités ethniques et, surtout, celles qui n’ont pas de carte nationale d’identité. Enfin, Mme Shin souhaite savoir si la stratégie de développement national inclut des mesures conçues expressément pour atténuer la pauvreté chez les femmes et les enfants.

M me  Patten fait observer que la législation bolivienne conserve un certain nombre de dispositions discriminatoires et demande les mesures qui sont prises, en particulier dans le cadre de la nouvelle Constitution, pour les éliminer. Les rapports laissent entendre que dans les cas de violence domestique, le pouvoir judiciaire et la police placent l’intégrité de la famille au premier plan et forcent les parties à se réconcilier dans l’intérêt des enfants. Elle demande donc si les membres de la police et des services judiciaires reçoivent une formation au sujet de la prise en compte des sexospécificités et s’il existe des protocoles et des lignes d’orientation sur la bonne application de la législation visant à lutter contre la violence familiale. Pour garantir que les femmes puissent saisir la justice, il est essentiel qu’elles soient informées de leurs droits et des recours judiciaires qui s’offrent à elles lorsqu’ils ne sont pas respectés. L’État partie devrait indiquer s’il a fait le nécessaire pour les informer à ce sujet.

Il serait utile de savoir si le rapport a été examiné par le Parlement avant d’être présenté au Comité et si les conclusions de celui-ci seront soumises au Parlement. Mme Patten demande aussi s’il existe une commission parlementaire chargée des questions d’égalité entre les sexes.

Au sujet de l’article 2 de la Convention, M me  Maiolo demande des détails sur les mesures spécifiques prises par les autorités pour garantir l’application effective de la législation sur l’égalité des sexes.

M me  Tavares da Silva félicite l’État partie de ses efforts pour éliminer la discrimination à l’égard des femmes et de la franchise de son rapport. Toutefois, elle a relevé une certaine ambiguïté dans la façon dont le Gouvernement conçoit l’égalité entre les sexes et est résolu à la faire respecter : surtout, il n’est pas parvenu à mener à leur terme les divers processus, législatifs et institutionnels, conçus pour placer les droits des femmes au premier rang des priorités. La discrimination dont elles sont victimes n’est pas seulement une injustice sociale; elle constitue une violation d’un droit fondamental de la personne humaine. Mme Tavares da Silva invite donc instamment les autorités à être fermes à ce sujet.

Prenant la parole en qualité de membres du Comité, la Présidente s’enquiert du statut des traités et accords internationaux ratifiés par la Bolivie au regard du droit interne et souligne qu’un nouveau cadre juridique est nécessaire pour assurer l’égalité entre les sexes. Elle demande si un calendrier a été établi pour la modification, voire l’abrogation, de la législation discriminatrice et demande plus de détails sur le rôle que joue le Ministère de la justice pour déterminer la compatibilité du droit interne avec la Convention.

M me  Torrico (Bolivie) reconnaît que la Bolivie n’a pas réussi à présenter ses rapports comme elle l’aurait dû mais assure le Comité que le cabinet actuel est résolu à faire respecter les droits de la personne humaine de tous, y compris des femmes et des peuples autochtones. De fait, le Président de la République, M. Morales, est en première ligne pour favoriser la participation des femmes au Gouvernement, à tous les niveaux.

Un certain nombre de ministères, ainsi que des représentants d’organisations de femmes et des membres de la société civile, ont participé à la rédaction du rapport, ce qui a permis au Gouvernement de faire le bilan des résultats obtenus et de mettre en relief les obstacles qui continuent de freiner la promotion des femmes.

M me  Agreda (Bolivie) dit que la Convention a été publiée en quatre langues, l’espagnol, l’aymara, le guarani et le quechua. Le rapport et les conclusions du Comité seront transmis à tous les ministères et diffusés à l’ensemble de la population.

