Trente-troisième session

Compte rendu analytique de la 696e séance

Tenue au Siège, à New York, le jeudi 14 juillet 2005, à 15 heures

Président :Mme Manalo

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18de la Convention (suite)

Quatrième et cinquième rapports périodiques groupés du Burkina Faso (suite)

En l’absence de Mme Manalo, Mme Belmihoub-Zerdani, Vice-Présidente, exerce la présidence.

La séance est ouverte à 15 h 5.

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Quatrième et cinquième rapports périodiques groupés du Burkina Faso (suite) (CEDAW/C/BFA/4-5, CEDAW/PSWG/2005/ CRP. 1/Add.2 et CRP.2/Add.2)

À l’invitation de la Présidente, les représentants du Burkina Faso prennent place à la table du Comité.

Articles 10 à 14

M me Morvai se félicite des progrès réalisés dans les taux d’alphabétisation et la scolarisation des filles et en particulier de l’initiative qui a été prise de mettre en place un système de garderies communautaires qui libère les grandes de l’obligation de s’occuper des plus jeunes et qui leur permet ainsi d’aller à l’école. Elle aimerait recevoir un complément d’information sur la part respective des garçons et des filles dans les effectifs des écoles primaires et secondaires, dans les formes non institutionnalisées et traditionnelles d’enseignement et dans les taux d’alphabétisation. Si l’instruction primaire est obligatoire, les taux de fréquentation scolaire sont très faibles et Mme Morvai demande si, en plus de l’aide et des facilites accordées aux familles pauvres pour permettre aux filles d’aller à l’école, quelque chose est fait en vue d’en faire respecter le caractère obligatoire. Le rapport dit qu’il y a beaucoup plus de filles que de garçons à suivre une formation professionnelle; on aimerait savoir ce qu’elles apprennent et comment elles peuvent mettre ce savoir en application dans l’exercice d’un métier.

M me Patten dit que le rapport donne à voir une situation de discrimination persistante en matière d’embauche et de promotion, d’écarts de salaire, de ségrégation dans l’emploi, d’absence de femmes au niveau de l’administration et de la prise des décisions ainsi que de discrimination pour cause de grossesse, et tout cela dans un contexte de faible réglementation du travail et d’insuffisante protection du travailleur. De plus, le manque de flexibilité des conditions de travail et la faiblesse de la contribution de la société et des hommes à la vie de la famille font que le secteur privé manifeste une très nette préférence pour les hommes. Tous ces facteurs ont nui au développement économique des femmes. Cela étant, Mme Patten demande si le Gouvernement n’aurait pas l’intention de revoir sa législation du travail dans l’optique d’une prise en considération de la problématique des sexes. Comme le rapport prétend qu’il y a abondance de textes proclamant l’égalité des hommes et des femmes au regard de l’emploi, elle voudrait savoir quelles mesures le Gouvernement envisage de prendre pour en faire une réalité dans le secteur public et dans le secteur privé, dans quelle mesure les juges des tribunaux du travail sont sensibles à la problématique des sexes, quels mécanismes sont en place pour statuer en matière de discrimination salariale et de quels recours disposent les femmes si, par exemple, on refuse de les employer ou de les garder parce qu’elles sont enceintes ou qu’elles allaitent, ou si elles sont victimes de harcèlement sexuel. On pourrait envisager le recours à des mesures temporaires spéciales pour favoriser la promotion des femmes dans la fonction publique ou à des programmes conçus pour encourager les femmes à s’engager dans des filières dont la tradition les éloigne, comme l’informatique. Le rapport ne dit rien sur la fourniture d’une aide aux catégories particulièrement vulnérables en butte à de multiples discriminations au regard de l’emploi, comme les femmes atteintes d’invalidités.

En ce qui concerne les femmes des zones rurales, Mme Patten aimerait en savoir davantage sur les actions de vulgarisation engagées à l’intention de celles qui sont pauvres afin de leur faciliter l’accès aux marchés et au crédit pour leurs micro-, petites ou moyennes entreprises. Elle désirerait savoir aussi dans quelle mesure il est tenu compte des besoins prioritaires des femmes dans les projets d’investissement en équipements d’infrastructure, comme l’eau, l’assainissement, l’électricité et le transport.

