Nations Unies

CERD/C/SUR/CO/16-18

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

21 septembre 2022

Français

Original : anglais

Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Observations finales concernant le rapport du Suriname valant seizième à dix-huitième rapports périodiques *

1.Le Comité a examiné le rapport du Suriname valant seizième à dix-huitième rapports périodiques, à ses 2909e et 2911e séances, les 18 et 19 août 2022. À sa 2921e séance, le 26 août 2022, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport de l’État partie valant seizième à dix‑huitième rapports périodiques. Il se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation de l’État partie, et la remercie pour les informations qu’elle lui a fournies durant l’examen du rapport et pour les renseignements complémentaires qu’elle lui a communiqués après le dialogue.

B.Aspects positifs

3.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme suivants, ou y a adhéré :

a)La Convention relative aux droits des personnes handicapées, le 29 mars 2017 ;

b)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, le 16 novembre 2021 ;

c)La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le 16 novembre 2021.

4.Le Comité salue l’adoption par l’État partie des mesures législatives et institutionnelles ci-après :

a)La mise en place de la Cour constitutionnelle, en août 2019 ;

b)L’adhésion à la Convention de Minamata sur le mercure, en août 2018, visant à protéger les populations à risque, y compris les peuples autochtones et autres populations vulnérables, des effets négatifs résultant de la pollution par le mercure ;

c)L’adoption de la loi sur la protection des zones de résidence et de vie des autochtones et autres tribus surinamaises, le 22 décembre 2017, qui empêche le Gouvernement d’accorder toute concession (licence) dans ou aux alentours des communautés tribales.

C.Préoccupations et recommandations

Participation de la société civile

5.Le Comité regrette l’absence d’informations détaillées sur les consultations avec les organisations de la société civile, en particulier celles qui représentent les peuples autochtones et tribaux, et sur leur participation à l’élaboration du rapport de l’État partie et à l’examen de ce dernier.

6. Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour associer les organisations de la société civile qui œuvrent dans le domaine de la protection des droits de l’homme, en particulier celles qui luttent contre la discrimination raciale, y compris les organisations représentant les peuples autochtones et tribaux, au suivi des observations finales et à l’élaboration et l’examen de son prochain rapport périodique, et de les consulter également dans ce cadre.

Statistiques

7.Le Comité prend note des données sur les groupes ethniques dans l’État partie, recueillies durant le recensement de 2012. Il note également que le recensement de la population et du logement au Suriname a été retardé parce que le Bureau général des statistiques ne disposait pas de ressources financières et humaines suffisantes, et que le recensement sera effectué en 2024. Toutefois, le Comité est préoccupé par l’absence de statistiques complètes et actualisées sur la composition démographique de la population, ventilées par origine ethnique et nationale, notamment sur les peuples autochtones et tribaux, les personnes d’ascendance africaine, les migrants, les demandeurs d’asile, les réfugiés et les apatrides, ainsi que sur les indicateurs économiques et sociaux des différents groupes de population et groupes ethniques (art. 1er, 2 et 5).

8.Rappelant les paragraphes 10 à 12 de ses directives pour l’établissement des rapports au titre de la Convention , le Comité recommande à l’État partie de recueillir et de lui fournir dans son prochain rapport des données statistiques fiables, actualisées et complètes sur la structure démographique de la population, sur la base du principe de l’ auto-identification , notamment sur les groupes ethniques, autochtones et tribaux, et les non-ressortissants, y compris les réfugiés, les demandeurs d’asile et les apatrides, ainsi que des indicateurs socioéconomiques, ventilés par appartenance ethnique, genre et âge. Le Comité recommande à l’État partie de doter le Bureau général des statistiques de ressources financières, techniques et humaines suffisantes pour effectuer le recensement de la population et du logement en 2024, et de poursuivre ses efforts pour adopter, avec la participation active des peuples autochtones et tribaux, des personnes d’ascendance africaine, des groupes ethniques et des organisations de la société civile du Suriname, une méthodologie appropriée pour le recensement de la population et du logement de 2024, notamment en ce qui concerne l’ auto-identification . Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur sa recommandation générale n o 4 (1973) concernant les rapports des États parties (art. 1 er de la Convention), s’agissant de la structure démographique de la population.

