Nations Unies

CERD/C/JPN/CO/10-11

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

26 septembre 2018

Français

Original : anglais

Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Observations finales concernant le rapport du Japon valant dixième et onzième rapports périodiques *

1.Le Comité a examiné le rapport du Japon valant dixième et onzième rapports périodiques (CERD/C/JPN/10-11), à ses 2662e et 2663e séances (CERD/C/SR.2662 et CERD/C/SR.2663), les 16 et 17 août 2018. À sa 2676e séance, le 28 août 2018, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport de l’État partie valant dixième et onzième rapports périodiques.

3.Il se félicite du dialogue franc et constructif qu’il a eu avec la nombreuse délégation de l’État partie. Il tient à remercier la délégation pour les informations qu’elle lui a fournies lors de l’examen du rapport et pour les renseignements complémentaires qu’elle lui a communiqués par écrit pendant le dialogue.

B.Aspects positifs

4.Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption par l’État partie des mesures législatives et gouvernementales ci-après :

a)Adoption du Plan d’action pour lutter contre la traite des personnes en 2014 et création du Conseil pour la promotion de mesures de lutte contre la traite des personnes ;

b)Adoption du quatrième Plan fondamental pour l’égalité des sexes, le 25 décembre 2015 ;

c)Adoption de la loi sur la promotion d’initiatives visant à éliminer les discours et les comportements injustes et discriminatoires contre les personnes non originaires du Japon, en juin 2016 ;

d)Adoption de la loi sur la promotion de l’élimination de la discrimination à l’égard des burakumin, en décembre 2016 ;

e)Adoption de la loi sur l’organisation de stages techniques de formation appropriés et d’une protection des stagiaires adéquate, en novembre 2017.

C.Préoccupations et recommandations

Précédentes observations finales

5.Le Comité note avec préoccupation que plusieurs recommandations figurant dans ses précédentes observations finales (CERD/C/JPN/CO/7-9) n’ont pas été suivies d’effet.

6. Le Comité recommande à l ’ État partie de donner suite aux recommandations formulées dans les présentes et précédentes observations finales.

Cadre juridique relatif à la discrimination raciale

7.Le Comité regrette qu’en dépit de ses précédentes recommandations (ibid., par. 7 et 8), la définition de la discrimination raciale inscrite dans la Constitution ne soit toujours pas conforme à l’article 1 de la Convention, et qu’il n’existe toujours pas de législation complète interdisant la discrimination raciale dans l’État partie (art. 1 et 2)

8. Le Comité recommande à nouveau à l ’ État partie de veiller à ce que sa définition de la discrimination raci ale soit conforme au paragraphe  1 de l ’ article 1 de la Convention, et à ce qu ’ elle inclue les motifs de l ’ origine nationale ou ethnique, de la couleur et de l ’ ascendance. Le Comité prie également l ’ État partie d ’ adopter une législation exhaustive interdisant la discrimination raciale directe et indirecte, conformément aux articles  1 et 2 de la Convention.

Institution nationale des droits de l’homme

9.Le Comité note avec préoccupation que le processus d’adoption d’un projet de loi portant création d’une commission des droits de l’homme a été interrompu en 2012 et qu’aucun progrès n’a été fait depuis lors pour ce qui est de la mise en place d’une institution nationale des droits de l’homme.

10. Notant que l ’ État partie a accepté de donner suite à une recommandation de 2017 formulée à l ’ issue de l ’ Examen périodique universel tendant à ce qu ’ il redouble d ’ efforts en vue de la création d ’ une institution nationale des droits de l ’ homme, le Comité recommande à l ’ État partie de créer une telle institution qui soit dotée du vaste mandat de promouvoir et de protéger les droits de l ’ homme, conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme (Principes de Paris) .

Réserve à l’article 4

11.Le Comité regrette que l’État partie maintienne sa réserve aux alinéas a) et b) de l’article 4, ce qui peut compromettre la pleine application de la Convention (art. 4).

