Trente-sixième session

Compte rendu analytique de la 744e séance (salle de conférence A)

Tenue au Siège, à New York, le jeudi 10 août 2006, à 15 heures

Président :Mme Schöpp-Schilling (Vice-Présidente)

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties au titre de l’article 18 de la Convention (suite)

Deuxième et troisième rapports périodiques combinés de l’Ouzbékistan (suite)

En l’absence de Mme Manalo, Mme Schöpp-Schilling, Vice-présidente, préside la séance.

La séance est ouverte à 15 heures.

Examen des rapports présentés par les États parties au titre de l’article 18 de la Convention (suite)

Deuxième et troisième rapports périodiques combinés de l’Ouzbékistan (suite) (CEDAW/C/UZB/2-3; CEDAW/C/UZB/Q/3 et Add.1)

À l’invitation de la Présidente, les membres de la délégation de l’Ouzbékistan prennent place à la table du Comité.

La Présidente invite les membres de la délégation à reprendre leurs réponses aux questions et observations du Comité sur les articles 7 à 9.

Articles 7 à 9 (suite)

M. Saidov (Ouzbékistan) dit que, après l’introduction de la règle selon laquelle 30 % des candidats au Parlement devraient être des femmes, le nombre de femmes députés a presque doublé. Le système électoral de l’Ouzbékistan n’est pas celui de la représentation proportionnelle, il est plutôt un système majoritaire où les votants dans chaque district élisent un candidat. Les femmes se présentent par conséquent dans les mêmes conditions que les hommes et ne sont pas reléguées au second rang sur le bulletin de vote. Quatre des 16 sénateurs, nommés par le Président, sont des femmes, dont trois juristes et un médecin.

Le fonds de soutien aux ONG a été établi en 2005. Ses activités ont tiré profit des expériences des fonds étrangers et nationaux existants. Les projets sont sélectionnés par voie de concurrence; jusqu’à présent, deux sélections ont eu lieu selon cette méthode. Il n’a pas d’informations précises à ce sujet, mais il estime que les sélections par voie de concurrence ont lieu une fois par an.

S’agissant du décret exigeant que les ONG se réenregistrent, il dit que cette exigence n’a pas du tout entraîné une diminution du nombre des ONG, y compris les ONG des femmes. En fait, le nombre des ONG s’est accru de 2 300 en 2001 à environ 3 000 actuellement; le nombre des ONG des femmes est passé de 100 à 200 durant la même période. Deux types d’organisations ne sont pas enregistrées : les ONG qui n’étaient pas en activité au moment de l’enregistrement et, dans une moindre mesure, les organisations qui étaient précédemment financées par des bailleurs de fonds étrangers et qui ont cessé leurs activités du fait des restrictions des financements étrangers.

Enfin, il n’a pas de statistiques sur le nombre de femmes diplomates, mais il sera en mesure d’en fournir dans les jours à venir.

Articles 10 à 14

M me Šimonović dit que, selon une documentation supplémentaire fournie par la délégation, concernant les progrès enregistrés dans la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement, les filles des pays de la Communauté des États indépendants se marient traditionnellement vers la fin de leur adolescence ou peu après qu’elles atteignent la vingtaine, et sont par conséquent moins susceptibles que les garçons de s’inscrire dans l’enseignement supérieur. Que fait le gouvernement pour permettre aux filles de poursuivre leurs études? Accorde-t-il par exemple des bourses spéciales?

La documentation complémentaire est aussi très critique à l’égard des efforts de collecte de données déployés par le gouvernement. Que fait-il pour améliorer ces efforts, en vue de progresser plus rapidement dans la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement?

M me Simms se félicite des progrès significatifs faits pour la parité hommes-femmes en matière d’éducation. Cependant, il reste encore beaucoup à faire pour sensibiliser le public sur les stéréotypes basés sur le sexe. Apparemment, en Ouzbékistan, les femmes sont considérées comme les gardiennes de la moralité. Les hommes devraient cependant savoir qu’ils ont aussi des responsabilités à cet égard. Elle souhaiterait savoir si cela a été pris en compte.