Interdiction de la discrimination raciale

9.Le Comité prend note des informations fournies par la délégation au cours du dialogue sur l’intention de l’État partie d’élaborer et d’adopter une loi complète contre la discrimination et sur le cadre législatif visant à interdire la discrimination raciale, en particulier l’article 8 (par. 2) de la Constitution et les articles 126 bis et 175 bis du Code pénal. Le Comité constate toutefois avec préoccupation que le cadre législatif national ne contient pas de définition de la discrimination raciale englobant expressément tous les motifs visés à l’article premier de la Convention et n’interdit pas expressément la discrimination raciale directe et indirecte dans les sphères publique et privée (art. 1er et 2).

10. Rappelant la recommandation pertinente formulée dans ses précédentes observations finales , le Comité recommande à l’État partie de donner la priorité à l’élaboration et à l’adoption d’une loi complète contre la discrimination, dans un délai précis et avec la participation et la consultation effectives et réelles des organisations de la société civile et des membres des peuples autochtones et tribaux, et de veiller à ce que cette loi contienne une définition de la discrimination raciale conforme à l’article premier de la Convention et interdise expressément la discrimination raciale directe et indirecte dans les sphères publique et privée.

Discrimination structurelle

11.Le Comité reste préoccupé par la situation des peuples autochtones et tribaux, des migrants, des réfugiés et des demandeurs d’asile, qui continue de se heurter à la discrimination dans l’accès et la jouissance de leurs droits humains. Le Comité est en outre préoccupé par le manque d’informations sur les mesures spéciales que l’État partie a prises pour remédier à la discrimination structurelle à laquelle ces groupes font face (art. 2 et 5).

12. Rappelant la recommandation pertinente figurant dans ses précédentes observations finales et sa recommandation générale n o 32 (2009) sur le sens et la portée des mesures spéciales dans la Convention, le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures spéciales nécessaires pour remédier à la discrimination structurelle dont souffrent actuellement les peuples autochtones et tribaux, ainsi que les réfugiés, les demandeurs d’asile et les migrants, dans l’exercice de leurs droits, conformément à l’article premier (par. 4) et à l’article 2 (par. 2) de la Convention.

Institution nationale des droits de l’homme

13.Le Comité prend note des informations sur les mesures prises, notamment l’élaboration d’une loi et la tenue de consultations en vue de créer une institution nationale des droits de l’homme conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris), mais il constate avec préoccupation qu’une telle institution n’a pas encore été créée (art. 2).

14. Rappelant la recommandation sur ce point formulée dans ses précédentes observations finales et sa recommandation générale n o 17 (1993) concernant la création d’institutions nationales pour faciliter la mise en œuvre de la Convention, le Comité recommande à l’État partie d’accélérer l’adoption du projet de loi sur une institution nationale indépendante pour la promotion et la protection des droits de l’homme, ayant pour mandat de lutter contre la discrimination raciale, et de doter l’institution de ressources suffisantes pour lui permettre de s’acquitter pleinement de son mandat, en pleine conformité avec les Principes de Paris. Le Comité lui recommande également de de veiller à ce que les organisations de la société civile soient consultées de manière active et constructive dans le cadre de ce processus.

Crimes et discours de haine

15.Le Comité prend note de l’information selon laquelle l’article 175 bis du Code pénal interdit aux organisations de promouvoir et d’encourager la discrimination raciale, et que le même article incrimine l’incitation à la haine, à la discrimination ou à la violence pour des raisons de race, de religion et de convictions. Le Comité reste préoccupé par le fait que le cadre législatif national ne comprend pas de dispositions qui incriminent expressément la diffusion d’idées fondées sur la supériorité raciale, la fourniture d’un appui à des activités racistes, les activités de propagande promouvant et encourageant la discrimination raciale, la participation à des organisations ou à des activités promouvant et encourageant la discrimination raciale et l’incitation à la haine raciale, quel que soit le moyen de diffusion et que les actes soient commis en privé ou en public, conformément à l’article 4 de la Convention et pour tous les motifs visés à l’article premier de la Convention. Le Comité est également préoccupé par l’augmentation du nombre de crimes de haine et du nombre de discours de haine sur Internet et dans les médias sociaux, malgré les mesures que l’État partie a prises pour prévenir et surveiller pareils actes (art. 1er et 4).

