Nations Unies

CAT/C/SRB/CO/3

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

20 décembre 2021

Français

Original : anglais

Comité contre la torture

Observations finales concernant le troisième rapport périodique de la Serbie *

1.Le Comité contre la torture a examiné le troisième rapport périodique de la Serbie à ses 1862e et 1865e séances, les 23 et 24 novembre 2021, et a adopté les présentes observations finales à sa 1874e séance, le 1er décembre 2021.

A.Introduction

2.Le Comité sait gré à l’État partie d’avoir accepté la procédure simplifiée d’établissement des rapports et d’avoir soumis son rapport périodique conformément à celle‑ci, car elle améliore la coopération entre l’État partie et le Comité et sert de fil conducteur à l’examen du rapport ainsi qu’au dialogue avec la délégation.

3.Le Comité se félicite du dialogue qu’il a eu avec la délégation de l’État partie et prend note avec intérêt des informations et explications complémentaires qui ont été fournies.

4.Le Comité rappelle ses précédentes observations finales, s’agissant de l’affirmation de l’État partie selon laquelle il n’est pas à même de surveiller l’application de la Convention au Kosovo au motif que, conformément à la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, l’autorité civile est exercée par la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo.

B.Aspects positifs

5.Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption par l’État partie des mesures administratives et institutionnelles ci-après dans des domaines intéressant la Convention :

a)L’adoption, en octobre 2021, de la Stratégie nationale 2021-2026 pour le jugement des crimes de guerre ;

b)L’adoption, en avril 2021, de la Stratégie 2021-2025 visant à prévenir et à combattre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique ;

c)L’adoption, en mars 2020, de la Stratégie 2020-2024 visant à améliorer la situation des personnes handicapées ;

d)L’adoption, en 2020, de la Stratégie nationale 2020-2025 pour la réalisation des droits des victimes et des témoins d’infractions ;

e)L’entrée en vigueur, en décembre 2019, de la modification apportée à l’article137 (par. 3) du Code pénal afin d’alourdir les peines pour les mauvais traitements et la torture ;

f)L’entrée en vigueur, en octobre 2019, de la loi no 87/2018 relative à l’aide juridique gratuite ;

g)L’entrée en vigueur, en mars 2018, de la loi no 24/2018 relative à l’asile et à la protection temporaire ;

h)L’entrée en vigueur, en juin 2017, de la loi no 94/2016 relative à la prévention de la violence domestique ;

i)L’adoption, en mai 2017, de la Stratégie de réduction de la surpopulation dans les établissements affectés à l’exécution des peines, en vigueur jusqu’en 2020, no 43/2017.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Questions en suspens issues du cycle précédent

6.Dans ses précédentes observations finales, le Comité avait demandé à l’État partie de lui fournir des informations sur la mise en œuvre des recommandations relatives aux mesures prises pour garantir que, dans la pratique, les personnes détenues soient examinées par un médecin indépendant dès le début de leur privation de liberté et pour condamner publiquement les menaces et les attaques visant les défenseurs des droits de l’homme, les journalistes, les lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexes ainsi que les personnes appartenant à la communauté rom, et enquêter sur ces faits. Le Comité remercie l’État partie de ses réponses sur ces questions et des renseignements de fond qu’il a communiqués au titre du suivi le 2 août 2016 et de ceux qu’il a fait figurer dans son troisième rapport périodique. Il considère que les recommandations susmentionnées n’ont été que partiellement mises en œuvre (voir par. 14 c) et 42 ci‑après).

Définition de la torture

7.Le Comité se félicite de la modification apportée au Code pénal en 2019 pour que les actes de torture commis par des agents publics soient punis de peines plus lourdes. Il constate que l’article 25 de la Constitution de la Serbie interdit la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants, et que son article 16 permet d’appliquer directement les règles de droit international généralement acceptées et les traités internationaux ratifiés. Toutefois, le Comité est préoccupé par le fait que la définition de la torture figurant dans le Code pénal n’est pas alignée sur l’article premier de la Convention, que les actes de torture ou les mauvais traitements ne sont pas punis de peines proportionnelles à leur gravité et que le délai de prescription pour l’infraction de torture reste en vigueur (art. 1er et 4).

