Pacte international relatif aux droits civilset politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/C/GRC/2004/115 avril 2004

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE

Rapport initial

GRÈCE*

[5 avril 2004]

TABLE DES MATIÈRES

Paragraphes Page

Liste des abréviations4

Introduction5

Article premier:Droit à l’autodétermination1 − 177

Articles 2 et 26:Application au plan national du Pacte internationalrelatif aux droits civils et politiques et interdictionde la discrimination18 − 12610

Article 3:Égalité des sexes127 − 17728

Article 4:Suspension des droits178 − 19236

Article 6 et deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacteinternational relatif aux droits civils et politiques:droit à la vie − peine de mort193 − 22639

Article 7:Interdiction de la torture et autres peinesou traitements cruels, inhumains ou dégradants227 − 27745

Article 8:Droit de ne pas être soumis à l’esclavage,à la servitude et au travail forcé278 − 31259

Article 9:Droit à la liberté et à la sécurité de la personne313 − 37166

Article 10:Traitement avec humanité des personnesprivées de liberté372 − 43576

Article 11:Interdiction de la détention pour dette436 − 45689

Article 12:Liberté de circulation457 − 47294

Article 13:Protection des étrangers contre l’expulsion arbitraire473 − 50096

Article 14:Égalité devant les tribunaux et droit de toute personneà ce que sa cause soit entendue équitablementet publiquement par un tribunal indépendantétabli par la loi501 − 581102

Article 15:Interdiction de la rétroactivité des lois pénales582 − 587117

TABLE DES MATIÈRES ( suite )

Paragraphes Page

Article 16:Reconnaissance de la personnalité juridique588 − 589118

Article 17:Droit au respect de la vie privée, de la famille,du domicile et de la correspondance et protectionde l’honneur et de la réputation590 − 635119

Article 18:Droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion636 − 707127

Article 19:Liberté d’expression708 − 780143

Article 20:Interdiction de toute propagande en faveur de la guerreet de tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse781 − 797159

Article 21:Liberté de réunion798 − 814161

Article 22:Liberté d’association815 − 847163

Article 23:Protection de la famille, droit au mariageet égalité entre les époux848 − 859168

Article 24:Droits de l’enfant860 − 869169

Article 25:Droit de participer aux affaires publiques, droit de voteet également admissibilité aux fonctions publiques870 − 894172

Article 27:Droits des personnes appartenant à des minorités895 − 938177

Liste des abréviations

APAreios Pagos, ou Cour suprême civile et pénale

CEDHCour européenne des droits de l’homme

CNAConseil national de l’audiovisuel

CPACode de procédure administrative

CPCCode de procédure civile

CPPCode de procédure pénale

KETHICentre de recherche sur les questions d’égalité

OAEDOrganisation pour l’emploi des travailleurs

OKEAÉquipe spéciale de lutte contre la traite des êtres humains

OTACollectivités territoriales

INTRODUCTION

La Grèce a l’honneur de présenter son rapport initial au Comité des droits de l’homme du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Nous regrettons de ne pas avoir pu présenter ce rapport comme prévu, en 1998, un an après la ratification du Pacte par la Grèce. Nous tenons cependant à souligner que la Grèce attache une grande importance aux mécanismes conventionnels de l’Organisation des Nations Unies pour assurer le respect des droits de l’homme et, en particulier, à la procédure de présentation de rapports en vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, dans le cadre de laquelle le Comité des droits de l’homme a la tâche délicate d’examiner les rapports des États. Nous sommes certains que la présentation de ce rapport marquera le début d’un dialogue franc, constructif et fructueux avec le Comité.

Le présent rapport a été préparé par le Département juridique du Ministère des affaires étrangères, en étroite coopération avec les ministères suivants: Ministère de l’intérieur, de l’administration publique et de la décentralisation/Secrétariat général pour l’égalité des sexes, Ministère de la justice, Ministère du travail et de la sécurité sociale, Ministère de l’ordre public, Ministère de la défense nationale, Ministère de la santé et de la protection sociale, Ministère de l’éducation nationale et des affaires religieuses, Ministère de la presse et des médias et Ministère de la marine marchande.

En outre, nous avons reçu et incorporé dans notre rapport, dans la mesure du possible, les informations utiles fournies par la Commission nationale des droits de l’homme, à laquelle participent six importantes ONG. Nous avons également pris en compte les préoccupations soulevées ces dernières années par diverses ONG.

Le présent rapport, qui couvre essentiellement la période 1997‑2003, met surtout l’accent sur les dispositions constitutionnelles révisées en 2001, ainsi que sur les lois leur donnant effet. Dans certains cas, nous avons jugé approprié de faire référence à la législation ou la jurisprudence antérieures à 1997, afin de donner une image complète et exacte de la situation en Grèce. Dans d’autres cas, nous avons inclus des dispositions de lois récentes de 2004.

Pour préparer le rapport, nous nous sommes conformés du mieux possible aux «Directives unifiées concernant les rapports présentés par les États parties conformément au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (telles que révisées à la soixante‑dixième session, octobre‑novembre 2000 (CCPR/C/GUI/Rev.2))». En outre, le rapport insiste sur la plupart des questions soulevées dans différentes observations générales formulées par le Comité des droits de l’homme. Par souci d’économie, il a également été fait des renvois aux rapports déjà présentés par la Grèce à d’autres organes conventionnels, ainsi qu’à notre document de base (HRI/CORE/1/Add.121 (2002)).

La Grèce a ratifié le Pacte ainsi que ses deux Protocoles facultatifs en 1997, par la loi no 2462/1997. Comme expliqué dans le rapport, les dispositions du Pacte ont eu une importante incidence sur notre ordre juridique interne. Les membres de l’appareil judiciaire ont été sensibilisés à l’importance de cet instrument. Désormais, les tribunaux et les autorités indépendantes dans notre pays invoquent de plus en plus systématiquement les dispositions du Pacte, qui est appelé à jouer un rôle décisif dans les actions entreprises pour harmoniser notre législation nationale avec l’ordre juridique international dans le domaine des droits de l’homme.

Nous aimerions également mettre en lumière les faits les plus marquants intervenus depuis la ratification du Pacte:

Révision de la Constitution et adoption de lois donnant effet aux dispositions révisées;

Adoption de mesures en vue d’assurer l’application des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme;

Mise en place d’autorités indépendantes et d’institutions nationales pour la protection des droits de l’homme, garantie, dans la plupart des cas, par la Constitution;

Sensibilisation accrue des autorités compétentes quant à la nécessité d’appliquer les traités internationaux relatifs aux droits de l’homme et les constatations des organes de surveillance compétents;

Efforts pour améliorer la situation des groupes vulnérables, comme les Roms ou les travailleurs migrants;

Action permanente en vue d’améliorer les conditions de détention et de garantir le respect des droits des détenus;

Législation nouvelle sur l’utilisation des armes à feu en conformité avec les règles internationales;

Législation sur la lutte contre la traite des êtres humains et sur l’assistance aux victimes de cette pratique;

Législation sur la transparence et le pluralisme dans les médias;

Nouvelle législation pénale concernant les mineurs, adaptée à leurs besoins;

Mesures visant à améliorer la situation des membres de la minorité musulmane en Thrace;

Garantie constitutionnelle de mesures positives pour promouvoir une égalité véritable des hommes et des femmes; adoption par le législateur et acceptation par les tribunaux de mesures à cet effet;

Harmonisation avec le Pacte des dispositions concernant la mise en détention des personnes incapables de s’acquitter de leurs obligations contractuelles;

Renforcement des mesures assurant la liberté de religion.

Incontestablement, le niveau de la protection des droits de l’homme en Grèce a été beaucoup amélioré ces dernières années. En même temps, il reste des sujets de préoccupation. Nous espérons que le dialogue avec le Comité des droits de l’homme aidera nos autorités à identifier les difficultés et à élaborer des mesures appropriées pour mieux protéger les droits de l’homme en Grèce.

ARTICLE PREMIER: DROIT À L’AUTODÉTERMINATION

A. Autodétermination interne

Libre choix de la forme du régime de gouvernement et des systèmes social et politique et organisation d’élections à intervalles réguliers

1.Le régime de gouvernement en Grèce est régi selon les principes fondamentaux suivants: souveraineté populaire; élection du chef de l’État par le Parlement (Chambre des députés); principe de la démocratie représentative; principe parlementaire; et principe de l’«État social fondé sur la règle du droit». Il convient de mentionner en particulier le paragraphe 3 de l’article premier de la Constitution, qui reconnaît que «tous les pouvoirs émanent du peuple, existent pour lui et la nation et sont exercés ainsi qu’il est prescrit par la Constitution».

2.Le régime de gouvernement, à savoir une «république parlementaire présidentielle», a été imposé au législateur constitutionnel par le référendum du 8 décembre 1974. Par ce référendum, il était demandé à la population de choisir entre une démocratie présidentielle et une démocratie monarchique. À une majorité d’environ 70 %, le peuple grec s’est prononcé en faveur de la démocratie présidentielle. Conformément au paragraphe 1 de l’article 110 de la Constitution, la disposition correspondante ne peut pas faire l’objet d’une révision. Ainsi, la forme de gouvernement qui existait dans le pays a été consolidée sur la base d’un mandat populaire exprès et pérennisée en vertu d’une disposition constitutionnelle pertinente expresse. Dans ce cadre, le législateur constitutionnel est libre de modeler l’organisation institutionnelle du régime de gouvernement. La population prend part à la procédure de révision de la Constitution, dans la mesure où cette procédure n’est pas menée à terme par le Parlement qui a confirmé la nécessité de réviser la Constitution, mais par le Parlement qui lui fait suite.

3.Dans le cadre des institutions propres à une démocratie représentative parlementaire, le peuple élit ses représentants au Parlement à intervalles réguliers. L’article 53 de la Constitution fixe à quatre ans la durée de chaque législature. Le peuple élit ses représentants au suffrage direct, universel et secret, ainsi qu’il est prescrit au paragraphe 3 de l’article 51 de la Constitution, qui définit aussi les conditions prévues par la loi pour pouvoir voter ainsi que les cas de restriction du droit de vote. Il convient d’insister particulièrement sur l’article 52 de la Constitution, qui dispose ceci «La manifestation libre et inaltérée de la volonté populaire, en tant qu’expression de la souveraineté populaire, est garantie par tous les organes de la République, qui sont tenus de l’assurer en toute circonstance. La loi fixe les sanctions pénales contre les contrevenants à cette disposition.». Ces règles s’appliquent dans le cas de l’organisation d’un référendum, ainsi que pour les élections des responsables des collectivités territoriales.

4.Depuis 1981, la législation grecque prévoit l’élection par le peuple de représentants au Parlement européen tous les cinq ans. La loi no 2196/1994, qui donne effet aux dispositions pertinentes du droit communautaire, prévoit la participation au vote des ressortissants d’autres États membres de l’Union européenne qui sont établis en Grèce.

5.La Constitution grecque prévoit des possibilités limitées d’exercice de la démocratie directe. Aux termes du paragraphe 2 de l’article 44, l’organisation d’un référendum peut être proclamée par le Président de la République. Il peut être procédé à un référendum a) sur des questions nationales cruciales, après une résolution prise, sur proposition du Conseil des ministres, à la majorité absolue du nombre total des députés, et b) sur des projets de loi adoptés par la Chambre des députés, et traitant de questions sociales graves, excepté les projets de loi fiscaux, après une résolution prise, sur proposition des deux cinquièmes, par les trois cinquièmes du nombre total des députés, et à condition qu’au cours de la même législature il ne soit pas introduit plus de deux propositions de référendum sur un projet de loi. Les décisions prises par le peuple par référendum s’imposent à tous les autres organes de l’État.

6.En ce qui concerne le libre choix d’un système économique, il est à noter que la Constitution garantit la liberté économique (art. 5, par. 1, et 106) ainsi que le droit de propriété (art. 17), tout en fixant les limites de l’initiative économique privée (art. 106, par. 2) et en prescrivant un développement économique qui soit compatible avec le principe fondamental de la protection de l’environnement (art. 24). Dans ce cadre, le législateur et le Gouvernement, qui bénéficient d’une légitimité populaire directe ou indirecte, sont libres de définir la politique économique du pays.

Administration des affaires locales − administration locale: institution, notion, niveaux et attributions des organes correspondants

7.La Constitution consacre, dans ses articles 101 et 102, l’organisation de l’État selon le système de la déconcentration, d’une part, et la compétence des collectivités territoriales pour administrer les affaires locales, d’autre part. L’application du système de la déconcentration dans l’administration du pays est explicitée ci‑après (art. 101, par. 1).

8.Organisé selon le principe de la déconcentration, l’État est divisé en régions administratives déterminées, selon certains critères de fond, comme les «conditions géoéconomiques, sociales et de transport» (art. 101, par. 2, de la Constitution). Ce système prévoit la mise en place d’autorités territoriales au niveau régional avec une compétence de décision générale pour les affaires concernant la région. Les services et organes étatiques centraux, outre leurs compétences spéciales, donnent des directives générales, assurent la coordination et contrôlent la légalité des actes des agents des administrations régionales (art. 101, par. 3). Ainsi, l’unité d’action globale des organes administratifs (centraux et déconcentralisés) de l’État est assurée.

9.En ce qui concerne l’administration des affaires locales, la Constitution stipule expressément que celle‑ci est du ressort des collectivités territoriales. La Constitution dispose ce qui suit à ce sujet:

10.L’administration des «affaires locales» est du ressort exclusif des collectivités territoriales (art. 102, par. 1, de la Constitution et décret présidentiel no 410/1995 relatif au «Code des municipalités et des communes»). La Constitution consacre la présomption de compétence en faveur des collectivités territoriales s’agissant de l’administration des affaires locales et elle assigne à la loi la tâche de déterminer le caractère et la portée des affaires locales, ainsi que leur répartition entre les différents échelons de l’administration locale.

11.Les affaires qui concernent un nombre limité de personnes sont qualifiées de «locales» en ce sens qu’elles mettent en jeu les intérêts (du point de vue social, culturel, spirituel, économique ou écologique) de citoyens relevant de la compétence des collectivités locales et la satisfaction de certains de leurs besoins essentiels. Aux termes du paragraphe 1 de l’article 102 de la Constitution, l’exercice des compétences constituant une mission de l’État peut être confié par la loi aux collectivités territoriales. Selon la jurisprudence, il est admis que compte tenu de la déconcentration de l’administration, des compétences à l’échelon central ou régional peuvent être transférées aux collectivités locales, mais non l’inverse.

12.La révision constitutionnelle de 2001 a apporté certaines modifications dans ce domaine. La Constitution consacre désormais les collectivités locales du premier degré (municipalités et communes) et l’administration préfectorale du second degré. Avant même la révision constitutionnelle, la loi no 2218/1994 et d’autres lois pertinentes avaient mis en place l’administration locale du second degré, opérant au niveau des préfectures. L’administration des affaires préfectorales est du ressort général des autorités préfectorales. L’institution du préfet élu est relativement nouvelle dans l’ordre juridique grec, puisque les citoyens ont élu pour la première fois des notables locaux au niveau préfectoral en 1994. Il est à noter que le décret présidentiel no 133/1997 prévoit la participation des ressortissants d’États membres de l’Union européenne aux scrutins municipaux et préfectoraux.

13.La Constitution prévoit expressément l’autonomie administrative des collectivités territoriales, auxquelles elle confère en d’autres termes le pouvoir de passer par leurs propres organes administratifs pour parvenir à leurs objectifs. Les responsables des collectivités territoriales sont élus au suffrage universel et secret (art. 102, par. 2).

14.La Constitution établit en outre que l’État est tenu d’assurer les moyens de financement nécessaires aux collectivités territoriales − qui jouissent de l’autonomie financière − pour remplir leur mission (art. 101, par. 5).

15.Par ailleurs, la Constitution prévoit que les collectivités territoriales sont supervisées par les organes de l’administration centrale de l’État (art. 102, par. 4). Toutefois, cette supervision a pour objet exclusif de contrôler la légalité de leurs actes, sans préjudice de leur capacité d’initiative ni de leur liberté d’action.

16.Pour assurer le fonctionnement et l’action plus efficaces des collectivités territoriales du premier degré, il a été promulgué une loi prévoyant la mise en place d’associations de municipalités et de communes de vaste portée (loi no 2539/1997, intitulée «Établissement d’organes de l’administration locale du premier degré», dite aussi «Plan Ioannis Kapodistrias»).

B. Droit à l’utilisation et à l’exploitation librement et sans restriction des richesses et ressources naturelles

17.Les richesses et ressources naturelles de la Grèce peuvent être librement utilisées et exploitées par l’État aux conditions et dans les limites prévues par la Constitution et les lois pertinentes.

ARTICLES 2 ET 26: APPLICATION AU PLAN NATIONAL DU PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES ET INTERDICTION DE LA DISCRIMINATION

Interdiction de la discrimination

Principe général de l’égalité dans l’ordre juridique grec

18.Le principe général de l’égalité devant la loi est consacré par l’article 4, paragraphe 1, de la Constitution grecque, qui dispose que «Les Hellènes sont égaux devant la loi», et il s’impose au pouvoir législatif et au pouvoir judiciaire. Aux termes du paragraphe 1 de l’article 4, le principe de l’égalité implique non seulement le traitement égal des citoyens devant la loi, c’est‑à‑dire l’obligation pour les autorités d’appliquer la loi de manière non discriminatoire (égalité devant la loi), mais aussi l’obligation pour le législateur de traiter les situations essentiellement similaires de manière similaire, et les situations essentiellement différentes de manière différente, lorsqu’il élabore un instrument juridique (protection égale de la loi). Le Conseil d’État (la juridiction administrative suprême en Grèce) a fait valoir à maintes reprises que «conformément au principe de l’égalité …, les personnes qui se trouvent dans des conditions similaires sont traitées de manière similaire. Ce principe s’impose aux organes constitutionnels de l’État, c’est‑à‑dire au pouvoir législatif et à l’administration, lorsqu’il s’agit de réglementer différentes situations ou de prendre différentes mesures de caractère normatif. Toute violation de ce principe donne lieu à un examen devant les tribunaux».

19.La clause particulière du paragraphe 2 de l’article 5 de la Constitution complète le principe général de l’égalité devant la loi. Cette disposition établit l’égalité de droits des citoyens grecs et des étrangers. Aux termes de cette disposition, «Tous ceux qui se trouvent sur le territoire hellénique jouissent de la protection absolue de leur vie, de leur honneur et de leur liberté sans distinction de nationalité, de race, de langue, de convictions religieuses ou politiques. Des exceptions sont permises dans les cas prévus par le droit international.».

Bénéficiaires

20.Selon les termes du paragraphe 1 de l’article 4 de la Constitution, seuls bénéficient de ce droit les citoyens hellènes, ainsi que les personnes morales de droit privé d’origine nationale, mais pas les étrangers. Cela signifie que certaines formes de traitement différent des étrangers peuvent être acceptables, à la condition, toutefois, que le traitement en question ne soit pas interdit par les articles 14 de la Convention européenne des droits de l’homme et 2 et 26 du Pacte.

21.En principe, toute personne, indépendamment de sa nationalité, jouit des droits civils et sociaux garantis par la Constitution, sauf si la disposition constitutionnelle pertinente réserve un droit spécifique aux citoyens hellènes uniquement. C’est le cas des droits suivants: droit à l’égalité (art. 4), droit d’entrer dans le pays et d’en sortir librement (art. 5, par. 4), liberté de réunion (art. 11, par. 1), liberté d’association (art. 12), droit à l’instruction gratuite (art. 16, par. 4), droit de créer des partis politiques (art. 29, par. 1), droit de voter et d’être élu au Parlement (art. 51, par. 3, et art. 55).

22.Dans les cas précités, la Constitution n’interdit pas aux étrangers d’exercer des droits civils et sociaux et d’en jouir, mais elle préfère renvoyer les questions pertinentes au législateur commun. Dans tous les cas, le législateur doit prendre en compte les dispositions constitutionnelles garantissant la protection de la dignité humaine (art. 2) et la protection de la vie, de l’honneur et de la liberté de tous ceux qui se trouvent sur le territoire hellénique, sans distinction de nationalité (art. 5, par. 2), ainsi que les traités internationaux pour la protection des droits de l’homme dans la mesure où ces traités ne font pas de distinction entre ressortissants nationaux et étrangers. Lorsqu’il n’y a pas de disposition de loi particulière, celle‑ci devant en outre être conforme à la Constitution ainsi qu’aux traités internationaux, l’administration ne peut pas interdire l’exercice d’une activité par des ressortissants étrangers.

23.Conformément à l’article 4 du Code civil, les étrangers ont les mêmes droits civils que les citoyens grecs.

24.En ce qui concerne le critère de la citoyenneté pour pouvoir accéder aux fonctions publiques, voir l’article 25 du Pacte.

Dispositions particulières en faveur de certaines catégories de personnes

25.Comme déjà expliqué, le principe de l’égalité implique que les situations essentiellement similaires sont traitées de manière similaire, et les situations essentiellement différentes de manière différente. Certains critères de différenciation sont prévus par la Constitution elle‑même, souvent en relation avec la protection de certains droits sociaux importants. Ainsi, l’article 21, paragraphe 1, prévoit la protection de la famille, du mariage, de la maternité et de l’enfance. Aux termes de la Constitution, certaines catégories de personnes méritent une protection particulière, à savoir les personnes handicapées, les familles nombreuses, les personnes souffrant d’une maladie incurable corporelle ou mentale, etc. (art. 21, par. 2, 3, 5 et 6). La jurisprudence des tribunaux montre que les critères de différenciation cités sont effectivement appliqués, dans l’intérêt des personnes concernées.

26.Tout traitement différencié doit être fondé sur des critères raisonnables et objectifs ou être justifié par des circonstances spéciales ou d’autres raisons spécifiques dans l’intérêt général.

27.Un traitement différencié est également autorisé sur la base de critères locaux et temporels. C’est ainsi qu’une différenciation pour les pensions est autorisée en fonction du nombre d’années de service (critère temporel). Les critères locaux mentionnés doivent favoriser les principes de la décentralisation et de l’administration locale. Toutefois, les critères de différenciation ne peuvent pas être de pure coïncidence.

28.L’Areios Pagos, ou Cour suprême civile et pénale, admet que toute disposition réglementaire favorable soit étendue à toutes les personnes qui, bien que dans une situation essentiellement similaire, ne pourraient pas en bénéficier sans justification raisonnable. Cette jurisprudence, qui concerne divers domaines tels que l’égalité des hommes et des femmes, les prestations sociales, les salaires, etc., est en fait appliquée non seulement par les tribunaux civils, mais aussi par le Conseil d’État, les tribunaux administratifs ordinaires, la Cour suprême spéciale et la Cour des comptes. Dans sa jurisprudence la plus récente, le Conseil d’État a accepté l’extension des dispositions réglementaires favorables non seulement sur la base du principe de l’égalité, mais aussi au nom d’autres dispositions constitutionnelles, comme celles relatives à la protection de l’institution de la famille (art. 21, par. 1), à la garantie de l’indépendance de la justice (art. 87, par. 1), et au droit à la protection de la justice (art. 20, par. 1) ainsi que des dispositions des traités internationaux relatifs aux droits de l’homme (telles que l’article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l’homme, et l’article premier du premier Protocole additionnel à ladite Convention).

29.Il est à noter que l’application effective du principe de l’égalité est renforcée par le fait que les tribunaux peuvent refuser d’appliquer toute disposition de loi qui viole le principe de l’égalité ou les dispositions pertinentes des conventions internationales qui établissent le principe de la non‑discrimination. C’est la Constitution elle‑même (art. 93, par. 4) qui autorise les tribunaux à ne pas appliquer une loi dont le contenu est contraire à la Constitution.

Adoption de mesures positives

30.La section du présent rapport consacrée à l’article 3 du Pacte contient des informations plus détaillées sur l’adoption de mesures positives pour assurer véritablement l’égalité des hommes et des femmes.

Aspects particuliers de l’égalité

31.Des aspects particuliers du principe de l’égalité sont considérés dans diverses dispositions de la Constitution:

a)En ce qui concerne l’égalité des hommes et des femmes, voir la section du présent rapport consacrée à l’article 3 du Pacte;

b)Le droit à une rémunération égale pour un travail de valeur égale est garanti par l’article 22, paragraphe 1 b), de la Constitution. Selon la jurisprudence de la Cour suprême spéciale, cette disposition est applicable uniquement aux personnes employées dans le secteur privé et non à celles employées dans le secteur public ni aux travailleurs indépendants et aux chefs d’entreprise. Au nom du principe de l’égalité, les contrats de travail doivent prévoir des conditions d’emploi et la fourniture de services similaires, ainsi que des qualifications similaires. Il est évident que les étrangers bénéficient eux aussi du droit à une rémunération égale;

c)L’égalité en matière fiscale signifie que tous les citoyens doivent contribuer aux charges publiques selon leurs facultés (art. 4, par. 5, de la Constitution);

d)L’article 4, paragraphe 6, de la Constitution prévoit l’égalité en matière de service militaire obligatoire. Sur la question du service de remplacement pour les objecteurs de conscience, voir la section du présent rapport relative à l’article 18 du Pacte.

Interdiction de la discrimination à l’encontre des étrangers

Remarques générales

32.Après que la Grèce se soit transformée rapidement d’un pays d’émigration traditionnelle en un pôle d’attraction pour les immigrants, les autorités compétentes ont fait de grands efforts pour moderniser et rationaliser l’ancien cadre législatif de la politique d’immigration, qui était relativement inadéquat. La nécessité de prendre des mesures spéciales pour les nombreux travailleurs migrants résidant en Grèce depuis plusieurs années était pressante. En outre, il fallait mettre en place des procédures explicites et transparentes pour la délivrance et le renouvellement des permis de séjour, d’une part, et pour la protection des droits des migrants, d’autre part. Ces raisons ont amené le Parlement à adopter la loi no 2910/2001 sur l’immigration, ayant pour objet de mettre en œuvre une politique d’immigration plus rationnelle.

33.L’application de la loi en question a révélé certains problèmes pratiques et structurels. Le Ministère de l’intérieur, de l’administration publique et de la décentralisation a entrepris, en sa qualité d’autorité compétente chargée d’appliquer la politique d’immigration, de modifier progressivement le cadre législatif actuel afin, d’une part, d’harmoniser totalement le droit interne avec le droit communautaire et, d’autre part, de régler certaines questions touchant l’application du principe de la non‑discrimination, la réglementation des aspects concernant certaines catégories de migrants et la satisfaction des exigences légitimes des migrants qui travaillent légalement en Grèce.

34.En outre, le Ministère de l’intérieur, de l’administration publique et de la décentralisation, en coopération avec les régions du pays, a engagé une procédure pour l’enregistrement des travailleurs migrants et le développement d’une base de données pertinentes, ainsi que pour la délivrance d’un titre de séjour uniforme avec une vignette adhésive apposée sur le passeport ou autre document de voyage valide, conformément aux dispositions du règlement no 1030/2002 des CE.

35.Diverses mesures en faveur des migrants ont déjà été prises par plusieurs entités ou organisations. On mentionnera, en particulier, les projets dans le cadre de l’initiative communautaire EQUAL 2001‑2006, les projets d’éducation interculturelle, les programmes d’apprentissage du grec pour les migrants adultes, les projets pour faciliter l’accès aux services de santé des migrants en situation régulière et l’aide d’urgence pour les migrants qui sont en situation irrégulière dans le pays ou qui sont dépourvus de couverture sociale.

36.En outre, une politique globale d’intégration sociale des migrants est en cours d’élaboration. Le Ministère de l’intérieur, de l’administration publique et de la décentralisation a conçu un plan d’action pour l’intégration sociale des migrants pour la période 2003‑2006 avec un budget d’environ 260 millions d’euros, financé au moyen de fonds publics et de ressources locales. Le plan d’action couvre les secteurs prioritaires indicatifs suivants:

Information, conseils et services;

Développement et promotion des possibilités d’intégration des travailleurs migrants dans le marché du travail en Grèce;

Rapprochement culturel entre la société grecque et les groupes de migrants et amélioration des possibilités de formation offertes aux migrants;

Amélioration des services de santé et de prévention en matière de santé à l’intention des migrants;

Création de structures d’appui pour pouvoir rapidement accueillir et héberger temporairement les migrants;

Études, appui technique et administratif.

37.Le Ministère de l’intérieur, de l’administration publique et de la décentralisation est en contact permanent avec les organisations de migrants dans le pays afin de défendre leurs droits et de clarifier leurs obligations. Il a été organisé depuis 2001 trois conférences avec la participation de représentants des organisations de migrants et sous la supervision politique des ministères compétents.

Emploi

38.Comme déjà expliqué, conformément à l’article 4 du Code civil, les ressortissants étrangers jouissent des mêmes droits civils que ceux reconnus aux citoyens grecs.

39.Les ressortissants d’autres États membres de l’UE ont, conformément au droit communautaire tel que mis en œuvre en particulier par les décrets présidentiels nos 499/1987 et 545/1983, le droit de circuler et de séjourner librement en Grèce aux mêmes conditions que celles exigées des citoyens grecs.

40.Les ressortissants d’États non membres de l’UE qui détiennent un permis de travail jouissent des mêmes droits en matière de travail et ont les mêmes obligations que les travailleurs grecs s’agissant de la rémunération, des conditions de travail, des droits à la sécurité sociale et des autres obligations financières conformément à la législation en vigueur.

41.Aux termes de la loi no 2910/2001, les travailleurs étrangers résidant légalement en Grèce sont obligatoirement affiliés aux organismes de sécurité sociale dès leur premier jour de travail, et les dispositions réglementaires en matière de protection sociale s’appliquent aux étrangers au même titre qu’aux citoyens grecs.

42.Le système grec de sécurité sociale protège les personnes assurées contre tous les risques de sécurité sociale (vieillesse, invalidité, décès, maladie, maternité, accidents du travail et maladies professionnelles, chômage et allocations familiales).

43.En outre, conformément à l’article 7 de la loi no 1264/1982 relative aux droits syndicaux, les étrangers qui travaillent légalement en Grèce ont le droit de participer aux syndicats.

44.Les autres mesures donnant effet au principe de la non‑discrimination à l’égard des travailleurs migrants ainsi que des réfugiés sont décrites dans le rapport initial de la Grèce au Comité des droits économiques, sociaux et culturels.

Éducation

45.Les étrangers mineurs qui résident sur le territoire grec doivent suivre une scolarité obligatoire d’une durée minimum de neuf ans, tout comme les jeunes Grecs (art. 40, par. 1, de la loi no 2910/2001). À tous les niveaux de l’enseignement, les étrangers mineurs ont accès à toutes les activités scolaires ou pédagogiques. Aux termes de l’article 40, paragraphe 3, de la même loi, les étrangers mineurs ci‑après peuvent être inscrits dans les écoles publiques même s’ils n’ont pas tous les papiers nécessaires:

a)Les enfants des étrangers protégés par l’État grec en qualité de réfugiés ou ceux des étrangers protégés par le Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés;

b)Les enfants des étrangers qui viennent de régions où les conditions sont difficiles;

c)Les enfants des personnes ayant demandé le statut de réfugié;

d)Les enfants des étrangers qui résident en Grèce bien que les modalités légales de leur séjour dans le pays n’aient pas encore été réglées.

46.Compte tenu du nombre croissant d’étudiants avec des spécificités multiculturelles, le Ministère de l’éducation nationale et des religions a édicté la loi no 2413, qui est entrée en vigueur en 1996. C’est à partir de cette loi que peuvent être prises des actions concrètes permettant de faire face aux besoins en matière d’éducation des groupes avec des particularités sociales, culturelles ou religieuses. En vertu de cette loi, un secrétariat pour l’éducation grecque à l’étranger et l’éducation interculturelle a été fondé en 1996. En 2000, on a créé l’Institut pour l’éducation grecque à l’étranger et l’éducation interculturelle, chargé de fournir des services consultatifs techniques au Ministère. Depuis, et à partir de l’expérience tirée des actions entreprises ces dernières années, le Ministère a pris d’autres mesures législatives pour améliorer et développer l’enseignement interculturel, compte tenu des besoins apparus depuis la promulgation de la loi no 2413/1996.

47.On dénombre à l’heure actuelle 27 établissements d’enseignement interculturel en Grèce: 13 écoles élémentaires, 8 écoles secondaires du premier cycle et 6 établissements du second degré. Ces écoles garantissent des opportunités égales à tous les élèves sans aucune forme de discrimination et elles apportent au système éducatif grec des perceptions pédagogiques contemporaines. Tous ceux qui y enseignent reçoivent une formation spéciale et ceux qui sont appelés à y enseigner sont choisis en fonction de leur connaissance de l’enseignement interculturel et de leurs qualifications pour enseigner le grec comme deuxième langue ou comme langue étrangère.

48.D’autres mesures sont décrites dans le rapport initial présenté par la Grèce au Comité des droits économiques, sociaux et culturels.

Transposition dans l’ordre juridique grec des directives communautaires contre la discrimination

49.Le Ministère du travail, en coopération avec le Ministère de la justice, a déjà élaboré une loi qui transposera dans l’ordre juridique national la Directive 2000/43/CE du Conseil des CE du 29 juin 2000 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique, ainsi que la Directive 2000/78/CE du Conseil des CE du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail.

50.Le projet de texte, entre autres, désigne comme organismes chargés de promouvoir l’égalité de traitement entre toutes les personnes sans discrimination, comme l’exigent les directives précitées, le Bureau du médiateur (pour les affaires concernant l’administration) et l’Inspection du travail (en cas de discrimination en matière d’emploi et de travail). Il établit également un comité pour l’égalité de traitement rattaché au Ministère de la justice (lorsque l’auteur de l’infraction est une personne privée, en particulier dans le domaine de la fourniture de biens ou de services).

51.La transposition des directives précitées renforcera le cadre juridique existant, afin d’assurer une protection effective contre la discrimination directe ou indirecte.

Mesures pour améliorer les conditions de vie des Roms

52.L’amélioration des conditions de vie des Roms en Grèce est un souci majeur de tous les gouvernements de ce pays. Dans son rapport du 29 novembre 2001, la Commission nationale des droits de l’homme a défini la liste des mesures à adopter pour assurer à ce groupe social particulièrement vulnérable la protection juridique et sociale dont il a besoin. Ce rapport était axé sur les aspects suivants: marginalisation sociale des Roms, logement, services de santé adéquats, mise en place d’un système d’éducation adapté aux spécificités des Roms, cas de discrimination et de violence dirigées contre les Roms au niveau des communautés locales ou imputables aux agents de la force publique. Le médiateur a insisté à maintes reprises lui aussi sur la nécessité d’assurer aux Roms des conditions de vie décentes, en particulier dans les domaines du logement, des soins de santé et de la protection sociale, afin de faciliter leur intégration dans la société grecque et d’améliorer le niveau d’éducation des enfants roms. Une coopération entre autorités centrales et autorités locales et une prise de conscience dans la société civile des problèmes des Roms au niveau local sont indispensables.

53.Ces dernières années, les institutions publiques et les organisations non gouvernementales ont mis en place des programmes et des initiatives en vue de l’intégration sociale des Roms.

54.À partir de l’expérience acquise avec la mise en œuvre des précédents plans (cadre national de politique et mesures en faveur des Roms grecs, 1997‑2001, avec des initiatives d’un montant total de 17 087 513 euros), un plan d’action intégré pour l’insertion sociale des Roms grecs est exécuté par un comité interministériel coordonné par le Ministère de l’intérieur, de l’administration publique et de la décentralisation.

55.Les objectifs de ce plan d’action intégré sont l’élimination des disparités sociales, la promotion de la justice sociale et l’intégration sociale des Roms grecs, par le biais d’une approche intégrée et d’une coopération entre les ministères concernés et les autorités locales.

56.Le plan d’action porte sur une durée de sept ans (2002‑2008) et sera exécuté en deux phases. La première phase, d’une durée de deux ans, a déjà été menée à bien.

57.Les objectifs du plan sont les suivants:

Assurer l’égalité des citoyens;

Promouvoir la prise de conscience des communautés locales, des Roms et de toutes les institutions concernées afin d’éliminer les préjugés et de promouvoir la solidarité sociale;

Lutter contre l’exclusion sociale;

Encourager les Roms à participer aux actions qui les concernent et les aider à prendre part à la vie sociale;

Intégrer les Roms au marché du travail et les aider à acquérir des compétences et des qualifications sur le plan social et technique;

Promouvoir la création de réseaux (locaux et régionaux) pour appuyer l’intégration des Roms.

58.Les principes fondamentaux sont les suivants:

Respecter la culture et le mode de vie des Roms;

Encourager, renforcer et appuyer la participation active des Roms à tous les projets;

Promouvoir la coopération entre les organismes concernés aux niveaux local et régional;

Respecter et comprendre le point de vue de la société locale qui a été appelée à jouer un rôle important dans l’intégration sociale des Roms.

59.Les priorités du plan d’action intégré sont les suivantes:

60.«Priorité 1: Infrastructure». L’objectif est de s’attaquer aux problèmes de logement des Roms au moyen d’un ensemble de mesures et d’initiatives passant par une approche individuelle et touchant tous les aspects des infrastructures de logement.

61.Les interventions dans le cadre de la priorité 1 sont organisées comme suit:

Mesure 1:Création de nouveaux sites d’établissement;

Mesure 2:Amélioration des logements existants;

Mesure 3:Amélioration des sites d’établissement existants;

Mesure 4:Création d’infrastructures de campement pour les gens du voyage.

62.«Priorité 2: Services». L’objectif fondamental est de s’attaquer aux graves problèmes des Roms en Grèce et de favoriser leur intégration sociale grâce à un ensemble de mesures et d’initiatives distinctes.

63.Les interventions relevant de la priorité 2 sont les suivantes:

Mesure 1:Fourniture de services par des équipes de coopération (Mesure subsidiaire 1.1: Appui − formation − emploi; Mesure subsidiaire 1.2: éducation).

Mesure 2:Fourniture de services par les autorités locales (Mesure subsidiaire 2.1: Santé − protection sociale; Mesure subsidiaire 2.2: Culture; Mesure subsidiaire 2.3: Sports; Mesure subsidiaire 2.4: Formation des adultes).

64.Le plan d’action intégré est cofinancé par des fonds publics (ressources autonomes centrales, plan d’investissement public, budget ordinaire) et par des ressources locales (programmes régionaux et sectoriels du troisième Plan‑cadre d’appui communautaire).

65.Le budget total du plan est de 308 144 000 euros. Le budget de la première phase des interventions est chiffré à 96,8 millions d’euros.

66.Il a été créé aux niveaux régional et central des comités ad hoc chargés du suivi du plan d’action. Ces comités sont constitués d’experts, d’un représentant du Cabinet du Premier Ministre, de membres des institutions centrales et locales et de représentants de la Communauté rom et de la Confédération panhellénique des Roms grecs. La Direction générale des projets de développement du Ministère de l’intérieur, de l’administration publique et de la décentralisation s’occupe également des questions concernant les Roms.

Rapport d’étape sur la mise en œuvre du plan d’action

Logement

67.L’objet des interventions est de procurer un logement à tous les Roms grecs. Durant la première phase du plan intégré, priorité est mise sur les éléments suivants:

Intégration et amélioration des sites d’établissement existants;

Acquisition de terres;

Création de 20 nouveaux sites d’établissement au minimum;

Création de réseaux d’infrastructure.

68.Les chantiers entrepris ont été achevés dans 31 camps de Roms nomades (dont 4 sites d’établissement permanent), et de nouveaux ensembles de logements préfabriqués ou d’habitations de type permanent sont en construction.

69.Des sites d’établissement permanent ont été créés dans les municipalités suivantes:

Didimotiho (52 maisons);

Sofades (84 maisons);

Serres (25 maisons);

Menemeni (24 maisons).

70.Il a été attribué 1 260 logements préfabriqués entre 1997 et 2001 et 265 autres en 2002 à plus de 6 000 Roms qui vivaient jusqu’alors dans des baraques ou des tentes. Il est prévu de fournir 914 autres logements préfabriqués.

71.Entre 1997 et 2001, le Ministère de l’intérieur a financé des travaux d’infrastructure et des activités d’appui pour un montant de 17 millions d’euros. En 2002, le budget de ces activités a atteint 4,8 millions d’euros. En 2003, il s’est chiffré à 2,4 millions d’euros et le montant des ressources consacré aux travaux et aux activités devrait atteindre 4,6 millions d’euros en 2004. Le Ministère construit aussi des espaces de jeux dans 20 sites d’établissement.

72.Une procédure en vue de la création de nouveaux sites d’établissement permanent a été engagée dans sept municipalités.

73.En outre, des prêts au logement à des conditions favorables, garantis par le Ministère des finances, sont mis à la disposition des Roms grecs. Il a été créé à l’intention des familles Roms sans logement un fonds spécifique qui doit permettre d’accorder 4 500 prêts hypothécaires d’un montant de 60 000 euros chacun. Sur les 6 396 demandes déjà reçues, 50 % ont été examinées et 1 551 prêts ont été accordés.

Éducation − formation

74.L’objectif essentiel est d’intégrer tous les enfants Roms dans le système d’éducation.

75.Entre 1998 et 2001, il a été entrepris un plan d’éducation dans 30 régions où vivent des Roms. Le plan prévoyait la formation de 3 000 enseignants, la production de matériels pédagogiques spéciaux, un soutien aux élèves pour leur permettre de suivre le programme d’enseignement normal, l’organisation de cours intensifs pour pallier les retards et la sensibilisation des parents et des communautés locales. Il a permis de faire passer la proportion d’enfants roms scolarisés dans le primaire de 25 % à 75 % en 2000.

76.En 2002, ce programme a été incorporé dans le plan d’action intégré. Il a été étendu à toutes les régions où vivent des Roms et ses activités ont été enrichies.

77.Le taux d’abandon scolaire élevé parmi la population rom pose de gros problèmes aux autorités. Pour y faire face et pour assurer la scolarisation de tous les enfants roms afin de faciliter (dans une grande mesure) leur intégration dans la société, il a été mis en place les politiques/mesures suivantes:

La «carte de transit scolaire» a été créée pour tenir compte des besoins des élèves qui se déplacent avec leur famille. Cette carte permet aux autorités compétentes d’inscrire le jeune à l’école à tout moment de l’année et de garder trace des notes et des dossiers le concernant; surtout, elle encourage le jeune à continuer à aller à l’école dans son nouveau site d’établissement;

Classes d’induction (classes qui fonctionnent durant les heures d’école et que peuvent suivre les élèves roms, quand ils ne peuvent pas s’intégrer aux classes ordinaires). L’objectif de l’enseignement, comme pour les jeunes étrangers, est d’intégrer les jeunes Roms dans l’enseignement ordinaire. On dénombrait, en 2001‑2002, 110 classes primaires de ce type, fréquentées par 1 972 élèves. Durant la même année scolaire, le nombre total d’enfants roms scolarisés dans le primaire a atteint 6 304, alors qu’il ne dépassait pas 5 060 en 1997;

Programme de soutien psychosocial et renforcement de l’identité culturelle des étudiants (utilisation de la musique et de la danse, programmes d’hygiène personnelle, information sur les programmes de santé, conseil familial, etc.). Des services de conseil sont mis à la disposition des élèves et de leur famille afin d’informer les Roms de leurs droits et de leurs devoirs envers l’État et, en même temps, d’encourager les contacts avec les autorités et les services publics locaux dans les domaines qui les concernent. En outre, il s’agit d’insister sur l’importance d’une hygiène quotidienne scrupuleuse et de faire comprendre à ces personnes que la santé et l’éducation sont deux impératifs primordiaux pour leur propre avenir et pour celui de leurs enfants. Il est fourni des conseils spécifiques sur le soutien à apporter aux enfants à la maison après la journée scolaire et sur ce qu’il faut faire pour rester en contact avec les enseignants;

Matériels pédagogiques spécialisés, adaptés à la culture et aux particularités sociales et linguistiques des Roms (pour la langue, la lecture, l’écriture, les mathématiques, les nouvelles technologies, la géographie, l’histoire, les sciences naturelles, l’environnement, etc.);

Conseils aux autorités locales (comment aller à la rencontre des Roms, comment les intégrer, etc.). Les programmes de sensibilisation qui s’adressent aux communautés locales, aux autorités et aux parents d’élèves non roms ont pour premier objectif de faciliter l’acceptation et l’accueil des enfants roms et de leurs parents dans le système d’éducation ou dans l’environnement local en favorisant le respect et la prise en compte de la diversité, leur second objectif étant de faciliter l’intégration des Roms à l’école et dans la société.

78.Les avancées ci-après méritent aussi d’être mentionnées:

5 000 enseignants dans tout le pays ont été formés à l’éducation des Roms;

Quatre ateliers de musique ont été créés pour enseigner la musique traditionnelle aux étudiants roms.

79.Les jeunes Roms sont encouragés à effectuer les neuf années de scolarité obligatoire.

80.La première phase du plan d’action intégré prévoit environ 130 cours préparatoires pour l’intégration systématique des enfants roms dans l’enseignement, des programmes de formation de maîtres et la préparation de matériels pédagogiques.

81.Dans la première phase du nouveau plan, il est envisagé les actions suivantes:

Mise en œuvre de plans d’éducation intégrée à l’intention de 600 Roms adultes;

Formation de 150 Roms adultes à l’expression orale et écrite en grec;

Formation de 150 Roms adultes à des aspects tels que la santé, l’éducation des enfants, etc.

82.Il n’existe pas pour les Roms d’écoles spéciales, mais seulement des services de formation préparatoire et de soutien pédagogique.

83.Toutes les pratiques et mesures citées concernent l’éducation des Roms. Mais comme l’on considère que ceux‑ci font partie de la masse des étudiants grecs, toutes les mesures et initiatives prises pour développer la fréquentation scolaire et pour prévenir l’abandon scolaire s’adressent également à la population rom en âge d’être scolarisée. Il est donc évident que les étudiants roms bénéficient de ces initiatives ainsi que des projets et des programmes exécutés en milieu scolaire sur certains thèmes tels que l’éducation pour la santé, les services de conseil, l’enseignement professionnel, l’éducation en matière d’environnement, etc.

Santé

84.Au cours de la période 1997‑2001, le Ministère de la santé et de la protection sociale, les administrations préfectorales et les organisations non gouvernementales ont exécuté des programmes de vaccination dans des campements Roms.

85.Le plan d’action intégré comporte un plan d’intervention dans les domaines de la santé publique, de la médecine préventive, de la vaccination, etc. La première phase du plan prévoit l’organisation de tests de prévention (tests sanguins, tests PAP, etc.) par une antenne médicale mobile du Ministère de la santé et de la protection sociale. Cette antenne est déjà intervenue dans 42 sites d’établissement et il est prévu qu’elle se rende dans toutes les autres régions où vivent des Roms.

86.Au cours de cette première phase, il est prévu 50 antennes de soutien médico-social qui interviendront en priorité là où des projets de sédentarisation sont entrepris. Des unités de ce type sont déjà opérationnelles dans le secteur de Gonos (Thessalonique) et dans la municipalité de Karditsa, et des préparatifs sont en cours en vue de leur intervention dans 11 régions du pays.

Emploi

87.Dans le domaine de l’emploi, l’objectif est d’intégrer les Roms grecs dans le marché du travail ainsi que de prévenir et d’éliminer le chômage.

88.Entre 1997 et 2001, il a été exécuté 100 programmes d’emploi‑formation, dont ont bénéficié 1 800 personnes selon les estimations. Le plan d’action intégré prévoyait l’exécution d’un programme avec préformation professionnelle, formation professionnelle, services de soutien et assistance pour la recherche d’un emploi qui s’adressait aux Roms. Un programme similaire sera exécuté dans le cadre du troisième Plan‑cadre d’appui communautaire (programme sectoriel emploi‑formation).

Centres de soutien pour les Roms et leurs enfants

89.Des services concernant l’éducation, l’emploi, la santé et le logement sont fournis par des centres de conseil dans une dizaine de municipalités (Agia Varvara, Ilio, Menemeni, Sofades, Karditsa, Examilia Korinthias, Nea Ionia, Volos, Etoliko, Serres, Aharnes, etc.). Le nouveau plan prévoit la mise en place de centres similaires dans 20 régions supplémentaires.

Culture

90.L’objectif primordial est de protéger et promouvoir le patrimoine culturel des Roms.

91.Au cours de la période 1997‑2001, le Ministère de la culture a créé une section spéciale chargée des questions touchant le patrimoine culturel des Roms, qui relève de la Direction de la culture populaire.

92.En outre, un programme d’ateliers musicaux et photographiques est mené depuis 1999 dans certaines régions (Ilio, Agia Varvara).

93.Dans le cadre du plan d’action intégré, ce programme a été développé et il sera étendu à toutes les régions où résident des Roms, en priorité là où des projets de sédentarisation sont entrepris.

94.En outre, des centres culturels seront mis en place dans 40 sites d’établissement. Chaque centre culturel comportera deux espaces distincts: un espace pour les enfants et les jeunes, où ils pourront exprimer leur créativité, et un lieu de réunion pour les adultes. Ces espaces serviront à des activités culturelles ou musicales et des ateliers de photographie, ainsi que comme point de départ pour des visites de musées et autres activités.

Sports

95.L’objectif dans ce domaine est de faire participer tous les Roms et leurs enfants aux activités sportives au même titre que les autres citoyens. Des programmes d’activités sportives de masse ont été réalisés par le Secrétariat général aux sports en coopération avec les autorités locales. Il a été organisé une vingtaine de ces activités en 1999 et une trentaine en 2000.

96.Le plan d’action intégré prévoit la réalisation de programmes dans les 52 secteurs où vivent des Roms. On estime qu’il sera entrepris 175 activités différentes et que 2 000 personnes en bénéficieront.

97.Au cours de la période 2002‑2003, 74 activités organisées par le Secrétariat général aux sports ont été réalisées dans 15 préfectures du pays.

98.En même temps, des manifestations athlétiques spéciales avec la collaboration de champions olympiques ont été organisées. Un programme de ce type a déjà été exécuté dans la région de Zefiri et d’autres sont prévus dans les municipalités d’Aharnon et d’Aspropirgos.

99.Le Secrétariat général aux sports a financé la construction d’un centre athlétique d’une superficie de 27 000 m2 dans la zone urbaine d’«Avliza», dans la municipalité d’Aharnon.

Programmes spéciaux pour les groupes vulnérables

100.L’Agence grecque pour l’emploi (OAED) s’attache à éliminer toutes les formes de discrimination en matière d’emploi fondée sur le sexe, l’origine nationale, la religion, la race ou la couleur. À cet effet, elle a entrepris, et entend poursuivre, des programmes spéciaux de primes pour l’emploi pour aider et protéger les travailleurs qui ont plus de difficultés pour accéder au marché du travail et s’y maintenir que d’autres personnes. Plus spécifiquement, durant la période 2000‑2002 il a été élaboré et mis en œuvre des initiatives spéciales pour éliminer les obstacles et combattre la discrimination à l’encontre des personnes appartenant à des groupes vulnérables. Ces programmes étaient soit nationaux, soit coparrainés par l’Union européenne.

101.En ce qui concerne l’égalité de chances et la promotion de l’accès de tous − indépendamment de l’origine nationale, de la religion, de la race, de la couleur ou de l’âge − au marché du travail, il a été pris de nombreuses mesures en faveur des personnes appartenant à des groupes vulnérables tels qu’immigrants, Grecs rapatriés, réfugiés et personnes présentant des particularités culturelles et religieuses, ainsi qu’en faveur des personnes de 45 à 64 ans.

102.L’Initiative européenne «EQUAL» pour la période 2000‑2006 devrait permettre d’améliorer la situation des personnes appartenant à des groupes vulnérables sur le marché du travail. Cette initiative a pour but d’introduire certains changements radicaux en matière d’emploi. Cofinancée par le Fonds social européen (FSE) et par des fonds nationaux, elle a pour objectif de promouvoir de nouvelles politiques d’emploi en vue d’éliminer la discrimination dont sont victimes les groupes vulnérables sur le marché du travail.

103.Les bénéficiaires en sont les jeunes, les femmes, les personnes handicapées, les travailleurs peu qualifiés, les Grecs rapatriés, les immigrants, les réfugiés, les détenus libérés récemment, les jeunes délinquants, les Roms et les personnes réhabilitées. Les ressortissants de pays tiers ou les personnes apatrides ayant demandé l’asile peuvent bénéficier de l’Initiative tant que leur demande suit son cours et jusqu’à l’achèvement du programme de formation auquel on les fait participer.

Sanctions en cas de traitement discriminatoire en matière d’emploi

104.Aux termes de l’article 16 de la loi no 2639/1998, intitulé «Réglementation des relations du travail, établissement de l’Inspection du travail et autres dispositions», tout employeur qui viole les dispositions de la législation du travail encourt les sanctions suivantes, imposées sur décision motivée de l’inspecteur du travail compétent:

a)Amende de 147 euros à 8 800 euros pour chaque infraction;

b)Fermeture temporaire de la société ou de l’entreprise ou de sa branche pendant une durée maximum de trois (3) jours. La fermeture peut être supérieure à une durée de trois jours ou devenir permanente si l’inspecteur du travail compétent le demande et si le Ministre du travail et de la sécurité sociale le décide. La demande et la décision doivent toutes deux être dûment motivées.

105.Avant d’imposer les sanctions administratives précitées, il est tenu compte de la gravité de l’infraction, du refus réitéré de se conformer aux directives des organes compétents, des infractions similaires antérieures ayant donné lieu à des sanctions et du caractère intentionnel. En outre, les peines maximum mentionnées ci-dessus à l’alinéa a peuvent être aggravées par décision du Ministre du travail et de la sécurité sociale, avec publication obligatoire au Journal officiel. En cas de défaut d’application par l’employeur, même après intervention de l’Inspection du travail, la victime peut saisir les tribunaux.

Effet horizontal des droits garantis par le Pacte

106.La question de savoir si les droits civils sont opposables non seulement à l’État, mais aussi aux personnes privées (effet horizontal des droits civils, ou «Drittwirkung»), a fait l’objet de larges débats en Grèce. Les auteurs font une distinction entre l’effet horizontal direct, où certains droits constitutionnels sont directement applicables aux relations entre parties privées et directement opposables aux personnes privées, créant ainsi une obligation erga omnes en cas d’atteinte aux droits civils, et l’effet horizontal indirect, où il y a pénétration indirecte des droits constitutionnels dans la sphère privée à travers les clauses générales de droit privé.

107.La question est expressément traitée dans la révision constitutionnelle récente de 2001, ce qui démontre son importance dans l’ordre juridique grec. Plus précisément, aux termes de l’article 25, paragraphe 1, de la Constitution révisée, des droits constitutionnels peuvent aussi s’appliquer aux relations entre les personnes privées qu’ils concernent. Il est donc expressément prévu la possibilité d’un effet horizontal non seulement des droits constitutionnels, mais aussi et en général, conformément à la doctrine constitutionnelle, de tous les droits de l’homme, y compris ceux consacrés par les conventions internationales pertinentes telles que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

108.La disposition constitutionnelle ne précise pas à quelles relations spécifiques entre les personnes privées s’applique l’effet horizontal. Mais il est évident qu’il s’agit essentiellement du domaine de l’emploi et d’autres relations de pouvoir. Avant même la révision de la Constitution, il était incontestable − et incontesté − que certains droits constitutionnels au moins avaient un effet horizontal. Mais la disposition expresse à ce sujet insérée dans la Constitution codifie tout à fait la situation et a une signification symbolique importante.

109.Les parties auxquelles il appartient de sauvegarder et de respecter les droits constitutionnels sont définies séparément par chaque disposition constitutionnelle, suivant la nature du domaine réglementé. Certains droits peuvent donc avoir un effet erga omnes, tandis que d’autres ne sont opposables qu’à l’État. Il faut pour cela déterminer s’il peut y avoir manquement à un droit constitutionnel, dans la pratique, par des personnes privées et tenir compte du contenu de la disposition en cause.

Application dans l’ordre interne

Incorporation du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dans l’ordre juridique interne

110.Les aspects pertinents sont traités dans les paragraphes 52 à 59 du «Document de base faisant partie intégrante des rapports des États parties» de la Grèce (HRI/CORE/1/Add.121, 7 octobre 2002).

Application directe du Pacte par les tribunaux grecs

111.La pratique de la Grèce en ce qui concerne l’application directe du Pacte par les tribunaux peut être résumée comme suit:

112.Les tribunaux grecs:

a)Reconnaissent la primauté des dispositions du Pacte sur le droit interne et leur applicabilité directe;

b)Contrôlent si les dispositions du droit interne, y compris les lois adoptées par le Parlement, sont conformes aux dispositions précitées;

c)Interprètent le droit interne afin d’assurer que celui-ci est conforme au Pacte, en prenant également en considération les dispositions et principes constitutionnels pertinents.

De plus amples détails sont fournis dans les paragraphes 60 à 67 du document de base mentionné.

113.Les tribunaux grecs se réfèrent de plus en plus systématiquement aux dispositions du Pacte, surtout dans les affaires mettant en cause le droit à un procès équitable, la liberté de la presse, la protection de l’honneur et de la réputation, le principe ne bis in idem, etc. Des détails sont fournis sous les articles pertinents du Pacte.

114.Il est certain que l’information et la formation des membres de l’appareil judiciaire sont primordiales pour promouvoir la mise en œuvre d’un instrument international relatif aux droits de l’homme. En ce qui concerne le Pacte, le Ministère de la justice a lancé une campagne pour le diffuser immédiatement après sa ratification. Par sa circulaire 25497 du 1er mars 1997, il a informé les présidents et les procureurs des cours d’appel et des tribunaux de première instance, ainsi que les présidents des barreaux, de la publication au Journal officiel de la loi portant ratification du Pacte (loi no 2462/1997). La circulaire faisait particulièrement référence à l’article 11 du Pacte. Par sa circulaire 64127 du 30 mai 1997, le Ministère a notifié aux autorités précitées ainsi qu’aux directeurs des établissements pénitentiaires l’entrée en vigueur du Pacte. Dans sa circulaire 9, du 28 décembre 2000, le Procureur de l’Areios Pagos notait ce qui suit: «J’aimerais saisir cette occasion pour faire observer que les dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme, ainsi que celles du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, ratifié par la loi no 2462/1997, ont une incidence importante sur l’application de nombreuses dispositions de notre droit positif et de notre droit procédural, qui se rapportent au contenu des droits civils et à leur exercice. Cela oblige tous les membres de l’appareil judiciaire à réfléchir à la compatibilité des dispositions applicables du droit interne avec les prescriptions de ces conventions internationales. Les procureurs des cours d’appel, dans le cadre de leurs fonctions de surveillance, doivent veiller à ce que tous les membres de l’appareil judiciaire soient informés de tous les aspects soulevés par l’application de ces conventions internationales, et indiquer toute incompatibilité éventuelle entre un acte officiel et l’esprit des conventions.».

115.Le Département de la formation de l’École nationale de la magistrature a organisé, entre novembre 2000 et octobre 2001, quatre séminaires sur le thème «L’incidence de la Convention européenne des droits de l’homme sur l’interprétation et l’application du droit grec». Durant ces séminaires, auxquels ont participé 235 membres de l’appareil judiciaire, il a aussi été fait abondamment et spécifiquement référence aux dispositions pertinentes du Pacte.

116.En conclusion, il n’est pas exagéré de dire que la mise en œuvre des conventions internationales pour la protection des droits de l’homme en général et du Pacte en particulier s’inscrit dans un environnement particulièrement positif, dans la mesure où l’ordre juridique grec reconnaît la primauté de ces instruments sur le droit interne et leur application et leur opposabilité directes, et exige de tous les tribunaux qu’ils refusent d’appliquer les dispositions du droit interne dont le contenu est incompatible avec les traités internationaux.

Droit à un recours utile − Régimes d’indemnisation et de réhabilitation

117.Voir les paragraphes 9 à 34 du document de base de la Grèce.

Institution nationale chargée de veiller au respect des droits de l’homme

118.Le législateur grec, répondant au besoin pressant et impératif de notre temps d’améliorer la protection des droits civils et politiques, a conçu des institutions spéciales et créé des autorités et commissions indépendantes à cet effet.

119.Les principales autorités indépendantes sont les suivantes:

a)Le Conseil national de l’audiovisuel, créé par la loi no 1866/1989;

b)L’Office de la protection des données personnelles, créé par la loi no 2472/1997;

c)Le Bureau du médiateur, créé par la loi no 2477/1997;

d)L’Autorité indépendante pour la protection du secret de la correspondance et des télécommunications, créée par la loi no 3115/2003.

120.Il faut insister particulièrement sur le fait que le nouvel article 101A de la Constitution et d’autres dispositions plus spécifiques garantissent constitutionnellement l’institution d’autorités indépendantes. Les autorités expressément nommées dans la Constitution sont: le Conseil national de l’audiovisuel (art. 15, par. 2); l’Office de la protection des données personnelles (art. 9A); l’Autorité indépendante pour la protection du secret de la correspondance et des télécommunications (art. 19, par. 2); le Bureau du médiateur (art. 103, par. 9); et le Conseil suprême pour la sélection du personnel (art. 103, par. 7).

121.Les membres des autorités indépendantes jouissent des garanties propres à l’indépendance personnelle et fonctionnelle; ils sont nommés sur décision de la Conférence des présidents parlementaires, qui se prononce à l’unanimité ou tout au moins à la majorité qualifiée des quatre cinquièmes de ses membres, comme prévu au paragraphe 2 de l’article 101A de la Constitution.

122.La mise en place de ces autorités indépendantes s’est révélée extrêmement positive. Le médiateur a beaucoup contribué à améliorer les relations entre les citoyens et l’administration et il a aidé les citoyens dans de nombreux aspects de leur vie quotidienne. L’Office de la protection des données personnelles et le Conseil national de l’audiovisuel ont eux aussi enregistré des résultats positifs dans leurs domaines de compétence respectifs.

123.La Commission nationale des droits de l’homme est tout particulièrement importante. Cette institution statutaire, fondée par la loi no 2667/1998, joue un rôle consultatif auprès des autorités pour les questions touchant la protection des droits de l’homme. Sa création répondait à la nécessité de suivre la situation en ce qui concerne la protection des droits de l’homme aux niveaux national et international, d’informer la population sur les questions des droits de l’homme et, surtout, de donner des conseils aux autorités en vue de la mise en place d’une politique de protection des droits de l’homme moderne et fondée sur certains principes. La source d’inspiration pour créer la Commission nationale des droits de l’homme a été les Principes de Paris de 1991 adoptés par l’Organisation des Nations Unies et par le Conseil de l’Europe.

124.La Commission nationale des droits de l’homme est une institution totalement indépendante, puisque aucun de ses membres n’est nommé par le Gouvernement. Les trois membres du présidium de la Commission nationale (un président et deux vice‑présidents) sont membres de la Commission et élus par celle‑ci. Tous les membres de la Commission représentent les institutions, les milieux professionnels, les milieux universitaires et les ONG et ils sont désignés par ces institutions ou organisations. Parmi ces membres figurent des représentants de sept ministères, qui n’ont pas le droit de vote aux sessions plénières de la Commission.

