Nations Unies

CRPD/C/PAN/CO/1

Convention relative aux droits des personnes handicapées

Distr. générale

29 septembre 2017

Français

Original : espagnol

Comité des droits des personnes handicapées

Observations finales concernant le rapport initialdu Panama *

I.Introduction

1.Le Comité a examiné le rapport initial du Panama (CRPD/C/PAN/1) à ses 336e et 337e séances, les 15 et 16 août 2017. Il a adopté les observations finales ci-après à sa 350e séance, le 24 août 2017.

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de l’État partie et remercie ce dernier des réponses écrites (CRPD/C/PAN/Q/1/Add.1) apportées à la liste de points établie par le Comité (CRPD/C/PAN/Q/1).

3.Le Comité se félicite du dialogue constructif engagé avec la délégation de l’État partie.

II.Aspects positifs

4.Le Comité félicite l’État partie d’avoir signé, le 30 mars 2007, la Convention relative aux droits des personnes handicapées et le Protocole facultatif d’y rapportant, ultérieurement ratifiés en application de la loi no 25 du 10 juillet 2007.

5.Le Comité prend note avec satisfaction de la ratification, le 10 février 2017, du Traité de Marrakech visant à faciliter l’accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d’autres difficultés de lecture des textes imprimés aux œuvres publiées.

III.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

A.Principes généraux et obligations générales (art. 1er à 4)

6.Le Comité constate avec préoccupation que l’approche médicale reste la norme dans l’État partie et que la législation, les politiques et les programmes publics ne sont pas conformes à l’approche du handicap axée sur les droits de l’homme, consacrée par la Convention.

7. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des dispositions pour réexaminer, abroger ou modifier les lois et politiques en vigueur, et en adopter de nouvelles, afin de reconnaître les personnes handicapées comme pleins sujets de droits de l ’ homme, conformément à la Convention.

8.Le Comité constate que les critères utilisés pour évaluer le handicap ne sont ni harmonisés, ni conformes aux principes de la Convention, puisqu’ils se fondent sur le handicap sans prendre en considération les obstacles auxquels se heurtent les personnes handicapées.

9. Le Comité recommande à l ’ État partie de revoir les critères d ’ évaluation et de reconnaissance du handicap et de veiller à ce qu ’ ils reposent sur une ap p roche axée sur les droits de l ’ homme des personnes handicapées.

10.Le Comité note avec préoccupation que la consultation des personnes handicapées n’est pas une étape obligatoire dans le cadre de l’adoption des politiques et des programmes concernant ces personnes.

11. Le Comité recommande à l ’ État partie de mettre en place le mécanisme de c oordination prévu par la loi n o 15 de 2016 et de garantir la consultation régulière des personnes handicapées, y compris des enfants, dans les zones rurales et urbaines et les régions autochtones, par l ’ intermédiaire des organisations qui les représentent, aux fins de l ’ adoption de lois et politiques, et sur d ’ autres questions les intéressant.

12.Le Comité s’inquiète du manque de ressources financières, matérielles et humaines disponibles aux fins de la mise en œuvre du Plan stratégique national.

13. Le Comité recom mande à l ’ État partie d ’ allouer des ressources financières, matérielles et humaines suffisantes à la mise en œuvre du Plan stratégique national .

B.Droits particuliers (art. 5 à 30)

Égalité et non-discrimination (art. 5)

14.Le Comité note que la loi no 42 de 1999 traite de la discrimination fondée sur le handicap, mais il constate avec inquiétude qu’elle ne fait aucune mention du refus d’aménagement raisonnable comme forme de discrimination à l’égard des personnes handicapées. Il relève également avec préoccupation qu’il n’existe pas de politique de lutte contre la discrimination multiple et croisée, en particulier à l’égard des femmes handicapées et des personnes handicapées autochtones et d’ascendance africaine.

15. Le Comité recommande à l ’ État partie de reconnaître dans sa législation que le refus d ’ aménagement raisonnable constitue une forme de discrimination fondée sur le handicap dans tous les domaines de la participation, et de le réprimer. Il lui recommande en outre d ’ introduire dans sa législation les formes de discrimination mu ltiples e t croisées .