M me Zou dit que si l’enseignement est obligatoire pourquoi certains enfants ne sont pas inscrits à l’école. Elle a aussi noté que les filles tendent à se spécialiser dans l’éducation et la santé, tandis que les garçons s’orientent vers la construction, l’industrie et l’informatique. Il semble aussi y avoir une grande différence entre les salaires des hommes et ceux des femmes. Le choix de spécialisations étant directement lié aux perspectives de revenu futur, elle se demande si le gouvernement encourage les étudiants à opter pour les domaines qui ne sont pas nécessairement considérés traditionnels pour leur sexe. Enfin, tandis qu’elle apprécie la création des centres de formation pour les femmes, elle insiste sur la nécessité d’éduquer toute la société, y compris les parents et les enseignants. Le gouvernement fait-il quelque chose à cet égard?

M me Schöpp-Schilling, parlant en tant que membre du Comité, dit qu’elle souhaiterait savoir ce que le gouvernement envisage de faire pour combler le fossé qui existe entre les traitements. Un pays présentant son rapport au Comité au cours de la présente session a relevé les niveaux de salaires des emplois dominés par les femmes. L’Ouzbékistan agit-t-il de même? L’État partie aurait aussi intérêt à regarder le travail très élaboré entrepris par l’Union européenne dans ce domaine.

Elle aimerait aussi avoir des éclaircissements sur les catégories d’emploi mentionnées. Par exemple, que signifient les services domestiques, communautaires et ménagers? Où travaillent les femmes employées dans ces secteurs? Que font-elles? Combien sont-elles payées? Comment le gouvernement définit-il le secteur informel? Et que signifie exactement le travail à domicile?

L’Ouzbékistan a une très forte population rurale. Les femmes rurales tendent à être plus traditionnelles, signifiant qu’elles ont plus tendance à faire l’objet de discrimination. Afin d’évaluer la situation, le Comité a besoin de plus de données sur la situation des femmes rurales dans le domaine de l’économie, de la santé, de l’éducation et de la prise de décisions. Elle demande à la délégation d’inclure une telle information dans le prochain rapport. Par exemple, les termes de référence, mandat et composition de la Commission nationale pour un développement durable prennent-ils en compte les questions d’égalité des sexes? Les services de santé sont-ils facilement accessibles aux femmes rurales? Les femmes jouent-elles le rôle de chef de file dans les fermes collectives? Elle aimerait aussi avoir plus d’informations sur la situation des femmes dans l’industrie du coton.

M me Coker-Appiah dit que, selon les réponses aux questions de la liste, il y a 1 490 femmes infectées par le VIH/sida enregistrées en Ouzbékistan. Cependant, en l’absence de données sur l’infection des hommes, il est impossible de replacer ce chiffre dans son contexte. De plus, le rapport indique que la principale politique de lutte contre la propagation du VIH/sida est basée sur la mise en œuvre des mesures préventives parmi les toxicomanes par voie intraveineuse. Cela implique-t-il que le sida se transmet uniquement par l’utilisation de la drogue? Étant donné l’accroissement ces dernières années de la transmission de la mère à l’enfant, elle est curieuse de savoir si une étude a été faite sur la transmission du VIH, en particulier parmi les hétérosexuels. Elle est aussi préoccupée par le problème de la polygamie. Les femmes sont les plus exposées à la transmission du VIH, même si elles sont mariées et spécialement quand elles n’ont pas le droit de négocier pour une sexualité sans risques. Elle se félicite du fait que l’usage des contraceptifs ait augmenté parmi les femmes, mais souhaiterait savoir s’il en est de même pour les hommes. S’il se trouve simplement que les femmes utilisent de plus en plus des contraceptifs oraux, elles ne seront pas protégées contre le VIH/sida.

M me Tan dit qu’elle a appris que dans le cadre du programme de l’État pour la réforme du système de santé, les hôpitaux de district vieux et inefficaces et les pavillons de maternité seront remplacés par des unités de soins de santé primaires. Il a été prévu que 2 800 de ces unités seraient mises en place avant la fin de 2005, mais le rapport indique que seulement 1 626 fonctionnent actuellement; cette insuffisance sera-t-elle rattrapée cette année? Exprimant sa grande préoccupation face aux besoins de santé des femmes rurales, qui représentent 60 % de la population féminine nationale, elle se demande comment les unités de soins de santé primaires, dont les médecins sont uniquement des généralistes, seraient en mesure de répondre aux cas d’urgence ou à des situations compliquées, et si l’équipement et la formation nécessaires seront fournis au personnel médical de ces unités. Elle voudrait aussi avoir des informations sur les déficiences nutritionnelles chez les femmes et les filles rurales.