125.Aux termes de la loi no 2667/1998, par laquelle elle a été créée, la Commission a les attributions fondamentales suivantes:

Étude des questions relatives aux droits de l’homme soulevées par le Gouvernement, par la Convention des Présidents du Parlement, par les membres de la Commission ou par des organisations non gouvernementales;

Présentation de recommandations et de propositions, élaboration d’études, présentation de rapports et d’avis sur les mesures législatives, administratives ou autres propres à contribuer à une meilleure protection des droits de l’homme en Grèce;

Élaboration d’initiatives pour sensibiliser l’opinion publique et les médias aux problèmes de respect des droits de l’homme;

Promotion du respect des droits de l’homme dans le cadre du système national d’éducation;

Coopération et contacts permanents avec les organisations internationales, les organismes similaires d’autres pays ainsi que les organisations non gouvernementales nationales ou internationales;

Avis consultatifs sur les rapports soumis par la Grèce aux organismes internationaux de défense des droits de l’homme;

Publication des positions de la Commission sous toute forme appropriée;

Préparation d’un rapport annuel sur la protection des droits de l’homme en Grèce;

Création d’un centre de documentation sur les droits de l’homme;

Étude des moyens d’harmoniser la législation grecque avec les normes juridiques internationales pour la protection des droits de l’homme, et présentation d’avis à ce sujet aux autorités publiques compétentes.

126.Les rapports de la Commission sont communiqués à titre de suivi à tous les ministères concernés. Un certain nombre des recommandations présentées dans les rapports de la Commission ont été adoptées par les autorités compétentes.

ARTICLE 3: ÉGALITÉ DES SEXES

127.La Constitution grecque de 1975 établit le principe de l’égalité entre les hommes et les femmes.

128.Plus précisément, l’article 4, paragraphe 2, dispose ceci: «Les hommes et femmes hellènes ont des droits égaux et des obligations égales.».

129.Outre la disposition constitutionnelle générale mentionnée, l’article 22, paragraphe 1, de la Constitution dispose que «Tous les travailleurs, indépendamment de leur sexe ou d’autre distinction, ont droit à une rémunération égale pour tout travail accompli de valeur égale.».

Garantie constitutionnelle des mesures d’action positive et élimination des dispositions législatives dérogeant au principe de l’égalité des sexes

130.Le principe de l’adoption de mesures d’action positive a acquis récemment une dimension constitutionnelle. Aux termes du paragraphe 2 de l’article 116 de la Constitution tel que révisé, «l’adoption de mesures positives de promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes ne constitue pas une discrimination fondée sur le sexe. L’État œuvre à l’élimination des inégalités existantes, et particulièrement de celles qui sont au détriment des femmes.». Cet aspect important de la révision constitutionnelle est le résultat d’une action coordonnée d’organisations non gouvernementales, et notamment d’organisations de femmes. Il faut noter que, dans sa version précédente, le paragraphe 2 de l’article 116 prévoyait des «dérogations» au principe de l’égalité de traitement «pour des justes raisons et dans les cas expressément prévus par la loi». Ces dérogations étaient censées être dans l’intérêt des femmes, mais dans la réalité elles leur étaient souvent défavorables, malgré la jurisprudence tendant à en limiter l’effet. Depuis la révision constitutionnelle, ces dérogations ne sont plus admises.

131.Dès avant la révision constitutionnelle, en 1998, le Conseil d’État avait affirmé la nécessité de prendre des mesures positives afin d’arriver à une réelle égalité des sexes et considéré que les politiques d’action positive étaient conformes à la Constitution. Le Conseil d’État a estimé que «dans les cas où l’on constate qu’une certaine catégorie de personnes a été victime de discrimination en raison de préjugés sociaux, si bien que l’application stricte du principe de l’égalité n’aboutirait qu’à un simulacre d’égalité tout en consolidant et en perpétuant dans la réalité les inégalités existantes, l’adoption par le législateur (…) des mesures positives appropriées et nécessaires en faveur de ces catégories (…), jusqu’à l’instauration d’une égalité réelle, est pleinement conforme à l’esprit du principe constitutionnel de l’égalité. Par conséquent, si de telles conditions existent, l’adoption de mesures positives en faveur des femmes visant à accélérer l’instauration d’une égalité effective entre hommes et femmes n’est pas contraire à la Constitution».

132.Plus précisément, le Conseil d’État a estimé que les quotas restrictifs limitant le nombre de femmes admises à l’École de police et à l’École des cadres de l’armée étaient contraires au principe de l’égalité. D’après cette jurisprudence, fixer des quotas restrictifs pour l’admission des femmes à ces écoles sans raison suffisante justifiant cette discrimination constituait une violation du principe constitutionnel de l’égalité des hommes et des femmes dans l’accès à différentes professions. Récemment, le Conseil d’État, dans une affaire relative à l’admission des femmes dans le Corps des gardes frontière, a confirmé que les quotas limitant le nombre de femmes étaient contraires à la Constitution et a ajouté que le texte révisé de l’article 116, paragraphe 2, de la Constitution n’autorisait plus de dérogation au droit individuel à l’égalité entre les hommes et les femmes, en particulier pour ce qui concerne l’accès à l’emploi et à la formation en vue d’un emploi.

133.Dans une autre affaire, le Conseil d’État siégeant en plénière a jugé que la disposition de l’article 29 de la loi no 2085/1992, imposant qu’une femme au moins remplissant les conditions prévues par la loi siège aux conseils de service des fonctionnaires, n’était pas contraire à la Constitution et était bien conforme à l’article 4, dans la mesure où la disposition s’inspirait de la nécessité de prendre des mesures d’action positive en faveur des femmes.

134.Pour les mesures d’action positive dans le domaine des droits politiques et la jurisprudence en la matière du Conseil d’État, voir la section du rapport consacrée à l’article 25 du Pacte.

135.De plus, le Parlement grec a adopté la loi no 2839/2000, dont l’article 6 dispose que, dans les conseils de gestion des organismes d’État, des organismes du secteur public et des collectivités territoriales, le nombre de membres de l’un ou l’autre sexe ne doit pas être inférieur à un tiers du nombre de candidats proposés conformément aux dispositions en vigueur, sous réserve que l’organisme en question compte parmi son personnel un nombre suffisant de personnes répondant aux conditions prévues par la loi pour pouvoir faire candidature. Par ailleurs, en cas de nomination ou de recommandation par l’administration publique à des organes du secteur public ou à des collectivités territoriales en vue de la constitution de conseils de gestion ou d’autres organes collectifs de gestion des organismes du secteur public ou des collectivités territoriales, la proportion de personnes de l’un ou l’autre sexe nommées ou recommandées, conformément aux dispositions en vigueur, ne doit pas être inférieure à un tiers. Le but de cet article est de garantir une représentation équilibrée des hommes et des femmes dans les organes de décision de l’administration publique, des organismes du secteur public ainsi que des collectivités territoriales du premier et du second degré.

136.Enfin, il faut préciser que l’article 31, paragraphe 1, tel que révisé de la Constitution prévoit ceci: «Peut être élue Président de la République toute personne qui est citoyen hellène depuis au moins cinq ans, est Hellène d’origine par son père ou par sa mère, a 40 ans révolus et possède le droit de vote.».

137.Les principes établis dans la Constitution ont conduit à l’adoption de lois importantes concernant la famille, l’éducation et l’égalité dans les relations de travail et dans le domaine de la sécurité sociale. Ces lois, adoptées dans le cadre de l’harmonisation de la législation grecque avec les conventions internationales et les Directives de la Communauté européenne, ont considérablement amélioré la position des femmes dans la société grecque. Les exemples récents cités ci‑après sont intéressants à cet égard.

138.La loi no 2913/2001, élaborée par le Ministère de la défense nationale, prévoit l’élimination de toutes les formes de discrimination contre les femmes s’agissant de l’admission dans les écoles militaires.

139.La loi no 3103/2003 prévoit l’abolition des quotas limitant le nombre de femmes pouvant être admises dans les écoles de police. La loi no 3181/2003 prévoit l’abolition des mêmes quotas pour la nomination de femmes aux fonctions de garde frontière.

140.De plus, la législation grecque a été modifiée pour tenir compte des Directives européennes en vigueur. Ces directives garantissent le principe de l’égalité des sexes. Pour plus de précisions, on peut se reporter aux rapports de la Grèce présentés au Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes. À cet égard, on mentionnera deux autres mesures adoptées récemment.

141.Le décret présidentiel no 105/2003 a harmonisé la législation grecque avec les dispositions de la Directive 97/80/CE relative à la charge de la preuve dans les cas de discrimination fondée sur le sexe.

142.Le décret en question est applicable à tous les personnels, aussi bien du secteur public que du secteur privé. Il est applicable aussi dans les cas visés par la Directive 75/117/CEE, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l’application du principe de l’égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins et par la Directive 76/207/CEE, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail. Ces directives ont été incorporées dans le droit interne grec par la loi no 1414/1984.

143.L’article 4 du décret mentionné prévoit le renversement de la charge de la preuve, en dérogation aux règles ordinaires de procédure, dans tous les cas de traitement discriminatoire. Autrement dit, si la personne lésée établit qu’elle a fait l’objet d’une discrimination directe ou indirecte, la charge de la preuve en justice revient au défendeur. Celui‑ci doit apporter une preuve suffisante du fait qu’il n’a pas enfreint le principe de l’égalité. Ce renversement de la charge de la preuve n’est pas applicable dans le cas d’une procédure d’office engagée par le tribunal. En matière pénale, la question de la charge de la preuve ne se pose pas en raison de l’application du principe de la présomption d’innocence .

144.Le décret présidentiel no 41/2003 a modifié et complété les dispositions du décret présidentiel no 176/1997 afin d’harmoniser la législation grecque avec les dispositions de la Directive 92/85/CEE, «concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail». Ces modifications étaient les suivantes:

a)Extension de l’application du décret présidentiel no 176/1997 au personnel des forces armées et des forces de l’ordre ainsi qu’au personnel domestique;

b)Modifications des définitions figurant à l’article 2 du décret présidentiel pour ce qui concerne l’adoption de mesures positives par l’employeur pour les catégories de travailleuses mentionnées;

c)Remplacement des articles 8 (congé de maternité) et 11 (droits dans le cadre du contrat de travail).

145.Par ailleurs, le Conseil d’État a estimé que les dispositions en matière de congé de maternité prévues par la législation pertinente pour les femmes au bénéfice d’un contrat de travail dans le secteur privé ou public sont également applicables aux femmes employées dans l’administration de la justice. De plus, le Conseil d’État a exclu l’application du paragraphe 2 de l’article 2 de la Directive 76/207, lequel admet des dérogations au principe de l’égalité.

Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes

146.La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes a été ratifiée le 30 mars 1983 et est entrée en vigueur le 30 avril 1983 (loi no 1342/1983).

147.Le premier rapport de la Grèce, soumis en 1986, contenait toutes les informations pertinentes pour la période comprise entre 1981 et 1985. Les deuxième et troisième rapports couvraient la période 1986‑1994, et les quatrième et cinquième rapports contenaient des informations portant jusqu’à 1999. La Grèce doit présenter son sixième rapport au Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes avant le 7 juillet 2004.

148.Il convient de noter que la Grèce a déjà ratifié le Protocole facultatif à ladite Convention par la loi no 2952/2001.

Mécanismes de promotion de l’égalité

Secrétariat général pour l’égalité des sexes

149.Le Secrétariat général pour l’égalité des sexes a été établi par la loi no 1558/1985 en tant qu’organe compétent pour la promotion et la mise en œuvre effective de l’égalité des sexes en droit et en pratique, dans tous les secteurs (politique, économique, social, culturel). Il fait partie du Ministère de l’intérieur, de l’administration publique et de la décentralisation.

Centre de recherche sur les questions d’égalité (KETHI)

150.Le Centre de recherche sur les questions d’égalité (KETHI) est un organe juridique de droit privé qui dépend du Secrétariat général pour l’égalité des sexes du Ministère de l’intérieur, de l’administration publique et de la décentralisation. Les missions du KETHI sont, premièrement, de mener des travaux de recherche sociale sur les questions d’égalité des sexes et, deuxièmement, d’améliorer la condition féminine et de contribuer à la promotion des femmes dans tous les domaines de la vie politique, économique et sociale, dans le cadre des politiques définies par le Secrétariat général pour l’égalité des sexes.

151.Le KETHI comprend:

a)Un service de documentation, avec un système intégré d’information sur l’emploi et la formation professionnelle des femmes, et

b)Un service d’information, qui propose des informations et des conseils en matière d’emploi et d’intégration sociale. Ce service compte cinq antennes, situées dans la capitale et dans quatre autres grandes villes.

Comités régionaux pour l’égalité

152.La loi no 2839/2000 (art. 6, par. 2), adoptée sur proposition du Secrétariat général pour l’égalité des sexes, a établi 13 comités régionaux pour l’égalité, présents dans toutes les capitales des régions.

Comité interministériel pour l’égalité des sexes

153.Le Comité interministériel pour l’égalité des sexes a été créé en 2000 par décision du Premier Ministre.

154.Le Comité interministériel est chargé des tâches suivantes:

a)Prendre les décisions nécessaires pour promouvoir la politique nationale pour l’égalité des sexes dans le cadre des directives de l’Union européenne et des politiques en la matière des organisations internationales, afin d’intégrer cette dimension de promotion de la parité dans l’ensemble de l’action publique;

b)Assurer la coordination entre les ministères et les autres organismes du secteur public pour mettre au point des politiques et des mesures concernant les femmes aux niveaux central, régional et local;

c)Apporter un appui aux ministères et aux organismes du secteur public pour l’élaboration d’initiatives législatives et pour la mise en œuvre de mesures spécifiques pour les femmes;

d)Élaborer le Plan d’action annuel pour l’égalité afin de mettre au point une politique intégrée dans le cadre du troisième Plan‑cadre d’appui communautaire et surveiller l’exécution des initiatives et des mesures prévues dans ce plan;

e)Superviser, suivre et évaluer quantitativement et qualitativement les politiques mises en œuvre;

f)Assurer la publication des décisions en matière d’égalité des sexes.

155.À la fin de 2003, le Comité interministériel présentera une évaluation intérimaire du Programme d’action national pour l’égalité (2001‑2006).

Comité parlementaire permanent pour l’égalité et les droits de l’homme

156.Le Comité parlementaire permanent pour l’égalité et les droits de l’homme a été créé conformément au nouveau mandat du Parlement, en vigueur depuis janvier 2002.

157.La mission de ce comité est d’examiner les questions relatives à la promotion et au respect par les pouvoirs publics du principe de l’égalité des sexes dans les domaines de l’éducation, de la famille et autres institutions sociales, et de proposer des solutions appropriées. Le Comité traite en particulier des questions relatives à l’emploi et au respect et à la protection des droits de l’homme, en application des articles 4, paragraphe 2, et 116, paragraphe 2, de la Constitution.

Mesures visant à promouvoir l’égalité des chances

158.Le Plan d’action national pour l’égalité (2000‑2006) du Comité interministériel définit les politiques et les actions prioritaires du Secrétariat général pour l’égalité des sexes.

159.Le Plan d’action national pour l’égalité constitue la stratégie‑cadre pour la prise en compte des questions d’égalité des sexes dans toutes les politiques et actions menées par les pouvoirs publics. Il a notamment permis de définir des objectifs en matière d’égalité et d’élaborer des mesures précises en vue de la réalisation de ces objectifs.

160.La stratégie‑cadre nationale reflète les quatre objectifs de la Stratégie‑cadre communautaire en matière d’égalité entre les femmes et les hommes (2001‑2005), ainsi que les principes fondamentaux de la Déclaration sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes de l’ONU (Programme d’action de Beijing, 1995). Les objectifs du Plan d’action national sont les suivants:

a)Promotion de l’égalité des sexes dans la vie économique;

b)Promotion de la participation et de la représentation égales dans les domaines politique, social et économique;

c)Promotion de l’égalité d’accès aux droits sociaux et de l’application égale des droits sociaux pour les hommes et les femmes;

d)Promotion de l’évolution des rôles sociaux et des stéréotypes concernant l’un et l’autre sexes.

Égalité des droits en matière de nationalité

161.Toutes les dispositions du Code de la nationalité de nature discriminatoire en fonction du sexe ont été modifiées par la loi no 1438/1984.

162.La loi mentionnée instaure une égalité complète entre hommes et femmes en ce qui concerne l’acquisition, le changement et la conservation de la nationalité grecque. De plus, elle dissocie l’acquisition ou la perte de la nationalité grecque du mariage. Ainsi, toutes les discriminations existant dans le décret législatif no 3370/1995 («loi relative à la nationalité») ont été abolies. La femme est considérée au sein de la communauté nationale et sociale comme une personne autonome et indépendante dont la nationalité n’est pas liée à celle de son mari.

163.Aux termes de l’article 4 de la loi no 1438/1984, «le mariage n’entraîne pas l’acquisition ou la perte de la nationalité grecque».

164.En ce qui concerne la nationalité des enfants, la loi no 1438/1984 donne exactement les mêmes droits aux femmes et aux hommes. Elle dispose dans son article premier, paragraphe 1, que «l’enfant de père ou de mère grec acquiert la nationalité grecque au moment de sa naissance». Cette disposition consacre le jus sanguinis en Grèce. Indépendamment de tout autre facteur (origine, mariage, etc.), l’enfant de père ou de mère grec acquiert donc la nationalité grecque à la naissance.

165.Le paragraphe 2 du même article consacre également le jus soli: en effet, tout enfant né sur le territoire grec et n’ayant pas acquis à la naissance une autre nationalité, ou de nationalité inconnue, acquiert la nationalité grecque.

166.La loi régit dans le même esprit d’égalité et sans aucune forme de discrimination tous les cas d’acquisition de la nationalité grecque.

Les femmes dans le système pénitentiaire

167.Le nouveau Code pénitentiaire (loi no 2776/1999) est entré en vigueur le 24 décembre 1999. Ce code, de même que le code antérieur (loi no 1851/1989), instaure une pleine égalité de traitement entre hommes et femmes détenus, sans aucune forme de discrimination.

168.Plus précisément:

Tout traitement discriminatoire des détenus, notamment au motif de leur race, de la couleur de leur peau, de leur origine nationale ou sociale, de leur religion, de leur fortune ou de leurs croyances idéologiques, est interdit. Un traitement spécial peut être admis lorsqu’il est justifié par la situation juridique ou la situation de fait du détenu. Un traitement spécial est prévu pour les personnes en attente d’un procès, aux détenus mariés, aux jeunes détenus, aux femmes, aux détenus handicapés ou aux personnes ayant des besoins particuliers, ou pour des raisons liées aux croyances religieuses ou autres des détenus. Le traitement spécial est toujours favorable aux détenus et vise à répondre aux besoins spéciaux résultant d’une situation particulière;

Les femmes sont détenues dans des centres de détention qui leurs sont réservés, ou dans des sections expressément réservées aux femmes. Dans ce dernier cas, aucune communication avec les détenus des autres sections n’est permise;

Les règlements et les programmes appliqués dans les centres de détention réservés aux femmes ou dans les sections réservées aux femmes dans les autres centres de détention sont adaptés aux besoins spécifiques de leur sexe;

Une zone du centre de détention ou de la section du centre de détention réservé aux femmes doit être spécialement aménagée pour recevoir les mères accompagnées de leurs enfants de moins de 3 ans. Les enfants plus âgés sont admis dans des institutions de protection de l’enfance placées sous le contrôle du Ministère de la santé et des affaires sociales et du Ministère du travail et de la sécurité sociale, si le magistrat compétent estime, après avoir entendu les parents, que l’enfant ne peut pas être pris en charge par sa famille;

Les mères accompagnées d’enfants en bas âge doivent dans tous les cas être détenues dans des cellules individuelles d’au moins 40 m3, aménagées de façon appropriée;

Au cours de la procédure d’admission dans le centre de détention, le détenu fait l’objet d’une fouille à corps et d’une fouille de ses affaires personnelles, effectuée dans un lieu ménageant son intimité, et de façon à ne pas porter atteinte à sa dignité. La fouille est effectuée par au moins deux agents du même sexe que le ou la détenu(e);

Les centres de détention réservés aux femmes doivent compter dans leur personnel un gynécologue.

Violence à l’égard des femmes − Mesures de lutte contre la traite des êtres humains

169.Dans le cadre de ses compétences en matière de promotion de l’égalité en Grèce, le Secrétariat général pour l’égalité des sexes s’est fixé comme priorité la lutte contre la violence à l’égard des femmes.

170.Ainsi, depuis 1988, il existe à Athènes, un centre d’aide aux femmes battues auquel peuvent recourir les femmes victimes de violences pour un soutien psychologique et une aide juridique. Un centre du même type existe au Pirée depuis 1999. De plus, depuis 1993, il existe un refuge pour les femmes battues et leurs enfants, géré en collaboration avec la municipalité d’Athènes. Ce refuge accueille à titre provisoire des femmes victimes de violences, ainsi que leurs enfants.

171.En 1999, à la suite d’une initiative du Secrétariat général pour l’égalité des sexes, il a été jugé nécessaire d’établir un comité interministériel de lutte contre la violence à l’égard des femmes. Des représentants des ministères compétents (Ministère de l’ordre public, Ministère de la justice, Ministère de la santé et des affaires sociales) et des experts issus du monde universitaire ou représentant des organisations de femmes participent à ce comité.

172.Le Comité a compétence pour proposer des dispositions législatives et des amendements de lois visant à prévenir et à combattre le phénomène de la violence à l’égard des femmes. Il a également compétence pour recenser les institutions pouvant accueillir et aider les femmes victimes de violences.

173.La législation grecque réprime la violence à l’égard des femmes au moyen de plusieurs dispositions qui visent de façon générale les atteintes à la vie et à l’intégrité de la personne, les atteintes à la liberté personnelle, à l’honneur et à la personnalité et les atteintes à la liberté sexuelle.

174.Il convient de préciser que la loi no 1419/1984 prévoit des poursuites d’office pour le crime de viol.

175.La loi no 3064/2002 relative à la lutte contre la traite des êtres humains, les atteintes à la liberté sexuelle, la pornographie impliquant des enfants et plus généralement l’exploitation de la sexualité à des fins économiques, ainsi qu’à l’aide aux victimes, constitue le cadre global de la lutte contre la traite des êtres humains. Pour plus de précisions, voir la section du rapport consacrée à l’article 8 du Pacte.

Égalité des sexes en matière d’emploi, de santé, d’aide sociale et de sécurité sociale

176.On trouvera dans les rapports présentés par la Grèce au Comité pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes une analyse détaillée de toutes les dispositions législatives relatives à l’égalité des sexes dans ces domaines.

177.Enfin, il convient de noter que la loi no 3089/2002 sur la reproduction assistée, qui réglemente l’insémination artificielle et en fixe les conditions, prévoit la possibilité d’une reproduction assistée pour les femmes célibataires.

ARTICLE 4: SUSPENSION DES DROITS

178.L’article 48 de la Constitution prévoit la suspension de certaines dispositions constitutionnelles garantissant les droits et libertés individuels. La disposition correspondante de la Constitution de 1975 a été modifiée à l’occasion de la révision de 1986. Les nouvelles dispositions imposent des conditions encore plus strictes pour que cette mesure exceptionnelle puisse être prise, les compétences du Parlement en la matière étant renforcées et celles du Président de la République, diminuées.

Droits individuels pouvant faire l’objet d’une suspension

179.La Constitution définit de façon limitative les droits individuels qui peuvent faire l’objet d’une suspension totale ou partielle, sur l’ensemble ou sur une partie du territoire grec. La suspension n’est autorisée que si les conditions préalables requises en vertu de l’article 48 sont réunies (voir ci‑après). Les conditions préalables sont plus strictes que celles qu’autorisent le Pacte et la Convention européenne des droits de l’homme, car le législateur constitutionnel n’a pas simplement défini les droits ne pouvant être suspendus, mais a dit de façon expresse et limitative quels droits pouvaient être suspendus. Naturellement, la Constitution grecque exclut également de cette procédure les droits intangibles au sens du Pacte.

180.Les droits pouvant faire l’objet d’une suspension sont les suivants:

Article 5, paragraphe 4 (interdiction de mesures administratives individuelles restreignant la liberté de mouvement ou d’établissement dans le pays et le droit d’y entrer et d’en sortir librement pour un citoyen grec);

Article 6 (droit à la sécurité de la personne);

Article 8 (droit d’être déféré devant un juge désigné par la loi);

Article 9 (droit à l’inviolabilité du domicile);

Article 11 (liberté de réunion);

Article 12, paragraphes 1 à 4 (liberté d’association);

Article 14 (liberté d’expression);

Article 19 (droit au secret de la correspondance et de toutes autres formes de communication personnelle);

Article 22, paragraphe 3 (droit des fonctionnaires et des agents des collectivités territoriales ou autres organismes de droit public de conclure des conventions collectives);

Article 23 (liberté de créer des syndicats et droit de grève);

Article 96, paragraphe 4 (interdiction de déférer des civils devant les tribunaux militaires de terre, de mer et de l’air);

Article 97 (jugement des crimes et des délits politiques par des tribunaux mixtes avec un jury).

Conditions préalables à la déclaration de l’«état de siège»

181.Le pays peut être déclaré en «état de siège» dans l’un des deux cas suivants:

a)Guerre ou mobilisation en raison de dangers extérieurs ou d’une menace imminente pour la sécurité nationale;

b)Coup d’état armé visant à renverser le régime démocratique.

182.Il convient de noter que la référence au cas de «troubles graves ou menace évidente pour l’ordre public et la sécurité en raison de dangers intérieurs» a été supprimée à l’occasion de la révision constitutionnelle de 1986.

Procédure de déclaration de l’«état de siège»

183.Dans les cas cités, le Parlement, par une résolution proposée à l’initiative du Gouvernement, instaure l’état de siège dans l’ensemble du pays ou sur une partie du territoire, crée des tribunaux spéciaux et suspend totalement ou partiellement les dispositions énumérées plus haut (art. 48, par. 1). La résolution du Parlement à cet effet doit être adoptée par une majorité des trois cinquièmes du nombre total des députés (art. 48, par. 6). La même résolution définit la durée d’application des mesures, qui ne saurait excéder 15 jours.

184.Si le Parlement ne siège pas, ou s’il est objectivement impossible de le convoquer à temps, les mesures décrites au paragraphe précédent sont prises par décret présidentiel sur proposition du Gouvernement. Le Gouvernement soumet son décret à l’approbation du Parlement dès que la convocation de celui‑ci est possible, et ce même si le mandat parlementaire est expiré ou si le Parlement a été dissous, et dans tous les cas au plus tard 15 jours après la publication du décret (art. 48, par. 2).

185.Les mesures décrites aux paragraphes précédents peuvent être prorogées tous les 15 jours, exclusivement par résolution du Parlement, lequel doit être convoqué même si son mandat est expiré ou s’il a été dissous (art. 48, par. 3).

186.Les mesures décrites aux paragraphes précédents sont levées automatiquement à l’expiration de la période prévue dans les dispositions constitutionnelles mentionnées, à moins d’avoir été prorogées par une résolution du Parlement, et dans tous les cas à la fin de la guerre si tel était le motif invoqué (art. 48, par. 4).

187.Dès lors que les mesures décrites aux paragraphes précédents entrent en vigueur, le Président de la République peut, sur proposition du Gouvernement, prendre des mesures d’ordre législatif pour faire face à une situation d’urgence ou rétablir dès que possible le fonctionnement normal des institutions constitutionnelles. Ces mesures doivent être soumises au Parlement pour ratification dans un délai de 15 jours à dater de leur promulgation ou de la convocation du Parlement en session. Si elles ne sont pas soumises au Parlement dans le délai prévu, ou si elles ne sont pas approuvées par celui‑ci dans un délai de 15 jours à compter de leur soumission, elles cessent d’avoir effet (art. 48, par. 5).

188.Pendant toute la durée d’application des mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence conformément aux dispositions citées, les articles 61 et 62 de la Constitution relatifs aux immunités parlementaires sont automatiquement applicables, même si le Parlement a été dissous ou si son mandat a expiré (art. 48, par. 7).

189.L’examen de la procédure constitutionnelle fait apparaître clairement que le Parlement a un rôle central, en ce qui concerne à la fois la déclaration de l’état de siège et l’approbation des mesures prises par l’exécutif dans ce cadre. La durée d’application expressément et strictement définie des mesures de suspension garantit aussi le respect des dispositions constitutionnelles pertinentes et interdit tout arbitraire de la part des autorités, et en particulier de l’exécutif.

Conséquences de la déclaration de l’«état de siège»

190.Lorsque le pays est déclaré en «état de siège», la loi pertinente promulguée en application de l’article 48 de la Constitution prend effet. Aux termes de cette loi (loi no 566/1977 relative à l’état de siège), «les pouvoirs dévolus aux autorités civiles en matière de protection de la sécurité de l’État, de maintien de l’ordre et de police sont exercés par les autorités militaires, dans la mesure où celles‑ci l’estiment nécessaire». Les autorités militaires ont donc le droit de prendre des mesures qui, en temps normal, seraient jugées attentatoires aux droits individuels garantis par la Constitution.

191.La suspension des libertés individuelles est autorisée exclusivement dans la mesure où elle est nécessaire pour parer au danger qui a entraîné la proclamation de l’«état de siège». Toutefois, la suspension des garanties constitutionnelles n’entraîne pas la suspension ou l’abolition des garanties instaurées par la législation ordinaire (c’est‑à‑dire le Code de procédure pénale), qui restent applicables sauf disposition contraire de la loi instaurant l’état de siège. De plus, la suspension de l’effet des dispositions constitutionnelles mentionnées n’entraîne pas la disparition automatique des relations juridiques protégées. Ainsi, il a été jugé que la suspension du droit de former des associations et des syndicats (art. 12 de la Constitution) n’entraînait pas la dissolution des associations et syndicats légalement constitués, mais seulement la suspension de leur protection constitutionnelle. Il va sans dire que les dispositions constitutionnelles interdisant la discrimination restent applicables. Enfin, les droits individuels fondamentaux ne peuvent en aucun cas être violés, comme il ressort des dispositions relatives à la protection de la valeur de l’être humain et à la garantie des droits de l’homme par l’État (art. 2, par. 1, et 25 de la Constitution), les garanties correspondantes ne pouvant être suspendues pour aucun motif.

192.Il n’y a pas eu de déclaration d’«état de siège» en Grèce depuis la chute de la junte militaire (1967‑1974) et la restauration du régime démocratique. La Constitution et la législation ordinaire prévoient des moyens de faire face à des dangers du même ordre que ceux visés par l’article 48 de la Constitution sans recourir à la suspension de certains droits individuels. Enfin, toute tentation de porter atteinte à l’ordre démocratique ou d’utiliser les dispositions constitutionnelles afin de légaliser ou de légitimer une telle atteinte est inconcevable dans la Grèce moderne.

ARTICLE 6 ET DEUXIÈME PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES: DROIT À LA VIE − PEINE DE MORT

Garantie constitutionnelle du droit à la vie

193.Le droit à la vie est garanti par l’article 5, paragraphe 2, de la Constitution, qui garantit une protection absolue de la vie de toute personne se trouvant sur le territoire grec, quelles que soient sa nationalité, sa race, sa langue et ses convictions religieuses ou politiques. L’obligation pour l’État de respecter et de protéger la vie de tout être humain découle également de son obligation de respecter et de protéger la dignité de tout être humain en vertu de l’article 2, paragraphe 1, de la Constitution. Bénéficient de ce droit toutes les personnes physiques qui se trouvent sur le territoire grec, sans aucune exception.

Abolition de la peine de mort

194.La peine de mort a été supprimée du Code pénal grec en 1993 (art. 33, par. 1, de la loi no 2172/1993). Lors de sa ratification du deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte, la Grèce, conformément à l’article 2 dudit Protocole, a formulé une réserve prévoyant l’application de la peine de mort en temps de guerre, à la suite d’une condamnation pour un crime de caractère militaire d’une gravité extrême, commis en temps de guerre, conformément aux dispositions du Code pénal militaire. La Grèce a aussi ratifié le Protocole no 6 de la Convention européenne des droits de l’homme (loi no 2610/1998), qui prévoit l’abolition de la peine de mort tout en permettant aux Parties contractantes de conserver dans leur législation une disposition prévoyant la peine de mort pour des actes commis en temps de guerre ou en cas de menace imminente de guerre.

195.Sur le plan de la législation interne, la peine de mort n’est prévue que dans le Code pénal militaire, et avec des restrictions importantes. Plus précisément, la peine de mort n’est prévue que pour des crimes de caractère militaire commis en temps de guerre, la prison à vie étant toujours prévue comme peine de remplacement. D’après l’article 8 du Code pénal militaire, le tribunal doit, avant d’imposer la peine de mort, évaluer le danger potentiel pour la sécurité du pays ou la capacité de combat de l’armée. Ce n’est qu’à ces conditions qu’un tribunal peut prononcer la peine de mort, sans en avoir bien sûr l’obligation.

196.De même, aux termes de l’article 7, paragraphe 3, alinéa b, de la Constitution révisée, «la peine de mort n’est pas prononcée, sauf dans les cas prévus par la loi pour les crimes perpétrés en temps de guerre et liés à la guerre».

197.Le 3 mai 2002, la Grèce a signé le Protocole no 13 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, relatif à l’abolition de la peine de mort en toutes circonstances. Par la suite, le Ministère de la défense nationale a élaboré un projet de loi, cosigné par le Ministre de l’intérieur, de l’administration publique et de la décentralisation et le Ministre de la justice, qui a été soumis au Parlement le 3 juillet 2003. Ce projet contient des dispositions portant modification des articles pertinents du Code pénal militaire afin d’harmoniser la législation en vigueur avec l’article premier dudit Protocole.

Port et usage d’armes à feu par les fonctionnaires de police

Nouveau cadre législatif

198.La loi no 3169/2003 relative au port et à l’usage d’armes à feu par les forces de police, à la formation dans ce domaine et autres dispositions a été publiée au Journal officiel en juillet 2003.

199.La question du port et de l’usage d’armes à feu par les forces de police constituait un grave sujet de préoccupation pour les autorités compétentes, ainsi que pour des organismes tels que la Commission nationale des droits de l’homme et certaines ONG. Le sentiment général était qu’une modernisation du cadre juridique en la matière s’imposait. Le régime juridique existant, en vigueur depuis des dizaines d’années, ne donnait pas satisfaction et n’était pas vraiment adapté à la forme libérale et démocratique du régime de gouvernement.

200.D’un autre côté, les dispositions du Code pénal grec relatives aux motifs justifiant l’usage d’armes à feu (légitime défense, nécessité, etc.) ne peuvent, en raison de leur nature et de leur objet, régir l’ensemble des situations où il y a usage d’armes à feu par la police. Enfin, il est nécessaire que la loi définisse de façon claire et précise dans quelles conditions il est légitime pour un policier de faire usage d’une arme à feu.

201.Comme le régime existant était insuffisant, désuet et imprécis, il y avait de graves incidents lors des interventions de police, donnant lieu à une remise en cause permanente, justifiée ou non, de la légalité de l’usage d’armes à feu par les fonctionnaires de police et amenant les policiers à hésiter à faire usage de leurs armes, même lorsque c’était absolument nécessaire en raison des circonstances.

202.Le Ministre de l’ordre public a demandé à la Commission nationale des droits de l’homme de présenter des observations sur les règles concernant le port et l’usage d’armes à feu par les fonctionnaires de police, afin de garantir la compatibilité du projet de loi avec les normes applicables en matière de droits de l’homme. La Commission, dans son rapport du 12 décembre 2002, a estimé que le projet en question allait dans le bon sens. Elle a suggéré de modifier plusieurs dispositions afin de les rendre mieux conformes aux principes de nécessité et de proportionnalité. Elle a également souligné la nécessité d’une formation systématique et intensive sur les droits de l’homme pour tous les policiers, avec une formation complémentaire par la suite.

203.La nouvelle loi vise à mettre en place un cadre juridique moderne, clair et fonctionnel, et à établir des relations de confiance entre les citoyens et les policiers. Les auteurs de la loi ont tenu compte du Code de conduite pour les responsables de l’application des lois de 1979 et aussi des Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois de 1990 adoptés par les Nations Unies.

204.Les principaux axes de cette nouvelle loi sont les suivants:

205.a)Définition des conditions dans lesquelles les fonctionnaires de police peuvent détenir et porter une arme à feu. La loi exige un entraînement adapté au type d’arme à feu utilisé et un examen d’aptitude physique et mentale. De plus, elle prévoit que, pour certaines missions auxquelles ils sont affectés pour des raisons de santé ou des raisons disciplinaires, les policiers ne sont pas autorisés en principe à porter une arme à feu. L’article 2, paragraphe 4, autorise les fonctionnaires d’administration et les officiers supérieurs à retirer au policier son arme à feu lorsque celui‑ci en a fait mauvais usage ou qu’il n’a pas respecté les règles de sécurité.

206.b)Définition des cas où l’usage des armes à feu est autorisé et principes directeurs (art. 3). Tous les cas d’usage des armes sont définis en fonction des principes de nécessité et de proportionnalité. D’après ces principes, avant de recourir à l’usage de son arme à feu, le fonctionnaire de police doit épuiser tous les moyens d’action moins violents. Si l’usage de l’arme est indispensable, il doit l’utiliser de manière à causer les blessures les moins graves possible. L’usage de l’arme à feu, même s’il est inévitable, ne doit pas provoquer un préjudice disproportionné. Dans certains cas, le policier est tenu de s’identifier et d’informer la personne visée de son intention d’utiliser son arme afin de donner à l’intéressé le temps de réagir, sauf si une telle sommation représente un danger disproportionné pour la vie ou l’intégrité physique du policier ou d’autres personnes, ou si elle paraît inadaptée ou inutile dans les circonstances.

207.L’article 3, paragraphe 4, traite des cas où des tirs de semonce et des tirs contre des objets sont autorisés.

208.Le paragraphe 5 du même article prévoit expressément les cas où un tir d’immobilisation est autorisé. Il s’agit soit de cas de légitime défense, avec infraction assortie de menace imminente à l’égard d’une personne ou infraction commise à main armée, soit de maîtriser des individus armés dans des circonstances où la vie d’une personne est en danger.

209.L’article 3, paragraphe 6, définit les cas où des tirs de neutralisation sont autorisés. Ce type de tir n’est autorisé que pour se défendre ou défendre une autre personne en cas de menace imminente de mort ou de blessure grave.

210.Au nom du principe constitutionnel protégeant la vie de toute personne se trouvant sur le territoire grec, le tir de neutralisation est assujetti aux principes de nécessité et de proportionnalité, ainsi qu’à une obligation d’évaluation préalable. Ainsi, aucun tir de neutralisation n’est admis pour empêcher un détenu de s’évader, car dans ce cas le principe de la protection de la vie prévaut sur le souci d’agir des autorités. De même, il n’est pas permis de tirer sur un individu qui vient de voler un sac à main ou de commettre une attaque à main armée dans un magasin, même si ce tir est le seul moyen possible de l’appréhender, car il risquerait d’être tué.

211.Il est interdit de procéder à un tir de neutralisation ou d’immobilisation dans les quatre cas suivants (art. 3, par. 7): a) s’il existe un risque important de blesser un tiers; b) en visant un groupe armé, s’il existe un risque de blesser des personnes non armées; c) en visant un mineur (un mineur étant toute personne âgée de moins de 18 ans), sauf s’il n’existe pas d’autres moyens d’écarter une menace de mort imminente; d) en visant un individu qui s’enfuit pour échapper à un contrôle opéré en vertu de la législation en vigueur.

212.De plus, le fait pour un fonctionnaire de police d’avoir utilisé son arme à feu en exécution d’un ordre inconstitutionnel manifestement illégal d’un supérieur ne constitue pas une justification.

213.Les fonctionnaires de police sont tenus de veiller par tous les moyens à faire un usage autorisé et justifié de leur arme conformément à leur code de déontologie. Le tribunal administratif de première instance de Thessalonique a estimé dans une affaire que la responsabilité civile de l’État était engagée, lui ordonnant de verser un dédommagement pécuniaire pour préjudice moral à la famille d’un étudiant tué par un coup de feu par un policier qui, par négligence grave, avait enfreint les règles d’utilisation des armes à feu.

214.Le paragraphe 10 du même article de la loi vise à prévenir tout cas d’impunité. Il impose expressément l’obligation de signaler aux autorités policières et judiciaires compétentes tout cas d’usage d’armes à feu par un fonctionnaire de police, afin que la justification légale de cet usage puisse être vérifiée.

215.c)Vérification de l’aptitude physique et mentale des fonctionnaires de police à porter une arme. L’article 4 impose aux commissions de santé compétentes, lorsqu’elles déterminent l’aptitude physique des fonctionnaires de police, à donner un avis spécifique sur leur aptitude à porter une arme. Il existe au sein du Service de santé de la police une commission spéciale chargée d’évaluer l’aptitude de tous les fonctionnaires de police à porter une arme à feu. Outre les tests psychodynamiques auxquels sont soumis tous les candidats avant leur admission à l’École de police, après cinq ans de service tous les policiers doivent subir cet examen d’aptitude. Ceux qui sont considérés comme non aptes à porter une arme à feu sont affectés à des fonctions excluant le port d’une arme à feu ou sont chargés de missions pour lesquelles le port d’une arme à feu n’est pas nécessaire. Pour l’application de cette procédure, des postes de psychiatre et de psychologue de la police ont été créés suivant les besoins.

216.Enfin, les dispositions transitoires prévoient que tous les fonctionnaires de police en service subissent les tests psychodynamiques précités et font l’objet d’une évaluation après cinq ans, afin d’éviter que les policiers qui n’y sont pas aptes portent une arme à feu.

217.d)Organisation systématique d’une formation de base et d’une formation continue à l’usage des armes à feu. Pour que les armes à feu soient utilisées correctement, il est nécessaire que les policiers suivent un entraînement adapté. Les dispositions en vigueur prévoient désormais qu’échouer aux épreuves de la formation aux armes à feu est un motif de renvoi des écoles de police. L’entraînement comporte des épreuves en conditions réelles et des simulations.

218.e)Des sanctions pénales graves sont prévues en cas de négligence dans la possession d’une arme à feu en particulier quand, du fait de cette négligence, l’arme à feu s’est trouvée en possession de tiers, dans les cas de remise illégale de l’arme à feu à des tiers, de détention illégale, de port illégal et de menace d’usage et d’usage illégaux de l’arme à feu (art. 6).

Traitement disciplinaire et pénal des plaintes pour usage inapproprié des armes à feu

219.Tous les responsables des services de la police grecque, à partir du niveau des directions, sont habilités à agir d’office, conformément aux dispositions du décret présidentiel 22/1996 relatif au Code de discipline des forces de police, dans tous les cas d’usage d’armes à feu par des fonctionnaires de police, même si plainte n’a pas été déposée. Les incidents sont immédiatement signalés à la Direction régionale des services de police, laquelle en réfère aux autorités compétentes à la Direction nationale.

220.Les obligations des services de police en la matière sont énoncées dans le règlement no 1/2001 du Directeur de la police. Plus précisément, un procès‑verbal est établi immédiatement après l’infraction ou l’incident et transmis, selon une procédure de priorité, aux services centraux dans un délai de trois heures au plus tard à compter du moment où les autorités policières sont intervenues. Ainsi, la Direction nationale de la police est immédiatement informée et les mesures nécessaires sont prises (ouverture d’une enquête administrative, lancement d’une procédure en vue de mesures de suspension, etc.). Il est à souligner que le Code précédent (règlement no 1/1985) prévoyait la même obligation et que, comme déjà indiqué, l’article 3, paragraphe 10, de la loi no 3169/2003 impose aux autorités policières et judiciaires compétentes de signaler tout incident impliquant l’usage d’armes à feu par des fonctionnaires de police.

221.Si des organisations internationales, des ONG ou d’autres organismes font part de préoccupations en relation avec l’utilisation d’armes à feu par des fonctionnaires de police, la Direction nationale de la police avise sans délai l’organisation en question, par écrit, des mesures prises et de leur résultat.

222.Au cours de la période 2000‑2003, 66 cas d’utilisation d’armes à feu par des fonctionnaires de police ont été signalés. Au cours de ces incidents, 40 personnes ont été blessées, dont 14 ont succombé à leurs blessures.

223.Plus précisément:

a)En 2000, 15 personnes ont été blessées (6 Grecs, dont 2 Roms, et 9 étrangers), et 6 d’entre elles ont succombé à leurs blessures (3 Grecs, dont 1 Rom, et 3 étrangers);

b)En 2001, 9 personnes ont été blessées (2 Grecs, dont 1 Rom et 7 étrangers), et 3 d’entre elles ont succombé à leurs blessures (1 Rom et 2 étrangers);

c)En 2002, 4 personnes ont été blessées (2 Grecs et 2 étrangers), dont 2 ont succombé à leurs blessures (1 Grec et 1 étranger);

d)En 2003, 12 personnes ont été blessées (7 Grecs, dont 1 Rom, et 5 étrangers), dont 3 ont succombé à leurs blessures (1 Grec et 2 étrangers).

224.Des enquêtes administratives avec dépositions sous serment ont été ordonnées pour chacun des incidents mentionnés. Sur les 66 cas d’usage d’armes à feu par des fonctionnaires de police signalés pendant la période 2000‑2003, dans 6 cas, des mesures disciplinaires ont été prises; dans 3 cas, la décision est en instance devant les organes judiciaires compétents; dans 14 cas, l’enquête est en cours (incidents survenus en 2003); et dans les cas restants, le dossier a été classé sur le plan disciplinaire, parce que la responsabilité des fonctionnaires de police n’était pas en cause.

225.L’affaire suivante est assez caractéristique: un citoyen grec d’origine rom est mort le 24 octobre 2001 à Zefyri (Attique) à la suite de blessures reçues. Il avait été blessé par balles par un fonctionnaire de police relevant de la Direction des équipes d’intervention de l’Attique. Le policier a affirmé avoir tiré parce que la victime, à qui les policiers avaient fait signe de s’arrêter pour un contrôle, ne s’était pas garée et avait essayé d’écraser les policiers avec sa voiture. Une enquête administrative avec dépositions sous serment a donc été effectuée. Le policier a été révoqué par la Commission disciplinaire secondaire et fait maintenant l’objet d’une procédure pénale.

226.Dans 23 des cas d’usage d’armes à feu, des poursuites pénales ont été engagées contre les policiers responsables. Deux d’entre eux ont été acquittés par les tribunaux pénaux compétents et l’un a été acquitté par l’organe judiciaire compétent. Les 20 cas restants sont en instance. Par ailleurs, 25 cas n’ont pas donné lieu à des poursuites pénales. Enfin, une action pénale a été engagée dans 18 cas. Dans 6 d’entre eux, le ministère public n’a pas donné suite, et pour les 12 cas restants, aucune information n’a encore été communiquée sur d’éventuelles poursuites pénales.

ARTICLE 7: INTERDICTION DE LA TORTURE ET AUTRES PEINES OU TRAITEMENTS CRUELS, INHUMAINS OU DÉGRADANTS

227.La Constitution grecque énonce, au paragraphe 2 de son article 7, que «les tortures, tous sévices corporels, toute atteinte à la santé ou contrainte psychologique, ainsi que toute autre atteinte à la dignité humaine sont interdits et punis, comme il est prévu par la loi». Il est intéressant de noter que cette disposition ne se réfère pas uniquement à la «torture», comme c’était le cas dans l’article correspondant de la Constitution de 1952, mais qu’elle élargit la portée de la protection constitutionnelle en prévoyant nommément d’autres formes de mauvais traitements. De plus, elle indique que le législateur doit ériger la torture en infraction pénale. Concrètement, différentes dispositions pénales ont été adoptées afin de sanctionner sévèrement les infractions visées. Il s’agit des dispositions prévues aux articles 137A, 137B, 137C et 137D du Code pénal (insérées par la loi no 1500/1984), selon lesquelles tout acte de violence ou infraction portant atteinte à la dignité humaine des détenus ou des prisonniers est considéré comme un crime et puni en tant que tel. En outre, les articles 239, 325 et 326 du Code pénal prévoient des sanctions en cas d’abus de pouvoir et de détention illégale. En plus d’éventuelles poursuites pénales, le Code de discipline de la police grecque prévoit le renvoi des services de police de tout fonctionnaire qui par ses actes ou sa conduite a porté gravement atteinte à la dignité de quelqu’un (art. 9 du décret présidentiel no 22/1996). Les ordres d’un supérieur ou d’une autorité publique, ou encore la nécessité, ne constituent pas des causes d’exclusion d’illicéité d’un acte de torture. De même, les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ordonnés par l’autorité publique ou commis avec son consentement sont inacceptables.

228.Par ailleurs, selon les dispositions du paragraphe 1 de l’article 48 de la Constitution relatif à la déclaration de l’«état de siège», il ne saurait être dérogé à l’application des dispositions du paragraphe 2 de l’article 7 de ladite Constitution. Sur cette question, on se reportera à la section du présent rapport consacrée à l’article 4 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

229.La Grèce a ratifié la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants adoptée par les Nations Unies en 1984 (loi no 1782/1988) et a reconnu la compétence du Comité contre la torture pour recevoir et examiner les communications présentées par des États ou pour le compte de particuliers. Elle est également partie à la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (loi no 1949/1991).

230.Selon les dispositions du paragraphe 2 de l’article 137A du Code pénal, constitue une torture le fait:

a)D’infliger de façon systématique une souffrance physique aiguë;

b)De pousser de façon systématique une personne à l’épuisement physique, au détriment de sa santé;

c)D’infliger de façon systématique des souffrances mentales, qui pourraient occasionner de graves dommages psychologiques;

d)De recourir illégalement à des produits chimiques, à des drogues ou à toute autre substance naturelle ou artificielle, pour faire céder la victime.

231.L’article 137A du Code pénal, dans son paragraphe 1, dispose également que: «tout agent de l’État ou membre des forces armées chargé notamment des poursuites, des enquêtes ou de l’examen du dossier en cas d’infractions pénales ou disciplinaires, de l’exécution de sanctions ou de la surveillance ou de la garde de détenus est passible d’emprisonnement si, dans l’exercice de ses fonctions, il soumet une personne placée sous son autorité à la torture afin:

a)D’extorquer à cette personne ou à un tiers une confession, une déposition, une information ou une déclaration, en particulier pour renier ou accepter une idéologie qu’elle soit politique ou d’un autre ordre;

b)De punir cette personne;

c)D’intimider cette personne ou un tiers.».

232.Au paragraphe 3 de l’article 137A, sont considérés les types de maltraitance d’un degré de gravité relativement moindre, y compris blessures, atteintes à la santé, recours illégal à la force physique ou à la contrainte psychologique, ainsi qu’autres actes portant atteinte à la dignité humaine, comme l’usage de détecteurs de mensonges et le placement prolongé à l’isolement ou les atteintes graves à la dignité sexuelle de la personne. Ces actes sont passibles de trois à cinq années de prison.

233.Les actes dont il est fait mention dans les paragraphes ci‑dessus sont sanctionnés plus lourdement dans les circonstances énoncées à l’article 137B (par exemple si l’on pratique la falanga ou que l’on recourt à des appareils envoyant des décharges électriques, ou si l’on inflige des coups et blessures graves, par exemple). Si ces actes se soldent par le décès de la victime, la peine encourue est la prison à perpétuité (art. 137B, par. 3).

234.Si une personne a été victime des actes susmentionnés, elle peut demander réparation à l’État en vertu de l’article 105 de la loi d’introduction au Code civil, qui établit la responsabilité objective de l’État lorsque des agents publics ont porté atteinte abusivement aux droits et aux intérêts de particuliers.

235.Il convient également de noter qu’en vertu des dispositions du paragraphe 4 de l’article 137D du Code pénal, la victime d’un acte visé aux articles 137A et 137B peut demander réparation à l’auteur de l’acte et à l’État, qui sont solidairement responsables, pour les dommages qu’elle a subis, ainsi que des dommages‑intérêts pour le préjudice moral subi et les souffrances endurées.

236.La question des mauvais traitements physiques ou des tortures infligés par des fonctionnaires de police à des personnes appréhendées par les forces de police et placées sous leur garde, de même que celle de la conduite irrespectueuse ou indigne de policiers à l’égard de ces personnes préoccupent énormément les responsables de la police grecque et le Ministère de l’ordre public. C’est pour cette raison que les agissements en question ont été spécifiquement érigés en fautes disciplinaires passibles de renvoi selon le Code de discipline.

237.Parallèlement à la formation des fonctionnaires et des responsables en la matière et à la diffusion d’une série de circulaires destinées à les convaincre que violer les droits fondamentaux d’une personne, quelles que soient sa race, sa langue ou sa religion, ne saurait être toléré, chaque fois qu’il est prouvé que des policiers ont commis de tels actes des sanctions disciplinaires sont prises à leur endroit et leur cas est signalé à la justice.

238.On évoquera plus loin les mesures prises pour protéger les droits des détenus qui, en outre, constituent un moyen concret de prévenir et de réprimer les violations de l’article 7 du Pacte.

239.Pour garantir le respect des droits de l’homme lors des interventions de police, la Direction nationale de la police a adopté les mesures suivantes:

240.a)Par la circulaire 4803/22/14a, du 3 novembre 1995, des directives précises pour l’application des dispositions en vigueur ont été publiées et des brochures d’information ont été distribuées à toutes les personnes sous la garde des forces de police (personnes détenues en attente d’expulsion administrative, pour infraction pénale, etc.). La brochure, publiée en 14 langues, est remise à chaque détenu. Des instructions ont été données pour qu’elle soit affichée aussi dans tous les locaux de détention de la police. Dans cette même circulaire, il est également arrêté les modalités d’application des mesures visant à assurer le respect des droits de la personne détenue, à savoir:

Lui notifier le motif et le lieu de sa détention;

Informer son avocat, ses proches ou les services consulaires du pays dont elle est ressortissante si elle est étrangère;

Lui permettre de s’adjoindre les services d’un conseil et de communiquer avec cette personne;

Protéger ses droits procéduraux;

Permettre la visite de son avocat et de ses proches;

Lui assurer des soins médicaux, par le médecin de son choix;

Lui fournir de la nourriture, en respectant ses préférences alimentaires.

241.En outre, le personnel de la police grecque a été informé des dispositions des conventions internationales, lois, décrets et déclarations des organisations internationales sur la protection des droits des détenus.

242.b)Après parution de cette circulaire, d’autres textes ont souligné l’importance de l’application de la législation et des circulaires relatives aux droits des détenus. Plus précisément, la circulaire 4803/22/14r, du 24 octobre 2000, de la Direction nationale de la police rappelait ceci:

Les fonctionnaires de la police grecque doivent être systématiquement formés, informés, surveillés et contrôlés par leurs supérieurs hiérarchiques pour veiller à l’application des lois et des mesures visant à garantir le respect des droits de l’homme dans leur pays;

Les personnes sous la garde de la police doivent être informées de leurs droits au moyen des brochures d’information à l’intention des personnes détenues ou des étrangers en attente d’expulsion;

Ces informations doivent être affichées (en grand format) dans tous les locaux de détention de la police afin de mieux informer de leurs droits toutes les personnes détenues.

243.c)La question de la protection des données personnelles et privées et de la vie privée en général des personnes appréhendées par les forces de police a été réglementée par la circulaire 9001/5/24c, du 23 avril 2003, conformément à une décision de l’Office de la protection des données personnelles. Cette circulaire interdit de divulguer des informations sur l’identité des personnes arrêtées et sur leur appartenance sociale, race, pays d’origine ou nationalité, les plus extrêmes précautions étant prises dès lors que les auteurs d’infractions sont des mineurs. La seule exception à la règle concerne les cas où la divulgation de ces données peut servir l’intérêt général (en matière criminelle). Autre texte important, la circulaire 9001/5/24i, du 1er octobre 2003, émanant de la Direction nationale de la police vise à mieux protéger les données personnelles des personnes arrêtées et en particulier des mineurs, des étrangers et plus généralement des personnes appartenant à des groupes vulnérables. Il est interdit de publier les initiales du nom des intéressés ou d’autres données susceptibles de permettre leur identification (profession, par exemple).

244.d)Une nouvelle circulaire est parue récemment (4803/22/44, du 4 juillet 2003). Elle concerne le traitement des détenus par les services de police et vise à mieux leur garantir le respect de leurs droits, par exemple pour la notification des motifs de leur détention et de leur lieu de détention, les possibilités de communiquer avec leur avocat, leurs proches et les organisations de défense des droits de l’homme et le droit à des soins médicaux. Il est rappelé dans cette circulaire que les agents de l’administration sont tenus non seulement de respecter scrupuleusement les droits de l’homme, mais aussi de faire preuve de davantage de sensibilité envers les personnes détenues qui sont signalées comme étant particulièrement vulnérables, telles que les analphabètes, les réfugiés politiques, les demandeurs d’asile et les étrangers en général.

245.e)La Direction nationale de la police avait déjà promulgué dans le passé des directives similaires concernant la conduite des fonctionnaires de police à l’égard des civils et la protection des droits de l’homme.

246.En ce qui concerne les demandeurs d’asile, il est à noter que nul demandeur d’asile ne peut être expulsé de Grèce tant qu’il n’a pas été statué sur son cas. En application du paragraphe 1 de l’article 33 de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, même à l’issue de la procédure de demande d’asile un étranger ne peut pas être expulsé vers un pays où sa vie ou sa liberté seraient menacées (application du principe de non‑refoulement).

Formation des fonctionnaires de police aux droits de l’homme

247.En ce qui concerne la formation des fonctionnaires de police, les efforts portent sur leur éducation et leur formation aux droits de l’homme. À tous les niveaux de la formation (École des officiers de police, École de police, formation supérieure, formation continue et École de sécurité nationale), on enseigne les droits civils et sociaux ainsi que les conventions internationales pertinentes, comme celles consacrées à l’élimination de la discrimination raciale et de la xénophobie, au droit humanitaire, au traitement des personnes appartenant à des minorités ou à d’autres groupes sociaux et à la torture et autres traitements inhumains ou dégradants.

248.Plus précisément, la formation initiale à l’École des officiers de police et à l’École de police comprend les matières suivantes: droits de l’homme; droit constitutionnel; questions sociales et culturelles; et sociologie. Dans chaque matière, les sujets et concepts ci‑après sont développés:

a)Droits de l’homme:

Concept de liberté en général et de liberté économique;

Dignité humaine;

Égalité;

Protection administrative et judiciaire;

Pacte international relatif aux droits civils et politiques;

Protection des personnes contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;

Règles de base concernant le traitement des détenus et des prisonniers;

Code de conduite des agents de la force publique;

Code de déontologie des fonctionnaires de police;

Programme de lutte contre la torture en 12 points;

Racisme et xénophobie: définition et moyens de les combattre;

Compétence de la police en matière d’asile;

Interventions policières;

Protection des données personnelles;

b)Droit constitutionnel:

Analyse approfondie de toutes les dispositions de la Constitution relatives aux droits individuels, en insistant sur celles dont les futurs policiers devront tenir compte dans l’exercice de leurs fonctions;

c)Questions sociales et culturelles:

Problèmes des minorités (minorité musulmane de Thrace);

d)Sociologie:

Consensus et conflits dans la société moderne;

Exclusion sociale (Roms, travailleurs migrants, personnes réadaptées, personnes sorties récemment de prison).

249.Si tous les aspects relevant du domaine sensible qu’est la formation ne sont pas couverts lors de la formation initiale générale, ils le sont ultérieurement dans le cadre de la postformation.

250.Ainsi:

a)Le programme annuel de postformation des fonctionnaires de police grecs comprend des cours sur les aspects suivants: étrangers; contrôle des passeports compatible la mise en place de l’espace Schengen; immigration; asile; procédures de régularisation des étrangers (permis de résidence et de travail), etc.;

b)Le Département de postformation professionnelle des officiers supérieurs propose un cours sur le droit constitutionnel et les droits de l’homme. Afin de bien mettre l’accent sur la nécessité d’appliquer l’ensemble des dispositions relatives aux droits de l’homme dans tous les aspects de l’activité des services de police, tous les participants à ces cours sont tenus de faire un travail de recherche et de rédiger un mémoire sur l’un des sujets ci‑après:

Protection contre les traitements inhumains et dégradants;

Xénophobie et racisme en Europe: la politique de l’Union européenne;

Aspects des violations et de la protection des droits de l’homme;

Interdiction des propos racistes et les droits constitutionnels;

Traitement des personnes appréhendées et détenues: aspects juridiques et factuels;

Garanties constitutionnelles en matière d’arrestation et de détention: la situation en Grèce;

Roms: comportement social, sédentarisation et protection;

Droits individuels et leurs violations;

Minorités sociales et inégalités;

c)Des cours sur la protection des droits de l’homme et le droit international humanitaire sont dispensés à l’École de sécurité nationale;

d)Des séminaires de formation à l’étranger sont organisés sous l’égide du Collège européen de police (CEPOL). On y étudie des sujets comme les droits de l’homme, la traite des êtres humains, la criminalité transnationale et le contrôle aux frontières. De nombreux fonctionnaires de haut rang y représentent leur pays chaque année;

e)En plus des cours dispensés, il est organisé dans les écoles de police de nombreuses conférences sur la police et les droits de l’homme, et plus particulièrement sur les sujets ci‑après:

Obligations, contraintes et droits des fonctionnaires de la police grecque;

Compétences et mandat des organes de la police grecque (actions en justice et actions mixtes);

Conditions d’utilisation des armes à feu;

Organes responsables et compétences en cas de recours à la force;

Contrôle du pouvoir de la police;

Responsabilité pénale, administrative et civile des fonctionnaires de la police grecque;

f)L’accent est également mis sur des questions analogues au cours de la formation des gardes frontière, qui reçoivent un enseignement en droit constitutionnel, ainsi que sur les dispositions du Code de déontologie des organes compétents, de la Convention européenne des droits de l’homme, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, notamment. En raison de leur domaine d’activité, il leur faut en effet être bien informés de toutes ces dispositions.

251.À l’occasion de la Journée des droits de l’homme (10 décembre 2003), une série d’activités ont été organisées afin de sensibiliser les fonctionnaires de police à ce sujet. Outre l’intervention du chef de la police grecque marquant le cinquante‑cinquième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, il a été organisé des conférences dans toutes les écoles de police, la principale manifestation à l’École nationale de police d’Athènes étant centrée sur le thème de la protection des droits de l’homme des immigrants. Le Président de la Commission nationale des droits de l’homme et le médiateur y ont participé.

252.Un congrès sur la société multiculturelle et le traitement des réfugiés et des immigrants par les forces de police et dans la loi s’est tenu du 19 au 21 décembre 2003 à Olympie, à l’initiative du Syndicat des fonctionnaires de police et du Centre national de l’administration publique, avec la participation de représentants de la police grecque et des ministères compétents en matière de régularisation des immigrants.

253.Par ailleurs, le Ministère de l’ordre public, en coopération avec le Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, a organisé des séminaires sur le droit des réfugiés, le traitement des demandeurs d’asile et la distinction entre réfugiés et immigrants. Il y a eu 8 séminaires en 2003 et 10 sont prévus en 2004.