M me  Cabero (Bolivie) dit que l’article 14 de la nouvelle Constitution définit le concept de discrimination. Les Boliviennes ont beaucoup de difficulté à saisir la justice parce que les dépenses encourues sont prohibitives et que le pouvoir judiciaire n’est pas suffisamment sensible à leurs besoins. Il faut faire davantage, entre autres revoir la structure des honoraires et des droits et mettre en place une formation supplémentaire et des cours de sensibilisation pour les juges et les avocats; l’École de la magistrature et le Cabinet du Procureur général proposent déjà de tels cours.

M me  Fernandez (Bolivie) dit que le mécanisme national pour la promotion des femmes, qui est actuellement le Département pour l’égalité entre les sexes et la communication entre générations, existe depuis plus de 13 ans. Les travaux visant à l’intégrer au cadre institutionnel général se poursuivent mais un budget distinct lui a été attribué. Au titre de sa politique de prise en compte générale de l’objectif d’égalité, le Gouvernement à établi des points chargés de centraliser les questions à ce sujet concernant, notamment, la santé et l’éducation. En outre, il a adapté un certain nombre de politiques sectorielles pour qu’elles veillent davantage à cette égalité; en particulier, cette prise en compte dans la régularisation des droits de propriété agraire a eu pour résultat que beaucoup plus de femmes peuvent maintenant obtenir de tels titres.

Le Conseil interinstitutionnel et la Commission interministérielle des droits de l’homme, créée en 2004, n’ont plus d’activités. Récemment toutefois, il a été souhaité qu’elles reprennent.

M me  Agreda (Bolivie) reconnaît que la législation bolivienne interdisant la discrimination à l’égard des femmes n’est pas assez développée et espère que des progrès supplémentaires auront lieu prochainement sur ce front. La réforme constitutionnelle récente a montré que faire participer l’ensemble de la société à la formulation de la législation permettait aux citoyens de mieux comprendre ce dont il s’agit et de mieux connaître leurs droits. À ce sujet, la diffusion du texte de la Convention est en cours, particulièrement auprès des membres du pouvoir judiciaire et à la société civile. D’autres mesures sont nécessaires toutefois pour garantir sa bonne application.

Le recensement de population de 2001 n’a comptabilisé que les femmes en âge de procréer mais, depuis quelques années, il est apparu que des mesures appropriées s’imposaient aussi pour répondre aux besoins des femmes âgées, particulièrement celles qui sont dans une situation vulnérable.

M me  Torrico (Bolivie) dit que la Bolivie est aux prises avec une transformation sociale complexe qui, à son terme, permettra à tous, particuliers, groupes ou collectivités, de prendre leur vie en main; les Boliviens veulent un droit adapté à leurs besoins spécifiques plutôt qu’une législation modelée sur celle d’autres pays. De nombreuses organisations non gouvernementales (ONG) contribuent utilement à la promotion des droits des femmes mais certaines ne cherchent pas à aider toutes les femmes. C’est donc au Gouvernement qu’il doit incomber de gérer et de distribuer les ressources financières fournies par la communauté internationale.

Le coût prohibitif des services juridiques, de même qu’une mauvaise administration et la corruption, empêchent beaucoup de femmes de présenter des recours en cas de violation de leurs droits. Le système de justice communautaire, toutefois, permet de régler rapidement les différends au niveau local et gratuitement et des efforts sont en cours pour l’intégrer au système officiel.

M me  Cabero (Bolivie) dit que le Conseil institutionnel et la Commission interministérielle des droits de l’homme ont cessé leurs travaux en 2004 en raison de l’instabilité politique dans le pays et parce que les diverses autorités avaient modifié la législation concernant l’exécutif.

Une nouvelle loi établit les droits fondamentaux des réfugiés et des femmes parmi eux, y compris le droit à être interrogé sans ingérence de l’extérieur.

Dans certaines situations, il faut un an pour harmoniser droit international et droit interne. Les nouvelles lois entreront en vigueur conformément aux engagements pris par le Gouvernement envers la communauté internationale.

En continuant à inciter les femmes à retourner au foyer, certaines institutions ont particulièrement montré à l’évidence qu’il fallait alerter les membres du système judiciaire.