12. Rappelant sa recommandation générale n o 35 (2013) sur la lutte contre les discours de haine raciale, qui décrit dans les grandes lignes les divers moyens de lutter efficacement contre les discours de haine raciale tout en protégeant le droit légitime à la liberté d ’ expression, le Comité recommande à l ’ État partie d ’ envisager de retirer sa réserve à l ’ article  4 de la Convention et de fournir au Comité des informations sur les effets précis de la réserve.

Discours et crimes de haine

13.Le Comité se félicite des mesures prises par l’État partie pour lutter contre les discours de haine, y compris l’adoption en juin 2016 de la loi sur la promotion d’initiatives visant à éliminer les discours et les comportements injustes et discriminatoires à l’encontre des personnes non originaires du Japon (loi sur l’élimination des discours de haine). Il reste toutefois préoccupé par les faits suivants :

a)Le champ d’application de la loi est trop étroit, se limite aux discours de haine visant les personnes « résidant légalement au Japon » et offre aux minorités ethniques des voies de recours très limitées dans l’État partie ;

b)Même depuis l’adoption de la loi, les discours de haine et l’incitation à la violence subsistent dans l’État partie, en particulier lors de rassemblements à l’occasion desquels les manifestants profèrent des propos haineux violents visant des groupes ethniques minoritaires, comme les Coréens ;

c)Les propos haineux sur Internet ou dans les médias perdurent et les agents de l’État continuent de tenir des propos de cette nature ou de faire des déclarations discriminatoires ;

d)Ces crimes ne font pas systématiquement l’objet d’enquêtes et de poursuites et les agents de l’État et les particuliers ne sont toujours pas tenus de rendre des comptes pour leurs propos haineux et pour leurs crimes de haine à caractère raciste (art. 4).

14. Rappelant sa précédente recomman dation (CERD/C/JPN/CO/7-9, par.  11) et sa recommandation générale n o 35, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De modifier la loi sur l ’ élimination des discours de haine pour qu ’ elle ait la portée voulue, vise tous les discours de haine, quel qu ’ en soit le destinataire, et prévoie des recours suffisants pour les personnes des minorités ethniques  ;

b) D ’ adopter un dispositif législatif complet relatif à l ’ interdiction de la discrimination raciale couvrant les crimes qui ne sont pas visés par la loi sur l ’ élimination des discours de haine, en vue de renforcer le cadre juridique et l ’ accès des vi ctimes aux voies de recours ;

c) Dans le respect de la liberté d ’ expression et de réunion, d ’ interdire la diffusion de propos haineux et l ’ incitation à la violence lors de rassemblements, et de sanctionner les coupables ;

d) De prendre des mesures efficaces pour combattre les discours de haine sur Internet et dans les médias , notamment par la mise en place d ’ un mécanisme d ’ autorégulation ;

e) De décrire en détail, dans son prochain rapport périodique, la mise en œuvre de mesures telles que la loi sur l ’ audiovisuel ainsi que les effets de ces mesures sur la prévention de l ’ incitation à la discrimination raciale et la diffusion de propos violents à caractère raciste dans les médias  ;

f) D ’ organiser des programmes de formation sur les crimes de haine et sur la loi sur l ’ élimination des discours de haine à l ’ intention des agents de la force publique, notamment les policiers, des procureurs et des membres de l ’ appareil judiciaire, portant notamment sur les méthodes à suivre pour déterminer la motivation raciste de ces crimes, enregistrer les plaintes, enquêter sur les incidents et engager des poursuites si nécessaire  ;

g) D ’ enquêter et d ’ appliquer les sanctions appropriées pour les crimes de haine, les discours de haine raciale et les actes d ’ incitation à la haine dont se rendent coupables des particuliers ou des agents de l ’ État, notamment des personnalités politiques et des professionnels des médias  ;

h) De fournir, dans son prochain rapport périodique, des statistiques sur les enquêtes menées, les poursuites engagées et les condamnations prononcées, ventilées par origine nationale et ethnique des victimes  ;

i) D ’ adopter un plan d ’ action visant à éliminer les crimes de haine, les discours de haine et l ’ incitation à la violence dans l ’ État partie qui soit assorti de mesures et d ’ objectifs concrets et prévoie un suivi approprié  ;

j) De m ener des campagnes d ’ éducation pour s ’ attaquer aux causes profondes des préjugés et promouvoir la tolérance et le respect de la diversité, notamment en mettant l ’ accent sur le rôle et les responsabilités des journalis tes et des responsables publics.