254.De tout ce qui précède, il ressort clairement que les instances dirigeantes de la police grecque sont très sensibles aux questions touchant à la protection des droits de l’homme, celles‑ci étant intégrées à tous les niveaux de la formation des policiers. Ces efforts sont poursuivis avec la même intensité, afin d’amener les fonctionnaires de police grecs à réaliser pleinement combien il importe d’appliquer rigoureusement les principes fondamentaux du respect de la dignité humaine.

Formation des gardiens de prison

255.Les gardiens de prison sont tenus de suivre la formation initiale de l’École du personnel pénitentiaire (art. 10, par. 16, de la loi no 2298/1995). Pendant ce stage de deux mois, les surveillants d’établissements pénitentiaires nouvellement nommés reçoivent une formation théorique et pratique qui les aidera à s’acquitter de leurs fonctions. La formation théorique vise à les familiariser avec:

Les dispositions du Code pénitentiaire;

Les instruments des Nations Unies et du Conseil de l’Europe relatifs aux droits de l’homme;

Les peines de substitution;

Leurs fonctions, droits et obligations;

Les méthodes de résolution des conflits dans les prisons;

Les notions de premiers secours et la prise en charge des cas d’urgence;

Le contrôle des mutineries et des émeutes.

256.La formation pratique comprend des entraînements à l’autodéfense et aux méthodes d’autoprotection.

Formation des membres du Corps des gardes ‑côtes grecs aux droits de l’homme et à la législation s’y rapportant

257.La formation de base sur ces questions est dispensée dans les écoles du Corps des gardes‑côtes grecs; elle est ensuite complétée par des formations complémentaires régulières (séminaires, conférences).

Protection juridique des personnes sous la garde des services de police

258.La privation de liberté imposée aux personnes sous la garde des services de police ne constitue pas un objectif en soi, mais plutôt un moyen de mener à bien les procédures pénales et administratives prévues par la législation en vigueur.

259.Il est rigoureusement interdit de recourir à la force de quelque façon que ce soit ou de faire subir au détenu un quelconque traitement inhumain ou dégradant. Les actions procédurales nécessaires, qu’elles soient pénales ou administratives, sont menées dans le plus court délai afin que la privation ou la restriction de liberté imposée à la personne non seulement ne dépasse pas la durée légale, mais aussi remplisse les conditions préalables à la détention légale (art. 2, par. 1, art. 6 et art. 7, par. 2, de la Constitution; art. 7 et 9 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques; et art. 3 de la Convention européenne des droits de l’homme).

Droit du détenu d’être informé

260.Le détenu, lorsqu’il est amené devant les services de police, doit être dûment informé des raisons de sa détention et des droits qu’il peut exercer durant sa détention (art. 9 du Pacte et art. 5, par. 2, de la Convention européenne). À cette fin, on doit lui remettre une brochure d’information sur ses droits, en accord avec les services du Procureur et dans une langue qu’il comprend; ces droits doivent lui être clairement expliqués. Dans le cas de détenus étrangers qui ne comprennent par le grec, on doit s’efforcer d’expliquer ces droits par les moyens les plus appropriés (en faisant appel à un interprète, ou aux services consulaires, par exemple). Les services de police sont également tenus d’afficher ces informations en grand format dans les lieux de détention. Il conviendrait de faire des efforts particuliers pour les détenus étrangers qui font une demande d’asile, afin de bien les informer de leurs droits (art. 1, par. 6, du décret présidentiel no 61/1999).

Droit du détenu de communiquer

261.Les personnes sous la garde des services de police et leurs proches ou toute autre personne de leur choix peuvent communiquer par téléphone et par le moyen de visites. La police est tenue de faciliter les contacts téléphoniques entre le détenu et sa famille afin que cette dernière puisse, si le détenu le souhaite, être informée du lieu de sa détention et des motifs de sa détention. La police doit également permettre aux détenus de recevoir des visites selon un calendrier indiquant les dates et le lieu des visites et les visiteurs autorisés (art. 67, par. 4, al. 12, du décret présidentiel no 141/1991). Il est clair que le droit de communiquer implique, dans le cas des détenus étrangers, l’obligation d’informer les autorités consulaires du pays concerné, la possibilité pour ces dernières de communiquer par téléphone avec le détenu et l’obligation, pour les autorités policières, d’autoriser les agents consulaires à rendre visite au détenu sauf, bien sûr, si celui‑ci le refuse. Les services de police ont également l’obligation, en vertu des dispositions existantes, de permettre de libres contacts entres les détenus et les organisations internationales comme le Comité contre la torture, les représentants du Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés ou les personnes mandatées à cet effet. En ce qui concerne les visites de représentants d’associations qui s’occupent des droits de l’homme, des conditions de détention et du soutien moral ou juridique aux détenus (Église, organisations non gouvernementales, associations médicales, etc.), les autorités policières doivent informer les détenus de l’existence de ces organisations, et autoriser celles‑ci à rendre visite aux détenus lorsque ceux‑ci y consentent et à condition que les dispositions relatives à la protection des données personnelles, en particulier, soient respectées.

Droit d’avoir accès à un avocat

262.Le Code de procédure pénale (art. 96 et suiv.) consacre formellement le droit des personnes placées sous la garde des services de police et accusées d’une infraction de communiquer avec leur avocat. La police est tenue de faire tout ce qui est en son pouvoir pour que ce droit puisse être exercé. À cette fin, elle doit rendre possible tant les contacts téléphoniques du détenu avec son avocat que les visites de celui‑ci. En particulier, le détenu a le droit d’informer son avocat par téléphone de son lieu de détention et de la raison pour laquelle il est détenu et, s’il n’a pas d’avocat, de téléphoner à l’ordre des avocats de la région afin de s’en choisir un. En outre, le libre accès de l’avocat au détenu et une assistance juridique sont garantis quelle que soit la situation, c’est‑à‑dire que la personne soit détenue dans le cadre d’une procédure pénale ou administrative. L’accès de l’avocat au détenu, dont il faut noter qu’il n’est pas sujet à une limitation de durée contrairement aux visites d’autres personnes, est totalement libre et ne requiert pas que soit produit au préalable aux services de police un mandat ou une autorisation de l’intéressé. L’article 45 du Code des avocats (décret‑loi no 3026/1954) énonce que les avocats peuvent accéder librement aux services administratifs, sur simple présentation de leur carte d’identité professionnelle. L’avocat est réputé d’emblée avoir été mandaté par le client qu’il représente sauf lorsque la loi exige un mandat exprès (art. 217 du Code civil). En réalité, la procédure exigeant ce mandat exprès est difficile à appliquer dans la mesure où le mandant est détenu. Bien souvent, l’avocat prend contact avec le détenu après avoir été mandaté par la famille de celui‑ci; une déclaration orale du détenu lors de ce contact suffit alors à établir que l’avocat le représente effectivement et peut lui apporter une assistance juridique. Pour les personnes détenues dans le cadre d’une procédure administrative – des étrangers, pour l’essentiel −, lorsque des personnes autres que des membres de la famille du détenu, des autorités diplomatiques de son pays d’origine ou des représentants d’associations (ONG, associations d’avocats, etc.) prennent l’initiative de mandater quelqu’un pour assister juridiquement l’intéressé, les services de police sont tenus d’autoriser l’avocat choisi à accéder au détenu qu’il a été chargé de représenter après avoir vérifié qu’il était dûment mandaté, le seul fait que l’avocat connaisse l’identité (nom et prénom) du détenu auprès duquel il se rend laissant présumer de sa qualité de mandataire.

Services de santé

263.Préserver la santé des détenus est un des devoirs élémentaires des autorités policières. C’est le médecin du service de santé de la police qui examine le détenu ou, en son absence ou s’il est empêché, un autre médecin; le détenu a toutefois le droit d’être également examiné par un médecin de son choix. Si le détenu tombe malade, est victime d’un accident grave ou est admis dans un établissement médical, les services de police sont tenus d’en informer sa famille ou, s’il n’a pas de famille, toute personne désignée par l’intéressé. Par ailleurs, les détenus toxicomanes dont la vie est menacée par le syndrome de manque, reçoivent des soins spéciaux (art. 60, par. 3, 8 et 11, et art. 67, par. 4 et 22, du décret présidentiel no 141/1991).

Enregistrement de données individualisées sur les personnes arrêtées

264.Toute arrestation d’un étranger en attente d’expulsion est enregistrée par le service concerné dans une base de données informatique qui génère automatiquement un numéro de dossier (différent pour chaque personne). Les documents se rapportant à l’arrestation sont classés dans le dossier personnel du détenu et consignés dans les registres de ce service et de la Direction nationale de la police. La date de l’arrestation et celle de l’exécution de la décision d’extradition, d’expulsion ou de libération de l’intéressé sont également enregistrées dans la base de données informatique.

265.Les détenus exercent leurs droits sans préjudice des mesures prévues par la loi pour protéger les intérêts du service et, plus généralement, ceux de la population et de la société. L’application des dispositions du Code pénitentiaire (loi no 2776/1999) et du décret présidentiel no 141/1991 sur les «compétences et actions des fonctionnaires du Ministère de l’ordre public dans l’exercice de leurs fonctions» apporte les garanties nécessaires. À leur arrivée dans les locaux de la police, les détenus subissent ainsi une fouille au corps ainsi qu’une fouille de leurs effets personnels, qui sont effectuées dans un lieu clos et dans le respect de leur dignité. En outre, toutes les mesures adéquates sont prises pour empêcher les détenus de s’échapper, en particulier lorsqu’ils sont extraits de leur cellule pour être examinés, pour téléphoner ou pour recevoir des visites. Enfin, en fonction de la situation et lorsque les locaux de détention le permettent, tout est mis en œuvre pour éviter que les détenus ne se mélangent; les femmes et les mineurs sont détenus dans des locaux qui leur sont réservés (art. 67, par. 3 et 25, du décret présidentiel no 141/1991). Dans tous les cas, les détenus doivent être traités sur un pied d’égalité et tout comportement discriminatoire est interdit (art. 3 de la loi no 2776/1999).

Enquêtes disciplinaires et judiciaires

266.Au sein du Ministère de la marine marchande, dans les rares cas où des violations des droits fondamentaux et des atteintes à la dignité humaine ont été dénoncées, des enquêtes internes ont systématiquement été menées, des mesures disciplinaires prises et des poursuites pénales engagées à l’encontre des fonctionnaires en cause.

267.Dans le domaine de compétence du Ministère de l’ordre public, 164 cas de mauvais traitements par des policiers ont fait l’objet d’une enquête au cours de la période 2001‑2003. Cinquante‑quatre de ces cas concernaient des étrangers et 11 des Roms. Les enquêtes menées ont donné les résultats ci‑après:

a)Procédures disciplinaires:

Des sanctions disciplinaires ont été infligées dans 15 affaires;

105 affaires ont été classées;

44 affaires sont en cours;

b)Procédures pénales:

74 cas n’avait pas de caractère pénal;

12 affaires ont été classées par les services compétents du Procureur;

Dans 35 cas, aucune procédure pénale n’a été signalée à la Direction nationale de la police;

Des poursuites pénales ont été engagées dans 43 cas. Dans 2 de ces cas, les accusés ont été reconnus non coupables; dans 2 autres, les magistrats ont prononcé l’acquittement; les 39 autres affaires sont encore en instance devant les tribunaux compétents.

268.Plus précisément:

a)Pour l’année 2001, il y a eu 57 enquêtes sur des cas présumés de mauvais traitements, dont 19 concernaient des étrangers et 7 des Roms. Ces enquêtes ont donné les résultats suivants:

i)Procédures disciplinaires:

Des sanctions disciplinaires ont été infligées dans 7 cas;

44 affaires ont été classées;

6 affaires sont en cours;

ii)Procédures pénales:

28 cas n’avaient pas de caractère pénal;

5 affaires ont été classées par les services compétents du Procureur;

Dans 9 cas, aucune procédure pénale n’a été signalée à la Direction nationale de la police;

Des poursuites pénales ont été engagées dans 15 cas. Dans 2 de ces cas, les accusés ont été reconnus non coupables; dans un autre, les magistrats ont prononcé l’acquittement; les 12 autres affaires sont encore en instance;

b)Pour l’année 2002, il y a eu 60 enquêtes sur des cas présumés de mauvais traitements, dont 23 concernaient des étrangers et 4 des Roms. Ces enquêtes ont donné les résultats suivants:

i)Procédures disciplinaires:

Des sanctions disciplinaires ont été infligées dans 5 cas;

49 affaires ont été classées;

6 affaires sont en cours;

ii)Procédures pénales:

27 cas n’avaient pas de caractère pénal;

4 affaires ont été classées par les services compétents du Procureur;

Dans 13 cas, aucune procédure pénale n’a été signalée à la Direction nationale de la police;

Des poursuites pénales ont été engagées dans 16 cas. Dans un de ces cas, l’accusé a été reconnu non coupable; les 15 autres affaires sont encore en instance;

c)Pour l’année 2003, il y a eu 47 enquêtes sur des cas présumés de mauvais traitements, dont 12 concernaient des étrangers et aucune des Roms. Ces enquêtes ont donné les résultats suivants:

i)Procédures disciplinaires:

Des sanctions disciplinaires ont été infligées dans 3 cas;

12 affaires ont été classées;

32 affaires sont en cours;

ii)Procédures pénales:

19 cas n’avaient pas de caractère pénal;

3 affaires ont été classées par les services compétents du Procureur;

Dans 13 cas, aucune procédure pénale n’a été signalée à la Direction nationale de la police;

Des poursuites pénales ont été engagées dans 12 cas; toutes ces affaires sont encore en instance;

269.Il convient de noter que le Ministère de l’ordre public et la Direction nationale de la police sont très vigilants par rapport à la question du respect des droits de l’homme, qui est considérée par les instances dirigeantes du Ministère comme par celles de la police grecque comme d’importance fondamentale. Le Code de discipline de la police grecque prévoit des dispositions très précises sur les suites à donner lorsqu’il y a eu mauvais traitements ou traitements dégradants. En vertu de ces dispositions, la torture, tout acte de violence physique ou pouvant être préjudiciable à la santé, le recours à la violence psychologique ou tout autre acte ou comportement portant gravement atteinte à la dignité humaine imputables à un fonctionnaire de police, dans l’exercice de ses fonctions ou non, constituent des fautes disciplinaires graves et sont punis de renvoi.

270Tout cas de mauvais traitements fait l’objet d’une enquête, conformément au Code de discipline de la police. Lorsque des fautes disciplinaires sont commises, on applique les sanctions prévues.

271.Dans ces cas‑là, le dossier correspondant est transmis aux services compétents du Procureur pour qu’ils engagent des poursuites pénales.

272.Il faut également noter que toutes les normes et tous les principes de la culture juridique européenne qui ont été incorporés dans le droit interne grec (droit pénal substantiel et procédural), et spécialement ceux ayant trait aux faits justificatifs, à l’imputabilité, à la présomption d’innocence et au traitement équitable de la personne poursuivie, s’appliquent aussi en droit disciplinaire.

273.Il convient aussi de souligner que tout est mis en œuvre pour garantir que toutes les enquêtes administratives sur les plaintes pour mauvais traitements sont menées dans les meilleurs délais et de façon approfondie et impartiale.

274.Il est vrai que le nombre de plaintes pour mauvais traitements déposées par des citoyens pour la période 2001‑2003 peut sembler élevé dans l’absolu (164 cas), mais il s’agit d’incidents isolés qui ne peuvent en aucun cas permettre d’affirmer que la pratique des mauvais traitements serait courante au sein de la police grecque.

275.Le Ministère de l’ordre public et la Direction nationale de la police ont constamment réaffirmé leur détermination de lutter contre le développement de sentiments xénophobes ou de phénomènes racistes au sein de la police grecque, ainsi que de contrôler et de surveiller tout agissement illégal, irrégulier ou inapproprié de la part de policiers. À cet égard, notons que les enquêtes menées sur les cas de mauvais traitements ont révélé que ces agissements n’étaient pas motivés par des sentiments racistes ou xénophobes.

276.À la lumière de ce qui précède, il apparaît clairement que les accusations de racisme à l’encontre d’étrangers et de Roms portées contre des policiers n’étaient pas fondées. Cela est également corroboré par le fait que sur les 164 plaintes déposées pour la période 2001‑2003, seules 54 concernaient des étrangers et 11 des Roms, et que sur les 66 plaintes pour usage d’armes à feu par des policiers déposées pour la période 2000‑2003, seules 27 concernaient des étrangers et 5 des Roms.

277.On peut, enfin, citer l’extrait ci‑après d’une circulaire récente du chef de la police grecque, qui illustre bien la position de ce corps sur la question du respect, par la Grèce, de ses obligations internationales, notamment à l’égard des personnes appartenant à des groupes vulnérables: «Le cadre juridique actuel protège de façon adéquate les droits des personnes détenues; en particulier, cette protection est consacrée dans des instruments juridiques de rang supérieur comme la Constitution qui, au paragraphe 1 de son article 28, fait référence aux conventions internationales. Les fonctionnaires de police sont tenus de respecter pleinement ces dispositions; la façon dont ils traitent les détenus pendant la courte période où ces derniers sont sous la responsabilité de la police est l’occasion pour eux de prouver qu’ils agissent dans la légalité et dans le respect de la personne et de sa dignité et qu’ils respectent les droits du détenu. Les fonctionnaires de police doivent, qui plus est, se montrer encore plus vigilants quand il s’agit de détenus considérés comme particulièrement vulnérables et dont il faut protéger les droits encore plus attentivement. Relèvent de cette catégorie, en principe, les mineurs, les personnes malades, les alcooliques, les toxicomanes, les analphabètes, les réfugiés politiques, les demandeurs d’asile et les étrangers en général. En respectant pleinement les droits de chaque individu sous la garde de la police et en traitant chaque personne avec humanité, impartialité et dans le respect de la loi, le fonctionnaire de police prouve qu’il a la formation professionnelle, la déontologie et la personnalité voulues et établit des relations de responsabilité et de confiance mutuelle avec la population; ce faisant, il confirme que les autorités sont particulièrement attentives à l’application universelle des mesures destinées à permettre aux détenus d’exercer pleinement leurs droits et veillent à contrôler en permanence la bonne application de ces mesures par les services concernés et leurs agents.».

ARTICLE 8: DROIT DE NE PAS ÊTRE SOUMIS À L’ESCLAVAGE, À LA SERVITUDE ET AU TRAVAIL FORCÉ

Interdiction de l’esclavage, de la servitude et du travail forcé

Cadre général

278.La Constitution, dans son article 22, consacre le droit au travail, que l’État est tenu de protéger. Elle interdit toute forme de travail forcé. Plus précisément, il est dit ceci au paragraphe 4 dudit article: «Toute forme de travail obligatoire est interdite. Des lois spécifiques déterminent les conditions de réquisition du personnel en cas de guerre ou de mobilisation, de nécessité de défendre le pays ou d’urgence sociale résultant d’une catastrophe ou pouvant mettre en péril la santé publique, et réglementent le travail personnel pour les collectivités locales lorsqu’il s’agit de faire face à des besoins ponctuels.».

279.La Grèce a également ratifié la Convention relative à l’esclavage (loi no 4473/1930) et le Protocole amendant la Convention relative à l’esclavage (loi no 2965/1954); la Convention supplémentaire relative à l’abolition de l’esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l’esclavage (décret législatif no 1145/1972); la Convention no 29 de l’OIT sur le travail forcé ou obligatoire (loi no 2079/1952); et la Convention no 105 de l’OIT sur l’abolition du travail forcé (décret législatif no 4221/1961).

Conditions de travail dans les centres de détention

280.Le salaire moyen des détenus qui travaillent est de 3 euros par jour, pour 4 à 6 heures de travail quotidien. Toutes les règles d’hygiène et de sécurité de la législation du travail s’appliquent dans les centres de détention où travaillent des détenus. En outre, le Ministère de la justice assure auprès de la Caisse de sécurité sociale tous les détenus qui travaillent contre les accidents (soins médicaux, indemnités pour accident, pension d’invalidité).

281.Le travail des détenus employés par des entreprises privées en dehors des centres de détention est réglementé comme suit:

282.La législation en vigueur pour les employés en général s’applique pour déterminer la rémunération du travail effectué pour le compte d’entreprises privées en dehors des centres de détention. Un tiers du salaire du détenu est versé à l’État à titre de participation à son entretien dans le centre de détention et déposé sur un compte «Gains des détenus». Cette somme ne peut en aucun cas dépasser le salaire quotidien d’un ouvrier non spécialisé (art. 43, par. 2, du Code pénitentiaire). La législation du travail en vigueur s’applique pour ce qui est des horaires de travail et de la protection sociale.

Perte des allocations ‑chômage pour refus de travailler

283.Aux termes de la circulaire 59 (protocole no 78989 du 2 septembre 1976) «relative au fonctionnement des bureaux de placement», toute personne qui se rend à l’Agence grecque pour l’emploi (OAED) pour trouver du travail est inscrite comme demandeur d’emploi si elle est apte à travailler et prête à accepter un poste correspondant à ses qualifications et ses aptitudes.

284.Après inscription, l’OAED recherche les postes vacants dans le domaine dans lequel le demandeur d’emploi souhaite travailler. Si la personne qui perçoit des allocations‑chômage refuse un emploi adapté que lui propose le Service de placement, ce dernier en informe immédiatement par écrit le Service des allocations afin qu’il cesse tout versement. Les demandeurs d’emploi qui n’obtiennent pas un poste pour des raisons objectives sont recontactés dès qu’une nouvelle possibilité d’embauche se présente.

285.Il faut préciser que, si le demandeur d’emploi refuse un poste parce que celui‑ci ne correspond pas à ses qualifications, le paiement des allocations est maintenu. Le poste proposé doit convenir à l’intéressé, c’est‑à‑dire correspondre à ses capacités physiques et mentales, ne pas porter atteinte à sa santé physique ou psychique, offrir une rémunération raisonnable, ne pas constituer un frein à l’évolution de la personne et s’exercer dans un lieu objectivement accessible.

286.Le droit du demandeur d’emploi de refuser un poste qui ne correspond pas à ses qualifications n’est pas limité dans le temps.

287.Lorsqu’on cesse de lui verser des allocations‑chômage parce qu’il a refusé un emploi qui lui était offert, le demandeur d’emploi peut introduire un recours auprès de l’instance compétente de l’Agence. Si ce recours est rejeté, il peut interjeter appel auprès du Conseil d’administration de l’Agence.

Traite des êtres humains

288.La traite des êtres humains s’est beaucoup développée ces 20 dernières années dans le monde entier. La traite des esclaves et l’esclavage «classiques» ont peu à peu pris la forme «moderne» du travail obligatoire et de l’exploitation sexuelle, notamment. On estime que la traite des êtres humains est la troisième «activité criminelle» après le trafic de stupéfiants et le trafic d’armes.

289.L’exclusion sociale, la non‑compréhension de la langue ou la grande pauvreté sont des facteurs sociaux parmi d’autres qui fragilisent les femmes, les mineurs et les étrangers au point d’en faire des victimes potentielles de cette activité criminelle odieuse, qui porte gravement atteinte à la personne, à sa dignité et à son intégrité physique.

290.Afin d’appréhender le phénomène de la traite des êtres humains dans sa globalité et de prendre en compte sa progression constante, non seulement sur son propre territoire et en Europe, mais aussi à l’échelle mondiale, la Grèce a décidé d’en faire une priorité absolue et permanente, en concevant et en appliquant des plans d’action par l’intermédiaire des autorités et des organes compétents.

291.Le Ministère de l’ordre public a fait de la lutte contre la traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle et financière l’une de ses priorités, et s’attache à définir les objectifs à atteindre, à sensibiliser les personnels de police, à renforcer la formation continue et à développer certaines activités d’importance au sein des services de police grecs.

292.La police grecque coopère avec tous les autres organismes concernés, l’OIM et les ONG afin de parvenir au résultat recherché, c’est‑à‑dire venir en aide aux victimes de ce trafic.

293.Afin de combattre plus efficacement ces activités criminelles ignobles et d’apporter toute l’aide voulue aux victimes, le Parlement grec a adopté la loi no 3064/2002 intitulée «Lutte contre la traite des êtres humains, les atteintes à la liberté sexuelle, la pornographie impliquant des enfants et plus généralement l’exploitation de la sexualité à des fins économiques, et aide aux victimes».

294.Cette nouvelle loi prévoit des sanctions plus sévères pour toutes les formes contemporaines de traite des êtres humains – telles que vente d’organes, exploitation mensongère aux fins de travail obligatoire, exploitation de la sexualité à des fins lucratives, recrutement de mineurs pour les enrôler dans des conflits armés – tout en mettant l’accent sur la protection des mineurs, des femmes et des étrangers. En outre, la loi comprend des dispositions conçues expressément pour combattre le problème de la pornographie impliquant des enfants, qui a pris une ampleur inquiétante avec le développement de l’Internet. Les auteurs de ces crimes sont passibles de peines sévères, voire de la réclusion à perpétuité. Les services compétents du Procureur peuvent poursuivre d’office les auteurs présumés des plus graves de ces crimes. L’article 8 du Code pénal a été modifié pour inclure les infractions de traite des êtres humains et de sévices sexuels, de façon à ce que leurs auteurs soient poursuivis et punis même lorsque les faits ont été commis sur le territoire d’un autre pays. Le fait d’accepter les service de personnes victimes de ce trafic constitue également une infraction.

295.En outre, une protection et une aide aux victimes de l’esclavage, de la traite des êtres humains et des atteintes à la liberté sexuelle sont prévues à l’article 12 de la nouvelle loi. Il s’agit de protéger leur vie, leur intégrité physique, leur liberté personnelle et leur liberté sexuelle dès lors que les droits correspondants sont gravement menacés. Les victimes se voient ainsi proposer refuge, nourriture, soins médicaux, soutien psychologique et aide juridique aussi longtemps que nécessaire. Pour les victimes mineures, il est aussi prévu des programmes d’éducation et de formation professionnelle.

296.En vertu de ladite loi et conformément aux dispositions de son article 12, on a promulgué le décret présidentiel no 233/2003 sur la protection et l’aide assurée aux victimes des crimes visés aux articles 323A, 349, 351 et 351A du Code pénal.

297.Aux termes du décret présidentiel:

Les citoyens grecs ou les étrangers qui ont directement subi une atteinte à leur intégrité physique, à leur liberté personnelle ou à leur liberté sexuelle, ou qui sont gravement menacés dans ces aspects ou dans leur vie sont réputés être victimes des crimes visés aux articles 323, 323A, 349, 351 et 351A du Code pénal;

Aux fins du décret présidentiel, les «organismes ou services de protection et d’assistance» s’entendent de tous les organismes de l’État, des services publics dans leur ensemble et des collectivités territoriales chargés de protection et d’assistance;

Lorsque les victimes s’adressent aux organismes ou aux services de protection et d’assistance, elles reçoivent protection et assistance, que des poursuites pénales aient ou non déjà été engagées pour les agissements délictueux visés dans les articles susmentionnés;

Les victimes sont protégées aussi longtemps qu’il existe un risque pour leur vie, leur intégrité physique, leur liberté personnelle et leur liberté sexuelle et elles sont aidées aussi longtemps que les organismes et services de protection et d’assistance l’estiment nécessaire;

Afin de pouvoir leur fournir protection et assistance, les organismes et services en question peuvent prendre les arrangements qui s’imposent avec des organismes à but non lucratif de droit public ou privé, ainsi qu’avec des organisations non gouvernementales actives dans le domaine;

La sécurité des victimes elles‑mêmes et de leur lieu de vie est assurée par des mesures appropriées. La police grecque apporte également son aide;

Les victimes âgées de moins de 18 ans peuvent être admises dans les établissements scolaires publics avec des classes ou sections spéciales d’accueil ou proposant des programmes d’éducation interculturelle; entre 18 et 23 ans, elles peuvent être admises dans les programmes de formation de l’OAED, même lorsque le quota total de places prévues dans ces programmes est déjà rempli;

Les services du système national de santé assurent immédiatement et gratuitement des soins de santé aux victimes qui ne sont pas couvertes par une assurance;

Les organismes et services de protection et d’assistance prennent les mesures appropriées pour fournir une aide juridique aux victimes; ils s’assurent également que les victimes qui ne parlent pas le grec soient assistées d’un interprète;

Un comité permanent présidé par le Secrétaire général chargé de la protection sociale et composé de représentants des ministères concernés a pour mission de coordonner toutes les actions de protection et d’aide pour les victimes, de publier des circulaires sur toutes les questions pertinentes susceptibles de se poser, de recueillir des données statistiques et de proposer des mesures destinées à améliorer la protection et l’aide assurée aux victimes.

298.Afin d’informer les personnels de police concernés et d’assurer une application homogène du nouveau cadre législatif, de la procédure d’identification des victimes et des règles de bonnes pratiques ainsi que la coopération de tous les organismes qui prennent part à la lutte contre la traite des êtres humains, le chef de la police grecque a émis une circulaire. Ce texte prévoit la remise d’une fiche d’information spéciale aux femmes susceptibles d’être victimes de ce trafic ou d’une exploitation financière ou sexuelle, afin de mieux pouvoir les identifier. Cette fiche est disponible en 14 langues.

299.Parallèlement, une équipe spéciale de lutte contre la traite des êtres humains (OKEA) a été créée en 2001 par décision conjointe du Ministre de l’intérieur, de l’administration publique et de la décentralisation et du Ministre de l’ordre public. Dirigée par le chef de la police grecque, elle réunit des spécialistes de haut rang, des universitaires et des représentants du Ministère de l’intérieur, de l’administration et de la décentralisation, de l’Organisation internationale pour les migrations et du Secrétariat général pour l’égalité des sexes. Depuis sa création, l’OKEA a participé à diverses activités, notamment:

Préparation du cadre légal (loi no 3064/2002, décret présidentiel no 233/2003);

Pendant la présidence grecque de l’Union européenne (premier semestre 2003), promotion de l’adoption par le Conseil des ministres de l’UE (en mai 2003) de la Déclaration de Bruxelles sur la prévention et la lutte contre la traite des êtres humains, dans le cadre des activités relevant du domaine de la justice et des affaires intérieures;

Stratégie de communication et de sensibilisation du public par:

La diffusion systématique d’informations par les médias;

La participation des membres de l’OKEA à des séminaires et à des conférences en Grèce et à l’étranger;

La publication d’une lettre d’information;

La participation à l’exposition «L’Europe contre la traite des êtres humains» au Centre culturel d’Athènes (30 janvier‑12 février).

300.L’OKEA a contribué à mobiliser les autorités et les ONG concernées afin qu’elles prennent les mesures nécessaires pour lutter contre la traite des êtres humains, particulièrement dans le cadre de la présidence grecque de l’UE. Cette lutte est une priorité pour tous les services de police grecs. La Direction nationale de la police collabore activement avec le Ministère de l’ordre public, dont le Directeur est membre de l’OKEA. Trois policiers ont été spécialement désignés pour s’occuper du problème de la traite des êtres humains et pour conseiller les services de police régionaux. Il était prévu la mise en place de brigades spéciales de lutte contre ce trafic d’ici à la fin d’octobre 2003 dans les Services de l’ordre public d’Athènes et de Thessalonique.

301.La prochaine étape du programme de travail de l’OKEA est orientée vers des activités plus concrètes et dynamiques avec un élargissement et un renforcement de la coopération avec tous les organismes, l’objectif principal étant de retrouver le plus de victimes possible et de leur prêter assistance.

302.C’est la Division de la sécurité publique de la Direction nationale de la police grecque qui s’occupe du problème du trafic des femmes et des enfants. Elle est composée de spécialistes (y compris des agents féminins) de la prise en charge des cas de traite des êtres humains, qui conseillent les services opérationnels régionaux.

303.Au 1er novembre 2003, des équipes spéciales de lutte contre la traite des êtres humains dotées des ressources nécessaires en personnel et en matériel opéraient au sein des brigades des mœurs des Divisions de sécurité d’Attique et de Thessalonique. Ces équipes fonctionnent encore à titre expérimental et on procédera à une évaluation de leur action en temps utile en vue de leur mise en place définitive et de leur développement éventuel.

Résultats de l’action de la police contre la traite des êtres humains

304.Au cours de la période allant du 15 octobre 2002 au 31 octobre 2003, la police a enquêté sur 475 cas relevant du champ d’application de la loi no 3064/2002 contre la traite des êtres humains. Sur les 703 personnes impliquées dans ce trafic, 592 ont été arrêtées. Enfin, on a établi que 195 femmes au total étaient victimes de ce trafic.

Coopération internationale

305.Le Ministère de l’ordre public est très actif au niveau international, où il coopère avec les organisations internationales et nationales et participe à la lutte commune contre la traite des êtres humains. La police grecque participe à un grand nombre de réunions organisées par l’ONU, Interpol, l’UE et Europol, et dans le cadre de l’Initiative de coopération pour l’Europe du Sud‑Est (SECI), de l’Initiative adriatique‑ionienne, de l’Initiative de la mer Noire, etc.

Opération «Mirage»

306.En septembre 2002, la SECI, plus particulièrement à travers son Groupe de travail sur la traite des êtres humains et l’immigration clandestine, a organisé l’opération «Mirage», avec la participation des États membres de la SECI, d’organisations internationales et d’ONG, dans le but d’identifier, grâce à des enquêtes de police communes, les réseaux criminels impliqués dans la traite de femmes. Les résultats globaux de l’opération, tels qu’établis et publiés par la SECI, font apparaître que 20 558 vérifications ont été faites, 1 738 femmes ont été interrogées et 237 femmes ont été reconnues victimes de ce trafic. L’opération «Mirage» a été reconduite en septembre 2003, en deux phases. Le résultat final pour l’ensemble des pays participants sera annoncé par la SECI. En ce qui concerne la Grèce, il y a eu 83 vérifications, 171 femmes ont été interrogées et 30 femmes ont été identifiées comme victimes.

Coopération policière transfrontière

307.Des réunions bilatérales ont lieu régulièrement avec les pays voisins afin, entre autres, d’améliorer les contrôles aux frontières pour mieux lutter contre l’immigration clandestine et la traite des êtres humains.

Formation des fonctionnaires de police

308.Le sujet de la traite des êtres humains est inscrit dans le programme de formation des fonctionnaires de police à tous les niveaux, depuis l’École de police jusqu’à la formation supérieure. La formation est assurée par des universitaires et par des fonctionnaires de police. Les futurs fonctionnaires de police sont encouragés à choisir un aspect de la traite des êtres humains comme sujet de leur mémoire.

Échange d’informations

309.L’échange d’informations en matière de traite des êtres humains s’effectue dans le cadre de la coopération entre la police grecque et les organismes internationaux tels qu’Europol, Interpol et la SECI, ainsi que dans le cadre des accords bilatéraux de coopération policière conclus entre la Grèce, les pays membres de l’UE et des pays non membres de l’UE. Des officiers de liaison de la police sont déjà en poste dans un certain nombre de pays étrangers.

310.Au niveau national, la police grecque s’attache à diversifier les sources d’information et à obtenir l’analyse systématique des données afin de lutter contre les réseaux de traite des êtres humains.

Coopération internationale pour le développement

311.Le Ministère grec des affaires étrangères est très soucieux d’appuyer l’action des ONG dans la lutte contre la traite des êtres humains. La mise en place d’un mécanisme de coopération entre autorités de l’État, pays d’origine, organisations internationales et ONG est un élément clef de la stratégie globale de lutte contre le fléau que constitue ce trafic.

312.À cette fin, le Ministère des affaires étrangères, notamment par le biais de l’Agence grecque de coopération internationale pour le développement ou «Hellenic Aid», applique actuellement un plan d’action qui comprend, notamment, les mesures suivantes:

Financer les programmes d’ONG contre la traite des êtres humains dans toute la région de l’Europe du Sud‑Est. Actuellement, le Ministère subventionne neuf projets de ce type pour l’Europe du Sud‑Est, pour un montant de 1,1 million d’euros;

Contribuer aux fonds d’affectation spéciale et aux Équipes spéciales contre la traite des êtres humains dans le cadre du Conseil de l’Europe, du Pacte de stabilité, de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et de l’OIM;

Nommer un spécialiste chargé des mesures de lutte contre la traite des êtres humains et en vue de la création d’un Groupe de travail souple et informel afin de suivre l’évolution de la situation et de valider les initiatives des autorités et des ONG en conformité avec les règles et bonnes pratiques internationales, sous le contrôle du Secrétaire général chargé des relations économiques internationales et de la coopération pour le développement;

Soutenir les campagnes d’information conçues par les autorités et par les ONG pour sensibiliser l’opinion publique et démontrer que les victimes de la traite des êtres humains sont privées de leurs droits élémentaires et qu’elles subissent des sévices graves, qui portent sérieusement atteinte à leur intégrité physique, à leur liberté personnelle et à leur liberté sexuelle;

Organiser des réunions avec les ambassadeurs des principaux pays d’origine des victimes de la traite des êtres humains. Par ailleurs, il est prévu des visites sur le terrain dans les pays d’origine d’un grand nombre de ces victimes qui sont venues en Grèce, ainsi que des échanges avec les autorités politiques compétentes, afin de mettre au point des plans d’action et des programmes de coopération communs.

ARTICLE 9: DROIT À LA LIBERTÉ ET À LA SÉCURITÉ DE LA PERSONNE

Cadre constitutionnel et contenu du droit à la liberté et à la sécurité de la personne

313.La Constitution grecque garantit le droit à la liberté et à la sécurité de la personne dans ses articles 5, paragraphe 3, et 6. Le paragraphe 3 de l’article 5 qui, conformément au paragraphe 1 de l’article 110, ne peut faire l’objet d’aucune révision, dispose que «la liberté individuelle est inviolable. Nul n’est poursuivi, arrêté, emprisonné ou soumis à d’autres contraintes que dans les cas et selon les conditions déterminées par la loi». Conformément au paragraphe 1 de l’article 6, «nul ne peut être arrêté ou emprisonné qu’en vertu d’un mandat judiciaire motivé qui doit être signifié au moment de l’arrestation ou de la mise en détention provisoire. Sont exceptés les cas de flagrant délit».

314.La durée maximale de la détention provisoire est d’une année pour les crimes et de six mois pour les délits (art. 6, par. 4, de la Constitution). Conformément au même article, dans des cas tout à fait exceptionnels, ces durées peuvent être prolongées de six et de trois mois, respectivement, par décision de l’autorité judiciaire compétente. Il est interdit d’excéder la durée maximale de la détention provisoire en appliquant successivement cette mesure pour des actes séparés se rapportant à la même affaire (art. 6, par. 4, de la Constitution tel que révisé en 2001). Il convient de souligner que les dispositions de la Constitution grecque sont plus strictes et plus précises que les dispositions correspondantes des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme.

315.Conformément au paragraphe 1 de l’article 20 de la Constitution grecque, «chacun a droit à la protection légale par les tribunaux […]». Ce droit s’entend comme incluant le droit à l’examen de la légalité de la détention par un tribunal, tant pour la détention provisoire que pour toute autre forme de détention. En outre, conformément à l’article 8 de la Constitution, «nul ne peut être distrait contre son gré du juge que la loi lui a assigné. La constitution de commissions juridictionnelles et de juridictions extraordinaires, sous quelque dénomination que ce soit, est interdite».

316.Dans les affaires pénales, toute personne arrêtée doit être présentée au juge d’instruction compétent au plus tard dans les 24 heures suivant l’arrestation. Si l’arrestation a eu lieu hors du siège du juge d’instruction, l’intéressé doit être présenté au juge dans les plus brefs délais. Le juge d’instruction est tenu, dans les trois jours qui suivent la comparution, soit de remettre l’individu arrêté en liberté, soit de décerner contre lui un mandat de dépôt. À la demande de l’intéressé, ou en cas de force majeure immédiatement constatée par décision de l’autorité judiciaire compétente, ce délai peut être prolongé de deux jours. Une fois les délais susmentionnés écoulés, tout geôlier ou autre fonctionnaire civil ou militaire préposé à la garde de l’individu arrêté est tenu de le mettre immédiatement en liberté, sous peine de se voir infliger des sanctions pénales et d’être tenu de réparer tout dommage causé à l’intéressé. Cette procédure prévue aux paragraphes 2 et 3 de l’article 6 de la Constitution est réglementée en détail par plusieurs articles pertinents du Code de procédure pénale (ci‑après dénommé CPP).

Bénéficiaires du droit à la liberté et à la sécurité de la personne

317.Les bénéficiaires du droit à la liberté et à la sécurité de la personne sont uniquement les personnes physiques, quelle que soit leur nationalité. La protection du droit à la liberté et à la sécurité de la personne est absolue, quels que soient le sexe, la race, la nationalité, la langue et les convictions religieuses ou politiques de l’intéressé, comme l’énonce l’article 5, paragraphe 2, de la Constitution grecque.

Cas où la privation de liberté est autorisée − Recours effectifs

Arrestation

318.Sauf dans les cas prévus à l’article 275 du CPP (flagrant délit), nul ne peut être arrêté sans un mandat spécialement et suffisamment motivé du juge d’instruction ou de la chambre d’accusation et produit au moment de l’arrestation. Il ne peut y avoir arrestation que dans les cas où la détention provisoire est autorisée (art. 276, par. 2, du CPP). Dans certains cas, le Code de procédure pénale permet que l’accusé ou un témoin soit déféré sous la contrainte devant le tribunal. La détention des personnes susmentionnées ne doit pas excéder la période de temps jugée absolument nécessaire pour obtenir toute information utile. Enfin, l’alinéa b du paragraphe 1 de l’article 95 du décret présidentiel no 141/1991 autorise les services de police à convoquer ou à transférer dans un établissement de police pour examen toute personne dont il existe des motifs sérieux de soupçonner qu’elle est impliquée dans une infraction pénale. Si les conditions d’arrestation prévues à l’article 275 du CPP ne sont pas réunies, les policiers sont tenus de remettre l’intéressé en liberté.

Détention provisoire

319.La détention provisoire constitue une mesure exceptionnelle qui doit être ordonnée en dernier recours par un magistrat, uniquement si celui‑ci juge que l’imposition de mesures restrictives ne produira aucun résultat. Conformément au paragraphe 3 de l’article 282 du CPP, la détention provisoire ne peut être ordonnée que si les conditions ci‑après sont réunies:

Il existe de sérieux indices de la culpabilité de l’inculpé;

Une enquête criminelle a été ouverte;

La détention provisoire est jugée absolument nécessaire pour garantir que la personne faisant l’objet de la mesure sera présente à tout moment et participera aux actes de l’instruction pertinents ou aux audiences du tribunal (art. 296 du CPP);

La détention provisoire peut être ordonnée au lieu de mesures restrictives uniquement si l’intéressé n’a pas de résidence connue dans le pays, a engagé des préparatifs pour se soustraire à la justice, a déjà été en fuite dans le passé ou a été déclaré coupable d’évasion d’un établissement pénitentiaire ou de violation de restrictions concernant le lieu de résidence, s’il est considéré qu’il a fait un écart de conduite ou enfreint des mesures restrictives, ou lorsqu’on estime qu’il risque de commettre d’autres crimes s’il est remis en liberté; cette appréciation doit être faite en se fondant sur des éléments objectifs concernant la vie de l’inculpé jusque‑là ou sur les circonstances particulières dans lesquelles l’acte dont il est accusé a été commis. La gravité d’une infraction ne justifie pas en elle‑même le placement en détention provisoire (art. 282, par. 3, du CPP);

Conformément au paragraphe 4 de l’article 282, les mesures restrictives imposées à toute personne accusée de crime ou de délit peuvent, en cas de violation, être remplacées par une ordonnance de mise en détention provisoire. La décision à cet effet doit toutefois être prise en respectant les critères énoncés dans la disposition en question.

320.Le juge d’instruction est compétent pour ordonner la détention provisoire de l’inculpé, mais il doit obtenir l’assentiment du Procureur général (art. 283, par. 1, du CPP). Tout désaccord entre les deux magistrats est tranché par la chambre d’accusation compétente. Il convient de noter qu’avant d’exprimer son opinion, le Procureur général doit entendre l’inculpé et son conseil (art. 283, par. 1, du CPP).

Recours effectifs

Recours contre l’ordonnance de placement en détention provisoire ou l’ordonnance du juge d’instruction imposant des mesures restrictives (art. 285 du CPP)

321.L’inculpé peut former un recours contre les ordonnances susmentionnées auprès de la chambre d’accusation compétente dans un délai de cinq jours à compter du début de la détention provisoire. La chambre d’accusation peut lever la mise en détention, la remplacer par des mesures restrictives, ou remplacer les mesures restrictives imposées. Lorsque l’ordonnance initiale a été délivrée à la suite d’une décision de la chambre d’accusation, aucun recours n’est disponible.

Annulation ou remplacement de la détention provisoire ou des mesures restrictives de liberté (art. 286 du CPP)

322.Si, au cours de l’enquête, le juge d’instruction estime que le placement en détention provisoire n’est plus justifié, il peut soit annuler la mesure soit solliciter son annulation auprès de la chambre d’accusation. L’inculpé peut former un recours contre la décision de la chambre en saisissant la chambre d’accusation de la cour d’appel.

323.La personne placée en détention provisoire peut solliciter auprès du juge d’instruction l’annulation de cette mesure ou son remplacement par des mesures restrictives. Elle peut former un recours contre l’ordonnance du juge d’instruction dans les cinq jours suivant son prononcé.

324.Sur avis écrit du Procureur général, le juge d’instruction peut remplacer la détention provisoire par des mesures restrictives, ou remplacer les mesures restrictives par une mise en détention temporaire, en délivrant un mandat d’arrêt. Le Procureur et l’accusé peuvent faire appel de la décision devant une chambre d’accusation dans un délai de 10 jours.

Durée de la détention provisoire (art. 287 du CPP)

325.Au terme de six mois de détention provisoire, la chambre d’accusation peut ordonner la remise en liberté de l’inculpé ou la prolongation de sa détention provisoire. L’inculpé peut rédiger une déclaration exprimant son opinion, qui doit être dûment notifiée à la chambre d’accusation par les autorités du lieu de détention. La chambre d’accusation peut le citer à comparaître, en personne ou par l’intermédiaire de son conseil, afin d’entendre son opinion.

Remplacement de la détention provisoire sur décision de la chambre d’accusation (art. 291 du CPP)

326.S’il est toujours détenu après renvoi de l’affaire devant le tribunal compétent, le défendeur peut demander à la chambre d’accusation ou au tribunal compétent de remplacer la détention provisoire par des mesures restrictives. Cette demande est considérée comme recevable même si la décision pertinente de la chambre d’accusation ou du tribunal n’a pas été appliquée.

Exécution d’une peine privative de liberté − mesures de sûreté

Privation de liberté en tant que sanction pénale

327.L’incarcération dans une maison centrale est réservée à la réclusion à vie ou pour une durée de 5 à 20 ans (art. 52 du Code pénal). L’article 105 du Code pénal prévoit la possibilité d’une libération conditionnelle. La réclusion dans une maison centrale pour une durée indéterminée est imposée aux récidivistes. Si le juge ne fixe que la durée minimale de la période de réclusion (art. 90 et 91 du Code pénal), la loi en fixe la durée maximale (art. 91, par. 3, du Code pénal). On estime que, dans la pratique, ce type de peine privative de liberté n’est jamais appliqué.

328.L’emprisonnement est la principale peine privative de liberté et la plus fréquemment imposée, telle quelle, avec sursis ou remplacée par des peines non privatives de liberté. La durée maximale de la peine d’emprisonnement est de 5 ans et la durée minimale de 10 jours (art. 53 du Code pénal).

329.Conformément à l’article 127 du Code pénal, tel que modifié par le paragraphe 8 de l’article premier de la loi no 3189/2003, si le tribunal, après avoir examiné les circonstances de l’infraction et la personnalité du délinquant mineur, décide qu’il est nécessaire d’imposer à celui‑ci une sanction pénale pour le dissuader de récidiver, il peut, à condition que l’intéressé soit âgé de 13 ans révolus, le condamner à une peine privative de liberté dans un établissement spécial pour mineurs .Le tribunal fixe la durée d’application exacte de cette mesure, qui ne doit pas dépasser 20 ans et qui ne peut pas être inférieure à cinq ans si la loi prévoit pour l’infraction en question une peine privative de liberté de 10 ans au minimum. Dans tous les autres cas, la durée de la peine ne peut pas dépasser 10 ans et ne doit pas être inférieure à six mois (art. 54 du Code pénal, tel que modifié par l’article 2, par. 3, de la loi no 3189/2003).

330.La peine privative de liberté dans des établissements spéciaux pour délinquants dont la responsabilité est limitée est prévue à l’article 37 du Code pénal.Ces délinquants reçoivent une peine atténuée (art. 36 du Code pénal). Lorsqu’un état de responsabilité atténuée exige un traitement ou des soins spécifiques, la peine ou la détention imposée doit être exécutée dans un établissement psychiatrique spécial ou dans le quartier spécial d’un établissement pénitentiaire (art. 37 du Code pénal).

331.La peine privative de liberté dans un établissement psychiatrique peut aussi être imposée aux délinquants dangereux dont la responsabilité est limitée (art. 38 et suiv. du Code pénal). La durée maximale est établie à l’article 39, paragraphe 3, du Code pénal.

332.La détention est la plus légère des peines privatives de liberté. Sa durée minimale est d’une journée et sa durée maximale d’un mois, sauf dispositions contraires du Code pénal (art. 55 du Code pénal). Elle est rarement exécutée car elle est habituellement convertie en peine pécuniaire.

Mesures de sûreté

333.Quelle que soit la responsabilité de l’inculpé, des mesures de sûreté sont appliquées en vue de protéger l’ordre public en lieu et place de la peine principale quand l’intéressé n’est pas responsable pénalement, ou en sus de la peine principale quand il l’est. Les mesures de sûreté supposant une privation de liberté sont les suivantes:

Placement de l’auteur de l’infraction dans un établissement de soins public. Cette mesure peut être appliquée aux personnes déclarées coupables qui, parce qu’elles souffrent d’une maladie mentale ou sont sourdes et muettes, ne peuvent pas être punies pour l’infraction pénale qu’elles ont commise mais présentent un danger pour la sécurité publique (art. 69 du Code pénal);

Placement des alcooliques ou des toxicomanes dans un établissement de soins (art. 71 du Code pénal);

Placement dans un établissement organisé pour le travail obligatoire des délinquants dont les actes peuvent être imputés à la paresse ou à une tendance au vagabondage et à une vie irrégulière (art. 72 du Code pénal). Cette disposition n’est pas appliquée dans la pratique.

Recours effectifs

334.a)Placement des délinquants irresponsables. Conformément au paragraphe 3 de l’article 70 du Code pénal, le tribunal correctionnel compétent se prononce tous les trois ans sur le maintien en détention du délinquant irresponsable. Le même tribunal peut ordonner la remise en liberté de l’intéressé à tout moment, sur demande du Procureur ou du directeur de l’établissement correctionnel.

335.b)Placement des alcooliques ou des toxicomanes dans un établissement de soins. Sur demande du directeur de l’établissement de soins, le tribunal correctionnel compétent du district dont relève l’établissement peut ordonner la remise en liberté de l’intéressé avant l’expiration de la période de deux ans (art. 71, par. 2, du Code pénal).

336.c)Placement dans un établissement organisé pour le travail obligatoire. Sur demande du Procureur ou du directeur de l’établissement, le tribunal correctionnel compétent du district dont relève l’établissement détermine chaque année, au terme de la première année de placement, si l’intéressé doit être remis en liberté (art. 72, par. 3, du Code pénal).

337.Le 19 juin 2003, la Commission nationale des droits de l’homme a proposé au Ministère de la justice une série d’amendements à la loi pénale en vue du renforcement de la protection des droits des handicapés mentaux qui font l’objet de mesures de sûreté pénales. Les amendements étaient notamment axés sur la nécessité de renforcer le système des garanties judiciaires accordées à ces personnes.

Mesures de redressement et mesures thérapeutiques pour délinquants mineurs

338.Le placement du délinquant mineur dans un établissement d’État ou établissement municipal, communal ou privé est l’une des mesures de redressement prévues à l’article 122 du Code pénal. La durée maximale du placement est fixée par le tribunal. En outre, conformément à l’article 123 du Code pénal (tel que modifié par l’article premier, par. 4, de la loi no 3189/2003), si de par sa situation le délinquant mineur nécessite un traitement spécial, en particulier s’il souffre d’une maladie mentale ou d’une autre forme de trouble mental, d’une maladie ou d’une affection qui provoque de graves dysfonctionnements physiques, ou s’il a coutume d’abuser d’alcool ou de substances psychotropes et qu’il ne peut vaincre seul cette dépendance, ou encore s’il souffre d’un retard mental, le tribunal peut le placer dans un établissement de soins ou tout autre établissement approprié.

Recours effectifs

339.Conformément à l’article 124 du Code pénal (tel que remplacé par l’article premier, par. 5, de la loi no 3189/2003), le tribunal qui a jugé l’affaire peut à tout moment remplacer les mesures de redressement qu’il a imposées par d’autres mesures, s’il le juge nécessaire. Si les mesures ont atteint leur objectif, le tribunal peut les lever. Le tribunal peut également lever des mesures thérapeutiques après expertise par une équipe spécialisée composée de médecins, de psychologues et de travailleurs sociaux. Un an au plus tard après que les mesures de redressement ou les mesures thérapeutiques ont été imposées, le tribunal détermine s’il y a des raisons de les remplacer ou de les lever. Les mesures de redressement imposées par le tribunal expirent dès lors que le délinquant mineur atteint l’âge de 18 ans, mais par décision spécialement motivée le tribunal peut les prolonger jusqu’à ce que l’intéressé atteigne l’âge de 21 ans. Les mesures thérapeutiques peuvent être prolongées jusqu’à ce que le délinquant mineur atteigne l’âge de 21 ans, après expertise par une équipe spécialisée composée de médecins, de psychologues et de travailleurs sociaux (art. 125 du Code pénal, tel que remplacé par l’article premier, par. 6, de la loi no 3189/2003).

Emprisonnement pour dettes vis ‑à ‑vis de l’État

340.Conformément à l’article 4, paragraphe 5, de la Constitution, «tous les citoyens hellènes contribuent indistinctement aux charges publiques selon leurs facultés».

341.L’emprisonnement pour dettes vis‑à‑vis de l’État a été instauré afin de garantir l’exécution de l’obligation fondamentale incombant aux citoyens grecs mentionnée ci‑dessus. La procédure correspondante est définie dans le nouveau Code de procédure administrative (ci‑après dénommé CPA, loi no 2717/1999).

342.Tout litige survenant en relation avec la perception des recettes publiques, qui s’effectue conformément aux dispositions du Code des impôts, relève de la disposition susmentionnée du CPA, sauf si lesdites recettes concernent des créances de droit privé.

343.L’emprisonnement est ordonné par un tribunal compétent, à la demande de l’État (art. 231, par. 1, du CPA).

344.L’article 234 impose des restrictions importantes à l’adoption de cette mesure, en particulier en ce qui concerne le montant de la dette et la durée de la détention, qui ne peut en aucun cas dépasser une année.

345.L’article 236 exige l’observance stricte du principe de proportionnalité dans l’adoption de la mesure en question. Plus spécifiquement, l’article 236 dispose que le tribunal compétent ne peut ordonner l’emprisonnement que s’il considère que cette mesure est nécessaire et appropriée pour obtenir le paiement de la dette et qu’elle est le seul moyen adéquat d’obtenir la somme d’argent nécessaire à l’exécution de la créance correspondante.

346.La Grande Chambre du Conseil d’État a estimé que l’emprisonnement ne pouvait être ordonné que dans le cas de créances de l’État et non pour les créances d’autres entités publiques telles que la Caisse de sécurité sociale. Cette conclusion découle du libellé des dispositions pertinentes du CPA, qui doivent être interprétées de manière restrictive, à la lumière du paragraphe 3 de l’article 5 de la Constitution et de l’article 7 de la Convention européenne des droits de l’homme, étant donné que ces dispositions prévoient de priver des débiteurs de leur droit à la liberté individuelle.

Recours effectifs

347.Cette mesure de privation de la liberté individuelle est assortie d’une série de garanties judiciaires. Il convient de noter que conformément à l’article 231 du CPA, il s’agit d’une mesure ordonnée par une autorité judiciaire et non administrative. La personne emprisonnée peut déposer:

Une demande de remise en liberté lorsque le montant de la créance (avec les intérêts dus et les frais de justice) a été versé à l’autorité compétente, soldé par un tiers ou déposé à la Caisse des dépôts et consignations. Le jugement après examen doit être rendu dans un délai de deux à quatre jours à compter de la date de la présentation de la demande (art. 238 du CPA);

Une demande de suspension temporaire de l’emprisonnement (art. 239 du CPA);

Une demande de placement dans un autre établissement ou de remise en liberté pour raisons de santé (art. 240 du CPA).

348.Conformément à l’article 242 du CPA, toutes les décisions d’emprisonnement de cette nature peuvent faire l’objet d’un recours devant les tribunaux administratifs compétents. Dans la plupart des cas, l’expiration du délai d’examen ou le recours lui‑même conduisent à la suspension de la décision. Néanmoins, le tribunal compétent peut déclarer sa décision provisoirement exécutoire.

349.Avant d’être emprisonnée, la personne arrêtée peut formuler des objections quant à la légalité de son arrestation ou faire valoir, après l’audience consacrée à l’examen de la demande concernant la décision d’emprisonnement, que sa dette a été acquittée. Dans ce cas, l’intéressé doit être immédiatement présenté au Président du tribunal de première instance compétent, qui statue immédiatement sur les objections formulées. Si celles‑ci sont admises, l’intéressé est immédiatement remis en liberté. Si elles sont rejetées, il est emprisonné. Cette dernière décision ne peut faire l’objet d’aucun recours (art. 243 du CPA).

Emprisonnement destiné à assurer l’exécution d’obligations légales

350.a)Les articles 914 à 938 du Code civil établissent l’obligation, pour l’auteur d’un acte illicite (quasi‑délit ou délit), de verser une indemnisation. Conformément au paragraphe 1 de l’article 1047 du Code de procédure civile (ci‑après dénommé CPC), une peine d’emprisonnement peut être prononcée pour assurer l’exécution d’obligations découlant desdits actes. Toutes les dispositions exposées dans le présent rapport au titre de l’article 11 du Pacte sont alors applicables.

351.b)Par ailleurs, une peine d’emprisonnement peut être prononcée en cas de non‑exécution de l’obligation légale de verser une pension alimentaire, si celle‑ci est établie par la loi et a été reconnue par une décision de justice.

L’emprisonnement comme moyen de contrainte

352.L’article 946 du CPC dispose que si le débiteur ne s’acquitte pas de son obligation d’exécuter un acte qui ne peut pas être exécuté par un tiers et dont l’exécution dépend uniquement de sa volonté, le tribunal peut le condamner à exécuter l’acte en question et, au cas où il ne se conformerait pas à cette décision, lui imposer d’office de verser au plaignant un dédommagement pouvant atteindre 6 000 euros, assorti d’une peine d’emprisonnement d’un an au maximum.

353.L’article 947 du CPC contient une disposition similaire en cas de non‑respect d’une décision de justice ordonnant de ne pas faire un acte ou de ne pas s’y opposer.

354.Le non‑respect, par l’une quelconque des parties, des décisions de justice ordonnant de présenter un enfant ou régissant le droit du parent de communiquer personnellement avec son enfant est passible d’emprisonnement (art. 950 du CPC).

355.À propos de l’emprisonnement pour dettes commerciales et des recours disponibles en pareil cas, voir les renseignements fournis concernant l’article 11 du Pacte.

Hospitalisation d’office des personnes atteintes de troubles mentaux

356.La loi no 2071/1992 («Modernisation et organisation du système de santé») énonce, dans sa section 6, les critères et garanties concernant l’hospitalisation d’office dans des services psychiatriques des personnes atteintes de troubles mentaux.

357.Conformément au paragraphe 2 de l’article 95 de ladite loi, les conditions devant être réunies pour une hospitalisation d’office sont les suivantes:

Le patient souffre de troubles mentaux;

Le patient n’est pas en mesure de déterminer ce qui est dans son meilleur intérêt pour sa santé;

La non‑hospitalisation du patient entraînerait l’interruption de son traitement, ou une détérioration de son état de santé;

ou

L’hospitalisation du patient est indispensable pour l’empêcher de commettre des actes de violence dirigés contre lui‑même ou contre autrui.

358.Il convient de mentionner que conformément au paragraphe 3 dudit article, l’incapacité ou le refus d’une personne de se conformer aux valeurs sociales, morales ou politiques dominantes ne constitue pas per se un trouble mental.

359.L’article 96 de la loi susmentionnée décrit en détail la procédure d’admission dans les services psychiatriques. Seuls le conjoint, les parents proches, le gardien ou le tuteur légal d’un patient peuvent demander l’hospitalisation d’office de l’intéressé. À défaut d’une demande émanant des personnes susmentionnées, le procureur compétent peut, en cas d’urgence, demander l’hospitalisation d’office d’un patient.

360.La demande doit être adressée au magistrat compétent (procureur), assortie d’une expertise écrite réalisée par au moins deux psychiatres.

361.Le procureur ordonne le transfert du patient dans un service psychiatrique approprié, après avoir vérifié que les conditions définies par la loi sont réunies, et uniquement si les deux expertises s’accordent sur la nécessité d’une hospitalisation.

362.L’article 98 dispose que les modalités de l’hospitalisation doivent répondre aux besoins du traitement. En outre, la personnalité du patient doit être respectée et les restrictions imposées à sa liberté personnelle ne doivent être dictées que par son état de santé et par les exigences du traitement.

363.Conformément à l’article 99, il est mis fin à l’hospitalisation d’office lorsque les conditions mentionnées ne sont plus réunies. Le patient est alors remis en liberté immédiatement. Néanmoins, la durée de l’hospitalisation d’office ne peut dépasser six mois; elle ne peut être prolongée que dans des circonstances exceptionnelles et selon avis concordant d’un comité composé de trois psychiatres.

Recours effectifs

364.La loi no 2071/1992 établit un système de contrôle juridictionnel de la légalité de l’hospitalisation d’office. Ce système garantit le respect de toutes les conditions légales de l’hospitalisation. Il impose également le respect des droits de l’intéressé et confère à ce dernier le droit d’être entendu et d’exercer un recours. Plus spécifiquement:

365.Dans un délai de trois jours après avoir ordonné le transfert du patient, le procureur compétent demande au tribunal de première instance, composé de trois juges, de se prononcer sur la question. L’audience a lieu dans les 10 jours suivant la demande du procureur. Le tribunal peut décider de tenir une audience à huis clos afin de protéger la vie privée du patient. Le patient est averti 48 heures au moins avant l’audience. Il peut être représenté par un avocat et un psychiatre en tant qu’expert‑conseil (art. 96, par. 6). Le tribunal peut ordonner l’examen du patient par un autre psychiatre, s’il estime que les expertises fournies divergent ou ne sont pas convaincantes, ou que le médecin‑chef de l’hôpital exprime une opinion qui s’écarte des conclusions de l’expertise. La décision du tribunal de première instance doit être spécialement motivée (art. 96, par. 8).