16. Rappelant ses recommandations générales n o 7 (1985) sur l’application de l’article 4 de la Convention, n o 15 (1993) sur l’article 4 de la Convention et n o 35 (2013) sur la lutte contre les discours de haine raciale, le Comité recommande à l’État partie de revoir et de modifier son cadre législatif, en particulier le Code pénal, afin d’ériger expressément en infraction les discours de haine raciste et les crimes de haine, conformément à l’article 4 de la Convention, et de veiller à ce que ce cadre englobe tous les motifs de discrimination visés à l’article premier de la Convention. Le Comité recommande également à l’État partie de redoubler d’efforts pour surveiller et combattre la diffusion des discours de haine raciste, notamment sur Internet et dans les médias sociaux, et de dispenser une formation à la police, aux procureurs et aux juges sur les méthodes appropriées pour repérer et enregistrer les crimes et les discours de haine à caractère raciste, enquêter à leur sujet et poursuivre leurs auteurs.

Plaintes pour discrimination raciale

17.Le Comité regrette l’absence de données sur les plaintes déposées pour discrimination raciale, crimes et discours de haine, ainsi que sur les enquêtes menées, poursuites engagées, déclarations de culpabilités prononcées et sanctions imposées par les tribunaux nationaux. Le Comité regrette également l’absence d’informations sur l’existence et l’accessibilité d’un mécanisme judiciaire permettant de traiter les cas de discrimination raciale et sur l’aide juridictionnelle à la disposition des victimes de discrimination raciale, en particulier des peuples autochtones et tribaux (art. 4 et 6).

18. Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur sa recommandation générale n o 31 (2005) concernant la prévention de la discrimination raciale dans l’administration et le fonctionnement du système de justice pénale et rappelle que l’absence de plaintes et d’actions en justice visant des actes de discrimination raciale peut révéler une inadéquation de la législation, une méconnaissance des voies de recours disponibles, une méfiance à l’égard du système judiciaire, la crainte de représailles ou un manque de volonté de la part des autorités de poursuivre les auteurs de tels actes. Il recommande à l’État partie :

a) D’adopter des mesures visant à faciliter le dépôt de plaintes pour discrimination raciale, crimes et discours de haine, et de garantir l’accessibilité et la disponibilité de ces mesures pour les victimes ;

b) De mener des campagnes d’éducation sur les droits que consacre la Convention et sur les modalités du dépôt de plainte pour discrimination raciale, crimes et discours de haine ;

c) D’organiser, à l’intention des policiers, des procureurs et des autres responsables de l’application des lois, des programmes de formation sur la détection et l’enregistrement des actes de discrimination raciale, des crimes et des discours de haine ;

d) De recueillir des statistiques sur les plaintes déposées pour discrimination raciale, crimes et discours de haine, sur les enquêtes menées et les poursuites engagées, les déclarations de culpabilité prononcées et les sanctions imposées, et d’inclure ces données dans son prochain rapport.

Cadre législatif relatif aux peuples autochtones et tribaux

19.Le Comité prend note des informations fournies par la délégation durant le dialogue, selon lesquelles le projet de loi relatif aux droits collectifs des peuples autochtones et tribaux a fait l’objet de consultations publiques et se trouve devant le Parlement. Néanmoins, le Comité est préoccupé par le long retard pris dans la finalisation et l’adoption d’un cadre législatif relatif aux droits des peuples autochtones et tribaux. Il regrette le manque d’informations sur les mesures prises pour s’assurer qu’il est réellement tenu des opinions exprimées lors des consultations avec les peuples autochtones et tribaux dans le cadre de l’élaboration de la loi (art. 5).

20. Rappelant sa recommandation générale n o 23 (1997) concernant les droits des peuples autochtones, le Comité recommande à l’État partie d’accélérer l’adoption, dans un délai précis, du projet de loi relatif aux droits collectifs des peuples autochtones et tribaux, avec la participation active et constructive des peuples autochtones et tribaux et des organisations de la société civile concernées.