Bien que la nouvelle Constitution reconnaisse aux femmes le droit de vivre à l’abri de la violence, beaucoup de progrès s’imposent à ce sujet, y compris dans le contexte de la loi relative au harcèlement sexuel actuellement en cours d’examen. Bien que cette loi soit à l’étude depuis quelque temps, la volonté politique manque au Parlement qui en est au point mort.

Une commission parlementaire sur l’égalité cherche à étendre les droits des femmes et à harmoniser le droit interne avec les instruments internationaux auxquels la Bolivie est partie. Ses travaux ont été retardés par la situation politique et aucune loi nouvelle n’a été adoptée à la session en cours. Selon la Constitution actuelle, les instruments internationaux ont même valeur que le droit interne et s’appliquent avec effet immédiat. Des réformes et amendements juridiques sont nécessaires seulement dans les cas de contradiction manifeste.

M me  Fernandez (Bolivie) dit qu’à l’issue d’une campagne mettant en relief la nécessité de distribuer des cartes d’identité et d’adopter une loi exonérant les Boliviens des droits correspondants, des cartes ont été délivrées à environ 229 940 des 336 000 personnes qui n’en avaient pas en 2004, et dont beaucoup étaient des femmes. C’est maintenant la classe d’âge de plus de 40 ans qui détient la plus forte proportion de ces cartes.

M me  Neubauer dit qu’elle aussi considère, comme le rapport et les réponses à la liste de questions (CEDAW/C/BOL/Q/4/Add.1), qu’il faudrait déplacer le siège et modifier les attributions des institutions de l’administration centrale qui sont chargées de la promotion de la femme et de l’égalité entre les sexes; ces institutions sont généralement celles qui sont les plus vulnérables au changement. Elle demande des informations à jour sur les changements survenus depuis la présentation du rapport et voudrait savoir de quoi dispose le Département de l’égalité entre les sexes et du dialogue entre les générations pour établir une coordination avec d’autres ministères et avec des organes départementaux et communaux. Elle souhaiterait mieux connaître les résultats du Plan national de politique publique pour le plein exercice des droits des femmes (2004-2007) et savoir si un nouveau plan a été défini.

M me  Arrocha félicite la Bolivie des efforts soutenus qu’elle a déployés pour dialoguer durablement avec le Comité malgré les problèmes rencontrés par le Gouvernement de transition; ce dialogue pourrait être d’une réelle aide au Gouvernement dans la formulation de nouvelles politiques. Elle s’enquiert de la composition du mécanisme national d’établissement des rapports, des ressources dont il dispose et de ses attributions aux niveaux des départements et des communes. Il serait utile de savoir aussi s’il existe un système permettant d’évaluer le Plan national de politique publique pour le plein exercice des droits des femmes (2004-2007) et d’en assurer le suivi et, dans l’affirmative, si ses résultats peuvent être communiqués au Comité.

M me  Zou Xiaoqiao demande des détails sur la structure, les attributions, le personnel et le budget du Département de la promotion de la femme, si des mécanismes similaires existent au niveau de l’administration locale et si le Département donne des directives aux autorités locales. Elle voudrait savoir aussi ce qui est fait pour diffuser le texte de la Convention et l’appliquer et si le Département fournit une formation concernant l’égalité des sexes et la Convention aux représentants de l’État.

M me  Chutikul demande en quoi le travail de l’ancienne Commission interministérielle et celui du Département de l’égalité des sexes et des rapports entre les générations se recoupent et s’il revient au Département de coordonner l’application de la Convention, de formuler des politiques et d’assurer le suivi et l’évaluation. Ces tâches nécessitent une approche plurisectorielle et pluridisciplinaire et, à son avis, il serait possible de rétablir la Commission dans ses fonctions sans diminuer celles du Département; de plus il faudrait que la rédaction du rapport soit confiée spécialement à un organe intersectoriel.

Mme Chutikul demande comment les nombreux plans nationaux et sectoriels dans l’intérêt des femmes sont coordonnés et si le Plan national de politique publique (2004-2007) va au-delà de la participation politique. Des informations sur les approches à la formulation d’un nouveau plan seraient utiles.