366.En vertu de l’article 97 de la loi susmentionnée, la décision du tribunal de première instance est susceptible d’appel ou de réexamen pour vice, conformément aux dispositions du Code de procédure civile, dans un délai de deux mois à compter de la publication de la décision. L’appel est examiné par une cour d’appel composée de trois juges dans les 15 jours à compter du moment où il a été interjeté. L’audience n’est pas publique. La cour d’appel peut demander une expertise par un autre psychiatre ou toute autre mesure qu’elle juge nécessaire.

367.Enfin, conformément au paragraphe 3 de l’article 99, le patient, ses proches ou son tuteur légal peuvent demander la levée de l’hospitalisation d’office en adressant au procureur une demande à cet effet. Le procureur transmet immédiatement la demande au tribunal de première instance. Si le tribunal de première instance n’accepte pas la demande, une nouvelle demande peut être déposée après trois mois.

Détention d’étrangers en attente d’expulsion

368.Voir les renseignements fournis dans le présent rapport au titre de l’article 13 du Pacte.

369.En ce qui concerne les demandeurs d’asile en détention, il convient de noter qu’afin d’assurer la protection effective des réfugiés la Division chargée des étrangers à la Direction nationale de la police grecque a donné à tous les services de police l’ordre d’appliquer rigoureusement les procédures juridiques prévues en matière d’asile, qui garantissent les droits des demandeurs d’asile, et de ne pas faire obstacle à la présentation des demandes. Les demandeurs d’asile détenus sont pleinement informés des raisons de leur détention et de tous les droits qu’ils peuvent exercer pendant leur détention, en particulier le droit de communiquer (notamment avec le Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et d’autres organisations internationales, le Conseil grec pour les réfugiés et d’autres ONG actives dans le domaine des droits de l’homme et associées au HCR) et le droit d’être assisté par un conseil. Dans tous les cas, les demandes d’asile sont examinées quant au fond et toutes les garanties sont assurées aux requérants. Durant la période nécessaire pour la procédure, aucun demandeur d’asile ne peut être expulsé ni renvoyé dans son pays d’origine.

Droit à indemnisation pour détention illégale

370.L’article 7, paragraphe 4, de la Constitution dispose que «la loi fixe les conditions dans lesquelles l’État, après décision judiciaire, accorde une indemnité aux individus injustement ou illégalement condamnés, provisoirement détenus ou privés de toute autre manière de leur liberté individuelle». Il est vrai que les tribunaux appliquaient les dispositions pertinentes du Code de procédure pénale (CPP) de manière plutôt restrictive et que les revendications des intéressés étaient rejetées dans la majorité des cas. Les tribunaux pénaux compétents tendaient à considérer que la personne condamnée ou placée en détention provisoire avait contribué, par une grave négligence de sa part, à cette situation, d’où un refus d’indemnisation. En outre, les tribunaux pénaux avaient tendance à restreindre le droit de l’intéressé d’être entendu sur la question. Parallèlement, il arrivait fréquemment que les décisions pertinentes ne soient pas suffisamment motivées. La Cour européenne des droits de l’homme a constaté dans plusieurs cas que les dispositions pertinentes du paragraphe 5 de l’article 5 et du paragraphe 1 de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme avaient été violées.

371.Compte tenu de la jurisprudence mentionnée ci‑dessus, le Parlement a adopté l’article 26 de la loi no 2915/2001 portant modification des articles 533 à 545 du CPP afin de rendre mieux opérant le système d’indemnisation des personnes détenues illégalement. Cette nouvelle législation dispose que l’indemnisation ne peut être refusée que si l’intéressé a contribué délibérément à son placement en détention. En outre, elle garantit le droit à une audience préalable et établit un seuil raisonnable pour l’indemnisation. Conformément à l’article 543 du CPP, les dispositions pertinentes s’appliquent également aux étrangers et aux apatrides, sans autres conditions. Dans son libellé antérieur, l’article imposait comme condition l’existence d’un principe de réciprocité.

ARTICLE 10: TRAITEMENT AVEC HUMANITÉ DES PERSONNES PRIVÉES DE LIBERTÉ

Droits fondamentaux des personnes emprisonnées

372.Les droits des personnes emprisonnées sont régis par le Code pénitentiaire, qui a été ratifié par la loi no 2776/1999. Les notes explicatives annexées au Code indiquent que «toute peine privative de liberté doit être exécutée dans le cadre des dispositions de la Constitution, des conventions internationales … et des autres instruments internationaux généralement reconnus tels que les Règles pénitentiaires européennes pour le traitement des détenus (adoptées dans le cadre du Conseil de l’Europe) de 1973 et de 1987».

373.La protection de la dignité humaine et la promotion du respect de soi et du sens de la responsabilité sociale des détenus constituent les principes de base du Code pénitentiaire. Le contrôle de la légalité des mesures relatives au traitement des détenus est exercé par le magistrat compétent et par le tribunal de l’exécution des peines (art. 2, par. 1 et 2, du Code). Le principe du traitement égal des détenus et de l’interdiction de la discrimination est expressément établi à l’article 3 du Code.

374.Il est établi que les détenus n’ont pas d’autres obligations et ne sont pas soumis à d’autres restrictions de leurs droits que celles prévues dans le Code. Le seul droit qui est restreint durant l’exécution de la peine est le droit à la liberté individuelle (art. 4, par. 1, du Code). Les mesures relatives à la surveillance et au fonctionnement normal des établissements pénitentiaires n’excluent pas l’exercice, par les détenus, des droits civils et politiques protégés par la Constitution (art. 7 du Code pénitentiaire).

375.Plus spécifiquement, les détenus jouissent des droits ci‑après:

Le Code garantit à tous les détenus le droit au plein développement de leur personnalité (art. 4, par. 2), garanti par la Constitution, ainsi que le droit de vote (art. 5);

Le Code dispose également qu’en cas d’acte illicite commis à l’encontre d’un détenu ou en cas d’ordre illégal, le détenu a le droit d’adresser un rapport écrit au Conseil des prisons, au cas où le Code ne prévoit pas l’exercice d’une autre voie de recours. Le rapport écrit demeure confidentiel, mais le détenu a le droit d’en demander l’examen en deuxième instance par le tribunal de l’exécution des peines. Le tribunal suspend les effets de l’acte illicite s’il estime que le rapport est dûment fondé en droit et en fait. L’autorité compétente du Ministère de la justice annule l’acte illicite et satisfait à la requête du détenu (art. 6, par. 2, du Code);

Le Code établit également l’obligation de la direction de l’établissement pénitentiaire de transmettre, dans un délai de trois mois, tout rapport ou lettre d’un détenu à une autorité publique ou à une organisation internationale, sans prendre connaissance de son contenu. La direction de l’établissement est tenue de consigner toute démarche de ce type dans un dossier spécial (art. 6, par. 3);

D’autres dispositions du Code pénitentiaire garantissent l’hygiène personnelle des détenus (art. 25, par. 1), le contrôle sanitaire de tous les locaux de détention (art. 26, par. 1) ainsi que la propreté des matelas, des draps, des vêtements et des serviettes de toilette des détenus (art. 33);

Le directeur de l’établissement doit garantir l’accès des détenus à des soins de santé et à une prise en charge médicale. Le niveau et la qualité des soins doivent être similaires à ceux assurés à l’extérieur. Dans ce contexte, chaque détenu passe un examen médical au moment de son admission, puis tous les six mois. Un dossier (ou carte) de santé concernant chaque détenu est constitué et tenu à jour. Toutes les données relatives à la santé de l’intéressé sont consignées dans ce dossier, qui accompagne le détenu partout où il est transféré;

Les détenus qui tombent malades durant leur détention ou qui souffrent de troubles mentaux aigus sont admis à l’infirmerie ou dans une section spéciale de l’établissement. Si les circonstances l’exigent, au cas où il n’est pas possible de les soigner dans les services médicaux de l’établissement, les patients sont transférés, au cas par cas, vers les hôpitaux généraux;

Le régime alimentaire des détenus est fixé chaque semaine par le médecin de l’établissement, en coopération avec le Conseil des prisons. Des menus spéciaux sont prévus pour certains détenus ou groupes de détenus en fonction de leur état de santé ou de leurs convictions religieuses;

Les détenus disposent d’une heure par jour pour marcher ou pratiquer une autre forme d’exercice. Cette disposition vise à préserver leur santé physique et mentale;

Chaque détenu a le droit de s’informer grâce aux journaux, aux magazines et aux émissions de radio et de télévision. Des conférences et des discussions de groupe sont organisées sur place et les détenus ont la possibilité de s’instruire en utilisant la bibliothèque de prêt de l’établissement;

Tous les détenus, quelle que soit leur nationalité, jouissent de la liberté de religion, garantie par la Constitution, sans discrimination;

Le travail effectué par les détenus ne constitue pas une punition. Ceux qui en expriment le souhait sont inscrits dans des programmes d’enseignement et de formation professionnels. Les détenus peuvent être employés à des travaux auxiliaires. Il existe des unités de travail agricole et industriel dans les établissements de détention. Un détenu peut travailler à son compte moyennant autorisation du Conseil des prisons. Les détenus peuvent travailler à l’extérieur à des tâches agricoles ou industrielles, sous la supervision de la direction de l’établissement. Ceux qui effectuent un travail, quel qu’il soit, ou qui participent à des programmes de formation peuvent bénéficier d’une réduction de peine;

Chaque détenu a le droit de recevoir la visite de membres de sa famille (jusqu’au quatrième degré) au moins une fois par semaine, et les personnes placées en détention provisoire y ont droit au moins deux fois par semaine. Les visites des conjoints et des enfants ont lieu dans des locaux spéciaux. En cas d’interdiction des visites, tout détenu peut saisir le magistrat compétent;

Tout détenu a le droit de communiquer par téléphone, par télégramme ou par lettre, sans restrictions quantitatives. Ceux qui sont en détention provisoire ont le droit de communiquer avec leurs avocats. Le contenu de la communication ne fait l’objet d’aucun contrôle, sauf dans les cas où la sécurité nationale est menacée ou pour établir avec certitude que des crimes particulièrement graves ont été commis. Dans ce dernier cas, le contrôle doit être effectué dans le respect des garanties prévues par la loi. Dans tous les autres cas, les appels téléphoniques s’effectuent dans des pièces placées sous surveillance visuelle uniquement, et les lettres sont ouvertes devant le détenu sans être lues;

Les détenus ont droit, sous certaines conditions, à des permissions de sortie ordinaires, extraordinaires ou pour cause de formation, dont il est tenu compte pour le calcul de la peine qui a été prononcée;

Les sanctions disciplinaires ne peuvent être imposées que pour les fautes disciplinaires prévues dans le Code pénitentiaire. Les sanctions disciplinaires appliquées pour faute disciplinaire sont les suivantes: a) régime cellulaire; b) transfert dans un autre établissement pénitentiaire; c) points de pénalité (pris en compte pour évaluer le comportement du détenu dans la prise de décisions relatives à la libération conditionnelle, aux permissions de sortie et à la réduction de la durée de la peine). En tout état de cause, cependant, aucune peine disciplinaire ne doit être prononcée ni appliquée si elle constitue une torture ou un mauvais traitement, si elle porte atteinte à la santé du détenu ou si elle occasionne des violences psychologiques (art. 66, par. 2, du Code pénitentiaire);

Compte tenu du fait que près de 40 % des personnes détenues en Grèce sont des étrangers, le Ministère de la justice a publié une brochure dans neuf langues étrangères afin d’informer les détenus étrangers de leurs droits et de leurs obligations. En outre, tous les détenus sont informés, dans une langue qu’ils peuvent comprendre, des dispositions du Code pénitentiaire et du règlement intérieur de l’établissement pénitentiaire;

Le nouveau Code pénitentiaire contient des dispositions détaillées concernant les critères auxquels doivent répondre les bâtiments qui seront utilisés comme lieux de détention. Le placement d’un deuxième détenu dans une cellule individuelle n’est autorisé que dans des circonstances exceptionnelles et pour une durée limitée. Les mères accompagnées de leur bébé sont placées dans des cellules individuelles.

376.Un certain nombre d’organes sont habilités à surveiller les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires, notamment:

La Commission centrale des prisons, qui est notamment habilitée à soumettre au Ministre de la justice des propositions sur la politique pénitentiaire en général et sur la lutte contre la criminalité, mais aussi sur l’information et la formation du personnel pénitentiaire. Elle surveille également l’exécution des programmes pour l’emploi, l’éducation et la formation des détenus;

Le Conseil des prisons, chargé notamment de l’organisation des activités d’éducation ou autres (art. 34, par. 1), organise des conférences (art. 37, par. 2), met sur pied des activités pour distraire les détenus (art. 38, par. 2), s’occupe de faire travailler des détenus à la demande d’organismes publics ou privés (art. 41, par. 5), autorise la visite de personnes autres que les proches du détenu (telles que des membres d’organisations scientifiques, religieuses ou culturelles, conformément au paragraphe 2 de l’article 52), décide les mesures de sécurité ou d’isolement protecteur nécessaires en cas de tentative de suicide, de maladie contagieuse, de troubles mentaux ou de réactions résultant de la détention, sur avis médical et sans que ces mesures ne constituent une punition (art. 65, par. 3). En cas d’isolement protecteur, le détenu concerné est placé sous surveillance médicale quotidienne;

Le Comité central des transfèrements s’occupe des transfèrements de détenus selon les conditions énoncées au paragraphe 2 de l’article 9 du Code pénitentiaire.

Inspection des établissements pénitentiaires − Garanties du respect des droits des détenus

377.La loi no 3090/2002 a établi le Corps d’inspection et de surveillance des établissements pénitentiaires. Il s’agit d’un organisme spécial qui rend compte directement au Secrétaire général du Ministère de la justice. Le Directeur du Corps est un magistrat à la retraite.

378.La Commission centrale des prisons propose les mesures visant à améliorer les conditions de fonctionnement des établissements de détention et à garantir le plein exercice de tous les droits des détenus (art. 8, par. 3, al. a). Elle définit également les règles de fonctionnement de tous les établissements pénitentiaires puis les soumet au Ministre de la justice pour approbation. Ces règles sont élaborées sur la base des propositions formulées par les conseils des prisons compétents (art. 8, par. 3, al. b).

379.En outre, les directeurs des établissements pénitentiaires sont tenus de soumettre chaque année un rapport sur le fonctionnement de l’établissement ainsi que des propositions pertinentes (art. 83, par. 1, du Code). Ils sont également tenus de contrôler et de surveiller quotidiennement la qualité des aliments servis. Un médecin désigné par la commission médicale locale peut être présent lors de ce contrôle.

380.Par ailleurs, le système de contrôle juridictionnel décrit au paragraphe 1 de l’article 572 du Code de procédure pénale est maintenu. Ce contrôle est exercé par le procureur chargé de l’exécution de la peine, c’est‑à‑dire le procureur du tribunal correctionnel dont relève l’établissement concerné, et par le tribunal chargé de l’exécution de la peine, c’est‑à‑dire le tribunal correctionnel compétent ratione loci, composé de trois membres.

381.Dans les quatre principales prisons du pays, un procureur adjoint à la cour d’appel exerce les attributions ci‑dessus, assisté d’un procureur du tribunal correctionnel qui est affecté aux prisons en question et déchargé de toutes ses autres fonctions.

382.Le procureur contrôle et surveille les aspects suivants: a) conditions de vie, b) application des dispositions du Code pénitentiaire, c) respect des droits des détenus, d) prévention de tout traitement inhumain. Il visite la prison au moins une fois par semaine. Durant ces visites, il rencontre les détenus qui ont sollicité une audience (art. 572, par. 2, du CPP). Le contrôle que le procureur exerce sur l’établissement pénitentiaire vise notamment à garantir que les détenus sont traités de manière égale et humaine, sans discrimination fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, la nationalité, l’origine sociale ou les convictions (art. 1, par. 3, du Code pénitentiaire).

383.Le procureur compétent préside le Conseil disciplinaire, qui récompense ou sanctionne les détenus.

384.S’il a été établi que les droits des détenus ont été violés ou qu’un détenu a été victime d’un abus, le Procureur est tenu de signaler par écrit tout incident pertinent, au Ministère de la justice s’il s’agit d’une faute disciplinaire et au procureur du tribunal correctionnel s’il s’agit d’une infraction pénale, afin qu’une procédure disciplinaire ou pénale soit engagée. Il convient également de noter qu’en cas de faute disciplinaire commise par le personnel pénitentiaire, le Ministre de la justice et le Secrétaire général du Ministère peuvent tous deux demander au procureur compétent d’ouvrir une enquête disciplinaire préliminaire.

Formation du personnel pénitentiaire

385.La formation du personnel est organisée par le Ministère de la justice. La Commission centrale des prisons propose les mesures à adopter pour l’éducation et la formation du personnel. La formation de base est dispensée à l’École pénitentiaire, immédiatement après le recrutement des nouveaux agents. Ceux‑ci ne seront titularisés qu’après avoir achevé cette formation. Ils auront ensuite accès au programme de formation continue de l’Institut d’éducation permanente.

386.Durant leur formation théorique et pratique, les membres du personnel pénitentiaire acquièrent des connaissances sur divers sujets: a) Code pénitentiaire et traitement correctionnel des mineurs; b) attributions du personnel pénitentiaire; c) instruments pertinents des Nations Unies et du Conseil de l’Europe, et protection internationale des droits de l’homme en général; d) éléments de psychologie (psychologie des détenus, psychologie des délinquants et des criminels, psychologie des toxicomanes, psychologie du personnel pénitentiaire); e) hygiène des détenus et équipement sanitaire des locaux de détention; f) peines de substitution; g) méthodes de solution des conflits dans l’établissement pénitentiaire; h) premiers secours; i) prise en charge des mutineries et des émeutes.

Séparation des personnes placées en détention provisoire et des condamnés

387.La Grèce dispose de différents types d’établissements pénitentiaires: prisons judiciaires, prisons fermées, centres thérapeutiques, institutions spéciales pour la détention des mineurs et prisons agricoles. Les personnes placées en détention provisoire et les condamnés purgeant une peine de cinq ans au maximum sont détenus dans des prisons judiciaires, et les personnes purgeant une peine de plus de cinq ans dans des prisons fermées. Néanmoins, de nouveaux établissements pénitentiaires sont en construction. Il sera possible d’y séparer les personnes en détention provisoire et les condamnés qui purgent leur peine.

Séparation des délinquants mineurs et des adultes

388.Conformément au paragraphe 1 de l’article 121 du Code pénal, tel que modifié par la loi no 3189/2003, on entend par «mineur» toute personne âgée de 8 à 18 ans (révolus) au moment où l’infraction a été commise. Conformément à la même loi, les mineurs âgés de 8 ans à 13 ans ne peuvent être tenus pour responsables pénalement. Les mineurs de plus de 13 ans peuvent être tenus pour responsables pénalement. Ils peuvent être condamnés à une peine privative de liberté, purgée dans une institution spéciale pour la détention de mineurs; la durée exacte de la privation de liberté est fixée par le tribunal compétent.

389.Pour plus de détails sur cette question, voir supra, à la section consacrée à l’article 9 du Pacte.

390.Conformément à l’article 12 du Code pénitentiaire, les détenus âgés de 13 à 21 ans sont considérés comme des détenus mineurs. Les détenus mineurs sont autorisés à rester dans les établissements ou les quartiers spéciaux de détention pour mineurs jusqu’à l’âge de 25 ans, et si cela est jugé nécessaire pour qu’ils achèvent les programmes d’éducation et de formation qu’ils y ont entrepris. Néanmoins, certains détenus mineurs de plus de 18 ans peuvent être transférés et détenus dans des établissements pénitentiaires pour adultes s’il existe des motifs sérieux pour cela (art. 12, par. 3).

391.Il existe une société de protection des mineurs au siège de chaque tribunal de première instance. Ces organismes publics, supervisés par le Ministère de la justice, ont principalement pour but de contribuer activement à la prévention de la délinquance juvénile et de fournir une aide matérielle et sociale aux mineurs qui font l’objet de mesures de redressement, qui sortent d’un centre de détention spécial ou qui connaissent de graves problèmes d’insertion sociale (art. 18 de la loi no 2298/1995 et art. 13 de la loi no 2331/1995).

Réinsertion sociale des détenus − Peines de substitution

392.Il y a longtemps que l’on cherche à remplacer la détention par des peines pécuniaires ou non privatives de liberté et ces options prévalent actuellement. Cette pratique des tribunaux consistant à diminuer progressivement le recours à la détention a également été suivie par le législateur. Ainsi, la limite maximale prévue pour la conversion d’une peine d’emprisonnement en peine pécuniaire (art. 82 du Code pénal) et pour une suspension de peine (art. 99 à 104 du Code pénal dans le cas des délinquants primaires) a été relevée.

393.En vertu de lois récentes, les personnes condamnées peuvent éviter la détention si elles acceptent d’effectuer un travail d’intérêt général. Il existe en outre une possibilité de suspension de peine avec ou sans supervision (art. 100 et 100A du Code pénal) ou de libération conditionnelle (art. 105 du Code pénal).

394.Le nouveau Code pénitentiaire dispose que l’État doit s’occuper de la réinsertion et de l’adaptation du détenu qui va être remis en liberté par rapport à son environnement social, professionnel et familial (art. 80 et 81). Il a déjà été créé un organisme juridique à but non lucratif ayant pour vocation de faciliter la formation et la réinsertion professionnelles des intéressés, de leur offrir une assistance financière et de les aider à se réinsérer progressivement dans la société, dit «Epanodos».

Mesures de sécurité

395.Le maintien de l’ordre et de la sécurité dans l’établissement pénitentiaire incombe au personnel pénitentiaire. S’il y a une mutinerie ou une émeute, le procureur ou, en cas d’extrême gravité ou urgence, le directeur de l’établissement, le directeur adjoint ou le surveillant en chef peuvent demander aux forces de police de fournir l’assistance nécessaire, y compris en pénétrant dans n’importe quel endroit de l’établissement. Le procureur peut annuler la requête à cet effet présentée par le responsable. La méthode d’intervention est décidée par le policier qui dirige l’opération (art. 65, par. 1, du Code pénitentiaire).

396.La disposition législative susmentionnée est d’une grande importance car elle prévoit qu’en cas de troubles dans la prison, c’est le procureur qui décide des mesures à prendre et coordonne les actions à mener pour rétablir l’ordre et la sécurité.

397.Les mesures de sécurité consistent en l’utilisation de menottes, l’isolement dans une cellule en tant que mesure disciplinaire et toute autre mesure similaire. Elles sont adoptées par le Conseil des prisons ou, en cas d’urgence, par le directeur de l’établissement. Dans ce dernier cas, le Conseil doit les approuver dans les 24 heures (art. 65, par. 2).

Conditions de détention dans les prisons militaires et dans les locaux disciplinaires des forces armées

398.Les prisons des forces armées ont été supprimées et le dispositif a été transféré au Ministère de la justice, en application d’un accord spécial avec le Ministère de la défense nationale. Une section de la prison judiciaire de Corinthe est actuellement utilisée comme prison militaire. Le personnel de sécurité et le personnel pénitentiaire de cette section sont les mêmes que ceux du reste de la prison et ne dépendent pas du Ministère de la défense. Le Code pénitentiaire s’applique aux détenus de cette section spéciale, au même titre qu’à ceux des autres établissements pénitentiaires du pays.

399.L’unique prison strictement militaire du pays est située près du camp militaire «Pavlos Melas» à Thessalonique. Elle ne peut toutefois accueillir un grand nombre de détenus (elle ne compte que six cellules pour soldats et une cellule pour officiers, qui ne peuvent chacune accueillir que trois et deux personnes, respectivement). Les conditions de détention dans cette prison sont excellentes. Le personnel de sécurité est composé de membres des forces armées. Les textes de loi applicables sont le règlement des prisons militaires et le Code pénitentiaire. Il convient de noter que deux soldats et un officier seulement étaient détenus dans cet établissement en septembre 2003.

400.Certains locaux de détention des forces armées sont réservés aux peines disciplinaires sévères. Le Code pénitentiaire et le règlement des prisons militaires s’appliquent aux personnes qui y sont détenues. Les conditions de détention sont satisfaisantes et ne posent pas de problème particulier.

Efforts en vue d’améliorer les conditions de détention

401.Ces dernières années, des organismes et organes internationaux pour la protection des droits de l’homme et des institutions nationales compétentes ont examiné les conditions de détention en Grèce. Plus spécifiquement:

402.En mai 2001, le Comité contre la torture a adopté ses conclusions et recommandations après avoir examiné le troisième rapport périodique de la Grèce. Le Comité a en particulier noté avec satisfaction le cadre juridique existant ainsi que le dispositif institutionnel mis en place pour la protection contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, la mise en place de nouvelles institutions afin de garantir les droits des détenus et le recours à du personnel spécialement formé ne relevant pas de l’administration pénitentiaire pour intervenir, sous la supervision du parquet, en cas de troubles graves dans les prisons. Le Comité a en revanche exprimé sa préoccupation concernant la dureté des conditions d’incarcération en général, en particulier le maintien en détention pour de longues périodes de migrants sans papiers ou de demandeurs d’asile en attente d’expulsion, qui étaient retenus dans des commissariats de police insuffisamment équipés; l’importante surpopulation carcérale; le fait qu’aucune formation d’ensemble ne soit dispensée au personnel médical et aux fonctionnaires chargés de l’application de la loi, à tous les niveaux, sur les dispositions de la Convention.

403.Le Comité européen pour la prévention de la torture a effectué une visite spéciale en Grèce en octobre et novembre 1999 ainsi que sa troisième visite périodique en septembre et octobre 2001. Le Comité a examiné le traitement des personnes sous la garde des forces de l’ordre et les conditions de détention dans les commissariats de police, les centres de transfert, les postes de la police des frontières et les centres de détention pour les étrangers. Pour ce qui est des établissements pénitentiaires, il a réexaminé la situation en ce qui concerne la surpopulation et les régimes de détention. Dans ses rapports, qui ont ensuite été rendus publics avec la réponse des autorités grecques, le Comité a recensé des sujets de préoccupation dans plusieurs domaines mais a également noté les progrès accomplis.

404.Le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe s’est rendu en Grèce en juin 2001 et a notamment discuté du problème de la surpopulation carcérale ainsi que de la situation des étrangers détenus en attente d’expulsion.

405.La Cour européenne des droits de l’homme a estimé, dans l’affaire Dougoz c. Grèceque les conditions de détention du requérant à la Direction nationale de la police, avenue Alexandras, et au centre de détention de Drapetsona, notamment la surpopulation importante et l’absence de matériel de couchage, combinées à la durée excessive de sa détention, s’analysaient en un traitement dégradant contraire à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme. Par ailleurs, la Cour, dans l’affaire Peers c. Grècea estimé que les conditions de détention du requérant dans l’unité d’isolement de l’aile Delta de la prison de Koridallos s’analysaient en un traitement dégradant au sens de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme.

406.Le Médiateur grec formule périodiquement des recommandations en vue d’améliorer les conditions de détention, après avoir effectué des enquêtes sur le terrain dans les prisons, les commissariats de police (à Athènes et dans le reste de la Grèce), ainsi que dans les centres de détention pour étrangers en situation irrégulière.

407.Enfin, le 12 décembre 2002, la Commission nationale des droits de l’homme a adopté un rapport intitulé «Conditions de détention en Grèce en 2002». Ce document, qui donne un aperçu des rapports pertinents élaborés par des organes et mécanismes internationaux et des réponses données par les autorités grecques, contient une série de recommandations visant notamment à assurer: la pleine application en Grèce des recommandations formulées par les organes compétents de l’ONU et du Conseil de l’Europe; la promotion et le renforcement de la formation permanente de tous les personnels jouant un rôle dans la détention; la création de centres de détention pour étrangers en attente d’expulsion conformément à la loi sur les étrangers no 2910/2001; l’adoption d’une législation et de mesures spéciales en faveur des demandeurs d’asile en détention (en vue de les informer au sujet de la procédure de demande d’asile et de leurs droits pertinents, de leur fournir une aide juridictionnelle, de les aider à communiquer avec toute personne de leur choix afin de l’informer de leur situation, et de créer de nouveaux centres publics d’accueil permanent); l’établissement d’une procédure de dépôt de plaintes émanant des détenus dans tous les centres de détention; la décongestion de la prison et des centres de détention de la région d’Athènes par la construction de prisons et de centres de détention dans d’autres régions; le traitement spécial des détenus toxicomanes et la séparation stricte de ces personnes et des autres détenus dans toutes les prisons et tous les centres de détention.

408.Les autorités compétentes ont fait beaucoup d’efforts pour améliorer les conditions de détention et ont aussi tenu compte des conclusions et recommandations pertinentes des mécanismes nationaux et internationaux de protection des droits de l’homme.

Efforts en vue d’améliorer les conditions de détention dans les services de police

409.L’amélioration des conditions de détention, en particulier des étrangers en attente d’expulsion retenus dans des services de police, s’inscrit dans la stratégie mise en œuvre par le Ministère de l’ordre public. La détention des étrangers en attente d’expulsion est un problème particulièrement préoccupant et, pour cette raison, aucun effort n’est ménagé pour éliminer son impact négatif. Dans ce contexte, on s’efforce de réduire la durée de ce type de détention (qui ne peut excéder trois mois).

410.Si, pour quelque raison que ce soit, l’expulsion administrative d’un étranger est impossible, l’intéressé est autorisé à rester temporairement dans le pays et, jusqu’à ce que les obstacles soient levés, des mesures restrictives peuvent lui être imposées (établissement ou transfert dans certains lieux, exercice d’une certaine profession ou obligation de se présenter aux autorités de police).

411.La régularisation de la situation des étrangers qui résidaient en Grèce, légalement ou illégalement, depuis au moins une (1) année avant le 2 juin 2001 a contribué de manière décisive à décongestionner les locaux de rétention sous le contrôle de la police. Des progrès supplémentaires ont pu être réalisés lorsque des étrangers ont été relâchés afin de leur permettre de fournir les pièces nécessaires, à condition, bien entendu, qu’ils aient rempli les conditions fixées par la loi.

412.Par ailleurs, conformément au règlement de la police grecque, les locaux de détention doivent remplir les conditions d’hygiène et de sécurité nécessaires pour empêcher les détenus de s’évader, de se suicider ou de s’automutiler. Ces locaux doivent être spacieux, propres, désinfectés et entretenus. À cette fin, un contrôle permanent est exercé et des ordres et instructions formels sont donnés aux services compétents.

413.Par une série d’ordonnances publiées depuis 1999, des instructions spécifiques ont été données aux services de police régionaux afin d’éliminer les problèmes et de créer les meilleures conditions possibles d’hygiène et de vie pour les détenus.

414.Plus particulièrement, les services en question ont reçu les instructions ci‑après:

a)Inspecter tous les lieux de détention des services placés sous leur responsabilité et, en cas de problème, prendre des mesures pour que celui‑ci soit immédiatement réglé en coopération avec les autorités compétentes du Ministère de l’ordre public, si nécessaire, tout en prenant à l’endroit des personnes jugées responsables les mesures disciplinaires prévues par la loi;

b)Continuer à donner des ordres stricts et des instructions explicites aux services placés sous leur responsabilité afin que ceux‑ci respectent constamment et sans faille leurs obligations concernant la propreté, l’aspect, la désinfection et l’aménagement des lieux de détention et les conditions d’hygiène en général, la distribution d’aliments à des heures appropriées, la surveillance et les soins médicaux prescrits, le comportement irréprochable de toutes les parties intervenant dans le traitement des détenus et le respect absolu des droits susmentionnés dans le cadre de la Constitution, de la législation en vigueur et des conventions internationales applicables;

c)Suivre en permanence et avec la diligence voulue l’application de toutes les mesures qui ont été ordonnées et, à l’avenir, corriger sans hésitation tout manquement.

415.Cependant, malgré les instructions répétées, la situation dans les lieux de détention ne s’est guère améliorée et, à la suite des observations émises par le Comité européen pour la prévention de la torture après sa visite en Grèce et par le Médiateur, qui a inspecté les locaux de détention de la Direction de la sécurité de l’Attique en mai 2001, l’ordonnance no 9009/20/847/9‑a a été publiée le 28 janvier 2002; cette ordonnance a été diffusée dans les services régionaux afin qu’il soit remédié du mieux possible aux problèmes et que des conditions de vie et d’hygiène correctes soient assurées aux détenus.

416.En particulier, les services en question ont reçu les instructions ci‑après:

a)Charger leur directeur adjoint, qui est le plus élevé en grade, de prendre, sous sa responsabilité personnelle et dans un délai déterminé, des dispositions en vue d’organiser une inspection de tous les lieux de détention réservés aux étrangers en attente d’expulsion et de tous les services auxquels ces locaux sont rattachés, afin de fournir un compte rendu détaillé de la situation actuelle (manquements, respect et application de toutes les conditions de détention prévues par la loi);

b)De même, sur la base des évaluations effectuées, les services en question ont été enjoints d’adresser rapidement aux départements compétents des ordres et instructions spécifiques en vue, d’une part, de régler tous les problèmes en suspens, de remédier aux manquements constatés et d’apporter des améliorations et, d’autre part, de faire respecter systématiquement et parallèlement toutes les dispositions du Code pénitentiaire relatives aux conditions de détention;

c)Il a en outre été souligné que les directeurs adjoints devaient contrôler l’application de cette ordonnance et de toutes les ordonnances précédentes en effectuant constamment des inspections et en imposant des sanctions disciplinaires pour tout manquement observé;

d)Enfin, la Direction de la police a reçu l’ordre d’exercer une supervision et un contrôle rigoureux pour vérifier la pleine application de l’ordonnance précitée.

417.Afin de remédier aux problèmes dans les locaux de détention des services de police, des ordres et des instructions clairs ont été donnés en ce qui concerne la maintenance et l’état d’entretien des locaux afin que les conditions de détention y soient améliorées.

418.Ainsi, des efforts sont accomplis en vue d’améliorer les conditions de détention dans les services de police situés dans des bâtiments publics.

419.Néanmoins, en ce qui concerne les locaux loués dans des bâtiments qui abritent des services de police, il est difficile de remédier aux problèmes constatés, d’une part, parce que nombre de ces bâtiments ne se prêtent pas à des travaux d’amélioration et, d’autre part, parce que de nombreux propriétaires ne sont guère disposés à engager les dépenses nécessaires.

420.Il ne sera possible de s’attaquer globalement à ces problèmes qu’en construisant des bâtiments publics au siège des directions de la police. Des cellules y seront notamment aménagées pour accueillir les détenus dans de bonnes conditions d’hygiène et de sécurité.

421.Un programme d’amélioration de l’infrastructure des locaux de la police grecque a été entrepris en coopération avec la Société immobilière nationale.

Efforts en vue d’améliorer les conditions de détention dans les services de la police portuaire

422.Le Ministère de la marine marchande a donné des ordres et des instructions aux autorités portuaires afin qu’elles respectent la dignité de toutes les personnes arrêtées et appliquent rigoureusement les dispositions de procédure pénale en vigueur concernant les droits des détenus (information à propos de leurs droits, accès à un avocat, communication avec leurs proches ou les autorités consulaires de leur pays, accès aux soins médicaux et aux médicaments, nourriture, hygiène, conditions de vie).

423.Le budget de 2003 du Ministère de la marine marchande prévoyait, pour la première fois, une rubrique spécifique pour l’alimentation des détenus. Il a déjà été proposé de la maintenir dans le budget de 2004. Les normes spécifiques auxquelles doivent obéir les locaux de détention sont désormais systématiquement appliquées à tous les locaux construits par le Ministère. En outre, on s’efforce de rénover et d’améliorer les locaux existants.

Efforts en vue d’améliorer les conditions de détention dans les prisons

424.De nombreuses activités institutionnelles et opérationnelles ont été entreprises afin d’améliorer les conditions de détention dans les prisons. On peut citer l’adoption du nouveau Code pénitentiaire, la création du Corps d’inspection et de surveillance des établissements pénitentiaires, l’adoption du règlement intérieur des établissements pénitentiaires, la mise en place de classes secondaires (premier et deuxième cycles) dans certains établissements pénitentiaires, l’organisation de nouveaux ateliers et programmes de formation professionnelle, d’éducation et de sport, la mise en place de bibliothèques, le recrutement de personnel pénitentiaire supplémentaire, etc.

425.Pour lutter contre la surpopulation carcérale, il a été entrepris un programme de construction ambitieux qui progresse rapidement, dans le respect des engagements pris. Il s’agit de construire 17 nouveaux établissements pénitentiaires et 3 nouveaux centres de réadaptation pour toxicomanes d’une capacité totale de 5 660 personnes. À Cassandra (Chalkidiki), 8 nouveaux établissements pénitentiaires et 1 centre de réadaptation sont déjà en construction, et les locaux existants sont rénovés et modernisés. La construction de deux établissements supplémentaires commencera bientôt; d’autres terrains ont été acquis (pour un nouvel établissement) ou sont en voie d’acquisition (pour 3 nouveaux établissements).

426.Pour ce qui est des mesures adoptées par les autorités grecques en matière de peines de substitution à l’emprisonnement, le Code pénitentiaire en vigueur prévoit déjà, dans son chapitre 8, d’autres mesures non privatives de liberté telles que placement dans des centres à régime semi‑ouvert, exécution partielle de la peine et travail d’intérêt général.

427.Enfin, la décongestion des prisons est grandement facilitée par l’octroi de permissions de sortie (ordinaires, extraordinaires ou pour raison de formation) et le travail à l’extérieur de l’établissement de détention (en lien avec les centres de régime semi‑ouvert mentionnés).

428.Des efforts sont constamment entrepris en vue d’accroître le nombre d’agents pénitentiaires et d’améliorer leur formation en leur offrant des possibilités de formation continue, conformément au Code de la fonction publique. La Direction du personnel du Ministère met actuellement au point un programme de formation destiné aux directeurs d’établissement de détention, qui sera opérationnel dans un proche avenir.

Efforts en vue d’améliorer les services de santé mentale

429.Les principes de base régissant le fonctionnement des services de santé mentale ainsi que la protection des droits des personnes souffrant de troubles mentaux sont définis dans la loi no 2716/1999, intitulée «Développement et modernisation des services de santé mentale». Conformément à cette loi, l’État assure des services de santé mentale axés sur la prévention, le diagnostic, le traitement et les soins ainsi que la réadaptation psychosociale et la réinsertion sociale (art. 1.1). En outre, la même loi dispose que les services de santé mentale fonctionnent sur la base de la sectorisation et de la psychiatrie sociale et que priorité est donnée aux soins primaires, aux traitements ambulatoires, à la désinstitutionnalisation, à la réadaptation psychosociale et à la réinsertion sociale, à la continuité de la prise en charge psychiatrique ainsi qu’à l’éducation de la communauté et à l’engagement bénévole dans la promotion de la santé mentale (art. 1.2). L’article 2 de la même loi donne beaucoup de détails sur la composition et les responsabilités du «Comité spécial pour la protection des droits des personnes souffrant de troubles mentaux», qui supervise et contrôle la protection, entre autres, du droit à des conditions de vie décentes dans les services de santé mentale, du droit à un traitement individuel spécialisé, du droit de contester l’hospitalisation d’office, du droit de s’entretenir en privé avec un conseil, du droit d’avoir accès à ses dossiers, du droit de protéger ses effets personnels et du droit à la réinsertion sociale.

430.En vertu de la loi no 2716/1999, des décrets ministériels ont été publiés sur les aspects suivants:

a)Conditions, méthodes et procédures relatives à la fourniture de services d’hospitalisation à domicile et de soins de santé mentale spéciaux à domicile;

b)Méthodes opérationnelles et composition des antennes mobiles de santé mentale;

c)Conditions et organisation du fonctionnement des programmes de familles d’accueil;

d)En outre, 26 décrets ministériels ont été publiés en vue de mettre en place, dans les différentes régions du pays, un nombre égal de services de pédopsychiatrie.

431.La première phase du programme «Psychargos», cofinancé par l’Union européenne, a permis de construire 55 foyers de réadaptation psychosociale en Grèce, qui ont accueilli environ 600 patients chroniques d’hôpitaux psychiatriques. Environ 600 professionnels de la santé mentale (psychologues, travailleurs sociaux, ergothérapeutes et infirmiers) ont été engagés pour faire fonctionner ces résidences. Une formation de 300 heures leur a été dispensée immédiatement après leur recrutement.

432.Avec des ressources nationales on a pu créer 10 unités de réinsertion sociale, dans lesquelles 100 patients chroniques de l’hôpital psychiatrique Dromokaitio ont été transférés. Mises en place en Attique et dans d’autres préfectures, ces unités rassemblent 130 professionnels de différentes spécialités.

433.Dans l’hôpital psychiatrique d’État de l’Attique (Dafni), qui a été sérieusement endommagé par le tremblement de terre de 1999 et où 9 bâtiments avaient dû être détruits, 5 bâtiments neufs ont été inaugurés en octobre 2001. Chacun compte 25 chambres doubles et deux d’entre eux sont réservés aux nouvelles admissions. En outre, on a entrepris d’apporter diverses améliorations concernant l’environnement, la distribution de l’eau, l’assainissement et l’alimentation en électricité. Cela devrait permettre de rétablir les services fournis tant que l’hôpital restera en fonctionnement, étant donné qu’il est prévu de le remplacer progressivement par des services de santé mentale modernes dans un cadre communautaire.

434.Il arrive encore que la population et les communautés locales réagissent mal à l’installation, dans leur voisinage, de résidences et de centres d’hébergement voués à la réadaptation psychosociale, quoique dans une moindre mesure qu’auparavant. Cela s’explique notamment par le fait que dans cinq affaires portées en justice, le tribunal a rejeté les plaintes des habitants à ce sujet.

435.La question des droits des personnes atteintes de troubles mentaux est tout à fait prioritaire pour le Ministère de la santé et de la protection sociale, qui lutte constamment contre les inégalités, la discrimination et les préjugés dont ces personnes sont victimes, de nos jours encore, dans tous les pays développés et en développement. Dans cette optique, le Ministère a organisé en mars 2003, durant la présidence grecque de l’Union européenne, une conférence ministérielle européenne sur le thème «Maladies mentales et préjugés en Europe: le défi de l’intégration sociale et de l’équité». La présidence grecque a transmis les propositions issues de la conférence au Conseil de l’Union européenne, qui a adopté et publié les conclusions de celle‑ci sur la lutte contre les préjugés et la discrimination auxquels sont en butte les malades mentaux.

ARTICLE 11: INTERDICTION DE LA DÉTENTION POUR DETTE

436.Le paragraphe 1 de l’article 1047 du Code de procédure civile prévoit la contrainte par corps dans le cas de personnes qui ne sont pas en mesure d’exécuter une obligation contractuelle.

437.En vertu de cette disposition, la contrainte par corps peut être ordonnée à l’encontre de commerçants en matière commerciale.

438.Pour qu’une telle mesure puisse être prise, il faut que le défendeur soit un commerçant et que l’acte ayant donné lieu à la plainte ait eu un caractère commercial au moment de la transaction, même si ce caractère commercial a disparu ultérieurement. La contrainte par corps peut également être ordonnée à l’encontre des mandataires de toutes les personnes morales, à l’exception des sociétés anonymes et des sociétés à responsabilité limitée (art. 1047, par. 3, du CPC). Elle n’est ordonnée qu’à l’encontre du débiteur, et non à l’encontre de son héritier ou de ses héritiers.

439.La loi prévoit divers cas où la contrainte par corps ne peut être ordonnée:

a)Pour les demandes de recouvrement des frais de justice accordé par un tribunal civil, ou pour des demandes portant sur une somme de 1 500 euros au maximum, sauf si la demande se fonde sur un instrument négociable (art. 1047, par. 2);

b)D’après l’article 1048 du Code de procédure civile, la contrainte par corps ne peut être ordonnée à l’encontre des personnes suivantes:

Mineurs sous la garde de leurs parents ou de leur tuteur et majeurs sous tutelle;

Députés pendant leur mandat et durant un délai de quatre semaines après l’expiration de ce mandat;

Personnes âgées de plus de 65 ans;

Ministres du culte de toutes les religions connues.

440.Procédure. En vertu des dispositions de l’article 1049 du Code de procédure civile, la contrainte par corps ne peut être exécutée qu’une fois que la décision judiciaire pertinente est devenue définitive et a été signifiée à la personne en faisant l’objet. La personne visée doit être arrêtée par un fonctionnaire des services de justice, en présence d’un témoin convoqué à cette fin. Le fonctionnaire doit établir un procès‑verbal. L’arrestation ne peut avoir lieu: a) dans la salle d’audience du tribunal, pendant l’audience; b) dans un lieu de culte d’une religion connue, pendant la célébration du culte; c) entre le 1er et le 31 août.

441.L’action civile demandant la contrainte par corps ne doit pas nécessairement être engagée pendant le procès. Dans ce cas, la compétence est du ressort des juges de paix, si la requête ne sort pas des limites de la compétence ratione materiae de ce tribunal ou, sinon, du tribunal de première instance.

442.Garanties judiciaires. En vertu de l’article 1050 du CPC, si la personne arrêtée conteste la mesure de contrainte par corps, elle est déférée immédiatement devant le président du tribunal de première instance du district dans lequel l’arrestation a eu lieu. Ce dernier intervient selon la procédure applicable aux mesures provisoires et se prononce sur la contestation. Sauf dispositions contraires, tout litige relatif à l’exécution d’une mesure de contrainte par corps relève de la compétence du tribunal de première instance, constitué de trois juges, du district où la mesure est exécutée. Le président du tribunal fixe une date rapprochée pour l’audience et indique un délai pour la notification de la partie adverse (art. 1054, par. 1, du CPC).

443.Lieu de détention. La personne détenue est incarcérée dans un centre pénitentiaire, dans une autre section que les personnes en attente de jugement ou les condamnés. Elle peut, dans l’attente d’un transfert, être incarcérée dans une autre prison ou un autre centre de détention (art. 1050, par. 2, du CPC). Si elle est malade ou tombe malade pendant sa détention, le président du tribunal de première instance peut autoriser sa détention, à ses frais, dans un hôpital ou dans un lieu de résidence privé. Le président peut également autoriser la libération d’un détenu si, en raison de son état de santé, la poursuite de la détention pourrait être dangereuse (art. 1053 du CPC).

444.Libération. Le détenu est libéré (art. 1052):

a)Si le temps de détention ordonné par la décision de justice pertinente est expiré;

b)Si le montant de la dette est déposé à la Caisse des dépôts et consignations, avec le montant des intérêts et le montant correspondant aux frais de justice;

c)Si le créancier ayant demandé la contrainte par corps ainsi que tous les autres créanciers ayant demandé la prolongation de la détention y consentent;

d)Si le détenu atteint l’âge de 65 ans;

e)Si le ou les créanciers n’ont pas versé à l’État la somme correspondant aux dépenses d’entretien du détenu pendant sa détention.

445.Dans les cas a), c) et e), le détenu est libéré par le Directeur de la prison. Dans tous les autres cas, il est libéré sur décision du président du tribunal de première instance du district de son lieu de détention.

Justification de ce dispositif

446.Le dispositif vise à établir le principe d’une large responsabilité personnelle de tous les commerçants, afin de garantir la sûreté des transactions et d’augmenter la confiance dans le secteur financier. L’objectif plus général est la promotion des activités commerciales. Il convient de noter que, d’après certains juristes, la législation grecque ne prévoit pas certains mécanismes permettant de faire appliquer le principe fondamental Pacta sunt servanda, qui existent dans d’autres pays où la contrainte par corps pour dette contractuelle n’est pas prévue.

447.Bien évidemment, l’application stricte de ce dispositif pose la question du respect du principe de la protection de la dignité de l’être humain (art. 2, par. 1, de la Constitution). Devant ce dilemme, le juge a trois possibilités: a) continuer à appliquer les règles pertinentes afin de garantir le fonctionnement normal du marché; b) refuser absolument d’appliquer ces dispositions; ou c) déterminer la raison du non‑paiement de la dette contractuelle, et n’appliquer les dispositions pertinentes qu’en cas de non‑paiement intentionnel, c’est‑à‑dire lorsque le débiteur s’est rendu délibérément insolvable.

448.Après l’entrée en vigueur du Pacte, les juges grecs ont renoncé à la première solution. Ils ont parfois choisi la deuxième, mais, finalement, ils ont décidé d’appliquer la troisième dans tous les cas.

Jurisprudence après l’entrée en vigueur du Pacte

449.Avant l’entrée en vigueur du Pacte en Grèce, les tribunaux considéraient que la contrainte par corps pour les dettes commerciales n’était pas contraire à la Constitution, même si l’incapacité du débiteur à satisfaire à ses obligations contractuelles n’était pas imputable à un manque de diligence.

450.La position des tribunaux sur ce point a radicalement changé après la ratification du Pacte. On peut discerner deux phases: dans une première phase, les autorités nationales ont considéré les dispositions pertinentes comme caduques. Dans une seconde phase, les autorités ont interprété ces dispositions à la lumière des dispositions du Pacte et en ont limité le champ d’application.

Première phase: Refus d’appliquer les dispositions du Code de procédure civile

451.Immédiatement après la ratification du Pacte, le Ministère de la justice a, par la circulaire 25497 du 1er mars 1997, informé tous les organes administratifs et judiciaires compétents, à savoir les présidents et procureurs des cours d’appel et des tribunaux de première instance, ainsi que les présidents de tous les barreaux, de la publication au Journal officiel de la loi no 2462/1997 portant ratification du Pacte. Le Ministère de la justice a appelé l’attention sur la teneur de l’article 11 du Pacte. Par une deuxième circulaire (64127 du 30 mai 1997), le Ministère a informé les autorités en question, ainsi que les directeurs de tous les centres pénitentiaires, de l’entrée en vigueur du Pacte.

452.D’après la première décision rendue par un tribunal grec ayant appliqué l’article 11 du Pacte, le paragraphe 1 de l’article 1047 du Code de procédure civile se trouvait aboli en vertu du Pacte, dès la publication de la loi no 2462/1997, avant même que soient satisfaites les autres conditions de l’entrée en vigueur du Pacte en Grèce (art. 49, par. 2, du Pacte). D’après la décision de ce tribunal, l’article 11 s’appliquait directement et immédiatement sans autre condition, parce qu’il établissait un droit de l’homme fondamental. Aux termes d’une autre décision de la cour d’appel, «le libellé contraignant de cette disposition du Pacte (art. 11) conduit à conclure que la contrainte par corps qui relève de l’emprisonnement, puisque celui‑ci en est la conséquence, ne peut être ordonnée pour imposer la réalisation d’une obligation contractuelle. Ainsi, la contrainte par corps pour l’exécution d’obligations contractuelles prévue par le paragraphe 1 de l’article 1047 du Code de procédure civile doit être limitée aux actions en responsabilité civile délictuelle». D’autres tribunaux ont rendu des décisions similaires.

453.La cour d’appel du Pirée a jugé que l’entrée en vigueur dans l’ordre juridique grec du Pacte international relatif aux droits civils et politiques valait modification législative de la teneur de la disposition visée de l’article 1047 du Code de procédure civile; dans une autre décision, elle a estimé qu’en vertu de l’article 11 du Pacte, «la contrainte par corps comme moyen d’imposer l’exécution d’une obligation commerciale a été abolie par l’entrée en vigueur du Pacte». Enfin, d’après une autre décision encore, «le champ d’application du paragraphe 1 de l’article 1047 du Code de procédure civile est limité par l’entrée en vigueur du Pacte, pour ce qui concerne la contrainte par corps prononcée à l’égard de commerçants pour des actions en matière commerciale».

Seconde phase: Interprétation du Code de procédure civile à la lumière du Pacte

454.Cette nouvelle tendance apparaît dans une décision de la cour d’appel d’Athènes datant de 1998. La cour s’est référée aux travaux préparatoires ayant conduit à la rédaction de l’article 11 du Pacte. Elle a constaté ceci: «les rédacteurs ont souligné que, dans tous les pays, les débiteurs qui, ayant les ressources nécessaires, refusaient de satisfaire à leurs obligations contractuelles encouraient une peine d’emprisonnement». Le fait qu’une formulation plus stricte de l’article 11 («Nul ne peut être emprisonné ou réduit en servitude du fait de la simple non‑exécution d’obligations contractuelles») n’ait pas été retenue en est la preuve. Cette interprétation est renforcée aussi par une analyse téléologique, associée à l’étude des travaux préparatoires, ainsi formulée: «L’intention des rédacteurs était d’autoriser la contrainte par corps pour des dettes commerciales à l’encontre de commerçants qui refusent de s’acquitter de leurs obligations contractuelles, tout en ayant les moyens financiers de le faire […]; par contre, les commerçants qui, sans qu’il y ait faute de leur part, ne sont pas en mesure de s’acquitter de leurs obligations ne peuvent pas être mis en détention». L’intention des rédacteurs était de conserver la contrainte par corps comme moyen de garantir l’exécution des obligations contractuelles par les débiteurs de mauvaise foi. C’est dans ce sens que le tribunal a interprété l’article 11, en arrivant à la conclusion suivante: «La contrainte par corps comme moyen d’assurer l’exécution d’une obligation contractuelle par un débiteur est autorisée, sauf si le débiteur ne dispose pas des moyens financiers nécessaires pour s’acquitter de l’obligation en question».

455.D’après une jurisprudence récente de l’Areios Pagos, l’article 11 du Pacte prévaut sur la disposition du paragraphe 1 de l’article 1047 du Code de procédure civile. En vertu de l’article 11, et conformément aux dispositions du paragraphe 1 de l’article 2 [protection de la dignité humaine] et du paragraphe 3 de l’article 25 [interdiction de l’exercice abusif d’un droit] de la Constitution et au principe de proportionnalité, la contrainte par corps comme moyen de faire exécuter une décision de justice applicable à un commerçant en matière commerciale ne peut être ordonnée qu’à l’encontre d’une personne qui, ayant les capacités financières de s’acquitter de ses obligations, refuse délibérément de le faire, en particulier en dissimulant des actifs financiers ou par d’autres actes qui empêchent de faire droit à la requête du créancier. De ce fait, dans une procédure requérant la contrainte par corps, il convient de mentionner non seulement l’objet de la requête et le fait que le débiteur est un commerçant et que le litige a un caractère commercial, mais également tous les éléments tendant à prouver que le débiteur a délibérément agi de façon à empêcher le règlement de la créance. La charge d’apporter la preuve de cet élément intentionnel revient à la personne qui l’invoque.

456.Force est d’admettre que l’institution de la contrainte par corps pour l’exécution d’obligations contractuelles a été abolie dans la majorité des États parties au Pacte. Avec le recours à d’autres moyens de garantir les transactions commerciales, on pourrait aligner la législation grecque sur cette tendance internationale. En tout état de cause, la pratique grecque actuelle est le résultat d’un effort sérieux et sincère de la part des tribunaux grecs d’interpréter une disposition n’ayant pas encore fait l’objet d’une jurisprudence ou d’une observation générale en bonne et due forme. Nous estimons donc que cette pratique est conforme au Pacte.

ARTICLE 12: LIBERTÉ DE CIRCULATION

457.La liberté de circulation est consacrée par l’article 5, paragraphe 4, de la Constitution, lequel prévoit:

a)L’interdiction des mesures administratives individuelles restreignant la liberté de tout citoyen grec de circuler et de s’établir dans le pays;

b)La liberté de tout citoyen grec de circuler et de s’établir dans le pays, qui en est la conséquence implicite;

c)Des exceptions à l’interdiction mentionnée (art. 5, par. 4, al. b) et déclaration interprétative).

458.Ce droit comporte trois volets:

a)Liberté de circulation et libre choix de la résidence pour les citoyens grecs à l’intérieur du pays;

b)Liberté des citoyens grecs de quitter le pays;

c)Droit des citoyens grecs d’entrer dans le pays.

459.Il va de soi que la liberté de circulation et d’établissement est également un droit reconnu à tous les citoyens des États membres des Communautés européennes, en vertu du droit communautaire primaire et secondaire pertinent.

Liberté de circulation et libre choix de la résidence pour les citoyens grecs à l’intérieur du pays

460.Cette liberté découle directement de la citoyenneté grecque. Les citoyens sont libres d’aller où ils l’entendent, à tout moment et comme ils l’entendent. L’exercice de ce droit n’est soumis à aucune permission des autorités et aucune obligation de déclaration préalable ne peut être imposée aux citoyens.

Restrictions

461.Aux termes de l’article 5, paragraphe 4, de la Constitution, «[e]st interdite toute mesure administrative individuelle de nature à restreindre le libre déplacement ou le libre établissement dans le pays, ainsi que la liberté de tout citoyen hellène d’y entrer et d’en sortir». D’après la jurisprudence du Conseil d’État, cette disposition «vise à exclure toute possibilité qu’une loi confère aux organes de l’administration le pouvoir discrétionnaire de prendre des décisions administratives individuelles limitant cette liberté». La liberté de circulation ne peut être restreinte par la loi en conformité avec la Constitution que si la loi en question confère aux organes administratifs la faculté «de vérifier uniquement que les conditions de fait imposées par la loi sont remplies».

462.La Constitution prévoit trois exceptions à cette règle:

a)Le Procureur général peut interdire à tout individu de quitter le pays s’il fait l’objet de poursuites pénales (déclaration interprétative se rapportant à l’article 5 de la Constitution). Cette mesure doit respecter le principe de proportionnalité;

b)Des mesures individuelles restrictives peuvent être imposées uniquement à titre de peine complémentaire et suite à une décision d’une juridiction pénale, dans des cas d’urgence exceptionnels et uniquement pour éviter qu’un acte criminel soit commis comme le prévoit la loi (art. 5, par. 4, de la Constitution telle que modifiée en 2001);

c)Des mesures nécessaires à la protection de la santé publique ou de la santé de personnes malades peuvent être prises pour limiter cette liberté conformément aux dispositions pertinentes de la loi (déclaration interprétative se rapportant à l’article 5 de la Constitution).

Liberté des citoyens grecs de quitter le pays

463.Le droit de tous les citoyens grecs qui ne font pas l’objet d’une mesure de contrainte par corps ou de mise en détention avant jugement et qui ne sont pas en train d’exécuter une peine privative de liberté de quitter leur pays à tout temps est consacré par le paragraphe 3 de l’article 5 (liberté individuelle) et le paragraphe 4 de l’article 5 (liberté de circulation) de la Constitution. La liberté de quitter le pays vaut à la fois pour les migrations temporaires et pour l’émigration.

464.L’exercice du droit de quitter le pays ne dépend pas du pouvoir discrétionnaire de l’administration. Tous les citoyens grecs ont le droit de demander un passeport leur permettant des déplacements illimités à l’extérieur du pays dans le cadre du délai normal de validité dudit document, dont l’administration ne peut pas refuser le renouvellement.

465.La loi qui prévoyait comme condition préalable à l’obtention d’un passeport la jouissance du droit de vote a été abrogée.

Restrictions

466.La restriction la plus importante était l’interdiction pour les citoyens grecs débiteurs de l’État ou de la Caisse de sécurité sociale, ou pour les citoyens grecs membres du conseil d’administration de sociétés débitrices de l’État ou de la Caisse de sécurité sociale, de quitter le pays (art. 1 de la loi no 395/1976, 27 de la loi no 1882/1990 et 21, par. 7, de la loi no 1902/1990). Les dispositions pertinentes ont été abolies en vertu de l’article 23, paragraphe 3, de la loi no 2768/1999 et de l’article 12 de la loi no 2873/2000.

467.Il est à noter le Médiateur grec avait considéré que l’interdiction pour des citoyens grecs de quitter leur pays parce que leur société était débitrice de l’État ou de la Caisse de sécurité sociale était contraire à l’article 12 du Pacte.

Droit des citoyens grecs d’entrer dans le pays

468.L’entrée sur le territoire grec ne peut en aucun cas être refusée à un citoyen grec. Bien que la possession d’un passeport valable constitue une preuve suffisante de la nationalité grecque, qui donne le droit d’entrer sur le territoire, la possession de ce document n’est pas une condition préalable à l’exercice de ce droit. Il est admis que les exceptions prévues à l’alinéa b du paragraphe 4 de l’article 5 et dans la déclaration interprétative se rapportant à l’article 5 de la Constitution n’ont pas d’incidence sur le droit des citoyens grecs d’entrer sur le territoire.

Liberté de circulation et d’établissement des étrangers

469.D’après l’article 42 de la loi no 2910/2001, les étrangers établis en Grèce jouissent de la liberté de circulation et d’établissement sur l’ensemble du territoire grec. Un décret présidentiel pris sur proposition du Ministre de l’intérieur, de l’administration publique et de la décentralisation, du Ministre des affaires étrangères, du Ministre de la défense nationale et du Ministre de l’ordre public peut interdire aux étrangers de séjourner ou de s’établir dans certaines zones géographiques du territoire. Tout autre ministre compétent peut imposer à un étranger, pour des raisons touchant à la sécurité nationale, à l’ordre public ou à la santé publique, des restrictions notamment quant à son lieu d’établissement ou de séjour, à ses déplacements dans certains endroits ou à la pratique d’une profession particulière, ou encore lui imposer l’obligation de se signaler auprès des autorités de police.

470.En ce qui concerne les demandeurs d’asile, l’article 2, paragraphe 8, du décret présidentiel no 61/1999 prévoit que, pendant la totalité de la procédure d’examen, le demandeur d’asile doit demeurer dans le lieu ou la résidence qu’il a déclaré ou qui lui a été assigné. En cas de départ sans raison valable, la procédure d’examen de la demande d’asile est interrompue sur décision du Secrétaire général du Ministère de l’ordre public, décision notifiée au demandeur d’asile qui est dès lors considéré comme étant «sans domicile connu».

471.En ce qui concerne les apatrides, la Grèce a ratifié la Convention relative au statut des apatrides (loi no 139/1975). Cette convention établit la liberté de circulation et d’établissement des apatrides (art. 26) et l’obligation des États parties de leur délivrer des pièces d’identité et des titres de voyage (art. 27 et 28).

472.Tous les étrangers sont libres de quitter le pays, à condition qu’ils ne fassent pas l’objet, au moment considéré, de mesures de contrainte par corps ou de détention avant jugement, ou qu’ils ne soient pas en train d’exécuter une peine de prison. D’après la loi, un étranger a l’obligation de quitter le pays lorsque son permis de séjour vient à expiration, lorsque le permis de séjour lui est refusé ou lorsque le renouvellement de son permis est refusé.

ARTICLE 13: PROTECTION DES ÉTRANGERS CONTRE L’EXPULSION ARBITRAIRE

473.La loi grecque prévoit deux modalités d’expulsion des étrangers: expulsion administrative et expulsion judiciaire.