Accès à la justice

21.Le Comité demeure préoccupé par l’absence d’informations sur les mesures que l’État partie a prises pour remédier à la persistance de décisions discriminatoires dans le système judiciaire et aux obstacles auxquels se heurtent les peuples autochtones et tribaux pour accéder aux tribunaux nationaux par l’intermédiaire de leurs structures institutionnelles, et donc pour accéder à la justice et à d’autres voies de recours en vue de remédier à toutes les atteintes à leurs droits individuels et collectifs, en particulier en ce qui concerne l’exercice de leurs droits à la terre, aux ressources et à la propriété. Le Comité prend note des informations fournies par la délégation sur les mesures prises pour créer des bureaux d’aide juridictionnelle dans l’État partie, mais il s’inquiète du fait que ces bureaux n’ont pas encore été mis en place dans les régions reculées du pays, ce qui entrave l’accès des peuples autochtones et tribaux aux recours (art. 6).

22. Rappelant la recommandation sur ce point formulée dans ses précédentes observations finales et sa recommandation générale n o 31 (2005) concernant la prévention de la discrimination raciale dans l’administration et le fonctionnement du système de justice pénale, le Comité recommande à l’État partie d’adopter des mesures, notamment législatives, pour faire en sorte que les peuples autochtones puissent bénéficier de voies de recours efficaces pour toute violation de leurs droits individuels et collectifs, notamment en ce qui concerne l’exercice de leurs droits à la terre, aux ressources et à la propriété, en facilitant leur accès aux tribunaux nationaux par l’intermédiaire de leurs structures institutionnelles ; et à reconnaître la personnalité juridique collective des peuples autochtones et tribaux. Il recommande également à l’État partie d’accélérer la mise en place de bureaux d’aide juridictionnelle dans tous les districts des régions reculées du pays afin de faciliter l’égalité d’accès à la justice pour les victimes de discrimination raciale, y compris les peuples autochtones et tribaux.

Terres, territoires et ressources naturelles

23.Le Comité prend note des informations relatives à l’adoption de la loi sur la protection des zones de résidence et de vie des groupes autochtones et autres groupes tribaux surinamais le 22 décembre 2017 et de la création par le Ministre du développement régional de trois commissions techniques sur les ressources naturelles et la propriété foncière des peuples autochtones et tribaux. Le Comité est toutefois préoccupé par :

a)L’absence de mesures visant à remédier à la discrimination généralisée qui continue d’empêcher les peuples autochtones et tribaux d’exercer leurs droits de propriété conformément à leurs traditions, coutumes et régimes fonciers ;

b)Les retards pris pour ce qui est d’élaborer et de finaliser un cadre législatif relatif au consentement préalable, libre et éclairé concernant les projets de développement sur des terres autochtones et de faire en sorte qu’un tel consentement est obtenu avant qu’il ne soit procédé à l’expropriation des terres, et l’absence de recours disponibles, notamment d’indemnisation ;

c)L’absence de mesures visant à remédier à la discrimination dont sont victimes les peuples autochtones et tribaux et qui les empêche d’exercer pleinement leurs droits économiques et culturels dans les réserves naturelles établies sur leurs terres ancestrales (art. 5).

24. Rappelant la recommandation sur ce point formulée dans ses précédentes observations finales , la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et sa recommandation générale n o 23 (1997) concernant les droits des populations autochtones, le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre des mesures pour développer et reconnaître les droits collectifs des peuples autochtones et tribaux de posséder, mettre en valeur, contrôler et utiliser leurs terres, leurs ressources et leurs territoires communaux conformément au droit coutumier et aux régimes fonciers traditionnels, ainsi que de participer à l’exploitation, à la gestion et à la préservation des ressources naturelles qui y sont associées, par l’intermédiaire de leurs institutions, conformément à leurs propres traditions ;

b) D’adopter des mesures pour garantir la consultation des peuples autochtones au sujet de tout projet ou toute mesure législative ou administrative susceptible d’affecter leurs terres, territoires et ressources en vue d’obtenir leur consentement préalable, libre et éclairé ;

c) De prendre des mesures pour garantir l’accès des peuples autochtones à des recours effectifs et leur accorder une indemnisation juste et équitable pour les terres, territoires et ressources qu’ils possédaient ou utilisaient traditionnellement et qui ont été confisqués, occupés ou utilisés sans leur consentement préalable, libre et éclairé ou qui ont été endommagés ;

d) D’adopter des mesures pour que les parcs nationaux établis sur des territoires ancestraux des peuples autochtones et tribaux permettent un développement économique et social durable compatible avec les caractéristiques culturelles et les conditions de vie de ces peuples.