Femmes handicapées (art. 6)

16.Le Comité constate avec préoccupation qu’il n’existe pas de plan pour l’égalité des chances des hommes et des femmes, que les politiques publiques en matière de handicap ne mentionnent pas expressément les femmes et les filles, et qu’il n’existe ni politique, ni stratégie de prévention et de répression de la violence à l’égard des femmes et des filles handicapées, notamment des femmes et des filles handicapées autochtones et d’ascendance africaine.

17. Le Comité recommande à l ’ État partie, en concertation avec les organisations de femmes et de filles handicapées, et en gardant à l ’ esp rit son observation générale n o 3 (2016) sur les femmes et les filles handicapées :

a) De tenir compte des femmes handicapées dans les plans et stratégies du Secrétariat national des personnes handicapées ;

b) De réviser les politiques sur le handicap de sorte qu ’ elles tiennent compte de la question du genre ;

c) De réviser les politiques de lutte contre la violence à l ’ égard des femmes de sorte qu ’ elles tiennent compte de la question du handicap ;

d) D ’ allouer expressément des ressources humaines et financières aux fins de l ’ autonomisation des femmes handicapées et de l ’ amélioration de leur condition ;

e) De s ’ appuyer sur l ’ article 6 de la Convention pour atteindre les cibles 5.1, 5.2 et 5.5 des objectifs de développement durable.

18.Le Comité est préoccupé par le problème de l’invisibilité de la discrimination et de la violence, notamment de la violence intrafamiliale et sexuelle, à l’égard des femmes handicapées dans l’État partie, et constate la vulnérabilité particulière des femmes handicapées des zones rurales et des régions autochtones. Il relève avec préoccupation que, bien qu’il existe des foyers d’accueil pour les femmes victimes de violence, les femmes handicapées n’ont pas toutes accès à ces foyers. Il regrette l’absence de données ventilées sur les cas de discrimination et de violence à l’égard des femmes handicapées.

19. Le Comité prie instamment l ’ État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour :

a) Lutter contre la violence à l ’ égard des femmes handicapées, notamment des femmes handicapées autochtones et d ’ ascendance africaine, dans les zones urbaines et rurales et les régions autochtones ;

b) Assurer l ’ accès des femmes handicapées aux foyers d ’ accueil pour les femmes victimes de violence et garantir que les fonctionnaires responsables soient formés à la prise en charge des personnes handicapées ;

c) Recueillir de manière systématique des données et des statistiques sur la situation des femmes et des filles handicapées, assorties d ’ indicateurs permettant d ’ évaluer les résultats des mesures adoptées pour prévenir la discrimination à l ’ égard de ces femmes et de ces filles.

Enfants handicapés (art. 7)

20.Le Comité s’inquiète des inégalités dont sont victimes les enfants handicapés ; il prend note avec préoccupation de la discrimination, de la violence et de la maltraitance dont sont victimes les enfants handicapés, ainsi que de l’abandon et du placement en institution d’enfants handicapés. Il constate que les enfants handicapés autochtones et d’ascendance africaine sont particulièrement vulnérables. Il relève également avec préoccupation que la législation ne prévoit aucune mesure visant à protéger les enfants handicapés contre la maltraitance, les sévices et l’exploitation, et à prévenir l’abandon et le placement en institution d’enfants handicapés et la négligence à l’égard de ces enfants.

21. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ élaborer et d ’ adopter des dispositions législatives qui prévoient des mesures visant à protéger les enfants handicapés contre la maltraitance, les sévices et l ’ exploitation, et à prévenir l ’ abandon et le placement en institution d ’ enfants handicapés, et la négligence à l ’ égard de ces enfants, et d ’ allouer des ressources suffisantes à l ’ application effective de ces dispositions ;

b) De prendre des mesures pour assurer l ’ accès des enfants handicapés aux services et programmes locaux, afin de mieux garantir les droits des enfants handicapés et de promouvoir l ’ égalité des chances de sorte que ces enfants soient mieux intégrés au sein de leurs familles, de leurs communautés et de la société .