Expulsion administrative

Étrangers en général

474.L’expulsion administrative (art. 44 et suiv. de la loi no 2910/2001) est autorisée dans les cas suivants:

a)L’étranger fait l’objet d’une condamnation définitive et irrévocable à une peine d’emprisonnement d’au moins un an, ou bien, quelle que soit la peine infligée, il a été reconnu coupable d’infractions à la Constitution, de trahison à l’égard du pays, de commerce et de trafic de stupéfiants, de blanchiment d’argent, de délits relevant de la criminalité financière internationale ou de la cybercriminalité, d’infractions concernant la monnaie, de résistance aux autorités, d’enlèvement de mineurs, de crimes ou délits sexuels, d’exploitation financière de la sexualité, de vol, d’escroquerie, de détournement de fonds, d’extorsion, d’usure, de violation de la loi sur le courtage, de faux en écriture, d’usage de faux certificats, de diffamation, de contrebande, d’infractions liées aux armes ou aux antiquités et enfin de trafic d’immigrants clandestins, de participation à leur transport ou de fourniture de logements à des immigrés clandestins en vue de dissimuler ces derniers, sauf si son expulsion a été ordonnée par un tribunal compétent;

b)L’étranger a violé les dispositions de la loi no 2910/2001;

c)Sa présence sur le territoire grec constitue un danger pour l’ordre public ou la sécurité du pays, ou pour la santé publique; dans ce dernier cas, il faut que l’intéressé souffre d’une maladie dangereuse du point de vue de la santé publique d’après les normes internationales et l’OMS, et refuse de se soumettre aux mesures de protection de la santé publique imposées par les autorités sanitaires après avoir reçu les informations nécessaires.

475.L’expulsion peut être ordonnée par décision des autorités de police compétentes; l’étranger dispose d’un délai de quarante‑huit (48) heures pour contester la décision.

476.Si, dans les circonstances de l’espèce, il existe des raisons de soupçonner que l’étranger peut s’enfuir, ou s’il est considéré comme dangereux pour l’ordre public, les autorités de police compétentes peuvent ordonner sa détention à titre provisoire dans l’attente d’une décision d’expulsion qui doit être prise dans un délai de temps de trois jours. La décision d’expulsion une fois rendue, la détention continue jusqu’à son exécution, sans toutefois que sa durée puisse excéder trois mois (art. 44, par. 3, modifié par l’article 21, par. 7, de la loi no 3013/2002). L’étranger doit être informé dans une langue qu’il comprend des raisons de sa détention. L’étranger détenu peut contester la décision de détention auprès du président du tribunal administratif de première instance de la région où il est détenu; ce magistrat se prononce sur la légalité de la détention, en appliquant par analogie la procédure prévue à l’article 243 de la loi no 2717/1999 (Code de procédure judiciaire administrative).

477.S’il n’y a pas risque de fuite et que l’étranger n’est pas considéré comme dangereux pour l’ordre public ou si le président du tribunal administratif de première instance s’oppose à sa détention, la décision indique la date limite à laquelle l’étranger doit avoir quitté le territoire, ce délai ne pouvant excéder 30 jours (art. 44, par. 4, de la loi no 2910/2001).

478.L’étranger remplissant les conditions prévues au paragraphe 3 de l’article 44 (c’est‑à‑dire soupçonné de vouloir s’enfuir ou considéré comme dangereux pour l’ordre public) est détenu dans les locaux de l’autorité de police compétente. Dans l’attente de l’exécution de la procédure d’expulsion, il peut être détenu dans les locaux spéciaux affectés à cet effet par décision du secrétaire général de la région et dont la responsabilité est confiée à la région. Cette décision fixe les conditions de fonctionnement desdits locaux et leur durée d’affectation (art. 48).

479.Au cas où un étranger présent sur le territoire grec figurerait sur la liste des personnes indésirables, il doit quitter le pays dans le délai fixé par le Ministre de l’ordre public, faute de quoi il est expulsé (art. 49, par. 2).

480.D’après la jurisprudence, le refus opposé à un étranger demandant à être rayé de la liste des personnes indésirables, si cet étranger est marié à une personne ayant la nationalité grecque, n’est légal que s’il est motivé par des raisons spéciales de grande importance et touchant à la protection de la sécurité nationale et de l’ordre public. Un refus pour le motif que le mariage de cet étranger est récent et ne peut être considéré comme durable n’est pas admis par la loi.

481.La décision administrative ordonnant l’expulsion d’un étranger précise le délai dans lequel celui‑ci doit quitter le territoire, ainsi que la date à laquelle il sera de nouveau autorisé à entrer sur le territoire grec.

482.L’étranger dispose d’un délai de cinq jours, à compter du jour où la décision d’expulsion lui est notifiée, pour former un recours auprès du secrétaire général de la région compétente. Celui‑ci se prononce dans un délai de trois jours à compter de la formation du recours. Le recours suspend l’exécution de la décision (mais non l’effet de la décision de mise en détention, contre laquelle l’étranger dispose des moyens de recours décrits plus haut). Le secrétaire général de la région peut d’office suspendre provisoirement l’expulsion pour des raisons humanitaires, en cas de force majeure ou d’intérêt général, par exemple pour des raisons touchant à la vie ou à la santé de l’étranger ou de sa famille (art. 44, par. 6).

483.Dans tous les cas où l’expulsion immédiate d’un étranger n’est pas possible, le secrétaire général de la région peut autoriser l’intéressé à demeurer à titre provisoire dans le pays et fixe les conditions restrictives de ce séjour (art. 45 de la loi no 2910/2001).

484.De plus, si des étrangers demeurant illégalement dans le pays dénoncent des actes de proxénétisme, leur expulsion peut être suspendue par décision du procureur du tribunal correctionnel approuvée par le procureur de la cour d’appel, jusqu’à ce qu’une décision définitive ait été prise (art. 44, par. 7). La loi no 3064/2002 prévoit que tous les étrangers victimes de la traite des êtres humains qui résident illégalement en Grèce et font l’objet d’une décision d’expulsion peuvent bénéficier d’un sursis à exécution de la décision d’expulsion les concernant, sans préjudice des dispositions relatives au rapatriement, par décision du procureur du tribunal correctionnel approuvée par le procureur de la cour d’appel, jusqu’à ce qu’une décision définitive ait été rendue dans le procès pénal intenté à l’auteur des faits.

485.Enfin, l’étranger a le droit de former une demande en annulation, devant le tribunal administratif de première instance, constitué de trois juges, de la décision d’expulsion. Parallèlement, l’étranger peut présenter une demande de sursis à exécution de la décision d’expulsion prise à son endroit.

486.Des détails sur la jurisprudence de la Commission des suspensions du Conseil d’État en ce qui concerne les ordres d’expulsion d’étrangers ayant une incidence sur la situation de famille de ceux-ci sont donnés plus bas, dans la partie du rapport consacrée à l’article 17 du Pacte.

487.Les tribunaux en général, et la Commission des suspensions du Conseil d’État en particulier, se sont aussi occupés d’une autre question à laquelle ils attachent une grande importance. Il s’agit du respect du droit reconnu par la Constitution à une audition préalable (art. 20, par. 2, de la Constitution). C’est en se référant à ce point, et plus précisément à la disposition constitutionnelle correspondante, que le Conseil d’État a annulé une décision administrative d’expulsion, au motif que l’administration avait omis de convoquer l’intéressé afin de l’entendre dans les délais prévus par la loi. D’autres décisions ont été rendues sur la question, sans référence directe aux dispositions constitutionnelles, mais en invoquant les dispositions des différentes lois pertinentes (art. 44 de la loi no 2910/2001). Ces décisions accordaient le sursis à exécution de la décision d’expulsion au motif que l’étranger en instance d’expulsion n’avait pas bénéficié d’un délai suffisant pour donner son avis.

Réfugiés politiques

488.Le décret présidentiel no 61/1999 détermine la procédure d’octroi du statut de réfugié à un étranger. Pendant le temps nécessaire à la procédure, aucun demandeur d’asile n’est expulsé ou refoulé.

489.Lorsqu’un étranger est reconnu comme réfugié politique, on le considère comme résidant légalement en Grèce. Par conséquent, l’entrée illégale du réfugié sur le territoire grec, à savoir le fait qu’il ne possède pas les titres de voyage nécessaires ou n’a pas respecté la procédure légale d’entrée, n’est pas prise en considération.

490.L’expulsion d’un réfugié n’est autorisée que dans les cas définis dans la Convention de Genève relative au statut des réfugiés.

491.Lorsque l’octroi du statut de réfugié politique lui est refusé, le requérant est soumis aux dispositions en vigueur applicables à l’ensemble des étrangers pour ce qui concerne son séjour en Grèce. Toutefois, il peut se voir accorder, pour des raisons humanitaires ou autres, le droit de séjourner temporairement dans le pays.

492.Lorsqu’un étranger se voit refuser le statut de réfugié, il a le droit de présenter devant la Commission des suspensions du Conseil d’État une requête afin que l’exécution de la décision d’expulsion soit suspendue.

Expulsion judiciaire

Étrangers en général

493.L’expulsion d’un étranger peut être ordonnée par un tribunal pénal lorsque l’étranger en instance d’expulsion a été condamné pour un crime ou un délit emportant une peine d’emprisonnement ou de détention dans un établissement pénitentiaire. Si l’étranger résidait légalement en Grèce, il ne peut être expulsé que s’il a été condamné à une peine d’emprisonnement d’au moins trois mois. L’expulsion peut être ordonnée comme peine complémentaire, sans préjudice des dispositions pertinentes des conventions internationales ratifiées par la Grèce (art. 74, par. 1, du Code pénal, remplacé par l’article premier, paragraphe 2, de la loi no 2408/1996). Le tribunal peut aussi ordonner l’expulsion d’un étranger qui non seulement a été condamné à une peine privative de liberté, mais aussi fait l’objet de mesures de sûreté. Dans ce cas, l’expulsion peut être imposée après un jugement d’acquittement ou de condamnation, en lieu et place des mesures de sûreté (art. 74, par. 2, du Code pénal). Les étrangers expulsés dans ces conditions ont la possibilité de revenir en Grèce en vertu d’une décision du Ministre de la justice, prise sur avis d’une commission de trois membres. La décision ministérielle, qui ne peut intervenir que trois ans après l’exécution de la mesure d’expulsion, autorise l’intéressé à revenir en Grèce pour une période de temps limitée, qui peut être prolongée. Les étrangers en attente d’expulsion sont détenus dans des sections spéciales des établissements pénitentiaires ou des institutions thérapeutiques (art. 74, par. 3 et 4, du Code pénal, tel que modifié).

494.Toutefois, en vertu du paragraphe 1 de l’article 6 de la loi no 3090/2002, modifiant le paragraphe 1 de l’article 74 du Code pénal, si l’étranger était mineur au moment où l’infraction a été commise, il est tenu compte, dans la procédure d’expulsion, du domicile légal et du lieu de résidence de sa famille en Grèce. De plus, si la famille du mineur réside dans un autre pays, il convient de considérer si dans son pays de destination l’intéressé encourt une menace grave pour sa vie, son intégrité physique ou sa liberté sexuelle.

495.Le juge détermine, immédiatement après condamnation d’un étranger, s’il y a lieu de lui imposer une mesure d’expulsion en plus d’une peine privative de liberté, en tenant compte des circonstances de l’infraction et de la menace que représente l’intéressé pour la société.

496.En cas de condamnation d’un étranger auquel l’asile politique n’a pas été accordé à une peine privative de liberté d’une durée inférieure ou égale à cinq ans, le tribunal peut ordonner la suspension, pour une durée indéterminée, de l’exécution de la peine. Dans ce cas, l’expulsion a lieu immédiatement. L’étranger expulsé dont la peine a été suspendue peut revenir dans le pays en vertu d’une décision du Ministre de la justice prise sur avis d’une commission de trois membres. La décision ne peut être prise que cinq ans après l’expulsion. Elle donne à l’étranger le droit de revenir en Grèce pour une durée limitée, qui peut être prolongée (art. 99, par. 3, du Code pénal, tel que modifié ultérieurement).

497.L’expulsion, en tant que mesure de sûreté, est exécutée immédiatement au terme de la peine dans un établissement pénitentiaire ou d’emprisonnement imposée à l’étranger à titre de peine principale, ou après sa libération. Il en va de même si l’expulsion a été ordonnée par le tribunal à titre de peine complémentaire (art. 74, par. 1, du Code pénal).

498.L’instance compétente pour superviser l’exécution d’un ordre d’expulsion est le procureur du tribunal ayant rendu le jugement (art. 549 du Code de procédure pénale). De plus, en cas de problème ou de contestation sur l’identité de l’étranger ou sur le caractère exécutoire de l’ordre d’expulsion, le procureur compétent et, en dernière instance, le tribunal se prononcent sur la question conformément aux dispositions du Code de procédure pénale (art. 549, par. 1, 564, par. 1, et 565).

499.Il convient de noter que, dans les cas où l’exécution immédiate de la décision d’expulsion judiciaire n’est pas possible, quelle qu’en soit la raison, et en particulier si la vie de l’étranger en instance d’expulsion est en danger, le procureur public compétent peut porter l’affaire devant le tribunal pénal de première instance auquel il est rattaché. Le tribunal décide si le sursis à exécution de la peine privative de liberté doit être levé ou non. Si une expulsion immédiate n’est pas possible, même au terme de la peine privative de liberté, le procureur peut porter l’affaire devant le tribunal pénal de première instance, qui peut autoriser le séjour temporaire de l’étranger dans le pays à certaines conditions. Lorsque les obstacles sont levés, l’expulsion est exécutée immédiatement, sans qu’une nouvelle décision du procureur soit nécessaire. L’autorisation de séjour temporaire de l’étranger peut être rapportée par le tribunal qui l’a accordée pour des motifs touchant à la sécurité nationale et à l’ordre public, ainsi que pour des raisons de protection de la santé publique.

Réfugiés politiques

500.L’expulsion judiciaire d’un réfugié politique peut être ordonnée dans les conditions prévues par la Convention de Genève relative au statut des réfugiés.

ARTICLE 14: ÉGALITÉ DEVANT LES TRIBUNAUX ET DROIT DE TOUTE PERSONNE À CE QUE SA CAUSE SOIT ENTENDUE ÉQUITABLEMENT ET PUBLIQUEMENT PAR UN TRIBUNAL INDÉPENDANT ÉTABLI PAR LA LOI

Accès aux tribunaux − Droit à un procès équitable devant un tribunal impartial et indépendant

Accès aux tribunaux

501.En droit grec, le droit d’avoir accès à un tribunal est consacré par l’article 20, paragraphe 1, de la Constitution, aux termes duquel «[C]hacun a droit à la protection légale par les tribunaux et peut exposer devant eux ses points de vue sur ses droits et intérêts, ainsi qu’il est prévu par la loi».

502.La protection conférée par l’article 20, paragraphe 1, concerne toutes les phases de la procédure judiciaire et comprend en particulier:

Le droit de bénéficier d’une protection judiciaire provisoire dans le cadre de laquelle l’exécution d’actes administratifs peut être suspendue ou des mesures provisoires peuvent être ordonnées;

Le droit de porter le litige devant un organe judiciaire ayant pleine compétence juridictionnelle. La procédure engagée devant ledit organe judiciaire doit être conforme aux normes et principes d’un procès équitable, comme expliqué plus loin;

Le droit à l’exécution forcée des décisions judiciaires. Sur l’exécution forcée des décisions judiciaires prises à l’encontre de l’État ou de personnes morales de droit public, voir infra.

503.Le problème du droit à un procès équitable et de l’égalité devant les tribunaux s’est posé au sujet d’une disposition prévoyant que le taux d’intérêt dû par l’État en cas de défaut de paiement est inférieur au taux d’intérêt dû par les particuliers dans les mêmes circonstances (6 % contre 11,25 %, respectivement, en juin 2002). Pour la Commission nationale des droits de l’homme, cette disposition va à l’encontre des principes d’efficacité et d’efficience de la protection judiciaire, de l’égalité des armes, ainsi que du droit à la propriété.

504.Cette opinion a été partagée par la section compétente du Conseil d’État, qui a estimé que cette «prérogative» était contraire au principe d’égalité (art. 4, par. 1, de la Constitution), au droit à une protection judiciaire (art. 20, par. 1, de la Constitution), ainsi qu’aux articles 6, paragraphe 1, et premier du Protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. L’affaire est actuellement pendante devant la session plénière du Conseil d’État. Les tribunaux administratifs ordinaires ont adopté la même position, en renvoyant directement aux articles 2, paragraphe 3, alinéas a et b, 14, paragraphe 1, et 26 du Pacte. En revanche, l’Areios Pagos a estimé que la disposition en question était conforme au droit à la propriété, tel qu’il est garanti par l’article premier du Protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi qu’au principe de proportionnalité.

505.Toute personne, quelle que soit sa nationalité, bénéficie du droit à la protection judiciaire. Cela s’applique aux personnes physiques et morales, y compris les personnes morales de droit public. Le droit à la protection judiciaire bénéficie également aux groupes de personnes qui ne sont pas dotés de la personnalité morale (art. 62, par. 2, du Code de procédure civile et art. 25 du Code de procédure administrative).

Droit d’avoir accès aux tribunaux administratifs

506.Le Conseil d’État et les tribunaux administratifs ordinaires (tribunal administratif de première instance et cour d’appel administrative) sont compétents pour connaître des litiges administratifs, sans préjudice de la compétence de la Cour des comptes (art. 94, par. 1, de la Constitution). L’article 95 de la Constitution précise les compétences respectives du Conseil d’État et des tribunaux administratifs ordinaires.

507.Le même article garantit un accès direct au Conseil d’État (par voie de «requête en annulation» d’actes administratifs exécutoires) ou la possibilité de former recours contre des décisions rendues par les tribunaux administratifs ordinaires.

508.Il est important de noter que tous les différends découlant d’actes administratifs peuvent être portés devant les tribunaux administratifs. Seules quelques catégories d’actes administratifs échappent à tout contrôle judiciaire; notamment les «actes de gouvern e ment», c’est‑à‑dire les actes qui concernent les relations internationales du pays ou les relations entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif (par exemple, dissolution du Parlement).

Droit d’avoir accès à des tribunaux civils

509.En vertu de l’article 94, paragraphe 2, de la Constitution, tous les litiges de droit privé ressortissent aux tribunaux civils. La Constitution consacre donc le droit de chacun d’engager une action en justice devant la juridiction civile compétente au sujet de tout litige de droit privé.

Compétence des juridictions pénales

510. En vertu de l’article 96 de la Constitution, le châtiment des infractions et l’adoption de toutes les mesures prévues par les lois pénales relèvent des juridictions pénales ordinaires. La loi peut confier à des autorités assumant des fonctions de police le jugement des contraventions de police punies d’amende et à des autorités de sécurité rurale le jugement des contraventions rurales et des litiges privés qui en découlent. Toutefois, dans les deux cas, les décisions rendues sont susceptibles d’appel, avec effet suspensif, devant le tribunal ordinaire compétent (art. 96, par. 2, de la Constitution).

511. Les crimes et les délits politiques sont jugés par des tribunaux mixtes à jury, composés de quatre jurés et de trois magistrats du siège (art. 97, par. 1, de la Constitution et lois en vigueur), alors que les délits de presse de tout degré relèvent de la compétence des juridictions pénales ordinaires, ainsi qu’il est prévu par la loi (art. 97, par. 3, de la Constitution).

512.La Constitution prévoit également des tribunaux pour enfants et précise qu’il est permis de ne pas appliquer à ces tribunaux les dispositions constitutionnelles relatives au système du jury et à la publicité des audiences et des décisions de justice (art. 96, par. 3). Il existe des tribunaux pour enfants composés respectivement d’un juge unique ou de trois magistrats, ainsi qu’une cour d’appel pour enfants.

513.Des lois spéciales prévoient la création de tribunaux militaires (art. 96, par. 4, de la Constitution). Les particuliers ne peuvent pas être déférés devant les tribunaux militaires de terre, de mer et de l’air (art. 96, par. 4, al. a). Les membres du corps judiciaire des forces armées jouissent des garanties d’indépendance fonctionnelle et personnelle prévues par l’article 87, paragraphe 1, de la Constitution. Les dispositions des paragraphes 2, 3 et 4 de l’article 93 de la Constitution s’appliquent aux audiences et décisions de ces tribunaux (caractère public des audiences, décision prononcée en audience publique, motivation spéciale et complète de toute décision de justice, contrôle indirect de la constitutionnalité des lois).

514.Le système de justice militaire a été considérablement amélioré en 1995, avec l’entrée en vigueur du nouveau Code pénal militaire (loi no 2287/1995) et du Code de justice militaire (loi no 2304/1995). Il convient de noter que le Code de procédure pénale s’applique pleinement à toute procédure pénale militaire. Le Code pénal et toutes les lois pénales spéciales sont également applicables.

Droit d’avoir accès à la Cour des comptes

515.En vertu de l’article 98 de la Constitution, la Cour des comptes a compétence pour juger les litiges relatifs à l’allocation de pensions, ainsi que pour contrôler les comptes des agents publics assujettis à l’obligation redditionnelle et des collectivités territoriales ou autres personnes morales de droit public dont les comptes sont contrôlés. Elle a également compétence pour juger les affaires où la responsabilité de fonctionnaires civils ou militaires est engagée.

Indépendance de la magistrature

516.L’article 87, paragraphe 1, de la Constitution fait une distinction entre l’indépendance fonctionnelle et l’indépendance personnelle des magistrats. Pour ce qui est de l’indépendance fonctionnelle, tous les magistrats sont nommés à vie après une période de formation et de stage. L’âge auquel les magistrats quittent obligatoirement le service est désormais fixé à 65 ou à 67 ans, selon leur grade. Les magistrats ne peuvent être révoqués qu’en vertu d’une décision de justice, pour cause de condamnation pénale ou de faute disciplinaire lourde ou de maladie ou d’infirmité ou d’incompétence professionnelle, constatées de la façon prévue par la loi et conformément aux dispositions des paragraphes 2 et 3 de l’article 93 de la Constitution (art. 88, par. 4, de la Constitution).

517.Le statut des magistrats (avancements, affectations, transferts, détachements, etc.) relève des Conseils supérieurs de la magistrature. Ceux‑ci sont exclusivement composés de membres des juridictions suprêmes compétentes et ne comptent aucun représentant du Gouvernement ni du Parlement. Si le Ministre de la justice est en désaccord avec une décision d’un conseil supérieur de la magistrature, il peut renvoyer la question devant l’assemblée plénière de la juridiction suprême compétente selon les modalités prévues par la loi; le magistrat concerné peut également engager un recours devant l’assemblée plénière susmentionnée. Les décisions de l’assemblée plénière et les décisions du Conseil supérieur de la magistrature qui n’ont pas été contestées par le Ministre sont exécutoires pour le magistrat concerné (art. 90, par. 3 et 4, de la Constitution). Seuls les avancements aux postes de président ou de vice‑président des trois juridictions suprêmes s’effectuent par décret présidentiel, sur proposition du Conseil des ministres et par sélection parmi les membres de la juridiction suprême concernée; les mêmes dispositions s’appliquent à l’avancement au poste de procureur général près la Cour suprême (art. 90, par. 5, de la Constitution). La Constitution fixe à quatre ans la durée maximale du mandat à ces postes (art. 90, par. 5).

518.Enfin, l’article 88, paragraphe 2, de la Constitution prévoit que la rémunération des magistrats est fixée selon leur fonction. Les modalités de leur carrière et de leur traitement ainsi que de leur statut général sont régies par des lois spéciales.

519.L’aspect fonctionnel de l’indépendance de la magistrature concerne l’indépendance des magistrats par rapport au pouvoir législatif et au pouvoir exécutif. En vertu de l’article 87, paragraphe 2, de la Constitution, dans l’exercice de leurs fonctions les magistrats ne sont soumis qu’à la Constitution et aux lois; ils ne sont en aucun cas obligés de se conformer à des dispositions arrêtées en violation de la Constitution. Les tribunaux sont en outre tenus de ne pas appliquer une loi dont le contenu est contraire à la Constitution (art. 93, par. 4). L’indépendance fonctionnelle prévaut également au sein de la magistrature elle‑même; comme dans d’autres pays de droit romain, la force obligatoire de la jurisprudence n’est pas formellement établie. En pratique, toutefois, les tribunaux ont tendance à suivre la jurisprudence établie, en particulier celle des juridictions suprêmes.

Impartialité

520.Les garanties susmentionnées de l’indépendance de la magistrature lui assurent une impartialité objective. En ce qui concerne l’impartialité subjective, plusieurs dispositions des Codes de procédure civile, pénale et administrative prévoient la récusation des magistrats susceptibles de compromettre l’impartialité du tribunal dans une affaire donnée, en raison de leurs liens avec l’affaire ou avec une ou plusieurs parties au litige.

Tribunaux spéciaux

521.En vertu de l’article 8 de la Constitution, nul ne peut être soustrait contre son gré au juge qui lui a été assigné par la loi (par. 1); la constitution de commissions juridictionnelles et de juridictions extraordinaires est en outre interdite (par. 2).

Droit à l’exécution forcée des décisions judiciaires

522. Au cours des dernières années, les rédacteurs de la Constitution et le législateur ont pris des mesures pour éviter le non‑respect ou la non‑exécution des décisions judiciaires. La Cour européenne des droits de l’homme a rendu des arrêts condamnant la Grèce pour violation de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales parce que l’administration grecque avait refusé de se conformer à des décisions judiciaires.

523.L’article 94, paragraphe 4, de la Constitution telle que révisée prescrit explicitement que les jugements peuvent aussi donner lieu à exécution forcée contre l’État et le secteur public en général, les collectivités territoriales et les personnes morales de droit public, conformément aux dispositions de la loi. De plus, en vertu dudit article, la loi donne compétence aux tribunaux civils ou administratifs pour adopter les mesures propres à assurer l’application des décisions de justice par l’administration.

524.Dans le même ordre d’idées, l’article 95, paragraphe 5, de la Constitution stipule que l’administration est tenue de se plier aux décisions judiciaires. Tout manquement à cette obligation engage la responsabilité de l’agent public compétent conformément à la loi.

525.En application des dispositions constitutionnelles susmentionnées, le législateur a promulgué la loi no 3068/2002, dont l’article premier prévoit que l’administration, les collectivités territoriales et les personnes morales de droit public sont tenues de se conformer sans délai aux décisions de tous les tribunaux et de prendre toutes les mesures nécessaires pour s’acquitter de cette obligation et pour exécuter lesdites décisions. Ce sont des organes judiciaires (conseils composés de trois membres) du degré le plus élevé, relevant des juridictions qui ont rendu les décisions judiciaires en cause, qui ont compétence pour adopter les mesures propres à assurer le respect de ces décisions par l’administration. L’article 3 de la loi susmentionnée prévoit que si l’autorité considérée ne se conforme pas à la décision en question dans le délai prévu, le conseil compétent peut lui imposer une amende à verser aux parties lésées pour non‑respect de ladite décision. À la fin de chaque année, le conseil établit un rapport recensant tous les cas de non‑respect. Ce rapport est soumis au Premier Ministre, au Président du Parlement, au Ministre de la justice et au Ministre de l’intérieur, de l’administration publique et de la décentralisation.

526.L’article 4 de la même loi prévoit expressément l’exécution forcée des créances sur l’administration, les collectivités territoriales et les personnes morales de droit public, notamment par la saisie de leurs biens privés. Ainsi, l’interdiction de l’exécution forcée contre l’État est levée. Comme déjà indiqué, cette interdiction a été considérée par les tribunaux comme contraire, notamment, aux articles 2 et 14 du Pacte. Enfin, l’article 5 prévoit que le non‑respect de l’obligation d’exécution ou l’incitation au non‑respect de cette obligation constituent des infractions disciplinaires spéciales de la part de tout agent compétent, susceptibles d’être sanctionnées plus sévèrement si leur auteur entendait en tirer un profit illégal pour lui‑même ou pour un tiers.

527.Dans un rapport daté du 9 juillet 2002, la Commission nationale des droits de l’homme a estimé que le nouveau cadre législatif ne satisfaisait pas pleinement aux obligations internationales et constitutionnelles en matière d’efficacité de la protection judiciaire et a proposé un certain nombre de modifications.

528.Il convient aussi de noter que l’article 198 du Code de procédure administrative (loi no 2717/1999) stipule que les autorités administratives sont tenues de se conformer, en prenant des mesures ou en s’abstenant de toute action contraire, aux décisions rendues dans les différends portés devant les tribunaux administratifs. Si l’administration ne se comporte pas comme la loi lui en fait le devoir, la personne responsable fera l’objet de poursuites pour négligence et sa responsabilité personnelle sera engagée pour le tort causé.

529.La ratification du Pacte par la Grèce a abouti à quelques modifications importantes dans le domaine de l’exécution forcée des décisions de justice rendues contre l’État, auparavant interdite en vertu de l’article 8 de la loi no 2095/1952. Outre ce qui a été dit à ce sujet dans le document de base, il convient de noter que la Grande Chambre de l’Areios Pagos a considéré la disposition de l’article 8 de la loi susmentionnée comme abrogée à compter de la promulgation de la loi portant ratification du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Ladite disposition a été considérée comme contraire aux articles 2, paragraphe 3, alinéa c, et 14 du Pacte, à l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et à l’article 20, paragraphe 1, de la Constitution, qui consacrent le principe d’une protection judiciaire efficace.

530.Il est manifeste que les tribunaux grecs ont invoqué les dispositions du Pacte pour combler une lacune importante dans le domaine du droit à une protection judiciaire efficace. Il est important de noter que cette lacune a été comblée grâce aux dispositions du Pacte et non à celles de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, alors même que les magistrats grecs étaient mieux familiarisés avec cette dernière. Cette jurisprudence récente repose désormais sur une base constitutionnelle solide. Le Pacte a donc servi de source indirecte pour la révision de la Constitution dans le domaine particulièrement important du droit à une protection judiciaire efficace.

531.Un problème s’est posé au sujet d’une disposition prévoyant que le taux d’intérêt dû par l’État en cas de défaut de paiement est inférieur au taux d’intérêt dû par les particuliers dans les mêmes circonstances (6 % contre 11,25 %, respectivement, en juin 2002). Pour la Commission nationale des droits de l’homme, cette disposition va à l’encontre des principes d’efficacité et d’efficience de la protection judiciaire, de l’égalité des armes, ainsi que du droit à la propriété.

532.Cette opinion a été partagée par la section compétente du Conseil d’État, qui a estimé que cette «prérogative» était contraire au principe d’égalité (art. 4, par. 1, de la Constitution), au droit à une protection judiciaire (art. 20, par. 1, de la Constitution), ainsi qu’aux articles 6, paragraphe 1, et premier du Protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. L’affaire est actuellement pendante devant la session plénière du Conseil d’État. Les tribunaux administratifs ordinaires ont adopté la même position, en renvoyant directement aux articles 2, paragraphe 3, alinéas a et b, 14, paragraphe 1, et 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. En revanche, l’Areios Pagosa estimé que la disposition en question était conforme au droit à la propriété, tel qu’il est garanti par l’article premier du Protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi qu’au principe de proportionnalité.

533.L’Areios Pagos a également estimé que l’article 923 du Code de procédure civile, en vertu duquel le consentement préalable du Ministère de la justice est une condition nécessaire à l’exécution d’une décision prononcée à l’encontre d’un État étranger, n’était pas contraire aux articles 2, paragraphe 3, et 14 du Pacte. Compte tenu de son objectif, qui consiste à assurer le respect des principes généralement admis de droit international et à éviter toute perturbation dans les relations internationales du pays, cette mesure n’est pas disproportionnée et ne porte pas fondamentalement atteinte au droit à une protection judiciaire efficace. Une requête introduite à ce sujet auprès de la Cour européenne des droits de l’homme a été déclarée irrecevable parce que manifestement dénuée de fondement.

Caractère public des audiences

534. Aux termes de l’article 93, paragraphe 2, de la Constitution, «[L]es audiences de tous les tribunaux sont publiques, à moins que le tribunal ne juge que la publicité serait préjudiciable aux bonnes mœurs ou qu’il existe des raisons particulières de protéger la vie privée ou familiale des parties». Aux termes du paragraphe 3 du même article, «[T]oute décision juridictionnelle doit être motivée de manière spéciale et complète; elle est prononcée en audience publique».

535. L’article 329 du Code de procédure pénale détaille les dispositions concernant le caractère public des audiences des juridictions pénales et énonce les restrictions liées à la capacité des salles d’audience ou à l’âge des personnes qui souhaitent assister aux audiences. L’article 330 porte interprétation des restrictions constitutionnelles susmentionnées s’agissant du caractère public des audiences et prévoit en particulier de limiter celui‑ci dans les affaires d’atteintes à la liberté sexuelle et d’exploitation économique de la vie sexuelle.

536.La Constitution prévoit que les audiences des tribunaux pour enfants ne doivent pas être publiques et que les décisions prises par ces tribunaux peuvent également ne pas être rendues publiques (art. 96, par. 3).

537.La publicité indirecte des audiences, à savoir par l’intermédiaire de la presse, est également protégée dans l’ordre juridique interne. Les médias peuvent librement couvrir les procès. Toutefois, en vertu de l’article 8 de la loi no 3090/2002, la télédiffusion, la radiodiffusion et l’enregistrement audiovisuel, en totalité ou en partie, des audiences d’un tribunal civil, pénal ou administratif sont interdits. Dans certains cas exceptionnels, le tribunal peut lever cette interdiction, à condition que le ministère public et les parties intéressées y consentent et que la diffusion ou l’enregistrement présente un intérêt pour le public. Il est interdit de diffuser ou de filmer des images de personnes qui comparaissent devant les autorités judiciaires, les services du parquet, la police ou d’autres autorités, ainsi que de photographier ces personnes.

538. L’article 113, paragraphe 1, du Code de procédure civile prévoit que les audiences des tribunaux civils doivent être publiques. L’article 114 porte interprétation des restrictions constitutionnelles susmentionnées s’agissant du caractère public des audiences.

539.Toute atteinte au principe du caractère public des audiences constitue un motif de cassation, tant au civil (art. 559 du Code de procédure civile) qu’au pénal (art. 510 du Code de procédure pénale).

Durée raisonnable des procédures

540.En Grèce, comme dans de nombreux autres États parties, on a constaté que des délais considérables étaient nécessaires pour obtenir des décisions de justice. Dans de nombreux cas, la Cour européenne des droits de l’homme a estimé qu’il y avait violation de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales en raison de la durée excessive des procédures devant les tribunaux grecs.

541.Afin de tenter de résoudre ce problème important, le Parlement a promulgué la loi no 2915/2001 qui apportait des modifications importantes au Code de procédure civile, afin d’accélérer les procédures devant les juridictions civiles. En effet, sans pour autant compromettre les garanties attachées au droit à un procès équitable, la nouvelle loi instaurait une procédure simple, où l’ensemble des allégations et des éléments de preuve sont portés à la connaissance du tribunal au cours d’une audience unique, qui aboutit à une décision définitive. De plus, les possibilités de renvoyer les audiences sont désormais moins nombreuses. En ce qui concerne la procédure pénale, le Parlement a promulgué la loi no 3160/2003 afin d’accélérer d’une manière analogue les procédures pénales, tant au stade de la procédure préliminaire qu’au stade de la procédure principale, ou procédure devant les tribunaux. Il y a désormais de plus amples possibilités de demander une suspension de séance, et non pas le renvoi de l’audience, procédure qui demande beaucoup de temps; en outre, la loi prévoit que la demande de suspension de séance doit être spécialement motivée. Par ailleurs, la loi fixe des conditions préalables encore plus strictes pour accorder un deuxième renvoi.

542.Il est évident que les mesures destinées à accélérer les procédures judiciaires ne doivent en aucun cas restreindre indûment le droit de toute personne à une protection judiciaire.

Garanties dans le cadre des procédures pénales

Présomption d’innocence

543.En vertu du principe de la présomption d’innocence: a) nul n’est obligé de prouver son innocence. La charge de la preuve incombe à l’accusation. L’objet d’une procédure pénale consiste à déterminer la culpabilité, et non l’innocence, d’un accusé; b) i n dubio pro reo: l’accusé a le bénéfice du doute; c) nul ne peut être condamné, reconnu coupable ou faire l’objet d’une peine ou autre sanction s’il n’a pas été jugé conformément à la loi à l’issue d’une procédure judiciaire prévue par la loi. Ce principe vaut au cours de la procédure pénale chaque fois que la question de la culpabilité de l’accusé est posée.

Droit d’être informé de l’accusation

544.Ce droit est expressément établi dans le Code de procédure pénale. Ainsi, l’article 101, paragraphe 1, du Code de procédure pénale prévoit que l’organe d’instruction est tenu d’informer l’accusé du contenu de l’accusation et de toutes les autres pièces de l’instruction. L’accusé est également autorisé à examiner ces pièces lui‑même ou à les faire examiner par son conseil. L’accusé peut déposer une demande écrite afin d’obtenir à ses frais des copies de l’acte d’accusation et de toutes les autres pièces de l’instruction. En vertu du paragraphe 2 du même article, le juge d’instruction a les mêmes obligations, et l’accusé bénéficie des mêmes droits, quand il est signifié à ce dernier des chefs d’accusation supplémentaires. Toutefois, si l’instruction se prolonge plus d’un mois au‑delà du moment où le chef d’accusation initial ou tout chef d’accusation supplémentaire a été signifié, l’accusé peut faire valoir ses droits une fois par mois.

545.En outre, l’article 103 du Code de procédure pénale prévoit que le juge d’instruction est tenu d’expliquer clairement à l’accusé l’ensemble de ses droits (susmentionnés), immédiatement après que l’identité de l’accusé a été confirmée.

546.Par la suite, le responsable de l’instruction est tenu d’informer l’accusé, clairement et en détail, des faits qui lui sont reprochés et il invite l’accusé à plaider coupable ou non coupable et à faire valoir ses moyens de défense (art. 273, par. 2, du Code de procédure pénale). L’accusé doit être invité à fournir tous les éléments susceptibles de contribuer à sa défense (art. 274 du Code de procédure pénale). Le juge d’instruction désigne un interprète lorsqu’il doit interroger un accusé qui ne parle pas ou ne comprend pas le grec, conformément à l’article 233 du Code de procédure pénale.

547.En vertu de l’article 104, paragraphe 1, du Code de procédure pénale, les dispositions concernant la notification des pièces de l’instruction et l’obligation d’informer l’accusé de ses droits sont également applicables dans le cas d’une enquête préliminaire. Toutefois, il n’est pas obligatoire de porter les documents en question à la connaissance de l’accusé et de lui en fournir des copies une fois par mois dans le cadre d’une procédure d’enquête préliminaire.

548.Il convient de noter que l’article 31 du Code de procédure pénale, tel qu’il a été modifié par la loi no 3160/2003 sur la procédure applicable à l’enquête sommaire (qui vise à déterminer s’il convient d’ouvrir une procédure pénale), prévoit la protection des droits fondamentaux du «suspect». La personne suspectée d’avoir commis une infraction pénale est notamment invitée à fournir des explications. Elle peut également demander des copies des plaintes déposées (au pénal) contre elle. Le responsable de l’enquête sommaire est tenu d’informer l’accusé, avant de l’entendre, de l’infraction motivant l’enquête ainsi que de ses droits.

549.Enfin, toute violation des droits susmentionnés entraîne l’annulation pure et simple de la procédure, conformément à l’article 171, paragraphe 1, alinéa d, du Code de procédure pénale.

Préparation de la défense

550.Le droit de l’accusé de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense et de communiquer avec le conseil de son choix est protégé comme il convient par le Code de procédure pénale.

551.Plus concrètement, l’accusé a droit à un délai de 48 heures, délai qui peut être prolongé par le juge d’instruction à la demande de l’accusé, avant d’être obligé de plaider coupable ou non coupable (art. 102 et 104, al. a, du Code de procédure pénale). Ce droit s’applique chaque fois que l’accusé doit produire ses moyens de défense et à chaque stade de l’instruction. Ce droit s’applique également lorsque des explications sont fournies dans le cadre d’une enquête sommaire (art. 31 du Code de procédure pénale).

552.Comme indiqué plus haut, le Code de procédure pénale garantit le droit de l’accusé de prendre connaissance de toutes les pièces de l’instruction.

553.Enfin, l’article 100, paragraphe 4, du Code de procédure pénale prévoit que «en aucun cas la communication entre l’accusé et son conseil ne peut être interdite». Plus concrètement, l’accusé a le droit de recevoir des visites de son conseil, sans aucune limitation (art. 52 du Code pénitentiaire). L’accusé peut également communiquer librement et sans obstacle avec son conseil, tant par écrit qu’oralement. De plus, en vertu de l’article 49 du décret‑loi no 3026/1954 (Code des avocats), il est interdit aux autorités de perquisitionner le domicile ou les locaux professionnels de l’avocat, ainsi que de soumettre celui‑ci à une fouille corporelle ou de confisquer des documents en sa possession, tant qu’il est le représentant légal ou le conseil de l’accusé.

Droit à la défense

554.L’article 96, paragraphe 1, du Code de procédure pénale prévoit que toute partie à une procédure pénale peut être représentée ou accompagnée par un ou deux conseils avant le procès et par trois conseils au maximum devant les tribunaux. L’accusé a droit à la présence de son conseil et a le droit de communiquer avec ce dernier lorsqu’il est interrogé ou lorsqu’il produit ses moyens de défense (art. 100, par. 1 et 4, du Code de procédure pénale). L’accusé jouit du même droit au cours de l’enquête préliminaire (art. 104, par. 1, du Code de procédure pénale) et de l’enquête sommaire (art. 31, par. 2, du Code de procédure pénale).

555.En vertu de l’article 97, paragraphe 1, du Code de procédure pénale, les parties (c’est‑à‑dire l’accusé, le demandeur au civil et le tiers civilement responsable) peuvent être présentes par l’intermédiaire de leur conseil à chaque stade de l’instruction, sauf lors de l’interrogatoire des témoins et de l’accusé. Toutefois, l’accusé lui‑même a le droit d’être accompagné de son conseil chaque fois qu’il comparaît devant les organes d’instruction, afin de se défendre, lorsqu’il est interrogé ou lorsqu’il est confronté à d’autres accusés ou témoins. Si l’accusé est en détention, il doit être déféré devant les organes compétents, sauf si une telle mesure est de nature à faire obstacle à la procédure (art. 97, par. 2, duCode de procédure pénale).

556.L’article 100, paragraphe 3, du Code de procédure pénale prévoit sans équivoque que le juge d’instruction est tenu de désigner un conseil commis d’office si l’accusé le demande. Au cours de l’audience devant le tribunal, le président du tribunal est tenu d’assigner un conseil à toute personne accusée de crime. Le conseil désigné doit avoir accès sans délai au dossier (art. 340, par. 1, du Code de procédure pénale). L’article 376 du Code de procédure pénale prévoit que, au stade de l’appel, le président de la cour d’appel a les mêmes obligations et que l’article 340, paragraphe 1, s’applique mutatis mutandis.

557.La loi no 3160/2003 a étendu le droit de l’accusé de ne pas être présent en personne à l’audience du tribunal et de se faire représenter par un conseil, conformément à l’article 340, paragraphe 2, du Code de procédure pénale. Ce droit a été étendu aux délits ainsi qu’à la procédure d’appel. Cette nouvelle disposition devrait limiter considérablement le nombre de renvois d’audience et donc accélérer la procédure pénale. Parallèlement, il a été fait en sorte que les tribunaux puissent ordonner la comparution de force de l’accusé lorsque cela s’avère nécessaire.

558.La Grande Chambre de l’Areios Pagos avait déjà estimé, en application de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, que le droit de l’accusé d’être entendu, considéré parallèlement à son droit d’être représenté par un conseil, impliquait que l’accusé pouvait être représenté par un conseil s’il ne souhaitait pas être présent en personne. Le législateur n’est pas autorisé à «sanctionner» l’accusé en le privant de son droit d’être défendu par un conseil, même si son absence est intentionnelle et injustifiée, puisqu’il est possible de s’assurer sa présence en personne par d’autres moyens, sans le priver de son droit de se défendre.

Droit à une assistance judiciaire

559.À la suite des arrêts rendus par la Cour européenne des droits de l’homme dans les affaires Twalib et Biba, le Parlement a adopté la loi no 2721/1999, qui insérait après l’article 96 du Code de procédure pénale une nouvelle disposition (l’article 96A, désormais abrogé) étendant l’obligation qu’avait le tribunal de proposer une aide judiciairegratuite si l’accusé n’avait pas les moyens d’engager un avocat. Plus concrètement, cette disposition étendait cette possibilité aux affaires portant sur de simples délits. D’autre part, elle prévoyait la désignation obligatoire d’office d’un avocat jusqu’à la fin de la procédure dans chaque cas, ainsi que pour l’introduction de recours juridiques. L’ensemble de la procédure, jusqu’à la Cour de cassation, était ainsi couverte. L’avocat devait être choisi sur une liste établie par le barreau local tous les trois ans en juin et transmise aux tribunaux.

560.La loi no 3226/2004, récemment adoptée, met en place un système global d’aide judiciaire pour les personnes à faible revenu. En vertu de l’article premier de ladite loi, peuvent bénéficier de l’aide judiciaire les ressortissants de l’Union européenne, ainsi que les ressortissants d’États tiers et les personnes apatrides qui ont leur résidence ou leur lieu de séjour habituel dans l’Union européenne. Est défini comme «faible revenu» un revenu familial annuel qui n’excède pas les deux tiers du salaire minimum annuel prévu par la Convention collective générale nationale du travail. Toutefois, dans de nombreux cas envisagés dans le Code de procédure pénale (désignation d’un conseil par le juge d’instruction, réalisation d’une expertise psychiatrique, désignation d’un conseil à l’audience, etc.), il n’est pas nécessaire que les conditions préalables susmentionnées soient remplies. La demande d’octroi d’une aide judiciaire est examinée par un juge et la décision prise doit être motivée. Les conseils sont choisis sur des listes distinctes établies par les barreaux pour les affaires pénales et civiles, d’une part, et commerciales, d’autre part. En outre, les barreaux dressent quotidiennement la liste des avocats susceptibles de fournir une aide judiciairepour l’instruction et le jugement des flagrants délits (infractions majeures ou délits mineurs).

561.En matière pénale, l’aide judiciaire consiste en la désignation d’un conseil. Il est assigné un conseil à l’accusé: a) en cas de crime, pour l’instruction et l’audience; b) en cas de délit relevant du tribunal correctionnel composé de trois membres et punissable d’une peine d’emprisonnement d’au moins six mois, pour l’audience; c) en cas d’appel, de pourvoi en cassation, de demande de réouverture de la procédure, en fonction de la peine prononcée.

562.Il convient de noter qu’un conseil peut également être désigné pour la rédaction et la présentation d’une plainte ou d’une contestation civile dans tous les cas où des personnes sont victimes des abus suivants: torture et autres atteintes à la dignité humaine, discrimination et violation du principe de l’égalité de traitement, crimes contre la vie ou contre la liberté personnelle et sexuelle, exploitation économique de la vie sexuelle, atteinte aux biens et aux intérêts, coups et blessures ou abus en relation avec le mariage et la famille. L’infraction doit être constitutive d’un crime ou d’un délit relevant du tribunal correctionnel composé de trois membres et punissable d’une peine d’emprisonnement d’au moins six mois. Pour qu’une aide judiciairepuisse être accordée, les recours juridiques en cause doivent être recevables et ne doivent pas être manifestement dénués de fondement.

563.Une aide judiciaireest également proposée, à certaines conditions, dans les affaires civiles et commerciales, avec exonération, en totalité ou en partie, du paiement des frais de justice et, sur demande spéciale, désignation d’un conseil, d’un officier public ou d’un huissier de justice. Elle peut également être accordée par décret présidentiel, pour tout litige administratif ou type de litige administratif.

Droit de citer et d’interroger des témoins

564.Les articles 273, paragraphe 2, alinéa a, et 274, alinéa b, établissent le droit de l’accusé de demander à ce que l’organe d’instruction examine tous les éléments de preuve proposés et procède à tous les interrogatoires susceptibles de contribuer à sa défense. L’organe d’instruction est tenu d’examiner tout élément de preuve proposé par l’accusé, afin d’établir la vérité, faute de quoi il porterait atteinte aux droits de l’accusé en la matière. En conséquence, l’organe d’instruction est tenu d’entendre les témoins à décharge cités par l’accusé s’il a déjà entendu les témoins à charge. Au cours de l’audience, l’accusé n’est pas tenu d’informer le ministère public ou les autres parties des témoins qu’il entend citer, à quelques exceptions près, par exemple s’il est accusé d’une infraction pour laquelle la loi permet d’invoquer l’exception de vérité (art. 326, par. 3, du Code de procédure pénale). Le ministère public est tenu de convoquer tous les témoins de fond, à charge ou à décharge (art. 327, par. 1, du Code de procédure pénale). L’accusé a le droit de citer des témoins à ses frais. Toutefois, il a aussi le droit de demander à l’autorité compétente de convoquer au moins un témoin de son choix s’il est accusé d’un délit et au moins deux témoins s’il est accusé d’un crime (art. 327, par. 2, duCode de procédure pénale).

Droit de se faire assister gratuitement d’un interprète

565.En vertu de l’article 233, paragraphe 1, du Code de procédure pénale, quand un accusé, un témoin ou un tiers civilement responsable ne comprend ni ne parle le grec, le juge qui mène l’audition commet un interprète. Le droit de se faire assister gratuitement d’un interprète entraîne le droit de faire traduire les pièces présentant un intérêt dans le cadre du procès. Toute violation de l’obligation de commettre un interprète peut aboutir à l’annulation de la procédure. De plus, l’ordre juridique grec prévoit la possibilité de se faire assister d’un interprète dans les procédures civiles également (art. 252, par. 1, du Code de procédure civile).

Interdiction de témoigner contre soi ‑même

566.Le principe de l’interdiction de témoigner contre soi‑même est garanti par le Code de procédure pénale. Plus concrètement: a) en vertu de l’article 223, paragraphe 4, un témoin n’est pas tenu d’apporter son témoignage sur des faits susceptibles de le faire condamner pour infraction pénale; b) en vertu de l’article 273, paragraphe 2, alinéa b, l’accusé a le droit de refuser de répondre à toute question au cours de son interrogatoire (sans que le tribunal ne puisse se fonder sur son silence pour décider de sa culpabilité). L’article 366, paragraphe 3, du Code de procédure pénale prévoit la possibilité pour l’accusé de refuser de plaider coupable ou non coupable ou de refuser de répondre à toute question, cet élément étant mentionné dans les comptes rendus d’audience. La Constitution et le Code de procédure pénale interdisent de recourir à des méthodes d’interrogatoire susceptibles de porter atteinte aux droits de l’homme et d’être constitutives de torture ou d’autres traitements inhumains ou dégradants. Pour plus de détails, voir la partie du présent rapport relative à l’article 7 du Pacte.

Droits des accusés mineurs

567.Cette question est traitée en détail dans le rapport de la Grèce au Comité des droits de l’enfant. Dans le présent rapport, nous limiterons nos observations à ce qui suit.

568.En vertu de l’article 45A du Code de procédure pénale, qui a été ajouté en application de la loi no 3189/2003, si un mineur commet un acte délictueux constitutif d’une infraction mineure ou d’un délit, le représentant du ministère public peut choisir de ne pas poursuivre l’auteur de l’infraction s’il considère, après avoir examiné les circonstances de l’infraction présumée et la personnalité du mineur en général, qu’il n’est pas nécessaire d’engager des poursuites pour dissuader le mineur en question de commettre d’autres infractions pénales à l’avenir. Le représentant du ministère public peut ordonner qu’une ou plusieurs des mesures d’éducation surveillée prévues aux alinéas a à k de l’article 122 du Code pénal soient imposées au mineur concerné. Il peut également ordonner à l’intéressé de verser une somme n’excédant pas 1 000 euros à une association à but non lucratif ou caritative. Le représentant du ministère public fixe également le délai d’exécution.

569.Lorsqu’un mineur commet un crime, tout est fait pour que l’affaire soit jugée dans les meilleurs délais et, en tout état de cause, six mois au plus après la date où le crime a été commis.L’audition a lieu devant le tribunal pour enfants compétent, à huis clos pour protéger la personnalité du mineur.

570.Si un mineur est accusé d’avoir commis un délit en complicité avec des adultes, il est, en règle générale, entendu séparément et jugé par le tribunal pour enfants (art. 130, par. 3, du Code de procédure pénale).Pendant toute l’audience, le mineur est assisté par son avocat, l’agent de probation et ses parents ou leur représentant légal, si ce n’est pas considéré comme contraire à ses intérêts.

571.L’accusé mineur et son avocat ont tous deux le droit d’interroger les témoins, les experts, les conseillers techniques, etc. (art. 357, par. 3, du Code de procédure pénale).Pendant l’enquête et l’audience principale, les mineurs ne sont pas interrogés sous serment, et le témoignage de leurs parents jusqu’au deuxième degré est obligatoire (art. 221, al. a, et 222 du Code de procédure pénale).

572.Toutes les condamnations prononcées à l’encontre des délinquants mineurs ne sont pas légalement susceptibles d’appel. La loi no 3189/2003 élargit le cercle des personnes autorisées à introduire un recours dans une affaire impliquant un mineur et garantit un droit de recours dans tous les cas où la détention dans un établissement spécialisé pour mineurs est ordonnée.

573.Les recours introduits à l’encontre des jugements rendus par des tribunaux pour enfants sont entendus par des cours d’appel pour enfants composées de trois membres et présidées, si possible, par un juge pour enfants.

Droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité et la condamnation

574.Les principaux recours prévus par l’ordre juridique grec pour obtenir le réexamen d’une déclaration de culpabilité et d’une condamnation prononcées par une juridiction pénale sont l’appel et le pourvoi en cassation. Ces recours existent pour la quasi‑totalité des délits et des crimes. La voie de recours que représente la réouverture du procès mérite d’être mentionnée, étant donné qu’elle a été récemment introduite afin de se conformer à des arrêts rendus par la Cour européenne des droits de l’homme au sujet de certaines affaires pénales.

575.Appel : L’accusé peut interjeter appel de décisions rendues en première instance. La cour d’appel rejuge l’affaire en considérant toutes les infractions et tous les éléments mentionnés dans l’appel et rend une nouvelle décision qui remplace la décision rendue par le tribunal de première instance. L’affaire est rejugée tant sur le plan du droit que sur le plan des faits et la procédure est essentiellement la même que celle suivie par le tribunal de première instance. La situation juridique de l’accusé ne peut pas être aggravée (reformatio in pejus) si l’appel a été interjeté par l’accusé ou par le ministère public en faveur de l’accusé.

576.Pourvoi en cassation : L’accusé ne peut se pourvoir en cassation que sur des points de droit et uniquement contre des décisions qui ne sont pas susceptibles de recours ou qui ont été rendues en appel. Les points de droit sur lesquels peut être fondé un pourvoi en cassation sont l’annulation relative ou pure et simple d’actes qui ont eu lieu au tribunal, l’absence de motivation, la violation des règles applicables à la publicité des audiences ou à la compétence du tribunal, l’application ou l’interprétation erronée de dispositions de fond, la violation du principe de la res judicata, etc. Certains de ces motifs sont examinés d’office par la Cour de cassation (l’Areios Pagos). Si le pourvoi en cassation est admis, la Cour de cassation casse le jugement et renvoie l’affaire devant le même tribunal afin qu’elle y soit rejugée par d’autres juges. Toutefois, en cas d’application erronée de la loi, la Cour de cassation peut appliquer elle‑même correctement la disposition considérée et décider d’acquitter l’accusé.

577.Réouverture du procès : La réouverture du procès est un recours extraordinaire prévu pour les décisions qui ne sont pas susceptibles d’appel ou de pourvoi en cassation, lorsque des faits nouveaux infirment manifestement la décision condamnant l’accusé. En vertu de l’article 525, paragraphe 1, alinéa e, du Code de procédure pénale (inséré en application de l’article 11 de la loi no 2865/2000, afin de mettre le cadre juridique grec en conformité avec les recommandations du Conseil de l’Europe), la réouverture du procès est possible lorsqu’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme établit qu’il y a eu violation d’un droit lié au caractère équitable de la procédure suivie ou à la disposition de fond appliquée. En outre, l’article 525A du Code de procédure pénale (inséré en application de la loi no 3060/2002) prévoit que toute personne lésée peut demander la réouverture du procès dans la mesure où celui‑ci a abouti à une décision qui dénie l’obligation de l’État de verser une indemnité ou qui fixe une indemnité inappropriée dans les affaires relevant de l’article 533 (indemnisation des personnes indûment détenues ou condamnées). Pour que les personnes susmentionnées puissent demander la réouverture du procès, il faut que la Cour européenne des droits de l’homme ait rendu un arrêt estimant que la décision considérée est incompatible avec la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Droit à indemnisation en cas d’erreur judiciaire

578.Les articles 533 à 545 du Code de procédure pénale prévoient l’indemnisation par l’État de toutes les personnes qui ont été indûment privées de leur liberté personnelle, soit parce qu’elles ont été indûment condamnées soit parce qu’elles ont été indûment placées en détention avant procès. Ce point a déjà été traité dans le présent rapport au titre l’article 9, paragraphe 5, du Pacte.

579.Il convient également de rappeler que, en vertu de l’article 533, paragraphe 1, du Code de procédure pénale, quiconque a été placé en détention avant procès et par la suite définitivement acquitté par un conseil judiciaire ou un tribunal a droit à réparation. Bénéficient également de ce droit les personnes placées en détention suite à un jugement qui a été ultérieurement annulé après formation d’un recours, et les personnes qui, après avoir été condamnées et placées en détention, ont été ultérieurement acquittées par décision judiciaire après réouverture du procès. De plus, toutes les personnes qui ont purgé une peine supérieure à celle à laquelle elles ont été condamnées en dernier ressort ont droit à réparation.

Autorité de la chose jugée

580.Quiconque a été condamné ou acquitté par une décision non susceptible de recours ne peut plus être poursuivi pour les mêmes faits, même si ceux‑ci sont désormais constitutifs d’une infraction différente (art. 57, par. 1, du Code de procédure pénale). Toutefois, dans des cas exceptionnels (par exemple si l’on découvre que les éléments de preuve produits au cours du procès étaient faux ou si l’on découvre de nouveaux éléments de preuve), la loi prévoit la possibilité de rouvrir le dossier (art. 57, par. 2, du Code de procédure pénale). Après acquittement, la réouverture du dossier est possible essentiellement lorsque apparaissent des faits constitutifs d’infractions pénales (par exemple, faux en écriture ou corruption de magistrat), alors que, après condamnation, la mise au jour de faits nouveaux ou de preuves nouvelles est également prise en compte.

581.La question de savoir si le paragraphe 7 de l’article 14 du Pacte établit l’obligation de reconnaître le principe de l’autorité de la chose jugée dans le cas d’une décision prise par une juridiction pénale étrangère a été examinée à plusieurs reprises par l’Areios Pagos. Bon nombre de décisions établissent que le Pacte crée une telle obligation mais certaines autres décisions retiennent l’interprétation inverse. La question a également été examinée par la Grande Chambre de l’Areios Pagos, qui a estimé que ladite disposition signifiait manifestement que nul ne peut être poursuivi ou puni à nouveau par les tribunaux d’un même État partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques. En conséquence, les décisions rendues par les juridictions pénales étrangères n’ont pas l’autorité de la chose jugée et n’engendrent pas d’obligation analogue au titre du paragraphe 7 de l’article 14 du Pacte, étant donné que cette disposition a trait à l’ordre juridique interne de chaque État partie.

ARTICLE 15: INTERDICTION DE LA RÉTROACTIVITÉ DES LOIS PÉNALES

582.L’interdiction de la rétroactivité des lois pénales est établie par l’article 7, paragraphe 1, de la Constitution, en vertu duquel «[I]l ne peut y avoir de délit et aucune peine ne peut être prononcée sans qu’une loi, entrée en vigueur avant que l’acte n’ait été commis, n’en détermine les éléments constitutifs. En aucun cas n’est prononcée une peine plus lourde que celle prévue au moment où l’acte a été commis.». Aux termes de l’article premier du Code pénal, «une peine ne peut être infligée que pour sanctionner la perpétration d’un acte qui constitue une infraction pénale conformément à une disposition adoptée avant que ledit acte ne soit commis»; l’article 2 prévoit la rétroactivité des lois plus favorables, dans les cas où plusieurs lois pertinentes ont été adoptées et sont entrées en vigueur entre le moment où l’acte a été commis et la condamnation définitive. En outre, conformément au même article, si, en vertu d’une loi ultérieure, l’acte considéré ne constitue plus une infraction pénale, l’exécution de la peine infligée et ses effets sur le plan pénal sont levés.

583.En vertu de l’article17 du Code pénal, le moment où l’acte est commis s’entend du moment où l’auteur a agi ou a été obligé d’agir, le moment où l’acte produit ses effets n’étant pas pris en considération.

584.Toutes les lois pénales interprétatives, à savoir les lois dont l’objet est d’interpréter des dispositions préexistantes, sont considérées comme violant le principe de la non‑rétroactivité si l’interprétation en question résulte en la création d’une nouvelle infraction pénale ou en l’aggravation des conditions ou sanctions applicables à une infraction pénale préexistante.

585.L’interdiction de la rétroactivité s’applique également à l’imposition de sanctions. Ainsi, un acte commis à un moment où il constituait déjà un délit ne peut être sanctionné par une peine qui n’était pas prévue au moment où il a été commis, mais qui a été établie par une loi pénale ultérieure.

586.De plus, si une loi pénale a été modifiée de façon à sanctionner plus sévèrement une infraction pénale préexistante après que celle‑ci a été commise, les sanctions plus graves ne peuvent pas être imposées. En conséquence, une loi pénale plus récente qui ferait peser sur l’accusé la menace d’une peine ou d’effets plus graves ne peut pas être appliquée.

587.Il est également interdit d’infliger une peine plus lourde en appliquant par analogie une autre disposition pénale ou en interprétant de façon extensive une disposition préexistante, voire en interprétant de façon restrictive une disposition visant à réduire les conséquences pénales d’un acte donné.

ARTICLE 16: RECONNAISSANCE DE LA PERSONNALITÉ JURIDIQUE

588.Le droit de toute personne à la reconnaissance de sa personnalité juridique est considéré comme allant de soi dans l’ordre juridique grec. En conséquence, ce droit n’a jamais fait l’objet du moindre doute ou de la moindre restriction. C’est l’article 2, paragraphe 1, de la Constitution qui établit le principe de la valeur et de la dignité humaines, qui fonde le droit susmentionné.

589.En vertu de l’article 34 du Code civil, «toute personne est capable d’être le sujet de droits et d’obligations». Toute personne commence son existence au moment où elle naît vivante et cesse d’exister lorsqu’elle décède (art. 35 du Code civil). L’embryon (nasciturus) est considéré comme né, au regard des droits qui lui sont applicables, dès lors qu’il naît vivant (art. 36 du Code civil). L’article 57 du Code civil protège le droit à la personnalité, puisqu’il prévoit que toute personne dont la personnalité a été illégalement lésée a le droit de demander qu’il soit mis un terme à l’acte illicite et que celui‑ci ne se répète pas. La notion de personnalité comprend tous les éléments tangibles et intangibles constitutifs de l’existence physique, émotionnelle, intellectuelle, morale et sociale de l’individu. Le Code civil est un instrument de protection générale de la personnalité de l’individu contre toute intrusion, agression ou atteinte.