8. Le Comité rappelle ses précédentes observations finales et demande à l ’ État partie d ’ accélérer, à titre de priorité, l ’ élaboration et l ’ adoption de modifications aux articles 136 et 137 du Code pénal afin d ’ incorporer dans la définition juridique de la torture tous les éléments figurant à l ’ article premier de la Convention, et de faire en sorte que les peines pour acte de torture soient proportionnée s à la gravité de l ’ infraction, comme le prévoit l ’ article 4 ( par.  2) de la Convention. L ’ État partie devrait en outre rendre l ’ infraction de torture imprescriptible afin d ’ écarter tout risque d ’ impunité et de garantir que les actes de torture fassent l ’ objet d ’ une enquête et que leurs auteurs soient poursuivis et punis.

La Convention comme source de droit devant les tribunaux nationaux

9.Le Comité note que, conformément à l’article 167 (par. 1 et 2) de la Constitution, la Cour constitutionnelle est habilitée à statuer sur la conformité des traités internationaux ratifiés avec la Constitution. Il prend note en outre avec préoccupation du peu d’affaires dans lesquelles la Convention a été invoquée devant les tribunaux nationaux et directement appliquée par eux (art. 2 et 10).

10. L ’ État partie devrait  :

a) Garantir que les dispositions de la Convention puissent être pleinement et directement appliquées par les juridictions nationales et être invoquées devant elles, et établir clairement la primauté des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme auxquels l ’ État est partie sur la législation interne en cas de conflit  ;

b) Veiller à ce que les fonctionnaires, notamment les juges et les procureurs, ainsi que les avocats, reçoivent une formation sur les dispositions de la Convention afin qu ’ ils puissent faire valoir les droits qui y sont inscrits et veiller à ce que ces dispositions soient prises en compte par les juridictions nationales et directement applicables devant elles.

Institution nationale pour la promotion et la protection des droits de l’homme

11.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles l’indépendance, l’efficacité et la visibilité du Protecteur des citoyens sont compromises. Il est préoccupé en outre par la réduction sensible du nombre de visites effectuées par le mécanisme national de prévention, en particulier dans les locaux de détention de la police et pendant la période de restrictions liées à la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19), par la publication tardive de ses conclusions et recommandations et par ce qui semble être un manque de confiance des organisations de la société civile qui coopéraient auparavant avec le mécanisme (art. 2).

12. L ’ État partie devrait prendre des mesures pour renforcer l ’ indépendance du Protecteur des citoyens, notamment l ’ indépendance de son personnel chargé de faciliter le travail du m écanisme national de prévention et son autonomie opérationnelle, en particulier en ce qui concerne la conduite de visites indépendantes, régulières et inopinées dans tous les lieux de privation de liberté, y compris les institutions pour personnes ayant un handicap psychosocial et les établissements sociaux, en coopération avec des représentants des organisations de la société civile. Le m écanisme national de prévention doit être en mesure, tout en respectant les précautions qu ’ impose la pandémie de COVID-19 , d ’ accéder physiquement à tous les lieux de privation de liberté afin de s ’ acquitter efficacement de sa mission. L ’ État partie devrait veiller à ce que le m écanisme national de prévention rende compte publiquement et sans tarder de ses constatations et signale aux autorités les mauvaises conditions de détention ou les comportements constitutifs de torture ou de mauvais traitements.

Garanties juridiques fondamentales

13.Le Comité relève avec préoccupation que le cadre juridique relatif aux garanties offertes aux personnes détenues n’est pas appliqué dans la pratique, et est notamment préoccupé par le fait que dans certains cas les personnes ne sont pas informées de leurs droits aux premiers stades de la détention, ainsi que par les services inadéquats fournis par des avocats commis d’office, la présence de policiers lors des examens médicaux, le fait que les professionnels de la santé n’attestent pas les blessures et autres traces de torture et de mauvais traitements conformément aux normes internationales et les défaillances dans la transmission des rapports médicaux au Procureur général et aux autorités judiciaires compétentes (art. 2, 11 et 12).