M me Dairiam comprend qu’il est difficile de se développer durablement face à des conditions économiques difficiles, mais la santé est aussi un facteur dans la physionomie économique du pays et les interventions à cet égard peuvent avoir une importance stratégique. Les indicateurs de santé du Burkina Faso ne sont pas bons : faible espérance de vie, forte mortalité infantile, faible utilisation de moyens contraceptifs et fécondité élevée. D’après le rapport, peu de mères reçoivent des soins prénatals. À la suite de la présentation du dernier rapport, le Comité a demande à l’État partie d’examiner de près la question de l’accès aux soins de santé primaires. Le présent rapport fait état d’une augmentation des équipements et des effectifs du personnel de santé, mais il ne dit pas qu’ils sont devenus plus accessibles aux femmes; il ne suffit pas qu’il existe des équipements pour que les femmes les utilisent. La proportion du personnel médical par rapport à la population est toujours trop faible, ce qui, bien sûr, est affaire de ressources, mais Mme Dairiam aimerait savoir s’il existe un projet de stratégie pour aider les femmes à venir à bout des obstacles qui leur barrent l’accès aux soins de santé et si le Gouvernement a un programme assorti d’un calendrier pour réduire la mortalité maternelle. Étant donné le taux élevé de natalité, elle aimerait en savoir davantage sur les raisons du peu d’intérêt marqué pour les services de planification familiale. Elle désirerait de même savoir quels services de santé autres que de santé génésique sont dispensés par le Ministère de la santé.

Elle aimerait, en raison du nombre élevé d’avortements à haut risque pratiqués dans le groupe d’âge des 16 à 24 ans, savoir si quelque chose est fait pour apprendre aux jeunes les dangers de rapports sexuels sans protection et les risques que l’on court en avortant. La proportion de séropositives/sidéennes parmi les jeunes femmes est également très forte, ce qui conduit à se demander si elle ne serait pas liée à la prostitution.

M me Tan, notant que les taux de morbidité en milieu rural sont deux fois plus élevés qu’en milieu urbain, demande quels progrès a fait la décentralisation des soins de santé en faveur des femmes des zones rurales et ce que l’on fait pour améliorer l’approvisionnement en eau et les services d’assainissement. En ce qui concerne la réorganisation agraire et foncière, le rapport dit que le plan prévoit l’égalité d’accès des hommes et des femmes aux terres cultivables et à usage d’habitation (sect. 2.12), mais dans la lettre de politique de développement rural décentralisé (CRP.2/Add.2, p.3), ce dont il s’agit, c’est de faciliter l’accès des femmes, et non de leur assurer un accès égal, au crédit, à la terre et aux services, ce qui dénote, au fond, une réticence à accepter une réelle égalité entre les hommes et les femmes. Le rapport contient d’autres indications révélatrices de cette nature. Mme Tan aimerait qu’on lui explique ce que veut dire le rapport quand il dit que le Code de la personne et de la famille a été jugé « trop favorable aux femmes », alors qu’il contient des dispositions discriminatoires qui ne sont pas « nécessairement positives » (sect. 2.1). Pour s’acquitter des obligations que lui fait la Convention, le Gouvernement doit être disposé à s’attaquer, par une action à la fois juridique et pratique, à des problèmes de discrimination d’une importance aussi capitale.

M me Zou Xiaoqiao aimerait, du fait que la population vit à 80 % en milieu rural, où la pauvreté est très grande, pouvoir se faire une image plus claire de la situation des femmes des zones rurales, par exemple, savoir quel est le pourcentage de ces femmes qui sont pauvres et quel est le pourcentage de celles qui pratiquent l’agriculture ou l’élevage. Le rapport fait état de plans nationaux et régionaux conçus pour faire reculer la pauvreté entre 2003 et 2006 et elle aimerait savoir si les stratégies mises en œuvre ont fait l’objet d’un bilan de mi-parcours et, dans ce cas, ce qu’en ont été les résultats, par exemple le nombre de personnes qu’elles ont aidées à sortir de la pauvreté et combien d’entre elles sont des femmes.

Il a été fait état de programmes de formation en techniques de production et Mme Zou Xioaqiao aimerait savoir à qui ils s’adressent, qui en sont les réalisateurs et s’ils ont été conçus de manière à y admettre des femmes. Beaucoup de pays ont appliqué avec succès des stratégies de génération de revenus avec fourniture de microcrédit aux femmes qui n’ont pas de biens sur lesquels gager un prêt. Le système de la Grameen Bank du Bangladesh en est en bon exemple. Comme il paraîtrait qu’il y a discrimination au Burkina Faso dans l’attribution de microcrédit, Mme Zou Xiaoqiao aimerait savoir d’où viennent les fonds, combien de femmes en ont bénéficié et s’il y a des projets ciblés sur les femmes. Elle aimerait aussi en savoir plus sur la structure des communautés, savoir en particulier s’il y a des communautés où les femmes ont voix au chapitre quand il s’agit de prendre des décisions.