ARTICLE 17: DROIT AU RESPECT DE LA VIE PRIVÉE, DE LA FAMILLE, DU DOMICILE ET DE LA CORRESPONDANCE ET PROTECTION DE L’HONNEUR ET DE LA RÉPUTATION

Cadre constitutionnel

590.Les articles 2 et 5 de la Constitution, déjà mentionnés, sont les pierres angulaires de la Loi fondamentale grecque, puisqu’ils protègent la dignité et la personnalité de l’individu. Ces deux dispositions de caractère général consacrent, notamment, la protection constitutionnelle de l’honneur et de la réputation. L’article 9, paragraphe 1, de la Constitution établit de manière catégorique l’inviolabilité de la vie privée et familiale de l’individu; l’article 9A, adopté en 2001, consacre le droit à la protection des données personnelles; l’article 19, paragraphe 1, établit l’inviolabilité absolue de la correspondance et de tout autre moyen de communication. De plus, l’article 21, paragraphe 1, garantit l’institution de la famille et prévoit la protection par l’État de l’institution du mariage, de la maternité et de l’enfance.

Contenu de l’article 9 de la Constitution

591.Au sens de l’article 9, paragraphe 1, les expressions vie privée et vie familiale renvoient à une certaine «sphère de confidentialité», c’est‑à‑dire à un ensemble de renseignements qui concernent des aspects de la vie privée de chaque individu que celui‑ci n’a pas le droit de divulguer ou ne souhaite pas divulguer. L’autre aspect de la «sphère de confidentialité» réside dans le fait que l’État n’a pas le droit d’intervenir pour obliger une personne à se conformer à des normes précises en ce qui concerne des questions liées à la vie privée et à la vie de famille et qui doivent relever du libre arbitre de chacun (par exemple, dans les domaines de la vie sexuelle ou de la planification familiale). De même, l’État ne peut pas exiger des renseignements relevant de ladite «sphère de confidentialité».

592.L’article9, paragraphe 1, établit l’inviolabilité du domicile. En vertu de cette disposition, le domicile de chacun constitue un asile. Le terme «domicile» s’entend de tout lieu de résidence ou de travail non accessible au public que l’individu concerné considère comme tel. Toute personne peut avoir plus d’un «domicile». La durée de la résidence n’est pas prise en compte. Le terme «asile» renvoie à l’interdiction pour les autorités de l’État de pénétrer ou de séjourner au domicile d’une personne sans que celle‑ci n’en ait connaissance et n’ait donné son consentement exprès et valable. En ce sens, l’installation clandestine de microphones ou de tout autre type d’instruments de surveillance est également interdite. Les organes de l’État n’ont pas le droit d’empêcher qui que ce soit d’accéder à son domicile.

593.Les perquisitions domiciliaires sont interdites, sauf dans les cas et selon les modalités prévus par la loi; elles doivent toujours être réalisées en présence de représentants du pouvoir judiciaire, comme expliqué plus loin.

594.L’article9, paragraphe 2, prévoit que les contrevenants à la disposition susmentionnée sont punis pour violation de l’asile du domicile et pour abus de pouvoir, et sont tenus de dédommager entièrement la personne lésée, ainsi qu’il est prévu par la loi.

Contenu de l’article 9A de la Constitution

595.L’article9A prévoit que toute personne a le droit d’être protégée contre la collecte, le traitement et l’utilisation, en particulier par des moyens électroniques, de ses données personnelles, conformément aux modalités prévues par la loi. La protection des données personnelles est garantie par un organisme indépendant (l’Office de la protection des données personnelles), qui est mis en place et fonctionne conformément aux modalités prévues par la loi.

Contenu de l’article 19 de la Constitution

596.La protection constitutionnelle du respect du secret des lettres et de la libre correspondance ou communication s’étend à tout type de communication privée (c’est‑à‑dire non publique), qu’il s’agisse d’une communication à des fins privées ou professionnelles. Il est interdit à tous les organes de l’État d’accéder à un message et d’en communiquer le contenu, voire le simple fait de son existence, à des tiers. La loi précise les cas dans lesquels l’autorité judiciaire n’est pas tenue au respect de ce secret pour des raisons de sécurité nationale ou aux fins de l’instruction de crimes particulièrement graves. Le secret susmentionné est garanti par un nouvel organisme indépendant (art. 19, par. 2). L’utilisation d’éléments de preuve obtenus en violation des articles 19, 9 et 9A de la Constitution est interdite.

Contenu de l’article 21, paragraphe 1, de la Constitution

597.En vertu de cet article, la famille, en tant que fondement du maintien et du progrès de la nation, ainsi que le mariage, la maternité et l’enfance se trouvent sous la protection de l’État. La notion de vie de famille doit être clairement distinguée des notions de vie privée et de vie publique. La vie de famille s’entend de la vie au sein de la cellule familiale, c’est‑à‑dire essentiellement époux, épouse et enfants, même si ces derniers sont adoptés, ou s’ils ne résident pas sous le même toit. L’existence d’un mariage valable ne constitue pas une condition préalable à la protection constitutionnelle de la famille et de la vie de famille. Toute personne a le droit de fonder une famille et de mener la vie qu’il entend au sein de cette famille sans ingérence extérieure.

Bénéficiaires

598.Les bénéficiaires de la protection garantie par les articles susmentionnés sont toutes les personnes physiques sans distinction de nationalité. De plus, la protection garantie par les paragraphes 1 de l’article9 (concernant l’inviolabilité du «domicile») et de l’article19 s’étend également aux personnes morales de droit privé (c’est‑à‑dire les entreprises) ainsi qu’aux groupes de personnes dépourvus de personnalité morale.

Dispositions légales spéciales

599.De nombreuses dispositions légales, tant de droit civil que de droit pénal, garantissent, en application des dispositions constitutionnelles susmentionnées, l’inviolabilité de la vie privée et de la vie de famille, du domicile et de la correspondance et la protection de l’honneur et de la réputation.

Perquisitions

600.Les perquisitions sont prévues essentiellement dans le Code de procédure pénale, aux fins d’instruction, et également dans le Code de procédure civile et le Code des impôts dans le cadre de procédures d’exécution forcée.

601.En vertu de l’article253 du Code de procédure pénale, la perquisition est autorisée: a) s’il existe une enquête en cours sur un crime ou un délit ou b) si l’on peut raisonnablement supposer que la mise au jour d’un crime ou de ses auteurs, l’arrestation de ces derniers ou la réparation du dommage subi ne peuvent être opérées ou facilitées que grâce à ladite perquisition. Les mêmes dispositions s’appliquent en cas de perquisition d’une résidence privée dans le cadre de mesures d’exécution forcée ou administrative.

602.Les perquisitions de nuit ne sont autorisées que dans les cas d’extrême gravité ou d’extrême urgence et, en pratique, si elles sont de nature à faciliter l’arrestation d’une personne faisant l’objet de poursuites légales ou l’arrestation sur‑le‑champ de l’auteur d’un crime ou d’un délit commis à son domicile, en cas de rassemblement, à un domicile privé, aux fins de jeu ou de débauche professionnelle, ou si les locaux en question sont d’accès libre la nuit (art. 254, par. 1, du Code de procédure pénale). En matière d’exécution forcée ou administrative, les perquisitions de nuit ne sont autorisées que dans les cas d’extrême urgence ou afin d’éviter un danger imminent (art. 929 du Code de procédure civile, lu parallèlement aux articles 686 et suivants du Code), en cas de risque de fuite d’un débiteur envers l’État ou les cas où l’État risque d’encourir des dommages (art. 11, lu parallèlement à l’article8 du Code des impôts).

603.En vertu du Code de procédure pénale, une perquisition peut être ordonnée, dans le cadre d’une instruction, par le représentant du ministère public. En pareil cas, elle doit être réalisée par des enquêteurs, qui peuvent, toutefois, agir également de leur propre initiative lorsqu’un retard éventuel est susceptible d’engendrer un danger ou lorsque les auteurs d’une infraction sont pris sur le fait (art. 251, lu parallèlement à l’article243, paragraphe 2, du Code de procédure pénale).

604.Comme cela a été indiqué plus haut, la présence d’un représentant du corps judiciaire est obligatoire au cours d’une perquisition. Le Code de procédure pénale prévoit qu’une perquisition peut être opérée en l’absence de représentants du corps judiciaire dans certains cas exceptionnels: a) lorsque la perquisition se déroule de nuit et que ni représentant du ministère public, ni magistrat instructeur, ni juge de paix ou ni membres du tribunal correctionnel ne sont disponibles. En pareil cas, la perquisition est menée par des fonctionnaires de police (art. 254, par. 1, du Code de procédure pénale); et b) lorsque la perquisition est opérée par des fonctionnaires de police et qu’aucun membre du corps judiciaire n’est disponible dans la région où doit avoir lieu la perquisition. En pareil cas, la présence du responsable de la communauté locale est requise au cours de la perquisition (art. 255, par. 2, du Code de procédure pénale). Toutefois, la disposition susmentionnée de l’article255 est considérée comme inconstitutionnelle et n’est par conséquent pas applicable, dans la mesure où elle prévoit la réalisation d’une perquisition en l’absence de membres du corps judiciaire.

605.Il convient également de noter que l’article9, paragraphe 1, alinéa c,de la Constitution complète les dispositions pertinentes du Code de procédure civile et du Code des impôts en ce qui concerne la participation de membres du corps judiciaire aux perquisitions.

606.S’agissant du mode opératoire des perquisitions, l’article256 du Code de procédure pénale prévoit l’application stricte du principe de proportionnalité. Plus concrètement: «Au cours des perquisitions, toutes les mesures nécessaires doivent être prises pour éviter toute publicité et tout désagrément superflus pour les occupants des lieux. Il convient également de prendre soin de protéger la dignité et les secrets personnels sans aucun rapport avec l’infraction présumée. La perquisition doit être menée de façon respectueuse. La personne qui mène la perquisition doit inviter l’occupant des lieux faisant l’objet de la perquisition à assister à la perquisition. En son absence, un voisin doit être invité à assister à la perquisition.».

607.Comme indiqué plus haut, l’article9, paragraphe 2, de la Constitution prévoit une sanction pénale en cas de dérogation aux dispositions mentionnées avec violation de l’asile du domicile et abus de pouvoir. Les dispositions pertinentes du Code pénal sont les articles 239 et 241. Le même paragraphe établit que l’agent public auteur de l’infraction est directement responsable de l’entière indemnisation de la victime. Ainsi, tant l’agent public responsable que l’État assument une entière responsabilité civile.

Caractère confidentiel de la correspondance

608.Les articles 248 à 250 du Code pénal garantissent la protection du caractère confidentiel de la correspondance consacré par la Constitution. Lesdits articles prévoient que la violation du caractère confidentiel de la correspondance par des employés de la poste, du télégraphe ou du téléphone entraîne une sanction pénale. Les articles 370 et 370A du Code pénal, qui prévoient une sanction pénale pour toute atteinte au caractère confidentiel de la correspondance et des appels téléphoniques et des communications orales, respectivement, assurent une protection supplémentaire.

609.L’article19, paragraphe 1, alinéa b, de la Constitution prévoit que la loi fixe les conditions dans lesquelles l’autorité judiciaire n’est pas liée par le secret de la correspondance pour des raisons de sécurité nationale ou en vue de la constatation de délits particulièrement graves. La loi pertinente (loi no 2225/1994, telle que modifiée par la loi no 3115/2003) prévoit une liste de crimes pour lesquels l’obligation de respect du caractère confidentiel de la correspondance est levée. En vertu de l’article4, paragraphe 2, de la loi no 2225/1994, le secret de la correspondance ne peut être levé que si le Conseil judiciaire compétent estime que l’instruction de l’affaire ou la détermination du lieu de résidence de l’accuséest impossible ou particulièrement difficile sans une telle mesure. La levée du secret de la correspondance ne peut être décidée qu’à l’encontre d’une personne ou de personnes précises qui sont liées à l’affaire visée par l’instruction ou dont on a déterminé, à partir d’éléments précis, qu’elles ont reçu des messages précis des accusés, ou qu’elles leur en ont envoyés, ou qu’elles leur ont servi d’intermédiaires.

610.Il convient de noter que la loi susmentionnée fixe des délais précis pour la levée du secret de la correspondance. En vertu de l’article5, paragraphe 6, la levée du secret de la correspondance ne peut excéder deux mois. Ce délai peut être renouvelé par périodes de deux mois, en suivant la même procédure que pour la mesure initiale et à condition que les raisons ayant motivé initialement la levée du secret de la correspondance soient toujours valables. En tout état de cause, la mesure, telle que prolongée, ne peut excéder dix mois au total, sauf si la levée du secret de la correspondance a été ordonnée pour des raisons de sécurité nationale. À l’expiration du délai prévu dans la décision de levée du secret de la correspondance ou de la période maximale autorisée pour la levée du secret de la correspondance, la mesure prend fin automatiquement.

611.Il est également prévu que les intéressés doivent être informés, sous réserve de certaines conditions préalables, du fait qu’une mesure de levée du secret de la correspondance a été ordonnée lorsque cette mesure a pris fin. Des garanties doivent également être mises en place pour assurer l’utilisation conforme à la loi des preuves recueillies, ainsi que la destruction obligatoire des matériels obtenus sans rapport avec le motif de la levée du secret de la correspondance.

Organismes indépendants pour la protection des données et du secret de la correspondance

612.Comme indiqué plus haut, l’existence et le fonctionnement d’un organisme indépendant pour la protection des données sont garantis par l’article9A de la Constitution, adopté en 2001. Dans le document de base figurent des informations détaillées sur le mandat de l’Office de la protection des données personnelles.

613.L’article19, paragraphe 2, de la Constitution, qui a été adopté lors de la révision constitutionnelle de 2001, prévoit la mise en place d’un organisme indépendant chargé de veiller au secret des communications. De fait, la loi no 3115/2003 porte création de l’Autorité indépendante pour la protection du secret des communications (ci‑après dénommée «l’Autorité»), qui a remplacé la Commission nationale pour la protection du secret des communications, établie en vertu de la loi no 2225/1994. La nouvelle loi réglemente le contrôle et le suivi des conditions et de la procédure applicables à la levée du secret des communications, sans qu’il soit porté atteinte à la vie privée et à la personnalité des intéressés et seulement dans la mesure où et aussi longtemps que la levée dudit secret est absolument nécessaire pour protéger l’intérêt public. Comme les autres organismes indépendants, l’Autorité bénéficie de toutes les garanties d’indépendance et de transparence nécessaires pour ce qui est de son fonctionnement et du respect de son mandat.

614.Parallèlement, il a été confié à l’Autorité de nombreuses compétences pour la surveillance et l’établissement de normes dans le domaine tant préventif que répressif et vis‑à‑vis de toutes les personnes physiques et morales qui opèrent dans le domaine des communications. L’Autorité procède à des contrôles réguliers et inopinés des locaux, installations techniques, dossiers, banques de données et documents dans les services, les organisations et les entreprises du secteur public en général et aussi dans les entreprises privées actives dans le domaine des communications. Il reçoit également des informations et invite les personnes susceptibles de contribuer à la réalisation de ses objectifs à participer à des auditions. Il peut également convoquer des représentants des organisations, entreprises et sociétés susmentionnées pour des auditions et demander des informations. L’Autorité peut confisquer les instruments qui facilitent la violation du secret des communications et instruire les plaintes déposées quand des personnes s’estiment lésées par une décision de levée du secret des communications ou par la procédure mise en œuvre à cet effet .

615.Enfin, les articles 10 et 11 de la loi susmentionnée prévoient les sanctions pénales et administratives susceptibles d’être imposées à toute personne physique ou morale qui porte atteinte au secret des communications ou qui viole les conditions et la procédure applicables à la levée du secret des communications.

Regroupement familial

616.La loi no 2910/2001 comporte des dispositions spéciales qui établissent le droit des ressortissants étrangers au regroupement familial.

617.En vertu de l’article28 de la loi no 2910/2001, tout ressortissant étranger qui vit en situation régulière en Grèce depuis deux ans au moins peut demander l’entrée et l’installation des membres de sa famille dans le pays, à condition:

a)Que les membres de sa famille viennent vivre avec lui;

b)Qu’il prouve qu’il dispose de revenus personnels réguliers correspondant au moins au salaire d’un ouvrier non qualifié et suffisants pour couvrir les besoins de sa famille, ainsi que d’un logement approprié et d’une assurance maladie couvrant également les membres de sa famille à sa charge.

618.Les personnes suivantes sont considérées comme des membres de la famille:

a)Le conjoint;

b)Les enfants célibataires âgés de moins de 18 ans;

c)Les enfants célibataires du conjoint, âgés de moins de 18 ans, dont la garde a été attribuée audit conjoint.

619.En vertu de la disposition susmentionnée, le droit au regroupement familial est élargi à toutes les personnes qui résident en situation régulière en Grèce et n’est pas restreint aux seules personnes qui travaillent en Grèce. La durée du séjour légal en Grèce requise pour pouvoir demander à bénéficier du regroupement familial («délai d’attente») a été ramenée de cinq à deux ans.

620.Le permis de séjour est accordé pour une durée maximale d’un an. Il peut être renouvelé pour une durée maximale d’un an, en fonction du permis de travail.

621.L’article31 de la loi susmentionnée prévoit que les personnes admises au bénéfice du regroupement familial sont autorisées à travailler comme salariées, à fournir des services indépendants ou à exercer une activité économique indépendante. À cette fin, elles obtiennent un permis de travail ou une autorisation d’exercer une activité économique indépendante si elles produisent le permis de séjour accordé au titre du regroupement familial. Les membres de la famille d’un ressortissant étranger se voient ainsi accorder le droit d’exercer immédiatement une activité professionnelle.

622.En vertu de l’article32, les membres de la famille d’un ressortissant étranger admis au bénéfice du regroupement familial peuvent acquérir à titre personnel le droit de séjourner en Grèce lorsque:

a)Ils deviennent majeurs;

b)Le ressortissant étranger en question décède;

c)Le ressortissant étranger en question exerce des violences à leur encontre; ou lorsque

d)Un jugement de divorce est prononcé à l’encontre du ressortissant étranger en question.

623.La durée du permis de séjour à titre personnel ne peut excéder une année; le permis peut être renouvelé une fois et encore pour une année supplémentaire et, dans tous les cas, jusqu’à ce que l’intéressé ait atteint l’âge de 21 ans. Ensuite, un renouvellement du permis est possible conformément aux dispositions de la loi sur les étrangers.

624.En outre, la loi prévoit la délivrance d’un permis de séjour à tout ressortissant de pays tiers qui a épousé un citoyen grec ou un ressortissant de l’Union européenne. Plus concrètement, en vertu de l’article33 de la loi no 2910/2001, tel qu’il a été remplacé par l’article19, paragraphe 5, de la loi no 3013/2002, il est délivré au conjoint étranger d’un citoyen grec ou d’un ressortissant de l’Union européenne un permis de séjour d’au moins cinq ans, sans condition d’obtention d’un permis de travail. Ce permis est automatiquement renouvelé pour cinq autres années au moins. Le même permis couvre tous les enfants célibataires âgés de moins de 18 ans du ressortissant étranger, à condition que ce dernier exerce l’autorité parentale. Le paragraphe 2 de l’article susmentionné contient des dispositions relatives aux mariages dont il s’avère qu’ils ont été contractés en vue de contourner les dispositions de la loi. Les paragraphes susmentionnés s’appliquent aux ressortissants étrangers qui ont épousé des Grecs rapatriés ou des personnes d’origine grecque mais d’une autre nationalité, ainsi qu’aux personnes veuves d’un conjoint qui était citoyen grec, ressortissant de l’Union européenne, Grec rapatrié ou d’origine grecque mais d’une autre nationalité.

625.En vertu du paragraphe 4 du même article, tel qu’il a été complété par l’article11, paragraphe 3, de la loi no 3074/2002, les personnes suivantes sont considérées comme des membres de la famille d’un citoyen grec ou d’un ressortissant de l’Union européenne:

a)Le conjoint;

b)Les enfants âgés de moins de 21 ans;

c)Les parents du conjoint, à condition qu’ils vivent avec lui.

626.Les ressortissants étrangers susmentionnés peuvent se voir délivrer un permis de séjour à titre personnel pour l’un des motifs prévus par la loi no 2910/2001, pour autant que les conditions préalables ci‑après soient réunies:

a)Ils ont atteint l’âge prévu au point b) ci‑dessus;

b)Leur conjoint, citoyen grec ou ressortissant de l’Union européenne, exerce des violences à leur encontre;

c)Un jugement de divorce a été prononcé.

Expulsion des ressortissants étrangers et protection de la vie de famille

627.D’une manière générale, l’article46 de la loi no 2910/2001 interdit l’expulsion d’un ressortissant étranger si ce dernier: a) est mineur et a des parents résidant légalement en Grèce; b) est l’un des parents d’un mineur grec, en a la garde, est tenu de subvenir à ses besoins ou s’acquitte dans les faits de cette obligation; ou c) a dépassé l’âge de 80 ans (art. 46, par. 1).

628.Dans les cas b) et c) ci‑dessus, l’expulsion n’est pas interdite si le ressortissant étranger considéré constitue un danger pour l’ordre public, la sécurité nationale ou la santé publique, s’il souffre d’une maladie présentant un risque selon les normes internationales et l’OMS et qu’il refuse de se conformer aux mesures de protection de la santé publique prescrites par les autorités médicales après en avoir été dûment informé.

629.La jurisprudence de la Commission des suspensions du Conseil d’État montre clairement que, dans toutes les affaires d’expulsion, les droits des ressortissants étrangers sont bien respectés et ne cessent d’être renforcés. Il existe déjà une tendance manifeste à protéger les ressortissants étrangers contre l’expulsion. La Commission dispose déjà d’un corpus important de jurisprudence qui met l’accent sur la notion de «dommage difficile à réparer» que le ressortissant étranger peut encourir si la décision administrative visant à son expulsion est appliquée.Cette raison est considérée comme suffisante pour suspendre l’exécution d’une décision d’expulsion.

630.Dans leurs décisions, de nombreux tribunaux ont intégré cette interprétation. Les décisions en question renvoient essentiellement à l’idée de dommage difficile à réparer ou irréparable susceptible d’être causé par la destruction des liens tissés par le ressortissant étranger. Cette destruction des liens tissés est habituellement liée au fait qu’en cas d’expulsion l’intéressé se trouverait séparé des membres de sa famille.

631.Il convient de noter que tant le Conseil d’État que l’Areios Pagos prennent en considération les liens familiaux du ressortissant étranger considéré et d’autres éléments qui lient cette personne à la Grèce, ainsi que la durée de son séjour en Grèce, lorsqu’ils ont à se prononcer sur un cas d’expulsion. L’Areios Pagos a ainsi jugé que «le tribunal a le pouvoir de décider si une expulsion est nécessaire ou non. À cette fin, le tribunal prend en considération l’infraction en cause, ses conséquences, la durée du séjour du ressortissant étranger en Grèce, son comportement général, son parcours professionnel, l’existence d’une famille». Le Conseil d’État a estimé quant à lui que les dispositions relatives aux permis de séjour (art. 19 de la loi no 1975/1991, précédemment en vigueur) devraient être interprétées à la lumière de l’article9, paragraphe 1, et de l’article21, paragraphe 1, de la Constitution, qui établissent le caractère inviolable de la vie privée et de la vie familiale et qui garantissent la protection de la famille et de l’enfance par l’État.

632.La Commission des suspensions du Conseil d’État met en balance le dommage que subirait l’intéressé en cas de départ forcé immédiat du pays et de séparation de son environnement familial et les considérations d’intérêt public que l’administration invoque pour justifier l’application de l’arrêté d’expulsion. Dans de nombreux cas, la Commission des suspensions a estimé qu’il était nécessaire de suspendre l’exécution de l’arrêté d’expulsion.

633.De plus, l’administration est tenue d’accéder à la demande de permis de séjour formulée par un ressortissant étranger si ce dernier est marié avec un citoyen grec et si les deux personnes vivent réellement ensemble. La décision rendue par l’administration à cet égard doit être fondée sur des faits.

634.La Commission des suspensions du Conseil d’Étata estimé à plusieurs occasions que le risque d’un «dommage difficile à réparer» prévalait généralement sur les considérations d’intérêt public invoquées par l’administration.En outre,dans toute une série de cas, la Commissiona estimé que l’administrationn’invoquait pas de considérations précises d’intérêt public pour justifier la décision d’expulsion; mais, dans d’autres cas, elle a estimé que les raisons invoquées par l’administration n’existaient même pas.Il y a bien entendu des cas dans lesquels la Commission, compte tenu des considérations d’intérêt public invoquées par l’administration, a refusé d’accorder une suspension de l’exécution de la décision d’expulsion.

Protection de la vie privée et médias

635.Voir les paragraphes du présent rapportrelatifs à l’article19 du Pacte (liberté d’expression).

ARTICLE 18: DROIT À LA LIBERTÉ DE PENSÉE, DE CONSCIENCE ET DE RELIGION

636.La présente section, qui décrit les lois et pratiques nationales se rapportant à la liberté de religion, est divisée en deux parties. La première, d’ordre général, passe en revue les dispositions constitutionnelles protégeant les divers aspects du droit à la liberté de religion, indique qui bénéficie de ce droit et examine ses limitations générales ainsi que les liens ente l’article 3 de la Constitution, qui dispose que la religion de l’Église orthodoxe orientale du Christ est la religion dominante en Grèce, et l’article 13, qui consacre la liberté de religion. La seconde partie porte plus spécifiquement sur les questions et problèmes les plus importants découlant de l’ordre juridique interne en ce qui concerne la liberté de religion.

Généralités

Contenu et formes de la liberté de religion

637.La liberté de religion est consacrée par l’article 13 de la Constitution qui, conformément au paragraphe 1 de l’article 110, ne peut faire l’objet d’aucune révision. Elle est également mentionnée au paragraphe 2 de l’article 5 de la Constitution (qui dispose que tous ceux qui se trouvent sur le territoire hellénique jouissent de la protection absolue de leur vie, de leur honneur et de leur liberté, sans distinction fondée, entre autres, sur les convictions religieuses) et au paragraphe 2 de l’article 16 (qui dispose que l’éducation a notamment pour but de développer une conscience religieuse). Enfin, l’article 3 régit les relations entre l’État et l’Église.

638.Le droit à la liberté de religion couvre a) la liberté de conscience religieuse et b) la liberté de culte.

639.a)En vertu du paragraphe 1 de l’article 13 de la Constitution, la liberté de conscience religieuse est inviolable et l’exercice des droits civils et politiques ne dépend pas des convictions religieuses de chacun. Cette liberté implique également les droits suivants:

Le droit d’adopter la religion de son choix, de n’adopter aucune religion, d’être athée ou agnostique. Ce droit s’applique à toute religion ainsi qu’à toute doctrine «schismatique» ou «hérétique»;

Le droit de manifester ou de taire ses convictions religieuses;

Le droit de suivre ses convictions religieuses, d’en changer ou de les abandonner;

Le droit de ne subir aucun préjudice du fait de ses convictions religieuses ou de l’absence de telles convictions;

Le droit d’exercer ses droits civils pour propager ses convictions religieuses (liberté d’expression, liberté de réunion et liberté d’association à des fins religieuses), ainsi que le droit de ne pas être influencé par les convictions religieuses d’autrui.

640.b)La liberté de culte inclut le fait de manifester sa foi et ses convictions religieuses et d’exercer les pratiques et rites de sa religion. Le paragraphe 2 de l’article 13 de la Constitution dispose que toute religion connue est libre et que la pratique de son culte s’exerce sans entrave sous la protection de la loi. Il dispose également que l’exercice du culte ne doit pas porter atteinte à l’ordre public ou aux bonnes mœurs et interdit le prosélytisme. Les questions relatives à la notion de «religion connue», à la liberté de construire et d’utiliser les églises et les lieux de culte et à l’interdiction du prosélytisme seront examinées plus loin de façon approfondie dans les paragraphes traitant d’aspects spécifiques. Il convient néanmoins de noter ici que le législatif est tenu, en vertu de la Constitution, de prendre toutes les mesures législatives et administratives nécessaires pour garantir la protection du culte. En conséquence, le législateur a prévu un système de protection pénale contre les atteintes à la paix religieuse (art. 198 à 201 du Code pénal: blasphème délibéré, diffamation des religions, entrave aux rassemblements religieux, profanation de sépultures), le vol qualifié d’objets de culte dans les églises ou les lieux de culte (art. 374, al. a, du Code pénal), l’usurpation des fonctions de ministre de l’Église orthodoxe grecque ou de toute autre religion connue (art. 175, par. 2, du Code pénal) et le port non autorisé des habits ou des insignes de ministre de l’Église orthodoxe grecque ou de toute autre religion connue (art. 176 du Code pénal).

641.En outre, toute personne est libre, en vertu de la loi, d’exercer les fonctions de ministre du culte, quelle que soit la confession. Toute limitation directe ou indirecte de ce droit est contraire à la Constitution, de même que toute disposition légale empêchant les ministres de toute religion d’exercer des charges publiques. Le fait de limiter le salaire des ministres d’une religion qui sont également employés comme enseignants ne constitue pas une violation de la liberté du culte, tant que cette restriction ne les empêche pas de choisir librement d’exercer aussi cette activité. Les tribunaux grecs ont établi qu’il n’était pas illégal d’interdire à un prêtre d’exercer également la fonction d’avocat (conformément à l’article 26 du Code des avocats), la participation régulière à des procès n’étant pas compatible avec les idéaux du ministère religieux. Aux termes de la Constitution, il peut en outre être interdit aux prêtres de se faire élire à la fonction de maire, afin de préserver la liberté de conscience des électeurs, qui est consacrée par l’article 52 de la Constitution.

642.La législation grecque dispose par ailleurs que les prêtres, les moines et les novices de toute religion connue sont exemptés du service militaire, s’ils le souhaitent. Cette disposition vise à protéger l’exercice de leurs pouvoirs et de leur autorité. Les ministres de toute religion connue, quel que soit leur rang, ne peuvent pas dans ce contexte être placés en détention (art. 1048, al. d, du Code de procédure pénale, art. 4, par. 1, al. d, de la loi no 1867/1989).

Bénéficiaires du droit à la liberté de religion

643.Les bénéficiaires du droit à la liberté de religion sont principalement les personnes physiques, sans aucune distinction fondée sur leur citoyenneté. À ce droit sont associées la liberté de réunion et la liberté d’association à des fins religieuses. Le Conseil d’État a jugé que le rejet d’une demande de naturalisation présentée par un ressortissant étranger constituait une violation du paragraphe 1 de l’article 13 de la Constitution lorsque cette décision était motivée par les convictions religieuses du demandeur.

644.Pour ce qui est des mineurs, ce sont les parents ou les tuteurs légaux qui exercent le droit de choisir, de conserver, de modifier ou d’abandonner certaines convictions religieuses, conformément aux dispositions du Code civil relatives à l’exercice de l’autorité parentale (art. 1510 et suiv. et 1518). Il est interdit aux tribunaux de prendre en compte les convictions religieuses de l’un ou l’autre des parents lorsqu’ils doivent se prononcer sur l’exercice de l’autorité parentale. Comme expliqué dans la deuxième partie de la présente section, les parents ont le droit d’exiger que leur enfant soit dispensé des cours d’instruction religieuse dans les établissements du second degré.

645.La liberté de religion est également garantie aux personnes morales et autres associations à vocation religieuse. Ceci s’applique aussi aux organisations religieuses qui fonctionnent comme des personnes morales en vertu du droit public grec. La question de la personnalité juridique des communautés religieuses en Grèce sera examinée plus spécifiquement dans la deuxième partie de la présente section.

Obligation de respecter les lois de l’État

646.Le paragraphe 4 de l’article 13 de la Constitution dispose ceci: «Nul ne peut, en raison de ses convictions religieuses, être dispensé de l’accomplissement de ses obligations envers l’État ou refuser de se conformer aux lois». Les motifs religieux ou les raisons de conscience ne peuvent donc pas être invoqués pour justifier le non-respect de la loi. Un contribuable, par exemple, ne peut pas refuser d’acquitter ses impôts parce que ces derniers sont utilisés par l’État à des fins contraires à ses convictions religieuses.

647.Toutefois, certaines exceptions à l’application générale de la loi sont prévues par le législateur en vue de préserver et garantir le respect des convictions religieuses de certaines personnes. La reconnaissance des droits des objecteurs de conscience, dont il sera question plus loin, constitue l’exemple même de ce type d’exception.

Question de la religion «dominante»

648.En vertu du paragraphe 1 de l’article 3 de la Constitution, la religion dominante en Grèce est celle de l’Église orthodoxe orientale du Christ. Cette déclaration constituait la clause initiale (art. 1) de toutes les constitutions précédentes, de 1844 à 1952. Il convient de noter que les dispositions de l’article 3 ne vont pas jusqu’à désigner la religion de l’Église orthodoxe comme religion officielle ou religion d’État; l’emploi du terme «dominante» signifie que la religion de l’Église orthodoxe est celle de la majorité des Grecs. En d’autres termes, le paragraphe en question constitue une reconnaissance pragmatique du rôle fondamental que la religion orthodoxe a joué et continue de jouer dans l’histoire et la vie culturelle de la nation grecque. On ne saurait en déduire pour autant que la Constitution accorde un rôle hégémonique à l’Église orthodoxe. L’évolution de cette disposition constitutionnelle en témoigne. En effet, la Constitution de 1975 a supprimé l’obligation qui était faite au chef de l’État de suivre le dogme orthodoxe et de protéger la religion dominante en vertu de la Constitution de 1952, tout en renforçant l’interdiction du prosélytisme en l’étendant à toute religion, et plus seulement à la religion dominante. La Constitution de 1975 a étendu dans d’autres cas la protection constitutionnelle à toutes les religions, à la différence de la Constitution de 1952 dont les dispositions protégeaient uniquement la religion dominante. Ainsi, la Constitution de 1975 a établi le droit de saisir des imprimés pour cause d’offense à la religion chrétienne et à toute autre religion connue (art. 14, par. 3, al. a).

649.Les dispositions de l’article 3 régissent essentiellement l’organisation des rapports entre l’Église et l’État et c’est notamment en leur nom que l’administration et les écoles suivent le calendrier des fêtes orthodoxes, que les fêtes nationales et les cérémonies officielles s’accompagnent de bénédictions et de doxologies, que les salaires du clergé sont imputés au budget de l’État et que l’Église orthodoxe orientale fonctionne comme une personne morale au regard du droit public.

650.Les autres références à la religion dominante dans la Constitution sont les suivantes:

Invocation de la «Trinité sainte, consubstantielle et indivisible» dans le préambule;

Serment religieux prononcé par le Président de la République (art. 33, par. 2). Comme indiqué plus haut, l’obligation pour le Président de la République de protéger la religion dominante en vertu de l’article 43 de la Constitution de 1952 a été supprimée du texte du serment;

Serment religieux prononcé par les députés avant de prendre leurs fonctions (art. 59, par. 1). Les députés hétérodoxes ou appartenant à une autre religion prêtent le même serment selon la formule de leur propre dogme ou religion (art. 59, par. 2);

Caractère inaltérable du texte des Saintes écritures. La traduction officielle de ce texte en une autre forme de langage doit être approuvée par l’Église autocéphale de Grèce et par la Grande Église du Christ à Constantinople (art. 3, par. 3).

651.Il convient de souligner que le Rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme sur la liberté de religion ou de conviction a fait observer dans son rapport sur la Grèce que l’instauration d’une religion d’État n’était pas en elle-même contraire aux dispositions des instruments internationaux en vigueur, sauf si ce type de mesure justifiait ou engendrait une discrimination, sous quelque forme que ce soit, à l’égard des autres religions. La reconnaissance d’une religion «dominante» en Grèce ne saurait avoir de telles conséquences, comme il ressort clairement de l’analyse approfondie des questions spécifiques liées à la liberté de religion en Grèce.

Questions spécifiques

Le concept de «religion connue»

652.Le paragraphe 2 de l’article 13 de la Constitution dispose que toute religion connue est libre. Dès 1975, le Conseil d’État a établi que toute religion dont les croyances sont enseignées publiquement et dont le culte ne comporte aucun rite secret est considérée comme une religion «connue». Ce concept a pour objet d’établir une distinction entre les croyances religieuses auxquelles chaque personne peut avoir accès et les dogmes ou les sectes dont la pratique est secrète et pourrait s’avérer dangereuse. Selon la jurisprudence du Conseil d’État, la question n’est pas de savoir si tel ou tel dogme peut être considéré comme «hérétique» par rapport à la religion de l’Église orthodoxe orientale du Christ, étant donné que la Constitution garantit la liberté de religion. Le fait que les adeptes d’un dogme adhèrent ou non aux principes ecclésiastiques ou que les ministres de ce dogme soient ou non consacrés, au sens où l’entend l’Église orthodoxe orientale du Christ, n’entre pas non plus en ligne de compte. En outre, tout dogme répondant aux critères susmentionnés ne doit pas nécessairement obtenir l’approbation ou une autre forme de reconnaissance de l’État ou de l’Église orthodoxe. Toute religion est considérée comme «connue» dès lors qu’il n’est pas prouvé qu’elle est secrète ou qu’elle porte atteinte à l’ordre public ou aux bonnes mœurs.

653.Le Conseil d’État a établi que les religions suivantes étaient considérées comme «connues»: dogme protestant de l’Église évangélique libre, dogme de la Congrégation des frères chrétiens, dogme protestant des Adventistes du septième jour et Témoins de Jéhovah.

654.En reconnaissant toutes les religions connues, la Constitution consacre leur égalité avec la religion «dominante». Dès 1952, le Conseil d’État s’est fondé sur ce principe pour motiver plusieurs décisions reconnaissant le droit d’être exempté du service militaire non seulement aux moines de l’Église orthodoxe, mais aussi aux moines de toute autre religion connue.

655.En 1997, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la Grèce pour la détention arbitraire de ministres du culte des Témoins de Jéhovah. Plus précisément, les autorités militaires avaient refusé de reconnaître que les requérants étaient ministres du culte d’une religion connue et de les exempter à ce titre de leurs obligations militaires, conformément à la loi. Comme suite à cet arrêt de la Cour européenne, les autorités compétentes ont communiqué par voie de circulaire le texte des décisions pertinentes aux autorités militaires, afin que celles‑ci ne dérogent plus ainsi à la loi.

656.Il apparaît donc que les termes «religion connue» ont été dûment définis par les tribunaux compétents et qu’ils ont toujours été interprétés de façon large. Il convient de noter que toutes les religions auxquelles se réfère le Rapporteur spécial dans son rapport sont depuis longtemps considérées comme «connues» en Grèce. Il n’existe donc ni insécurité juridique ni quelque discordance que ce soit avec la Déclaration de 1981 sur l’élimination de toutes les formes d’intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction.

Criminalisation du prosélytisme

657.L’interdiction du prosélytisme est énoncée au paragraphe 2 de l’article 13 de la Constitution. Conformément à la législation en vigueur (par. 2 de l’article 4 de la loi obligatoire no 1363/1938, telle que modifiée conformément à l’article 2 de la loi obligatoire no 1672/1939), on entend par prosélytisme toute tentative directe ou indirecte d’influer sur les convictions religieuses d’une personne d’une confession différente dans le but d’ébranler sa foi par toutes sortes d’incitations ou de promesses, par un soutien moral ou une aide matérielle, ou par des moyens frauduleux, ou encore en profitant de l’inexpérience, de la confiance, de la dépendance, de l’ignorance ou de la naïveté d’autrui.

658.En d’autres termes, la loi interdit l’utilisation de moyens frauduleux ou le recours à des promesses d’un quelconque gain matériel dans le but de convertir autrui. Il est évident que cette interdiction du prosélytisme en vertu de la Constitution protège la liberté de conscience religieuse en général, et pas seulement la religion dominante. Elle ne limite en rien le droit de manifester ses convictions religieuses ou d’en changer. Le fait d’enseigner ou de professer sa foi, ou même de chercher à faire changer quelqu’un d’avis sur la question des convictions religieuses, ne constitue pas en soi un acte de prosélytisme. Selon la jurisprudence du Conseil d’État, on ne peut parler de prosélytisme que lorsqu’une personne s’efforce d’en convertir une autre par la contrainte, la tromperie ou tout autre acte illicite, et pas seulement par des enseignements spirituels. La publication, la distribution et l’envoi d’imprimés et le fait de donner des conférences ou de prononcer des discours en public sur des sujets propres à une religion ou à un dogme ne sont pas considérés comme des actes illicites.

659.Comme expliqué au paragraphe suivant, la Cour européenne des droits de l’homme a conclu à deux reprises que la mise en œuvre de la législation relative au prosélytisme était contraire aux dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme. La Commission nationale des droits de l’homme a proposé d’abroger les dispositions en vigueur concernant le prosélytisme, proposition qui a été approuvée par le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe dans son rapport en date du 17 juillet 2002.

660.Il convient de souligner que la Cour européenne des droits de l’homme a estimé que la loi no 1363/1938 érigeant le prosélytisme en crime était conforme à la Convention européenne des droits de l’homme. La condamnation dont la Grèce a fait l’objet portait uniquement sur le fait que les tribunaux compétents n’avaient pas suffisamment motivé leurs décisions au regard de la loi susmentionnée. Dans les affaires Kokkinakis et Larissis, la Cour européenne a conclu que ladite loi satisfaisait aux principes de certitude et de prévisibilité et que son application pouvait être conforme aux dispositions de la Convention européenne. L’affaire Larissis en est en partie l’exemple (la Cour a conclu que la sanction imposée aux officiers reconnus coupables de tentatives de prosélytisme était conforme aux dispositions de la Convention, dans la mesure où ces actes étaient le fait de militaires et non de civils). Après l’arrêt rendu dans l’affaire Kokkinakis, le Comité des ministres du Conseil de l’Europe a adopté la résolution DH (97) 576, où il était dit que, suite à la diffusion de cet arrêt par voie de circulaire, les magistrats du parquet et les chambres d’accusation des tribunaux avaient adapté leur interprétation de la législation grecque aux prescriptions énoncées par la Cour dans son jugement, de sorte que les tribunaux n’avaient eu à connaître que d’un nombre très limité d’affaires de prosélytisme et qu’aucune condamnation n’avait été prononcée dans une affaire semblable à l’affaire Kokkinakis. Depuis 1994, seules deux condamnations avaient été prononcées, pour prosélytisme envers des mineurs.

661.Aucune affaire de prosélytisme n’est actuellement en cours d’instruction.

Droit de construire des temples et des lieux de culte et de les utiliser

662.Conformément à l’article premier de la loi obligatoire no 1363/1938, telle que modifiée en vertu de l’article premier de la loi obligatoire no 1672/1939, la construction ou l’utilisation d’un temple de toute confession doit être dûment autorisée par l’autorité ecclésiastique reconnue et par le Ministère de l’éducation et des affaires religieuses. L’article premier du décret royal du 20 mai/2 juin 1939 dispose qu’il incombe au Ministre de l’éducation et des affaires religieuses de vérifier s’il existe des «raisons essentielles» justifiant d’accorder l’autorisation de construire ou d’utiliser un lieu de culte d’une religion ou d’un dogme autre que celui de l’Église orthodoxe orientale du Christ.

663.Il convient néanmoins de noter que l’opinion formulée par l’autorité ecclésiastique reconnue de l’Église orthodoxe ne revêt pas le caractère d’un acte administratif, mais a simplement valeur d’avis. Selon la jurisprudence du Conseil d’État, l’autorisation de l’autorité ecclésiastique exigée pour la construction et l’utilisation d’une église ou d’un lieu de culte sert uniquement à vérifier que les conditions requises sont réunies et n’est aucunement contraignante, ce qui signifie que le Ministre compétent n’est absolument pas lié par ladite autorisation.

664.Si l’autorisation est refusée, le pourvoi en cassation devant le Conseil d’État offre un recours utile, comme en témoigne l’arrêt rendu en 1995 dans l’affaire Kirche Jesu Christi der Heiligen der Letzten Tage. Le Conseil d’État a également annulé une décision du Ministère de l’éducation, qui avait rejeté une demande de permis d’ouvrir un lieu de culte des Témoins de Jéhovah à Athènes. Le Conseil d’État a jugé que les raisons avancées pour motiver ce refus n’étaient pas valables car elles reposaient sur des allégations de prosélytisme qui n’étaient pas étayées par des faits, comme le recours à la contrainte, à la tromperie ou à tout autre moyen illicite à des fins d’initiation. Dans une autre affaire, le Conseil d’État a conclu que la décision des autorités administratives de rejeter une demande en raison d’actes de prosélytisme n’était pas dûment motivée, les requérants ayant démontré qu’ils n’avaient fait l’objet d’aucune poursuite ni aucune condamnation pour prosélytisme.

665.Il est arrivé par le passé que l’application de la loi en question et la jurisprudence dans ce domaine posent problème. Ceci a amené la Cour européenne des droits de l’homme à conclure à une violation par la Grèce de l’article 9 de la Convention européenne. Dans l’affaire Manoussakis c. Grèce, la Cour européenne des droits de l’homme a établi, au vu des circonstances de l’espèce, que la condamnation des adeptes d’un certain dogme au motif qu’ils avaient utilisé un lieu de culte sans avoir obtenu auparavant les autorisations exigées par la loi était contraire à la liberté de religion. La Cour a en outre estimé que, dans l’affaire à l’examen, l’État avait utilisé le cadre juridique existant de telle manière qu’il avait assujetti à des conditions strictes, voire prohibitives, l’exercice des pratiques religieuses de certains mouvements non orthodoxes. La Cour a toutefois admis que le système d’autorisation n’était pas contraire, en soi, à la liberté de religion, dans la mesure où il avait pour but de permettre au Ministre de vérifier si les conditions formelles prévues dans la législation pertinente étaient remplies.

666.Dans l’affaire semblable Pentidis c. Grèce, les autorités compétentes ont délivré le permis demandé, et la Cour européenne n’a donc pas procédé à l’examen de l’affaire sur le fond. Le règlement à l’amiable de cette affaire, après la constatation par la Cour d’une violation dans l’affaire Manoussakis, illustre la volonté d’aligner les pratiques de l’administration sur les dispositions de la Convention.

667.En 2002, le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a recommandé aux autorités grecques d’amender la législation en vigueur en ce qui concerne l’autorisation de créer des lieux de culte. En 2001, la Commission nationale des droits de l’homme a proposé d’abolir les dispositions législatives correspondantes. De l’avis de la Commission, seul le principe de l’octroi d’un permis par les autorités locales chargées de l’aménagement urbain devait être maintenu et appliqué à la lumière du principe de non‑discrimination dans l’exercice du droit à la liberté de religion.

668.En 2001, la Grande Chambre de l’Areios Pagos a estimé que le système d’autorisation préalable était compatible avec la Constitution et la Convention européenne des droits de l’homme du moment que certaines conditions étaient remplies. Plus précisément, le contrôle exercé par le Ministère de l’éducation et des affaires religieuses devait se limiter à un examen des conditions énoncées au paragraphe 2 de l’article 13 de la Constitution et au paragraphe 2 de l’article 9 de la Convention européenne (religion connue, absence d’atteinte à l’ordre public ou aux bonnes mœurs, abstention de toute forme interdite de prosélytisme), ainsi que des conditions de forme exigées pour l’octroi du permis. Ce permis est avant tout une formalité pratique et ne peut pas être refusé sauf dans les cas exceptionnels susmentionnés. Dans le même temps, le pouvoir discrétionnaire dont dispose l’administration pour déterminer si la construction ou l’utilisation d’une église ou d’un lieu de culte répondent aux besoins réels des personnes présentant la demande et éventuellement pour refuser de délivrer une autorisation va à l’encontre des dispositions de la Constitution et de la Convention européenne. Il convient de noter que l’Areios Pagos s’est efforcée d’interpréter la législation en vigueur de manière à la rendre conforme à la Constitution et aux instruments internationaux pour la protection des droits de l’homme.

669.Entre 1997 et 1999, 64 demandes d’ouverture de lieux de culte ont été approuvées. En 1999, 19 autorisations ont été délivrées. En 2002, toutes les demandes ont été approuvées, à l’exception d’une demande présentée par le mouvement religieux «Dodecatheon».

670.L’article 7 de la loi no 2833/2000 prévoit la construction d’un centre culturel islamique comprenant également une mosquée sur un terrain cédé par le Ministère de l’agriculture à la municipalité de Paiania, située dans la zone métropolitaine d’Athènes.

671.En conclusion, la législation grecque, telle qu’interprétée par les tribunaux compétents, et la pratique nationale n’entravent pas l’exercice du droit à la liberté de religion par les communautés non orthodoxes.

Éducation et instruction religieuses

672.En ce qui concerne la liberté d’instruction et d’éducation religieuses en général, le paragraphe 2 de l’article 16 de la Constitution dispose que l’un des buts de l’éducation est le développement d’une conscience religieuse. Cette disposition doit être interprétée à la lumière de l’article 13 de la Constitution, de l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme et de l’article 2 du premier Protocole à ladite Convention.

673.Compte tenu de la jurisprudence du Conseil d’État et du fait largement connu que l’immense majorité de la population grecque appartient à la religion de l’Église orthodoxe orientale du Christ, les articles susmentionnés mènent à la conclusion que l’un des buts de l’enseignement dispensé dans les écoles est le développement de la conscience religieuse des jeunes Grecs selon les préceptes de l’Église orthodoxe. On considère en effet que leurs parents souhaitent qu’ils reçoivent une éducation de ce type, à moins qu’il n’en soit spécifié autrement, sans compter que les parents ont le droit de veiller à ce que l’éducation religieuse et morale de leurs enfants soit conforme à leurs propres convictions. Les élèves sont tenus de participer aux festivités religieuses organisées par leur école et d’assister aux cours d’instruction religieuse, qui suivent les préceptes de l’Église orthodoxe.

674.Le Conseil d’État a néanmoins reconnu le droit d’être dispensé des cours d’instruction religieuse. Il s’est prononcé en ces termes: «Il est toutefois évident qu’un ou plusieurs élèves ou leurs parents, exerçant les droits que leur confèrent l’article 13 de la Constitution et les dispositions susmentionnées de la Convention de Rome [Convention européenne des droits de l’homme], peuvent faire savoir au chef de l’établissement qu’ils ne souhaitent pas prendre part aux cours d’instruction religieuse ni à aucune des festivités religieuses inscrites au programme de l’école pour des raisons de conscience religieuse, c’est-à-dire parce que leurs convictions religieuses sont différentes ou parce qu’ils sont athées. Dans ce cas, le chef de l’établissement est officiellement tenu, en vertu des dispositions susmentionnées, de prendre toutes les mesures voulues, telles que prévues par la loi, pour que les élèves concernés soient dispensés de ces activités. Cette dispense ne peut en aucun cas entraîner de sanctions scolaires, comme la comptabilisation de jours d’absence supplémentaires, une appréciation différente du comportement de l’élève ou toute autre mesure disciplinaire. Même lorsque l’élève ou ses parents n’invoquent pas des raisons de conscience religieuse pour motiver leur refus, le chef de l’établissement est tenu, en vertu desdites dispositions, de déterminer si ce refus peut être fondé sur des raisons de cet ordre, de façon à agir conformément à la loi.».

675.Dans une affaire récente concernant la participation aux cours d’instruction religieuse, le Conseil d’État a conclu qu’il allait de soi que les élèves athées ou professant un autre dogme ou une religion différente devaient être dispensés de l’obligation d’assister à ces cours sans encourir de conséquences négatives, à condition qu’eux-mêmes ou leurs parents fassent une déclaration crédible à cet effet. Cette procédure n’est aucunement contraire aux dispositions de l’article 13 de la Constitution puisqu’elle vise à permettre aux élèves et à leurs parents d’exercer librement leur droit à la liberté de conscience religieuse. Il va de soi qu’une telle dispense ne doit pas exposer les élèves concernés à un traitement défavorable.

676.Il convient en outre de noter que, dans la même affaire, le Conseil d’État a estimé que la décision de limiter à une heure la durée hebdomadaire des cours d’instruction religieuse était excessive et contraire aux principes constitutionnels.

677.Dès 1987, le Conseil d’État a jugé que l’expulsion d’un étudiant de la faculté de théologie au motif qu’il n’appartenait pas à l’Église orthodoxe était anticonstitutionnelle. Les matières enseignées dans cette faculté peuvent constituer un sujet de recherche pour des personnes qui n’appartiennent pas à l’Église orthodoxe, bien qu’elles se rapportent essentiellement au dogme de cette église. Le Conseil d’État a rappelé que la Constitution établissait le principe de l’égalité entre les diverses confessions, c’est-à-dire le droit de chacun d’exercer tous les droits reconnus par l’ordre juridique interne, quelles que soient ses convictions. En d’autres termes, chacun doit pouvoir exercer non seulement ses droits civils et ses libertés fondamentales mais aussi ses droits sociaux, parmi lesquels le droit à l’éducation, conformément au principe d’égalité.

Reconnaissance des droits des objecteurs de conscience

678.En 1997, la Grèce a adopté des dispositions législatives prévoyant la possibilité d’un service de remplacement, non combattant ou civil (art. 18 à 24 de la loi no 2510/1997, entrée en vigueur le 1er janvier 1998).

679.En vertu de cette loi, toute personne invoquant ses convictions religieuses ou idéologiques pour ne pas avoir à s’acquitter de ses obligations militaires pour des motifs de conscience peut être reconnue comme un objecteur de conscience, conformément aux dispositions ci‑après.

680.Les motifs de conscience sont envisagés comme découlant d’une approche générale de la vie fondée sur des convictions religieuses, philosophiques ou morales auxquelles souscrit l’individu et qui se traduisent par des schémas de comportement donnés. Les objecteurs de conscience sont invités à effectuer soit un service militaire non armé, soit un service civil de remplacement dans le secteur social.

681.Il n’est pas possible d’obtenir le statut d’objecteur de conscience dans les cas suivants: a) l’intéressé a effectué un service armé dans les forces armées ou les forces de sécurité grecques ou étrangères; b) l’intéressé a demandé ou obtenu un permis de port d’arme ou participe à des activités supposant l’utilisation d’armes; c) l’intéressé a été inculpé ou condamné pour un crime lié à l’utilisation d’armes ou de munitions ou à des actes de violence illicites.

682.Ceux qui obtiennent le statut d’objecteurs de conscience doivent seulement effectuer un service non armé ou un service civil d’une durée égale à celle du service qu’ils auraient effectué s’ils avaient servi dans les forces armées, prolongée de 12 mois pour ceux qui choisissent une forme de service non armé et de 18 mois pour ceux qui choisissent un service civil. En 2001, un amendement a été apporté à la loi no 2936/2001, en vertu duquel la durée du service «non armé» et du «service civil de remplacement» a été réduite pour les objecteurs de conscience susceptibles d’effectuer un service court. Compte tenu de la politique tendant à réduire progressivement la durée du service armé, dont la mise en œuvre s’est achevée en 2003, et conformément au principe de l’égalité proportionnelle qui justifie la durée plus longue du service de remplacement étant donné que celui‑ci s’exécute dans des conditions plus favorables, le Ministère de la défense a soutenu un projet de loi prévoyant la réduction de la durée du service de remplacement.

683.L’application des dispositions pertinentes de la loi relative aux objecteurs de conscience est subordonnée à la décision du Ministère de la défense, qui se prononce en fonction de l’avis consultatif prononcé par un comité spécial chargé de déterminer si une personne remplit les conditions voulues pour être reconnue comme objecteur de conscience, soit sur dossier, soit sur la base d’un entretien personnel, si nécessaire. Ce comité se compose essentiellement de personnel non militaire. Il comprend 2 professeurs d’université, 1 membre du Conseil juridique de l’État et 2 officiers de rang supérieur appartenant, respectivement, à la section recrutement et à la section hygiène et inspection sanitaire des forces armées nationales. Il est possible d’exercer un recours devant le Conseil d’État pour demander l’annulation de la décision du Comité.

684.Le refus d’effectuer un service non armé a les mêmes conséquences que le refus d’effectuer un service armé. Tous ceux qui refusent d’effectuer un service civil de remplacement sont déclarés «insubordonnés», conformément aux dispositions pertinentes en matière de recrutement.

685.Le service civil de remplacement s’effectue dans les organismes du secteur public chargés de gérer les services sociaux. Ceux qui effectuent ce type de service:

a)N’ont pas le statut de militaire et ne relèvent donc pas de la compétence des tribunaux militaires;

b)Sont considérés seulement comme «quasi enrôlés» dans les forces armées;

c)Ne sont pas titulaires du poste qu’ils occupent dans l’organisme public au sein duquel ils effectuent leur service, mais sont traités comme les employés de cet organisme pour ce qui est des prestations maladie et autres allocations versées par l’administration;

d)Sont nourris et logés par l’organisme dont ils dépendent ou bien, si ce dernier n’est pas en mesure d’assurer ces prestations, reçoivent un salaire d’un montant égal à celui versé aux soldats pour leurs dépenses d’alimentation, de logement, d’habillement et de transport;

e)Ont droit à deux jours de congé par mois de service.

686.Les droits susmentionnés sont suspendus dans les cas suivants: a) si la personne concernée cesse de remplir les conditions énoncées à l’article 18 en ce qui concerne la reconnaissance du droit au service civil de remplacement; b) si la personne concernée est déclarée insubordonnée; c) en cas de faute disciplinaire ou d’infraction pouvant entraîner l’interruption ou la résiliation du contrat d’embauche de tout employé du service public concerné; d) en cas d’activité syndicale ou de participation à une grève pendant le service civil de remplacement; e) si la personne concernée est sanctionnée pour avoir enfreint les dispositions relatives à l’octroi de congés, qui s’appliquent à tous les employés du secteur.

687.En vertu du paragraphe 2 de l’article 24 de la loi, la mise en œuvre des dispositions concernant le service de remplacement peut être suspendue en temps de conflit armé sur décision du Ministre de la défense. Dans ce cas, les objecteurs effectuant un service civil sont tenus d’effectuer un service militaire non armé.

688.Jusqu’à juin 2003, 771 demandes avaient été présentées par des objecteurs de conscience, dont 758 (soit 98 %) ont été satisfaites. Les personnes concernées sont protégées contre les actes ou omissions de l’administration dans la mesure où elles ont le droit de contester aussi bien la décision de rejeter leur demande de statut d’objecteur de conscience (ce qui relève de la compétence des tribunaux administratifs) que la décision du directeur du Service de la conscription de les déchoir du statut d’objecteur de conscience (ce qui relève de la compétence de la Direction de la conscription de l’État major général de la défense nationale). Tous les intéressés peuvent engager directement la procédure permettant d’obtenir le statut d’objecteur de conscience en présentant une demande au Bureau du personnel militaire dont ils relèvent. La constitution du dossier rassemblant les pièces nécessaires pour étayer la demande peut être effectuée dans un délai raisonnable, sans formalités excessives.

689.Il convient de noter que le Comité européen des droits sociaux s’est penché sur la question de la durée du service de remplacement dans le cadre de l’examen d’une plainte déposée contre la Grèce en vertu du Protocole additionnel de 1995 à la Charte sociale européenne prévoyant un système de réclamations collectives. Le Comité a estimé que la durée du service civil effectué par les objecteurs de conscience en Grèce, qui excédait de 18 mois celle du service militaire normal et au cours de laquelle les personnes concernées étaient privées de leur droit à être rémunérées pour un travail librement choisi, était excessive. Il a donc estimé que cette durée excessive constituait une restriction disproportionnée du «[droit] de gagner sa vie par un travail librement entrepris». Le 6 mars 2002, le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a adopté la résolution ResChs (2002)3, dans laquelle il notait que le Gouvernement grec avait pris un certain nombre de mesures, parmi lesquelles l’abaissement de la durée du service militaire, et s’était engagé à mettre la situation en conformité avec la Charte dans les meilleurs délais.

690.Le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a recommandé de modifier la législation relative au service civil de remplacement afin notamment de réduire la durée de ce dernier. La Commission nationale des droits de l’homme a également formulé des propositions sur la question du service de remplacement, tendant notamment à ramener celui‑ci à une durée plus raisonnable.

691.En vertu d’un règlement en date du 23 octobre 2001, les objecteurs de conscience peuvent, dans certains cas particuliers, être transférés dans un autre organisme pour y accomplir leur service civil, pour des raisons familiales, économiques ou sociales.

692.La Cour européenne des droits de l’homme a estimé que le refus du Conseil exécutif de l’Institut grec des experts‑comptables de nommer un Témoin de Jéhovah condamné pour insubordination par une cour martiale parce qu’il avait refusé d’intégrer l’armée pour des motifs de conscience religieuse était contraire aux dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme. Cette décision met en évidence le problème des conséquences indirectes de la condamnation d’un objecteur de conscience avant l’entrée en vigueur de la loi no 2510/1997. Pour corriger cette situation et pour se conformer à l’arrêt de la Cour européenne, le Parlement grec a adopté l’article 27 de la loi no 2915/2001, qui dispose que toutes les peines imposées à des objecteurs de conscience pour l’infraction militaire d’insubordination commise avant l’entrée en vigueur de la loi no 2510/1997 sont effacées de leur casier judiciaire à condition que les intéressés aient exécuté leur peine ou bénéficié d’une libération conditionnelle.

Mention de la religion sur les cartes d’identité

693.Jusqu’à une date récente, la législation grecque disposait que l’appartenance religieuse d’une personne devait obligatoirement être indiquée sur sa carte d’identité. La question a été soulevée par certaines résolutions du Parlement européen, ainsi que par le Rapporteur spécial de l’ONU sur la liberté de religion ou de conviction. Le 13 juillet 2000, la Commission nationale des droits de l’homme a adopté une résolution spécifiant que la mention de la religion sur les cartes d’identité des citoyens grecs contrevenait à l’article 5, paragraphes 1 et 2, et à l’article 13 de la Constitution, ainsi qu’aux dispositions des instruments européens et internationaux relatifs aux droits de l’homme (en particulier les articles 18, 26 et 27 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et les articles 9 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme) et du droit communautaire européen.

694.Le 15 avril 2000, l’Office de la protection des données personnelles a établi que l’inscription de certains renseignements personnels, comme l’appartenance religieuse, sur les cartes d’identité était incompatible avec la loi no 2472/1997 sur la protection des individus en matière de traitement des données personnelles. L’Office a souligné que ce type de renseignement, qui portait sur une question de libre choix, n’était pas indispensable pour établir l’identité de la personne. Il a en outre estimé que le consentement individuel ne légitimait pas nécessairement le traitement de ces renseignements, dans la mesure où il ne pouvait pas avoir pour effet d’autoriser un traitement qui était en lui‑même illégitime ou contraire à l’objectif poursuivi ou au principe de nécessité.

695.En conséquence, le Ministre des finances et le Ministre de l’ordre public ont pris une décision commune, précisant notamment quels renseignements devaient figurer sur les cartes d’identité des citoyens grecs. L’appartenance religieuse ne comptait pas parmi ces renseignements, conformément à la décision susmentionnée de l’Office de la protection des données personnelles.