M me  Dariam (Rapporteur) fait observer que la forte pauvreté touche particulièrement les femmes. Elle se demande si la stratégie de réduction de la pauvreté prévue dans la Stratégie de développement rural pour 2004 est suffisamment complète pour lutter contre toutes les formes de discrimination qui aggravent la pauvreté des femmes, y compris leur accès à la propriété foncière, aux ressources productives et aux marchés ainsi que l’exercice de leurs droits à la santé et à l’éducation ainsi que de leurs droits civils et politiques, et comment ces questions sont incluses dans la Stratégie. Elle s’enquiert aussi des obstacles qui empêchent de prendre des mesures palliatives dans l’intérêt des femmes pour atténuer la pauvreté et recueillir des données statistiques au sujet des plus pauvres parmi les pauvres, qui sont principalement des autochtones ou des Boliviennes d’ascendance africaine, ainsi que sur les mesures d’élimination de la pauvreté conçues spécialement pour ces catégories.

Il serait utile de savoir comment la Stratégie de réduction de la pauvreté apporte une solution à l’impact que l’économie de marché exerce sur les femmes; Mme Dariam souligne la nécessité de recueillir des données décomposées sur les diverses catégories de femmes pour pouvoir surveiller l’impact des programmes d’éradication de la pauvreté sur chacune d’elles.

M me  Agreda (Bolivie) répond que la lenteur des changements dans son pays et les difficultés budgétaires n’ont pas permis d’appliquer comme prévu le Plan national (2004-2007). Pour établir le nouveau plan qui sera lancé en mars 2008, le Gouvernement a consulté tous les secteurs sur une période de six mois. Une fois le plan adopté, il pourra négocier un budget propre à garantir sa mise en œuvre. Le mécanisme de promotion de la femme est effectivement fragile et les changements dans le Gouvernement obligent constamment à en renégocier le statut et le budget. Au sujet de la Commission interministérielle, les négociations avec l’exécutif sont facilitées par le fait que cinq des 16 ministres sont des femmes. Néanmoins, le mécanisme a besoin d’être renforcé : au niveau des départements, certaines directions chargées de l’égalité des sexes sont plus solides que d’autres et leur force dépend de la volonté politique de l’administration locale ainsi que des pressions exercées par les organisations de femmes.

Le Gouvernement bolivien est convaincu que les questions d’égalité et de relations entre les générations appellent une riposte intersectorielle. Tous les secteurs de l’exécutif ont contribué à préparer le nouveau projet de plan national. La transversalité pose des problèmes considérables mais il importe de ne pas oublier les spécificités. La part du budget national réservée aux questions d’équité entre les sexes est répartie entre plusieurs ministères et il n’existe pas de données décomposées sur la budgétisation concernant les sexospécificités. La politique actuelle d’austérité qui réduit les budgets et les dotations en personnel touche aussi le Département, qui négocie son nouveau budget avec énergie.

M me  Fernandez (Bolivie) dit que les politiques d’indemnisation appliquées jusqu’à la fin de 2005 ont aggravé et féminisé la pauvreté. Demander des indemnisations constitue une solution de courte durée et ne répond pas au problème profondément ancré de la redistribution du produit social. Le nouveau plan doit insister sur des changements fondamentaux dans trois domaines relatifs à la structure macroéconomique du pays et aux politiques publiques correspondantes : il doit viser à redistribuer les ressources, transformer les modes de consommation et définir des politiques de redistribution dans la ligne des Pensions de dignité et du programme Juancito Pinto. Néanmoins, pour avancer à ce sujet, il faut mieux connaître les liens qui existent entre le travail domestique et la macroéconomie.

M me  Cabero (Bolivie) dit que la loi sur la violence familiale et domestique vise à lutter contre toutes les formes de violence au foyer et à protéger aussi bien les femmes que les hommes. Les plaintes peuvent être déposées auprès des services de protection de la famille et des services juridiques des communes, qui fournissent les soins destinés exclusivement aux femmes. Néanmoins, il faut faire davantage pour renforcer les services de soins et mener des campagnes de prévention.