M. Saidov (Ouzbékistan) dit que son pays a soumis des informations sur les progrès accomplis dans la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement, étant donné qu’ils sont tous, dans une certaine mesure, liés aux questions d’égalité des sexes. La première cible de l’objectif no 3, qui est d’assurer l’égalité entre les garçons et les filles en matière d’éducation a été atteinte. L’Ouzbékistan vise actuellement l’objectif plus exaltant d’amélioration de la qualité de l’éducation. Les études entreprises par les agences spécialisées des Nations Unies indiquent qu’il réalisera probablement cet objectif d’ici à 2015. Dans l’ensemble du système éducatif, l’Ouzbékistan réalise des réformes profondes basées sur la nouvelle technologie de l’information et de nouvelles méthodes d’enseignement. L’éducation étant considérée comme un investissement dans le futur, la réforme de l’éducation revêt un niveau de priorité élevé.

S’agissant de la question de l’accès à l’enseignement supérieur, la moitié seulement du coût est couverte par les fonds publics; l’autre moitié doit être prise en charge par les étudiants eux-mêmes. Cependant, pour alléger des difficultés financières que peuvent rencontrer les étudiants, le gouvernement crée des mécanismes tels que les prêts bancaires pour les études. Par comparaison avec la période couverte par le précédent rapport de l’Ouzbékistan, l’écart entre les étudiants des deux sexes s’est amenuisé.

En ce qui concerne les changements en matière d’orientation professionnelle, il est connu que les femmes tendent à travailler dans les domaines de l’éducation et de la santé. Mais c’est là leur libre choix et le gouvernement ne peut pas les forcer à s’orienter dans une voie différente. Quoi qu’il en soit, depuis récemment, les femmes s’orientent de plus en plus vers les domaines tels que l’informatique et les sciences naturelles. De plus, comme l’a indiqué la Présidente elle-même, il y a eu des cas où les salaires ont considérablement augmenté dans les domaines professionnels préférés par les femmes. À cet égard, l’Ouzbékistan a résolu plusieurs problèmes en étudiant et en s’inspirant des résultats positifs obtenus par d’autres pays.

Pour ce qui est du rôle que les hommes doivent jouer pour défendre la moralité dans la société, il reconnaît que la prostitution et d’autres vices existent en Ouzbékistan. Cependant, c’est un problème qui concerne aussi bien les hommes que les femmes. Le gouvernement étudie les raisons d’un tel phénomène en essayant de les prévenir sans négliger le rôle des hommes. Dans le système éducatif, les questions d’égalité des sexes sont de plus en plus traitées dans tous les programmes des cours, particulièrement dans ceux liés aux droits de l’homme. De plus, le gouvernement s’efforce de s’assurer que l’éducation sexuelle est dispensée sur une base égale garçons comme aux filles.

S’agissant des questions de différences de traitement, les statistiques devraient être étudiées plus avant, mais le gouvernement tient à s’assurer qu’il n’y ait pas de différence au niveau de salaires entre les hommes et les femmes. Le gouvernement a adopté un programme national pour soutenir la santé et les travailleurs des services de santé, qui sont en majorité des femmes. Par conséquent, l’augmentation de leur revenu comme celle du revenu des femmes travaillant dans le domaine de l’éducation, pourrait constituer une des mesures spéciales temporaires visées par la Convention.

Le travail à domicile ne devrait pas être confondu avec le travail domestique non rémunéré. C’est une activité rémunérée, exercée par les femmes dans leur propre maison. Un décret spécial a été récemment promulgué pour encourager ce genre d’activité, et les femmes qui l’exercent jouissent des mêmes services sociaux et avantages que celles qui travaillent hors de chez elles.