14. Rappelant ses précédentes recommandations , le Comité demande instamment à l ’ État partie de veiller à ce que toutes les personnes détenues bénéficient de toutes les garanties juridiques fondamentales contre la torture dans la pratique, et pas seulement en droit, et ce, dès le début de leur privation de liberté, conformément aux normes internationales, et notamment  :

a) De garantir le droit des détenus d ’ être informés de leurs droits dans les plus brefs délais et dans une langue qu ’ ils comprennent, oralement et par écrit, notamment en se voyant présenter, sous forme écrite, une déclaration de droits  ; d ’ être informées des raisons de leur arrestation et des accusations portées contre eux  ; de se voir demander de confirmer qu ’ ils ont compris les informations qui leur ont été communiquées en signant un document  ; d ’ aviser de leur placement en détention un membre de leur famille ou toute autre personne de leur choix ;

b) De donner aux détenus accès à un avocat compétent et indépendant en renforçant le système d ’ aide juridique gratuite ;

c) De garantir que les détenus puissent demander à être examinés par un médecin indépendant de leur choix et faire l ’ objet d ’ un tel examen dès le début de leur privation de liberté  ; que les examens médicaux soient effectués hors de portée de voix et hors de la vue de policiers et du personnel pénitentiaire, à moins que le médecin concerné ne demande expressément qu ’ il en soit autrement  ; que le dossier médical soit immédiatement porté à l ’ attention d ’ un procureur chaque fois que les conclusions ou des allégations donnent à penser que des actes de torture ont pu être commis ou des mauvais traitements infligés  ; que les professionnels de la santé ne soient pas exposés à quelque forme de pression indue ou de représailles que ce soit lorsqu ’ ils s ’ acquittent de leur tâche  ;

d) De garantir le droit des détenus de voir leur détention consignée dans un registre sur le lieu de détention et dans un registre central des personnes privées de liberté auxquels leur avocat ou les membres de leur famille peuvent avoir accès, conformément à l ’ Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d ’ emprisonnement.

Conditions de détention

15.Le Comité se félicite des mesures importantes prises pour réduire la surpopulation, notamment de la rénovation des établissements de détention existants et de l’augmentation de leur capacité d’accueil, ainsi que du recours à des mesures non privatives de liberté. Cependant, il reste préoccupé par le fait que des établissements de détention provisoire et des établissements pénitentiaires dans l’ensemble du pays continuent d’être surpeuplés. Il est préoccupé en outre par le manque de personnel pénitentiaire et l’incapacité qui en résulte de prévenir la violence et de gérer les détenus vulnérables dans ce contexte (art. 2, 11 et 16).

16. Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De tenir compte des enseignements tirés de la pandémie de COVID-19 et d ’ intensifier ses efforts pour réduire de manière sensible la surpopulation carcérale, en s ’ efforçant de limiter le nombre d ’ incarcérations et en ayant davantage recours à des mesures de substitution à la privation de liberté, telles que la libération conditionnelle et la libération anticipée, conformément aux Règles minima des Nations Unies pour l ’ élaboration de mesures non privatives de liberté (Règles de Tokyo) et aux Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l ’ imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes (Règles de Bangkok)  ;

b) De continuer de rénover tous les lieux de détention qui en ont besoin afin d ’ améliorer les infrastructures carcérales et les conditions matérielles de détention, et de mettre les conditions carcérales en conformité avec l ’ Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus ( R ègles Nelson Mandela) et les Règles pénitentiaires européennes adoptées par le Conseil de l ’ Europe  ;

c) D ’ augmenter les effectifs et la rémunération du personnel pénitentiaire et d ’ améliorer ses conditions de travail, de lui dispenser des formations sur la l ’ encadrement des détenus et de renforcer la surveillance et la gestion de la violence entre détenus ainsi que le suivi et l ’ encadrement des détenus vulnérables et des autres détenus à risque.

Soins de santé dans les établissements pénitentiaires

17.Le Comité se félicite des mesures engagées pour former du personnel médical et pour reconstruire et rénover les unités médicales dans les établissements pénitentiaires. Cependant, il est préoccupé par les informations selon lesquelles les services de soins de santé dans ces établissements sont inadéquats, notamment en ce qui concerne les traitements psychiatriques, et constate que les examens médicaux pratiqués sur les détenus nouvellement arrivés sont sommaires, notamment pour ce qui est de consigner et d’analyser leurs blessures, et que les pratiques en matière de signalement aux autorités judiciaires ne sont pas normalisées (art. 12 et 13).