Situation des Aïnous

15.Le Comité prend note de l’action que l’État partie mène pour protéger et promouvoir les droits des Aïnous, mais il constate avec préoccupation que :

a)Des cas de discrimination à l’égard des Aïnous continuent d’être signalés pour ce qui est de l’accès à l’emploi, à l’éducation et aux services publics et que, malgré des améliorations, il subsiste un écart entre le niveau de vie des Aïnous et celui des autres habitants d’Hokkaido ;

b)Bien que des efforts soient mis en œuvre pour préserver la langue et la culture des Aïnous, les droits à la terre et aux ressources naturelles et le patrimoine linguistique et culturel du peuple aïnou ne sont pas suffisamment protégés ;

c)La proportion d’Aïnous au sein des organes consultatifs demeure faible, et seul un tiers environ des membres du Conseil pour la promotion des politiques en faveur des Aïnous est issu de cette communauté (art. 5).

16. Rappelant sa recommandation générale n o 23 (1997) concernant les droits des populations autochtones, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De r edoubler d ’ efforts pour éliminer la discrimination à l ’ égard des Aïnous dans l ’ emploi, l ’ éducation et l ’ accès aux services  ;

b) D ’ a ssurer le suivi de l ’ application et des effets des mesures mises en œuvre, comme la troisième politique de promotion pour l ’ amélioration des conditions de vie des Aïnous, et de fournir, dans son prochain rapport périodique, des informations sur cette question ainsi que sur d ’ autres mesures prises pour améliorer le niveau de vie des Aïnous  ;

c) D ’ a dopter des mesures pour protéger les droits du peuple aïnou à la terre et aux ressources naturelles, et d ’ intensifier encore les efforts mis en œuvre en faveur de la réalisation de leurs droits culturels et linguistiques  ;

d) D ’ a ccroître la proportion de représentants aïnous au sein du Conseil pour la promotion des politiques en faveur des Aïnous et d ’ autres organes consultatifs.

Situation des peuples des Ryukyu et d’Okinawa

17.Le Comité note avec préoccupation que, malgré sa recommandation précédente (CERD/C/JPN/CO/7-9, par. 21) et les recommandations d’autres mécanismes relatifs aux droits de l’homme, les natifs des Ryukyu et d’Okinawa ne sont pas reconnus comme peuples autochtones. Le Comité est également préoccupé par les violences dont seraient victimes les femmes à Okinawa, et par les difficultés auxquelles seraient confrontés les natifs des Ryukyu et d’Okinawa en lien avec des accidents impliquant des avions militaires dans des zones civiles, en raison de la présence d’une base militaire des États-Unis d’Amérique sur l’île d’Okinawa (art. 5).

18. Le Comité recommande à l ’ État partie de revoir sa position et d ’ envisager de reconnaître les peuples des Ryukyu comme peuples autochtones et de redoubler d ’ efforts pour protéger leurs droits. Le Comité recommande à l ’ État partie de garantir la sécurité des natifs des Ryukyu et d ’ Okinawa et de leur assurer la protection voulue, en protégeant les femmes de la violence et en veillant à ce que les auteurs d ’ actes de violence à leur égard soient poursuivis et condamnés.

Situation des burakumin

19.Le Comité se félicite de l’adoption de la loi sur la promotion de l’élimination de la discrimination à l’égard des burakumin en 2016, mais regrette que cette loi, pas plus qu’un autre texte, ne définisse les burakumin. Le Comité constate avec préoccupation que les burakumin font toujours l’objet de discrimination en matière d’emploi, de logement et de mariage. Il relève aussi avec préoccupation que l’accès illicite à des données et à des renseignements d’ordre familial concernant les burakumin et la publication de tels renseignements et données sur Internet exposent ceux-ci à davantage de discrimination. Le Comité est en outre préoccupé par l’absence d’informations sur les ressources allouées à la mise en œuvre de la loi sur la promotion de l’élimination de la discrimination à l’égard des burakumin (art. 5).