Pour ce qui est des femmes rurales, le gouvernement est en train de procéder au renforcement des institutions éducatives, de fournir des services de santé et de mettre en place des centres de soins de santé en milieu rural. En ce qui concerne la question des fermes collectives, il précise qu’il n’en existe plus en Ouzbékistan. L’agriculture est essentiellement pratiquée par le secteur privé.

En ce qui concerne le VIH/sida, il admet que, jusqu’à une date récente, le gouvernement n’a pas été au courant de l’étendue réelle du problème. Tandis que le VIH/sida était initialement un problème urbain, il existe actuellement en milieu rural, en raison des migrations de la main-d’œuvre et autres facteurs similaires. Par conséquent, le gouvernement fait des efforts, avec l’assistance de la communauté internationale, pour combattre la propagation du VIH/sida. L’éducation sexuelle est dispensée dans les écoles, destinée plus aux filles qu’aux garçons. Il ne dispose pas d’information sur les différentes formes de transmission du VIH/sida.

En ce qui concerne la question de la réforme des soins de santé, le gouvernement a reconnu l’inefficacité du système qui a existé dans le passé et a, par conséquent, entrepris de créer des unités des soins de santé à travers le pays. Il ressort clairement des indicateurs actuels que cette décision était judicieuse. La priorité a été donnée aux soins de santé de base destinés aux femmes vivant en milieu rural, avec une aide importante de la Banque mondiale, de la Banque asiatique de développement et d’autres partenaires internationaux.

M me Norboeva (Ouzbékistan) dit que sur les 6,5 millions de personnes inscrites dans le système éducatif de l’Ouzbékistan, 48,4 % sont de sexe féminin. En 2000 et 2001 ce chiffre était de 37 %. Afin d’encourager plus de filles à s’inscrire dans l’enseignement supérieur, le Président a instauré une bourse d’État qui est accordée aux filles talentueuses de toutes les régions de la République. Les plus méritantes reçoivent des bourses les aidant à entrer dans l’enseignement supérieur. Le gouvernement s’emploie aussi à aider les filles à s’inscrire dans le domaine de la technologie de l’information et de la communication, et les médias publient activement les avantages que représentent d’autres domaines spécialisés pour les filles.

Dans le domaine de l’éducation liée aux questions de l’égalité des sexes, un programme spécial dans des écoles défend la parité hommes-femmes comme étant une base de moralité. De plus, les ONG organisent des activités de plaidoyer par le biais des tables rondes, des discussions et des réunions de toutes sortes. Une des priorités de la réforme des soins de santé est d’améliorer la santé familiale. Chaque année, toutes les filles et les femmes en âge de procréer subissent un examen médical complet gratuit.

Toutes les écoles ont un cours sur la santé familiale et les établissements de l’enseignement supérieur dispensent un cours de plus haut niveau sur le sujet, y compris l’usage des contraceptifs de différents types. Les contraceptifs sont gratuitement distribués, grâce en partie, à l’aide du FNUAP de l’Organisation mondiale de la santé et d’autres institutions spécialisées des Nations Unies.

En 2000, l’Ouzbékistan a adopté un programme stratégique de lutte contre la propagation du VIH/sida. Le programme est mis en œuvre dans les 15 centres de lutte contre le VIH/sida créés au niveau national et dans chaque région, donnant des soins prophylactiques aux groupes à haut risque. L’injection de la drogue représente le principal moyen de transmission bien que les cas de transmission de la mère à l’enfant soient en hausse. Un nouveau programme stratégique de cinq ans est en cours de préparation. S’agissant de la déficience nutritionnelle, l’Ouzbékistan a reçu de la Banque mondiale un don de 2,8 millions de dollars pour endiguer l’anémie parmi les femmes.

Le travail à domicile est une option préférée par plusieurs femmes, d’autant plus que 42 % de la population féminine du pays est à l’âge de procréation. De plus, les facilités de crédit sont accordées aux femmes qui veulent ouvrir une petite entreprise. Actuellement, 20 % environ de ces crédits sont accordés aux femmes. Le nombre de femmes chefs d’exploitation agricole est actuellement en progression, à environ 10 000. Le Gouvernement tient à une augmentation du nombre de femmes participant à la prise de décisions en milieu rural. Et quelque 12 % des leaders de la communauté (makhallya) sont des femmes.