Pollution environnementale et effets sur la santé

25.Le Comité constate que l’État partie a ratifié la Convention de Minamata sur le mercure en 2018. Il prend note de l’existence d’une législation nationale sur l’interdiction de l’importation et de l’utilisation du mercure dans l’État partie. Néanmoins, il est préoccupé par les rapports faisant état d’une pollution permanente − mercure et autres produits toxiques − sur les terres et dans les rivières, résultant de l’exploitation de l’or, de la déforestation légale et illégale, de la construction de routes et de pistes d’atterrissage illégales dans l’intérieur du pays, ce qui a eu des effets préjudiciables sur l’environnement et sur les moyens de subsistance et la santé des peuples autochtones et tribaux. Il est également préoccupé par le fait que les sanctions pour l’utilisation et l’importation de mercure sont basées sur des amendes et ne sont pas enregistrées par les autorités compétentes (art. 5).

26. Rappelant la recommandation sur ce point formulée dans ses précédentes observations finales , le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour mettre en œuvre l’interdiction de l’importation et de l’utilisation du mercure dans le pays, de revoir et de modifier son cadre législatif afin d’instaurer des sanctions adéquates pour l’utilisation du mercure et de fournir des statistiques sur les plaintes reçues, les affaires ayant fait l’objet d’une enquête et de poursuites et les sanctions imposées pour de tels actes. Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures pour qu’aucune quantité de mercure ne soit utilisée ou dispersée sur les territoires occupés par des peuples autochtones et tribaux, que les zones contaminées soient dépolluées et que les peuples autochtones et tribaux touchés aient accès à l’eau potable, aux soins de santé, à des voies de recours efficaces et à une indemnisation adéquate pour les territoires contaminés par le mercure.

Arrêts de la Cour interaméricaine des droits de l’homme

27.Le Comité constate avec préoccupation que l’État partie n’applique pas pleinement les arrêts de la Cour interaméricaine des droits de l’homme, en particulier ceux qui concernent les droits des peuples autochtones et tribaux, notamment dans les affaires Communauté Moiwana c. Suriname (2005), Peuple Saramaka c. Suriname (2007) et Peuples Kaliña et Lokono c. Suriname (2015) (art. 2, 5 et 6).

28. Le Comité rappelle ses précédentes recommandations et exhorte l’État partie à veiller à la pleine application des arrêts de la Cour interaméricaine des droits de l’homme concernant les droits des peuples autochtones et tribaux.

Situation des peuples autochtones et tribaux dans les domaines de la santé et de l’éducation

29.Le Comité est préoccupé par les informations concernant l’accès limité des personnes vivant dans des zones reculées, dont la plupart appartiennent à des peuples autochtones et tribaux, à des services publics, une éducation et des soins de santé adéquats, et en particulier par les informations suivantes :

a)Le manque d’informations détaillées sur l’accès des enfants autochtones et tribaux à l’éducation, notamment en ce qui concerne le taux de fréquentation et l’abandon scolaire ;

b)L’absence d’informations sur la mise en œuvre de programmes visant à adapter le système éducatif à la culture des peuples autochtones et tribaux, notamment en ce qui concerne la préservation et l’étude de leurs langues et cultures ;

c)Les obstacles à l’accès aux services de santé, dus à l’insuffisance et à l’inadéquation des infrastructures, ainsi que l’accès limité des femmes appartenant à des peuples autochtones et tribaux aux services de santé sexuelle et procréative (art. 5).

30. Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures suivantes :

a) Garantir à tous les peuples autochtones et tribaux l’accès, dans des conditions d’égalité, à des services d’éducation et de soins de santé, notamment en renforçant les infrastructures des établissements en place et en augmentant le nombre d’écoles et de centres de soins de santé dans les régions reculées ;

b) Adapter le système éducatif aux cultures des peuples autochtones et tribaux et, ce faisant, tenir compte de la nécessité de préserver leurs langues et leurs cultures, et envisager d’instaurer, selon qu’il conviendra, l’étude de leurs langues ;

c) Améliorer la disponibilité et l’accessibilité des services de santé sexuelle et procréative pour les femmes appartenant à des peuples autochtones et tribaux, en les faisant participer à la conception de ces services.