20. Compte tenu de sa recommandation générale n o 29 (2002 ) concernant la discrimination fondée sur l ’ ascendance (art. 1, par. 1 de la Convention) , le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ a dopter une définition claire des burakumin en consultation avec le peuple buraku ;

b) De définir la discrimination à l ’ égard des burakumin comme une forme de discrimination fondée sur l ’ ascendance ;

c) De décrire plus avant, dans son prochain rapport périodique, les mesures prises pour mettre en œuvre la loi sur la promotion de l ’ élimination de la discrimination à l ’ égard des burakumin et les effets de cette loi  ;

d) De r edoubler d ’ efforts pour éliminer la discrimination à l ’ égard des burakumin en matière d ’ emploi, de logement et de mariage ;

e) De f ournir des informations sur les mesures prises pour améliorer la situation socioéconomique des burakumin depuis l ’ extinction en 2002 de la loi sur les mesures spéciales en faveur des Dowa ;

f) De c onsulter le peuple buraku dans le cadre de toutes les politiques et mesures qui ont une incidence sur leurs droits ;

g) De f aire en sorte que la confidentialité des données d ’ ordre familial relatives aux burakumin soit préservée, et que l ’ utilisation abusive de leurs données d ’ état civil donne lieu à l ’ ouverture d ’ une enquête et que les responsables soient poursuivis et sanctionnés ;

h) De p révoir un financement suffisant pour la mise en œuvre de la loi sur la promotion de l ’ élimination de la discrimination à l ’ égard des burakumin .

Situation des Coréens

21.Le Comité note avec préoccupation que les Coréens qui vivent au Japon depuis plusieurs générations restent des ressortissants étrangers, n’ont pas le droit de vote aux élections locales et ne peuvent occuper un poste dans la fonction publique qui les amènerait à exercer l’autorité publique ou à participer à la prise de décisions. Il est également préoccupé par les informations selon lesquelles certaines écoles coréennes ne bénéficient pas de l’appui du Fonds de soutien de l’enseignement secondaire. Le Comité est en outre préoccupé par les informations selon lesquelles de nombreuses femmes coréennes sont victimes de formes multiples et croisées de discrimination fondée sur la nationalité et le sexe, et sont angoissées du fait que leurs enfants sont visés par des propos haineux.

22. À la lumière de sa recommandation générale n o 30 (2004) concernant la discrimination contre les non-ressortissants, le Comité recommande à l ’ État partie de faire en sorte que les Coréens qui vivent au Japon depuis de nombreuses générations obtiennent le droit de vote aux élections locales, et puissent occuper un poste dans la fonction publique qui les amènerait à exercer l ’ autorité publique et à participer à la prise de décisions. Le Comité réitère sa précédente recomman dation (CERD/C/JPN/CO/7-9, par.  19) tendant à ce que l ’ État partie s ’ assure que les écoles coréennes ne fassent pas l ’ objet de discrimination pour ce qui est des crédits octroyés par le Fonds de soutien de l ’ enseignement secondaire et que les élèves coréens aient accès à l ’ éducation dans des conditions d ’ égalité, sans discrimination. Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à protéger les femmes et les enfants coréens des formes multiples de discrimination et des discours de haine.

Profilage et surveillance des musulmans

23.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles des agents de la force publique continueraient de se livrer au profilage ethnique ou ethnoreligieux des musulmans d’origine étrangère (art. 5).

24. Compte tenu de sa recommandation générale n o 31 (2005) concernant la discrimination raciale dans l ’ administration et le fonctionnement du système de justice pénale, le Comité recommande à l ’ État partie de mettre fin au profilage ethnique ou ethnoreligieux et à la surveillance des musulmans d ’ origine étrangère par la police et de mener des enquêtes approfondies et impartiales sur toutes les allégations de profilage et de surveillance de masse, d ’ amener les responsables à répondre de leurs actes et d ’ offrir des voies de recours effectives, notamment des garanties de non-répétition.