M me Simms dit que le rapport donne une image très claire de la marginalisation des femmes des zones rurales, qui représentent la très grande majorité des femmes au Burkina faso. Plus encore que celle des femmes des villes, leur promotion sociale se heurte à de gros obstacles sous forme de faible espérance de vie, de mortalité maternelle élevée ainsi que de mentalités et de pratiques traditionnelles comme la polygamie qui les maintiennent dans un état de soumission et les excluent de la prise des décisions. Chose surprenante, même les vieilles femmes seraient durement traitées : on les abandonne, on les oublie, on les traite de sorcières alors que la tradition africaine veut que l’on respecte les personnes âgées pour leur sagesse et leur expérience, mais il est possible qu’au Burkina Faso ce soit seulement aux hommes que va ce respect. Il est clair que le pays a besoin d’adopter une autre stratégie à l’égard des femmes des zones rurales. Si elles sont exclues des activités des hommes, il leur faut les leurs afin de se donner les moyens de résoudre les problèmes d’ordre pratique qui se posent à elles et de se doter d’une base économique. Si la plupart d’entre elles sont illettrées, il faut leur faire parvenir le message en personne et non sur un morceau de papier. On espère trouver dans le prochain rapport la preuve que des programmes novateurs ouverts sur la réalité sont en place.

M me Guigma (Burkina Faso) remercie le Comité de ses questions pertinentes et de l’attention qu’il porte aux problèmes de son pays et dit que, lorsque sa délégation ne sera pas en mesure de donner des réponses précises, elle s’efforcera de décrire la situation dans ses grandes lignes.

M me Bagré (Burkina Faso), répondant aux questions sur l’éducation et l’alphabétisation, dit que l’année 2000 a marqué le début d’un plan décennal de développement de l’instruction de base. Entre les années scolaires 2000/01 et 2004/05, le taux brut de scolarisation des filles n’a cessé d’augmenter, passant de 37,55 % à 51,56 %, le taux global, garçons et filles confondus, passant de 44,35 % à 57,13 %. Dans les régions rurales les moins développées, le taux brut de scolarisation des filles est passé, au cours de la même période, de 22,22 % à 35,01 %, le taux global, garçons et filles confondus, passant de 28,42 % à 40,36 %. Pour l’année scolaire 2004/05, les filles entraient pour 46,10 % de l’ensemble des nouvelles inscriptions dans le primaire. Il y a eu, ces dernières années, davantage de femmes que d’hommes à suivre les programmes d’alphabétisation et les cours d’amélioration de l’instruction de base dispensés hors institutions.

L’instruction primaire est obligatoire jusqu’à 16 ans et il y a des établissements publics préscolaires pour les enfants de 3 à 6 ans. Dans chaque département du pays, des centres d’instruction de base de type marginal cherchent à atteindre tous les enfants ou les jeunes qui n’ont jamais été à l’école ou qui ont cessé d’y aller et des centres d’alphabétisation et de formation permanentes dispensent des cours ouverts aux 15 ans jusqu’à l’âge adulte. Comme il est dit dans le rapport, le Gouvernement s’emploie à améliorer l’accès des filles à l’éducation. C’est ainsi que des répétiteurs ont été affectés aux écoles à l’intention des filles pour les aider dans leurs études et pour leur faire acquérir une plus grande conscience de leur condition. La loi No 083-1996/ADB a été adoptée pour réprimer et contribuer à éradiquer le harcèlement sexuel et tout comportement de violence à l’égard des filles dans les écoles. On prévoit aussi d’assurer une formation en alphabétisation aux mères de filles d’âge scolaire. La prise de conscience et l’information sont les meilleurs outils pour combattre toutes les formes d’injustice dont souffrent les femmes; il faut que cette campagne prenne un caractère permanent, car les femmes elles-mêmes sont souvent délibérément complices des hommes dans les ententes délictueuses que ceux-ci forment contre elles.