M me  Torrico (Bolivie) dit que faire connaître la Convention dans toutes les langues de la Bolivie représente une tâche considérable, d’autant plus difficile que l’analphabétisme est élevé dans certaines régions et que certaines parties du pays ne reçoivent pas les émissions de radiodiffusion et encore moins celles de télévision ou les journaux. Il y a quelques années encore, elle-même ignorait l’existence de la Convention, ce qui lui permet de comprendre pourquoi il faut en diffuser le texte. Il faut aussi renseigner les organismes intéressés qu’elle invite instamment à se joindre aux efforts visant à mieux faire connaître la Convention.

M me  Schöpp-Schilling relève que ni le rapport périodique ni les réponses ne mentionnent de mesures spéciales temporaires (paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention), qui sont nécessaires dans certains cas. Elle voudrait savoir si de telles mesures sont non seulement admissibles mais encore obligatoires au sens de la nouvelle Constitution, si il y en a eu qui ont été appliquées lorsque les titres fonciers ont été délivrés et combien de femmes et d’hommes ont obtenus de tels titres. Il faut aussi savoir s’il existe des plans pour appliquer des mesures temporaires spéciales dans la lutte contre l’analphabétisme et pour délivrer aux femmes des certificats de naissance.

Le rapport indique que la diversité est étudiée. D’expérience on sait que lorsqu’on cherche à garantir simultanément la diversité culturelle et l’égalité entre les sexes, cette dernière en pâtit généralement. Il serait donc utile d’en savoir plus sur les concepts d’égalité qui existent dans les diverses communautés autochtones de Bolivie. Si les hommes et les femmes sont traités comme ayant des rôles complémentaires plus que comme des êtres ayant des capacités physiques et intellectuelles égales, cette approche est contraire à la Convention. Mme Schöpp-Schilling demande ce que signifie le mot « équité », qui a été employé plusieurs fois par la délégation et souligne qu’équité ne signifie pas nécessairement égalité; elle craint que la recherche de diversité ne se fasse au détriment de l’exercice de leurs droits par les femmes. Elle se demande ce qui est fait pour lutter contre les risques de contradiction et comment la justice communautaire applique les règles d’égalité au sens de la Convention.

Enfin, Mme Schöpp-Schilling ne voit pas clairement si la nouvelle Constitution interdit la discrimination fondée sur l’orientation ou l’identité sexuelles.

M me  Simms dit que la libération des peuples autochtones de Bolivie sera un modèle pour toute la région. Pendant très longtemps, le pouvoir colonial a nié l’identité de nombreux peuples d’Amérique et des Caraïbes et la conquête a laissé un héritage de violence dans les sociétés autochtones; néanmoins, il ne faut pas se faire une représentation idéale de ces sociétés qui tendent à être patriarcales. Mme Simms voudrait être informée des programmes destinés spécialement aux peuples et aux femmes autochtones qui reconnaissent leurs droits fondamentaux et leur humanité.

M me  Gabr dit que la législation ne suffit pas : il faut changer les mentalités à l’égard des femmes ainsi que les idées reçues concernant leurs rôles. Prenant note des difficultés mentionnées par la délégation en raison de l’analphabétisme et de la pauvreté, elle demande des détails sur les programmes qui visent à faire mieux connaître le rôle des femmes dans le développement social et économique ainsi que sur le rôle des médias, particulièrement la radiodiffusion, dans un pays où beaucoup de gens sont analphabètes.

M me  Coker-Appiah regrette que la délégation emploie le mot « machisme » : il ne peut que donner des armes à ceux qui s’opposent à l’égalité entre les hommes et les femmes. Le rapport dit que l’on est arrivé à faire évoluer les schémas culturels et les pratiques coutumières reposant sur la supériorité d’un sexe sur l’autre. Néanmoins, il indique aussi que bien qu’il soit beaucoup question d’égalité et du rôle utile joué par les femmes, dans la réalité, ces discours servent à empêcher les femmes d’exercer leurs droits. Cette affirmation devrait être précisée.