M. Saidov (Ouzbékistan) fait remarquer que le nombre de femmes exploitants agricoles a quintuplé au cours de la période considérée. Le Comité des femmes et le Centre d’appui aux initiatives civiles encouragent plus de femmes rurales à se lancer dans des activités de production, notamment par le biais de subventions financières.

La Présidente, parlant en tant que membre du Comité, demande d’autres éclaircissements sur les types d’activités qui pourraient être exercées à domicile. Elle souhaitait aussi savoir si l’avortement est légalisé en Ouzbékistan.

M me Norboeva (Ouzbékistan) dit que la forme la plus répandue de travail à domicile est la couture. Tandis que les compagnies fournissent aux travailleurs à domicile les équipements voulus pour faire le travail en question, les travailleurs individuels sont responsables de s’assurer que leur domicile est approprié pour exécuter le travail. En Ouzbékistan, les femmes comme les hommes sont en mesure de travailler à domicile et des crédits sont disponibles pour encourager les femmes, en particulier, à profiter de cette possibilité.

L’avortement est légal en Ouzbékistan, mais l’on met l’accent sur la prévention des grossesses non désirées. À cet égard, les contraceptifs sont gratuits et une campagne de publicité à grande échelle a été lancée pour décourager les femmes d’avorter. Suite à cette initiative, jusqu’en 2006 le nombre d’avortements a diminué de deux tiers.

Articles 15 et 16

M me Bokpé-Gnacadja fait remarquer que le Code pénal de l’Ouzbékistan ne considère la polygamie comme étant un délit que si le mari cohabite avec deux femmes ou davantage dans une même maison. Cette disposition donne à penser, par conséquent, que les hommes peuvent épouser deux femmes ou davantage, pourvu qu’ils vivent avec une seule à la fois, et elle se demande si cette attitude permissive explique la persistance de la polygamie dans la société ouzbèke. Elle aimerait savoir si le gouvernement envisage de renforcer la législation pertinente afin de délégaliser complètement la pratique. Elle demande aussi combien des 22 cas de polygamie découverts dans la première moitié de 2006 se sont traduits par la poursuite des auteurs. Par ailleurs, étant donné que la polygamie semble perturber l’ordre public dans l’État partie, elle se demande si les tribunaux peuvent eux-mêmes engager des poursuites contre les personnes soupçonnées de polygamie.

Selon le rapport, l’âge minimum pour le mariage en Ouzbékistan est de 18 ans pour les hommes et de 17 ans pour les femmes, mais s’il y a des raisons valables ou des circonstances exceptionnelles, les autorités locales (khokim) qui marient le couple peuvent, à la demande des personnes qui désirent se marier, réduire cet âge minimum d’un an. Elle souhaiterait savoir exactement quelles sont les raisons ou les circonstances exceptionnelles qui pourraient justifier une telle décision. Qu’arrive-t-il si les mariages religieux non couverts par cette législation sont considérés forcés ou impliquer des filles qui ne sont pas en âge de se marier? Elle se demande aussi comment se fait le partage des biens en cas de divorce.

Enfin, il ressort du rapport qu’au sein des différentes communautés (makhallyas) certaines femmes influentes sont chargées de pratiquer des rites et rituels traditionnels. Cependant, du fait que de nombreuses traditions et coutumes religieuses sont essentiellement discriminatoires, elle se demande si, en continuant à pratiquer ces rites, les femmes elles-mêmes ne contribuent pas à la persistance des stéréotypes basés sur le sexe. Elle souhaiterait avoir une idée plus claire sur le type d’influence qu’exercent les femmes dans les makhallyas dans le domaine des relations maritales et familiales.

M me Gaspard demande si le nouveau projet de loi qui relève l’âge minimum de mariage à 18 ans pour les deux sexes prévoit spécifiquement l’abaissement de cet âge dans des circonstances exceptionnelles. Elle relève aussi que les citoyens devraient être conscients de leurs droits afin de les exercer et à cette fin, se demande si les programmes des écoles couvrent les droits des femmes, en particulier la question de mariage arrangé ou forcé.