18. L ’ État partie devrait améliorer la qualité des services de santé fournis aux détenus  ; procéder rapidement à un examen médical des personnes à leur arrivée dans un établissement de détention et après un transfert, afin notamment de détecter les maladies infectieuses, telles que la COVID- 19, et d ’ en prévenir la propagation  ; recruter davantage de médecins qualifiés, y compris des psychiatres  ; tenir à jour comme il se doit les dossiers et registres médicaux, notamment ceux utilisés pour consigner les blessures  ; veiller à ce que les rapports médicaux faisant état de lésions dénotant des mauvais traitements soient envoyés sans délai au mécanisme indépendant chargé de mener un examen et une enquête approfondis.

Impunité des actes de torture et des mauvais traitements

19.Le Comité s’inquiète de ce que, dans la grande majorité des cas, les efforts faits pour enquêter suite à une plainte déposée contre un policier, un membre du personnel pénitentiaire ou un autre agent de l’État sont insuffisants. Notant le faible nombre de plaintes signalées concernant des actes de torture et d’autres mauvais traitements et sur lesquelles il est statué, le Comité exprime sa vive préoccupation quant au nombre anormalement faible de déclarations de culpabilité par rapport au nombre d’acquittements et de classements sans suite, et constate en outre que lorsque des sanctions sont prononcées contre des agents publics, elles sont largement insuffisantes et ne sont pas proportionnées à la gravité de l’acte de torture (art. 12 et 13).

20. L ’ État partie devrait  :

a) Veiller à ce que toute plainte pour acte de torture ou mauvais traitements donne lieu sans délai à une enquête impartiale conduite par un organe indépendant, et à ce qu ’ il n ’ y ait aucun lien institutionnel ou hiérarchique entre les enquêteurs de cet organe et les suspects visés par l ’ enquête  ;

b) Veiller à ce que les autorités ouvrent une enquête chaque fois qu ’ il existe des motifs raisonnables de croire qu ’ un acte de torture a été commis ou que des mauvais traitements ont été infligés  ;

c) Veiller, en cas d ’ allégations de torture ou de mauvais traitements, à ce que les suspects soient immédiatement suspendus de leurs fonctions pendant la durée de l ’ enquête, en particulier s ’ il existe un risque qu ’ ils soient en mesure de commettre une nouvelle fois l ’ acte qui leur est imputé, d ’ exercer des représailles contre la victime présumée ou de faire obstruction à l ’ enquête  ;

d) De veiller à ce que l ’ infraction de torture comme la tentative de la commettre soient passibles de peines appropriées , qui soient proportionnées la gravité de ces infractions, conformément à l ’ article 4 ( par.  2) de la Convention  ;

e) De réunir et de publier des données statistiques complètes et détaillées concernant l ’ ensemble des plaintes et des signalements relatifs à des actes de torture ou à des mauvais traitements, en indiquant notamment si ces plaintes ont donné lieu à des enquêtes et, si tel est le cas, par quelles autorités ces enquêtes ont été menées, si elles ont débouché sur l ’ application de mesures disciplinaires ou sur l ’ ouverture de poursuites et si les victimes ont obtenu réparation.

Inscription d’une peine perpétuelle dans le Code pénal

21.Le Comité est préoccupé par les modifications apportées en 2019 au Code pénal, par lesquelles l’emprisonnement à vie a été institué pour plusieurs infractions, sans possibilité de libération conditionnelle pour quatre d’entre elles, enlevant ainsi toute perspective de libération du détenu et toute possibilité de réexamen de la peine, ce qui équivaut à infliger une douleur ou des souffrances mentales, en violation des dispositions de la Convention (art. 2 et 4).

22. L ’ État partie devrait reconsidérer l ’ institution de la peine d ’ emprisonnement à vie sans possibilité de libération conditionnelle, et faire en sorte que les condamnés qui accomplissent actuellement une telle peine aient droit à un réexamen judiciaire de leur peine et puissent bénéficier d ’ une libération conditionnelle.