Discrimination croisée et violence à l’égard des femmes

25.Le Comité demeure préoccupé par les informations selon lesquelles les femmes des minorités et les femmes étrangères et autochtones seraient victimes de discrimination croisée en raison de leur origine nationale, de leur appartenance ethnique et de leur sexe et rencontreraient des obstacles pour sortir de la pauvreté et avoir accès à l’éducation, aux soins de santé et à l’emploi. Celles-ci sont souvent en proie à l’anxiété et à des souffrances psychologiques du fait de la stigmatisation et des discours de haine dont elles et leur famille sont la cible. Le Comité est également préoccupé par les informations indiquant que les femmes des minorités et les femmes étrangères et autochtones continueraient d’être victimes de violence et par le manque d’informations concernant les mesures prises pour combattre cette violence, notamment dans le cadre du quatrième Plan fondamental pour l’égalité des sexes (2015), les enquêtes menées, les poursuites engagées et les condamnations prononcées contre les auteurs de tels actes. En outre, le Comité exprime à nouveau sa préoccupation (ibid., par. 17) au sujet de l’article 22-4 de la loi sur le contrôle de l’immigration qui peut empêcher les étrangères victimes de violences conjugales de quitter leur conjoint et de chercher de l’aide, par crainte de perdre leur permis de résidence.

26. Rappelant ses recommandations générales n o 25 (2000) concernant la dimension sexiste de la discrimination raciale et n o 30 (2004) concernant la discrimination contre les non-ressortissants, le Comité recommande à l ’ État partie de  :

a) Veiller à ce qu ’ une attention particulière soit accordée aux femmes victimes de discrimination croisée, et de recueillir des statistiques pour mieux comprendre les problèmes concrets auxquels elles se heurtent, et les résoudre ;

b) Veiller à ce que les femmes des minorités et les femmes autochtones et étrangères aient le droit et la possibilité de participer à la prise de décision s , en particulier lorsque les décisions les concernent ;

c) Prendre des mesures immédiates pour prévenir les actes de violence visant les femmes des minorités et les femmes autochtones et étrangères, notamment en consignant en bonne et due forme les crimes violents perpétrés contre elles et en menant des enquêtes sur ces actes, en engageant des poursuites et en condamnant leurs auteurs. Le Comité demande à l ’ État partie de fournir, dans son prochain rapport périodique, des renseignements sur les mesures qu ’ il aura prises dans le cadre du quatrième Plan fondamental pour l ’ égalité des sexes (2015) pour prévenir la violence à l ’ égard des femmes des minorités et des femmes autochtones et étrangères et des données, ventilées par appartenance ethnique des victimes, sur les infractions signalées de violence à l ’ égard des femmes, le nombre de signalements, et le nombre d ’ enquêtes effectuées, de poursuites engagées et de condamnations prononcées. L ’ État partie devrait également modifier sa législation afin que celle-ci n ’ ait pas pour effet de contraindre les étrangères à rester avec un conjoint violent par peur de perdre leur permis de résidence ou d ’ être expulsées.

Femme de réconfort

27.Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie au sujet des mesures prises pour résoudre le problème des « femmes de réconfort », notamment l’accord conclu en 2015 avec la République de Corée, mais il relève avec préoccupation que, d’après certains sources, ces mesures ne seraient pas pleinement centrées sur les victimes, les survivantes ne seraient pas dûment consultées et cette solution n’aurait pas abouti à la reconnaissance de la responsabilité sans équivoque de l’armée japonaise en ce qui concerne les violations des droits de ces femmes, violations qu’elle a commises avant et pendant la Deuxième Guerre mondiale. En outre, le Comité est préoccupé par les déclarations faites par des agents publics tendant à minimiser la responsabilité de l’État envers les femmes de réconfort, et par les effets négatifs que ces déclarations peuvent avoir sur les survivantes.