22.Le Comité note avec préoccupation que la législation n’interdit pas expressément tous les châtiments corporels au sein de la famille, en milieu scolaire, dans les établissements de garde de jour et dans les structures de protection de remplacement.

23.Le Comité prie instamment l ’ État partie d ’ abroger les dispositions du Code civil et du Code de la famille qui autorisent les adultes qui s ’ occupent d ’ enfants à « corriger » et à sanctionner ceux-ci modérément, et lui recommande d ’ introduire dans sa législation l ’ interdiction absolue des châtiments corporels dans tous les contextes, y  compris au sein de la famille et dans les communautés autochtones et d ’ ascendance africaine, et de faire tout son possible pour assurer l ’ application de la législation en la matière.

Sensibilisation (art. 8)

24.Le Comité note avec préoccupation que les efforts faits par l’État partie pour battre en brèche les préjugés et les stéréotypes négatifs relatifs aux personnes handicapées restent insuffisants, compte tenu de l’existence de campagnes publiques comme le Téléthon, que vient renforcer l’approche assistancialiste à l’égard des personnes handicapées.

25. Le Comité recommande à l ’ État partie de lutter contre la discrimination et les stéréotypes négatifs dans les médias, lesquels sont véhiculés notamment par des campagnes publiques comme le Téléthon, d ’ encourager la mise en œuvre de campagnes publiques visant à promouvoir la condition des personnes handicapées en tant que sujets de droits de l ’ homme, en mettant en lumière leurs capacités, et de veiller à ce que les organisations de personnes handicapées soient consultées dans le cadre de l ’ élaboration de ces campagnes.

Accessibilité (art. 9)

26.Le Comité prend note des récentes améliorations apportées à de nombreux bâtiments et espaces publics, mais il relève avec inquiétude qu’un grand nombre d’espaces publics, en particulier au sein du réseau de transport public, parmi les aéroports et les gares routières, les sites touristiques et les bâtiments de l’administration publique, ne sont pas accessibles, notamment aux personnes à mobilité réduite, aux sourds, aux malvoyants et aux personnes présentant un handicap intellectuel. Il s’inquiète du peu de progrès accomplis dans l’application de la loi no 15 de 2016 sur l’accessibilité aux personnes handicapées. Il est également préoccupé de constater que les normes internationales d’accessibilité des services d’information et de communication ne sont pas appliquées.

27. Conformémen t à son observation générale n o 2 (2014) sur l ’ accessibilité, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De mettre en œuvre un plan, assorti d ’ indicateurs mesurables, pour assurer l ’ accessibilité des transports, des installations et bâtiments publics, des services d ’ information et de communication, notamment des technologies de l ’ information et des communications, tant en milieu urbain qu ’ en zone rurale, en prévoyant des contrôles, des délais précis et des sanctions en cas de non-respect, en allouant les ressources nécessaires et en associant les organisations de personnes handicapées à tous les stades, et en particulier au suivi de la mise en œuvre ;

b) D ’ adopter les normes internationales d ’ accessibilité des services d ’ information et de communication ;

c) De tenir compte de l ’ article 9 de la Convention et de l ’ observation générale n o 2 dans la réalisation des objectifs 9, 11.2 et 11.7 de développement durable.

Situations de risque et situations d’urgence humanitaire (art. 11)

28.Le Comité note avec préoccupation qu’il n’existe pas de protocole d’assistance aux personnes handicapées dans les situations de risque et les situations d’urgence humanitaire et que les manuels existants et les guides pratiques concernant l’aide aux personnes handicapées dans les situations de risque de catastrophe sont peu diffusés.