Justice pour mineurs

23.Le Comité est préoccupé par le caractère limité des programmes éducatifs de réadaptation destinés aux enfants placés dans des établissements pénitentiaires et par les informations selon lesquelles des mauvais traitements sont infligés à ces enfants, y compris à titre de sanction disciplinaire (art. 11 et 16).

24. L ’ État partie devrait  :

a) Envisager de mettre en place un véritable système de justice pour mineurs spécialisé et efficace, qui soit conforme aux normes internationales, notamment à l ’ Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l ’ administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing) et aux Principes directeurs des Nations Unies pour la prévention de la délinquance juvénile (Principes directeurs de Riyad)  ;

b) Prendre des mesures efficaces pour empêcher que des enfants ne soient maltraités par quelque agent public que ce soit, notamment veiller à ce que de tels actes donnent lieu à une enquête et à ce qu ’ ils soient punis de sanctions disciplinaires ou pénales appropriées  ;

c) Renforcer les programmes existants d ’ éducation et de réadaptation visant à réduire la récidive des mineurs et à promouvoir un comportement social positif et concevoir de nouveaux programmes de ce type, proposer des activités récréatives appropriées qui favorisent l ’ intégration sociale des enfants privés de liberté et remédier au problème de la pénurie d ’ agents qualifiés spécialement formés pour travailler avec les mineurs.

Traitement des personnes dans les établissements sociaux et les établissements psychiatriques

25.Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas progressé pour ce qui était de répondre aux préoccupations qu’il avait exprimées précédemment concernant le placement sans consentement de personnes ayant un handicap mental ou psychosocial dans des établissements psychiatriques, la question de l’abandon du placement de ces personnes en milieu fermé et le recours persistant à des moyens de contention. Le Comité est particulièrement préoccupé par la situation des femmes handicapées vivant dans des institutions où elles sont exposées à des niveaux élevés de violence et où aucune mesure de prévention et de protection n’a été mise en place. Il est préoccupé en outre par les mauvaises conditions de vie des enfants handicapés placés en institution, par leur accès insuffisant aux soins de santé, à l’éducation et aux services de réadaptation, et par le fait qu’ils sont exposés au risque de subir des traitements cruels, inhumains et dégradants sans possibilité d’obtenir réparation (art. 2, 11, 13 et 16).

26. Rappelant ses précédentes observations finales , le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De faire en sorte que la législation nationale prévoie des garanties juridiques effectives applicables à toutes les personnes ayant un handicap mental ou psychosocial contre l ’ hospitalisation sans consentement, notamment un mécanisme de plainte et un examen judiciaire du placement, et contre l ’ imposition d ’ un traitement psychiatrique et médical sans consentement dans les établissements psychiatriques, notamment une réglementation stricte de l ’ utilisation de moyens de contention chimique et physique  ;

b) De veiller à ce que le m écanisme national de prévention puisse effectuer des visites régulières et inopinées dans les établissements psychiatriques et les autres établissements de protection sociale, sans restriction aucune  ;

c) De mener sans délai des enquêtes efficaces et impartiales sur toutes les plaintes dénonçant des mauvais traitements subis par des personnes, y compris des enfants, ayant un handicap mental ou psychosocial hospitalisées dans un établissement psychiatrique, de traduire les responsables en justice et fournir réparation aux victimes ;

d) De faire en sorte que les services de santé mentale à ancrage communautaire disposent de ressources financières suffisantes.

Entraide judiciaire internationale

27.Le Comité est préoccupé par le fait que l’État partie refuse d’extrader les personnes soupçonnées d’infraction de torture et tarde à enquêter sur les allégations de torture et à poursuivre les responsables des faits. Il constate que l’État partie n’a pas pris de mesure pour se conformer à l’ordre de transfèrement émis par le Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux et visant Petar Jojić et Vjerica Radeta, de sorte que sa coopération avec le Mécanisme s’en trouve compromise (art. 5, 7 et 8).

28. L ’ État partie devrait veiller à ce que toutes les personnes soupçonnées de complicité ou de commission de crimes de guerre et de crimes contre l ’ humanité, y compris les policiers et les militaires haut gradés ainsi que les responsables politiques, soient traduites en justice. Il devrait soit extrader les auteurs présumés d ’ actes de torture et de mauvais traitements vers un État ayant compétence pour connaître de l ’ infraction ou les remettre à un tribunal pénal international, conformément à ses obligations internationales, soit les poursuivre, conformément aux dispositions de la Convention.