M. Ouedrago (Burkina Faso) dit, à propos des questions posées sur la santé au titre de l’article 12, qu’après la Conférence internationale de 1994 sur la population et le développement, le Gouvernement a entrepris de revoir sa politique de la santé dans le but de mettre l’accent sur les soins de santé primaires pour tous, et surtout pour les plus pauvres, et qu’il a adopté en 2001 le Plan national de développement pour la santé établissant des programmes triennaux assortis d’objectifs bien définis, y compris la couverture médicale des catégories de population vulnérables. La stratégie nationale pour une maternité à faible risque a fait se rencontrer des représentants du Gouvernement et des ONG pour organiser, avec l’aide du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), un vaste programme national de formation pour la mise en place de services d’obstétrique d’urgence comme moyen de réduire la mortalité maternelle. Dans les zones rurales, un système très apprécié de partage des coûts qui fait intervenir les communautés, les services de santé et d’autres organismes publics a été créé pour administrer un fonds à l’aide duquel contribuer à assurer le paiement des complications de grossesse et à en réduire le coût aux bénéficiaires. Il y a eu une énorme demande de ces services à faible coût – 20 dollars pour une césarienne, par exemple – financés par ce fonds.

Une évaluation de l’impact des lettres de développement du Gouvernement pour les années 2000 et 2002 concernant la gratuité des soins préventifs pour les femmes et les enfants a montré que 67 % des femmes les plus pauvres en ont bénéficié. Les principaux problèmes ont été l’insuffisance de la publicité qui en a été faite et les difficultés d’obtention des médicaments gratuits. Depuis 2002, il existe aussi un programme de soins gratuits pour prévenir la transmission du VIH/sida de la mère à l’enfant, programme qui couvre 80 % du pays et dont ont bénéficié 70 000 femmes enceintes. Parmi celles auxquelles a été administré le test de dépistage, les 13 000 pour lesquelles le test s’est révélé positif ont été soignées durant et après leur grossesse. Depuis 2004, un programme à la réalisation duquel contribue le FNUAP vise à prévenir et à traiter la fistule obstétricale, complication grave et commune de l’accouchement.

Le Gouvernement prône l’application de méthodes appropriées de planification familiale à une population incontestablement nataliste. Il a été dépensé plus de un milliard de francs CFA pour se procurer des moyens contraceptifs modernes et en promouvoir l’utilisation et, avec ses partenaires en développement, le Gouvernement a mis sur pied un plan de sauvegarde de tous les produits de soins de santé génésique. Le Plan national de développement pour la santé a pour but d’atteindre pour 2010 un taux de couverture contraceptive de 17 % et tout porte à croire que cet objectif sera atteint, bien qu’avec des disparités dues à la géographie, car il y a actuellement une disparité rurale-urbaine de 6 %/16 %. En plus de ce qu’il fait pour informer, le Gouvernement assure 95 % du financement des produits contraceptifs destinés aux femmes des zones rurales.

Dans le cadre d’un programme décentralisé qui s’est appliqué à une grande partie de la population et qui a porté spécialement sur les zones rurales, 1 300 centres médicaux ont pu assurer des soins de santé dans un rayon de huit kilomètres et il y a 47 centres de chirurgie spécialisée dans l’ensemble du pays. Ici encore, malheureusement, il reste des disparités entre milieu rural et milieu urbain, mais elles se réduisent. Soucieux de faire accéder aux soins de santé les personnes qui ne disposent d’aucun type de service médical structuré, le Gouvernement a, en 2004, rédigé une proposition tendant à subventionner des dispensaires ambulants en mesure d’assurer des services d’obstétrique courante et d’urgence dans les villages.

Alors qu’il ne dispose que de peu de fonds pour la formation des agents de santé, le Gouvernement n’en a pas moins réussi à engager et à former 200 de ces agents chaque année, les universités se chargeant de former les médecins. L’hémorragie de médecins demeure, toutefois, préoccupante.

M me Nébie-Traoré (Burkina Faso) dit qu’en plus du fonds de soutien aux activités rémunérées des femmes dont il est fait état dans le rapport, il en existe un certain nombre d’autres auxquels les femmes peuvent s’adresser, dont un pour les activités génératrices de revenus et un autre pour la création de microentreprises et qui aide les femmes des villages à réaliser des microprojets et à trouver des marchés pour leur production. Le Gouvernement a rencontré une résistance culturelle considérable à la création d’un organisme de financement de l’agriculture mis en place spécialement pour aider les femmes à accéder à la terre et il songe à revoir sa stratégie de réforme agraire.