Migrants, demandeurs d’asile et réfugiés

31.Le Comité constate avec préoccupation que les migrants, les demandeurs d’asile et les réfugiés sont victimes de préjugés, de stéréotypes et d’actes discriminatoires et qu’ils rencontrent de grandes difficultés pour accéder à l’emploi et à des services de base, notamment dans les domaines de la santé et de l’éducation, en raison, entre autres, de l’absence de documents d’identité (art. 5).

32. Compte tenu de sa recommandation générale n o 30 (2004) concernant la discrimination à l’égard des non-ressortissants, le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour assurer la protection des non-ressortissants. Le Comité exhorte en particulier l’État partie à :

a) Concevoir et mettre en œuvre des mesures visant à renforcer la pleine participation et l’intégration des migrants, des demandeurs d’asile et des réfugiés dans la société ;

b) Mener des campagnes de sensibilisation, d’information et d’éducation visant à combattre les stéréotypes négatifs concernant les migrants et éviter d’utiliser des représentations négatives des migrants dans la politique générale relative aux migrations ;

c) Éliminer les obstacles qui, dans la pratique, empêchent l’accès aux services de santé, d’éducation et d’emploi, notamment par la délivrance de documents d’identité dans les meilleurs délais ;

d) Adopter, de toute urgence, des mesures pour répondre rapidement aux demandes de séjour présentées par les migrants qui n’ont aucun document d’identité officiel, et s’assurer que les migrants ont accès aux informations nécessaires concernant les procédures de régularisation de leur statut.

Apatrides

33.Le Comité s’inquiète de l’absence de procédures de détermination de l’apatridie dans l’État partie. Il est également préoccupé par le fait que les peuples autochtones et tribaux, ainsi que les travailleurs migrants qui vivent dans des régions reculées du pays, ont un accès limité à l’enregistrement officiel des naissances (art. 5).

34. Le Comité recommande à l’État partie d’adopter et de mettre en œuvre des procédures de détermination de l’apatridie et d’adopter des mesures visant à garantir que toutes les personnes nées dans l’État partie soient enregistrées et reçoivent un certificat de naissance officiel. Il lui recommande également de sensibiliser les personnes vivant à l’intérieur de l’État, ainsi que les bureaux d’état civil locaux et les autres institutions compétentes, à l’importance d’enregistrer la naissance de tous les enfants, y compris les enfants nés de travailleurs migrants en situation régulière ou irrégulière, à la faveur de programmes et de campagnes.

Lutte contre la traite des personnes

35.Le Comité prend note de la mise en œuvre du plan national de lutte contre la traite des personnes et de l’action menée par le groupe de travail interdépartemental compétent pour faciliter la planification, l’exécution, le suivi et l’évaluation des stratégies nationales de lutte contre la traite. Néanmoins, le Comité regrette le manque d’informations détaillées sur la situation de la traite des personnes dans l’État partie, l’absence d’évaluation de l’efficacité du plan national et l’absence de formation des agents des forces de l’ordre, des services d’immigration et des autorités judiciaires sur la manière de s’occuper des situations de traite. Le Comité s’inquiète aussi des informations concernant la détention de victimes de la traite (art. 5).

36. Le Comité exhorte l’État partie à veiller à l’application effective de la législation sur la traite des personnes et à la mise en œuvre du plan national. Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que tous les cas de traite fassent l’objet d’une enquête effective, que les trafiquants soient poursuivis et que des peines adéquates soient imposées aux personnes reconnues coupables. Il lui recommande également d’élaborer une formation poussée sur les méthodes permettant d’identifier et de protéger plus efficacement les victimes de la traite et les personnes ayant besoin d’une protection internationale susceptibles d’en être victimes et de la dispenser aux membres des forces de l’ordre, aux agents des services d’immigration et aux membres de l’appareil judiciaire, y compris dans les régions reculées de l’intérieur du pays. Il recommande en outre à l’État partie de fournir aide et assistance aux victimes de la traite, en tenant compte de leurs besoins particuliers. Il demande à l’État partie d’inclure des renseignements détaillés sur l’ampleur de la traite des personnes dans le pays.