Réparation et indemnisation

29.Le Comité se félicite de la création de groupes de travail chargés de trouver des moyens d’améliorer l’indemnisation des victimes d’infractions graves et de préserver les droits des victimes et des témoins d’infractions, mais regrette qu’aucune précision ne lui ait été fournie sur les résultats de ces démarches. Il regrette également que l’État partie n’ait pas indiqué si les victimes de torture ont bénéficié de services de réadaptation médicale ou psychosociale. Il est en outre préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas donné de précisions concernant les réparations et les indemnisations accordées aux victimes des personnes déclarées coupables par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie ou le Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux (art. 2 et 14).

30. Rappelant son observation générale n o 3 (201 2 ) sur l ’ application de l ’ article 14 de la Convention, le Comité demande instamment à l ’ État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour permettre aux victimes d ’ actes de torture et de mauvais traitements infligés dans l ’ État partie ou à l ’ étranger d ’ obtenir une réparation complète et effective, y compris des moyens de réadaptation et des soins spécialement adaptés à leurs besoins. L ’ État partie devrait réunir et fournir au Comité des informations sur les mesures de réparation et d ’ indemnisation, y compris de réadaptation, qui ont été ordonnées par les tribunaux ou d ’ autres organes de l ’ État et dont des victimes d ’ actes de torture ou de mauvais traitements ont effectivement bénéficié.

Renvois forcés et garanties diplomatiques

31.Le Comité rappelle la décision qu’il a adoptée en 2019 concernant une communication soumise par Cevdet Ayaz, par laquelle il a conclu qu’en extradant celui-ci à tort vers la Turquie, la Serbie avait violé les articles 3 et 22 de la Convention. Il regrette que l’État partie n’ait pas accompli de progrès pour ce qui est d’assurer un suivi complet de la situation du requérant après son expulsion et de lui accorder une réparation (art. 2, 3, 12 et 13).

32. L ’ État partie devrait mettre en place un mécanisme de suivi objectif, impartial et fiable de la situation de Cevdet Ayaz après son expulsion et lui accorder une réparation, notamment l ’ indemniser adéquatement pour le préjudice non pécuniaire, à savoir le préjudice matériel et moral qu ’ il a subi, et fournir au Comité des informations sur les réformes institutionnelles et juridiques engagée s pour prévenir une nouvelle extradition injustifiée de ce type.

Régime de l’asile et non-refoulement

33.Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption en 2018 de la loi relative à l’asile et à la protection temporaire, mais est préoccupé par le fait que, dans la pratique, les demandeurs d’asile sont empêchés d’accéder à la procédure d’asile et ne peuvent pas être identifiés à un stade précoce en raison de l’insuffisance des garanties procédurales applicables à l’appréciation des demandes et l’octroi d’une protection internationale, en particulier dans la zone de transit de l’aéroport international Nikola Tesla et aux points d’entrée à la frontière. Il s’agit notamment de l’absence, dans le cadre de la procédure de détermination du statut de réfugiés, d’un mécanisme de tri qui tienne compte des besoins de protection et de l’insuffisance de personnel bien formé, y compris au sein de la police des frontières et du Bureau de l’asile, éléments nécessaires pour garantir que la procédure de prise de décisions soit équitable et efficace, conformément aux normes internationales pertinentes (art. 2, 3 et 16).

34. Rappelant ses précédentes observations finales , le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De renforcer la structure civile du Bureau de l ’ asile et de faire en sorte qu ’ elle ne relève plus de la Direction de la police des frontières  ;

b) De prévoir la possibilité de procéder à un contrôle judiciaire indépendant, équitable et effectif des décisions de rejet d ’ une demande d ’ asile en modifiant la loi relative à l ’ asile et à la protection temporaire afin d ’ instaurer un contrôle judiciaire en deuxième instance par le Tribunal administratif  ;

c) De dispenser une formation sur le droit international des réfugiés et le droit international des droits de l ’ homme, en particulier sur le principe de non ‑ refoulement, aux fonctionnaires de l ’ immigration, et de veiller à ce que tous les documents internes et les procédures normalisées comportent des garanties suffisantes contre le refoulement  ;