29. Conformément au Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catas trophe 2015- 2030, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De c oncevoir et d ’ adopter le Plan national sur les situations de risque et les situations d ’ urgence humanitaire, en faisant en sorte qu ’ il prévoie , de façon tant spécifique que transversale, l ’ assistance prioritaire aux personnes handicapées, e t comprenne un protocol e visant expressément à réduire les risques auxquels sont exposé e s les personnes handicapées dans les situations de risque en prévoyant un système d ’ alerte s précoces accessibles notamment en langue des signes, en langue facile et en braille , et en accordant une attention particulière aux habitants des zones rurales et des régions autochtones ; de diffuser largement ce plan, de poursuivre l ’ élaboration de la feuille de route et de continuer à dispenser des formations aux premiers secours ;

b) De tenir compte du handicap dans ses politiques et programmes sur les changements climatiques ;

c) D ’ associer les personnes handicapées aux activités de gestion des catastrophe s , à tous les stades, de façon à garantir la prise en compte de leurs besoins et le respect de leurs droits.

Reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d’égalité (art. 12)

30.Le Comité note avec préoccupation que, bien que la loi no 15 de 2016 garantisse la reconnaissance de la personnalité juridique des personnes handicapées dans des conditions d’égalité et la capacité juridique des personnes handicapées, les articles 404 à 407 du Code de la famille, ainsi que certaines dispositions du Code du commerce et de l’article 45 du Code civil qui limitent la capacité juridique des personnes handicapées sont toujours en vigueur.

31. Conformément à l ’ article 12 de la Convention e t à son observation générale n o 1 (2014) sur la reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d ’ égalité, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ abroger toute disposition législative ou de mettre fin à toute pratique qui limite nt la capaci té juridique des personnes handicapées ou privent ces dernières de leur capacité juridique ;

b) De prendre des mesures concrètes pour mettre en place un système de prise de décisions assistée qui respecte l ’ autonomie , la volonté et les préférences des personnes handicapées ;

c) De lever les obstacles, pour veiller à ce que les personnes handicapées puissent exercer leur droit à la reconnaissance de leur personnalité juridique dans des conditions d ’ égalité avec les autres.

Accès à la justice (art. 13)

32.Le Comité note avec préoccupation que l’État partie n’a encore procédé à aucun aménagement de procédure visant à rendre effectif l’accès de toutes les personnes handicapées à la justice. Il relève aussi avec préoccupation que des obstacles, essentiellement juridiques, empêchent les personnes qui ont été déclarées incapables ou qui sont placées en institution de participer de manière effective aux procédures judiciaires.

33. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ adopter le plan d ’ action pour l ’ accès des personnes handicapées à la justice, à la lumière de la Convention, et de prendre les mesures nécessaires, sur les plans législatif, administratif et judiciaire, pour lever toute restriction empêchant les personnes handicapées de participer effectivement à toutes les étapes de la procédure judiciaire ;

b) De garantir l ’ accès effectif des femmes handicapées à la justice ;

c) De procéder à des aménagements de procédure, notamment de prévoir l ’ apport d ’ une assistance directe ou indirecte, afin que les personnes handicapées puissent exercer les différentes fonctions qui leur sont assignées dans le cadre des procédures judiciaires ;

d) De redoubler d ’ efforts pour assurer la présence d ’ interprètes en langue des signes dans le cadre des procédures judiciaires ;

e) De prendre des mesures pour donner les moyens aux personnes handicapées de devenir des professionnels du secteur judiciaire ;

f) De redoubler d ’ efforts pour former le personnel judiciaire à la Convention et au Protocole facultatif s ’ y rapportant, en particulier dans les zones rurales et les régions autochtones ;

g) De s ’ appuyer sur l ’ article 13 de la Convention pour atteindre la cible 16.3 des objectifs de développement durable.

Liberté et sécurité de la personne (art. 14)

34.Le Comité constate avec préoccupation que l’on continue d’avoir recours au placement de personnes handicapées en institution dans l’État partie, notamment de personnes présentant un handicap psychosocial, et s’inquiète de l’absence de données à ce sujet.

35. Le Comité recommande à l ’ État partie de prévenir le placement de personnes handicapées en institution ; il lui recommande également de protéger les personnes handicapées contre cette pratique, et de l ’ interdire expressément.