Les femmes ont l’occasion de participer à la prise des décisions dans l’Office régional d’agriculture décentralisé, où elles sont représentées à l’assemblée générale et au comité de direction ainsi que dans les comités villageois de gestion des terres et de l’eau dont il a été question au cours de la dernière séance.

M me Iboudo-Sawadogo (Burkina Faso) dit que bien que la Constitution garantisse, en son article 18, le droit à l’instruction comme droit social et que l’instruction soit obligatoire, il n’existe pas de disposition législative prescrivant de punir d’une amende les parents qui n’envoient pas leurs enfants à l’école et c’est là une lacune à laquelle il va falloir remédier. L’instruction est gratuite pour tous, mais non le transport, les livres et autre matériel scolaire. Le Gouvernement fait de son mieux pour réduire ces coûts et pour sensibiliser le public au fait qu’il est important de faire instruire les filles aussi bien que les garçons.

Afin de combattre l’insidieuse discrimination qui, bien qu’illégale, s’exerce à l’égard des femmes dans le domaine de l’emploi, le Gouvernement a, en 2004, revu le Code du travail, dans lequel on trouve maintenant une définition de la discrimination dans l’emploi et les divers motifs de discrimination, de même qu’une définition du harcèlement sexuel sur le lieu de travail. Une autre disposition du Code du travail prescrit bien d’assurer des conditions d’emploi appropriées aux personnes atteintes d’invalidité, mais elle demeure inappliquée par manque d’infrastructure. Les conflits du travail sont d’abord soumis à la médiation d’un inspecteur du travail, après quoi on peut, sans qu’il en coûte rien, en saisir les tribunaux du travail et ainsi de suite jusqu’à la cour d’appel. Les femmes disposent donc de tous les recours nécessaires.

M me Sidibé-Traoré (Burkina Faso) dit qu’afin de réduire le déséquilibre entre hommes et femmes dans les domaines scientifique et technique, on a, entre 2001 et 2004, organisé à l’intention des inspecteurs et du personnel enseignant dont relèvent ces matières une vingtaine de stages par an sur les questions que soulève la problématique des sexes. Certains des collèges techniques n’accueillent que des filles. Depuis 2001, dans l’ensemble des 13 départements du pays, les 35 meilleures élèves filles de chaque classe du niveau primaire suivent des cours supplémentaires d’initiation aux mathématiques et aux sciences en vue de banaliser ces matières à leurs yeux et de les préparer à leur entrée ultérieure dans un collège technique. Le but visé est de faire en sorte qu’il y ait 60 % de filles contre 40 % de garçons à se présenter à l’examen d’entrée dans les collèges techniques. Il arrive souvent que les parents s’y opposent, préférant diriger les filles vers des domaines plus traditionnels, de sorte que les campagnes d’information font partie intégrante de la stratégie du Gouvernement par l’intermédiaire du centre d’information et d’orientation scolaire et professionnelle. Les filles se voient attribuer des bourses spéciales d’études dans les domaines technique et scientifique et les offres de stage de formation en entreprise s’adressent à elles en priorité.

M me Yé (Burkina Faso) dit que des campagnes de sensibilisation par les médias ont été organisées et des structures mises en place pour faire en sorte que les femmes qui sont vieilles et pauvres gardent leur place dans la société et ne soient pas en butte à des préjugés et à des comportements de superstition.

M me Guigma (Burkina Faso) dit que son pays compte un certain nombre de programmes qui visent à intégrer les femmes âgées dans la société. Elle mentionne à cet égard une association de femmes âgées qui recueillent des articles qui ont été jetés et qui les réparent en vue de les vendre. L’approvisionnement du pays en eau de bonne qualité est assuré à 90 % environ grâce à l’aide au développement. Des femmes participent à des projets qui ont pour but de développer l’accès à l’eau, ce qui allège d’autant la charge qui pèse sur les femmes tout en étant bénéfique à la santé. Le transport en milieu rural, où vivent et travaillent plus de 80 % de la population féminine, figure au nombre des priorités du Gouvernement et une stratégie nationale pour le transport rural a été adoptée en 2003.