d) De garantir l ’ accès au territoire et une protection suffisante et efficace contre le refoulement à l ’ aéroport international Nikola Tesla en faisant en sorte que les personnes détenues dans la zone de transit de l ’ aéroport reçoivent immédiatement et dans une langue qu ’ elles comprennent des informations sur leur droit de demander l ’ asile et d ’ accéder à la procédure d ’ asile  ;

e) D ’ instaurer un mécanisme de surveillance des frontières qui comprenne des représentants d ’ entités indépendantes, telles que des organisations internationales, et de la société civile, qui aient des connaissances spécialisées en droit international des réfugiés et en droit international des droits de l ’ homme, afin de garantir que les autorités frontalières agissent conformément au principe de non-refoulement et respectent l ’ interdiction des expulsions collectives, et de collecter des données précises  ;

f) De v eiller à ce que les demandeurs d ’ asile et les migrants placés en détention bénéficient de soins médicaux et de soins de santé mentale adéquats, y compris d ’ un examen médical au moment de l ’ admission et d ’ examens médicaux de routine , de consigner tout signe étayant leurs allégations de torture et de mauvais traitements et de leur fournir des services de soutien .

Formation

35.Le Comité prend note des modules de formation à la Convention qui sont proposés aux policiers et aux agents des services de sécurité et de l’immigration, mais constate qu’il n’a pas reçu d’informations indiquant si ces formations sont dispensées au personnel militaire, y compris le personnel déployé à l’étranger, et si elles ont été adaptées aux circonstances imposées par la pandémie de COVID-19 (art. 10).

36. L ’ État partie devrait dispenser des formations obligatoires à tous les membres des forces de l ’ ordre et autres agents publics qui travaillent au contact de personnes privées de liberté, de migrants et de demandeurs d ’ asile portant sur les dispositions de la Convention, notamment en ce qui concerne l ’ interdiction absolue de la torture et des mauvais traitements et les sanctions qu ’ ils encourent en cas de manquement à leurs obligations à cet égard, en veillant à ce que ces formations soient adaptées aux situations d ’ urgence  ; continuer de veiller à ce que tous les agents concernés, notamment le personnel médical, soient spécialement formés à déceler les signes de torture et de mauvais traitements, conformément au Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d ’ Istanbul).

Lutte contre le terrorisme

37.Le Comité regrette que l’État partie ne lui ait pas fourni d’informations sur les personnes condamnées en application de la législation antiterroriste, sur les garanties juridiques assurées et les voies de recours ouvertes, en droit et dans la pratique, aux personnes visées par des mesures antiterroristes, et sur la question de savoir si des plaintes pour non‑respect des règles internationales dans ce domaine ont été déposées et quelle en a été l’issue (art. 2, 11 et 16).

38. L ’ État partie devrait garantir que  :

a) Les mesures prises pour lutter contre le terrorisme sont conformes à la Convention et strictement nécessaires au regard de la situation et des exigences du principe de proportionnalité  ;

b) Toutes les allégations de torture et de mauvais traitements de personnes accusées de participation à des actes terroristes donnent rapidement lieu à des enquêtes impartiales et efficaces, et que les auteurs des faits soient poursuivis et dûment sanctionnés  ;

c) Les informations demandées concernant les personnes condamnées en application de la législation antiterrorist e soient fournies au Comité ;

d) Le pilier «  droits de l ’ homme  » sur lequel repose la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies soit intégré dans les programmes de formation portant sur la lutte contre le terrorisme , et que les effets de ces programmes de formation soient évalués.

Indépendance du pouvoir judiciaire

39.Le Comité regrette la persistance d’un problème qu’il avait soulevé dans ses précédentes observations finales, à savoir l’influence du pouvoir politique sur la nomination des magistrats (art. 2 et 12).

40. L ’ État partie devrait garantir la pleine indépendance, l ’ impartialité et l ’ efficacité du pouvoir judiciaire, notamment en faisant en sorte que la nomination des juges se fasse conformément aux normes internationales pertinentes, y compris les Principes fondamentaux relatifs à l ’ indépendance de la magistrature.