Droit de ne pas être soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (art. 15)

36.Le Comité note avec préoccupation que, bien que l’État ait adopté divers instruments juridiques ayant trait à la prévention de la torture, aucun d’entre eux ne traite expressément de la situation des personnes handicapées. Il s’inquiète en outre de la pratique consistant à administrer des traitements aux personnes handicapées sans leur consentement libre et éclairé.

37. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ interdire expressément les pratiques disciplinaires ou correctives à l ’ égard de personnes présentant un handicap p sycho social qui sont internées dans des établissements psychiatriques publics ou privés ou d ’ autres établissements de privation de liberté. Il lui recommande également d ’ adopter des protocoles qui garantissent l ’ exercice par les personnes handicapées de leur droit de donner ou non leur consentement libre et éclairé à tout type de traitement.

Droit de ne pas être soumis à l’exploitation, à la violence et à la maltraitance (art. 16)

38.Le Comité note avec préoccupation que des personnes handicapées, en particulier des femmes, des enfants et des personnes autochtones et d’ascendance africaine, sont victimes d’exploitation, de violence et de maltraitance dans l’État partie. Il relève en outre avec inquiétude que des personnes handicapées sont placées dans des lieux dits sûrs pendant de longues périodes, et que ces lieux finissent donc par s’apparenter à des institutions.

39. Le Comité prie instamment l ’ État partie de prendre toutes les mesures voulues pour prévenir l ’ exploitation, la violence et la maltraitance à l ’ égard des personnes handicapées, au sein de la famille et ailleurs . Il lui recommande également de prendre des mesures pour empêcher que les «  lieux sûrs  » deviennent des institutions et veiller à ce que ces lieux ne constituent pas simplement une entrave de plus à l ’ autonomie de vie des personnes handicapées et à leur insertion sociale .

Protection de l’intégrité de la personne (art. 17)

40.Le Comité s’inquiète de la réglementation relative aux soins de santé mentale. Il s’inquiète également de l’absence d’informations sur la stérilisation et les avortements forcés.

41. Le Comité prie instamment l ’ État partie de prévenir et d ’ interdire la stérilisation forcée et les avortements non consentis et de garantir que le consentement libre et éclairé de s person ne s handicapées, y compris des personnes déclarées incapables, soit systématiquement sollicité . Il lui demande en outre de recueillir et de publier des statistiques claires sur les cas de stérilisation et d ’ avortement pratiqués sur des personnes handicapées sans leur consentement .

Autonomie de vie et inclusion dans la société (art. 19)

42.Le Comité s’inquiète du peu de progrès réalisés en faveur de l’autonomie de vie des personnes handicapées et note avec préoccupation qu’il n’existe pas de programme, ni de service permettant aux personnes handicapées qui en font la demande de bénéficier d’une aide à la personne, de façon à pouvoir jouir de leur droit à l’autonomie de vie et à l’inclusion au sein de leur communauté.

43. Conformément à son observa tion générale n o 5 (2017) sur le droit à l ’ autonomie de vie et à l ’ inclusion dans la société, le Comité recommande à l ’ État partie d ’ encourager l ’ autonomie de vie des personnes handicapées et de mettre en place des programmes et des services permettant aux personnes handicapées qui en f ont la demande de bénéficier d ’ une aide à la personne, de façon à pouvoir jouir de leur droit à l ’ autonomie de vie et à l ’ inclusion au sein de leur communauté. Il lui recommande également de consacrer le budget nécessaire pour garantir une rémunération équitable aux auxiliaires de vie qui travaillent auprès de personnes handicapées .

Liberté d’expression et d’opinion et accès à l’information (art. 21)

44.Le Comité regrette que peu d’informations publiques soient accessibles aux personnes handicapées, et notamment que l’on ait rarement recours à l’interprétation en langue des signes, à l’audiodescription et à la langue facile à la télévision.