696.Les demandes d’annulation de cette décision ministérielle ont été rejetées par le Conseil d’État, qui a estimé que la mention de la religion sur les cartes d’identité, qu’elle soit facultative ou obligatoire, constituait une violation de l’article 13 de la Constitution. Une requête déposée également à cet effet devant la Cour européenne des droits de l’homme a été déclarée irrecevable car manifestement infondée.

Serment religieux

697.Le paragraphe 5 de l’article 13 de la Constitution dispose qu’aucun serment n’est imposé qu’en vertu d’une loi qui en détermine aussi la formule. En vertu de cette disposition, l’État a le droit d’exiger une déclaration sous serment de ses citoyens. Il incombe au législateur de déterminer quand un serment peut être imposé et selon quelle modalité.

698.En 1998, le Conseil d’État a estimé que la liberté de conscience impliquait le droit de refuser de prêter serment. La Cour administrative suprême a déclaré que, si une personne tenue de prêter un serment religieux en vertu d’une disposition spécifique déclarait à l’autorité compétente qu’elle ne pouvait pas accomplir cet acte pour des raisons de conscience, elle pouvait faire une promesse solennelle engageant son honneur ou sa conscience, même si cette possibilité n’était pas prévue par la loi en remplacement du serment religieux.

Reconnaissance de la personnalité juridique des communautés religieuses

699.En vertu du paragraphe 4 de l’article premier de la loi no 590/1977, l’Église grecque, ses métropoles, paroisses et monastères, ainsi que le Diaconat apostolique, la Caisse de prévoyance du clergé grec et l’Église interorthodoxe de Grèce sont des entités de droit public. Toutes les autres institutions ecclésiastiques sont des entités de droit privé. Le Conseil israélite central et les communautés israélites sont des entités de droit public. On trouvera plus loin des précisions concernant les institutions de l’Église catholique. En ce qui concerne les autres communautés religieuses, l’ordre juridique grec ne prévoit aucun mécanisme institutionnel spécifique leur attribuant une personnalité juridique. Pour acquérir une personnalité juridique, les intéressés doivent s’adresser aux tribunaux compétents, en choisissant le type de personnalité juridique qu’ils souhaitent obtenir et qu’ils jugent conforme à leurs objectifs et à leurs convictions, conformément aux dispositions du Code civil. Ils peuvent également choisir de faire fonctionner leur communauté religieuse comme une association de personnes.

700.Pour ce qui est de la personnalité juridique de l’Église catholique en Grèce, il convient de souligner les points suivants. En 1999, le Parlement grec a adopté une loi réaffirmant la personnalité juridique des institutions de l’Église catholique. Plus précisément, l’article 33 de la loi no 2731/1999 dispose que toutes les institutions de l’Église catholique fondées ou opérant en Grèce avant le 23 janvier 1946 comptent parmi les personnes morales légalement constituées au moment de l’adoption du Code civil et maintenues en tant que telles par l’article 13 de la loi d’introduction au Code civil. Ce dernier dispose que les personnes morales qui étaient légalement constituées au moment de l’adoption du Code civil continuent d’exister. Leur capacité juridique, leur gestion et leur fonctionnement sont régis par les dispositions pertinentes du Code. Le Code civil et la loi d’introduction sont tous deux entrés en vigueur le 23 février 1946.

701.Cette législation a été adoptée pour garantir l’application de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire concernant l’Église catholique de La Canée. La Cour suprême civile et pénale avait auparavant estimé que les institutions de l’Église catholique en Grèce ne remplissaient pas les conditions requises pour l’octroi de la personnalité juridique, qu’elles n’avaient donc pas acquise, et que, de ce fait, elles ne pouvaient pas intenter d’action en justice. La Cour européenne des droits de l’homme a conclu qu’il y avait violation non pas de l’article 9 de la Convention européenne, mais de l’article 6 (droit d’accéder aux tribunaux).

702.Le problème de l’accès aux tribunaux et celui, plus large, de la personnalité juridique des institutions de l’Église catholique au regard du Code civil en Grèce a ainsi été tranché par les législateurs nationaux sur la base d’une interprétation authentique de la loi d’introduction.

Sanction du blasphème

703.L’article 198 du Code pénal réprime le blasphème envers Dieu et la divinité en général, tandis que l’article 199 réprime les insultes prononcées en public et de mauvaise foi contre l’Église orthodoxe orientale du Christ ainsi que les autres religions connues. Enfin, l’article 200 du Code pénal prévoit des sanctions à l’encontre de toute personne perturbant un rassemblement religieux.

704.Il convient de noter que l’article 14, paragraphe 3, de la Constitution prévoit la possibilité, à titre exceptionnel, de saisir des journaux ou autres publications sur ordre du Procureur général, notamment pour cause d’offense à la religion chrétienne ou à toute autre religion connue.

705.La question s’est récemment posée de savoir si des mesures provisoires pouvaient être prises pour interdire la diffusion d’un ouvrage qui aurait contenu des passages «indécents» insultant Jésus‑Christ. Dans sa décision du 22 juin 2000, le tribunal de première instance d’Athènes a rejeté les demandes tendant à ordonner des mesures provisoires, en soulignant notamment que l’article 16, paragraphe 1, de la Constitution garantissait la liberté artistique et que la promotion et le développement des arts constituaient une obligation pour l’État. Selon cette décision, l’ouvrage en question constituait une œuvre d’art et ne pouvait donc pas entrer dans la catégorie des «écrits indécents» ni, par conséquent, faire l’objet d’une saisie.

Liberté de religion des membres de la minorité musulmane de Thrace

706.Voir plus loin la section du rapport relative à l’article 27 du Pacte.

Crémation des défunts

707.Dans un rapport en date du 7 décembre 2000, la Commission nationale des droits de l’homme, renvoyant aux articles 18, 26 et 27 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, a proposé de modifier le cadre législatif actuel afin de garantir la protection du droit de tout individu de choisir, sans aucune forme de discrimination, d’être incinéré ou enterré à sa mort.

ARTICLE 19: LIBERTÉ D’EXPRESSION

708.Les lois et pratiques grecques dans le domaine de la liberté d’expression seront considérées dans deux sections distinctes. La première, plus générale, sera consacrée au cadre constitutionnel protégeant les différents aspects de la liberté d’expression, aux bénéficiaires du droit à la liberté d’expression et aux restrictions générales dont ce droit est l’objet. La seconde s’attachera plus spécialement à présenter les questions et problèmes essentiels qui peuvent être portés à l’attention du Comité dans le domaine de la liberté d’expression telle que cette dernière est garantie dans l’ordre juridique grec.

Généralités

Contenu et formes de la liberté d’expression

709.La liberté d’expression est consacrée à l’article 14 de la Constitution, dont le paragraphe 1 prévoit que «chacun peut exprimer et diffuser ses pensées oralement, par écrit et par la voie de la presse, en observant les lois de l’État». Ce paragraphe établit à la fois un aspect positif et un aspect négatif de la liberté d’expression: l’aspect positif comprend le droit de recevoir, de formuler, d’exprimer et de diffuser des opinions sans être soumis à aucune forme de restriction ou de harcèlement ni être exposé à aucune autre conséquence juridique négative; l’aspect négatif est qu’il est évident, d’après le libellé du paragraphe 1, que nul n’est jamais tenu d’exprimer une opinion.

710.Une manifestation particulière et fondamentale de la liberté d’expression est la liberté de la presse et des médias électroniques. Vu son importance, cet aspect sera abordé dans la seconde partie.

Bénéficiaires du droit à la liberté d’expression

711.Ainsi qu’il ressort clairement du libellé du paragraphe 1 de l’article 14, toutes les personnes physiques, sans distinction de nationalité, bénéficient, sur un pied d’égalité, du droit à la liberté d’expression. Le même droit est par ailleurs accordé aux personnes morales de droit privé ainsi qu’aux associations de personnes sans personnalité juridique.

712.L’exercice de ce droit peut toutefois être soumis à des restrictions supplémentaires s’agissant de certaines catégories particulières de personnes, par exemple agents publics, militaires, fonctionnaires de police, etc. La question sera abordée plus loin, dans la seconde partie.

Restrictions à la liberté d’expression

713.La liberté d’expression va de pair avec l’obligation de se conformer aux lois de l’État. Selon la Cour suprême (Areios Pagos), cette obligation s’étend aux lois dont l’objet est de protéger l’individu ou la société contre un exercice abusif du droit à la liberté d’expression ou à la diffusion d’informations. Pourtant, toute restriction d’ordre général à la liberté d’expression est en principe inconstitutionnelle, même si elle ne vise pas les seules convictions politiques. La Cour suprême a jugé inconstitutionnel l’article 36 de la loi no 75/1975 parce que celui‑ci privait les athlètes, les entraîneurs sportifs et les membres du conseil d’administration d’un club sportif du droit d’exprimer une opinion concernant les arbitres, pour le motif que cette disposition n’imposait pas simplement une restriction de la liberté d’expression, mais privait littéralement de cette liberté les intéressés.

714.Le droit grec comporte plusieurs dispositions pénales constituant des restrictions admissibles de la liberté d’expression. Ainsi, les articles 361 à 369 du Code pénal prévoient les sanctions encourues en cas d’atteintes à l’honneur d’autrui (insulte, diffamation, injure). Cette restriction va de soi, puisque l’article 5, paragraphe 2, de la Constitution prévoit la protection absolue de l’honneur de tous ceux qui se trouvent sur le territoire grec. À l’évidence, il y a un équilibre à trouver entre cette protection absolue et le droit d’exercer son esprit critique (art. 367 du Code pénal), auquel il sera spécialement fait référence dans la seconde partie, à propos de la liberté de la presse.

715.Les autres articles du Code pénal prévoyant des restrictions admissibles de la liberté d’expression sont les suivants:

Article 146:Violation de données confidentielles de l’État;

Article 155:Insulte à l’emblème d’un autre État;

Article 168 2):Insulte à la dignité du Président de la République;

Articles 183 à 185:Menace à l’ordre public;

Article 186:Incitation à un acte délictueux;

Articles 198 et 199:Menace contre la paix religieuse;

Article 365:Insulte à la mémoire d’un défunt;

Article 371:Violation du secret professionnel.

Questions spécifiques

Catégories particulières de bénéficiaires

716.L’article 14 de la Constitution s’applique à l’ensemble des agents de la fonction publique. Pour autant, la liberté d’expression est, dans leur cas précis, soumise à des restrictions spéciales, en sus des restrictions générales que la loi prévoit pour tous les citoyens. Ces restrictions spéciales doivent toutefois rester compatibles avec la nature du service public et les obligations qui en découlent, et être donc pleinement justifiées à ce titre. En aucun cas ces restrictions spéciales visant les fonctionnaires ne sauraient remettre en cause la liberté d’expression en soi. Le Conseil d’État a estimé que subordonner l’exercice de cette liberté à la délivrance d’une autorisation administrative constituait une restriction inconstitutionnelle de la liberté d’expression, même dans le cas des fonctionnaires. Les fonctionnaires ne sont autorisés ni à profiter de leur position pour diffuser leurs propres idées ou convictions, ni à se laisser influencer dans l’exercice de leurs fonctions par leurs propres convictions politiques ou par celles des citoyens qu’ils servent. Si les fonctionnaires ne sont soumis à des restrictions particulières de leur liberté d’expression que dans l’exercice de leurs fonctions, ils doivent en toute occasion se conduire d’une manière respectueuse envers l’État, en gardant à l’esprit leur position dans la structure administrative.

717.L’article 29, paragraphe 3, de la Constitution fixe des limites à la liberté d’expression de certaines catégories de personnes dans le cadre des activités des partis politiques. En vertu de cette disposition, telle qu’elle a été modifiée en 2001, il est absolument interdit aux magistrats, aux militaires en général, aux agents des corps de sécurité ainsi qu’aux fonctionnaires publics de manifester, de quelque manière que ce soit, pour ou contre un parti politique. De même, toute activité militante, pour ou contre un parti, est interdite, dans l’exercice de leurs fonctions, aux fonctionnaires publics et aux agents des personnes morales de droit public et des collectivités territoriales ainsi qu’aux agents des entreprises dont l’État est actionnaire ou dont il nomme les dirigeants par voie administrative.

718.Le Conseil d’État a estimé que les dispositions de l’article 6 du décret présidentiel no 538/1989, qui interdit aux fonctionnaires de police d’exprimer publiquement une opinion, dans la presse ou autre média, sans en avoir obtenu l’autorisation de leur hiérarchie, étaient contraires à la Constitution et à la Convention européenne des droits de l’homme. Le Conseil d’État a aussi jugé inconstitutionnelle une disposition générale interdisant aux policiers stagiaires de détenir ou de lire, dans les locaux de l’École de police, des ouvrages sans rapport direct avec leur formation.

719.Les membres du corps judiciaire n’encourent pas de sanction disciplinaire s’ils expriment publiquement une opinion, sauf si ladite opinion vise à porter atteinte au prestige de la justice ou si elle plaide pour ou contre un parti ou tout autre type d’organisation politique, au sens de l’article 91, paragraphe 5, de la loi no 1756/1988, telle qu’elle a été modifiée par l’article 14, paragraphe 3, de la loi no 1868/1989. La Grande Chambre de l’Areios Pagos a réitéré la même opinion lorsqu’elle a interprété ladite disposition à la lumière du paragraphe 1 de l’article 14 et du paragraphe 3 de l’article 29 de la Constitution, ainsi que du paragraphe 2 de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.

720.La liberté d’expression des membres des syndicats revêt une grande importance. Le tribunal administratif de première instance d’Athènes a estimé que le fait pour un membre d’un syndicat de police d’exprimer son opinion et d’exercer son esprit critique concernant la question des salaires et des promotions et le point de vue de la hiérarchie policière en la matière relevaient de la liberté d’expression garantie au paragraphe 1 de l’article 14 de la Constitution, dans la mesure où aucune information confidentielle officielle n’était révélée, où la politesse était respectée et où la bonne foi était évidente.

Liberté de la presse

Définition de la liberté de la presse

721.L’article 14, paragraphe 2, de la Constitution dispose que: «La presse est libre. La censure et toute autre mesure préventive sont interdites.». Le paragraphe 3 du même article interdit en outre la saisie de journaux et autres publications, avant ou après leur mise en circulation. La liberté de la presse est acquise à tous les stades du processus de publication, depuis la rédaction jusqu’à la diffusion au public. Pour être plus précis, toute personne physique ou morale est en droit de publier des journaux ou un quelconque autre type de support écrit, sans distinction de nationalité, d’âge ou autre.

722.La collecte d’informations, la rédaction du contenu et le choix du format, du nombre de pages, du nombre d’exemplaires et d’une manière générale de la forme de la publication sont libres. Dans le même ordre d’idées, le Conseil d’État a estimé que le prix des journaux ne pouvait pas être réglementé, parce qu’il constituait un aspect de la liberté de la presse et relevait, à ce titre, du paragraphe 2 de l’article 14 de la Constitution. Les entreprises de presse sont libres dans le choix de leur personnel, qui n’est pas nécessairement constitué que de journalistes de formation. En vertu du paragraphe 8 de l’article 14 de la Constitution, la loi fixe les conditions de l’exercice de la profession de journaliste. Cette disposition n’empêche pas toutefois les personnes qui ne remplissent pas les critères en question de publier des articles ou d’autres types d’information dans la presse. Une telle interprétation serait en effet directement contraire aux paragraphes 1 et 2 de l’article 14. Selon la jurisprudence de la Cour suprême, le législateur n’est pas tenu de promulguer la loi mentionnée au paragraphe 8 de l’article 14.

723.Les journalistes sont tous libres non seulement vis‑à‑vis de l’autorité publique, mais aussi vis‑à‑vis de leur rédaction. Aucun journaliste ne peut être contraint d’exprimer une opinion contraire à ses convictions personnelles.

Dispositions spéciales de nature à sauvegarder la liberté de la presse

724.Les mesures préventives interdites en vertu du paragraphe 2 de l’article 14 de la Constitution peuvent inclure le versement obligatoire d’une caution, la confiscation avant mise en circulation, l’imposition de taxes déraisonnables sur le papier, etc. Selon la jurisprudence, la confiscation d’écrits ayant déjà fait l’objet d’une publication ou l’interdiction de leur mise en circulation sont interdites, même dans les cas où lesdits écrits contiendraient des informations erronées concernant autrui.

725.Exceptionnellement, la saisie d’écrits est autorisée si les conditions prévues aux paragraphes 3 et 4 de l’article 14 de la Constitution sont remplies. Le paragraphe 3 de l’article 14 dispose ceci: «La saisie de journaux et d’autres imprimés, soit avant soit après leur mise en circulation, est interdite. À titre exceptionnel, est permise la saisie après la mise en circulation et sur ordre du Procureur:

a)Pour cause d’offense à la religion chrétienne et à toute autre religion connue». Il est à noter que le tribunal de première instance d’Athènes a considéré, dans une affaire qui concernait un ouvrage portant prétendument atteinte à la religion chrétienne, qu’il n’y avait pas de preuve d’une intention de nuire de la part de l’auteur de l’ouvrage et donc pas d’offense à la personnalité des plaignants, qui étaient des chrétiens orthodoxes. Le tribunal a également relevé qu’il était interdit de confisquer un livre parce que ce dernier était considéré comme une œuvre d’art, même si son contenu était jugé inapproprié;

b)«Pour cause d’offense à la personne du Président de la République;

c)Pour cause d’une publication qui révèle des informations sur la composition, l’équipement et la disposition des forces armées ou sur la fortification du pays, ou qui vise au renversement du régime politique par la force ou qui est dirigée contre l’intégrité territoriale de l’État.». Il est toutefois à noter que la saisie n’est autorisée que lorsque l’information divulguée était confidentielle;

d)«Pour cause de publications indécentes qui portent manifestement outrage à la pudeur publique, dans les cas déterminés par la loi». Les œuvres d’art et les publications scientifiques ne peuvent en aucun cas être considérées comme «indécentes» car elles bénéficient de la protection prévue au paragraphe 1 de l’article 16 de la Constitution. Le caractère indécent d’une publication doit être déterminé sur la base de son contenu dans son ensemble.

726.Le paragraphe 4 de l’article 14 prévoit des recours juridiques effectifs en cas de saisie pour les motifs susmentionnés. Il dispose ainsi: «Dans tous les cas du paragraphe précédent, le procureur doit, dans les 24 heures qui suivent la saisie, soumettre l’affaire à la Chambre d’accusation, laquelle doit, dans les 24 heures suivantes, statuer sur le maintien ou la levée de la saisie, faute de quoi la saisie est levée de plein droit. Les recours juridictionnels en appel et en cassation sont ouverts à l’éditeur du journal ou de tout autre imprimé saisi, ainsi qu’au procureur.».

Restrictions spéciales de la liberté de la presse

727.La Constitution prévoit, aux paragraphes 5, 7 et 9 de l’article 14, un certain nombre de restrictions spéciales qui visent à assurer un juste équilibre entre l’exercice de la liberté de la presse et d’autres droits et intérêts protégés par la Constitution. Ces restrictions ont essentiellement trait au droit de réponse accordé aux personnes offensées par une publication inexacte, insultante ou diffamatoire (par. 5), ainsi qu’aux principes de transparence en matière de régime de propriété, situation financière et moyens de financement des médias d’information (par. 9). L’application de ces restrictions est aussi valable pour les médias électroniques, dont il sera spécialement question ci-dessous.

728.Par ailleurs, aux termes du paragraphe 7 de l’article 14, la responsabilité civile et pénale des organes de presse et autres médias de masse est régie par la loi. Les affaires y relatives font l’objet d’une procédure accélérée devant les tribunaux compétents, où elles sont jugées sans délai.

Médias électroniques et audiovisuel

729.L’article 14, paragraphe 1, de la Constitution garantissant la liberté d’expression vaut également pour tous les moyens de communication audiovisuels et son domaine d’application ne se limite pas à la presse écrite.

730.L’article 15, paragraphe 1, de la Constitution stipule que les dispositions relatives à la protection de la presse ne s’appliquent pas à la cinématographie, à la phonographie, à la radiophonie, à la télévision ni à tout autre moyen similaire de transmission de sons ou d’images. Aux termes du paragraphe 2 du même article, la radiophonie et la télévision sont placées sous le contrôle direct de l’État, que ce dernier exerce à travers une autorité administrative indépendante, le «Conseil national de l’audiovisuel» (CNA). La tâche primordiale de ce dernier est a) de veiller à ce que la diffusion des informations et des journaux d’actualité se fasse de façon objective et égale et d’assurer également la diffusion d’œuvres littéraires et artistiques, b) de maintenir le niveau de qualité des émissions, imposé par la mission sociale du média audiovisuel et par le développement culturel du pays et c) d’assurer le respect de la dignité de l’être humain et la protection de l’enfance et de la jeunesse.

731.Cela étant, ce «contrôle direct» n’implique pas un monopole de l’État sur les moyens audiovisuels. En fait, nombreux sont les médias électroniques privés opérant en Grèce. Selon le Conseil d’État, on doit entendre par «principe d’objectivité» le principe d’utilisation et de disponibilité de tous les médias audiovisuels de nature à assurer que toutes les opinions soient représentées à l’antenne, sans exception. Dans un certain nombre d’autres décisions, le Conseil d’État a considéré que les chaînes radiophoniques et télévisuelles devaient bénéficier d’un cadre de protection constitutionnelle similaire à celui de la presse. Par ailleurs, l’article 3, paragraphe 22, de la loi no2328/1995, combiné au paragraphe 4 de l’article 8 de la même loi, établit le pluralisme politique de l’audiovisuel, dans le sens où toutes les stations de radio et les chaînes de télévision sont tenues de faire une place aux opinions de tous les partis politiques représentés aussi bien au Parlement grec qu’au Parlement européen sur tous les sujets d’actualité, y compris dans leurs programmes d’information. La répartition du temps de parole entre partis politiques en période préélectorale est une question cruciale. Elle est régie par l’article 10, paragraphe 1, de la loi no 3023/2002, qui dispose que le temps d’antenne est réparti entre les partis sur la base du principe de proportionnalité et que ce temps d’antenne est gratuit.

Rôle du Conseil national de l’audiovisuel

732.Comme cela a été dit plus haut, le contrôle de l’État est exercé par le Conseil national de l’audiovisuel, autorité indépendante dont le statut est consacré dans la nouvelle Constitution et essentiellement régi par les lois nos 2173/1993, 2328/1995, 2644/1998, 2863/2000 et 3021/2002. Le CNA a ses propres dotations en budget et en personnel. Il n’est pas soumis au contrôle de l’État et n’est pas intégré à la structure hiérarchique de l’État (raison pour laquelle il est qualifié d’indépendant). Les membres qui le composent bénéficient d’une indépendance aussi bien fonctionnelle que personnelle et ils ne peuvent pas être destitués avant la fin de leur mandat. Le CNA rédige des codes d’éthique qu’il revient ensuite au Ministre de la presse de ratifier et qui sont publiés sous forme de décrets présidentiels au Journal officiel (art. 3, par. 15, de la loi no2328/1995). Il est également compétent pour examiner la couverture par les chaînes de télévision des campagnes électorales. Il est habilité à délivrer, renouveler ou retirer leur licence d’exploitation aux chaînes de télévision privées et aux stations de radio locales. C’est en outre l’autorité compétente pour mener une enquête administrative concernant une station de radio ou une chaîne de télévision et imposer les sanctions voulues en cas de violation de la loi.

733.La loi no 2863/2000 est venue renforcer l’indépendance du CNA en consacrant l’indépendance totale de cette autorité par rapport aux autres organes du pouvoir exécutif, sur le plan tant organisationnel (administratif) que financier. Les membres du CNA sont élus par la Conférence des présidents à la majorité des quatre cinquièmes (art. 2, par. 2).

734.L’article 4 de la loi susmentionnée définit les compétences du CNA, compte tenu du contrôle direct que l’État doit exercer, en application de la Constitution, sur la fourniture de services de radio et de télévision. Ledit contrôle ainsi que les compétences correspondantes du CNA s’exercent par le biais d’actes administratifs exécutoires adoptés au cas par cas.

735.Plus précisément, le paragraphe 1 dudit article codifie les compétences dévolues au CNA dans les deux lois de base relatives à la radiophonie et à la télévision (loi nos 2328/1995 et 2644/1998) ainsi que dans les décrets présidentiels nos 310/1996 et 100/2000, comme suit:

Délivrance, renouvellement et retrait des différentes sortes de licences et d’autorisations prévues dans la législation en vigueur en matière d’audiovisuel;

Contrôle du respect des conditions, règles et principes généraux prévus dans la législation en vigueur en matière d’audiovisuel, pour une gestion transparente et de qualité des opérateurs publics et privés;

Préservation de la diversité et du pluralisme politiques et culturels dans les médias;

Contrôle du respect des règles de la libre concurrence financière dans tout le secteur des médias et de la communication;

Imposition des sanctions et mesures administratives prévues à l’encontre des prestataires de services de radio et de télévision;

Examen des demandes de réparation en cas d’atteinte à l’honneur d’une personne ou à la dignité humaine.

736.Le CNA est seul à même d’exercer les compétences susmentionnées.

737.Aux termes des paragraphes 2 et 3 du même article, le CNA peut formuler directives, recommandations, conseils et questions dans tous les domaines susmentionnés. Il est aussi habilité à demander l’assistance d’autres instances administratives et judiciaires, ainsi que d’organismes sociaux ou professionnels.

738.Les décisions du CNA, à l’exception des actes visés dans le paragraphe précédent, constituent des actes administratifs exécutoires et entraînent des obligations relevant du Code des impôts. Les décisions du CNA doivent être communiquées au Ministre de la presse et des médias. Elles peuvent faire l’objet de tous les recours prévus dans la législation et dans la Constitution.

Autorégulation et autocontrôle des opérateurs actifs dans les médias

739.Les articles 8 et 9 de la loi no 2863/2000 prévoient des procédures spéciales d’autorégulation et d’autocontrôle applicables aux opérateurs actifs dans les médias au sens large.

740.Plus précisément, il est prévu ce qui suit:

L’obligation pour les opérateurs de radio et de télévision de prendre des engagements multilatéraux d’autorégulation fixant les règles et principes de conduite en matière de contenu des programmes d’information et de divertissement;

Des mécanismes d’autocontrôle pour le respect de ces engagements d’autorégulation (comités d’éthique);

L’obligation de publier lesdits contrats dans des journaux à grand tirage, afin que cette information soit rendue publique et accessible aux bénéficiaires des services proposés.

741.Dans les cas où ils estiment que les règles et principes des engagements d’autorégulation n’ont pas été respectés, les comités d’éthique peuvent imposer des sanctions d’ordre moral. Ces décisions sont communiquées au CNA.

742.Le non-respect des sanctions d’ordre moral imposées par les comités d’éthique constitue une violation de la législation en matière d’audiovisuel et est passible de sanctions administratives imposées par le CNA.

743.L’article 9 de la loi susmentionnée porte également création d’un organe spécial d’autocontrôle des messages publicitaires par les médias électroniques, avant ou après leur diffusion. Il prévoit en outre la création obligatoire de comités internes de classification des programmes télévisés et de comités pour que les personnes mises en cause dans les médias puissent exercer leur droit de réponse.

744.Le CNA prend en considération, dans l’exercice du contrôle de la légalité de l’exploitation des chaînes et stations, l’ensemble des codes de conduite des journalistes et codes d’éthique applicables aux programmes et aux annonces publicitaires, ainsi que toute obligation résultant d’un engagement d’autorégulation ou de négociations collectives impliquant stations de radio et chaînes de télévision ou associations et travailleurs des médias (art. 3, par. 16, de la loi no 2328/1995). De plus, dans le cadre de la procédure d’octroi d’une licence à une chaîne ou à une station, l’engagement d’autorégulation pris par cette dernière quant au code de conduite qu’elle prévoit d’adopter et de mettre en œuvre sera pris en considération pour évaluer le bien‑fondé de la demande de licence (art. 2, par. 6, al. d, et 3, par. 16, de la loi no2328/1995).

745.En 2003, par voie du décret présidentiel no 77/2003, le Président a ratifié le Code d’éthique applicable aux journaux d’actualité et autres émissions de type documentaire ou politique rédigé par le CNA, qui est venu remplacer les textes antérieurs du CNA dans ce domaine. Ce code renferme les principes généraux applicables à l’ensemble des journaux d’actualité et autres émissions de type documentaire ou politique et vise à en assurer la qualité.

746.L’article 6 du Code assure la protection absolue de la vie privée et interdit d’enregistrer, de représenter ou de rendre publiques des scènes d’intimité ou des communications personnelles sans le consentement des intéressés, de même qu’il interdit de diffuser des images enregistrées à l’insu des personnes représentées, à l’aide d’une caméra ou d’un magnétophone permettant d’enregistrer ou de reproduire d’une autre manière le témoignage, les propos ou les mouvements d’une personne. Il interdit en outre de diffuser des informations acquises dans le cadre d’écoutes téléphoniques illégales, à l’aide de microphones ou de caméras dissimulés ou de tout autre moyen apparenté.

747.La plus haute importance est accordée à l’article 11 du Code, qui fait obligation aux médias de respecter strictement la présomption d’innocence de tout citoyen en général et de toute personne mise en accusation en particulier.

748.On reviendra plus loin sur ledit code d’éthique, dans la partie du document relative à l’article 20 du Pacte.

749.L’attention du Comité est attirée aussi sur les dispositions pertinentes du Code de déontologie et de responsabilité sociale de l’Union des journalistes des quotidiens d’Athènes et du Code grec de la publicité.

750.Le Département «Médias et communications» de l’Université d’Athènes a réalisé une étude de grande ampleur sur le thème «Les droits de l’homme et les journaux télévisés grecs», en coopération avec le CNA et pour son compte. C’est en grande partie sur les conclusions de cette étude qu’ont été basés les articles 5, 14 et 15 du Code, relatifs aux méthodes utilisées pour rapporter les incidents en particulier et l’actualité en général, qui interdisent la dramatisation excessive et les mises en scène et imposent de distinguer clairement entre l’information et le commentaire ou l’expression d’une opinion.

Sanctions

751.En vertu du nouveau cadre législatif (art. 11, par. 2, de la loi no 2836/2000), le Ministère de la presse et des médias n’est pas compétent pour les actes administratifs exécutoires en matière de délivrance, de renouvellement ou de retrait de licence aux stations de radio et chaînes de télévision, le contrôle de l’application des règles d’exploitation, l’imposition de sanctions administratives, etc.

752.Le CNA prend des sanctions en cas de violation des normes internes, du droit européen, du droit international ou des codes de conduite publiés sous la forme de décrets présidentiels au Journal officiel (art. 4 de la loi no 2328/1995). Les sanctions prévues sont les suivantes, en fonction de la gravité de la violation: avertissement, amende, suspension temporaire d’antenne pouvant aller jusqu’à trois mois ou retrait définitif de la programmation d’une émission en particulier, suspension provisoire pouvant aller jusqu’à trois mois de l’ensemble de la programmation, retrait de la licence d’exploitation, ou sanction d’ordre moral (par exemple, obligation de diffuser une annonce précise).

753.Le Ministère de la presse et des médias n’exerce plus aucun contrôle sur les décisions prises par le CNA (art. 11, par. 2, de la loi no 2863/2000).

754.Un grand nombre d’avertissements et d’amendes ont déjà été prononcés ou imposés pour protéger la personnalité, l’activité professionnelle, l’honneur ou la réputation de quelqu’un, dans un souci de protection des mineurs ou pour faire respecter d’autres droits.

755.En 2003, le CNA a pris six décisions de cessation d’activité à l’encontre de chaînes de télévision, parce que celles‑ci ne remplissaient pas les critères constitutionnels pour la qualité des programmes et les dispositions de loi relatives à la protection des mineurs et au respect de la dignité humaine. Il a pris à trois reprises des sanctions pour atteinte à «la dignité des téléspectateurs» et à «la dignité humaine». Dans cinq décisions le CNA a estimé qu’il y avait violation des dispositions relatives au «respect de la vie privée», et dans une autre il a imposé une sanction pour «atteinte à la personnalité». Dans 10 décisions, il a imposé des sanctions à des chaînes de télévision pour violation des principes et dispositions sur la «protection des mineurs». Par ailleurs, le CNA a imposé à trois reprises des sanctions pour diffusion d’émissions ou de messages publicitaires risquant d’être «préjudiciables au développement moral des mineurs» et constituant un «abus des superstitions populaires». Trois autres de ses décisions faisaient suite à des violations des dispositions et règles relatives à la «qualité des émissions», et cinq autres encore faisaient suite à des violations des dispositions et règles sur «l’objectivité dans la présentation des faits d’actualité». Enfin, dans une décision le CNA a sanctionné la violation du principe de présomption d’innocence de l’accusé.

Contenu des programmes

756.En vertu de la loi no 1730/1987, qui a porté création de l’ERT SA (Radio Télévision hellénique SA), et plus particulièrement de son article 3, les émissions de l’ERT doivent être notamment conformes aux idéaux de liberté, de démocratie, de paix et d’amitié entre les peuples. Elles doivent être régies par les principes d’objectivité, de pluralisme et de respect de la personne et de la vie privée. Enfin, l’ERT n’est pas en droit de diffuser des messages publicitaires qui seraient contraires, entre autres, au principe du respect dû aux femmes ou qui contiendraient des éléments de violence et auraient à ce titre un impact négatif sur certaines personnes.

757.Les mêmes obligations s’appliquent à l’ensemble des chaînes de télévision (art. 3, par. 1, de la loi no 2328/1995), des stations de radio (art. 8, par. 1, de la loi no2328/1995) et des prestataires de services d’abonnés, tant télévisés que radiophoniques (art. 10, par. 1, de la loi no 2644/1998).

758.La loi no 2328/1995 vise la programmation télévisée et prévoit que celle‑ci doit être respectueuse de la dignité humaine. Selon le paragraphe 1 b) de son article 3, «tous les programmes de radio et de télévision (ainsi que les messages publicitaires) doivent être respectueux de la personnalité, de l’honneur, de la dignité, de la vie privée et familiale et des activités de chacun».

759.Il est fait obligation aux chaînes de télévision et aux stations de radio de conserver des archives et d’envoyer une copie des enregistrements, sur demande, au CNA ou à toute personne physique ou morale concernée afin de permettre l’exercice du droit de réponse ou du droit à un recours (art. 3, par. 12, de la loi no2328/1995). La même obligation vaut pour toutes les chaînes et stations d’abonnés (art. 10, par. 1, de la loi no2644/1998). Les demandes en réparation adressées à une chaîne ou une station pour tort causé à une personne physique ou morale sont réglementées par l’article 9 du décret présidentiel no 100/2000, qui traite en détail de toutes les questions y relatives.

760.On accorde une attention particulière aux personnes malentendantes, à qui sont destinées des émissions spéciales quotidiennes ou bimensuelles. Toutes les chaînes de télévision sont tenues (art. 3, par. 20, de la loi no 2328/1995) d’adopter des mesures en faveur des personnes ayant des besoins particuliers, telles que la diffusion de journaux d’actualité et d’autres émissions en langue des signes et avec sous‑titrage.

761.Enfin, les opérateurs sont tenus de diffuser à titre gracieux des messages à vocation sociale, sur des sujets comme la santé, la protection sociale et les services sociaux, à l’intention des personnes ayant des besoins particuliers.

762.La décision ministérielle no 6138/E/2000 sur la classification des programmes a essentiellement vocation à empêcher que des mineurs ne regardent des programmes dont le contenu pourrait nuire à leur développement intellectuel et moral.

763.La législation grecque garantit la liberté des téléspectateurs de recevoir et de regarder des programmes de l’ensemble des États membres de l’Union européenne (art. 4, par. 1, du décret présidentiel no 100/2000).

764.Outre que l’exploitation des médias en Grèce est assujettie aux principes généraux du respect des droits civils et des libertés fondamentales, on notera que les émissions ci‑après sont diffusées dans le cadre de la mission de service public de l’audiovisuel:

La radio hellénique (ERA) Macédoine orientale et Thrace, et en particulier la station de radio de district de Komotini, diffuse chaque semaine des reportages d’une heure en langue turque, sous le titre «Helicon», préparés et présentés par un journaliste membre de la minorité musulmane de Thrace. Elle diffuse également quotidiennement un bulletin d’actualité d’une demi‑heure en turc, élaboré par un journaliste appartenant à la minorité. Chaque semaine, ERA Macédoine orientale et Thrace, par l’intermédiaire de la station de Komotini, programme une émission musicale, culturelle et d’information intitulée «Nous, les autres», préparée par deux journalistes, dont l’un est membre de la minorité musulmane déjà mentionnée;

Ces dernières années, une autre station de radio «Radio Amitié», est venue s’ajouter au réseau ERA. Cette station a pour but de permettre aux immigrés résidant en Grèce de rester en contact avec leur pays d’origine et d’être informés quotidiennement dans leur langue maternelle. Elle a aussi vocation à lutter contre les préjugés et la xénophobie. Loin de se borner à traduire les bulletins d’information grecs, cette station diffuse dans 12 langues des bulletins d’information ciblés sur les pays d’origine où les langues en question sont parlées. Elle diffuse en outre des informations et des reportages sur différentes questions dans le souci d’informer tous les immigrants et de faciliter leur intégration dans la société grecque. Il est à souligner que cette station de radio parraine de nombreuses activités culturelles organisées par des immigrés et des ONG, parmi lesquelles le Festival contre le racisme (été 2003) ou le Festival pour les immigrants et les réfugiés (octobre 2003). La station coopère étroitement avec des ONG comme Médecins sans frontières et Médecins du monde, ainsi qu’avec les communautés immigrées.

Médias et transparence

765.Les rédacteurs de la Constitution comme le législateur ont eu à cœur d’assurer la transparence du régime de propriété des médias afin d’éviter toute ingérence inappropriée dans la vie financière, sociale et politique du pays. Le nouveau texte du paragraphe 9 de l’article 14 de la Constitution, introduit lors de la récente révision constitutionnelle, est très détaillé et dispose notamment que le régime de propriété, la situation financière et les moyens de financement des entreprises de médias doivent être rendus publics, dans les conditions fixées par la loi. De plus, la loi précise les mesures et restrictions nécessaires pour assurer pleinement la transparence et la pluralité en matière d’information. Il est ainsi interdit de contrôler plusieurs organes d’information, d’un même type ou de types différents. Cela vaut aussi pour les médias électroniques, comme prévu par la loi. Le statut de propriétaire, associé, actionnaire principal ou cadre dirigeant d’une entreprise de médias est incompatible avec le statut de propriétaire, associé, actionnaire principal ou cadre dirigeant d’une entreprise qui effectue des travaux, procure des biens ou fournit des services pour l’administration publique ou pour une entité juridique de droit public en général; cette incompatibilité s’étend également aux conjoints, parents et personnes à la charge des intéressés, ainsi qu’aux sociétés qui en dépendent financièrement. La Constitution charge le législateur d’établir plus précisément les dispositions et les sanctions applicables, qui peuvent aller jusqu’au retrait de leur licence aux stations de radio et chaînes de télévision et à l’interdiction de conclure ou d’annuler un contrat en la matière ainsi que les moyens de contrôle et les garanties visant à empêcher tout contournement de ces mesures.

766.En application de cette disposition constitutionnelle, le Parlement a adopté la loi no 3021/2002, qui définit en quoi consistent la notion et le contenu de cette incompatibilité et l’interdiction de conclure des contrats publics, fixe certains mécanismes et procédures de contrôle pour la mise en œuvre des interdictions et restrictions prévues et, enfin, arrête la liste des sanctions administratives, pénales et autres dont sont passibles les personnes physiques ou morales qui violent les dispositions de cette loi ou ne s’y conforment pas. Les décisions quant à l’existence ou non d’une incompatibilité et l’imposition de sanctions en cas de violation de la loi sont du ressort du CNA. Enfin, la loi no3166/2003 est venue renforcer encore les garanties de transparence dans les médias. 

Médias et publicité des procès

767.On se reportera à la partie relative à l’article 14 du Pacte.

Protection de la vie privée, de l’honneur et de la dignité

768.Le droit à la vie privée est un autre droit important protégé par la loi. Il est à noter que la loi no 2472/1997 a représenté une avancée décisive en matière de protection de la vie privée dans les médias. Selon ce texte, la notion de traitement de données personnelles comprend non seulement leur possession et leur archivage, mais aussi leur diffusion dans les médias. Ces données ne peuvent être traitées et diffusées dans les médias que sur autorisation de l’Office de la protection des données personnelles et à condition qu’il s’agisse de données concernant des «personnages publics» qui doivent absolument être divulguées dans le souci de respecter le droit du public d’être informé sur des questions d’intérêt public et sous réserve que le droit à la vie privée et familiale ne soit en aucune manière violé. Dans une décision importante, l’Office de la protection des données personnelles a estimé que «si le public a le droit d’être informé, il ne saurait exiger des informations concernant des données personnelles sensibles, car cela impliquerait une atteinte à la dignité humaine avec humiliation d’un tiers…».

769.Parmi les autres droits fondamentaux figure le droit à sa propre image, également protégé par l’article 57 du Code civil. Il est admis, tant dans les textes que dans la jurisprudence, que prendre une photographie d’un tiers et la diffuser publiquement sans le consentement de la personne représentée est interdit, sauf dans les cas où cette photographie ne se rapporte qu’à la vie quotidienne ou à des personnages de l’histoire contemporaine. C’est le même but qui est servi par l’article 8, paragraphe 2, de la loi no 3090/2002, qui interdit de retransmettre à la télévision ou au cinéma des images, de diffuser des enregistrements sonores ou de publier des photographies de personnes pendant leur interrogatoire dans les locaux de la police, leur mise en examen ou leur procès, ou alors qu’elles sont déférées à une autre autorité. Même s’il est essentiellement protégé par le droit de réponse, le droit à l’identité, à savoir le droit de chacun d’«être lui‑même», est aussi protégé civilement par l’article 57 du Code civil, qui interdit d’attribuer à une personne des déclarations, commentaires ou caractéristiques qui ne sont pas en rapport avec sa personnalité.

770.L’honneur et la réputation des personnes physiques sont protégées par les dispositions du Code pénal relatives à l’insulte (art. 361), à la diffamation (art. 362) et à la calomnie (art. 363). Ces trois infractions sont punissables de sanctions pécuniaires et de peines d’emprisonnement.

771.En vertu de l’article 366 du Code pénal, «si l’information visée à l’article 362 est exacte, il n’est pas encouru de sanction, mais il est interdit d’apporter la preuve de l’exactitude de l’information si celle-ci concerne exclusivement des relations familiales ou personnelles qui ne relèvent pas de l’intérêt public ou si l’information est diffusée par malveillance».

772.De plus, l’article 367 du Code pénal limite l’application des articles 361 et 362 en ces termes:

«1.a) Le fait de critiquer des événements scientifiques, artistiques ou professionnels, b) les critiques apparaissant dans un document public publié par une autorité et portant sur les activités de ladite autorité, c) les critiques exprimées dans le cadre de l’exercice de responsabilités licites ou d’une autorité licite, ou pour protéger un droit ou autre intérêt légitime, ou d) les autres formes de critiques similaires ne constituent pas un acte illégal.

2.Cette disposition ne s’applique pas a) si la critique en question constitue l’essentiel d’une infraction visée à l’article 363 (calomnie) ou b) lorsque la forme d’expression de la critique ou les circonstances dans lesquelles elle est exprimée dénotent à l’évidence une intention d’insulter l’intéressé.».

773.Selon la jurisprudence grecque, l’intérêt que suscitent la liberté et la mission sociale de la presse est un «intérêt légitime» au sens de la disposition en question. Il consiste à répondre au vœu du public d’être informé sur toutes les questions importantes ainsi que sur les événements qui concernent des personnes auxquelles la société s’intéresse, même si cette information est donnée sous la forme de critiques virulentes ou sous une forme négative.

774.Invoquant, entre autres, l’article 19 du Pacte, la Cour suprême a estimé que le droit à la personnalité (art. 57 du Code civil) représentait un élément de justification important des restrictions à la liberté d’expression. Un aspect majeur du droit à la personnalité est constitué par l’honneur et la dignité de toute personne, qui vont de pair avec le respect et la réputation dont celle-ci jouit auprès d’autrui. Mais comme à travers la protection de la liberté d’expression (de même que celle de la liberté de recherche et d’enseignement) on vise à préserver de précieux biens sociaux, cela justifie certaines atteintes au droit à la personnalité qui ne sont pas jugées abusives dans la mesure où elles ne sont pas attentatoires à la dignité humaine, car le droit à la personnalité est, en l’espèce, jugé comme de valeur moindre par rapport aux biens sociaux et libertés susmentionnés. Il en va de même lorsqu’un chercheur qui rédige un dictionnaire, et fait donc un travail scientifique, répertorie, dans sa recherche systématique et méthodique de la vérité, différents sens ou usages de certains mots ou expressions considérés comme rabaissant ou offensant certaines personnes ou bien les membres de certains groupes sociaux, dès lors que ce chercheur n’adhère à ces sens ou usages précis ni ne les accepte.

775.Selon la jurisprudence de la Cour suprême, le caractère répréhensible des actes de diffamation et d’insulte disparaît dès lors que ces actes visent à préserver (protéger) un droit ou tout autre intérêt légitime et justifié. Les personnes directement impliquées dans le média en question peuvent avoir un intérêt de cet ordre au nom de la liberté et de la mission sociale de la presse, et cela vaut plus particulièrement pour les journaux, lesquels sont protégés par la Constitution et par les lois. C’est pourquoi on autorise la publication d’informations qui s’accompagnent de critiques virulentes et de caractérisations peu flatteuses des personnes considérées. Il reste que, même dans ce cas, des propos diffamatoires ou insultants conservent leur caractère répréhensible si ces propos relèvent de la calomnie ou lorsque la manière de procéder et les circonstances de l’acte permettent de conclure qu’il y a eu malveillance, c’est‑à‑dire intention de nuire directement à autrui en mettant en doute sa réputation morale ou sociale ou en le desservant. Il existe une jurisprudence analogue vis‑à‑vis des stations de radio.

776.Par ailleurs, si une personne à laquelle le public s’intéresse (de par sa charge ou fonction publique) a organisé sa promotion par l’intermédiaire de la télévision ou de tout autre média, en s’exprimant publiquement sur ses opinions ou sa vie privée ou familiale ou en rendant publics certains incidents de sa vie privée ou familiale afin d’étayer un point de vue qu’elle revendique, il est alors autorisé de relater des incidents de sa vie privée ou familiale à l’appui des critiques portées contre l’intéressé. Pour autant, l’acte insultant ou diffamatoire conserve son caractère répréhensible s’il peut être prouvé que les déclarations diffamatoires ou insultantes ont été prononcées avec la volonté d’humilier et de rabaisser l’intéressé.

777.Il est à noter que ces infractions sont poursuivies si l’intéressé porte plainte, de telle sorte qu’un homme politique qui aurait été attaqué dans une publication, par exemple, et qui souhaiterait porter l’affaire en justice est tenu de déposer une plainte auprès du ministère public. Il est certain qu’une démarche en ce sens a, en elle-même, un certain coût politique.

778.Pour ce qui est des sanctions civiles, la loi no 1178/1981 prévoit que tous les propriétaires de journaux sont tenus de réparer l’intégralité de tout préjudice matériel et d’indemniser tout préjudice moral qui pourrait résulter d’une publication ayant porté atteinte à l’honneur ou à la dignité de quiconque, qu’il y ait culpabilité, intention, connaissance ou ignorance par négligence de l’auteur de la publication ou, si ce dernier n’est pas connu, de l’éditeur ou du rédacteur en chef du journal. En application du paragraphe 10 de l’article 4 de la loi no 2328/1995, les dispositions de ladite loi s’appliquent aussi aux stations de radio et aux chaînes de télévision.

779.Il a été jugé, dans ce contexte, que le paragraphe 4 de l’article premier de la loi no 2243/1994, qui prévoit le versement à titre de réparation d’au moins 29 000 euros au plaignant pour certains actes des organes de presse, sauf dans les cas où ledit plaignant a demandé une réparation moindre, visait à assurer une protection minimum des citoyens contre des atteintes graves − car publiques − à leur honneur et à leur dignité. Cette disposition est donc jugée conforme à l’article 2, paragraphe 1, de la Constitution sur la protection de la dignité humaine. Elle n’est par ailleurs pas contraire à l’article 14, paragraphes 1 et 2, de la Constitution ni à l’article 19 du Pacte.

Droit de réponse

780.En application de l’article 14, paragraphe 5, de la Constitution, quiconque a été offensé par une publication ou une diffusion erronée dispose du droit de réponse, et le média concerné a l’obligation de présenter une rétractation complète et immédiate. Le droit de réponse est également acquis à toute personne offensée par une publication ou une diffusion insultante ou diffamatoire, le média étant tenu de publier ou de diffuser immédiatement ladite réponse. Les modalités de l’exercice du droit de réponse et celles de la rétractation complète et immédiate ou de la publication ou de la diffusion de la réponse sont définies dans la loi. Elles sont notamment régies par les articles 37 et 38 de la loi obligatoire no 1092/1938, par la loi no 1178/1981 (relative à la presse), par l’article 3 de la loi no 2328/1995 et par le décret présidentiel no 100/2000 (relatif, comme on l’a vu plus haut, à l’audiovisuel).

ARTICLE 20: INTERDICTION DE TOUTE PROPAGANDE EN FAVEUR DE LA GUERRE ET DE TOUT APPEL À LA HAINE NATIONALE, RACIALE OU RELIGIEUSE

781.La loi no 927/1979 sur la pénalisation des actes ou activités constituant une discrimination raciale sanctionne les actes suivants:

a)Tout appel délibéré et public, verbal, dans la presse, par écrit, par l’image ou par quelque autre moyen, prônant des actes ou activités susceptibles d’engendrer la discrimination, la haine ou la violence contre des individus ou groupes d’individus sous le seul motif de leur origine raciale ou nationale, ou [en vertu de l’article 24 de la loi no 1419/1984] de leur religion;

b)La création d’une organisation dont le but est de se livrer à une propagande méthodique ou à toute autre forme d’activité tendant à la discrimination raciale, ou la participation à une telle organisation;

c)L’expression publique, verbale, dans la presse, par écrit, par l’image ou par quelque autre moyen, d’idées agressives envers un individu ou groupe d’individus sous le motif de leur origine raciale ou nationale, ou [en vertu de l’article 24 de la loi no 1419/1984] de leur religion;

d)Le refus d’une personne de fournir, dans le cadre de l’exercice de sa profession, des biens ou des services à un individu sous le seul motif de son origine raciale ou nationale, ou [en vertu de l’article 24 de la loi no 1419/1984] de sa religion, ou de conditionner la fourniture de ces biens ou de ces services à l’origine raciale ou nationale, ou [en vertu de l’article 24 de la loi no 1419/1984] à la religion.

782.Il est à noter que l’article 39, paragraphe 4, de la loi no 2910/2001 permet aux autorités judiciaires d’engager d’office des poursuites quand un des actes susmentionnés est commis.

783.Les peines prévues pour les infractions susmentionnées sont les suivantes: une peine d’emprisonnement d’une durée maximale de deux ans et/ou une amende dans les cas visés aux alinéas a et b; une peine d’emprisonnement d’une durée maximale d’un an et/ou une amende dans les cas spécifiés aux alinéas c et d.

784.À ce jour, aucune condamnation n’a été prononcée en application de l’article susmentionné.

785.La Commission européenne contre le racisme et l’intolérance du Conseil de l’Europe ainsi que les ONG ont souligné la nécessité d’«activer» ces dispositions. Il convient toutefois de souligner que la pénalisation n’est pas le seul moyen d’empêcher le «discours de haine». L’autorégulation peut jouer un rôle important en la matière, comme expliqué ci-après.

786.En ce qui concerne les médias électroniques, l’article 8, paragraphe 5, du décret présidentiel no 100/2000 (en vertu duquel la Directive 97/36/CE portant modification de la Directive 89/552/CEE du Conseil européen a été incorporée à la législation nationale) dispose que «les chaînes de télévision ne peuvent pas diffuser des programmes dont le contenu constitue un appel à la haine entre citoyens pour des motifs de différences de race, de religion, de citoyenneté ou de sexe».

787.La même disposition s’applique aux stations de radio (art. 8, par. 4, de la loi no 2328/95) et aux stations de radio ou chaînes de télévision réservées aux abonnés (art. 10, par. 1, de la loi no 2644/1998).

788.L’article 4, paragraphe 1, alinéa b, du même décret présidentiel prévoit que les pouvoirs publics peuvent, en application des dispositions et procédures juridiques pertinentes prévues dans la Directive en question, ordonner l’interdiction préventive, par quelque moyen technique que ce soit, de la diffusion de programmes télévisés uniquement lorsque «le contenu de ces programmes constitue une incitation à la haine pour des motifs liés à la race, à la religion, à la citoyenneté ou au sexe».

789.L’article 5, paragraphe 6, alinéa b, dudit décret présidentiel prévoit que «les messages publicitaires télévisés ne peuvent introduire de discrimination fondée sur la race, le sexe, la religion ou la citoyenneté». Cette disposition s’applique également à la publicité à la radio en vertu de l’article 8, paragraphe 3, de la loi no 2328/1995, ainsi qu’aux messages publicitaires diffusés par les chaînes de télévision et les stations de radio réservées aux abonnés, en application de l’article 10, paragraphe 1, de la loi no 2644/1998.

790.Parallèlement à l’adoption de dispositions de loi, la mise en œuvre de méthodes d’autorégulation, telles que les codes de déontologie, est encouragée.

791.L’article 4 du Code d’éthique du Conseil national de l’audiovisuel applicable aux journaux d’actualité et autres émissions de type documentaire ou politique, ratifié en vertu du décret présidentiel no 77/2003, dispose ce qui suit:

792.L’article 4, paragraphe 1, du Code stipule que «nul ne peut être présenté d’une manière qui, dans certaines circonstances, pourrait conduire à son humiliation, à son exclusion sociale ou à une discrimination à son encontre fondées notamment sur le sexe, la race, la nationalité, la langue, la religion, l’idéologie, l’âge, la maladie ou l’incapacité, l’orientation sexuelle ou la profession».

793.Le paragraphe 2 du même article interdit la diffusion de messages ou de propos dégradants, racistes, xénophobes ou sexistes, ainsi que d’opinions intolérantes. En règle générale, il est interdit d’offenser les minorités ethniques ou religieuses et les autres groupes de population vulnérables ou faibles.

794.La directive‑recommandation 5/1998, adoptée par le Conseil national de l’audiovisuel suite à une «vague» d’actes criminels perpétrés en Grèce, insiste sur le fait qu’un acte délictueux perpétré à titre individuel ne peut être invoqué pour accuser le groupe national, racial ou autre auquel appartient l’auteur de l’infraction. Il est en outre précisé que les stations de radio et les chaînes de télévision sont tenues non seulement d’éviter toute provocation, mais aussi de désapprouver toute forme de xénophobie ou de haine envers des personnes appartenant à quelque groupe national que ce soit.

795.De plus, le Code de déontologie et de responsabilité sociale de l’Union des journalistes des quotidiens d’Athènes stipule que les journalistes ne doivent établir aucune distinction entre les citoyens en fonction de leur origine, de leur sexe, de leur race, de leur religion, de leur appartenance politique, de leur statut économique et de leur situation sociale (art. 2, al. a).

796.Par ailleurs, des dispositions pertinentes ont aussi été incorporées au Code de la publicité et au Code de la publicité et de la communication.

797.Enfin, nous souhaitons faire référence aux Observations finales adoptées en 2001 par le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, dans lesquelles le Comité a pris note du «rôle important revenant au Conseil national de l’audiovisuel, au Code de déontologie des journalistes et au projet de code de déontologie applicable aux programmes d’information et autres programmes journalistiques ou politiques dans la prévention de la discrimination raciale, des attitudes racistes et xénophobes et de la diffusion de stéréotypes par les médias».

ARTICLE 21: LIBERTÉ DE RÉUNION

Généralités

798.L’article 11 de la Constitution consacre la liberté de réunion. Il est formulé comme suit: «1. Les Hellènes ont le droit de se réunir paisiblement et sans armes. 2. La police ne peut assister qu’aux réunions publiques en plein air. Les réunions en plein air peuvent être interdites par décision motivée de l’autorité policière soit d’une manière générale au cas où, à cause d’elles, il y a imminence d’un danger sérieux pour la sécurité publique, soit dans un certain endroit au cas où la vie économique et sociale est menacée de troubles graves, ainsi qu’il est prévu par la loi».

799.Selon la Constitution, le terme «réunion» s’entend du rassemblement temporaire intentionnel, en principe, et non fortuit, d’un certain nombre d’individus, dans le but d’exprimer ou d’entendre une communication ou une opinion sur une question spécifique, de manifester un point de vue donné ou de formuler une quelconque exigence, de prendre une décision collective ou d’exercer collectivement le droit de pétition.

800.L’article 11, paragraphe 1, de la Constitution accorde à ceux qui souhaitent exercer leur droit de réunion la possibilité de choisir le lieu, le moment, la nature et l’objet du rassemblement. Aucune autorisation préalable spécifique n’est exigible. La liberté de choisir le lieu de la réunion s’applique aux sites accessibles à chacun. L’occupation d’espaces publics ou privés est illégale au regard du contenu de ce droit et toute réunion dans un des lieux prévus doit être temporaire. Ainsi, l’occupation d’une route nationale pendant plusieurs jours ne doit pas être considérée comme un moyen d’exercer la liberté de réunion.

801.La liberté de réunion doit s’exercer «paisiblement et sans armes». Cette expression ne constitue pas une restriction mais un préalable logique découlant de la notion de réunion, qui désigne un processus collectif et pacifique.

Bénéficiaires

802.Si l’on s’en tient à la lettre de la disposition constitutionnelle pertinente, les Hellènes sont les seuls bénéficiaires de ce droit. Mais cela ne signifie en rien que la Constitution interdit aux étrangers de se réunir; le législateur est compétent pour réglementer cette question en application des dispositions pertinentes des conventions internationales. Dans la pratique, toutes les réunions organisées par des étrangers bénéficient de la protection requise.

803.Les personnes physiques sont considérées comme étant les bénéficiaires de cette liberté. Les personnes morales peuvent assumer la responsabilité de l’organisation d’une réunion.

Classification des diverses formes de réunion

804.L’article 11, paragraphe 2, emploie les termes «publiques» et «en plein air» pour qualifier les réunions. Une réunion est considérée comme publique dès lors qu’un individu peut venir y assister, même sous certaines conditions préalables auxquelles chacun peut satisfaire. Inversement, une réunion est considérée comme privée lorsque les individus qui y participent ont été invités ou, en tout état de cause, sont présents à un titre particulier.

805.Une réunion est considérée comme se tenant à l’«intérieur» lorsqu’elle se déroule dans un lieu clos, accessible uniquement par un point d’entrée donné, afin de permettre aux organisateurs d’exercer un contrôle efficace. D’une manière générale, il y a réunion «en plein air» si celle‑ci se déroule en un lieu généralement accessible, qu’il soit public ou privé, abrité ou non.

806.Compte tenu des distinctions susmentionnées, on peut déduire qu’en vertu du paragraphe 2 de l’article 11 de la Constitution, les autorités de police ne peuvent généralement pas assister aux réunions tenues à l’intérieur et que ces réunions ne requièrent pas d’autorisation préalable. La police n’est autorisée à intervenir que pour réprimer des infractions commises sur le lieu de la réunion, et encore en tenant compte des conditions préalables prévues à l’article 9, paragraphe 1, de la Constitution, qui protège l’inviolabilité du domicile de chacun.

Interdiction des réunions

807.Le législateur ne peut pas assujettir les réunions publiques à un régime général d’autorisation préalable.

808.Toute décision de l’autorité de police compétente d’interdire une réunion en plein air doit être justifiée par un risque pour la sécurité publique ou la vie économique et sociale du pays. La Constitution ne prévoit pas toutefois quand l’autorité de police prononce cette interdiction, de sorte que la décision d’interdire une réunion peut intervenir avant ou pendant la réunion.

809.L’interdiction peut être générale ou locale. L’interdiction générale concerne une réunion spécifique dont le lieu, la date et l’objet ont été annoncés. Elle ne peut donc être étendue à une autre réunion de même nature, à une période indéfinie ou à tout un secteur géographique. Elle doit être motivée par l’imminence d’un danger sérieux pour la sécurité publique. De simples suspicions ne suffisent pas à justifier l’interdiction d’une réunion.

810.L’interdiction locale prévue en cas de risque grave de perturbation de la vie économique et sociale ne doit en aucun cas rendre impossible l’organisation de réunions. Elle peut toutefois être décidée même si la loi pertinente mentionnée au paragraphe 2 de l’article 11 n’a pas été adoptée. En d’autres termes, cette disposition de la Constitution peut être appliquée directement, puisqu’elle énonce expressément les motifs d’interdiction.

811.La question de la validité d’une décision d’interdire une réunion peut être soulevée à titre incident devant les juridictions pénales compétentes, et si l’illégalité de la décision est établie les délits de sédition et de résistance à l’autorité ne sont pas constitués. Par ailleurs, la protection judiciaire temporaire accordée par la Commission des suspensions du Conseil d’État peut être sollicitée.

812.Les rassemblements spontanés, c’est-à-dire les rassemblements en réaction directe à un événement, jouissent du même niveau de protection. Ils peuvent néanmoins être interdits si les conditions prévues à cet effet au paragraphe 2 de l’article 11 de la Constitution sont réunies.

813.La possibilité d’interdire une réunion en plein air est liée au pouvoir des services de police de dissoudre une réunion. Conformément aux dispositions pertinentes, une réunion publique peut être dissoute si elle a été interdite en application de l’article 11, paragraphe 2, de la Constitution ou si elle prend un tour violent et cesse, par conséquent, de bénéficier de la protection prévue au paragraphe 1 dudit article. Les mesures prises pour dissoudre la réunion doivent obéir au principe de proportionnalité et à l’obligation de respecter le droit à la vie.

814.Il convient de souligner que les dispositions relatives au droit de réunion sont appliquées dans un esprit très libéral. Tout en assurant un équilibre entre l’ensemble des libertés et des intérêts juridiquement pertinents (droit de circulation, par exemple), il est fait en sorte que la liberté de réunion jouisse d’une place prépondérante dans le système juridique.

ARTICLE 22: LIBERTÉ D’ASSOCIATION

815.L’article 12, paragraphe 1, de la Constitution dispose que «les Hellènes ont le droit de constituer des unions de personnes et des associations à but non lucratif en observant les lois, qui en aucun cas ne peuvent soumettre l’exercice de ce droit à une autorisation préalable». Aux termes du paragraphe 2, une association (de même qu’au sens du paragraphe 3, une union de personnes ne constituant pas une association) ne peut être dissoute pour violation de la loi ou d’une disposition essentielle de ses statuts que par décision judiciaire.