Des systèmes sectoriels de soutien ont été mis en place pour aider les femmes qui pratiquent l’élevage et le commerce de bestiaux, la vente de poisson et l’artisanat. Des centres ouverts aux femmes leur assurent une formation en gestion, en entreprenariat et en artisanat. Une stratégie nationale sur le VIH/sida, qui fait intervenir non seulement les services de santé, mais aussi la population et les organismes de développement, a, dans une certaine mesure, fait baisser le taux d’infection. La stratégie nationale pour la santé prévoit la décentralisation des services et la création de collectifs avec participation locale accrue, en particulier des femmes. Le budget de l’éducation nationale privilégie les régions du pays qui affichent les taux d’alphabétisation et de scolarisation les plus faibles, ce dont bénéficient spécialement, par conséquent, les femmes et les enfants de ces régions.

Articles 10 à 14, nouvelles questions

M me Shin fait remarquer que, si la discrimination positive est un type de mesure temporaire spéciale, l’élimination des stéréotypes sexistes et la révision des livres scolaires, que le rapport donne comme exemples de discrimination positive, seraient considérées par le Comité plutôt comme des mesures normales prescrites par la Convention. À propos de la gratuité des fournitures scolaires, elle demande combien de filles en bénéficient et quelle en est, avec celle d’autres mesures, l’efficacité dans la lutte contre les mentalités traditionnellement hostiles à l’envoi des filles à l’école. Elle voudrait aussi en savoir davantage sur les efforts qui sont faits pour obtenir une aide internationale à la réalisation des objectifs de développement du Millénaire, et en particulier de l’objectif no 3 sur l’égalité des sexes et la démarginalisation du sexe féminin.

M me Khan demande qu’on lui explique les raisons de l’augmentation inhabituelle de la mortalité infantile des dernières années, comme le montrent les indicateurs de santé dont il est fait état dans le rapport. Elle demande aussi à cet égard quels plans ont été établis pour réaliser l’objectif de développement du Millénaire correspondant. Elle voudrait en savoir davantage concernant l’existence de services de planification familiale en milieu rural aussi bien qu’en milieu urbain et concernant la mise en œuvre effective des nombreux programmes et projets de santé dont parle le rapport.

M me Gaspard, notant que la fonction publique compte très peu de femmes, demande quelles mesures, telles que campagnes de recrutement ou mesures temporaires spéciales, il a été prévu pour combler cet écart.

M. Ouedraogo (Burkina Faso) dit que les chiffres les plus récents sur la mortalité infantile, qui n’ont pas pu être obtenus à temps pour trouver place dans le rapport, indiquent que le taux a baissé. Les divers programmes et projets de santé cités dans le rapport ont tous été réalisés dans les 55 districts sanitaires du pays. Les districts reçoivent directives et crédits du ministère de la santé et lui font chaque année rapport sur les progrès accomplis.

M me Bagré (Burkina Faso) dit que l’élimination des stéréotypes des livres scolaires doit être vue comme une mesure positive qui vise à changer progressivement les comportements sexistes. Tous les enfants bénéficient de la gratuité des fournitures scolaires. Dans les provinces jugées prioritaires pour l’éducation, les filles en particulier se voient attribuer en outre au moins un livre.

M me Guigma (Burkina Faso) dit que le Gouvernement cherche à encourager les femmes à entrer dans la fonction publique en leur réservant un quart des postes. L’emploi change au Burkina Faso avec les progrès de la privatisation. Les emplois permanents se font de plus en plus rares et la formule des contrats prend de plus en plus d’importance, surtout dans le secteur des entreprises.

Articles 15 et 16

M me Bokpe-Gnacadja note que le vieux Code Napoléon, qui est commun dans les pays d’Afrique de l’ouest, et en particulier les dispositions relatives aux personnes et à la famille, ne semble pas avoir été abrogé au Burkina Faso en dépit de la récente réforme du droit et de l’adoption d’un nouveau Code de la famille. Elle dit que le vieux Code contient des dispositions discriminatoires à l’égard des femmes qui doivent être formellement déclarées nulles afin d’éviter les conflits de systèmes. Elle demande ce qu’il en est de l’application des dispositions portant interdiction du paiement de dots et concernant le traitement des veuves et des biens de la famille quand un mari meurt. La polygamie est en soi discriminatoire à l’égard des femmes et entraîne de nombreux problèmes relatifs, par exemple, à la répartition des biens et à la garde et à l’entretien des enfants, tant pendant qu’après le mariage. Un tel système n’aurait rien de discriminatoire si les femmes pouvaient, de leur cote, avoir plusieurs époux. Faisant remarquer que le Burkina Faso a ratifié la Convention sans réserves, mme Bokpe-Gnacadja dit que le Gouvernement devrait envisager de renforcer son appareil législatif en vue d’assurer la pleine égalité des hommes et des femmes.