45. Le Comité recommande à l ’ État partie de garantir l ’ accessibilité de toutes les information s publique s à toutes les person ne s handicapées, quel que soit le media employé, en veillant à ce que ces informations, en particulier celles sur les procédures nationales qui concernent l ’ ensemble de la société et sur les situations d ’ urgence et les catastrophes naturelles , soient diffusées dans des formats accessibles et au moyen de technologies adaptées aux différents types de handicap, étant entendu que ces informations devraient également être diffusées en langues autochtones .

Respect du domicile et de la famille (art. 23)

46.Le Comité note avec préoccupation que certaines dispositions du Code civil empêchent encore les personnes handicapées d’exercer, sur la base de leur volonté, leur droit au mariage et leur droit de fonder une famille, et constate avec inquiétude que les personnes handicapées ne bénéficient pas de l’aide nécessaire pour pouvoir exercer leurs droits en matière de procréation au même titre que les autres.

47. Le Comité recommande à l ’ État partie de lever les obstacles qui s ’ opposent au mariage de s personnes handicapées et de permettre à ces personnes de bénéficier de s me sures de soutien nécessaires, notamment d ’ une aide à la personne , le but étant que les personnes handicapées, et plus particulièrement les femmes, puissent exercer leur droit à la parentalité sans être victimes de préjugés et dans des conditions d ’ égalité avec les autres, et d ’ instituer un mécanisme de réexamen en vue de restituer la garde de leurs enfants aux femmes handicapées qui en ont été privées en raison de leur handicap . Le  Comité prie instamment l ’ État partie de prendre des mesures pour apporter l ’ aide voulue aux familles de personnes handicapées .

Éducation (art. 24)

48.Le Comité note avec préoccupation que l’éducation inclusive n’est pas prioritaire pour les enfants et les adultes handicapés et que l’éducation spécialisée et la ségrégation scolaire sont la norme. Il relève aussi avec préoccupation que les efforts faits par les pouvoirs publics pour promouvoir l’éducation inclusive dans l’enseignement supérieur sont insuffisants.

49. Le Comité recommande à l ’ État partie, conformément à son observation générale n o 4 (2016) sur le droit à l ’ éducation inclusive, de mettre en œuvre un plan en vue d ’ une transition définitive vers l ’ éducation inclusive , à tous les niveaux jusque dans l ’ enseignement supérieur, de former les enseignants et de mett re à disposition les aides et les moyens nécessaires, comme le braille et la langue des signes, pour mener à bien l ’ inclusion, et d ’ accorder une attention particulière aux personnes qui présentent un handicap intellectuel ou psycho social et aux filles handicapé e s. Il lui recommande également de garantir l ’ acce s sibilité universelle des milieux éducatifs , notamment des établissements universitai re s. Il lui recommande en outre de s ’ inspirer des dispositions de la Convention e t de son observation générale n o 4 aux fins de la réalisation des cibles  4.1, 4.5 et 4.a des objectifs de développement durable .

Santé (art. 25)

50.Le Comité note avec préoccupation que, bien que les personnes handicapées doivent être soignées rapidement et à titre prioritaire, en application de la loi no42 du 27 août 1999, modifiée par la loi no 15 du 31 mai 2016, cette loi n’est pas suffisamment appliquée. Il s’inquiète également du manque d’accès des personnes handicapées aux services de santé.

51. Le Comité recom ma nd e à l ’ Éta t part i e de garanti r que, dans la pratique, les personnes handicapées puissent être soignées à titre prioritaire et que toutes les personnes handicapées aient accès aux services de santé , y compris dans les zones rurales et les régions autochtones, dans des conditions d ’ égalité avec les autres .

Travail et emploi (art. 27)

52.Le Comité est préoccupé de constater que le quota de 2 % de personnes handicapées n’est pas respecté, et s’inquiète du faible niveau d’insertion des personnes handicapées sur le marché du travail et du peu de statistiques disponibles sur le niveau de rémunération des personnes handicapées. Il regrette qu’il n’existe pas de mécanisme visant à garantir l’absence de discrimination à l’égard des personnes handicapées sur le marché du travail général, et qu’aucune mesure n’ait été prise pour assurer qu’il soit procédé à des aménagements raisonnables sur les lieux de travail.