816.Le fait que la disposition précitée mentionne explicitement les «Hellènes» ne signifie pas, bien entendu, que les associations constituées par des étrangers, ou par des Hellènes avec des étrangers, sont interdites. Cette question est régie par les conventions internationales ratifiées par la Grèce et/ou par la législation grecque. Ainsi, le législateur ne peut pas interdire en général aux étrangers de participer à la vie ou à la direction d’une association. Les tribunaux grecs ont rejeté la disposition contenue dans l’article 107 de la loi introductive du Code civil, qui n’autorise pas pleinement les étrangers à diriger des associations, estimant que cela était contraire à la Constitution, à la Convention européenne des droits de l’homme (art. 11, 14 et 16), ainsi qu’aux dispositions générales du Code civil et, plus particulièrement, à celles de l’article 4 qui accorde aux citoyens grecs et aux étrangers l’égale jouissance des droits civils.

817.Il est noté que le tribunal de première instance compétent est tenu d’autoriser l’enregistrement d’une association s’il est établi que toutes les exigences légales ont été satisfaites (art. 81 du Code civil). Le tribunal peut statuer sur la licéité d’une association, mais pas sur sa raison d’être.

818.Conformément à l’article 105 du Code civil, le tribunal de première instance peut prononcer la dissolution d’une association si le conseil d’administration de ladite association, un cinquième des membres de l’association ou l’organe de supervision (c’est-à-dire le préfet local) en font la demande, dans les cas suivants: 1. S’il est impossible d’élire un conseil d’administration ou si l’association n’est plus en mesure de fonctionner conformément à ses statuts, par suite d’une diminution du nombre de ses membres ou pour diverses autres raisons. 2. Si l’objectif de l’association a été atteint ou si l’inactivité prolongée de l’association laisse penser qu’elle a renoncé à poursuivre ses objectifs. 3. Si l’association poursuit des objectifs différents de ceux qui sont énoncés dans ses statuts ou s’il apparaît que ses objectifs ou son fonctionnement sont contraires à la loi, aux bonnes mœurs ou à l’ordre public.

819.Le refus d’enregistrer une association ou la dissolution d’une association (sous le motif que ses objectifs ou son fonctionnement sont contraires à la loi ou à l’ordre public) doivent s’inscrire dans les exigences d’une société démocratique et répondre à une nécessité sociale impérieuse consistant à protéger la sécurité nationale ou prévenir des troubles à l’ordre public. Le recours à une mesure aussi restrictive se justifie lorsqu’il existe un lien de proportionnalité entre l’ingérence dans l’exercice du droit individuel à la liberté de réunion et l’objectif légitime recherché. De plus, la nécessité sociale pertinente doit être directe et justifiée par des motifs convaincants. De simples suspicions ou spéculations quant au fait que les intentions ou les futures activités de l’association seraient illégales ou contraires à l’ordre public, sous le seul motif de la formulation des statuts de l’association ou de l’interprétation des termes desdits statuts, ne peuvent, en tant que telles, justifier la nécessité sociale requise pour dissoudre une association. Ces principes découlent de la jurisprudence de l’Areios Pagos qui a interprété les dispositions pertinentes du Code civil à la lumière de la Constitution et de la Convention européenne des droits de l’homme.

Droits syndicaux

820.L’article 23, paragraphe 1, de la Constitution protège la liberté syndicale et les droits qui s’y rapportent, et oblige l’État à adopter toutes les mesures requises pour garantir le plein exercice de ces droits. De plus, l’exercice du droit de se constituer en syndicat et la protection de la création d’une organisation syndicale sont garantis par l’article 12 de la Constitution, qui consacre le droit de constituer des associations et unions de personnes à but non lucratif.

821.Les conditions régissant la création d’une organisation syndicale et la participation des travailleurs à cette organisation sont fixées par la loi no 1264/1982 sur la démocratisation du mouvement syndical et le renforcement de la liberté d’association des travailleurs.

822.La loi no 1264/1982 consacre les droits syndicaux des travailleurs et réglemente les questions se rapportant à la création, à l’organisation, au fonctionnement et aux activités des syndicats (art. 1er). Elle accorde également une protection générale aux syndicats et une protection spéciale aux membres de leur conseil d’administration.

Protection générale

823.Les pouvoirs publics sont tenus d’appliquer toutes les mesures nécessaires pour assurer le libre exercice du droit de créer des syndicats et de les faire fonctionner de façon autonome (art. 14 de la loi no 1264/1982). Les employeurs ou les personnes agissant pour leur compte ou pour un tiers n’ont pas le droit de commettre un acte ou une omission susceptibles d’entraver l’exercice des droits syndicaux des travailleurs.

Protection de l’activité syndicale sur le lieu de travail

824.Selon l’article 16 de la loi no 1264/1982, les travailleurs et leurs syndicats sont protégés dans l’exercice de tous leurs droits syndicaux sur leur lieu de travail. Les syndicats ont le droit de disposer de panneaux d’affichage pour leurs activités sur les lieux de travail et dans tout autre lieu convenu, au cas par cas, entre l’employeur et la direction du syndicat concerné. L’employeur ou un représentant dûment autorisé de ce dernier est tenu de rencontrer les représentants des syndicats au moins une fois par mois et de s’efforcer de régler les questions qui préoccupent les travailleurs et leurs organisations représentatives. Les représentants du conseil d’administration du syndicat de l’entreprise ou, si les travailleurs n’ont pas constitué de syndicat, les représentants de l’Office du travail du district ont le droit d’assister à toute inspection menée par les organes compétents du Ministère du travail et des affaires sociales et de faire part de leurs observations.

Protection spéciale des membres des syndicats

825.Pour garantir aux membres des syndicats la liberté de mener à bien leur activité, il est prévu des dispositions spéciales pour les protéger contre tout traitement discriminatoire (licenciement ou mutation), et des autorisations d’absence leur sont octroyées selon que de besoin.

Promotion des négociations collectives libres

826.L’article 22, paragraphe 2, de la Constitution dispose ceci: «La loi détermine les conditions générales de travail, qui sont complétées par les conventions collectives, conclues au moyen de négociations libres et, en cas d’échec de celles-ci, par des dispositions posées par arbitrage.».

827.C’est à cette fin et dans le cadre de l’exercice du mandat de l’article 22 de la Constitution que la loi no 1876/1990 sur les négociations collectives libres a été adoptée. En vertu de cette loi, les organisations professionnelles (syndicales et patronales) jouissent du droit de promouvoir et de défendre leurs exigences collectivement dans le cadre de négociations collectives libres et de conclure des conventions collectives régissant de manière contraignante les conditions de travail des travailleurs salariés (en application de l’article 7 de la loi, les clauses d’une convention collective prennent immédiatement effet et sont contraignantes).

828.Plus spécifiquement, des conventions collectives générales doivent être conclues au niveau national entre les syndicats des travailleurs du tertiaire et les organisations patronales nationales ou les plus représentatives, et ces conventions collectives doivent fixer des règles minimales en matière de conditions de travail qui s’appliquent à tous les travailleurs du pays (art. 8 de la loi no 1876/1990).

829.Il convient également de noter que l’article 22, paragraphe 3, de la Constitution dispose que «les matières relatives à la conclusion de conventions collectives par les membres de la fonction publique nationale et territoriale ou les agents d’autres entités juridiques de droit public sont régies par la loi».

830.Par la loi no 2738/1999, la Grèce a mis en place un mécanisme de négociation collective dans l’administration publique, donnant ainsi aux syndicats de la fonction publique le droit de négocier avec l’administration les conditions d’emploi et de travail des agents de la fonction publique, des entités juridiques de droit public et des collectivités territoriales.

831.Le Syndicat supérieur de la fonction publique (ADEDY) et 20 autres syndicats de fonctionnaires ont, pour la première fois, participé à la mise en œuvre de ce mécanisme en 2000.

832.Au terme du processus de négociation de 2002, 9 contrats collectifs spéciaux et 14 conventions collectives spéciales ont été signés.

Droit de grève

833.L’article 23, paragraphe 2, de la Constitution dispose que la grève constitue un droit qui est exercé par les organisations syndicales légalement constituées pour sauvegarder et promouvoir les intérêts en matière de travail et les intérêts économiques en général des travailleurs.

834.Sur le plan législatif, à la lumière de la Constitution et des conventions internationales pertinentes ratifiées par la Grèce, la loi no 1264/1982, modifiée par les lois nos 1915/1990 et 2224/1994, protège et sauvegarde en particulier le droit des travailleurs de faire grève.

835.En vertu de l’article 19 de la loi no 1264/1982, la grève constitue un droit des travailleurs qui est exercé par les organisations syndicales dans le but de préserver et promouvoir les intérêts des travailleurs en matière économique, professionnelle, syndicale et sociale, et de manifester leur solidarité vis-à-vis de ces objectifs.

836.L’exercice du droit de grève est soumis à un préavis qui doit être adressé à l’employeur ou à son organisation représentative 24 heures au moins avant le déclenchement de la grève.

837.Les travailleurs qui sont parties à un contrat de travail de droit privé avec l’État, avec des collectivités territoriales ou avec des entités publiques, entreprises publiques ou sociétés de service public dont le fonctionnement est essentiel pour pourvoir aux besoins fondamentaux de la société dans son ensemble ont le droit de faire grève, sous réserve des dispositions de l’article 20, paragraphe 2, de la loi no 1264/1982 et de l’article 2 de la loi no 2224/1994.

838.En particulier, les organisations syndicales des organes ou entreprises susmentionnés sont tenues, avant d’exercer le droit de grève, d’inviter leur employeur à un dialogue public au cours duquel seront examinées les questions à régler. En ce qui concerne les autres entreprises, les organisations syndicales qui appellent à la grève peuvent solliciter un dialogue public avec l’employeur avant ou pendant la grève. L’employeur peut, lui aussi, solliciter un dialogue public dès le moment où il est informé de l’intention du syndicat d’appeler à la grève ou s’il considère que la grève peut mettre en péril la paix au sein de l’entreprise.

839.Les employés des entreprises publiques ou des sociétés de service public dont le fonctionnement est essentiel pour pourvoir aux besoins fondamentaux de la société dans son ensemble (art. 19, par. 2, de la loi no 1264/1982) ne peuvent appeler à la grève que quatre jours après avoir exposé leurs revendications et les justifications correspondantes dans un document communiqué par huissier de justice à l’employeur ou aux employeurs, au ministère concerné et au Ministère du travail et de la sécurité sociale. La grève ne doit pas porter sur des revendications autres que celles exposées dans ledit document.

840.L’organisation syndicale qui appelle à la grève est tenue de faire en sorte que le personnel nécessaire soit disponible pendant la grève pour protéger les installations de l’entreprise contre les dommages et accidents éventuels (art. 1er de la loi no 2224/1994, qui a remplacé l’article 21 de la loi no 1264/1982). En particulier, au sein des entités et entreprises publiques et des sociétés de service public dont le fonctionnement est essentiel pour pourvoir aux besoins fondamentaux de la société dans son ensemble (art. 19, par. 2, de la loi no 1264/1982 complété par l’article 3, paragraphes 1 et 2, et l’article 4, paragraphe 1, de la loi no 1915/1990), outre le personnel de sécurité, des effectifs suffisants doivent demeurer disponibles pendant la grève pour répondre aux besoins essentiels de la société dans son ensemble.

841.Enfin, en application de l’article 22 de la loi no 1264/1982, il est interdit de faire appel à des «briseurs de grève»; de plus, l’employeur n’a pas le droit d’organiser une action destinée à contrer une grève.

Forces de police

842.Les dispositions de la loi no 1264/1982 sur la démocratisation du mouvement syndical et la protection des libertés syndicales des employés ont été étendues aux personnels de police en vertu de la loi no 2265/1994. On estime à 54 000 le nombre de policiers visés par ces dispositions.

843.Sous réserve des dispositions de la loi no 2265/1994 (art. 1er), la création d’organisations syndicales par les personnels de police n’est soumise à aucune restriction. Toutefois, comme indiqué à l’article premier, paragraphe 3, «l’exercice des droits syndicaux des fonctionnaires de police ne doit pas outrepasser les limites fixées, compte tenu des spécificités et de la mission de la police grecque et, notamment, de sa dimension sociale et nationale qui transcende les partis politiques».

844.En vertu de la loi no 2265/1994 (art. 1er, par. 4), les fonctionnaires de police ont le droit de constituer des organisations syndicales primaires dans chacune des préfectures et dans chacun des districts administratifs du pays, ainsi que des fédérations syndicales aux niveaux secondaire et tertiaire. Chaque fonctionnaire de police ne peut être membre que de l’organisation syndicale primaire constituée dans la préfecture ou le district administratif dans lequel il exerce son activité professionnelle (art. 1er, par. 5). Les syndicats de police peuvent adhérer aux organisations syndicales internationales de fonctionnaires de police (art. 1er, par. 10).

845.On dénombre 64 organisations syndicales primaires de fonctionnaires de police. Deux fédérations syndicales secondaires totalisant quelque 34 000 membres ont été créées.

846.Conformément aux dispositions de ladite loi, les syndicats de fonctionnaires de police n’ont pas le droit de participer à des grèves ou manifestations organisées par des mouvements politiques ou syndicaux, ni de faire l’apologie de ces mouvements. Ils n’ont pas non plus le droit d’adhérer à des organisations syndicales autres que les organisations syndicales internationales de fonctionnaires de police. Ils ne peuvent ni représenter d’autres travailleurs ni s’ingérer de quelque manière que ce soit dans les questions se rapportant à l’administration des services de police.

847.Pour davantage de détails concernant l’exercice des droits syndicaux, on se reportera au rapport initial de la Grèce au Comité des droits économiques, sociaux et culturels.

ARTICLE 23: PROTECTION DE LA FAMILLE, DROIT AU MARIAGE ET ÉGALITÉ ENTRE LES ÉPOUX

848.Au paragraphe 1 de l’article 21 de la Constitution, il est énoncé, entre autres dispositions, que l’État protège les institutions que sont la famille et le mariage. Selon ce qu’il y est indiqué, la famille constitue le «fondement du maintien et du progrès de la nation» et est placée sous la protection de l’État, tout comme le mariage, la maternité et l’enfance.

849.La famille est constituée d’abord des époux et de leurs enfants, y compris les enfants adoptés, même s’ils ne résident pas ensemble. Les époux seuls forment eux aussi une «famille» qui relève de la protection accordée par la Constitution. Enfin, les parents des époux sont également compris dans la notion de «famille». La dissolution du mariage ne modifie pas les liens familiaux qui existent entre les époux et leurs enfants. Le mariage n’est pas une condition préalable à la notion constitutionnelle de «famille» ni à la protection juridique qui va de pair.

850.Grâce à la loi no 1329/1983, le droit grec de la famille a été modernisé et adapté de façon à le rendre conforme avec la disposition de la Constitution sur l’égalité entre les sexes.

851.Plus précisément, il a été établi entre autres choses ce qui suit:

La femme conserve son nom de famille après son mariage;

Les futurs époux peuvent choisir avant de se marier le nom de famille que porteront leurs enfants, c’est‑à‑dire le nom d’un des deux époux ou leurs deux noms ensemble;

L’âge minimum légal pour se marier est de 18 ans, pour l’homme comme pour la femme;

Les enfants doivent être élevés et éduqués sans discrimination fondée sur le sexe;

Chacun des époux a des droits sur les biens acquis pendant le mariage.

852.En outre:

Les époux peuvent opter pour le régime de la communauté de biens;

Les dispositions relatives au divorce ont été modernisées et le divorce par consentement mutuel a été institué;

Les enfants illégitimes ont désormais les mêmes droits que les enfants légitimes et le statut juridique de la mère célibataire a été renforcé.

853.Le Code civil grec exige certaines conditions préalables au mariage pour que celui‑ci soit valide. À cet égard, la loi no 1329/1983 a marqué un tournant dans le droit grec de la famille en abolissant certaines circonstances empêchant le mariage.

854.Pour se marier, il faut être âgé au moins de 18 ans (art. 1350, par. 2, du Code civil). Toutefois, un tribunal peut autoriser le mariage de mineurs pour une «raison majeure» particulière, après avoir entendu les intéressés ainsi que leurs tuteurs légaux (art. 1350, par. 2, du Code civil). Toute circonstance justifiant ce mariage, dans l’intérêt du mineur et même s’il n’a pas l’âge légal requis, constitue une «raison majeure».

855.Le Code civil n’exige pas expressément comme condition préalable que les futurs époux soient de sexes opposés, cela allant de soi au moment de la rédaction du Code. Il faut toutefois noter que la logique et la portée des dispositions du Code donnent à penser que le mariage entre homosexuels est interdit par la législation grecque.

856.La monogamie est un principe fondamental du cadre juridique de l’institution du mariage. Un mariage ne peut être contracté tant que l’union précédente n’a pas été dissoute ou que son annulation n’a pas été prononcée par décision de justice (art. 1354 du Code civil).

857.Le mariage peut être civil ou religieux (art. 1367, par. 1, du Code civil). Avant les changements apportés par la loi no 1329/1983, pour être valide le mariage devait avoir été célébré religieusement.

858.Le Code civil comprend un ensemble de dispositions qui visent à préserver l’individualité des époux. Par exemple, il est indiqué au paragraphe 1 de l’article 1388 que le mariage n’a pas d’effet sur le nom des époux, chacun pouvant utiliser le nom de son conjoint, sous réserve que dernier y consente (art. 1388, par. 2). Au paragraphe 1 de l’article 1387 est énoncé un principe fondamental, à savoir que les époux décident d’un commun accord de tout ce qui concerne la vie de famille. Il est précisé au paragraphe 2 de l’article 1387 que ces décisions ne devraient ni gêner les activités des époux, qu’elles soient professionnelles ou d’un autre ordre, ni porter atteinte à la personnalité propre de chacun.

859.Des informations détaillées sur le principe de l’égalité des époux figurent dans les rapports périodiques de la Grèce au Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes.

ARTICLE 24: DROITS DE L’ENFANT

860.Les mesures prises par la Grèce s’agissant des droits de l’enfant sont décrites en détail dans le rapport initial de ce pays au Comité des droits de l’enfant.

861.Dans le présent rapport, nous commenterons uniquement la législation récente concernant le droit pénal applicable aux mineurs, la lutte contre la traite des êtres humains, la protection des mineurs dans l’emploi et la nouvelle institution de «Médiateur des enfants».

Réforme de la législation pénale applicable aux mineurs

862.La loi no 3189/2003 a modifié le cadre du droit pénal applicable aux mineurs afin d’harmoniser la législation avec la Convention relative aux droits de l’enfant et, plus globalement, avec les normes internationales. Les modifications les plus importantes apportées par cette loi sont les suivantes:

La définition de l’«enfant» au sens du droit pénal a été établie en tenant compte de la Convention relative aux droits de l’enfant et des observations formulées à ce sujet par le Comité des droits de l’enfant. Plus précisément, la limite d’âge inférieure a été portée de 7 à 8 ans et la limite d’âge supérieure de 17 à 18 ans. Ainsi, les majorités pénale et civile concordent. En outre, on ne fait plus de distinction entre les enfants et les adolescents. Toutefois, la classification de la responsabilité pénale selon l’âge demeure pour les cas où cela a été jugé nécessaire. Les mineurs âgés de plus de 8 ans mais de moins de 13 ans ne sont pas responsables pénalement de leurs actes. Lorsqu’un mineur de moins de 13 ans commet un acte légalement répréhensible, il ne peut faire l’objet que de mesures éducatives et thérapeutiques. Lorsque le mineur a plus de 13 ans, ce sont généralement des mesures du même type qui sont appliquées plutôt qu’une peine de privation de liberté en établissement spécialisé pour la détention de mineurs, qui doit rester une sanction exceptionnelle;

Les tribunaux compétents disposent désormais d’une plus vaste palette de mesures éducatives et thérapeutiques, pour leur permettre de trouver la meilleure prise en charge possible pour le délinquant mineur;

Les cas où la privation de liberté d’un mineur est possible, sous forme de mesures éducatives ou thérapeutiques ou par la détention du mineur dans un établissement spécialisé, ont été limités;

On a remédié à la relative imprécision de la mesure restrictive consistant à placer le mineur dans un centre de détention spécialisé: dans sa décision, le juge compétent fixe précisément la durée d’application de la mesure, comme cela est expliqué dans le présent rapport dans la partie consacrée à l’article 9 du Pacte;

Cet arsenal de mesures qui ne donnent pas lieu à une privation de liberté a été mis en place afin de trouver la meilleure solution possible pour le mineur;

De nouvelles mesures ont vu le jour, comme la possibilité d’effectuer des travaux d’intérêt général, l’indemnisation de la victime, l’intégration du mineur dans une école de formation professionnelle, etc.;

Le rôle du procureur a été renforcé. Au lieu d’engager des poursuites à l’encontre d’un délinquant mineur, il peut désormais ordonner des mesures éducatives ne comportant pas de privation de liberté. La nouvelle loi a également élargi le cercle des personnes autorisées à interjeter appel dans les affaires impliquant un mineur et à introduire un recours quand le tribunal ordonne la détention du mineur dans un établissement spécialisé.

863.Dans son rapport daté du 29 mai 2003, la Commission nationale des droits de l’homme a reconnu que la loi no3189/2003 avait amélioré la législation pénale applicable aux mineurs. Elle a remis au Ministère de la justice une série de recommandations pour la protection de la santé physique et mentale des mineurs. Il y est mis l’accent, entre autres choses, sur la nécessité de prévoir des mesures spécifiques pour la réadaptation et la réinsertion sociale des délinquants mineurs, ainsi qu’une prise en charge psychologique spécialisée. La Commission a également souligné qu’il faudrait éviter de placer ces mineurs en institution.

Protection des mineurs dans l’emploi

864.En 2003, la loi no 3144/2003, intitulée «Dialogue social pour la promotion de l’emploi, la protection sociale et diverses dispositions» a été adoptée. Son article 4, consacré à la protection des mineurs au travail, établit que les personnes de moins de 18 ans ne peuvent être employées à un travail ou une activité néfastes pour leur santé, leur sécurité ou leur moralité, que ce soit en raison de la nature de ce travail ou des conditions dans lesquelles il est exercé. Les emplois visés ont été définis dans une décision du Ministre du travail et de la sécurité sociale en date du 2 juillet 2003, qui prenait en compte les critères particuliers énoncés de façon exhaustive dans la loi (par exemple environnement malsain, travail de nuit ou d’une durée trop longue, travail qui expose le mineur à une exploitation physique, psychologique ou sexuelle ou à des violences, travail requérant l’usage de matériel dangereux ou la manipulation de lourdes charges, travail sous la surface de la terre, sous l’eau ou à des hauteurs dangereuses, etc.). Cette loi prévoit la mise en place, par décision du Ministre du travail et de la sécurité sociale et des autres ministres concernés, de programmes d’action pour la protection des mineurs au travail. Sur décision du Ministre du travail aussi, l’Inspection du travail sera chargée de concevoir des actions spécifiques pour la protection des mineurs, dans les limites de son mandat. Enfin, il a été déterminé que l’employeur qui viole les dispositions de la loi serait passible d’une peine pouvant aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement et d’une amende. Toute personne responsable d’un mineur qui travaillerait dans des conditions incompatibles avec les dispositions de la loi encourt les mêmes sanctions.

Lutte contre la traite des enfants

865.Comme déjà mentionné dans la partie du présent rapport consacrée à l’article 8 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la loi no 3064/2002 relative à la lutte contre la traite des êtres humains, les atteintes à la liberté sexuelle, la pornographie impliquant des enfants et plus généralement l’exploitation de la sexualité à des fins économiques, et à l’aide aux victimes, prévoit des sanctions plus sévères pour toutes les formes modernes de la traite des êtres humains − dont l’exploitation sexuelle à des fins économiques, en particulier lorsque la victime est mineure, et le recrutement de mineurs pour les enrôler dans des conflits armés. Cette loi insiste spécialement sur la protection des mineurs et comprend une disposition expressément destinée à lutter contre le problème de la pornographie impliquant des enfants, qui a pris des proportions inquiétantes avec le développement de l’Internet. De lourdes peines, pouvant aller jusqu’à la prison à perpétuité, sont infligées aux auteurs de tels délits.

866.Le décret présidentiel no 233/2003 portant application de la loi no 3064/2002, sur la protection des victimes et l’aide aux victimes, dispose que les victimes âgées de moins de 18 ans ont accès aux établissements scolaires publics qui sont dotés de classes spéciales d’accueil ou qui proposent des programmes d’éducation interculturelle; celles qui ont entre 18 et 23 ans peuvent être admises dans les programmes de formation de l’OAED, même lorsque l’effectif total prévu dans ces programmes a déjà été atteint.

867.Pour des informations plus détaillées, on se reportera à la partie du présent rapport consacrée à l’article 8 du Pacte.

Le Médiateur des enfants

868.La loi no 3094/2003 a confié au Médiateur la mission de défendre et de promouvoir les droits des enfants. Dans le cadre de la protection des droits des enfants, le Médiateur est compétent pour connaître des cas impliquant des personnes physiques ou morales qui violent ces droits. Le paragraphe 1 de l’article 4 dispose que le Médiateur peut également recevoir des plaintes émanant directement de l’enfant concerné, de la personne ayant l’autorité parentale, d’un parent en ligne directe ou indirecte jusqu’au deuxième degré, du tuteur permanent ou provisoire de l’enfant, ou de toute tierce personne ayant directement connaissance d’une violation des droits de l’enfant concerné. Aux fins de l’application des dispositions de cette loi, est considérée comme enfant toute personne de moins de 18 ans. Pour défendre les droits de l’enfant, le Médiateur peut demander à la personne mise en cause dans la plainte, en motivant dûment sa requête, de lui fournir des documents et des preuves d’autre nature, le caractère confidentiel desdits documents ne pouvant être opposé. Dans ce dernier cas, le Médiateur est tenu néanmoins de protéger la vie privée et professionnelle des particuliers et de ne pas divulguer des informations susceptibles de permettre de les identifier. Lorsqu’un particulier refuse d’apporter les preuves demandées, le Médiateur peut solliciter les administrations, les associations ou les organismes professionnels ainsi que les services du procureur (art. 4, par. 5).

869.Lorsque la plainte met en cause un particulier, le Médiateur prend toutes les mesures nécessaires pour remédier aux problèmes portés à son attention et pour protéger les droits de l’enfant en question. Si, par exemple, les conditions de fonctionnement d’une entité de droit privé portent atteinte aux droits d’un enfant, il peut suggérer à celle‑ci les mesures et actions à entreprendre. L’entité en question doit en retour informer le Médiateur des mesures qu’elle a prises ou qu’elle entend prendre dans les délais qui lui ont été fixés. Le Médiateur peut rendre public tout refus d’accepter ses recommandations s’il estime que ce refus n’est pas dûment justifié (art. 4, par. 7). Les autorités judiciaires ou les services ou organismes publics dont l’intervention est jugée nécessaire pour protéger les droits de l’enfant se voient communiquer un rapport circonstancié par le Médiateur (art. 4, par. 11).

ARTICLE 25: DROIT DE PARTICIPER AUX AFFAIRES PUBLIQUES, DROIT DE VOTE ET ÉGALE ADMISSIBILITÉ AUX FONCTIONS PUBLIQUES

Admissibilité aux fonctions publiques

870.La Constitution grecque garantit l’égale admissibilité aux fonctions publiques en général et une évolution de carrière basée sur les seuls mérites de tout agent public. Ce principe, qui a son origine dans le paragraphe 4 de l’article 4 («Seuls les citoyens hellènes sont admis à toutes les fonctions publiques, sauf dispositions législatives particulières contraires»), est associé au principe général de l’égalité (art. 4, par. 1, de la Constitution) ainsi qu’aux dispositions du paragraphe 1 de l’article 5 de la Constitution (droit de développer librement sa personnalité et de participer à la vie économique, sociale et politique du pays). Il s’applique à tout le secteur public. En vertu de ce principe, le législateur ne peut pas se fonder sur des critères autres que les aptitudes du candidat lorsqu’il fixe les qualifications et les conditions requises pour le recrutement aux emplois de la fonction publique.

871.En ce qui concerne plus particulièrement la procédure de recrutement aux postes vacants dans l’administration publique et le secteur public dans son ensemble, des garanties ont été établies lors de la révision de la Constitution de 2001 afin d’assurer un égal accès à ces postes.

872.À cet égard, il est prévu au paragraphe 7 de l’article 103 de la Constitution que le recrutement des agents de l’administration publique et du secteur public en général (à quelques exceptions près énoncées au paragraphe 5 de cet article, et qui concerne les plus hauts postes hors de la hiérarchie de la fonction publique, les personnes directement nommées à la charge d’ambassadeur, les fonctionnaires de la présidence de la République ainsi que ceux des cabinets du Premier Ministre, des ministres et des secrétaires d’État, dont le recrutement à titre non permanent peut être autorisé par la loi) s’effectue soit par concours, soit par sélection en fonction de critères prédéfinis et objectifs, et fait l’objet d’un contrôle par une autorité indépendante, comme l’exige la loi. Actuellement, cette autorité est le «Conseil supérieur de sélection du personnel», créé par la loi no 2190/1994. En outre, la loi peut prévoir des procédures de sélection spéciales, dont on s’assure qu’elles s’appuient toujours plus sur la transparence et le mérite, ou encore des procédures de sélection de personnels particuliers pour des postes dont la fonction fait l’objet de dispositions constitutionnelles spéciales ou peut être assimilée à une mission (art. 103, par. 7, al. b, de la Constitution).

873.En vertu du paragraphe 4 de l’article 4 de la Constitution, seuls les citoyens hellènes peuvent occuper des postes dans la fonction publique, sauf dispositions contraires spécifiques de la loi.

874.Il convient de noter que la loi no 2431/1996, intitulée «Recrutement de ressortissants de l’Union européenne dans l’administration publique grecque», rend possible ce type de recrutement. Reprenant les différents critères définis dans la jurisprudence de la Cour européenne de justice, elle dispose ainsi que les citoyens des États membres de l’UE peuvent être nommés ou recrutés à des postes ou à des emplois n’impliquant pas l’exercice, directement ou indirectement, de fonctions du ressort de la puissance publique ou mettant en jeu les intérêts généraux de l’État ou d’autres services publics.

875.Les dispositions de la loi no 2431/1996 sont appliquées après détermination, par voie de décret présidentiel, des postes ou des emplois pour lesquels la nomination ou le recrutement de ressortissants de l’UE est possible, ou au contraire exclu. Jusqu’à présent, plus de 30 décrets présidentiels ont été publiés concernant diverses branches du secteur public. À titre exceptionnel, les ressortissants de l’UE peuvent néanmoins se voir refuser l’accès aux postes qui impliquent l’exercice de fonctions du ressort de la puissance publique et aux emplois dans les forces armées et de sécurité, dans la justice, dans la diplomatie, ainsi que dans la plupart des services du Ministère des finances. La raison est que ces postes impliquent des fonctions qui mettent en jeu les intérêts généraux de l’État et qui présupposent l’existence d’un lien de solidarité particulier entre l’État et les employés, ainsi qu’une réciprocité de droits et d’obligations, soit les fondements de la citoyenneté.

Droit de participer à la vie politique

Droit de vote et éligibilité

876.Les citoyens grecs âgés de 18 ans ont le droit de voter.

877.Sont déchues de ce droit les catégories de citoyens ci‑après:

Les personnes bénéficiant d’une assistance judiciaire, selon les dispositions du Code civil grec;

Les personnes irrévocablement condamnées pour avoir commis certaines infractions prévues dans le Code pénal et le Code pénal militaire, pour la durée prévue de la période de déchéance.

878.Toute personne peut être élue au Parlement dès lors qu’elle a la citoyenneté grecque, qu’elle jouit de son droit de vote et qu’elle a 25 ans révolus le jour de l’élection (art. 55 de la Constitution).

879.En ce qui concerne les élections municipales et préfectorales, tout citoyen âgé de 21 ans révolus le jour de l’élection et qui jouit du droit de vote peut être élu maire, président de la commune, conseiller municipal ou conseiller communal (art. 46 du décret présidentiel no410/1995).

880.Tout citoyen résidant dans une municipalité ou une commune d’une préfecture donnée et âgé de 23 ans révolus le jour de l’élection peut être élu préfet ou membre du conseil préfectoral (art. 20, par. 3, du décret présidentiel no 30/1996).

881.Les députés sont élus au suffrage direct, universel et secret par les citoyens ayant le droit de vote. Ils sont élus pour quatre ans à compter du jour des élections générales (art. 51, par. 3, et art. 53, par. 1, de la Constitution).

Incompatibilité des fonctions

882.Les articles 56 et 57 de la Constitution, telle que modifiée en 2001, énoncent en détail les règles d’incompatibilité entre la charge de parlementaire et certaines fonctions et précisent les catégories de personnes qui ne peuvent pas se présenter aux élections ni être élues si elles n’ont pas renoncé, au préalable, auxdites fonctions.

Rôle des partis politiques

883.L’article 29 de la Constitution garantit le droit de fonder un parti politique ou d’y adhérer librement; l’organisation et l’activité de ces partis doivent concourir au libre fonctionnement du régime démocratique. Au paragraphe 2 de cet article, il est indiqué que les partis politiques sont autorisés à recevoir un soutien financier de la part de l’État pour leurs dépenses électorales et pour leurs frais de fonctionnement, ainsi qu’en dispose la loi, qui fixe, en outre, les conditions à respecter pour assurer la transparence des dépenses électorales et de la gestion financière en général des partis politiques, des députés, des candidats à la députation et des candidats à des élections locales à tous les niveaux. La loi fixera la limite maximale pour les dépenses électorales, pourra interdire certains types de publicité préélectorale et, en cas de violation de ces dispositions, précisera à quelles conditions l’organe spécial dont il est fait mention ci‑après pourra prendre l’initiative de démettre un député de son mandat parlementaire. Les dépenses électorales des partis politiques et des candidats à la députation sont contrôlées, comme le prévoit la loi, par un organe spécialement créé à cet effet et auquel participent aussi de hauts fonctionnaires de justice. Ces dispositions réglementaires peuvent également être étendues par la loi aux candidats à d’autres mandats électoraux.

884.Concrètement, c’est la loi no 3023/2002 qui limite les dépenses électorales et réglemente la publicité électorale des partis politiques et des candidats. Le non‑respect de ces dispositions ou le dépassement des limites imposées peut conduire à démettre un député de son mandat parlementaire ou à supprimer l’aide financière accordée par l’État aux partis politiques.

885.En outre, le législateur doit garantir aux partis politiques un accès aux médias pendant la période préélectorale, comme indiqué cela est évoqué dans la partie du présent rapport consacrée à l’article 19 du Pacte.

Système électoral

886.Selon l’article 54 de la Constitution, le système électoral et les circonscriptions électorales sont fixés par la loi, qui s’applique à compter des élections qui suivent immédiatement celles à venir, sauf disposition contraire explicite adoptée par la majorité des deux tiers des députés stipulant son application immédiate à partir des prochaines élections.

887.La législation électorale en vigueur instaure un système de représentation proportionnelle «renforcée» et fixe le seuil d’éligibilité à 3 % au niveau national, afin d’assurer une majorité parlementaire stable.

Institutions de démocratie directe

888.Les composantes constitutives de la démocratie directe sont énoncées au paragraphe 2 de l’article 44 de la Constitution, qui prévoit l’institution du référendum. Pour des informations plus détaillées, on se reportera à la partie du présent rapport consacrée à l’article premier du Pacte.

Droit de vote et éligibilité des ressortissants de l’UE résidant en Grèce

889.Les ressortissants de l’UE résidant en Grèce ont le droit de vote et sont éligibles aux élections municipales et préfectorales, ainsi qu’à l’élection des députés européens.

890.Le Ministère des affaires intérieures, de l’administration publique et de la décentralisation a réussi, grâce à une campagne d’information, à accroître le nombre de ressortissants européens inscrits sur les listes électorales spéciales. Plus précisément 2 948 ressortissants européens étaient inscrits sur les listes électorales pour les élections municipales de 2002, contre 1 474 pour celles de 1998.

Participation des femmes aux organes de décision

891.S’agissant des droits politiques, la loi no 2910/2001 a ajouté un nouveau paragraphe (par. 3) à l’article 54 du décret présidentiel no 410/1995 sur le Code des municipalités et des communes, en vertu duquel «le nombre de candidats de chaque sexe au mandat de conseiller doit être égal à un tiers au moins du nombre total de candidats sur chaque liste». Une disposition analogue a été ajoutée au décret présidentiel no 30/1996 sur le Code de la circonscription préfectorale.

892.Dans un arrêt de 2003 qui a fait date, le Conseil d’État a estimé que cette disposition de la loi no 2910/2001 était conforme à la Constitution, en particulier au principe de souveraineté populaire, au caractère universel du vote, au principe de l’égalité en matière de concurrence électorale, ainsi qu’au principe consacrant l’expression libre et infalsifiable de la volonté populaire. Le Conseil d’État a pris sa décision après avoir constaté que les femmes étaient sous‑représentées dans la vie politique du pays et compte tenu du caractère provisoire, pertinent et nécessaire d’un tel quota, à la lumière du paragraphe 2 de l’article 116, tel que révisé, de la Constitution. Comme ce dernier, en réalité, ne précise pas les domaines dans lesquels des mesures positives en faveur des femmes doivent être prises, il n’exclut pas par conséquent celui des droits politiques. Le Conseil d’État a aussi pris en compte le fait que ce quota n’avait pas pour objet d’assurer l’élection d’un nombre équivalent d’hommes et de femmes, mais uniquement de corriger la sous‑représentation d’un des sexes sur les listes électorales.

893.Aux élections municipales d’octobre 2002, grâce à cette disposition, la proportion de femmes élues a été plus importante, comme le montrent les données ci‑après:

Femmes élues à la fonction de conseiller municipal

1998:7,11 %

2002:12 %

Femmes élues à la fonction de conseiller préfectoral

1998:10,8 %

2002:18 %

Femmes élues à la fonction de maire

1998:1,45 %

2002:2,1 %

Femmes élues à la fonction de préfet

1998:3,5 %

2002:1,7 %

894.Il faut noter que le Secrétariat général pour l’égalité des sexes avait mené dans tout le pays une campagne d’information sur la nécessité d’accroître le nombre de candidates aux élections et sur les chances accrues qu’elles avaient d’être élues.

ARTICLE 27: DROITS DES PERSONNES APPARTENANT À DES MINORITÉS

895.La seule minorité officiellement reconnue en Grèce est la minorité musulmane de Thrace. Toutefois, la population est de plus en plus sensibilisée à la situation d’autres «groupes vulnérables» dans la société grecque, tels que les Roms, les travailleurs migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile, comme expliqué dans les parties pertinentes du présent rapport, en particulier celles consacrées aux articles 2 et 26 du Pacte. À cet égard, il convient de remarquer que les autorités grecques attachent une grande importance à la défense des droits de l’homme des personnes appartenant à ces groupes.

896.En ce qui concerne la protection assurée aux personnes appartenant à des groupes religieux autres que ceux d’obédience grecque orthodoxe, on se reportera à la partie du présent rapport consacrée à l’article 18 du Pacte.

897.Ces dernières années, la politique grecque à l’égard de la minorité musulmane a essentiellement été guidée par la modération et le consensus. Cela vaut particulièrement depuis 1991, année où le Gouvernement a solennellement décrété que les musulmans de Thrace seraient traités selon les principes de l’«isonomie», c’est‑à‑dire de l’égalité devant la loi, et de l’«isopolitie», c’est‑à‑dire de l’égalité en matière de droits civils.

898.On estime la minorité musulmane de Thrace à 100 000 personnes dans une région qui compte au total 362 000 habitants, soit 29 % de la population locale et 0,92 % de la population totale du pays (10 620 000 millions d’individus).

899.Cette minorité est composée de trois groupes de population: musulmans d’origine turque (50 %), Pomaks – population autochtone qui parle un dialecte slave et a épousé l’islam durant le régime ottoman – (35 %), et Roms (15 %). Chacun de ces groupes a sa propre langue et ses propres traditions. Ils ont néanmoins en commun leur religion (l’islam), raison essentielle pour laquelle la minorité dans son ensemble a été qualifiée de «musulmane» dans le Traité de Lausanne du 24 juillet 1923, qui constitue le fondement juridique de la protection de cette minorité.

900.Plus précisément, le Traité de paix de Lausanne du 24 juillet 1923 comporte des dispositions sur la protection des minorités non musulmanes en Turquie et plus particulièrement des Grecs orthodoxes de Constantinople, qui étaient explicitement exclus de l’échange obligatoire de populations entre la Grèce et la Turquie décidé en 1923 (Accord de Lausanne du 30 janvier 1923). Cette protection a été étendue par l’article 45 du Traité, sur la base de la réciprocité, à la minorité musulmane de Thrace, qui avait également été exclue de l’échange de populations entre les deux pays.

901.Il paraît utile de faire ici quelques observations sur la question de l’autodétermination des personnes appartenant à la minorité musulmane de Thrace, sujet qui préoccupe certaines ONG.

902.L’État grec ne refuse pas d’appliquer le principe d’autodétermination aux personnes appartenant à la minorité musulmane de Thrace. En fait, tout membre de cette communauté est libre de faire état de son origine (turque, pomak ou rom), de parler et d’apprendre sa propre langue, de pratiquer sa propre religion et de conserver ses coutumes et ses traditions.

903.Mais vouloir considérer la minorité musulmane de Thrace dans son ensemble comme «turque», sans tenir compte de l’existence de deux autres groupes distincts au sein de cette minorité, est injustifiable aux yeux du Gouvernement et va à l’encontre de l’esprit et de l’objet de l’article 27 du Pacte ainsi que de la Convention‑cadre pour la protection des minorités nationales du Conseil de l’Europe, qui s’érige contre l’assimilation à d’autres groupes de tous les membres de groupes minoritaires dans un État donné, sous prétexte qu’ils sont moins nombreux. Le Gouvernement grec fait tout ce qui est en son pouvoir pour préserver et promouvoir l’identité de la minorité musulmane de Thrace et les particularités des personnes qui la composent. Ces efforts sont décrits ci‑après.

904.Il convient de noter à cet égard que, selon la jurisprudence récente de l’Areios Pagos, la question de la dissolution d’un syndicat ou d’une association, y compris ceux créés par les membres d’une minorité, doit être examinée avec attention par les tribunaux nationaux selon des règles strictes. Ainsi, il faut que toute ingérence dans l’exercice de ce droit au sein d’une société démocratique soit indispensable et motivée par un besoin social impérieux visant à préserver la sûreté du pays ou la sécurité de la population, ou à empêcher des troubles à l’ordre public. Pour plus de détails, on se reportera à la partie du présent rapport consacrée à l’article 22 du Pacte.

905.En 1998, l’article 19 du Code de la citoyenneté de 1955 a été abrogé (par l’article 9, paragraphe 14, de la loi no 2623/1998). L’application de cet article, qui permettait de retirer leur nationalité grecque aux personnes d’origine non grecque ayant quitté le pays sans intention d’y revenir, avait créé bien des problèmes par le passé. La majorité de ces personnes sont déjà des ressortissants d’un autre pays et résident hors du territoire grec. Il n’existe qu’un très petit nombre d’apatrides – environ 140 – en Grèce et ces personnes peuvent recouvrer leur nationalité grecque par naturalisation. Soixante‑trois de ces personnes ont été ainsi naturalisées et ont recouvré la nationalité grecque.

Participation de la minorité à la vie politique grecque

906.Les membres de la minorité musulmane prennent activement part à la vie politique de la Grèce et bon nombre d’entre eux sont affiliés à des partis politiques. Lors des élections législatives, tous les partis politiques comptent des candidats musulmans sur leurs listes. Dans presque tous les parlements qui se sont succédé depuis 1927, il y a eu des députés musulmans (généralement deux). Lors des élections de 1996, presque tous les partis politiques grecs étaient représentés par des candidats musulmans dans les préfectures de Xanthi et de Rhodope où résident les membres de la minorité musulmane. Dans la préfecture de Xanthi, plus précisément, il y avait sept candidats musulmans appartenant à sept partis politiques, et dans celle de Rhodope il y en avait sept également, de quatre partis politiques. Le parti au pouvoir (PASOK) comme le principal parti d’opposition (Nouvelle démocratie) étaient représentés chacun par deux candidats chrétiens et un candidat musulman dans la préfecture de Rhodope. Finalement, trois candidats musulmans ont été élus, soit un pour chacun des trois principaux partis politiques. Aux élections législatives d’avril 2000, deux députés musulmans ont été élus. Aux dernières élections parlementaires du 7 mars 2004, un député musulman a été élu.

907.Dans les collectivités majoritairement chrétiennes, il n’est pas rare de trouver de nombreux musulmans élus parmi les conseillers municipaux et dans les municipalités majoritairement musulmanes le maire est musulman. Des musulmans ont été également élus conseillers préfectoraux dans les circonscriptions de Xanthi et de Rhodope.

908.La loi électorale grecque fixe à 3 % le seuil d’éligibilité à l’échelle nationale, afin d’assurer une majorité parlementaire stable; elle est neutre en ce sens qu’elle s’applique à tous les partis politiques. Le seuil de 3 % est modeste si on le compare à celui qui est fixé par les lois électorales d’autres démocraties européennes et ne fait pas obstacle au plein exercice par la minorité musulmane de ses droits politiques. La loi a été contestée devant la Commission européenne des droits de l’homme (affaire no 25758/1984, Ahmed Sadik c. Grèce ) qui a estimé que le seuil de 3 % n’était pas contraire à l’article 3 du Protocole no 1 à la Convention européenne (droit à des élections libres) et déclaré la requête manifestement dénuée de fondement.

909.Les résultats des élections législatives d’avril 2000 et ceux des élections locales antérieures prouvent qu’en Thrace les préjugés hérités du passé ont disparu. Aux élections législatives, des candidats chrétiens ont été élus dans les districts à majorité musulmane. Comme déjà signalé, des communes à population mixte ont élu des maires musulmans, ce qui permet une meilleure représentation des intérêts de la population musulmane comme de la population chrétienne au Parlement ou dans les instances locales, sans que les différences religieuses interviennent.

Liberté religieuse des membres de la minorité musulmane de Thrace

910.Les autorités grecques accordent une grande importance au respect et à la promotion de la liberté religieuse des membres de la minorité musulmane de Thrace. Les musulmans de Thrace professent et pratiquent librement leur religion, en plein accord avec leurs traditions. Dans cette région, on compte près de 400 lieux de culte musulmans et 440 personnes appartenant aux instances religieuses musulmanes. De nouveaux permis de construire sont régulièrement accordés (7 l’ont été en 2002). Il existe plus de 250 cimetières musulmans en Thrace. Les chefs religieux de la communauté musulmane sont les muftis qui, conformément à la pratique de l’islam, jouent également un rôle d’ordre juridique et administratif dans les affaires personnelles et familiales de la minorité, par exemple en matière de mariage, de divorce, de retraite, d’émancipation des mineurs, d’héritage, etc.

911.Il convient d’observer que les membres de la minorité musulmane ont le choix de recourir à la charia ou au Code civil grec dans les affaires de famille ou d’héritage. Ils sont totalement libres de s’adresser aux muftis ou aux tribunaux civils locaux. Lorsqu’elle est choisie, la charia s’applique pour autant que ses règles n’entrent pas en conflit avec les valeurs fondamentales de la société grecque ni avec l’ordre juridique ou constitutionnel grec. Afin de concilier la loi islamique avec l’ordre public grec et avec les obligations internationales de la Grèce, notamment dans le domaine de l’égalité entre les sexes, le paragraphe 3 de l’article 5 de la loi no 1920/1991 dispose que les tribunaux n’exécuteront pas les décisions des muftis qui seraient contraires à la Constitution. Il n’existe d’ailleurs que des dérogations mineures au droit civil: des concepts tels que la polygamie, le mariage à un âge inférieur à l’âge légal, le mariage par procuration, par exemple, sont interdits, en vertu même de ce principe et toute pratique contraire aux valeurs fondamentales peut être contestée au nom de ce principe.

912.Les muftis nommés par les autorités grecques depuis 1923 l’ont été essentiellement en raison de leurs compétences juridiques. La reconnaissance et l’exercice de ces compétences requièrent cependant la mise en place de garde‑fous supplémentaires de la part de l’État. La nomination des muftis s’effectue selon une procédure transparente, au cours de laquelle les membres éminents de la minorité sont consultés. Les candidats doivent posséder une solide formation islamique. La loi no 1920/1991 définit les modalités de nomination des muftis, leur statut ainsi que leurs obligations et les conditions d’exercice de leurs fonctions. En vertu de cette loi, c’est le préfet qui engage la procédure de sélection des candidats, qui sont présentés par les membres éminents (théologiens) de la minorité. Le mufti choisi est nommé par décret présidentiel, sur recommandation du Ministre de l’éducation et des affaires religieuses. En 1990, pour la première fois, on a exigé des candidats qu’ils possèdent un diplôme universitaire en théologie islamique. Notons qu’entre 1923 et 1990, les muftis étaient nommés par le préfet exclusivement et que cela n’a jamais donné lieu à des protestations ou à des contestations de la part de quiconque.

913.Il convient de remarquer que, selon le Conseil d’État, la nomination des muftis selon la procédure fixée par la loi no 1920/1991 n’est pas incompatible avec les engagements internationaux de la Grèce.

914.Ces dernières années, des membres de la minorité ont contesté la procédure de nomination des muftis dans le cadre de cette loi et ont réclamé qu’ils soient plutôt élus. Plus précisément, un petit nombre de personnes fréquentant trois ou quatre mosquées à Komotini (préfecture de Rhodope) et d’autres aussi à Xanthi ont «élu» leurs propres «muftis» par acclamation, bien que des muftis aient déjà été légitimement nommés dans ces districts.

915.La Cour européenne des droits de l’homme a jugé à deux reprises que, dans ces affaires aux circonstances particulières, la Grèce avait violé l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui protège la liberté religieuse, en condamnant les requérants pour usurpation de fonctions. Dans un de ses jugements, la Cour européenne des droits de l’homme a estimé que «le fait de punir une personne au simple motif qu’elle a agi comme chef religieux d’un groupe qui la suit volontairement ne peut guère passer pour compatible avec les exigences du pluralisme religieux dans une société démocratique». En outre, elle a jugé que, dans ces circonstances précises, il n’avait pas été prouvé que la condamnation du requérant se justifiait par un «besoin social impérieux». De même, la Cour a estimé qu’il pouvait être soutenu «qu’il était dans l’intérêt public que l’État prît des mesures spéciales afin de protéger du dol ceux dont les rapports juridiques pouvaient être affectés par les actes de ministres religieux». Il convient toutefois de souligner que, dans aucun des deux cas, la Cour ne s’est prononcée sur les compétences générales des muftis ni sur l’éventuelle conformité de la législation grecque régissant leur nomination avec la Convention européenne des droits de l’homme.

Droit des membres de la minorité musulmane à l’éducation

916.L’éducation des enfants musulmans est un domaine hautement prioritaire. L’État grec alloue tous les ans des sommes très importantes aux écoles des minorités. Le Gouvernement a inscrit à son budget pour la période 2000‑2006 la somme totale de 1 760 000 euros pour des travaux d’entretien et d’amélioration des infrastructures. En outre, il a budgété une somme de 14 670 000 euros au titre des programmes éducatifs ainsi qu’une dotation de 6 162 000 euros destinée à la formation complémentaire.

917.L’éducation de la minorité musulmane de Thrace a pour objectif le développement physique, intellectuel et moral des élèves conformément aux principes régissant le système d’enseignement public. Cette politique s’inscrit dans la politique nationale globale pour l’intégration sociale et économique des Grecs musulmans dans la société contemporaine grecque.

918.L’éducation des Grecs musulmans est capitale dans la mesure où l’on y applique les principes de l’«isonomie» et de l’«isopolitie», tout en luttant contre l’exclusion de l’éducation, qui constitue la pire forme d’exclusion sociale.

919.Niveau préscolaire: Il existe aujourd’hui 185 écoles maternelles en Thrace, dont 28 ont été mises en place dans les villages de la minorité, à la demande des habitants qui voulaient que leurs enfants acquièrent une bonne connaissance de la langue grecque et qu’ils aient une solide formation.

920.Enseignement primaire: Il existe depuis 1922 des écoles primaires spéciales, où la moitié du programme éducatif est adapté aux besoins linguistiques, culturels et religieux particuliers de la minorité musulmane. On compte aujourd’hui 215 écoles primaires destinées à la minorité en Thrace. L’enseignement y est dispensé en grec et en turc, conformément aux dispositions de la partie V du Traité de Lausanne de 1923 relatives à la protection des minorités. Il comporte un programme complet de langues turque et grecque; les mathématiques, l’éducation religieuse et la physique sont enseignées en turc, la géographie et l’histoire en grec et le Coran en arabe conformément à la tradition musulmane. De plus, les élèves appartenant à la minorité apprennent une langue étrangère, c’est‑à‑dire une langue autre que le grec et le turc, après la classe de troisième niveau du primaire. Ces écoles emploient 407 enseignants musulmans. La grande majorité d’entre eux (308) est diplômée de la faculté spéciale de pédagogie de Thessalonique. En outre, 91 enseignants musulmans de nationalité grecque sont diplômés d’universités turques, 7 autres sont diplômés d’autres universités étrangères et on compte 16 enseignants turcs envoyés par la Turquie dans le cadre d’un échange de professeurs entre les deux pays.

921.Enseignement secondaire: Bien qu’il n’y ait aucune disposition particulière sur l’enseignement secondaire dans le Traité de Lausanne, il existe quatre établissements privés d’enseignement secondaire (deux collèges et deux lycées), et deux écoles coraniques (medrese), dans les villes de Xanthi et de Komotini, respectivement capitales des préfectures de Xanthi et de Rhodope, où se concentre essentiellement la minorité musulmane. Ces écoles occupent des locaux mis à leur disposition par l’État grec. En 2003, l’État a financé la construction d’une nouvelle aile du lycée de Komitini. Dans ces établissements, l’enseignement est dispensé en grec et en turc. Il est assuré par 23 enseignants musulmans de nationalité grecque diplômés d’universités turques et par 7 professeurs turcs (en vertu des accords bilatéraux passés entre les deux pays). Le Gouvernement, en coopération avec la Commission européenne, met des programmes multiculturels à la disposition des enfants dont la langue maternelle n’est pas le grec.

922.Il convient de mentionner aussi que, dans les zones montagneuses reculées de Xanthi où résident les Pomaks, l’État a créé des écoles secondaires (collèges) de langue grecque, dont il finance le fonctionnement et où sont dispensés un enseignement religieux en turc et l’enseignement du Coran en arabe. De plus, l’État subventionne le transport des élèves dont l’éloignement rendrait le coût du déplacement prohibitif. Pour l’année scolaire 1997/98, 176 000 euros ont été consacrés au transport (aller et retour) des élèves au lycée de Glafki et aux collèges de Sminthi, Echinos, Glafki et Thermae dans la préfecture de Xanthi.

923.Pour l’année scolaire 2002/2003, ce sont 156 000 euros qui ont été consacrés au transport des élèves des établissements secondaires des minorités (lycée des minorités de Xanthi et école coranique d’Echinos) situés dans la préfecture de Xanthi.

924.Un autre progrès a été fait dans le secteur de l’éducation de la minorité, avec l’adoption de la loi no 2621/1998 qui donne aux deux écoles coraniques de Komotini et d’Echinos, dans la préfecture de Xanthi, l’équivalence avec les lycées d’enseignement religieux du pays.

925.De plus, tous les manuels scolaires envoyés par la Turquie ont été distribués, conformément au Protocole culturel de 1968 sur l’échange de manuels scolaires entre la Grèce et la Turquie. Cet échange de livres doit être vu comme une avancée supplémentaire, car par le passé les manuels envoyés par la Turquie étaient globalement considérés comme impropres à répondre aux besoins éducatifs de la minorité.

926.Le Gouvernement se soucie aussi particulièrement d’améliorer l’enseignement de la langue grecque. Deux programmes d’enseignement financés par l’Union européenne ont été appliqués avec succès.

927.Le premier, dit «Programme d’éducation des enfants musulmans», a été conçu par le Secrétariat spécial à l’éducation des Grecs de l’étranger et à l’enseignement interculturel du Ministère de l’éducation, en collaboration avec l’Université capodistrienne nationale d’Athènes. Il a pour objectif de publier des manuels pour l’enseignement du grec aux élèves dont ce n’est pas la langue maternelle, d’élaborer des programmes d’enseignement spéciaux et de former des enseignants chrétiens et musulmans à l’enseignement du grec en tant que seconde langue ainsi qu’aux méthodes didactiques et pédagogiques modernes qui font appel aux nouvelles technologies. Le programme bénéficie d’un financement de 3,5 millions d’euros de l’Union européenne.

928.Le second, dit «Programme d’appui à l’éducation interculturelle de groupes d’élèves en Thrace», conçu par la Fondation nationale pour la jeunesse et financé par l’Union européenne, pour un montant de 1 715 000 euros, est déjà achevé. Il visait à faciliter l’adaptation des élèves au système d’enseignement grec et à apporter aux élèves un soutien scolaire gratuit afin d’alléger le coût de l’éducation pour les familles.

929.Un autre programme, exécuté avec succès, avait pour objectif d’apporter un soutien aux élèves musulmans de l’enseignement secondaire, en particulier à ceux de la première année de collège et à ceux qui avaient échoué aux examens.

930.Enseignement supérieur: Pour ce qui est de l’entrée dans l’enseignement supérieur, la loi grecque prévoit un quota spécial d’admission de 0,5 % pour les étudiants appartenant aux minorités. Lorsque la nouvelle loi est entrée en vigueur, en 1996‑1997, 70 étudiants issus de la minorité ont été admis dans les établissements d’enseignement supérieur, sur 84 candidats. En 1997‑1998, ce nombre est passé à 114, en 1998‑1999 il a été de 112, et en 1999‑2000 de 77 sur 410 places disponibles au total. L’évolution de ces chiffres depuis la mise en place du quota spécial est spectaculaire. Auparavant, les universités grecques ne comptaient quasiment aucun étudiant musulman.

931.Le Ministère de l’éducation a également entrepris d’intégrer dans le système d’enseignement universitaire la faculté spéciale de pédagogie de Thessalonique, dont sont diplômés les enseignants des écoles de la minorité. À cette fin, il est envisagé un décret présidentiel qui porterait création d’un département de pédagogie et de théologie musulmanes à l’Université Aristote de Thessalonique. Afin d’améliorer la qualité et la continuité de l’enseignement dans les écoles de la minorité, la loi exige que les enseignants nommés dans de ces écoles aient un niveau de qualifications élevé − formation pédagogique, diplômes et connaissance de langues étrangères et d’autres cultures, civilisations et pratiques religieuses. La loi introduit aussi l’enseignement de l’anglais dès le niveau primaire. De plus, elle prévoit des incitations financières et des avantages sociaux pour ceux qui choisissent d’enseigner dans les écoles destinées aux minorités.

932.De plus amples détails sur le droit à l’éducation des membres de la minorité musulmane de Thrace figurent dans le rapport initial de la Grèce au Comité des droits économiques, sociaux et culturels.

Emploi

933.Un grand nombre de membres de la minorité travaillent dans le secteur public, en tant que contractuels ou fonctionnaires. Ceux qui ont les qualifications requises peuvent se présenter aux concours organisés par le «Conseil supérieur de sélection du personnel» en vue de pourvoir les postes de la fonction publique. Aujourd’hui, environ 400 musulmans sont employés en Thrace comme fonctionnaires de l’administration régionale, en tant qu’enseignants, pompiers, employés des services vétérinaires, membres du corps spécial des gardes frontière, surveillants ou employés dans les banques d’État. Des musulmans occupent également des emplois saisonniers dans le secteur public, par exemple pour le compte des Autorités forestières de Xanthi et de Stavroupoli. Certains membres éminents de la minorité sont avocats, hommes d’affaires, médecins ou pharmaciens.

Médias

934.La radio d’État diffuse tous les matins un programme en turc, avec des bulletins d’information et de la musique, ainsi qu’un programme spécial le samedi matin. La radio privée de la minorité est totalement libre. La minorité dispose de sept stations de radio privées en Thrace, qui émettent des émissions 24 heures sur 24 et presque exclusivement en turc.

Développement

935.L’État se préoccupe particulièrement du développement et des infrastructures. C’est dans ce cadre que des lois spéciales visant à attirer davantage d’investissements dans la région de Thrace ont été adoptées. Des chantiers d’envergure sont en cours dans la région de Macédoine‑Thrace orientale. Certains sont financés par l’État, comme le Programme spécial pour le développement des collectivités locales, et d’autres (PEP, LEADER II et INTERREG), dits programmes régionaux, bénéficient de financements de l’Union européenne. Il peut s’agir de travaux de mise en valeur des forêts et des terres, d’amélioration des infrastructures aéroportuaires, d’irrigation, d’aménagements pour le tourisme écologique ou agricole, ou pour la protection de l’environnement, par exemple. Une nouvelle route, la Via Egnatia, actuellement en construction, devrait également jouer un rôle moteur dans le développement de la Thrace, en reliant son port d’Alexandroupolis à celui d’Igoumenitsa sur la mer Ionienne, qui offre un débouché sur l’Europe de l’Ouest. Ce projet autoroutier est l’un des plus ambitieux et des plus importants entrepris au niveau européen.

Position des mécanismes internationaux de surveillance

936.De nombreux mécanismes internationaux, qui suivent attentivement comment évolue la protection des minorités, ont salué les efforts faits par les autorités grecques pour protéger et promouvoir les droits des personnes appartenant à la minorité musulmane de Thrace. Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, dans ses conclusions du 27 avril 2001, s’est félicité des mesures prises par la Grèce pour promouvoir une égalité réelle entre les individus, tout spécialement dès lors qu’il s’agit de la minorité de Thrace. Des avancées ont également été saluées par le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe dans son rapport sur sa visite en Grèce en juin 2002.

937.En septembre 2000, au cours du débat portant sur le rapport préliminaire du Comité des affaires juridiques de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, un des deux Rapporteurs a fait valoir que le Gouvernement grec avait la volonté politique d’améliorer considérablement les conditions de vie de la minorité musulmane de Thrace, et qu’il s’y employait déjà. S’agissant des muftis, ce rapporteur a indiqué que la demande consistant à autoriser leur élection était exagérée et sortait du cadre de la pratique usuelle, dans la mesure où dans aucune autre religion les autorités religieuses ne sont élues; il a ajouté que le Gouvernement grec reconnaissait déjà aux muftis d’importantes fonctions administratives et judiciaires, concluant qu’on avait fait le tour de la question et qu’en conséquence toute autre mission d’enquête en Thrace était inutile.

938.Les Rapporteurs ont confirmé que, comme l’a toujours fait valoir la Grèce, la minorité musulmane de Thrace est composée de trois groupes différents. Ils ont observé que, grâce à la sagesse et à la compétence des autorités régionales et locales, il n’y avait eu aucun cas de violence à l’encontre de la minorité et ils ont rappelé que celle‑ci avait ses représentants au Parlement. En ce qui concerne l’éducation, ils ont souligné que les quotas d’admission aux universités grecques pour les étudiants d’origine musulmane constituaient l’une des mesures les plus positives et les plus innovantes prises par l’État grec, saluant ainsi les avancées importantes réalisées en la matière.

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