M me Tan rappelle que le Comité a, dans les observations finales qu’il a formulées à propos de précédents rapports, engagé le Burkina Faso à abolir la polygamie et à revoir son Code de la famille. Elle demande ce qu’il existe de dispositions législatives visant à protéger les femmes contre la violence, quelles peines sont prévues et ce qui est fait pour la protection des témoins. Le personnel judiciaire et celui de la police ont besoin d’une formation pour pouvoir traiter ce genre de problèmes. Mme Tan recommande d’intégrer les dispositions de l’article 16 au nouveau Code de la famille et elle demande ce qui est fait pour assurer l’application des lois sur les mariages forcés et les mariages précoces, sur la pratique du lévirat et sur la répartition des héritages et des enfants après la mort d’un mari.

M me Simms note qu’on n’a guère, dans de nombreux pays, de considération pour les femmes sans enfants et elle demande ce qui est fait au Burkina Faso pour protéger ces femmes. Sans cette protection, les femmes qui choisissent de faire carrière dans telle ou telle profession et qui, de ce fait, ne sont pas pressées d’avoir des enfants, si tant est même qu’elles en aient, se trouvent en butte à des comportements ou pratiques discriminatoires. Qu’en est-il aussi de la protection d’autres femmes minoritaires, comme les lesbiennes?

M me Ilboudo (Burkina Faso) dit que dès l’entrée en vigueur du Code de la personne et de la famille, toutes les dispositions contraires du Code civil français ont été abolies. Le nouveau Code régit l’ensemble des relations de commerce et de droit civil. Il permet les cadeaux de mariage, mais quand l’exigence du paiement d’une dot fait obstacle à la conclusion d’un mariage, les parties concernées peuvent invoquer le Code pénal. La polygamie est une pratique indiscutablement discriminatoire que le Burkina Faso s’emploie à déclarer illégale. Il a été un des premiers pays d’Afrique de l’ouest à instituer la monogamie comme forme préférée de mariage légal, mais lors du débat national sur le Code de la personne et de la famille, les gens des zones rurales se sont déclarés franchement hostiles à l’idée d’abolir la polygamie. Le Gouvernement a décidé alors d’engager des négociations et il a pris des mesures pour protéger les personnes impliquées dans des mariages polygames. On ne peut s’engager dans un tel mariage que par l’effet d’un choix clairement exprimé : une femme peut toujours le refuser. Une fois ce type de mariage conclu, elle peut s’opposer à ce que son mari prenne une autre femme si elle peut prouver qu’elle et ses enfants en souffriraient. Si elle et ses enfants sont abandonnés, elle peut engager une action en justice pour forcer celui qui les abandonne à prendre soin d’eux et à pourvoir à l’entretien des enfants. Le Code dit que chaque femme crée un ménage avec son mari. En dépit du fait que le Burkina Faso s’est beaucoup battu pour l’éradication complète de la polygamie, le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux doits des femmes en Afrique, tout en encourageant la monogamie comme étant la forme de mariage préférée, n’en affirme pas moins que les droits des femmes impliquées dans des unions polygames sont également soutenus et protégés. La polygamie est de ce fait devenue un problème plus complexe pour le Burkina Faso. Tout en tolérant la polygamie, le pays continue à chercher à instituer la monogamie comme forme de mariage préférée.

En ce qui concerne la pratique du lévirat, des mesures ont été prises qui interdisent d’obliger une veuve à vivre avec un parent de son défunt mari et des peines sont prévues s’il y a coercition. Quant aux droits de succession, il y a égalité de partage entre les enfants; en cas de monogamie, la veuve a droit au quart des biens de son défunt mari alors qu’en cas de polygamie toutes les veuves du défunt se partagent ce quart. Aux termes du Code de la personne et de la famille, la preuve du mariage est l’acte légal du mariage, contracté avec le plein et libre consentement des deux parties. Certaines veuves, toutefois, n’arrivent pas à fournir cette preuve; c’est pourquoi le Gouvernement examine la possibilité de réformer le droit relatif aux unions libres en vue de légaliser les droits de succession de ces veuves.