28. Le Comité recommande à l ’ État partie de trouver une solution durable au problème des femmes de réconfort et d ’ adopter une démarche centrée sur les victimes, qui inclue les femmes de réconfort de toutes nationalités, et d ’ assumer ses responsabilités en ce qui concerne la violation des droits de ces femmes. Le Comité demande à l ’ État partie de décrire en détail, dans son prochain rapport périodique, les mesures qu ’ il aura prises pour régler le problème des femmes de réconfort, notamment celles destinées aux survivantes et à leur famille.

Situation des migrants

29.Le Comité note avec préoccupation qu’il reçoit régulièrement des informations selon lesquelles les migrants et leurs descendants nés, élevés et scolarisés dans l’État partie continuent de se heurter à une discrimination profondément ancrée dans la société, limitant notamment leur accès au logement, à l’éducation et aux soins de santé et leurs possibilités d’emploi (art. 5).

30. Le Comité recommande à l ’ État partie de s ’ attaquer aux causes de la discrimination à l ’ égard des migrants qui sont profondément ancrées dans la société, et de garantir à ceux-ci l ’ accès au logement, à l ’ éducation, aux soins de santé et à des possibilités d ’ emploi dans des conditions d ’ égalité, sans discrimination.

Programmes de stages techniques de formation pour étrangers

31.Le Comité se félicite de l’entrée en vigueur de la loi sur l’organisation de stages techniques de formation appropriés et d’une protection des stagiaires adéquate en novembre 2017 et des mesures prises pour réviser le programme de stages techniques de formation, mais prend néanmoins note avec préoccupation de l’insuffisance du contrôle exercé par les pouvoirs publics et du manque d’informations sur la mise en œuvre et les effets de cette loi.

32. Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que le programme de stages techniques de formation soit bien encadré afin qu ’ il soit conforme aux prescriptions de la loi sur l ’ organisation de stages techniques de formation appropriés et d ’ une protection des stagiaires adéquate, et qu ’ il fasse l ’ objet d ’ un suivi par les pouvoirs publics. Il lui demande également de lui communiquer, dans son prochain rapport périodique, des informations sur la mise en œuvre et les effets de la loi.

Situation des non-ressortissants

33.Le Comité est préoccupé par ce qui suit :

a)D’après des informations, les non-ressortissants se verraient refuser un logement ou un emploi au motif qu’ils sont étrangers ;

b)Les ressortissants étrangers et les personnes ayant l’air d’être étrangères seraient refoulés de certains établissements privés du secteur de l’hôtellerie et de la restauration accessibles au public, ou se verraient refuser certains services ; des affichettes portant l’inscription « Japonais exclusivement » seraient placardées à l’entrée de ces établissements ;

c)Les non-ressortissants, en particulier les Coréens, continuent d’être exclus du régime national de retraite en raison de l’âge ;

d)L’État partie n’a pas encore modifié sa législation dans le but de permettre aux non-ressortissants de s’affilier au régime de pension d’invalidité de base ;

e)Les non-ressortissants et les résidents étrangers disposant d’un permis de résidence de longue durée et leurs descendants sont toujours exclus de la fonction publique où ils seraient amenés à exercer l’autorité publique ou à prendre part à la prise de décisions au motif qu’ils ne sont pas de nationalité japonaise ;

f)Contrairement à d’autres, certains résidents permanents doivent obtenir, avant de quitter le pays, un permis les autorisant à y entrer de nouveau, et ce, même s’ils ne sortent du territoire que pour une journée.