D.Autres recommandations

Ratification d’autres instruments

37. Gardant à l’esprit le caractère indissociable de tous les droits de l’homme, le Comité engage l’État partie à envisager de ratifier les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme qu’il n’a pas encore ratifiés, en particulier ceux dont les dispositions concernent directement les communautés susceptibles d’être victimes de discrimination raciale, notamment la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, la Convention de 2011 sur les travailleuses et travailleurs domestiques ( n o 189) de l’Organisation internationale du Travail, et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. Le Comité engage également l’État partie à ratifier la Convention relative au statut des apatrides, la Convention sur la réduction des cas d’apatridie et la Convention interaméricaine contre le racisme, la discrimination raciale et les formes connexes d’intolérance.

Amendement à l’article 8 de la Convention

38. Le Comité recommande à l’État partie de ratifier l’amendement à l’article 8 (par. 6) de la Convention, adopté le 15 janvier 1992 à la quatorzième Réunion des États parties à la Convention et approuvé par l’Assemblée générale dans sa résolution 47/111.

Déclaration visée à l’article 14 de la Convention

39. Le Comité engage l’État partie à faire la déclaration facultative visée à l’article 14 de la Convention, par laquelle les États parties reconnaissent la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers.

Suite donnée à la Déclaration et au Programme d’action de Durban

40. À la lumière de sa recommandation générale n o 33 (2009) sur le suivi de la Conférence d’examen de Durban, le Comité recommande à l’État partie de donner effet à la Déclaration et au Programme d’action de Durban, adoptés en septembre 2001 par la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, en tenant compte du document final de la Conférence d’examen de Durban, tenue à Genève en avril 2009, quand il applique la Convention. Le Comité demande à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des renseignements précis sur les plans d’action qu’il aura adoptés et les autres mesures qu’il aura prises pour mettre en œuvre la Déclaration et le Programme d’action de Durban au niveau national.

Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine

41. À la lumière de la résolution 68/237 de l’Assemblée générale proclamant la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine pour 2015-2024 et de la résolution 69/16 sur le programme d’activités de la Décennie, le Comité recommande à l’État partie d’élaborer et de mettre en œuvre un programme adapté de mesures et de politiques, en collaboration avec les organisations et les personnes d’ascendance africaine. Le Comité demande à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport des renseignements précis sur les mesures concrètes qu’il aura adoptées dans ce cadre, compte tenu de sa recommandation générale n o 34 (2011) sur la discrimination raciale à l’égard des personnes d’ascendance africaine.

Diffusion de l’information

42. Le Comité recommande à l’État partie de mettre ses rapports à la disposition du public dès leur soumission et de diffuser également les observations finales du Comité qui s’y rapportent auprès de tous les organes de l’État chargés de la mise en œuvre de la Convention, y compris au niveau des districts, dans les langues officielles et les autres langues couramment utilisées, selon qu’il conviendra.

Document de base commun

43. Le Comité engage l’État partie à mettre à jour son document de base commun, qui date du 11 janvier 2022, conformément aux directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, en particulier celles concernant le document de base commun, adoptées à la cinquième réunion intercomités des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme tenue en juin 2006 . À la lumière de la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, le Comité exhorte l’État partie à respecter la limite de 42 400 mots fixée pour ce document.

Suite donnée aux présentes observations finales

44. Conformément à l’article 9 (par. 1) de la Convention et à l’article 65 de son règlement intérieur, le Comité demande à l’État partie de fournir, dans un délai d’un an à compter de l’adoption des présentes observations finales, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant dans les paragraphes 20 (cadre législatif relatif aux peuples autochtones et tribaux), 26 (pollution environnementale et effets sur la santé) et 34 (apatrides).

Paragraphes d’importance particulière

45. Le Comité souhaite appeler l’attention de l’État partie sur l’importance particulière des recommandations figurant dans les paragraphes 14 (institution nationale des droits de l’homme), 22 (accès à la justice) et 24 (terres, territoires et ressources naturelles) et lui demande de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur les mesures concrètes qu’il aura prises pour y donner suite.

Élaboration du prochain rapport périodique

46. Le Comité recommande à l’État partie de soumettre son rapport valant dix ‑ neuvième et vingtième rapports périodiques, d’ici au 14 avril 2026, en tenant compte des directives pour l’établissement du document se rapportant spécifiquement à la Convention adoptées par le Comité à sa soixante et onzième session et en traitant de tous les points soulevés dans les présentes observations finales. À la lumière de la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, le Comité exhorte l’État partie à respecter la limite de 21 200 mots fixée pour les rapports périodiques.