M me  Tavares da Silva demande pourquoi, d’après les réponses à la liste de questions, le Programme de prévention de la violence à l’école ne figure pas parmi les cours proposés par le Ministère de l’éducation.

M me  Pimental dit que le degré disproportionnellement élevé de pauvreté chez les Boliviennes d’ascendance africaine et les femmes âgées montre qu’il n’existe pas de politique globale pour lutter contre la discrimination fondée sur la race, le sexe, la religion ou d’autres motifs. Elle aimerait savoir comment la délégation conçoit la diversité et les stratégies qui sont mises en œuvre pour l’assurer, et aussi comment le Gouvernement applique la recommandation générale no 19 du Comité sur la violence à l’égard des femmes. À l’avenir il serait bon d’avoir des renseignements sur les reculs qui sont obtenus concernant la violence au travail dont les femmes sont victimes.

Constatant l’absence de statistiques sur la traite des femmes et des enfants, M me  Ara Begun demande comment sont recueillies les informations sur ces personnes disparues, d’autant que les membres de la famille sont souvent mêlés à leur enlèvement, et quelles sont les lois qui punissent les coupables. Des détails devraient aussi être donnés sur les politiques sociales et économiques qui luttent contre cette traite. Il serait utile d’avoir des informations sur le calendrier d’adoption du projet de loi contre la traite mentionné dans les réponses à la liste de questions ainsi que sur les services d’appui aux victimes de la traite qui appartiennent à des minorités autochtones ou ethniques.

M me  Chutikul demande comment sont coordonnées les activités des divers mécanismes nationaux chargés de lutter contre la traite et la commercialisation du sexe, dont il est question dans la réponse à la question no°13 de la liste; elle ne voit pas clairement si le Conseil national contre la traite des êtres humains, qui dépend du Ministère de la justice, est l’organe chargé de cette coordination. Il serait utile d’avoir des informations supplémentaires sur la loi relative à la traite des enfants, le projet de loi contre la traite et les autres textes nouveaux ou à l’étude mentionnés dans les réponses et de savoir si la législation tient compte du Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants. Mme Chutikul souhaite aussi que soient expliquées les mesures novatrices prévues dans le projet de loi pour punir ceux qui utilisent des services résultant de la traite d’être humains, mentionné dans la réponse à la question no°13 : elle ne voit pas clairement si le texte comprend des dispositions pour protéger les victimes de la traite, garantir leur retour en sécurité dans leur famille ou dans des abris ou leur accueil par d’autres services nécessaires. Enfin, elle voudrait connaître les perspectives qu’a la Bolivie d’œuvrer au niveau multilatéral pour lutter contre la traite, particulièrement à destination de pays comme l’Argentine.

M. Flinterman demande si des mesures ont été prises à la suite de la recommandation, mentionnée dans la réponse à la question no 14, tendant à ce que des mesures soient conçues pour protéger les droits fondamentaux des travailleuses du sexe; il se demande si le Gouvernement à l’intention d’adopter une loi spécialement consacrée à la prostitution. Il faudrait aussi préciser le statut de l’Organisation nationale pour l’émancipation des femmes prostituées, mentionnée dans les réponses, qui cherche à faire reconnaître la prostitution comme activité légitime.

Prenant la parole en qualité de membre du Comité, la Présidente demande des informations statistiques sur le nombre de femmes qui sont assassinées chaque année et le nombre de coupables qui sont punis. Elle souhaiterait plus de détails sur les mesures prises pour protéger les victimes de la violence domestique, par exemple celles qui concernent les abris, et des données à jour sur l’accès des victimes aux services sociaux à la lumière de la nouvelle législation sur la violence domestique. Enfin, elle se demande si la Convention l’emporte dans les cas où elle est en conflit avec le droit interne.

La séance est levée à 13 heures.