53. Le Comité recommande à l ’ État partie de mettre en œuvre des stratégies concr ètes pour imposer le quota de 2  % et accroître le taux d ’ emploi des personnes handicapées dans les secteurs public et priv é , notamment de mettre en place des mé canism e s destinés à garantir des aménagements raisonnables et à prévenir la discrimination à l ’ égard des personnes handicapées et de leur famille sur le marché du travail général . Il lui recommande également de s ’ intéresser aux liens entre l ’ article 27 de la Convention et la cible 8.5 des objectifs de développement durable et de veiller à ce que chacun, y compris les personnes handicapées, puisse obtenir un emploi productif et décent, conformément au principe de l ’ égalité de rémunération à travail de valeur égale.

Niveau de vie adéquat et protection sociale (art. 28)

54.Le Comité s’inquiète du nombre de personnes handicapées qui vivent dans la pauvreté et la misère dans l’État partie, en particulier parmi les femmes, les enfants, les personnes d’ascendance africaine et les autochtones. Il note également avec préoccupation qu’il n’existe pas de système social inclusif dans l’État partie, notamment que les personnes handicapées ne bénéficient pas d’un régime de retraite spécial, ni d’autres aides financières suffisantes qui permettraient de compenser les frais supplémentaires qu’elles doivent supporter en raison de leur handicap.

55. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter des mesures concrètes pour que les personnes handicapées aient un niveau de vie adéquat, notamment pour leur garantir l ’ accès à l ’ eau potable, à l ’ électricité et aux systèmes d ’ assainissement, et pour atténuer les effets de l ’ appauvrissement lié au handicap, en particulier parmi les groupes qui subissent des discriminations croisées, comme les femmes et les enfants handicapés, les personnes d ’ ascendance africaine et les autochtones. Il prie instamment l ’ État partie d ’ instituer un sys tème social inclusif, notamment d ’ établir un régime de retraite pour les personnes handicapées qui se trouvent sur son territoire. Il lui recommande également de s ’ appuyer sur l ’ article 28 de la Convention pour atteindre les cibles 1.3 et 1.4 des objectifs de développement durable.

Participation à la vie politique et à la vie publique (art. 29)

56.Le Comité est préoccupé par le petit nombre de personnes handicapées qui participent à la vie politique et publique, en particulier par le peu d’élus handicapés. Il s’inquiète également du manque d’accès des personnes handicapées à toutes les étapes du processus électoral, et note en particulier que les bureaux de vote ne sont pas accessibles aux personnes handicapées, qui ne disposent pas d’outils d’aide au vote.

57. Le Comité recommande à l ’ État par tie de prendre des mesures pour encourager et aider les personnes handicapées à exercer leurs droits politiques, notamment à se présenter à des élections, et pour garantir qu ’ aucun obstacle juridique ou pratique ne les prive du droit de vote . Il lui recommande de redoubler d ’ efforts pour garantir que le processus électoral, ainsi que les installations et le matériel de vote soient pleinement accessibles aux personnes handicapées, tant en milieu urbain que dans les zones rurales et les régions autochtones, notamment que tous les bureaux de vote disposent d ’ un nombre suffisant de bulletins de vote accessibles, afin de permettre le vote assisté et de garantir le secret du vote . Il lui recommande également d ’ adopter des programmes visant à encourager les personnes handicapées à se présenter à des élections .

Participation à la vie culturelle et récréative, aux loisirs et aux sports (art. 30)

58.Le Comité note avec préoccupation que le Traité de Marrakech visant à faciliter l’accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d’autres difficultés de lecture des textes imprimés aux œuvres publiées n’est pas effectivement appliqué. Il relève en outre avec inquiétude que l’État partie ne soutient pas l’accès des personnes handicapées, et plus particulièrement des enfants, aux activités sportives, à tous les niveaux.

59. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures pour favoriser et encourager la participation des personnes handicapées , notamment des enfants, aux activi té s s portiv e s. Il lui recommande également d ’ adopter des plans d ’ action en vue de rendre accessibles les sites historiques et patrimoniaux, les sites touristiques et les lieux de culture et de loisir. Il lui recommande en outre de prendre au plus tôt toutes les mesures voulues pour mettre en œuvre le Traité de Marrakech.

Statistiques et collecte des données (art. 31)

60.Le Comité est préoccupé par l’absence de données et d’informations ventilées et comparables sur les personnes handicapées dans tous les domaines dans l’État partie.

61. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ encourager la collecte, l ’ analyse et la diffusion systématiques de données ventilées et comparables sur les personnes handicapées dans tous les domaines et de s ’ appuyer sur les travaux du Groupe de Washington sur les statistiques des incapacités. Il recommande à l ’ État partie de s ’ intéresser aux liens entre l ’ article 31 de la Convention et l ’ objectif 17 de développement durable.

Coopération internationale (art. 32)

62.Le Comité s’inquiète du peu d’informations disponibles sur la question de savoir si l’État partie a intégré de manière transversale la question du handicap dans les objectifs de développement durable et les projets de développement mis en œuvre dans le cadre de la coopération internationale.

63. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ incorporer les droits des personnes handicapées dans les activités d ’ exécution et de suivi du Programme de développement durable à l ’ horizon 2030 et des objectifs de développement durable à tous les niveaux et de mener tous ces processus en étroite collaboration avec les organisations de personnes handicapées.

Application et suivi au niveau national (art. 33)

64.Le Comité note avec préoccupation qu’il n’existe pas de mécanisme indépendant de suivi de la mise en œuvre de la Convention dans l’État partie.

65. Le Comité recommande à l ’ État partie de désigner un mécanisme indépendant chargé du suivi de la mise en œuvre de la Convention, conformément à l ’ article 33 et aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme (Principes de Paris), de le doter des ressources matérielles et humaines nécessaires pour qu ’ il puisse s ’ acquitter de ses fonctions et de veiller à ce qu ’ il associe les organisations de personnes handicapées à l ’ exécution de son mandat.

Suivi et diffusion

66. Le Comité demande à l ’ État partie de lui faire parvenir , dans un délai de douze mois et conformément au paragraphe 2 de l ’ article 35 de la Convention , des renseignements sur les mesures prises pour mettre en œuvre les recommandations figurant aux paragraphes 17, 19 et 55.

67. Le Comité demande à l ’ État partie de mettre en œuvre ses recommandations figurant dans les présentes observations finales. Il lui recommande de transmettre les présentes observations finales, pour examen et suite à donner, aux membres du Gouvernement et du Parlement, aux responsables des différents ministères , au système judiciaire et aux membres des professions concernées, tels les professionnels de l ’ éducation, de la santé et du droit, ainsi qu ’ aux autorités locales et aux médias, en utilisant pour ce faire les stratégies de communication sociale modernes .

68. Le Comité prie l ’ État partie d ’ associer les organisations de la société civile, en particulier les organisations de personnes handicapées, à l ’ élaboration de son prochain rapport périodique.

69. Le Comité prie l ’ État partie de diffuser largement les présentes observations finales, notamment auprès des organisations non gouvernementales et des organisations de personnes handicapées, ainsi qu ’ auprès des personnes handicapées elles-mêmes et de leurs proches, dans les langues nationale et minoritaires, notamment en langue des signes, et sous des formes accessibles , par exemple en langue facile. Il lui demande aussi de les diffuser sur le site Web public consacré aux droits de l ’ homme.

Prochain rapport

70. Le Comité prie l ’ État partie de lui soumettre son prochain rapport valant deuxième, troisième et quatrième rapports périodiques le 7 septembre 2021 au plus tard et d ’ y faire figurer des renseignements sur la mise en œuvre des présentes observations finales . Il invite également l ’ État partie à envisager de soumettre ce rapport selon la procédure simplifiée de présentation des rapports , dans le cadre de laquelle le Comité établit une liste de points au moins un an avant la date prévue pour la soumission du rapport . Les réponses de l ’ État partie à cette liste de points constituent son rapport périodique .