Elle a été maire d’une ville de France et à ce titre, elle a vu par elle-même à quel point il est difficile de s’assurer que les jeunes femmes musulmanes n’ont pas été forcées de se marier. Elle insiste sur la nécessité de veiller à ce que les autorités chargées d’enregistrer les mariages soient conscientes de l’importance d’obtenir le consentement des deux époux. En plus, le conseil juridique doit être disponible aux victimes éventuelles des mariages arrangés ou forcés à travers, par exemple, des lignes spéciales de renseignements téléphoniques.

M me Coker-Appiah dit que si la diffusion des informations sur les droits juridiques constitue un premier pas vers l’élimination de la discrimination basée sur le sexe, des efforts complémentaires sont nécessaires pour combattre les stéréotypes sexistes qui, comme illustré par les résultats du sondage visé dans le rapport, persistent encore dans la société ouzbèke. Malheureusement, aussi longtemps que ces stéréotypes existeront, il sera difficile d’appliquer la législation sur l’égalité des sexes.

Étant donné que le mariage forcé constitue une infraction pénale dans l’État partie, elle aimerait savoir si un mariage contracté contre le consentement d’une femme a un statut juridique. Combien de cas de mariages forcés ont conduit aux poursuites judiciaires? Enfin, elle se demande si les femmes et les hommes jouissent des droits d’héritage égaux.

M me Tan souhaiterait savoir si les séminaires sur la prévention du mariage précoce organisés par le Comité des femmes ont entraîné une diminution de ce phénomène. L’État partie devrait aussi indiquer si, en cas de divorce, les femmes ont droit à une pension alimentaire.

Selon le rapport, l’habitude de payer le prix de la fiancée existe toujours en Ouzbékistan; elle serait intéressée de savoir le montant exigé à payer. Le prix élevé conduit à une recrudescence d’enlèvements de fiancées et elle se demande si le gouvernement envisage de prendre des mesures pour éliminer cette pratique.

M. Saidov (Ouzbékistan) fait remarquer que 90 % de la population de l’Ouzbékistan est musulmane et qu’avant l’arrivée des Russes la polygamie était légale dans le cadre de la loi islamique. La polygamie n’est pas unique aux pays musulmans et il y a des raisons variées non religieuses pour sa persistance dans certaines régions du monde. La définition de la polygamie par le Code pénal ouzbek n’est pas équivalent au concept de concubinage en droit romain, car elle implique dans le premier cas l’entretien en même temps de deux femmes ou davantage dans le même ménage. En 2005, deux cas de polygamie ont été traduits devant les tribunaux, et les experts juridiques effectuent actuellement des études sur ce phénomène.

En ce qui concerne l’âge légal du mariage dans des circonstances exceptionnelles, cette disposition est destinée à servir avant tout dans les cas de grossesse, pour assurer que l’enfant ne naisse pas hors mariage. Cependant, une telle disposition ne figure pas dans le nouveau projet de loi. Comme indiqué dans la liste des réponses aux questions, les efforts du gouvernement pour combattre les mariages précoces ont porté leurs fruits : c’est ainsi qu’un tiers de femmes en Ouzbékistan se marient maintenant à l’âge de 19 ans, et 56 % se marient entre 20 et 24 ans.

Les mariages religieux ne sont pas permis en Ouzbékistan et s’ils ont lieu, ils ne sont pas juridiquement reconnus. Cependant, afin de préserver les traditions culturelles et religieuses, plusieurs familles choisissent de faire une cérémonie de mariage religieux, après que le mariage séculaire ait eu lieu.

Pour ce qui est des droits de femmes en cas de divorce, la loi ouzbèke prévoit une pleine égalité entre les sexes. Les tribunaux de divorce envisagent non seulement la dissolution de mariage mais aussi des questions parallèles de garde d’enfants et de répartition des biens du couple, qu’ils aient été acquis conjointement ou qu’ils aient appartenu séparément à l’un ou l’autre époux. La garde des enfants est presque toujours confiée à la mère, dans tous le cas, les tribunaux autorisent le droit de visites au deuxième parent. Le Code de la famille et le Code civil stipulent clairement que les biens acquis conjointement doivent être partagés également en proportion du nombre de membres de la famille dans chacun des deux ménages après divorce, de sorte que si les enfants demeurent avec la mère elle reçoive proportionnellement plus. Tout parent non résident qui n’entretient pas volontairement un enfant est obligé de verser une pension alimentaire.