M me Guigma (Burkina Faso) dit n’être pas au courant de l’existence de lesbiennes dans le pays, mais elle va vérifier.

M me Šimonović note que le rapport dit que le droit de décider du nombre d’enfants et de l’espacement des naissances doit normalement s’exercer avec le consentement du mari, conformément au Code de la personne et de la famille. Pourquoi exiger le consentement du mari quand il est dit à l’alinéa e) de l’article 16 de la Convention que le mari et la femme ont mêmes droits à cet égard?

M me Morvai avoue avoir du mal à comprendre, en tant qu’Européenne, qu’une femme choisisse librement de vivre dans un mariage polygame ou avec un parent de son défunt mari. Pourrait-on éclairer sa lanterne à cet l’égard de cette mentalité et est-il jamais arrivé qu’un veuf, dans une relation polygame, choisisse de vivre avec un parent de l’épouse qu’il vient de perdre?

M me Pimentel demande si la difficulté qu’il y a à éradiquer la polygamie et le lévirat s’explique aussi par des facteurs socioéconomiques et quelles stratégies et quels arguments sont employés dans la lutte contre de telles pratiques.

M me Saiga demande à qui vont les trois autres quarts des biens du défunt mari si sa veuve en reçoit un quart.

M me Coker-Appiah, notant qu’il est dit dans le rapport qu’en cas de divorce, l’un ou l’autre des époux peut, dans certaines circonstances, réclamer une pension alimentaire pour subvenir à ses propres besoins, demande si cela vaut aussi bien pour les mariages monogames que polygames.

M me Guigma (Burkina Faso) dit qu’il y a cinq ans, le Comité a exprimé l’espoir que le présent rapport dirait que la polygamie a été éradiquée. Malheureusement, tel n’est pas le cas, et le rapport n’a pas cherché à le cacher. Le Burkina Faso a argumenté avec vigueur dans ce sens lors des délibérations qui ont conduit à l’adoption du Protocole à la Charte africaine, mais en vain. Néanmoins, étant donné que la polygamie demeure une réalité dans la région, et en l’occurrence au Burkina Faso, il a fallu légiférer en faveur de celles qui en font partie tout en organisant des campagnes pour faire savoir aux femmes et aux filles que la forme de mariage préférée est la monogamie. La délégation burkinabé espère que, dans cinq ans, le Burkina Faso sera en mesure de faire état de l’éradication définitive de la polygamie.

M me Ilboudo (Burkina Faso) dit qu’aux termes du Code de la personne et de la famille, les époux assument conjointement la responsabilité morale et matérielle de leur mariage; le Code promeut l’idée d’une famille fondée sur le consentement, la fidélité, le respect et le soutien mutuels, de sorte que le nombre d’enfants et l’espacement des naissances sont affaire de choix librement exercé par les deux partenaires. Si tel n’est pas le cas, on peut toujours se séparer ou divorcer.

Il n’y a pas d’explication unique de la polygamie et du lévirat. Il y entre parfois des considérations religieuses et parfois des considérations sociales : certaines femmes se considèrent, dans un mariage polygame, comme vivant dans une famille plus large et elles acceptent, de ce fait, le lévirat. Il y a aussi, bien sûr, des considérations économiques en ceci que, quand une femme est pauvre, elle cherche souvent à sortir de la pauvreté par le mariage, car, dans les pays pauvres d’Afrique, les ressources sont généralement aux mains des hommes. L’amélioration de la situation économique des femmes les aiderait à faire un choix plus éclairé à cet égard.

En ce qui concerne la question d’héritage, les trois autres quarts des biens du défunt vont aux enfants. S’il n’y a pas d’enfants, la veuve en reçoit une plus grande partie. S’il s’agit d’un mariage polygame, une divorcée a droit à une pension alimentaire de son ex-mari pour une période minimale de trois ans ou jusqu’à ce qu’elle se remarie.

La Présidente dit, après avoir remercié la délégation burkinabé pour le dialogue franc et constructif qu’elle a eu avec le Comité, que la polygamie est, dans un grand nombre de pays, un problème qu’il ne faut pas perdre de vue. Elle encourage le Burkina Faso à continuer à ne pas ménager ses efforts en vue de l’éradiquer et elle dit avoir bon espoir que le temps n’est plus loin où sa législation et la Convention seront en harmonie l’une avec l’autre.

La séance est levée à 17 h 40.