34. Compte tenu de sa recommandation générale n o 3 0 , le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De g arantir aux non-ressortissants et aux étrangers l ’ accès au logement et à l ’ emploi sans discrimination ;

b) D ’ é laborer une loi portant interdiction des affichettes discriminatoires et de la pratique consistant à barrer l ’ accès des étrangers ou des personnes ayant l ’ air de l ’ être à des services accessibles au public offerts par des établissement privés, comme les hôtels et les restaurants ;

c) De veiller à ce que les non-ressortissants soient couverts par le régime national de retraite ;

d) De m odifier sa législation pour permettre aux non-ressortissants de s ’ affilier au régime de pension d ’ invalidité de base ;

e) De permettre aux non-ressortissants, en particulier aux résidents étrangers titulaires d ’ un permis de résidence de longue durée et à leurs descendants, d ’ accéder à des postes dans la fonction publique qui les amèneraient à exercer l ’ autorité publique ou à participer à la prise de décisions ;

f) De supprimer l ’ obligation faite à certains résidents permanents d ’ obtenir un permis les autorisant à pénétrer à nouveau sur le territoire, de sorte qu ’ ils puissent entrer dans le pays et en sortir au même titre que les autres résidents permanents ;

g) D ’ e nvisager de ratifier la Convention relative au statut des apatrides et la Convention sur la réduction des cas d ’ apatridie.

Réfugiés et demandeurs d’asile

35.Le Comité prend note avec préoccupation du très faible taux d’acceptation des demandes d’asile par l’État partie (19 sur 11 000 demandes). Il relève également avec préoccupation que les demandeurs d’asile peuvent être détenus pour une durée indéterminée, sans qu’une limite de temps ne soit fixée pour leur détention. Le Comité constate en outre avec préoccupation que les demandeurs d’asile ne peuvent normalement pas travailler ni recevoir d’aides sociales, ce qui fait qu’ils dépendent des foyers d’accueil surpeuplés financés par l’État et sont exposés au risque de maltraitance et d’exploitation par le travail.

36. Rappelant sa recommandation générale n o 22 (1996) concernant l ’ article  5 de la Convention et les réfugiés et personnes déplacées, le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que toutes les demandes d ’ asile soient examinées avec l ’ attention voulue. Il lui recommande également d ’ introduire une durée maximale applicable à la détention des migrants, et réitère sa précédente recomman dation (CERD/C/JPN/CO/7-9, par.  23) par laquelle il encourageait l ’ État partie à prendre des mesures pour que la détention des demandeurs d ’ asile ne soit qu ’ une mesure de dernier ressort et que sa durée soit aussi courte que possible, et à privilégier les mesures non privatives de liberté. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ autoriser les demandeurs d ’ asile à travailler passé un délai de six mois su ivant le dépôt de leur demande.

Traite des personnes

37.Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie au sujet des initiatives de lutte contre la traite des personnes, notamment l’adoption en 2014 de son plan d’action actualisé pour lutter contre la traite des personnes, mais il est préoccupé par les informations indiquant que les femmes et les filles des minorités continuent d’être victimes de la traite dans l’État partie, en particulier à des fins d’exploitation sexuelle. Le Comité note également avec préoccupation que l’État partie n’a pas encore adopté de législation érigeant expressément en infraction la traite des personnes et qu’il y a peu d’arrestations et de condamnations de trafiquants.

38. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ intensifier sa lutte contre la traite des personnes. Il lui recommande également d ’ adopter un texte de loi incriminant expressément la traite des personnes, et de veiller à mener des enquêtes approfondies, à engager des poursuites et à sanctionner les auteurs. Le Comité demande à l ’ État partie de préciser si le Plan d ’ action pour lutter contre la traite des personnes a eu pour effet de prévenir la traite, en particulier des femmes et des filles des minorités, et de fournir des données indiquant le nombre d ’ enquêtes menées, de poursuites engagées et de condamnations prononcées contre des trafiquants, ventilées par nationalité des victimes.

D.Autres recommandations

Ratification d’autres instruments

39. Compte tenu du caractère indivisible de tous les droits de l ’ homme, le Comité encourage vivement l ’ État partie à envisager de ratifier les instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme auxquels il n ’ est pas encore partie, en particulier ceux dont les dispositions intéressent directement les communautés qui peuvent faire l ’ objet de discrimination raciale, comme le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, la Convention ( n o 111) concernant la discrimination en matière d ’ emploi et de profession, 1958, de l ’ Organisation internationale du Travail (OIT), et la Convention ( n o 169) relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989, de l ’ OIT.