Agressions contre des journalistes et des défenseurs des droits de l’homme

41.Le Comité est profondément préoccupé par les nombreuses informations concordantes selon lesquelles des journalistes et des défenseurs des droits de l’homme qui cherchent à exercer leur droit à la liberté d’association ou d’expression sont victimes d’agressions répétées, de harcèlement, d’actes d’intimidation et d’arrestations et de détentions arbitraires (art. 2, 12, 13 et 16).

42. Rappelant ses précédentes recommandations , le Comité demande instamment à l ’ État partie d ’ adopter et de mettre en œuvre une politique publique de protection des journalistes et des défenseurs des droits de l ’ homme qui soit l ’ aboutissement d ’ un processus participatif, et d ’ analyser plus en profondeur les causes de la violence sans précédent dont ces groupes sont la cible, en vue de garantir que les journalistes et les défenseurs des droits de l ’ homme puissent exercer librement leurs activités dans l ’ État partie, sans crainte de représailles ou d ’ agressions.

Violence fondée sur le genre et violence domestique

43.Le Comité prend acte des efforts déployés par l’État partie pour codifier les droits des femmes et incriminer la violence fondée sur le genre dans son Code pénal. Il est préoccupé, toutefois, par le faible taux d’inculpation pour violence domestique et le fait que, malgré les dispositions législatives prévoyant la possibilité d’ordonner des mesures d’urgence, la majorité des victimes ne bénéficient pas de plans de protection individualisés (art. 2, 12 à 14 et 16). Il est également préoccupé par le nombre limité de foyers accueillant les victimes de violence domestique sur l’ensemble du territoire de l’État partie.

44. Le Comité rappelle ses précédentes observations finales et engage instamment l ’ État partie à veiller à ce que tous les cas de violence domestique et de violence fondée sur le genre donnent rapidement lieu à des enquêtes approfondies, à ce que les auteurs présumés des faits soient poursuivis et, s ’ ils sont reconnus coupables, dûment sanctionnés, et à ce que les victimes obtiennent réparation, notamment sous la forme d ’ une indemnisation suffisante et de moyens de réadaptation. En outre, il demande instamment à l ’ État partie de prévenir la violence, notamment en levant les obstacle s juridique s que rencontrent les femmes victimes de violence domestique afin qu ’ elles puissent demander immédiatement aux autorités d ’ ordonner des mesures de protection, notamment des mesures d ’ éloignement et, si elles le souhaitent , faire une demande en séparation de corps. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ augmenter le nombre de foyers spécialisés dans le pays et de veiller à ce que les personnes qui ont subi des violences fondées sur le genre puissent accéder à ces foyers et recevoir les soins médicaux, le soutien psychologique et l ’ aide juridique dont elles ont besoin.

Procédure de suivi

45. Le Comité demande à l ’ État partie de lui faire parvenir le 30 décembre 2022 au plus tard des renseignements sur la suite qu ’ il aura donnée à ses recommandations concernant la définition de la torture, l ’ institution nationale des droits de l ’ homme et l ’ impunité des actes de torture des mauvais traitements (voir par.  8, 12 et 20 a) ci ‑ dessus). L ’ État partie est aussi invité à informer le Comité des mesures qu ’ il prévoit de prendre pour mettre en œuvre, d ’ ici la soumission de son prochain rapport, tout ou partie des autres recommandations formulées dans les présentes observations finales.

Autres questions

46. L ’ État partie est invité à diffuser largement le rapport soumis au Comité ainsi que les présentes observations finales, dans les langues voulues, au moyen des sites Web officiels et par l ’ intermédiaire des médias et des organisations non gouvernementales, et à informer le Comité des activités menées à cette fin.

47. Le Comité prie l ’ État partie de soumettre son prochain rapport périodique, qui sera le quatrième, d ’ ici au 30 décembre 2025. À cette fin, et compte tenu du fait qu ’ il a accepté d ’ établir son rapport selon la procédure simplifiée, le Comité lui fera parvenir en temps utile une liste préalable de points à traiter. Les réponses de l ’ État partie à cette liste constitueront le quatrième rapport périodique qu ’ il soumettra en application de l ’ article 19 de la Convention.