Dans la société ouzbek, le makhallya est considéré comme un facteur de stabilisation qui appuie les intérêts des femmes, bien que de manière conservatrice plutôt que progressiste. Le makhallya cherche à empêcher le divorce, purement dans l’intérêt des enfants mais n’empêcherait jamais la femme d’intenter en procès en divorce devant les tribunaux. Il est important de rappeler que les familles ouzbèkes sont nombreuses, de sorte que le divorce n’affecte pas uniquement la vie du couple concerné.

S’agissant de l’héritage, le Code civil de l’Ouzbékistan, à la différence de la loi islamique, donne des droits égaux d’héritage à l’homme et à la femme. Pour les mariages forcés, l’article 136 du Code pénal stipule que forcer une femme à se marier ou à poursuivre la cohabitation maritale, ou enlever la future mariée pour l’épouser contre sa volonté, ou empêcher une femme de se marier, sont des actes sanctionnés soit par une amende de 25 fois le salaire minimum soit par une peine maximale de trois années d’emprisonnement. Il n’a aucune information sur l’efficacité de ces mesures ou sur des études qui auraient été effectuées sur la question. Les mariages forcés, s’ils sont découverts, sont déclarés illégaux et non valides. Les ONG ont joué un grand rôle dans le changement des attitudes des gens à l’égard du mariage et le fait que les gens acceptent des changements tels que relever l’âge du mariage pour les filles est un signe que les séminaires tenus en milieu rural ont eu du succès. Il faut se rappeler que l’Ouzbékistan abrite plus de 100 groupes ethniques et que payer pour une fiancée ou en enlever constituent des pratiques traditionnelles dans certains de ces groupes. Enlever une future mariée est une infraction, mais c’est un acte souvent traité comme faisant partie des cérémonies de mariage, avec le plein consentement des deux parties et considéré simplement comme une coutume, de même que le paiement d’un prix symbolique de la fiancée.

M me Norboeva (Ouzbékistan) dit, s’agissant du travail de la femme à domicile, que les travaux les plus répandus entrepris dans la maison consistent à élever les animaux, cultiver et traiter les produits agricoles, pratiquer des activités d’industrie légère et produire des denrées alimentaires. Si la communauté apprend que le mariage religieux a eu lieu avant la cérémonie civile, les médiateurs de makhallya interviennent. Ils se présentent comme des consultants dont l’autorité est plutôt morale que religieuse, et travaillent individuellement avec les familles concernées.

M me Morvai remercie la délégation pour les précisions concernant le rôle de consultants makhallya, mais elle sedemande quel pourcentage de femmes qui les composent et quelle est l’attitude de ces consultants vis-à-vis des questions sexuelles et morales? Elle se demande ce qui leurdonne leur statut moral élevé et la confiance de la société.

M me Norboeva (Ouzbékistan) dit qu’on en dénombre approximativement 10 000 et qu’il s’agit presque exclusivement de femmes qui ont été choisies par la communauté, à cause de leur expérience de la vie, de leur niveau d’éducation et du respect qu’on leur donne. Elles reçoivent une formation spéciale, avec des séminaires organisés dans chaque région sur des sujets comme l’égalité des sexes et d’autres questions pertinentes, et chaque nouvelle recrue doit passer par une telle formation avant de commencer à travailler.

M me Simms demande comment la polygamie est définie, étant donné que la loi n’est pas aussi claire sur le nombre de femmes qui peuvent être impliquées.

M. Saidov (Ouzbékistan) explique que dans le Code pénal, la polygamie est définie comme l’union d’un homme avec deux femmes et bien qu’il pourrait en principe y en avoir davantage, dans la pratique, le maximum doit être de deux. Il exprime sa gratitude pour l’intérêt constructif du Comité et donne l’assurance que ses conclusions seront incorporées dans le plan d’action national, qui sera élaboré en consultation avec le Bureau du Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme. Le Comité sera consulté quand l’Ouzbékistan élaborera de nouvelles lois et ses recommandations générales seront traduites en ouzbek et serviront de cadre de référence pour les activités du Centre national des droits humains.

La séance est levée à 17 heures.