Suite donnée à la Déclaration et au Programme d’action de Durban

40. À la lumière de sa recommandation générale n o 33 (2009) concernant le suivi de la Conférence d ’ examen de Durban, le Comité recommande à l ’ État partie de donner effet à la Déclaration et au Programme d ’ action de Durban, adoptés en septembre 2001 par la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l ’ intolérance qui y est associée, en tenant compte du document final de la Conférence d ’ examen de Durban, tenue en avril 2009, et d ’ en rendre compte au Comité dans son prochain rapport périodique.

Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine

41. À la lumière de la résolution  68/237 de l ’ Assemblée générale, le Comité demande à l ’ État partie d ’ inclure dans son prochain rapport périodique des renseignements précis sur les mesures concrètes qu ’ il aura adoptées dans le cadre de la Décennie internationale des personnes d ’ ascendance africaine, compte tenu de sa recommandat ion générale n o 34 (2011) sur la discrimination raciale à l ’ égard des personnes d ’ ascendance africaine.

Consultations avec la société civile

42. Le Comité recommande à l ’ État partie de poursuivre et d ’ élargir le dialogue avec les organisations de la société civile qui travaillent dans le domaine de la protection des droits de l ’ homme, en particulier celles qui luttent contre la discrimination raciale, dans le cadre de l ’ élaboration du prochain rapport périodique et du suivi des présentes observations finales.

Déclaration visée à l’article 14 de la Convention

43. Le Comité encourage l ’ État partie à faire la déclaration facultative visée à l ’ article  14 de la Convention, par laquelle les États parties reconnaissent la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications individuelles.

Amendement à l’article 8 de la Convention

44. Le Comité recommande à l ’ État partie de ratifier l ’ amendement au paragraphe  6 de l ’ article  8 de la Convention, adopté le 15  janvier 1992 à la quatorzième Réunion des États parties à la Convention et approuvé par l ’ Assemblée géné rale dans sa résolution 47/111.

Document de base commun

45. Le Comité encourage l ’ État partie à mettre à jour son document de base commun, qui date de 2012, conformément aux directives harmonisées pour l ’ établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, en particulier celles concernant le document de base commun, adoptées à la cinquième réunion intercomités des organes créés en vertu d ’ instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme tenue en ju in 2006 (HRI/GEN/2/Rev.6, chap.  I). À la lumière de la résolution  68/268 de l ’ Assemblée générale, le Comité demande instamment à l ’ État partie d e respecter la limite de 42 400  mots fixée pour ce document.

Suite donnée aux présentes observations finales

46. Conformément au paragraphe  1 de l ’ article  9 de la Convention et à l ’ article  65 de son règlement intérieur, le Comité demande à l ’ État partie de fournir, dans un délai d ’ un an à compter de l ’ adoption des présentes observations finales, des renseignements sur la suite qu ’ il aura donnée aux recommanda tions formulées aux paragraphes  10 et 32.

Paragraphes d’importance particulière

47. Le Comité souhaite appeler l ’ attention de l ’ État partie sur l ’ importance particulière des recommanda tions formulées aux paragraphes  14, 22 et 34, et lui demande de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur les mesures concrètes qu ’ il aura prises pour y donner suite.

Diffusion d’information

48. Le Comité recommande à l ’ État partie de mettre ses rapports à la disposition du public dès leur soumission et de diffuser également les observations finales du Comité qui s ’ y rapportent dans les langues officielles et les autres langues couramment utilisées, selon qu ’ il conviendra.

Élaboration du prochain rapport périodique

49. Le Comité recommande à l ’ État partie de soumettre son rapport valant douzième à quatorzième rapports périodiques, d ’ ici au 14  janvier 2023, en tenant compte des directives pour l ’ établissement du document se rapportant spécifiquement à la Convention adoptées par le Comité à sa soixante et onzième session (CERD/C/2007/1) et en traitant de tous les points soulevés dans les présentes observations finales. À la lu mière de la résolution  68/268 de l ’ Assemblée générale, le Comité demande instamment à l ’ État partie d e respecter la limite de 21 200  mots fixée pour les rapports périodiques.